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Facteurs de la consolidation osseuse L. Obert, A. Couesmes, J. Pauchot, P. Garbuio et Y. Tropet Service d’orthopédie, de traumatologie, de chirurgie plastique, reconstructrice et assistance main ; EA 4268 Innovation, Imagerie, Ingénierie et Intervention en santé « I4S » - IFR 133 Inserm, Pôle Innovation et Technique Chirurgicale, CHU Jean Minjoz, 2, boulevard Fleming 25030 Besançon ; Université de Franche Comté Pourquoi une fracture ne consoliderait pas ? Facteurs de risque de survenue d’une pseudarthrose Les mécanismes de la consolidation osseuse sont bien connus chez l’animal… et chez l’homme. Ils ont été parfaitement rappelés par Hannouche dans sa conférence d’enseignement [1]. Les comprendre et les connaître permettent de traiter avec pertinence une fracture, mais permettent sans doute de mieux réagir quand la fracture ne consolide pas. Si une fracture ne consolide pas, cest quil existe des facteurs locaux ou généraux, dans les deux cas biologiques ou mécaniques, où l’humain soigné ou soignant sera toujours impliqué, voire en cause dans le processus de non-consolidation. Facteurs locaux Louverture du foyer de fracture, une perte de substance osseuse existant avant ou créée par l’ostéosynthèse, une atteinte musculaire périfracturaire et/ou une perte de substance associée des parties molles, une atteinte nerveuse tronculaire régionale, la survenue de la fracture en terrain infecté ou irradié sont des facteurs classiques de non-consolidation [1]. Le principal facteur local reste la perte de substance osseuse postopératoire, dont les dimensions minimales pour décider d’un comblement restent à définir (perte de substance supérieure à 2 mm ? supérieure à la largeur d’une corticale dans un plan ?). Si cette perte de substance est supérieure à la largeur de la corticale, mais inférieure à la largeur de l’os, le comblement par de l’os spongieux tassé peut suffire ; si, en revanche, la perte de substance est supérieure à la largeur du segment osseux considéré, une autogreffe cortico-spongieuse est néces- saire. Elle devra être optimisée, si la perte de substance est supérieure à 5 cm : autogreffe cortico-spongieuse vascularisée avec sutures microchirurgicales ou technique de la membrane induite avec autogreffe spongieuse massive. Si on peut imaginer faire le même travail en cas de pseudarthrose, le concept biolo- gique d’épuisement local rend la démonstration plus complexe. D. L. Nen et al., Réparations tissulaires à la jambe © Springer-Verlag France, Paris, 2012

Réparations tissulaires à la jambe || Facteurs de la consolidation osseuse

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Page 1: Réparations tissulaires à la jambe || Facteurs de la consolidation osseuse

Facteurs de la consolidation osseuse

L. Obert, A. Couesmes, J. Pauchot, P. Garbuio et Y. Tropet

Service d’orthopédie, de traumatologie, de chirurgie plastique, reconstructrice et assistancemain ; EA 4268 Innovation, Imagerie, Ingénierie et Intervention en santé « I4S » - IFR 133Inserm, Pôle Innovation et Technique Chirurgicale, CHU Jean Minjoz, 2, boulevard Fleming25030 Besançon ; Université de Franche Comté

Pourquoi une fracture ne consoliderait pas ? Facteurs de risque desurvenue d’une pseudarthrose

Les mécanismes de la consolidation osseuse sont bien connus chezl’animal… et chez l’homme. Ils ont été parfaitement rappelés par Hannouchedans sa conférence d’enseignement [1]. Les comprendre et les connaîtrepermettent de traiter avec pertinence une fracture, mais permettent sansdoute de mieux réagir quand la fracture ne consolide pas. Si une fracture neconsolide pas, c’est qu’il existe des facteurs locaux ou généraux, dans les deuxcas biologiques ou mécaniques, où l’humain soigné ou soignant sera toujoursimpliqué, voire en cause dans le processus de non-consolidation.

Facteurs locaux

L’ouverture du foyer de fracture, une perte de substance osseuse existantavant ou créée par l’ostéosynthèse, une atteinte musculaire périfracturaireet/ou une perte de substance associée des parties molles, une atteinte nerveusetronculaire régionale, la survenue de la fracture en terrain infecté ou irradiésont des facteurs classiques de non-consolidation [1]. Le principal facteurlocal reste la perte de substance osseuse postopératoire, dont les dimensionsminimales pour décider d’un comblement restent à définir (perte desubstance supérieure à 2 mm ? supérieure à la largeur d’une corticale dans unplan ?). Si cette perte de substance est supérieure à la largeur de la corticale,mais inférieure à la largeur de l’os, le comblement par de l’os spongieux tassépeut suffire ; si, en revanche, la perte de substance est supérieure à la largeurdu segment osseux considéré, une autogreffe cortico-spongieuse est néces-saire. Elle devra être optimisée, si la perte de substance est supérieure à 5 cm :autogreffe cortico-spongieuse vascularisée avec sutures microchirurgicales outechnique de la membrane induite avec autogreffe spongieuse massive. Si onpeut imaginer faire le même travail en cas de pseudarthrose, le concept biolo-gique d’épuisement local rend la démonstration plus complexe.

D. L. Nen et al., Réparations tissulaires à la jambe© Springer-Verlag France, Paris, 2012

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Facteurs généraux

L’âge et l’ostéoporose restent des facteurs classiques de retard de consoli-dation : chez l’animal, l’augmentation de l’âge est responsable d’un périosteplus fibreux, d’un retard de survenue des phases d’ostéogenèse, d’une dimi-nution de l’angiogenèse et de la différenciation cellulaire au sein du cal [1] ;chez l’humain, la fréquence des fractures augmente avec l’âge, mais les consé-quences de l’âge sur la consolidation osseuse sont mal élucidées [2]. S’il y aplus de complications post-fracturaires (locales ou générales) chez les patientsâgés ou ostéoporotiques, quelles sont les parts de l’âge et de la fragilité osseusedans la survenue de ces complications mécaniques ? Est-ce une conséquencephysique (fragilité osseuse, tenue mécanique moindre des implants, résultatde l’ostéoporose) ou une conséquence biologique (appauvrissement de lamoelle osseuse en cellules souches mésenchymateuses, diminution du poten-tiel ostéogénique lié à l’âge) ?

Rôle de l’âge

Le potentiel et la vitesse de consolidation d’os longs ou d’os plats sont plusimportants chez des organismes en croissance [3]. En effet, chez l’organismeimmature, le périoste plus épais, plus riche en cellules souches et mieux vascu-larisé peut expliquer cette différence. Chez l’animal, Meyer a trouvé cettenotion : sur un modèle de fracture d’os long chez le rat, les plus jeunes indi-vidus consolidaient plus vite que les plus vieux [4]. Cependant, il existe peude travaux chez l’homme qui ait prouvé une consolidation plus lente chez lapersonne âgée.

Rôle de l’ostéoporose

En cas d’ostéoporose, les modifications dans le cycle de remodelage et ladiminution de la sensibilité des ostéoblastes aux sollicitations cycliques chezl’homme [5] peuvent être responsables de l’augmentation du délai de conso-lidation [6]. À l’inverse, le chirurgien qui traite beaucoup de pseudarthrosesdes os long a peu de vieillards dans sa consultation…

Diabète

Il est significativement associé chez l’animal et chez l’homme à des taux depseudarthrose : diminution de l’expression du PDGF dans les plaquettes desdiabétiques, avec diminution de moitié de la prolifération cellulaire au sein ducal. Les conséquences du diabète sur la consolidation osseuse seraient réver-sibles si la glycémie pouvait être contrôlée tout au long de la consolidation.Hannouche rappelle que, sur ce terrain, des injections locales d’insuline ou dePDGF ont un intérêt [1].

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Déficits ou carences sévères en vitamines

Les déficits ou carences sévères en vitamines C, D et en calcium, l’hypo-thyroïdie, les malnutritions majeures, certaines ostéomalacies, etc. peuventretentir sur la consolidation.

Médicaments

Les médicaments comme les AINS sont connus pour diminuer la survenued’ossifications périarticulaires, mais ils diminuent aussi les capacités deconsolidation [7]. Les AINS réduisent la production de PGE2 (en bloquant lacyclo-oxygénase) et diminuent au niveau du site fracturaire la production deBMP2 et de BMP7 [8].Les antimitotiques, les corticoïdes, certains antibiotiques (ciprofloxacine,rifampicine, gentamycine locale) peuvent diminuer la consolidation osseuse[9].

Comment faire consolider une fracture qui ne consolide pas… ?

Aacteurs humains et biologiques de la consolidation osseuse

Tout comme certains médicaments peuvent ralentir la consolidationosseuse, certains autres peuvent l’améliorer ; ils ne sont pas encore prescritspour cela ; leur action à l’échelle cellulaire, démontrée sur modèles animaux,n’a pas été extrapolée pour améliorer la consolidation ou la fixation osseusechez l’homme. Ces médicaments sont le propanolol, les statines, les biphos-phonates [1]. En cas de non-consolidation osseuse, le projet thérapeutique doit être biencompris par le patient, dont les exigences, la compréhension et la compliancesont très variables. Ce projet doit être vulgarisé par le chirurgien, qui doit, plusque des explications, avoir des résultats grâce à sa technique, sa philosophie etses principes opératoires. En dehors de ces acteurs humains, il existe troisacteurs biologiques de la consolidation osseuse : – d’abord des facteurs de croissance (interleukines, protéines) ; – ensuite des cellules (capables de se différencier en cellules osseuses et en

cellules endothéliales après fixation des facteurs de croissance sur des récep-teurs spécifiques) ;

– enfin une matrice qui servira par la suite à supporter l’os qui se formera [10,11].

Le chirurgien, qui n’a pas accès à cette étape cellulaire, va contribuer pour sapart à l’obtention de la consolidation en assurant une fixation stable et enpermettant une « stimulation osseuse » ne détruisant pas le tissu formé aucours de la consolidation. En cas de perte de substance osseuse, l’autogreffe, solution classique en cas denon-consolidation osseuse, apporte ces trois acteurs biologiques essentiels et

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peut suffire dans les pertes de substance osseuse inférieures à 3 cm. Au-delà,l’autogreffe cortico-spongieuse libre ne permettra pas d’obtenir la consolida-tion. Ainsi, au cours du temps, plusieurs auteurs ont optimisé ces autogreffesen proposant des greffes osseuses vascularisées. Le principal avantage de cetteautogreffe est l’apport des trois acteurs biologiques cités plus haut, impos-sibles à quantifier mais « en équilibre ».

Plus récemment, Masquelet [12] a proposé une optimisation de l’autogreffeavec la technique de la membrane induite, technique en deux temps, nonmicrochirurgicale. Cette technique permet de résoudre des situations difficilesde pseudarthrose septique avec pertes de substance osseuse importantes(jusqu’à 35 cm), où l’amputation est parfois la dernière solution et où la pour-suite des gestes microchirurgicaux sur un membre avec un axe artériel uniqueserait risquée. Cette technique permet de créer une membrane à corpsétranger en réalisant une chambre d’induction osseuse, la membrane induite,sécrétant des facteurs de croissance [13, 14].

L’allogreffe a pour sa part montré ses limites dans ces situations extrêmes avecune colonisation difficile à évaluer. Cependant, l’autogreffe iliaque pour despetites pertes de substance ou lors de son prélèvement pour le 2e temps de latechnique de Masquelet, prélevée au niveau des parties antérieures des crêtesiliaques, n’est pas exempte de complications, avec 30 % de morbidité observéeselon les travaux [15].

Ainsi, traiter une pseudarthrose avec perte de substance osseuse est synonyme« d’unité de lieu » (illustrée par la technique de Masquelet et nécessitant laprésence des trois acteurs biologiques dans un espace clos et stable), « d’unitéde temps » (la durée moyenne de consolidation se compte en trimestres ou enannées, jamais en semaines…) et « d’unité de personne » (le chirurgien et lepatient doivent être en confiance et avoir compris les impératifs respectifs dechacun).

Comment extrapoler les données expérimentales et cliniques à la pratiquequotidienne ? Comment le chirurgien confronté à une pseudarthrose peut-ilintégrer les données publiées et les appliquer à un patient ?

La stabilité : de la fixation osseuse et des stimulations par ondes aux

substituts osseux

Les habitudes opératoires ont évolué au cours du temps. Les Écoles et leurscroisades se sont essoufflées. La fixation chez l’adulte porteur d’une pseudar-throse d’un os long doit probablement être rigide, et il n’est plus questiond’opposer le clou à la plaque. Il faudra parfois les associer en cas de perte desubstance osseuse importante sur une diaphyse portante.

En revanche, l’évolution des implants (structure et matériau) [16] a permisd’offrir aux patients une plus grande autonomie, malgré la complexité dugeste chirurgical.

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Depuis longtemps, le rôle et l’effet de l’appui sont connus comme favorisantune repousse osseuse. L’orthopédiste ne maîtrise pourtant pas encore queltype de stimulation clinique va ou non entraîner une stimulation osseuse. Parailleurs, le patient est plus souvent seul avec sa vie qu’escorté par son chirur-gien et ses consignes. Cependant, il a été démontré qu’un stimulus mécaniqueà l’échelle cellulaire ostéoblastique entraîne une synthèse calcique par celui-ci.Aujourd’hui, l’utilisation des stimulations par ondes électromagnétiques oupar ultrasons semble montrer des effets sur la consolidation osseuse. Làencore, la compliance du patient est nécessaire, les cas publiés nécessitenttoujours une fixation stable et ces stimulations ne sont théoriquement pasindiquées en cas de perte de substance osseuse supérieure à 5 mm.L’évaluation de ces techniques de stimulation osseuse grâce aux ondes gagne-rait à une plus grande rigueur méthodologique. Concernant les substitutsosseux, ils constituent le domaine de l’orthobiologie le plus en expansion. Iln’est cependant pas toujours facile d’extrapoler au patient les résultatsobtenus in vitro avec des céramiques biphasées. Récemment, Chouteau aévoqué le caractère crucial des interconnections et du diamètre optimal descanalicules interconnectées [17] au sein de ces céramiques poreuses. Cessubstituts osseux ne sont jusque-là considérés que comme ostéoconducteurs.Pour les rendre ostéo-inducteurs, il faut qu’ils puissent être équipés de celluleset/ou de facteurs de croissance. Philippe Rosset revient dans cet ouvrage surles cellules souches mésenchymateuses, Gilles Pasquier rappelle les contro-verses concernant les BMP : nous ne présenterons donc que la place des BMPdans les pseudarthroses des os longs.

Protéines inductrices osseuses : bone morphogenetic protein (BMP)

Effets in vitro

Les BMP appartiennent à la superfamille des TGF bêta. Les BMP humaines2 et 4 ont été clonées pour la première fois en 1988. Ce sont les seuls facteursostéo-inducteurs connus parmi les facteurs de croissance utilisables et utiliséschez l’homme en 2009 [1, 18, 19]. Aujourd’hui, plus de 20 BMP ont été iden-tifiées. Les BMP 2, 4, 6, 7 et 9 ont montré des capacités d’induction osseuse[20, 21]. In vitro, les BMP augmentent la différenciation des cellules souchesmésenchymateuses (CSM) en ostéoblastes [11]. Les BMP peuvent induire laformation d’os à partir de CSM indifférenciés, mais aussi à partir de fibro-blastes et de myoblastes [10]. Seules les BMP2 (Inductos®) et BMP7(Osigraft®) sont commercialisées et donc utilisables en clinique, en France.Elles sont maintenant remboursées dans le cadre de leurs indications respec-tives (BMP2 et fractures ouvertes de jambe, BMP7 et pseudarthrose résistantedu tibia). La BMP2 agit plus en amont que la BMP7 sur la différenciationcellulaire. La BMP2 a une action sur le recrutement cellulaire global (J+1 à 3),tandis que la BMP7 agit sur la différenciation osseuse (J+2 à 5) [22]. La BMP2

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induit ou augmente l’expression des marqueurs du phénotype ostéoblastiqueen culture de cellules multipotentes (cellules stromales, fibroblastes,myoblastes). La BMP2 induit la différenciation des précurseurs ostéoblas-tiques en cellules plus matures (ostéoblastes), mais aussi en inhibant la diffé-renciation vers la voie musculaire [23]. Par ailleurs, les ostéoblastes les moinsdifférenciés, présents au sein de groupes cellulaires dérivant de la moelleosseuse, répondraient mieux à la BMP2 [24]. À l’état naturel, il existerait 1 à2 microgrammes de BMP par kilogramme d’os cortical [25]. On ne pourraitextraire que 0,1 μg de BMP par kilogramme d’os [26]. L’action des BMP estdose dépendante. L’initiation de la différenciation vers la lignée ostéoblastiqueest maximale quand les concentrations de BMP atteignent 1 à 10 nmol/L [27].La BMP2 à 1,5 μg/mL stimule les ostéoblastes en culture (augmentation del’activité phosphatase alcaline), mais pas en contact direct avec les biomaté-riaux [28]. In vitro, seulement 2 μg de BMP2, associés à du collagène et del’hydroxyapatite, induisent de l’os dans les pores profonds [29]. Oda a montréchez le rat que la BMP2 associée à un support de bêta TCP en sous-cutanéinduisait une formation d’os avec des doses de 50 μg, mais pas avec des dosesde 2 μg [30]. Deux types de support sont nécessaires pour la reconstitutionosseuse en cas d’utilisation de BMP permettant son relargage idéal et consti-tuant un support pour le futur os néoformé [22, 31-38].

Échecs de l’utilisation des BMP

Il existe plusieurs publications où l’utilisation de BMP et de support n’en-traîne pas la formation d’os. Glass ne trouve aucune formation d’os lors d’uti-lisation de BMP sur un support d’hydroxyapatite en ectopique chez le rat(dose et volume ?) [39]. Jeppsson a montré que la BMP2 inhibait la formationd’os quand on l’ajoutait à une éponge de collagène dans des chambres detitane chez le lapin [40]. Aspenberg a publié l’absence de formation d’os lorsd’utilisation de BMP sur un support [41]. La notice de la BMP2 commercia-lisée en France (Inductos®) rappelle la possibilité d’une résorption osseuse encas d’utilisation en site métaphysaire. L’expérience clinique actuelle va dans lesens d’effets inégaux en cas d’utilisation avec une quantité importante d’osspongieux.

Efficacité des BMP chez l’animal

De nombreuses études animales ont montré l’efficacité des BMP dans l’ap-parition d’une ossification dans les pertes de substance osseuse, tant en situa-tion ectopique que lors de réalisation de pertes de substance au niveau des osplats (crâne) ou des os longs des animaux [42]. Toutes ces expériencesanimales montrent que l’effet est dose dépendant et qu’il existe une variabilitédans la réponse et dans l’importance de la reconstruction osseuse selon les

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espèces [42, 43]. Chen a rapporté le comblement d’une perte de substanceosseuse fémorale chez le rat avec l’utilisation de BMP en milieu septique [44].

Les BMP sont-elles sûres ?

De nombreux tissus sains ou malins possèdent des récepteurs aux BMP[45]. Les travaux cliniques récents de Capanna confirment les études déjàpubliées quant à l’absence d’apparition tumorale [46]. Chiron rappelle que,par ailleurs, ces BMP sont en mesure d’inhiber un certain nombre de tumeurs(sein, rein, poumon) [18]. En ce qui concerne le lien entre tumeurs et BMP, ilest possible à ce jour d’écrire deux faits : – Il n’y a pas de cas publié rapportant la survenue d’une tumeur dans les

suites de l’utilisation d’une BMP en reconstruction des os longs (l’existenced’une tumeur présente ou passée chez un patient doit d’ailleurs faire contre-indiquer l’utilisation de BMP).

– Il existe une littérature fondamentale abondante concernant les liens entreBMP et cancer, aussi bien dans le sens de l’inhibition tumorale [47], commedans le sens de la promotion [48]. Comment pourrait-il en être autrementdans la mesure où les BMP sont des facteurs de croissance ubiquitaire ?

Il existe en revanche des effets secondaires mineurs comme des maux de tête,une augmentation de l’amylasémie sans pancréatite, une diminution dumagnésium, des tachycardies rapportées avec la BMP2. Par ailleurs, il existe des effets paradoxaux au niveau osseux : Chiron a bienmontré l’apparition d’ostéolyse en zone métaphysaire en cas d’injection à ceniveau de BMP2 [18]. Ces effets paradoxaux ont des explications… encoreinconnues, mais il ne serait pas improbable que ces facteurs de croissancepuissent stimuler de la même façon les lignées ostéoclastiques [19]. Concernant les effets indésirables locaux (réactions inflammatoires, douleur),il n’est pas toujours facile de les rapporter aux BMP au vu des lésions (frac-tures ouvertes, pseudarthroses) et au vu de leur traitement (ostéosynthèse àciel ouvert avec ou sans greffe associée). Il existe logiquement la possibilitéd’ossifications ou de calcifications ectopiques. L’apparition d’anticorps anti-BMP ou d’anticorps anticollagène a été décrite,mais chez moins de 5 % de la population.

Les BMP sont-elles efficaces chez l’homme ?

Geezing a bien montré, sur un modèle de perte de substance osseuse de lafibula chez l’humain, variant de 13 à 16 mm, qu’il était possible d’obtenir uncomblement de la perte de substance osseuse grâce à l’utilisation de demine-ralized bone matrix (DBM) ou de BMP7 [49]. Cet auteur a rapporté lacomparaison de quatre groupes de six patients ayant bénéficié d’une ostéo-tomie du tibia lors de laquelle une ostéotomie de la fibula était nécessaireselon la technique employée. Le groupe contrôle et le groupe de patients avec

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comblement de la perte de substance fibulaire par un support collagène n’ontmontré aucune consolidation. Les groupes avec adjonction de DBM ou deBMP7 ont montré une consolidation. Il n’existait qu’un cas avec de la BMP7où il n’existait pas de comblement osseux, mais chez un patient avec anticorpsantiBMP7. L’auteur posait la question d’une relation, car il n’est pas certainque la présence d’anticorps permette d’expliquer l’absence d’ossification.Cette étude randomisée est la première montrant un comblement osseuxdiaphysaire chez l’homme avec de la BMP en site cortical avec stabilité rela-tive, sans dévascularisation locorégionale.En fait, la vraie question est de savoir si les BMP utilisées en clinique sont effi-caces et permettent l’apparition d’os en cas de pseudarthrose. En effet, toutesles études animales, ou même l’étude humaine, ont montré l’ossification dansdes zones où la perte de substance était survenue en tissu sain non infecté, enterrain non tabagique et non multi-opéré. C’est toute la différence avec lespseudarthroses en clinique avec ou sans perte de substance osseuse.Concernant l’utilisation de DBM en clinique, il s’agit d’allogreffe qui conservele potentiel d’ostéo-induction, puisque les échantillons contiennent plusieurstypes de BMP. Cependant, l’âge des donneurs (souvent proche de 80 ans) etla grande variabilité des doses des différentes BMP contenues dans un mêmeéchantillon peuvent rendre l’analyse des résultats (bons ou mauvais) difficileet imprévisible [50].

Séries cliniques publiées (tableaux I et II)

Les travaux publiés sur les pseudarthroses avec utilisation de BMP restentencore limités et sont difficilement comparables. Deux types de travaux exis-tent.

1er groupe de travaux : les pseudarthroses avec ou sans perte de substanceosseuse résistante

Ce sont des séries où des cas isolés de pseudarthrose, surtout du tibia oudu fémur, non solutionnés par une ou deux opérations ; ce sont des cas avecune perte de substance osseuse importante ou bien des pseudarthroses serréeset des pertes de substance inférieures à 1 cm [51-54]. Mais souvent il est diffi-cile de séparer les cas avec perte de substance osseuse et ceux sans perte desubstance. Par ailleurs, il existe des cas où l’adjonction de BMP représente ladernière chance avant l’amputation. Il n’y a jamais de groupe contrôles. Il existe deux principales difficultés méthodologiques pour analyser cestravaux ; lors de la prise en charge thérapeutique, l’adjonction de BMP n’estpas isolée ; il est donc difficile d’accorder à la BMP la réussite éventuelle. Eneffet, bien souvent, un support est ajouté, de l’autogreffe ou de l’allogreffe. Parailleurs, il est très difficile, quand il n’existe pas de réelle perte de substanceosseuse, de savoir comment analyser l’évolution de la consolidation osseusegrâce à des radiographies. L’analyse par scanner aurait permis de lever le doute.

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Facteurs de la consolidation osseuse 109

Tableau I – Pseudarthroses des os longs traitées par BMP.

Auteur, année type d’étude et type de BMP

problème à régler

Nombre de cas Segment osseux

RésultatsTaux de consolidation

Conclusion

Johnson, 1992 Rétrospective BMP + allogreffe osseuse Pseudarthrose des os longsavec perte de substance

N = 25 pas de précisiondes cas

24/25 consolidations« efficacité de l’association BMP osallogénique dans les pseudarthrosesd’os longs »

Johnson, 1998BMP + allogreffe osseuse Pseudarthrose du fémur

N = 15 pseudarthroses atrophiques du fémur

« Association BMP et os allogénique permet de remplacer l’autogreffe et sacomorbidité dans les pseudarthrosesde fémur »

Friedlaender, 2001Étude prospective randomisée simple aveuglemulticentriqueBMP 7 versus autogreffePseudarthrose tibia

N = 124

Même taux de consolidation dans les2 groupes sans différence significativeen termes de consolidation par rapport à l’autogreffeGroupe BMP : plus de fumeurs, plusde pseudarthrose atrophique, diminution du taux d’infection pas decomplications site donneur

Giltaij, 2004BMP 7 Prospective ? Rétrospective ? Pseudarthroses diverses Apports variables degreffes

N = 113 (163 cas desituations diversespubliés dont 113 cas depseudarthroses)(35 fémurs, 32 tibias,12 humérus, 9 ulna + avant-bras etfibula, 8 clavicules, 6 scaphoïdes, 8 scaphoïdes tarsiens,3 pelvis)

85/113 cas ont été consolidés

Kujala, 2004BMP bovine pseudarthroses de l’ulna

N = 5 Pseudarthroses d’ulna(4 diaphyses, 1 olécrane)

5/5 consolidations« BMP comme traitement alternatifvoir supérieur à l’autogreffe dans le traitement des pseudarthroses de l’ulna »

Bong, 2005Étude prospective multicentriqueBMP 7Pseudarthrose d’humérus

N = 23 pseudarthroses de diaphyse huméraleadjonction de greffesvariées

100 % de consolidation« efficacité pour la consolidation despseudarthroses humérus »

Delloye, 2004 ProspectiveBMP 2 et 7 Pseudarthrose sur fractured’allogreffe ou jonctionallogreffe sur résectiontumorale

N = 6 (2 BMP2- 4 BMP7) Patients chimiothérapés ouradiothérapés 6

Aucun cas de consolidationBMP seule pas efficace sur ce terrainet dans ces conditions (résection largeemportant périoste et parties molles) mais non inductrice de tumeur aurecul de 39 mois (± 25)

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110 Réparations tissulaires à la jambe

Auteur, annéetype d’étude et type de BMP

problème à régler

Nombre de cas Segment osseux

Résultats Taux de consolidation

Conclusion

Dimitriou, 2005BMP7Pseudarthroses des oslongs

N = 26pseudarthroses des oslongs(8 fémurs, 10 tibias,3 humérus, 3 ulna, 1 rotule,1 clavicule)

24/26 consolidations« traitement sûr et efficace pour lespseudarthroses des os longs »

Zimmermann, 2006BMP7Pseudarthroses des oslongs

N = 23pseudarthroses os longs(7 fémurs, 12 tibias,2 humérus, 2 avant-bras)

22/23 consolidations« thérapie adjuvante innovante danstraitement des pseudarthroses des oslongs »

Auteur, année type d’étude et type de BMP

problème à régler

Nombre de cas Segment osseux

Résultats Taux de consolidation

Conclusion

Govender, 2002

Étude prospective

randomisée contrôlée

simple aveugle

BMP2

Fracture ouverte tibia

enclouée

N = 450

3 groupes selon doses

avec et sans alésage

Réduction de la fréquence des 2es

interventions

Accélère la consolidation de la

fracture et cicatrisation des parties

molles

Réduction du sepsis

Pas d’effet indésirable

Jones 2006

Étude prospective

randomisée

BMP 2 + allogreffe

Fractures de tibia avec

perte de substance en

comparaison à l’autogreffe

N = 30

Fractures diaphyse

tibiale avec perte de

substance

10/15 pour autogreffe

13/15 pour allogreffe + BMP

pas de différence significative

moins de comorbidité avec BMP et

allogreffe

Tableau II – Fracture fraîches avec ou sans perte de substance.

Dans tous ces cas rapportés, difficiles à comparer, les auteurs insistent surplusieurs points clés : une fixation stable et une couverture des parties mollessont nécessaires ; la BMP était toujours associée avec le support osseux ousynthétique; le support avec la BMP était toujours intercalé dans la zone derésection de la pseudarthrose. Chiron a rapporté l’expérience lilloise de cascompassionnels, multi-opérés, où l’adjonction de BMP a permis d’obtenirune consolidation rapide (6 mois) [18]. Tous les travaux publiés sur la pseu-darthrose ont été réalisés avec la BMP7 ; il n’y a pas encore de publicationschez l’homme concernant la BMP2 et la pseudarthrose. L’adjonction de BMPà une autogreffe spongieuse importante est en cours d’évaluation.

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2e groupe de travaux : deux études comparatives randomisées

L’une concerne les fractures de jambe ouvertes avec adjonction de BMP2[55] et l’autre concerne les pseudarthroses du tibia traitées par BMP7 [56]. Ence qui concerne l’étude des fractures, un sous-groupe avec utilisation deBMP2 obtenait les mêmes résultats qu’avec alésage de la fracture. En ce quiconcerne l’étude des pseudarthroses comparant autogreffe et BMP7, le groupeBMP présentait des critères péjoratifs (plus de perte de substance, plus depatients tabagiques) mais n’avait pas de meilleurs résultats que l’autogreffe. Sices deux études ne montrent pas de supériorité, elles montrent une capacitédes BMP à égaler l’autogreffe et, surtout, dans les groupes BMP de ces deuxétudes, il existait significativement moins de sepsis postopératoire.

Notre expérience : appariement de cas de pseudarthrose traités avec et

sans BMP7 (Osigraft®) [57-59] (tableau III)

Nous avons évalué de façon prospective les cas de pseudarthroses opérésdans l’équipe avec adjonction de BMP7 (Osigraft®). Le critère d’inclusionétait une pseudarthrose des os longs, évoluant au moins depuis plus de 9 mois,ne consolidant pas après une première cure (alésage itératif, greffe osseuse).Tous les patients ont été revus au plus grand recul par un évaluateur indépen-dant. La consolidation « clinique » a été définie par l’absence de douleur surle membre où siégeait la pseudarthrose, avec absence de mobilité ou dedouleur provoquée lors de la mobilisation du foyer. La consolidation « radio-logique » a été définie par l’existence d’une continuité de deux corticales danschaque plan et dans deux plans orthogonaux obtenus par examen radiogra-phique ou par examen scannographique, si les radiographies ne permettaientpas d’être certain. Chaque cas de pseudarthrose inclus a été rétrospectivementapparié avec une pseudarthrose du même os, de la même tranche d’âge, avecune perte de substance de la même importance, avec un sepsis ou non. Ainsi,ont été incluses : 2 pseudarthroses de l’humérus, aseptiques, sans perte desubstance, dans une tranche d’âge de 30 - 40 ans, ostéosynthésées initialementpar plaque ; 2 pseudarthroses aseptiques du fémur, sans perte de substance,dans une tranche d’âge de 20 - 30 ans, ostéosynthésées initialement par clou ;2 pseudarthroses septiques du tibia avec perte de substance d’au moins 30 %du segment jambier, dans une tranche d’âge 40 - 50 ans, avec plusieurs typesd’ostéosynthèse ; 2 pseudarthroses aseptiques du tibia au niveau du tiersdistal, sans perte de substance, chez des patients de 20-30 ans.

Dans les cas traités et inclus dans ce travail, les tissus septiques ou nécrotiquesétaient réséqués, la reperméabilisation des canaux médullaires et la décortica-tion étaient réalisées dans tous les cas. La fixation lors de l’évaluation préopé-ratoire et peropératoire était modifiée si nécessaire, quitte à la reconsidérerdans son ensemble (ajout d’une deuxième plaque, ajout d’une plaque à unclou, ablation d’un clou et remplacement par une plaque, etc.). La greffe

Facteurs de la consolidation osseuse 111

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osseuse, inévitable en cas de perte de substance, était réalisée en fonction desconditions locales peropératoires. La mise en place de l’Osigraft® intervenaitdonc en dernier lieu, avant la fermeture, mélangé avec du sang ou de la moelleosseuse, afin d’obtenir un mélange sable humide, l’Osigraft® se présentantsous la forme d’une poudre. Cette consistance de sable humide, peu liquide,permettait sa mise en place, idéalement aux zones de contact entre os vivantet greffe. Si l’âge était similaire dans les deux groupes, la durée d’évolution dela pseudarthrose était plus longue dans le groupe sans Osigraft®, mais laconsommation de tabac était plus importante dans le groupe avec Osigraft®.Si le nombre de jours d’hospitalisation (40 jours), le nombre d’interventions(4 interventions) étaient similaires dans les deux groupes, les patients consul-taient moins dans le groupe avec Osigraft® (un tiers de consultation enmoins). La durée de consolidation était deux fois plus rapide dans le groupeavec Osigraft®. La durée d’arrêt de travail était deux fois moins longue dansce même groupe, mais seuls deux patients travaillaient dans le groupe sansOsigraft®. La technique de reconstruction selon la technique de Masquelet,avec ou sans utilisation d’Osigraft®, a, dans les deux cas, été suivie de l’arrêtdu sepsis. L’adjonction d’Osigraft® était suivie de la consolidation et de l’arrêtdes procédures, si la fixation était restée stable tout au long de la prise encharge, quitte à ce que celle-ci soit modifiée. Dans le cas de la pseudarthrosefémorale du groupe avec Osigraft®, il y a eu une erreur technique : l’adjonc-tion d’Osigraft a été suivie d’une autre intervention, car la fixation alorsinstable n’a pas été modifiée, avec 5 jours d’hospitalisation et 4 jours deconsultation en plus. L’erreur technique réside dans l’absence de reconsidéra-tion de l’ostéosynthèse. Ce travail est rétrospectif et s’expose aux critiques dece type d’étude. Les échantillons sont très petits. Il n’y a pas non plus de certi-tude sur le lieu idéal de mise en place de l’ostéo-inducteur en cas de perte desubstance osseuse (en contact avec les extrémités osseuses ? mélangé à la greffe

112 Réparations tissulaires à la jambe

Avec Osigraft® N = 4 Sans Osigraft® N = 4

Avant la cure de pseudarthrose

Âge (ans) 38 (30-42) 37,5 (26-49)

Tabac (paquets /année) 18,5 (12-26) 11 (10-18)

Délai de prise en charge (mois) 20,5 (9-33) 34 (9-64)

Après la cure de pseudarthrose

N jours hospitalisation 42 (4-141) 44,25 (9-114)

N jours consultation 12,75 (8-14) 18,75 (11-30)

N opération 4,25 (1-8) 4,5 (2-8)

Durée AT 14,75 (3-26) 34,5 (27-42)

Délai consolidation (mois) 24,5 (13-41) 47,75 (25-66)

Tableau III – Variables avant et après la cure de pseudarthrose.

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osseuse ?). Un autre problème est celui de l’évaluation de la consolidation, etnous avons dû utiliser le scanner qui affine l’analyse radiographique et n’estpas gêné par le matériel pour évaluer la continuité des corticales.Nous sommes aujourd’hui dans une logique de recours [58]. Cette attitudeavec suivi prospectif de tous les cas nous semble être un compromis éthiqueet raisonné (fig. 1). Nous réservons en effet l’utilisation des BMP :– à des patients déjà opérés une ou plusieurs fois d’une pseudarthrose (une

ou plusieurs greffes, un ou plusieurs abords avec modification de la fixation,chez un patient parfois indocile, fumeur ou non…) ;

– à des cas où la réintervention fait courir un risque fonctionnel ou vitalcertain et où l’utilisation de la BMP se fait sans attendre l’échec éventuel del’autogreffe (pseudarthrose de l’humérus avec paralysie radiale qui a récu-péré, ostéonécrose de hanche de faible stade où le forage est proposé,première intervention pour non-consolidation chez un patient à fort risqueanesthésique ou à fort risque de non-consolidation…).

Par ailleurs, il est nécessaire d’envisager des travaux pilotes dans des cas où lalittérature rapporte des taux élevés de pseudarthroses (fractures proximales del’humérus et consolidation des tubérosités en cas de prothèse ? échecs degreffe dans les pseudarthroses du scaphoïde chez le patient de moins de40 ans ?).

Fig. 1 – A. Patient de 67 ans présentant une pseudarthrose aseptique. Deux interventions depuisle traitement de la fracture initiale, fermée mais compliquée de paralysie radiale. Déjà greffé (auto+ allo), algodystrophie avec raideur des doigts, de l’épaule et du coude. À 17 mois de la fracture,paralysie résolutive, décision de reprise par voie postérieure avec 2 plaques, recoupe du foyer,reperméabilisation du fût diaphysaire par alésage, adjonction de BMP7 (Osigraft®). B. Aspectpostopératoire. Immobilisation par gilet orthopédique 6 semaines. Aspect à 6 mois (C) puis àconsolidation considérée comme acquise en 14 mois (D) avec récupération des mobilités.

Facteurs de la consolidation osseuse 113

A B C D

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Conclusion

Les orthopédistes ou les lecteurs pressés ont cru, un instant, avec l’arrivéesur le marché des inducteurs osseux, que le problème des pseudarthrosesdiaphysaires était réglé. En effet, ils ont extrapolé les études animales à leursfuturs patients. Mais bien souvent, les animaux présentent un os sain, ils ontrarement été multi-opérés et ils ne fument pas (pas encore !). Par ailleurs, leslecteurs n’ont pas regardé les délais de consolidation qui se comptent toujoursen mois. Et même sur les pertes de substance osseuse sur os sain, la consoli-dation est acquise en un an. Nous en arrivons aujourd’hui à imaginer que lapremière intervention pour pseudarthrose d’un os long puisse être la dernière.À ce jour et au vu de notre expérience des pseudarthroses résistantes (ayantéchoué au moins une fois à une autogreffe), l’utilisation de la BMP7 permetd’aboutir à la consolidation d’autant que la pseudarthrose est en zone corti-cale, la fixation est stable, la BMP est mise en place dans le fût et le patientdocile. Avec la possibilité d’utiliser des cellules ou des protéines inductrices, ilfaut prendre le temps d’analyser précisément les échecs et les consolidationsobtenues, en essayant de rendre sa responsabilité à chaque acteur de la conso-lidation osseuse. Il faut aussi respecter les principes connus, mais parfoisoubliés, de la prise en charge des pseudarthroses des os longs. La rigueur estplus que jamais nécessaire dans l’élaboration et l’évaluation de nos futurstravaux. Le GTEBO a été créé sous l’égide de la SOFCOT et dans le cadre dela SOFROT pour l’évaluation et le suivi des BMP en site osseux (Gtebo.com).

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