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REPERES: SYNTHESES N°43 L’accompagnement social et professionnel dans les structures d’insertion par l’activité économique

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R E P E R E S : S Y N T H E S E S N ° 4 3

L’accompagnement social et professionnel dans les structures d’insertion par l ’activité économique

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L’accompagnement social et professionnel dans les structures d’insertion par l ’activité économique Des réformes importantes ont modifié les rapports établis entre l’Etat et les structures conventionnées pour l’insertion par l’activité économique (IAE), qui mettent au cœur des conventions la notion d’accompagnement socio-professionnel. Dans ce contexte, le service Etudes Statistiques et Evaluation de la DIRECCTE a souhaité lancer une étude pour mieux comprendre la fonction d’accompagnement des salariés. L’objectif de cette étude est de caractériser les pratiques d’accompagnement socioprofessionnel dans le contexte particulier de l’IAE (Insertion par l’Activité Économique) et de connaître l’attitude des salariés face aux pratiques de cet accompagnement.

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L’accompagnement social dans l’IAE1 est apparu au début des années 1980, dans le sillage des politiques de la ville et des politiques de l’emploi. Face aux phénomènes d’exclusion, de délinquance, aux difficultés d’insertion professionnelle et sociale des jeunes, différents dispositifs ont été mis en place comme l’Insertion par l’Activité Économique, les politiques d’accès au logement, les missions locales et les PAIO2. Avec la mise en place de ces nouveaux dispositifs, de nouveaux métiers apparaissent : les éducateurs de rue, l’accompagnement social, les médiateurs dans les institutions (les transports en commun, la Caisse d’Allocations Familiales, etc.). La massification du problème de l’exclusion et les dispositifs qui l’accompagnent ont influencé l’évolution des modes d’intervention, des pratiques et des emplois créant un champ plus vaste, celui de l’intervention sociale remplaçant la notion de travail social. Jean-Noël Chopart définit l’intervention sociale comme «Toutes les activités rémunérées par des financements socialisés, s’exerçant dans un cadre organisé, qu’il soit public ou privé, et visant des personnes ou des publics en difficulté d’intégration sociale ou professionnelle dans une perspective d’aide, d’assistance, ou de contrôle, de médiation ou d’actions d’animation ou de coordination.» p 6.3 Dans un premier temps, l’étude porte sur la trajectoire des salariés en insertion, depuis leur scolarité jusqu’à leur embauche au sein d’une structure d’insertion. Leur trajectoire est faite d’abandons précoces de la scolarité, souvent de passage par l’apprentissage, de parcours professionnels où les contrats à durée déterminée précèdent les contrats à durée indéterminée et où les métiers se succèdent. Avec la massification du chômage, ces classes sociales ont connu une précarisation croissante et l’intervention sociale qui touchait certaines catégories de bénéficiaires de l’aide sociale s’est élargie aux personnes qui ont perdu leur emploi suite à des restructurations ou à des fermetures d’entreprise. Or les structures d’insertion par l’activité économique accueillent sans distinction ces deux types de public. L’intervention sociale n’a pas supplanté la solidarité familiale, malgré la fragilisation de celle-ci. La famille est présente quand il s’agit d’aider un proche dans la précarité ou quand il s’agit de renouer des liens avec un jeune qui a rompu avec elle. Dans un deuxième temps, l’étude porte sur la fonction d’accompagnateur socioprofessionnel. Cet accompagnement socioprofessionnel est d’abord un travail d’équipe. L’encadrement technique et la DRH y participent, bien que cette mission soit essentiellement exercée par les accompagnateurs socioprofessionnels. Bien que le travail administratif soit conséquent, c’est bien le face à face et l’entretien qui sont au cœur de cette fonction. Par l’entretien, l’accompagnateur socioprofessionnel va tenter de cerner les difficultés sociales et les compétences professionnelles du salarié en insertion. Dans l’entretien, l’accompagnateur socioprofessionnel va adopter une posture d’assistance, pour l’aider à résoudre des difficultés de l’ordre de la première nécessité, tenter de le motiver dans son travail et dans la construction de son projet professionnel, l’orienter vers des formations ou des métiers qui l’intéressent. L’intervention sociale et l’accompagnement professionnel des structures d’insertion par l’activité économique est une interaction avec les salariés qui en bénéficient. Les attitudes des salariés en insertion divergent en fonction de leur habitus et de l’aide qui leur est proposée et des exigences en matière de construction de projets. C’est dans cette relation d’aide que se crée un lien que l’on ne retrouve pas dans les entreprises dites «classiques».

1 C’est en 1987 qu’une loi officialise le statut d’association intermédiaire. C’est en 1988 que la loi de lutte contre les exclusions fixe le cadre légal d’intervention de l’IAE et l’inscrit dans le code du travail. 2 Les missions locales pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes (couramment appelées missions locales) sont en France des organismes chargés d’aider les jeunes de 16 à 25 ans à résoudre l’ensemble des problèmes que leur pose leur insertion sociale et professionnelle. Les missions locales ont fusionné depuis avec les PAIO (permanence d’accueil, d’information et d’orientation des jeunes de 16 à 25 ans). 3 Jean-Noël CHOPART p. 1-24, in «Les mutations du travail social. Dynamiques d’un champ professionnel», Sous la direction de Jean-Noël CHOPART, Éditions Dunnod, 2000, 299 pages.

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SOMMAIRE LE CHAMP DE L’ENQUÊTE 4

LA TRAJECTOIRE DES SALARIÉS EN INSERTION 4

LE PARCOURS SCOLAIRE 4

UN PASSAGE FRÉQUENT PAR L’APPRENTISSAGE 6

MODÈLE ‘’ PARENTAL TRADITIONNEL ‘’, " MODÈLE PARENTAL MODERNE ‘’, LA PLACE DU JEUNE DANS LA FAMILLE INFLUE

SUR SON ORIENTATION PROFESSIONNELLE 7

LA RECHERCHE D’EMPLOI 8

LE PARCOURS PROFESSIONNEL 11

TRAPPES À PAUVRETÉ, SOLIDARITÉ FAMILIALE ET INTERVENTION SOCIALE 15

LES DIFFICULTÉS FAMILIALES ET ÉCONOMIQUES ENTRETIENNENT LA PRÉCARITÉ 15

ILLUSTRATION DE LA DÉVIANCE : LES ADDICTIONS 16

SOLIDARITÉ FAMILIALE ET INTERVENTION SOCIALE 18

LES « NOUVEAUX PAUVRES » ET LES ANCIENNES CATÉGORIES DE BÉNÉFICIAIRES D’AIDE SOCIALE 21

LE TRAVAIL D’INSERTION, AIDE OU ACCOMPAGNEMENT 24

L’ACCOMPAGNEMENT SOCIOPROFESSIONNEL 24

UN TRAVAIL D’ÉQUIPE 25

LE VOLET SOCIAL DE L’ACCOMPAGNEMENT : UN TRAVAIL ADMINISTRATIF 26

LE VOLET PROFESSIONNEL DE L’ACCOMPAGNEMENT ET LE PARTENARIAT AVEC LES ENTREPRISES 28

L’ACCOMPAGNEMENT SOCIOPROFESSIONNEL : UN DIAGNOSTIC AU TRAVERS DES ENTRETIENS 29

L’ACCOMPAGNEMENT SOCIOPROFESSIONNEL : UNE RELATION D’AIDE 30

L’ACCOMPAGNEMENT PROFESSIONNEL : UN RÔLE D’ENTRAÎNEMENT 32

L’ACCOMPAGNEMENT PROFESSIONNEL : UN RÔLE D’ORIENTATION 33

LES ATTITUDES FACE A L’ACCOMPAGNEMENT SOCIO - PROFESSIONNEL 35

LE VOLONTAIRE 35

LE SOLLICITEUR 36

LE DÉBROUILLARD 37

UN COLLECTIF CONTRE LA PRÉCARITÉ 38

CONCLUSION 40

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LE CHAMP DE L’ENQUÊTE Cinq structures d’Insertion par l’Activité Économique4 ont fait l’objet de l’enquête. Cinq cadres de direction, deux responsables de ressources Humaines et huit accompagnateurs socioprofessionnels ont fait l’objet d’un entretien. Cet entretien semi-directif est centré sur les pratiques quotidiennes de l’accompagnement socioprofessionnel et le discours qui sous-tend ces pratiques. Vingt-cinq salariés en insertion ont été interviewés. Il s’agit d’une part de connaître leur parcours professionnel et de comprendre comment ils réagissent face aux difficultés qu’ils rencontrent dans la vie quotidienne ainsi que les ressources qu’ils mobilisent pour trouver des solutions et d’autre part de comprendre leur attitude face aux pratiques de l’accompagnement socioprofessionnel.

LA TRAJECTOIRE 5 DES SALARIÉS EN INSERTION

Selon la définition proposée par Olivier Schwartz 6 , les salariés en insertion qui ont été interviewés appartiennent aux classes populaires, certains font partie des franges les plus défavorisées. Leur père est agriculteur, cuisinier, ouvrier du bâtiment... leur mère femme au foyer, aide-soignante, assistante maternelle... Eux-mêmes sont peintre en bâtiment, vendeur, technicien de surface. Dans les structures d’insertion par l’activité économique, ils exercent les métiers de techniciens de surface, déménageur, cariste et gestionnaire de stocks, d’aide menuisier… Les classes populaires se caractérisent par une position de dominés dans la sphère économique et sociale, et au-delà de la détention d’un bas niveau de capital monétaire, par des modes de vie et des manières d’être qui leur sont propres. Cette position dominée dans la sphère économique se traduit par une certaine vulnérabilité des conditions d’existence (ces personnes sont davantage exposées au manque de ressources ou à la fragilité économique). Cette position dominée se traduit aussi par une « condition globale de dépossession sociale »7, par une relégation des individus sur des territoires, des métiers, des statuts, une soumission au destin, une fermeture des possibles.8 Peu de salariés en insertion sont issus des classes moyennes ou ont fait des études supérieures.

Le parcours scolaire9 A la question relative à leur vécu à l‘école, les personnes répondent que « ça s’est bien passé à l’école » mais qu’à l’adolescence, elles ont souhaité travailler. Généralement, la rupture précoce du parcours scolaire n’est pas perçue comme une exclusion mais comme un choix pour le monde du travail en opposition à l’institution scolaire, qui ne serait pas adaptée à leur façon d’être. Certaines personnes motivent ce choix par un manque d’attention, de l’ennui.

4 Les structures d’insertion par l’activité économique accueillent des personnes particulièrement éloignées de l'emploi, notamment, des chômeurs de longue durée, des personnes bénéficiaires des minimas sociaux (RSA...), des jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté, des travailleurs reconnus handicapés. 5 La trajectoire étudiée met en avant les déterminismes sociaux tels que BOURDIEU et PASSERON l’ont développée dans leur ouvrage. La trajectoire renvoie à des séquences dans une vie où chaque séquence est la cause d’une autre séquence, dans une approche continue du temps. « La reproduction, éléments pour une théorie du système d’enseignement», in « Séminaire Trajectoires, parcours professionnels», 16 Décembre 2011, GREMTOS Axe B 1. 6 Olivier SCHWARTZ « Peut-on parler des classes populaires ?», La vie des idées.fr, 11 septembre 2011, 49 pages. 7 Olivier SCHWARTZ «Peut-on parler des classes populaires ?», op.cit. p.18. 8 Richard HOGGART «La culture du pauvre, étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre», Les Editions de Minuit, 1970, 420 pages. 9 Contrairement à la trajectoire qui privilégie les déterminismes sociaux, le parcours met en avant les séquences qui reflètent des changements forts et radicaux choisis ou subis que l’acteur gère sans autre forme de déterminisme en fonction de contextes (travail, famille, logement, vie associative, etc....), «Séminaire Trajectoires, parcours professionnels», 16 Décembre 2011, GREMTOS Axe B 1.

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« Le cycle scolaire ne me convenait pas, je faisais partie de ces gens qui avaient le cerveau mais pas de patience, je faisais partie de ces gens qui s’ennuyaient à l’école. » Femme de 41 ans, technicienne de maintenance, électroménager, son et multimédia. « Il faut que je bouge, il fallait que je sois à l’extérieur, que je ne sois pas entre quatre murs. » Homme de 50 ans, vendeur.

D’autres mettent en cause les pratiques de l’enseignement, les savoirs dispensés, les enseignants. « J’avais un problème avec la discipline, depuis tout petit, je n’ai jamais aimé l’école, Ce qu’on

enseigne, comment on enseigne, je n’ai jamais trouvé cela intéressant. Certains moments, quand j’allais à l’école, en histoire par exemple, ça m’intéressait, je suivais, j’avais de bons résultats. Mais sinon, je n’ai pas accroché à l’école. Je ne suis pas tombé sur des enseignants qui m’ont fait aimer l’école.» Homme de 23 ans, installateur sanitaire.

«Ce qui m’embêtait à l’école, c’étaient surtout les maîtres.» Homme de 54 ans, peintre en bâtiment. « Voilà, on dit que c’est l’âge bête. A cet âge-là, le jeune veut avoir de l’argent, il voit les amis, il veut

sortir, aller au restaurant. Et moi, je dis à mon père : « papa écoute, je veux arrêter l’école, je veux travailler », et là, j’ai quitté l’école et j’ai travaillé jusqu’à l’an dernier.» Homme, 30 ans, soudeur.

L’ennui, le manque d’attention, le manque d’intérêt, le fonctionnement du système scolaire, disposer d’argent, travailler sont autant de raisons qui expliquent le choix de quitter l’école dès que l’obligation scolaire ne s’impose plus. Ce sont les raisons qu’invoquent les personnes interviewées pour expliquer l’abandon précoce de leur scolarité. Les comportements (le manque d’attention, l’ennui) qu’ont ces personnes en milieu scolaire sont souvent le fait des difficultés d’apprentissage scolaire. Les questions relatives à l’illettrisme ont été abandonnées au vu des déclarations des salariés en insertion. La question de l’auto-évaluation pose des difficultés ; les rares personnes (de nationalité française) à avoir répondu ont toutes dit qu’elles ne rencontraient pas de difficultés avec les savoirs de base. Nous avons toutefois constaté qu’elles étaient plus à l’aise à l’oral qu’à l’écrit, et les difficultés avec les formes académiques d’expression apparaissent dans les réponses aux questions de présentation introductives à l’entretien. C’est la raison pour laquelle nous avons préféré compléter nous-mêmes les questions relatives à leur identité dans les questionnaires qui leur ont été proposés en complément des entretiens10. Une des personnes interviewées n’a jamais fréquenté l’école. Pour les auteurs de l’ouvrage « Ruptures scolaires, l’école à l’épreuve de la question sociale » 11, il faut prendre en considération plusieurs dimensions qui sont interdépendantes pour comprendre les parcours de ruptures scolaires. Les difficultés cognitives et d’apprentissage scolaire des jeunes issus le plus souvent des franges les plus dominées et les plus défavorisées des classes populaires, les formes de socialisation que mettent en œuvre les parents, la situation économique dégradée des familles, l’isolement social dans lequel elles vivent, les ruptures familiales, la sélection de l’institution scolaire, les sociabilités juvéniles, le cercle des pairs sont autant de conditions qui favorisent les ruptures scolaires.12 Ces facteurs transparaissent dans les discours des personnes interviewées sur leur parcours scolaire.

« Du fait que je n’ai pas eu de père derrière et que ma mère était rarement là. Je n’ai pas eu de (…). J’ai quitté l’école, je suis partie en apprentissage à 16 ans. Je me suis retrouvée enceinte à 17, donc je n’ai pas pu passer mon CAP et puis l’avenir voulait que je fasse une formation un peu plus tard.

10 cf. annexe 3. 11 Mathias MILLET et Daniel THIN in « Ruptures scolaires, l’école à l’épreuve de la question sociale » PUF, 2005, 318 pages. 12 Les ruptures scolaires est une notion que les auteurs préfèrent à celle de déscolarisation. La sortie précoce des jeunes de l’institution scolaire est de même nature que les absences et la désobéissance des jeunes ou la scolarisation des jeunes dans des dispositifs spécialisés, comme les classes relais ou les instituts médico éducatifs.

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Ma maman en fait, a eu beaucoup de mal avec moi, elle n’avait aucune autorité, elle a vite perdu son autorité. Je ne l’ai jamais frappée, ce n’est pas mon genre. J’étais en famille nourricière toute ma vie 7, 24,24. Il y eu un petit clash, j’avais beaucoup de respect pour elle, mais voilà elle a perdu son autorité, rapidement, je faisais ce que je voulais. J’ai le sens de l’observation, je vois les choses, je me suis rendu compte à un moment que j’ai eu besoin de tout ça mais (...).» Femme, 41 ans, technicienne de maintenance en électroménager, son et multimédia.

Les plus jeunes comme les plus âgés disent avoir fait ce choix seuls. Dans la plupart des cas, les parents prennent en compte la décision de leur enfant de mettre fin à leur scolarité. La plupart des parents incite leur enfant à s’engager dans l’apprentissage. Certains parents acceptent l’idée que le jeune quitte le collège ou le lycée sans diplôme et sans apprentissage. Peu évoquent des conflits ou les discussions qu’elles ont pu avoir avec leurs parents au sujet de leur décision ; certains éléments laissent à penser que des conflits ou tout au moins des discussions ont pu émerger autour de cette question. Dans les récits des interviewés, il apparaît toutefois que les parents sont souvent aussi peu dotés scolairement et culturellement, et leurs arguments sont pauvres face à la volonté du jeune de quitter l’école.

Q : comment s’est passé votre scolarité ? R : « ben, j’ai fait de la primaire à la troisième et ça s’est bien passé et c’est juste qu’à la troisième, je ne voulais plus aller à l’école, je voulais travailler, alors j’ai arrêté, j’ai été jusqu’en troisième et après j’ai arrêté, j’ai cherché du travail et j’ai fait des formations.» Q : quand vous avez arrêté l’école, quelle a été la réaction de vos parents ? R : « ben, mes parents, j’en ai parlé avec eux avant de le faire. Mes parents, ils étaient d’accord, ils savaient qu’au lycée, je n’arriverai pas et que ça ne me motiverait pas et que je ne voulais pas continuer pour rien. Et voilà, ils m’ont dit oui, on est derrière toi, ils m’ont aidé un peu. Ce sont eux qui m’ont parlé que l’AFPA faisait des formations, des trucs comme çà, vu que mon père avait fait une formation là-bas, ma mère aussi. Alors, ils savaient à peu près. J’ai un peu suivi le conseil des parents quoi.» Homme, 23 ans, magasinier.

Q : vous étiez donc à l’école jusqu’en 1ère ? R : « oui, après j’ai arrêté, c’est un âge, qu’on dit difficile. À 17 ans, 18 ans, c’est un âge, c’est un bel âge mais un âge, qu’on dit bizarre ». Q : comment vos parents ont-ils réagi ? R : « Après deux ans, il (le père) a accepté. Maman m’a dit : « fais comme tu veux parce que c’est à toi de choisir.» Ma mère, elle ne presse pas les enfants, ce n’est pas comme mon père, l’école, il pousse plus que la maman. La maman, on dit qu’elle est différente, même pour tout, ma mère m’a dit : « l’’école, c’est toi qui choisis. C’est important t’as fait l’école obligatoire, après si tu veux faire le baccalauréat, si tu veux faire comme ton frère, tu fais. C’est toi qui choisis.»» Homme, 30 ans, soudeur.

L’apprentissage est souvent la voie qui est choisie par les salariés interviewés lorsqu’ils décident d’abandonner les études. Rares sont les parents qui contestent ce choix.

Un passage fréquent par l’apprentissage L’abandon de la scolarité a amené la majorité des salariés interviewés à opter pour l’apprentissage. Et lorsque ces personnes abandonnent l’apprentissage, ou qu’elles échouent aux examens, les mêmes raisons sont invoquées que celles données pour l’abandon de la scolarité, à savoir les difficultés d’apprentissage scolaire. Q : Qu’avez-vous fait après votre scolarité ?

R : « J’ai travaillé, j’ai fait un apprentissage, j’ai arrêté l’apprentissage après un an.» Q : quand avez –vous commencé l’apprentissage ?

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R : « je l’ai commencé à 15 ans. » Q :, comment se déroulait votre apprentissage ? R : « une partie chez l’employeur et une partie au CFA. » Q : comment s’est passé votre apprentissage ? R : « après un an, j’ai arrêté le CFA. » Q : pourquoi ? R : « non, ça ne me plaisait pas, je voulais travailler, aller une fois par semaine au CFA, à l’école, ce n’était pas ça. » Q : la partie pratique vous convenait-elle ? R : « oui, oui, chez l’employeur, la partie pratique, c’était bien. La partie théorique me plaisait moins.» Homme de 54 ans, peintre en bâtiment.

Nous retrouvons les mêmes causes dans l’abandon de l’apprentissage, à savoir les difficultés à s’adapter à l’institution scolaire.

Modèle «parental traditionnel», «modèle parental moderne», la place du jeune dans la famille influe sur son orientation professionnelle

En ce qui concerne le choix du métier, nous constatons des différences dans les comportements familiaux selon les générations et l’origine sociale des personnes. Dans le « modèle parental traditionnel » 13, une fois la décision prise de quitter l’école, ce sont les parents qui choisissent le métier que l’adolescent va exercer, le jeune ayant peu d’idées sur le métier qu’il souhaite exercer et n’étant pas sollicité pour exprimer une opinion sur ce choix. Même s’il souhaite exercer un autre métier, celui-ci est imposé par les parents. Chez les personnes âgées de plus de 50 ans qui ont été interviewées, c’est souvent ainsi que le métier qu’ils ont exercé s’est imposé.

« À l’époque c’était comme ça, il n’y avait pas à dire non, je ne veux pas. Moi, je voulais faire un autre métier. Mon père m’a dit : « non, tu seras serrurier. » et je suis devenu serrurier. Ce métier, peut-être qu’aujourd’hui, je ne le ferai plus, je ne sais pas, je voulais faire ramoneur. Moi, j’aimais ça, être au-dessus, sur le toit, ça me plaisait. Et puis non, ça ne s’est pas fait. J’ai fait serrurier, c’est un métier qui ne me plaisait pas du tout, mais je l’ai fait quand même. L’école, je n’avais pas envie, ça ne m’intéressait plus, parce que c’était assez spécial. J’étais un gamin, les 14 ans d’aujourd’hui ne sont plus les 14 ans d’hier.» Homme, 60 ans, menuisier –agencement des grands magasins.

On retrouve ce même type d’attitude chez des parents dont les enfants sont des immigrés venus récemment en France.

Q : vous étiez donc à l’école en R., comment s’est passé l’école ? R : « oui, très bien, je suis allé jusqu’en (..), je ne sais pas comment ça s’appelle en français, après mon père m’a pris pour faire la peinture, c’était mieux ainsi.» Q : c’est donc votre papa qui a décidé pour vous ? R : « oui, pour faire la peinture. J’ai terminé l’école et mon père m’a dit : « maintenant en R., c’est catastrophique. » Je cherche, je suis resté 5 ans, pour chercher un travail en R., quelqu’un m’a dit : « tu pars en France, tu trouveras quelque chose. Et comme ça, je me stabilise ». J’ai travaillé dans la peinture pendant deux années avec mon papa en R.» Q : avait-il une entreprise ? R : « oui, oui, c’est lui qui m’a appris la peinture. » Homme de 28 ans, peintre en bâtiment.

Au « modèle parental traditionnel » s’oppose « le modèle parental moderne ». Dans le « modèle parental

13 Edward SHORTER «Naissance de la famille moderne, XVIIIe-XXe siècle » 1981, seuil, 380 pages.

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moderne», les jeunes interviennent dans le choix de la filière et du métier en accord avec les parents et l’institution scolaire. Les parents n’imposent pas de voie à leur enfant, des discussions s’engagent autour du choix entre les deux parties. Parmi les plus jeunes des personnes interviewées, c’est dans ce type de cadre familial qu’est prise la décision du métier sélectionné.

Q : c’est l’école qui vous a proposé un CAP ? R : « non c’est moi-même. Je connaissais quelqu’un, ses parents avaient une petite entreprise. Je travaillais un peu avec eux, j’aimais bien çà, alors je me suis décidé avec la conseillère au collège. Elle m’a tout de suite orienté vers une 3ème professionnelle, tout çà. Elle m’a dit : « il ne faut pas rester à l’école », de toute façon, au bout d’un moment, j’ n’y allais plus, tout çà alors. Par contre au niveau des stages, tout ça, ça se passait nickel, donc je me suis dirigé vers l’apprentissage. » Q : vous n’aviez pas de problème de discipline, comme vous dites ? R : « non, pas en entreprise mais à l’école, et aussi, au CFA. Il y avait une semaine de cours par mois, un truc comme çà, là aussi, je n’y allais pas. C’était compliqué. » Homme de 23 ans, installateur sanitaire.

Les parents avaient tendance à imposer une filière et un métier à leurs enfants dans les années 60,70. Les classes populaires ont également vécu le passage d’un « modèle parental traditionnel » imposant ses choix à un modèle parental qui tient compte des désirs des enfants. Si dans l’ancien modèle, les jeunes pouvaient reprocher à leurs parents les échecs du choix de la filière qui leur était imposée, dans le nouveau modèle, le jeune se perçoit comme responsable des choix qu’il a « librement » faits.

La recherche d’emploi Les plus âgés des salariés interviewés invoquent souvent l’aide d’un membre de la famille (celui-ci travaillait dans l’entreprise) dans leur embauche en entreprise. Quelques jeunes mentionnent également ce type d’entraide. Au-delà du cercle du réseau familial, un deuxième cercle de solidarité amicale est mentionné dans les stratégies de recherche d’emploi mise en œuvre. Les « camarades » donnent également des adresses d’entreprises qui embauchent. Il semblerait qu’avec la crise, ce type d’entraide soit moins courant. Plus largement, les personnes proches du cercle familial ou amical renseignent les demandeurs d’emploi sur des opportunités d’embauche dans une entreprise.

Q : et après qu’avez-vous fait ? R : « j’étais à Café Satie de 1985 à 1990, j’ai travaillé chez Café Satie au port du Rhin.» Q : Cela vous plaisait-il ? R : « oui, ça me plaisait.» Q : Etait-ce dans la vente ? R : « Non, j’étais cariste, j’ai passé une autorisation de conduite qui existait à l’époque. Quelqu’un est venu voir comment je manœuvrai dans l’entreprise, c’était uniquement valable dans l’entreprise. Donc, j’ai fait deux ans de cariste, après j’ai remplacé quelqu’un, à l’intérieur de Café Satie. J’ai trouvé parce que mon père avait travaillé là-bas étant jeune et mon oncle y travaillait encore quand je suis rentré. Je suis rentré comme ça. J’ai fait six mois, un an je crois comme chauffeur livreur, parce qu’un salarié est parti en retraite chez Café Satie. Et après j’ai remplacé pendant les périodes de vacances, de maladie, les VRP qui vendaient le café dans les restaurants. Puis un machiniste est parti à la retraite, je suis monté à l’usine et j’ai appris machiniste. J’y étais cinq ans au total. » Homme, 50 ans, vendeur.

Pour beaucoup de salariés en insertion, s’inscrire dans une agence d’intérim est devenu une pratique courante, l’intérim étant considéré comme un pourvoyeur d’emplois. Ce n’est pas par choix mais cette voie est considérée comme la seule qui pourvoit à un emploi, fut-il précaire.

Q : qu’aimeriez-vous faire à la fin de votre contrat ? R : « justement là, ce que j’aimerais faire, c’est d’arriver à travailler jusqu’à 62 ans mais bon, je sais qu’à la fin du contrat, ça va être très dur parce que j’aurai 59 ans, à part l’intérim, peut-être, on

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arrivera peut-être à trouver mais sinon, ça, je ne sais pas, je ne me projette pas encore comme là. J’ai encore deux ans de contrat ici, je vis au jour le jour. Mais disons, j’ai encore deux ans à travailler et après dans le pire des cas, je toucherai le chômage, donc on ne sera pas à la rue mais c’est vrai (..).» Homme, 57 ans, coffreur.

C’est ainsi que certains demandeurs d’emploi ont trouvé un emploi dans une association intermédiaire, située dans la même rue que plusieurs agences intérimaires. Beaucoup de salariés en insertion de cette association intermédiaire pensent qu’il s’agit d’une agence d’intérim, confusion due au fait aussi qu’on utilise le terme de missions. Dans leur manière d’aborder la recherche d’emploi, le comportement des salariés interviewés ne semble pas se distinguer des autres demandeurs d’emploi. Ainsi par exemple en 2013 en Alsace14, 26 % des sortants de Pôle Emploi (catégories A, B, C) ont trouvé un emploi par l’intermédiaire de relations personnelles, 26% par une candidature spontanée, 12% par le biais d’une agence d’intérim, 9% par l’intermédiaire de relations professionnelles, et 8% par le biais de petites annonces, soit une large majorité (81%) ayant privilégié les canaux non institutionnels. En ce qui concerne le recrutement dans la structure d’insertion, beaucoup de salariés en insertion ont trouvé l’offre d’emploi par leurs propres moyens (Internet, ouïe dire, etc…) ou par des canaux informels. Là encore, ces observations sont cohérentes avec les résultats d’une étude publiée par la DARES sur les personnes salariées des structures de l’IAE en 2012, qui montre que 54% des recrutements toutes structures confondues ont été conclus par ce type de mise en relation15. Quelques salariés en insertion ont trouvé cet emploi par l’’intermédiaire de Pôle Emploi, certains salariés évoquent d’autres intermédiaires comme le référent RSA, l’assistante sociale. Certains sont défiants à l’égard de Pôle Emploi et se sentent abandonnés par cet organisme. Pôle Emploi les convoque rarement, leur propose rarement des offres d’emploi, ils se sentent seuls dans la recherche d’emploi.

Q : quand vous étiez demandeur d’emploi, avez-vous rencontré des difficultés et quels types de difficultés ? R : « mais en fait je cherchais du travail. A Pôle Emploi, un exemple, je ne peux pas aller voir et demander chaque jour à la dame qui est conseil, qui s’occupe de moi. Pendant trois mois, J’allais, au guichet à Pôle Emploi, je demandais un RV. Elle m’a dit : « écoutez madame, on est débordé, on est occupé. », j’ai dit d’accord, ça je le sais. Aujourd’hui, j’attends deux, trois mois pour un RV. « Vous pouvez passer par Internet.», me dit-elle. J’ai envoyé un email, je n’ai obtenu aucune réponse pour le RV. Je ne sais pas comment faire pour prendre RV. Je cherche du travail, un exemple j’ai de la chance parce que je me suis inscrite à beaucoup de boîtes d’intérim ici, en ville.» Q : comment avez-vous trouvé A. J. ? R : « par Internet. » Q : c’est par Internet, ce n’est pas Pôle Emploi qui vous a proposé ce poste ? R : « non, j’ai tapé boîtes d’intérim, quelque chose comme ça et il me sort les adresses. » Femme, 35 ans, professeur des écoles dans son pays, technicienne de surface.

Certains salariés en insertion étaient demandeurs d’emploi depuis moins de deux ans, alors que d’autres le sont depuis plus de trois ans. Cela concerne essentiellement les femmes qui s’inscrivent à Pôle Emploi alors qu’elles élèvent leurs enfants. Elles restent inscrites à Pôle Emploi, mais les difficultés posées par la garde des enfants et l’exercice d’un emploi, ainsi que les arbitrages conduisant à privilégier la vie familiale, ne les mettent pas en situation de rechercher activement un emploi.

14 BAUER Perrine, Service ESE « Les sortants des listes de Pôle emploi en 2013 en Alsace » Repères Synthèses n°38, septembre 2014, p.7, 10 pages. 15 AVENEL Marie, REMY Véronique, DARES, « les salariés des structures de l’insertion par l’activité économique »DARES Analyses n°40, juin 2015.

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Q : vous avez fait cette formation et là vous avez rencontré le papa de vos enfants. Vous avez arrêté vos études, en 2003 ? R : « 2004.» Q : qu’avez-vous fait ? R : « j’ai tout abandonné. J’ai fait de petits boulots, notamment le ménage chez des particuliers, le ménage, la garde d’enfants, pendant 7, 8 mois, avant que j’aie mes enfants. Après j’ai tout arrêté, j’ai fait mes enfants. Je me suis occupée de mes trois enfants. Maintenant ma fille aînée a 5 ans et j’ai à nouveau cherché un emploi. J’étais toujours demandeur d’emploi, après mon 2ème enfant, j’ai aussi travaillé 7 mois, dans une société de nettoyage, P., j’y ai travaillé 7 mois. Après ça, je suis tombée enceinte de ma seconde fille, et j’ai eu des difficultés. Le 1er et le 2ème étaient trop rapprochés. Une fois enceinte de ma dernière fille, je suis tombée malade, je tombe toujours malade quand je suis enceinte, donc j’ai tout abandonné, jusqu’à ce que j’aie accouché. Et avec trois enfants, ce n’est pas facile, je voulais rester pour les garder, après je réfléchirai à la recherche d’emploi pour avoir une bonne vision de ce que j’aimerais faire plutôt que de tâtonner toujours, faire ci, faire ça. J’étais toujours demandeur d’emploi.» Femme, 47 ans, secrétaire.

Pour comprendre la façon dont sont ressenties les périodes de chômage dans le discours des personnes interviewées, on peut faire appel à la notion de chômage total définie par Dominique Schnapper16. Cette expérience est vécue par les travailleurs manuels, les employées et les cadres modestes qui connaissent un épisode durable de chômage. Ces personnes lorsqu’elles sont en chômage sont dans l’incapacité de tirer parti de cette période au regard de leur faible insertion sociale et de leur niveau culturel modeste. Le travail représentait le mode privilégié ou unique d’expression de soi dans la société et la période de recherche d’emploi est vécue comme une période d’isolement et de restriction. Aux difficultés financières, s’ajoute parfois la dépression chez certaines personnes. « C’est en termes d’anomie17 et de marginalisation qu’on peut analyser aujourd’hui le chômage total, non en termes de révolte ou de mobilisation collective »18.

Q : vous m’avez dit qu’il vous arrivait d’être demandeur d’emploi entre deux missions, avez-vous rencontré des difficultés à ce moment-là ? R : « des difficultés, ça dépend des difficultés, au début, quand j’ai été licenciée, je n’étais pas bien. Ça n’allait pas, le fait de perdre son travail comme ça, ça n’allait pas, du jour au lendemain, c’est vrai. J’ai fait une dépression, j’ai été soignée pour ça. Alors je n’étais pas bien, après j’ai repris un peu le dessus parce que j’ai été hospitalisée aussi. Après, ça allait, ça commençait à venir. » Femme, 37 ans, Technicienne de surface.

De manière générale, les salariés interviewés ont tous fait l’expérience de la précarité de leur situation professionnelle et de la précarité budgétaire qui l’accompagne. Certaines personnes (notamment les immigrés récemment arrivés ou analphabètes) n’ont connu que celle-ci. Elles ont du mal à subvenir aux besoins de leur famille. Trait commun de leur appartenance aux classes populaires, elles ont en commun l’expérience des limites de leurs moyens budgétaires et le ressenti à l’égard des ressources financières est fonction de l’appartenance à des franges différentes des classes populaires.

R : « oui, en 2010, 2011, je n’ai pas fait beaucoup d’heures, 40 heures par mois. Les enfants à la garderie, ça me coûte très cher, j’ai payé 180 euros la garderie, après ça, il ne me restait plus rien du tout. Je me suis beaucoup plainte au sujet des heures auprès de mon employeuse qui me dit « après, après, vous ferez plus d’heures. ». Des fois, j’ai fait un petit remplacement, mais dans l’ensemble, mes heures n’augmentent pas, je trouvais que je gagnais juste pour payer la garderie de

16 Dominique SCHNAPPER «L’épreuve du chômage», Éditions Gallimard, 1981, 222 pages. 17 Émile DURKHEIM «Le suicide», PUF, 2007,463 pages. Le terme d'anomie chez Émile Durkheim décrit une situation sociale, dans laquelle le recul des valeurs conduit à la destruction et à la diminution de l'ordre social, les lois et les règles ne peuvent plus garantir la régulation sociale. 18 Dominique SCHNAPPER «L’épreuve du chômage», p. 114, op. cit.

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mes enfants, c’est pour ça que je cherche du travail, je dois encore envoyer 50 euros à ma mère.» Q : A votre famille en G. ? R : « oui, 50 euros ici ce n’est pas beaucoup, là-bas c’est beaucoup, en G., c’est 100 000, je me suis dit qu’il faut que je cherche du travail et aller chez M H. qui est conseiller RSA. J’ai dit franchement, je ne peux pas rester, 11 mois, 18 mois dans une entreprise sans faire beaucoup d’heures, cette dame est à Relais Emploi, elle aide les gens qui touchent le RSA à trouver du travail, elle m’a aidée pour payer les garderies mais ça ne peut pas continuer. Ils m’ont alors versé 380 pour aider à payer les garderies, je dis que c’est bien, mais je ne peux pas rester dans cette situation, comme ça. » Q : et votre époux a commencé à travailler dès 2013, à votre arrivée ? R : « Non, lui, il travaille depuis longtemps et lui aussi, il travaille dans une boîte d’intérim.» Q : il travaille en intérim ? R : « oui des fois, il a un petit contrat, quand il a fini, il arrête.» Q : Donc depuis son arrivée, il travaille en intérim, il n’a pas été embauché en entreprise ? R : « il a déjà travaillé, en 2005, je crois ici, à la B.A.» Q : Il a travaillé à la B.A ? R : « oui, deux ans.» Q : et maintenant il travaille en intérim ? R : « oui, il travaille en intérim, mais il ne fait pas beaucoup d’heures » Q : Fait-il aussi l’entretien des locaux ? R : « lui, il travaille à Rive Etoile, dans le nettoyage.» Femme, technicienne de surface, 37 ans. Q : Avez-vous rencontré des difficultés pendant votre période de demandeur d’emploi, pendant cette période-là ? R : « par rapport à quoi ? » Q : ça s’est passé comment ? R : « je touchais le chômage, donc ça allait, j’avais 1200 euros net de chômage, donc ça allait. Je gagnais à peu près bien ma vie avant, le chômage, ça allait, je m’en sortais entre guillemets.» Homme de 50 ans, vendeur.

Le parcours professionnel Rares sont les personnes interrogées qui n’ont aucune expérience professionnelle, même si certaines personnes ont une maigre expérience du monde du travail, que ces personnes soient françaises ou immigrées récentes, qu’elles soient jeunes ou âgées, ces personnes ont toutes acquis une expérience dans le travail, que ce travail soit légal ou illégal, qu’il ait été de courte durée ou de longue durée. Certaines ont fait toute leur carrière dans l’intérim, d’autres (les jeunes, les personnes analphabètes ou illettrées, les immigrés récemment arrivés) ont enchainé les petits boulots.

Q : vous avez alors passé le CAP (de serrurier)? R : « je ne l’ai pas fait, je ne l’ai pas fini, j’ai arrêté avant, j’en avais vraiment marre, du métier, je n’aimais pas, ce n’était pas mon truc, je n’aimais pas. Ensuite j’étais dans le métier des fleurs, j’ai fait fleuriste pendant, 3 ans, 4 ans. J’ai fait ensuite un CAP de moquettiste, c'est-à-dire du revêtement de sol, quand j’ai fait ce CAP, je devais avoir 22, 23 ans, je pense, un peu plus, je ne sais pas. Là, c’était un stage AFPA que j’ai fait pendant un an. J’ai fait mon stage, j’ai passé l’examen, j’ai obtenu mon examen. Et avec ça après, ben, je suis parti en Allemagne, j’ai commencé à travailler en l’Allemagne en intérim. C’était une société d’intérim française, j’ai pratiquement travaillé, pendant les 25, 30 dernières années, je n’ai fait que l’Allemagne, que l’étranger. L’entreprise d’intérim était à Strasbourg. J’étais dans une entreprise du bâtiment, je faisais tout ce qui était revêtement de sol dans une entreprise allemande, pour un client allemand. J’ai fait ça pendant 5 ou 6 années, le revêtement de sol, en Allemagne pour différents clients. Il (l’entreprise utilisatrice) avait deux activités pour les mêmes grands magasins pour lesquels on travaillait et j’ai parlé au patron, j’ai dit : « écoute, l’année prochaine je ne viens plus comme solier

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moquettiste, tu me formes comme menuisier.» J’ai travaillé pour lui dans l’aménagement de grands magasins, dans la menuiserie. Chez lui, j’ai bien travaillé 20, 25 ans. Et ça s’est arrêté brutalement, il y a deux ans, trois ans, en 2012 oui quelque chose par-là. Déjà en 2008, ça commençait à merder. Les Français, on n’en voulait plus, ils étaient trop chers, ils ont préféré prendre des Polonais, des Turcs, beaucoup moins chers. Mon contrat a pris fin. » Homme de 60 ans, serrurier. Q : et votre formation couture, ça vous plaisait ? R : « oui, ça me plaisait, j’ai été jusqu’à ce que j’aie mon diplôme et j’ai ouvert un atelier là-bas et je me suis mariée.» Q : vous aviez un atelier de couture là-bas ? R : « oui. » Q : Et ça vous plaisait donc ? R : « oui, ça me plaisait beaucoup, parce ce que là-bas ce n’est pas facile, il faut faire quelque chose, ce n’est pas bien de ne rien faire, déjà les copines travaillaient.» Q : Vous aviez votre atelier de couture pendant combien d’années ? R : « pendant trois ans et après je suis venue en France, la couture africaine et la couture européenne, ce n’est pas pareil.» Q : Vous êtes venue ici en 2003 ? R : « oui, je suis allée à Pôle Emploi chercher mais je n’ai pas trouvé dans la couture, ils me disaient : « maintenant, ce n’est pas facile de trouver des formations de couture, il n’y a presque plus d’emploi dans la couture.» Non ici si tu n’as pas d’expérience dans un domaine, tu ne trouves pas de travail. Ils te demandent si tu as déjà fait du nettoyage, je n’ai d’expérience dans le nettoyage, elle n’est donc pas mentionnée dans mon CV. Donc, c’était très difficile de trouver du travail. Après mon accouchement de mon deuxième enfant, je suis allée à Relais Emploi, ils s’occupent, ils s’occupent des gens qui bénéficient du RSA, après une dame, Madame H. m’a aidée jusqu’à ce que je trouve du travail, d’aide à domicile, en 2009.» Q : Vous avez donc trouvé un emploi chez des particuliers, dans des familles ? R : « oui, j’ai travaillé en 2010, 2011 mais je n’ai pas fait beaucoup d’heures, 40 heures par mois, donc elle m’a aidée à retrouver un autre travail à A.S, c’était en intérim comme remplaçante. J’ai fait des nettoyages dans les entreprises, les bureaux. Fin 2011, début 2012, j’ai travaillé à A.S, pendant sept mois. J’étais trop fatiguée, monter, descendre les escaliers, me fatiguait. J’étais très faible, des fois quand je me levais le matin, j’avais des vertiges, j’étais pendant sept mois, remplaçante, remplaçante, après les petits remplacements, mon contrat était fini, je n’ai pas renouvelé le contrat, j’ai arrêté.» Q : et quelle a été la durée de travail ? R : « Ca dépend, des fois, j’ai fait 25 heures par semaine, 20 heures par semaine, des fois 25 heures, ça dépend des personnes que j’ai remplacées, j’étais là-bas comme remplaçante. Après ça, j’ai cherché un travail fixe pour la cuisine, aide cuisine, mais ce n’est pas facile de trouver du travail. Mais comme je connais beaucoup de copines, je leur ai demandé, je n’ai quand même pa trouvé. Je me suis inscrite au chômage mais malgré tout, je cherchais du travail. J’ai une copine qui connaît quelqu’un dans le nettoyage des bureaux, pour un contrat d’une durée de deux heures et demie, c’est peu. Ils vont me couper un mois de chômage alors deux heures et demie, j’ai une petite à l’école, je dois payer la cantine, et pour l’autre la garderie. Je ne peux pas payer ça avec les deux heures et demie. J’ai quand même commencé là-bas. Mais je n’ai fait qu’une journée, j’ai demandé à la chef d’équipe, si elle ne peut pas trouver un bon travail, deux heures et demi par jour, je voulais un temps partiel, au moins 20 heures ou plus, 24 heures au moins Quand j’ai payé le nécessaire pour les enfants, il me reste un peu.» Q : Et là, c’était aussi le nettoyage de locaux ? R : « oui, et après, j’ai travaillé trois jours, et là j’ai travaillé ailleurs, c’était ici au V.» Q : toujours du nettoyage de locaux, et vous faisiez combien d’heures ? R : « 18 heures par semaine, et il (le chef) m’a dit qu’en fonction de mes compétences (..).J’ai travaillé une semaine, et là il m’a renouvelé le contrat de travail chaque mois.» Q : et là, vous avez travaillé combien de temps au V.?

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R : « neuf mois, et tout le temps la dame m’a dit : « ils vont t’embaucher ». Et un jour, l’employeur m’a dit : « tu sais que tu as remplacé quelqu’un qui est en congé maternité, maintenant, elle veut reprendre son poste.» Q : « donc, vous avez travaillé combien de temps au V.» ? R : « neuf mois.» Q : et vous avez arrêté le travail en quelle année ? R : « c’est ça le problème, j’ai un peu de problème de lecture.» Q : peu de temps avant votre embauche à la B.A. ? R : « J’ai arrêté là-bas, j’ai été au chômage quatre mois. La personne qui s’occupe de moi à Pôle Emploi m’a envoyée ici. J’ai été 4 mois au chômage.» Femme, 37 ans, technicienne de surface.

Nous constatons que les salariés en insertion, même ceux titulaires d’un CAP ou d’un BEP, ne travaillent pas dans leur spécialité et que d’autres ont travaillé dans différents corps de métier. Quelques parcours sont décrits ci-après : Un exemple type d’un parcours professionnel d’une personne qui a exercé plusieurs métiers : CAP de coffreur puis 5 années à la Légion Étrangère , Puis chômage, Puis 3 ans dans l’horlogerie à l’emballage et à l’e xpédition, Puis 3 ans dans la vente par correspondance à l’exp édition, Puis licenciement pour motif économique, Puis intérim en Allemagne, et contrats à durée déte rminée (dans une entreprise de taille de pierre comme tailleur de pierre, puis dans une usine de fa brication de plastique, puis dans une fabrique de chocolat,) Puis inscription comme demandeur d’emploi et travai l dans une structure d’insertion par l’activité économique pendant 2 ans, Puis en contrat à durée indéterminée dans la chimie , dans la production puis contrat à durée indéterminée pendant 10 ans, Puis licenciement pour motif économique, demandeur d’emploi d’une durée inférieure à deux ans, Puis contrat à l’entreprise d’insertion depuis avri l 2012. Pour les adultes, qui ont fait toute leur carrière en intérim, (avec un mois, voire deux mois de chômage dans l’année), l’intérim a été intégré dans leur mode de vie. Un exemple type d’un parcours professionnel d’une personne qui a travaillé en intérim durant tout son parcours professionnel : Arrêt du CAP de peintre après une année, Puis salarié en Allemagne en qualité de peintre pen dant deux ans, Puis service militaire, puis contrat intérim en qua lité de peintre pendant 29 ans (carrière entrecoupé e de courte périodes de chômage : un, deux mois), Puis accident du travail en 2010, Puis chômage depuis 2012, Puis salarié en insertion depuis juillet 2013. Un exemple type d’un parcours professionnel d’une personne qui est restée longtemps dans la même entreprise: Coursier chez un prothésiste pendant 8 mois, Puis CAP de vitrier, Puis service militaire, Puis six mois de chômage, Puis 6 mois de remplacement dans une entreprise ali mentaire,

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Puis petits boulots pendant quatre ans, Puis 17 ans dans l’entreprise alimentaire dans laqu elle il a fait un CDD, avec un CDD de deux ans puis en CDI, deux ans en arrêt maladie, Puis licenciement en 2006, Puis deux semaines dans une structure d’insertion, Puis quatre mois dans une association, Puis salarié en insertion depuis mars 2013 avec int erruption pour suivre une cure. Toutes ces carrières montrent que ces salariés ont connu plusieurs entreprises, ont fait plusieurs métiers et qu’ils ont une capacité d’adaptation à des environnements différents. Nous constatons dans les entretiens que pour la plupart des personnes interviewées, une longue période de chômage est davantage liée à la situation personnelle (problèmes de santé essentiellement ou autres) qu’à des facteurs purement économiques. C’est davantage la précarité de la situation professionnelle qu’une durée longue de chômage précédant l’entrée dans la structure d’insertion qui constitue entre elles un point commun. Pour les jeunes, l’intérim leur permet d’avoir une 1ère expérience du travail et ils pensent ainsi rentrer dans la vie active. Pour beaucoup, jeunes et adultes, l’intérim est devenu aujourd’hui, un passage obligé.

« J’ai fait toutes les agences d’intérim, je suis allé dans cette agence d’intérim et ils m’ont envoyé chez S. en fait. Comme je travaillais chez S., ils m’ont arrêté à Pôle Emploi et en fait des fois, j’étais inscrit, des fois je n’étais plus inscrit vu que je travaillais des fois, des fois pas. » Homme, 23 ans magasinier.

Des périodes courtes d’emploi succèdent aux périodes de chômage parfois plus longues. On retrouve ce type de situation chez les jeunes et chez les immigrés récemment installés en France. Dominique Schnapper voit le chômage pour les jeunes, comme un rite de passage. « La familiarisation croissante avec le chômage, qui devient quasiment un rite de passage pour les jeunes issus des milieux populaires, tend à dévaloriser la nome du travail comme valeur morale et par conséquent l’humiliation liée au non-travail, mais cela ne signifie pas pour autant refus du travail. »19 C’est aussi ce que nous avons constaté, les plus jeunes se plaignent davantage de leurs conditions de vie difficiles que du travail. Dans les discours des plus âgés, les périodes de chômage sont plus courtes et les périodes d’emploi plus longues. Ces observations sont concordantes avec les résultats de l’enquête menée par la DARES intitulée « les salariés des structures de l’insertion par l’activité économique », dans laquelle les auteurs mentionnent que 33 % des salariés en insertion n’ont connu que des emplois de courte durée. Parmi eux, les moins de 25 ans représentent 36 % et les plus de 50 ans et plus 22 % des salariés qui n’ont connu que des emplois de courte durée.20

« J’ai fait une formation pour travailler dans une station rapide en mécanique. On change rapidement les pièces d’une voiture. C’est comme un CAP mais ça s’appelle CCP21. La formation dure trois mois. C’est comme un CAP, seulement, on fait la formation en trois mois. C’est court. » Q : c’est un contrat ? R : « ils ne me l’ont pas dit, c’est juste écrit CCP. Je l’ai fait à l’AFPA. Et après, j’ai fait des boulots d’été dans la CUS et tout ça. J’ai aussi travaillé une semaine chez F. pour Noël. C’est là que ma conseillère m’a dit qu’il y avait une formation en tant que magasinier cariste, il y a des tests à

19 Dominique SCHNAPPER « L’épreuve du chômage », pp76-77, op. cit. 20 Marie AVENEL, Véronique RÉMY, in DARES ANALYSES « Les salariés des structures de l’insertion par l’activité économique », mars 2014, n°20, p.3, 16 pages. 21 Un titre professionnel est composé d’une ou plusieurs unités représentant chacune, un ensemble cohérent de compétences, aptitudes et connaissances : ce sont les CCP (Certificat de compétence professionnelle). Chaque CCP peut être obtenu indépendamment des autres. Le délai d'obtention du titre complet est de 5 ans à compter de la date d'obtention du 1er CCP. L’AFPA propose cette formation qui sera validée par un CCP. Les CCP peuvent être aussi validés sous forme de Validation des Acquis par l’Expérience (VAE).

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passer, je les ai passés, je les ai réussis. J’ai fait ma formation à ESF, un centre de formation qui est au bord du Rhin. C’est une formation complète, c’est pour avoir un diplôme.» Q : quand avez-vous commencé la formation à ESF ? R : « je l’ai fait en 2011 pendant 9 mois. C’était un grand parcours, après j’ai fait un stage chez Général Motors. Pour valider ma formation Là-bas, j’ai appris à gérer les (…), à voir comment ils travaillent là-bas, à charger les camions, voilà et avant de venir ici, j’ai travaillé trois mois en intérim chez S. en tant que magasinier cariste. C’est une entreprise de câbles. Eux, ils fabriquent les câbles, et moi, je les prépare sur une palette et je les charge dans un camion et eux ils les livrent partout.» Q : vous avez donc arrêté l’école à 16 ans ? R : « à 17 ans, j’ai dû refaire une année. Je me suis tout de suite inscrit à la sortie du collège. Je ne sais plus si c’était en 2010 ou 2011, je me suis inscrit. J’ai travaillé chez S., c’est moi tout seul qui ai cherché, ce n’est pas Pôle Emploi qui m’a envoyé là-bas. J’ai fait toutes les agences d’intérim.» Q : avant d’être embauché à la B.A en mars 2013 ? R : « j’étais demandeur d’emploi, en 2012, mi 2012, je crois, quand j’ai fini chez S.,» Homme, 23 ans, magasinier.

Trappes à pauvreté, solidarité familiale et intervention sociale Le discours technique de l’administration justifie les aides accordées aux structures d’insertion du point de vue de la performance économique par le déficit de productivité induit par l’embauche de travailleurs éloignés de l’emploi et du point de vue de la performance sociale par la propriété « insérante » du travail dans les structures. Ces points de vue convergent pour considérer l’insertion des salariés comme un projet dynamique vers un emploi et regarder les obstacles qui se dressent sur ce parcours comme des freins (« périphériques ») à l’emploi. Au regard des entretiens, nous proposons de caractériser les salariés en insertion moins en fonction du fait qu’ils rencontrent ces trappes à pauvreté qu’en fonction de la faiblesse de leurs moyens pour y faire face.

Les difficultés familiales et économiques entretiennent la précarité

La famille nucléaire22 a connu des changements avec le développement des familles recomposées et des familles monoparentales. Les familles monoparentales dans les classes populaires sont particulièrement mises à l’épreuve de la précarité. Les salariés issues de ces familles ou qui sont-elles mêmes dans ce cas, ont aussi connu des ruptures scolaires, des parents peu présents, une parentalité précoce, des violences familiales, des difficultés financières, le chômage ou des petits boulots, un isolement social. Ces difficultés cumulatives ne les empêchent pas de travailler ou de trouver les ressources nécessaires pour sortir de certaines difficultés. L’addiction à l’alcool ou à la drogue symbolise ce mal être dans toutes ses dimensions. Les addictions sont souvent liées aux difficultés que connaissent les personnes. La consommation de drogue dure ne concerne que quelques personnes et est reliée dans leurs discours aux moments douloureux que la fratrie n’a pas forcément vécus et qui peuvent nourrir une conflictualité au sein de la famille. De la même manière, la séparation des couples avec enfant est à la fois le résultat et une source de difficultés pour les personnes que nous avons interviewées, en lien avec des situations personnelles qui ne leur sont pas caractéristiques, mais qui dans leur position sont la source d’obstacles, notamment dans leur recherche d’un emploi. Le cumul de ces difficultés, par contre, les fragilisent. Leur trajectoire personnelle et leur situation économique est marquée par une instabilité, cette instabilité économique et personnelle est encore plus caractéristique chez les femmes qui ont en charge une famille

22 La famille nucléaire est composée des parents et des enfants qui vivent sous le même toit, elle s’oppose à la famille élargie dans laquelle cohabitent sous un même toit, les grands-parents, (quelques fois les oncles et tantes) les parents et les enfants. Edward SHORTER «Naissance de la famille moderne, XVIIIe-XXe siècle » op. cit.

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monoparentale.

«C’est lui en fait. Il ne veut pas être responsable, il ne fait rien, il ne veut pas de fille, il veut un garçon, c’est trop compliqué. Il me tire les cheveux, il est agressif et tout, avec moi, il est comme ça. Il est né comme ça, il a un problème. Il m’a laissé chez mes parents au M., et il est parti. C’est comme ça qu’ils font les hommes là-bas. Ils partent, ils s’en fichent. Ils demandent le divorce, ils abandonnent tout. Ici, ils n’osent pas le faire ici.» Q : quand êtes-vous revenue en France ? R : « Je suis restée là-bas jusqu’à l’année 2008, je suis revenue toute seule.» Q : quand vous êtes revenue en France, êtes-vous allée voir l’assistante sociale pour un hébergement ? R : « oui, parce qu’avant, j’étais hébergée chez ma belle-sœur, mon ex m’a suivie en fait, il m’a hébergée et ensuite, il m’a jetée dehors. J’ai dû me réfugier dans un foyer. » Femme, 40 ans, ouvrière.

Précarité des situations économiques et personnelles se confondent et s’entretiennent, et c’est la faiblesse des moyens pour y faire face qui caractérisent les personnes rencontrées.

Illustration de la déviance : les addictions

Pour Howard S. BECKER, la toxicomanie est un exemple de comportement caractérisant une déviance par rapport à une norme. Il définit la déviance comme une transgression à une norme et de la réponse d’autrui face à cette transgression. L’attitude à l’égard de la déviance par rapport à une norme peut se modifier dans le temps et peut être différente selon les ethnies, les classes sociales. Il semblerait qu’aujourd’hui fumer de la marijuana ne soit plus considéré par les jeunes des classes populaires (et par une grande partie de la société) comme un acte déviant. 23 Pour beaucoup de plus jeunes que nous avons interviewés, la consommation de d’alcool, de la drogue (souvent du cannabis) fait partie de leur expérience. Les jeunes consomment avec leurs pairs.

Q : avez-vous été amené à consommer de l’alcool, de la drogue ? R : « On dit, quand on est jeune, on essaye, maintenant, c’est fini, basta. J’ai essayé le cannabis, à l’âge de 17 ans, à l’âge bête, vraiment. Aujourd’hui, je fume 3 à 4 cigarettes par jour.» Homme, 30 ans, soudeur.

Pour d’autres, et c’est le cas de quelques jeunes interviewés, cette consommation s’enracine dans une problématique familiale (rupture familiale, famille déstructurée, père absent, parent peu présent) et sociale (ruptures scolaires, influence du cercle de pairs) et lorsqu’ils ont à faire face à des difficultés, la consommation d’alcool ou de drogue est une solution pour eux. Cette consommation leur permet de s’évader des difficultés qu’ils peuvent rencontrer.

Q : avez –vous été amené à consommer de l’alcool, de la drogue et dans quelles circonstances ? R : « avant oui, je fumais et je buvais. De la drogue et de la cigarette. Oui, (rire) j’en ai déjà pris. » Q : et avez –vous pu arrêter ? R : « je ne fume plus, j’ai arrêté, euh, j’ai arrêté quand ma fille, elle est née, j’ai arrêté le joint. Après, je buvais de temps en temps de l’alcool, çà fait quelques mois que je ne bois plus d’alcool, c’est tout. Il y a quinze jours, j’ai arrêté la cigarette. Des fois j’arrêtais, après, je recommençais, c’est une question d’envie en fait, moi, c’est mental. Je peux arrêter quand je veux. C’est juste, moi, quand j’ai envie, je fume.» Q : vous avez donc fumé des joints, vous n’avez pas pris de drogue dure ? R : « si j’ai déjà essayé, j’ai déjà pris de la cocaïne, comme çà pour m’amuser, je ne suis pas toxicomane, voilà, en fait.»

23 Howard S. BECKER «Outsiders, étude de sociologie de la déviance», Métailié, 1985, 248 pages.

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Q : vous prenez de l’alcool et ensuite vous vous arrêtez ? R : « oui.» Homme, 23 ans, installateur sanitaire.

Q : avez-vous été amené à consommer de l’alcool, de la drogue, à fumer et en quelles circonstances ? R : « dans ma vie, oui bien sûr, oui. » Q : quoi ? R : « je bois de l’alcool, je fumais de temps en temps, après c’est vrai, je ne suis pas accro à ça. » Q : vous parlez de la cigarette ou de la drogue ? R : « de la drogue et de la cigarette. Je suis accro de la cigarette. Depuis que j’ai 18 ans et demi, j’ai commencé à fumer de la cigarette, bon j’étais quand même quelqu’un de sportif, j’ai fait plus de 8 ans de football, après du jour au lendemain, j’ai tout arrêté. Je suis tombé dans les mauvaises passes de ma vie voilà quoi. L’alcool et plein de choses, quand ça ne va pas, on se réfugie plus ou moins dans des choses qui ne sont pas très, très (….).Puis j’ai pris moins de drogue et d’alcool, à un stade de ma vie. Pour moi, l’alcool c’était un moyen d’évasion. L’alcool et la musique, je suis quelqu’un qui aime beaucoup se réfugier, quand ça va mal, quand ça va mal. J’aime être solitaire, et voilà, avoir ma musique et cogiter, réfléchir, trouver une solution à un souci, et voilà quoi. » Homme, 21 ans, peintre en bâtiment. L’association de la consommation de drogue ou d’alcool à un comportement déviant est une norme partagée. Les salariés identifiés comme dépendants à l’alcool n’ont pas voulu participé à l’enquête Quand nous avons pu rencontrer des personnes ayant fait l’expérience de la drogue, celle-ci était un discours au passé vécu comme une difficulté surmontée. «Le cycle scolaire ne me convenait pas, je faisais partie de ces gens qui avaient le cerveau mais qui n’avaient pas la patience, donc qui s’ennuyaient à l’école. Du fait que je n’ai pas eu de père derrière et que ma mère était rarement là. J’ai quitté l’école, je suis partie en apprentissage à 16 ans. Je me suis retrouvée enceinte à 17.» Q : dans votre jeunesse, avez-vous été amenée à consommer de la drogue, de l’alcool ? R : « oui, oui.» Q : avez –vous pu arrêter cette consommation ? R : « oui, en fait c’est ma fille qui m’a a fait arrêter, en fait, on imagine dans quel état d’esprit j’étais, j’étais très perdue, je suis assez vite tombée dans les drogues dures.» Q : A quel âge ? R : « à moins de 14 ans. J’avais commencé un peu à accrocher et quand je suis tombée enceinte de ma fille, j’avais vu trop des gens mettre au monde en manque, c’est vraiment quelque chose qui m’avait traumatisée et ça m’a arrêtée net du jour au lendemain. J’ai pris beaucoup de poids, j’ai essayé de ne pas avoir de suivi psychologique parce que j’avais cette fierté mal placée, je voulais m’en sortir toute seule. Quand les gens vous soutiennent, on aurait tendance à se laisser aller. J’ai eu vraiment besoin de me reconstruire et passer par là, justement pour mes enfants. » Femme, 41 ans, technicienne en maintenance, électroménager, son et multimédia.

Les personnes interviewées ont parlé de leur consommation de drogue sans appréhension et ne considèrent pas cette consommation comme une déviance. Toutefois, ils s’expriment sur leur consommation de drogue au passé ou comme un problème déjà résolu. Parmi les personnes interviewées, nous avons rencontré une seule personne dépendante d’une drogue dure, engagée dans un traitement de substitution, et qui a vu son contrat suspendu pour suivre une cure de désintoxication. Le discours de la majorité des accompagnants et

mportement incompatible avec un emploi dans une de la direction nous indique également qu’il s’agit d’un costructure d’insertion, et aucun salarié connu pour son alcoolisme n’a voulu être interviewé.

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Solidarité familiale et intervention sociale

Pour faire face à ces difficultés, les personnes rencontrées trouvent des ressources dans le cercle familial. Dans les familles éclatées (les familles monoparentales, les familles recomposées ou les familles déstructurées), les conflits entre le jeune adulte et le parent qui en a la charge sont souvent à l’origine de la rupture. Le jeune décide alors de quitter le foyer familial alors qu’il n’est pas indépendant financièrement. La rupture entre ces jeunes et la famille n’est pas définitive, les liens se rétablissent avec l’autonomisation des jeunes. Une fois stabilisés dans leur vie d’adulte, avec un emploi, un logement, voire une famille, ils retissent à nouveau des liens avec les parents. Ces ruptures se font souvent dans ces familles fragilisées, sur le plan économique, familial, des liens sociaux (des déménagements suite à la rupture familiale sont autant de ruptures de liens familiaux, amicaux et de voisinage). La solidarité familiale est présente dans ces familles comme dans la famille nucléaire traditionnelle, dès lors que la personne connait des difficultés, qu’elles soient d’ordre financier, social, ou autre. Cette aide va du versement de la caution à l’hébergement. Les personnes qui vivent dans la précarité et qui ne bénéficient plus de cette solidarité familiale vivent souvent dans un grand isolement social Certains jeunes qui ont rompu avec leur famille en quittant le domicile familial, retissent à nouveau des liens avec les parents ou avec la famille (élargie), c’est d’autant plus vrai que le jeune ne quitte pas la ville. Quand il y a rupture définitive des liens avec les parents comme c’est le cas chez certains jeunes (ce que nous n’avons pu observer), les liens avec leurs pairs se retrouvent renforcés.

« C’est vrai que c’était un peu compliqué et nous avons eu des désaccords ma mère et moi, beaucoup de prises de tête. Après, j’ai décidé de quitter la maison, de partir de chez ma mère quoi.» Q : à quel âge ? R : « j’avais 17 ans. J’étais encore au lycée, justement, c’est plein de choses qui ont fait que j’ai eu plein de soucis, quoi, après je suis allé chez une tante. J’ai toujours vadrouillé à droite, à gauche, jusqu’à ce que j’arrive à trouver une stabilité quoi. Et donc, voilà, j’ai eu mon BEP en carrosserie, j’ai fait deux ans de BEP et j’ai eu mon diplôme. Ensuite, on m’a proposé de continuer et de préparer le bac professionnel, donc j’ai refait deux ans de bac pro, je n’ai pas eu l’examen » Q : comment votre maman a-t-elle réagi quand vous avez quitté le domicile familial à 17 ans ? R : « elle n’était pas d’accord, non, elle a réagi et ça a créé encore plus de conflits dans la famille et non, elle n’était pas d’accord ». Q : pendant ce temps, vous avez tout de même poursuivi vos études au lycée ? R : « moi, j’ai poursuivi les études. » Q : le BEP, l’avez-vous préparé chez un employeur ? R : « non, je l’ai passé au lycée M., dans un lycée professionnel à S., pas en alternance et voilà quoi.» Q : votre maman était-elle d’accord pour que vous suiviez cette filière ? R : « oui, elle n’a pas eu d’opposition par rapport à ça, au contraire. Au moins, elle a vu que j’avais quand même un projet » Q : auparavant vous naviguiez ? R : « oui, je naviguais entre la famille et les amis, des fois, il n’y avait personne alors je me débrouillais autrement, et voilà quoi.» Q : avez-vous passé des nuits dans la rue ? R : « oui, ça m’est déjà arrivé, dans la rue, bon, j’étais dans les locaux, dans des voitures avec des amis. Je n’étais jamais vraiment dans la rue, le trottoir, le béton. C’est vrai, ce n’est pas évident non plus, même si on est entouré au minimum d’amis, ce n’est pas évident. C’est une épreuve difficile à passer. Et c’est vrai que maintenant en y pensant, je me dis qu’avec la patience, on y arrive tôt ou tard, avec la volonté, on y arrive.» Q : avez-vous demandé de l’aide à une assistante sociale ?

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R : « ben si, j’étais inscrit à l’Étage24, c’est une association justement qui aide les jeunes qui sont en difficultés quoi, souvent là-bas, j’ai eu un entretien avec l’assistante sociale, elle m’a fait des cartes repas pour que je mange, qui étaient subventionnées par le Conseil Général de Bas –Rhin. Et je recevais des aides, des fonds d’aide aux jeunes, justement comme j’étais sans ressources, et voilà, si, j’ai quand même été accompagné un petit peu oui. » Q : avez-vous des frères et sœurs ? R : « oui, j’ai deux sœurs. Une petite et une grande.» Q : vivent-elles avec votre maman ? R : « ma grande sœur vit dans le sud, elle est partie voir mon père, elle a eu un bébé d’ailleurs. Elle vivait dans le sud et là, elle va revenir sur Strasbourg, quoi. J’ai ma petite sœur qui va au lycée, elle est en train de passer son bac, bac professionnel, elle jongle entre son père et ma mère. On n’a pas le même père avec ma petite sœur en fait. J’ai le même avec ma grande sœur pas avec ma petite sœur. Et voilà.» Q : votre papa, le voyez-vous encore ? R : «non, c’est vrai que dans ma jeunesse, je n’ai pas eu trop de contacts avec lui. C’est très, très compliqué, pendant de longues années on ne s’est pas vu, on ne s’est pas téléphoné, mes parents se sont séparés quand j’étais très jeune, c’est vrai qu’ils se sont séparés en guerre en fait, en guerre, et après leur conflit a eu des répercussions sur nous automatiquement. Et voilà, je n’étais pas en contact avec lui jusqu’à je me rebelle contre ma mère, je voulais plus de liberté, et voilà, lui, il est remonté sur Strasbourg chez ma tante et du coup, euh, on se voyait, je le voyais souvent. On a commencé à renouer des rapports ensemble, par la suite, il est reparti dans le sud parce qu’il a son travail, sa vie là-bas quoi. Et depuis, je vais là-bas en vacances, quand j’ai des congés, on se téléphone régulièrement, c’est une bonne relation quoi. » Q : et avec votre maman ? R : « pour l’instant c’est impeccable avec les deux, parce qu’en fin de compte, ils ont pris conscience que j’ai grandi, que je m’assume tout seul, que j’ai des responsabilités. Je ne suis plus un gamin quoi. Et ça, ça fait plaisir quoi, ils ne me considèrent plus comme un petit, quoi, ils voient que je suis un homme maintenant. » Q : vous êtes donc soutenu par votre famille ? R : « à partir du moment où j’ai l’envie de réussir, d’avancer dans la vie, ils ont vite compris que je ne pourrai que réussir avec leur coup de main. Et voilà c’est ce qui est actuellement en train de se produire.» Q : vous m’avez dit que vous avez de la famille qui travaille dans le bâtiment, vous les aidiez ? R : « j’allais sur les chantiers pour voir autre chose un petit peu, ils concluaient des conventions de stage avec moi.» Q : quelqu’un dans votre famille possède une entreprise ? R : « donc, moi je venais, je regardais, et voilà, si je pouvais donner un coup de main, je donnais un coup de main, ça me permettait justement de retrouver un train de vie, de me lever tôt, de comprendre pourquoi on est fatigué de la journée, de voir ça, parce que j’avais perdu tous ces repères-là. A force de ne rien faire, se lever à pas d’heure, d’être démotivé, ben, ça casse le rythme, et c’est sûr que le jour où il aurait fallu que je signe un contrat, je n’aurais peut-être pas tenu la route. Donc, ça m’a permis de me remettre dans le bain. C’était une entreprise de placo.» Homme, 21 ans, BEP carrossier.

24 L’Étage lieu d'accueil ouvert en 1981 et le restaurant ouvert en 1984, au centre-ville de Strasbourg, permettent d'établir et de maintenir le contact avec une population de jeunes adultes, souvent sans domicile fixe, dont une bonne partie ne fréquente guère les lieux habituels de l'action sociale. L'Étage constitue actuellement, à Strasbourg, le principal lieu d'accueil et d'accompagnement de jeunes de moins de 25 ans en situation de rupture. Ses interventions vont du champ de l'urgence sociale aux actions de formation (depuis 1982) en passant par des actions d'accompagnement et de mobilisation (en 1991). Depuis une dizaine d’années, l’Étage a élargi ses services à de nouveaux publics, tout en restant majoritairement tourné vers le public des jeunes adultes. Leurs actions touchent maintenant des familles et des personnes isolées de tout âge notamment dans les dispositifs d’hébergement, d’accès aux soins ou d’appui à la parentalité.

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Chez les adultes, quand survient la rupture avec les parents ou le décès de ceux-ci, le coût est énorme pour elle. Si elle a peu de liens avec son ancien entourage (familial, amical, de voisinage), elle se retrouve isolée et n’a plus aucune visibilité sociale, comme dans le cas de cette personne hébergée en foyer :

R : « C’était en 2006, l’année où j’ai tout perdu. J’ai perdu mon père, mon boulot, ma femme, mes enfants, mes animaux (rire) et mon appartement.» Q : les animaux, vous les avez retrouvés ? R : «oui, mais c’était une façon de s’en débarrasser, en fait, moi, je ne pouvais pas les garder, ça ne m’aurait pas dérangé de les avoir mais je n’étais dans mon appartement. Heureusement, j’avais ma mère, bon, elle allait bientôt partir en maison de retraite parce qu’elle ne pouvait plus rester seule, mais c’est la manière quoi. Je vais quand même vous dire un truc, c’est (..), j’ai travaillé pendant 20 ans, même plus, plus toutes les autres années, je n’ai pas de mobilier, elle (ex épouse) a tout gardé quoi, même ma guitare, les équipements de musculation, tout. Je veux dire je n’ai jamais rien dit quoi que ce soit jusque-là. Je vais faire ma cure et après je vais attaquer, maintenant la plaisanterie a assez duré, quoi.» Q : en 2006, vous êtes retourné vivre chez votre maman ? R : « euh, je vais vous raconter le début de l’histoire, ce sera plus simple, un soir, j’allais me foutre en l’air, j’ai pris pas mal de trucs, ça a fini en bastongues, verbalement, les voisins ont appelé les flics qui sont venus, une 1ère fois, euh, après ils sont repartis, ah madame, calmez-vous et ci et ça, alors que c’est moi qui foutais le bordel, ça m’a fait rire. Bon, elle en rajoutait aussi, quoi. Et après, ils sont venus une 2ème fois, moi, j’avais bouffé tellement de cachets, tellement de saloperies, dès que j’ai entendu la sonnerie, les flics sont arrivés, je me suis levé, j’ai pris ma veste, je me suis retrouvé le lendemain en psychiatrie pendant un mois un mois et demi quoi. Et elle en a profité pour changer les serrures, pour tout faire, pour que je ne puisse plus rentrer chez moi en fait. Moi, je payais tout, loyer et compagnie. Je ne dis rien contre mon ex-femme. Ça ne sert à rien de rester ensemble, quand on a des enfants. Quand j’entends les gens qui disent, on reste pour les enfants, c’est un prétexte, je veux bien discuter avec eux, arrêtez, arrêtez, ça ne mène à rien quoi. Moi, je vois que j’ai tout perdu, à 50 balais, il faut que je me reconstruise complètement parce que je n’ai rien.» Homme, 48 ans, CAP de vitrier, ouvrier.

Dans les difficultés, l’intervention sociale devient une nécessité. Les personnes se dirigent vers des associations qui leur viennent en aide matériellement et qui les accompagnent dans leur parcours, ou qui pallie l’incapacité à faire face aux situations. Si la solidarité au sein de la famille est toujours vivante dans les familles éclatées, l’intervention sociale s’exerce néanmoins à l’adresse de ses membres, dès lors que ceux-ci se retrouvent dans une situation de précarité.

Q : vos enfants sont partis en famille d’accueil quand votre épouse est décédée ? R : « c’était déjà avant, parce qu’on n’était plus ensemble, on était déjà séparé, séparé, même pas divorcé.» Q : elle ne pouvait donc pas s’occuper des enfants ? R : « je ne sais pas, elle ne pouvait pas ou ne voulait pas, je ne sais pas. Un jour, quand j’étais encore en Allemagne, quand j’ai travaillé, on m’a appelé sur le portable et c’était le service des enfants, la ville, qui m’avait annoncé qu’ils ont cherché les filles.» Q : ce sont deux filles ? R : « oui, deux filles » Q : et vous ne voulez pas les reprendre ? R : « ben moi, je ne pouvais pas, comme j’étais en accident de travail, je n’avais plus de domicile fixe. J’allais d’un foyer à un autre comme en ce moment, moi, j’habite à côté.» Q : depuis quand n’aviez-vous plus d’appartement ? R : « depuis fin 2007, 2008.» Q : Avez-vous encore travaillé à cette époque ?

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R : « oui, en intérim.» Q : vous n’avez même pas trouvé de studio ? R : « allez quelque part, vous leur montrez les papiers, ils voient que vous êtes intérim, vous n’avez pas de chance.» Q : avez-vous encore des contacts avec vos parents, vivent-ils encore ? R : «oui.» Q : avez-vous encore des contacts avec votre famille ? R : « non, ça fait dix ans que je n’ai plus de contacts avec ma famille. » Q : avec vos parents et vos deux sœurs ? R : « avec mes sœurs oui mais pas avec mes parents. Mon père a eu un problème parce que je me suis marié avec une dame qui était moitié française, moitié algérienne, et là, il m’a dit : « la porte est fermée pour toi.» Il n’y a pas de soucis, j’ai une autre famille, alors.» Q : et ses petits-enfants, il ne veut pas les voir ? R : «non, non.» Q : et votre maman non plus ? R : « ma mère, elle aime bien les voir, mais moi, je dis si tu veux les voir, tu viens à Strasbourg mais comme elle a 76 ans, elle ne peut plus monter à Strasbourg.» Q : et avec vos deux sœurs ? R : « oui, ça va. » Q : quand vous aviez des difficultés à trouver un logement, vous aidaient-elles ? R : « mais, il y en a une qui habite en Allemagne et une autre qui habite le patelin où j’étais avant. Elle habite juste en face de chez mes parents alors je ne voulais pas aller là-bas. Et l’autre habite en Allemagne, à Mannheim, euh » Q : vous avez toujours gardé un contact ? R : « oui, on a toujours des contacts.» Q : n’est-ce pas trop dur de vivre sans vos filles ? R : « non, ça va. Au début, c’était (…), maintenant ça va. Elles vont bien, elles grandissent bien, elles sont bien là-bas. Elles vivent dans un petit patelin, vers S.U., elles viennent toutes les deux semaines me voir sauf, (…) sur S. oui.» Q : Viennent-elles avec une éducatrice ? R : « au début, c’était avec une éducatrice, je voyais l’éducatrice juste pour dire bonjour, rue du V. à S., juste pour dire bonjour, et après, je passais une heure, une heure et demi avec mes filles, Maintenant, c’est la famille d’accueil qui vient, qui les cherche. C’est la famille d’accueil qui les ramène à S.» Q : vous étiez déjà séparé quand les enfants ont été placés ? R : « oui.» Homme, 54 ans, peintre en bâtiment.

Les « nouveaux pauvres » et les anciennes catégories de bénéficiaires d’aide sociale

Pour Robert Castel, les nouveaux pauvres sont ceux qui ont subi de plein fouet les conséquences des mutations économiques, technologiques et sociales en cours. Jusque dans les années 1970, l’intervention sociale s’adressait à des catégories segmentées que sont les vieillards sans ressources, les enfants en danger, ou à problèmes, les familles déstructurées, les handicapés, les délinquants ou les prédélinquants. On est passé d’un processus de segmentation des populations à problèmes (les handicapés, les familles déstructurées..) à une globalité indifférenciée « les pauvres », les « exclus » à la fin des années 197025, dont la situation est liée au développement du chômage de masse. Dans les structures d’insertion par l’activité économique, on reconnait parmi « ces exclus » les travailleurs handicapés, les membres issues de familles déstructurées (que ces familles soient recomposées, monoparentales ou nucléaires), les anciens détenus, les réfugiés politiques, les immigrés de date récente, qui ont fui la pauvreté dans leur pays (y compris les membres de l’Union Européenne) et les « nouveaux pauvres » qui ont subi les conséquences des changements technologiques et économiques. 25 Robert CASTEL « Du travail social à la gestion sociale du non travail » revue Esprit, mars-avril 1998, pp.28-59.

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Ce qui distingue les « nouveaux pauvres » des anciens pauvres, c’est l’absence de dispositif ciblé d’intervention sociale dans leur trajectoire personnelle qui les viserait en tant que public cible, ou une intervention minimale et diffuse, alors que les anciennes catégories connaissent l’intervention sociale tout au long de leur trajectoire personnelle, que celle-ci soit ponctuelle ou continue. Dans ces anciennes catégories, on constate une multiplicité d’intervenants sociaux, qui prend en charge une difficulté administrativement identifiée. Pour ces « anciens pauvres», les dispositifs d’accompagnement sociaux ont pour résultat d’intégrer les personnes dans la société. Par exemple, les personnes handicapées sont l’objet de dispositif organiquement identifiable.

Q : étiez-vous à l’école primaire ? R : « oui. » Q : étiez-vous ensuite au collège ? R : « oui. » Q : avez-vous arrêté au collège ? R : « non, j’étais au W. à H. »26 Q : et comment cela s’est –il passé là-bas ? R : « très bien. » Q : jusqu’à quel âge êtes-vous resté au W. ? R : « 20. » Q : êtes-vous suivi par un assistant social ? R : « je suis suivi par le SAVS27 de S ». R : vous êtes donc reconnu travailleur handicapé28 ? R : « oui.» Q : et c’est le SAVS qui vous a trouvé l’entreprise d’insertion ? R : « oui. » Q : êtes –vous venu tout seul ici ? R : « non, le SAVS m’a accompagné.» Homme, 22 ans, cariste

Pour les « nouveaux pauvres », dont le point commun est souvent le bénéfice d’un minimum social, comme le RSA, l’accès aux dispositifs d’accompagnement sociaux est peu personnalisé et suppose de leur part une adaptation à l’ordre institutionnel.

Q : vous étiez au RSA alors ? R : « oui, au RSA, la société dans laquelle j’ai travaillé, S., emploie une assistante sociale aussi. C’est elle qui m’a aidée à trouver, un logement euh, depuis l’année 2011, j’habite le même endroit donc, j’ai un logement.» Q : ce qui vous a permis de chercher votre fille ? R : oui, je ne peux pas la laisser là-bas (au M.), après elle va rater sa scolarité au CP, c’est grave pour elle. C’est pour ça que j’ai pensé à elle quand même. » Q : quand vous travaillez en dehors des heures de l’école, qui s’en occupe ?

26 C’est un institut thérapeutique éducatif et pédagogique qui accueille des jeunes de 6 à 20 ans, qui ont des troubles du caractère et du comportement. L'orientation vers un Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique (ITEP) se fait par décision de la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) du département de résidence du jeune.Les ITEP proposent les services suivants, l’accueil en internat ou demi-pension, l’accompagnement vers l’accès aux soins, la participation sociale, les apprentissages, l’élaboration et la mise en œuvre d'un projet thérapeutique, l’organisation d'activités éducatives adaptées. Les objectifs des ITEP sont également de préserver le lien avec le milieu ordinaire de vie (social et familial) et apporter un soutien aux parents et aux proches, de proposer plusieurs modalités de scolarisation en lien avec les établissements d’enseignement de proximité (l'enseignement est dispensé soit dans l’établissement par des enseignants spécialisés, soit en intégration dans des classes, ordinaires ou spécialisées) et de rechercher les dispositifs de formation générale et professionnelle appropriés. 27 Le Service d'Accompagnement à la Vie Sociale. Les SAVS sont des structures issues de la loi du 11 février 2005 sur le handicap. Leur mission implique une assistance et un accompagnement pour tout ou partie des actes essentiels de l'existence et un accompagnement social en milieu ouvert et un apprentissage à l'autonomie. 28 Un travailleur handicapé est une personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont réduites à cause de son handicap. Il peut s'agir de l'altération d'une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique. C'est la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui examine le dossier de demande.

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R : « elle mange toujours à la cantine, hein, parce que je ne peux pas m’en occuper. Au début, quand j’étais au chômage, je ne savais pas. Je la cherchai à midi, il fallait retourner là à 14 heures, donc je n’ai pas le choix, là elle mange à la cantine et ainsi je peux travailler. » Q : payez-vous quelque chose pour elle à la cantine ? R : « ben oui, ça dépend du revenu. Là juste, je l’ai inscrit à une association Porte Ouverte, si vous avez entendu, c’est une association en fait, qui cherche les enfants de l’école. Donc, là ils font les devoirs, ils les gardent jusqu’à 17 heures et quart, après je viens la chercher. Q : qui vous a proposé cet accompagnement ? R : « en fait, c’est une dame qui habite à côté de moi. Sa fille était aussi inscrite là-bas. Elle travaillait aussi à A.J. à l’époque. Donc, c’est elle qui m’a parlée de l’association. Donc, je n’ai pas le choix, parfois, je suis au travail, je ne peux pas la chercher. » Q : c’est payant ? R : « oui, bien sûr. Ce n’est pas gratuit. Ah, ils ont augmenté cette année, ils emploient 4 personnes, ils ont augmenté leur tarif. Pour la garde, plus l’aide au devoir, c’est 80 euros, c’est quand même (..) ça augmente. Là je ne touche pas trop à ça, je n’ai pas trop le choix. » Q ; avez-vous demandé d’autres aides lorsque vous étiez chez S. ou au foyer d’hébergement ? R : « dans les foyers non, dans les foyers, ils ne proposent rien, c’est comme ça. Je paye seulement 15 % pour l’hébergement, comme je ne travaille pas, donc, je ne paye pas trop. Quand j’ai commencé la formation, j’ai payé un peu plus, deux cents et quelques. Le prix de l’hébergement a augmenté. Je n’ai rien demandé à S. ce sont eux qui m’ont aidée. En fait c’est le travail de cette entreprise. On m’a demandé si j’avais des enfants comme çà, ils posent ces questions à tous les salariés, je n’ai jamais demandé moi. Ils ont une assistante sociale qui suit tous les salariés. » Q : que vous a-t-elle proposé comme aide ? R : « en fait, pour avoir un logement, elle m’a payé deux mois. Franchement, j’ai de la chance, franchement grâce à eux, ils m’ont payé 500 euros de dépôt de garantie. Elle m’a donné des chèques pour des achats, des habits aussi, franchement elle m’a aidée, ils m’ont beaucoup aidée. J’ai fait des courses et j’ai acheté des habits pour ma fille. » Q : pouvez-vous me parler des difficultés que vous avez rencontré dans la recherche d’un emploi ? R : « Elle m’aide, c’est une Algérienne, elle répond par email aux offres d’emploi, mais les employeurs ne répondent pas. » Q : dans quel domaine vous aide –t-elle ? R : « dans le domaine social, voilà, je ne suis pas la seule, elle aide tous les adhérents de l’association. Elle s’occupe de gens qui n’ont pas de papiers, qui n’ont pas de logements, il y a des gens qui vivent des situations pires que la mienne. Elle m’a aidée juste pour ça, franchement, elle a essayé de me trouver un emploi mais elle n’a pas réussi. Elle m’a aidé parce qu’avant, je n’avais pas Internet chez moi. Donc on envoyait des candidatures par email, c’est ça. C’est dur, franchement, c’est dur, c’est pour ça que j’ai accepté quand on m’a proposé un CDI, j’étais sûr d’avoir trouvé un travail. Je suis fatiguée de chercher tout le temps. J’ai imprimé des offres et je les ai envoyées par email. Il y a une assistante sociale aussi à Porte Ouverte,29 là où je fais garder ma fille.» Femme, 40 ans, technicienne de surface.

Les difficultés financières dans laquelle se trouvent certaines personnes les amènent à demander de l’aide à la structure d’insertion par l’activité économique, aide qui leur est d’ailleurs proposée. Souvent, les salariés en insertion font une confusion entre les assistantes sociales et les accompagnateurs socio professionnels. Pour eux, l’accompagnement social équivaut à de l’aide sociale et la distinction entre accompagnement social et professionnel est malaisée.

29 L’Association Porte Ouverte a été fondée en 1981 par quelques bénévoles qui souhaitaient proposer des activités à des enfants issus de milieux défavorisés dans le but d’assurer au mieux pour eux une meilleure intégration socio-professionnelle. Elle s’est implantée dans le quartier gare en 1985 et depuis elle ne cesse d’évoluer pour maintenant développer des animations socio-culturelles en direction des enfants à partir de 6 ans, des adolescents et des adultes. Elle travaille avec une équipe de 5 permanents, des vacataires, des saisonniers, des bénévoles et des intervenants artistiques. Elle a pour but d’assurer un mieux vivre dans le quartier gare de créer du lien social, de développer la mixité intergénérationnelle interculturelle, de favoriser l’égalité des genres et de tendre vers l’épanouissement socio-culturel et professionnel.

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Q : avez-vous déjà fait appel à une assistante sociale ? R : « non, non, non, non. » Q : En aviez-vous besoin ? R : « non. » Q : et l’entreprise d’insertion vous a-t-elle proposé une aide pour résoudre justement les difficultés que vous rencontrez dans votre vie quotidienne, des petits soucis ? R : « oui, on a eu des petits soucis de facture et ils m’ont proposé une aide et voilà, il n’y a pas de soucis. Certains moments, quand on dit ça ne va plus, il ne faut pas avoir peur de demander. Voilà à partir de là (..), mais ça c’est lié à un contexte, en France, c’est pour tout le monde pareil. Voilà, donc, il n’y a pas de honte. Je pense. Il faut avoir le courage d’aller exposer sa vie privée et ça c’est une démarche, je ne veux pas dire que j’ai du mal, je n’aime pas trop mais quand il faut, il faut. Non, non, là il n’y a pas de soucis. Ça ne me pose pas trop de problèmes. C’est une nécessité, de toute façon, à certains moments, il faut être réaliste, quoi. S’enfermer dans sa bulle et rester, rester, s’enfoncer, s’enfoncer. » Q : ça vous arrive souvent de demander de l’aide ? R : « non, c’est arrivé une fois depuis, c’est vraiment ponctuel, il y avait un souci de trésorerie comme chez X personnes et puis voilà. Et puis le problème s’est réglé.» Homme, 57 ans, coffreur.

Les salariés en insertion sont en grande majorité issus des classes populaires, certains font même partie des franges les plus dominées et les plus défavorisées des classes populaires. Les quelques salariés issus des classes favorisées connaissent une trajectoire descendante par rapport à la situation sociale des parents. Ce sont des personnes qui choisissent souvent la voie de l’apprentissage. Chez certains, le parcours professionnel est relativement stable, chez d’autres, il est multiforme, pour tous il est marqué par la précarité et l’alternance de périodes de travail courtes et de périodes fréquentes de chômage dans le temps précédent l’entrée dans la structure d’insertion. Certains salariés ne font pas appel à l’aide sociale, d’autres seulement depuis qu’ils sont demandeurs d’emploi et d’autres ont toujours connu l’aide sociale. Ce qui les caractérise, c’est le besoin d’une intervention sociale pour faire face à des obstacles que leur capital social et culturel leur permet difficilement de surmonter. Pour certains salariés, la structure d’insertion par l’activité économique représente un tremplin vers un emploi, pour d’autres, c’est un temps de répit, de respiration, dans leur parcours parsemé de difficultés. Certains salariés vivent dans une stabilité familiale alors que d’autres connaissent des ruptures qui les fragilisent encore plus sur le plan personnel, social et économique.

LE TRAVAIL D’INSERTION, AIDE OU ACCOMPAGNEMENT

Cinq entreprises ont été visitées dont deux entreprises d’insertion, deux chantiers d’insertion et une association intermédiaire.

L’accompagnement socioprofessionnel La majorité des accompagnateurs socio-professionnels ont un niveau I à III. Quelques-uns sont issus des Sciences Humaines (ethnologie, psychologie, sociologie). Une minorité d’entre eux ont un niveau inférieur au baccalauréat. C’est un métier occupé par des personnes dont le niveau scolaire augmente. Certains accompagnateurs sont issus des métiers du travail social (conseillère en économie sociale et familiale, assistante sociale). Certains ont déjà travaillé dans le champ du social (animatrice dans un centre socio culturel, animation d’expression artistique dans des associations, travail dans le domaine de l’insertion locative dans un centre

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d’insertion pour les réfugiés). Aucun des accompagnateurs n’a eu une formation professionnalisante dans le domaine de l’accompagnement socio professionnel, la formation se fait sur le tas ou en interne. Dans certaines structures, l’accompagnement professionnel est au centre de leur activité d’accompagnement et l’accompagnement social est périphérique. Dans d’autres structures, l’accompagnement social prime sur l’accompagnement professionnel. La plupart des structures emploient des accompagnateurs dont le métier les place sur les deux volets du projet d’insertion, social et professionnel. Une seule structure distingue les fonctions dans son organisation et emploie une accompagnatrice sociale et une accompagnatrice professionnelle. Enfin, il s’agit d’un métier largement féminisé et toutes les structures que nous avons rencontrées emploient des femmes sur les postes d’accompagnant social ou professionnel. Dans la majorité des structures, ce sont les directeurs ou les DRH qui recrutent les salariés en insertion, dans quelques-unes ce sont les accompagnatrices qui procèdent au recrutement.

Un travail d’équipe

Les accompagnatrices socioprofessionnelles mettent l’accent sur le travail d’équipe avec les encadrants techniques, cela leur permet d’appréhender la personne en milieu de travail. D’autres structures dont l’effectif salarié est important disposent d’un service de ressources humaines avec un DRH. Dans ce cas, les accompagnateurs sociaux, les encadrants techniques et le DRH se réunissent régulièrement pour discuter des questions liées aux difficultés rencontrées en dehors du travail par les salariés et des parcours professionnels au sein de la structure. Dans certaines structures, ce sont les accompagnateurs, qui en accord avec l’encadrant technique rappellent les règles en vigueur en entreprise. Dans l’ouvrage «Ruptures scolaires, l’école à l’épreuve de la question sociale», les auteurs expliquent comment les temporalités familiales se trouvent en contradiction avec les exigences du temps scolaire. On retrouve cette même contradiction entre les temporalités familiales vécues par les salariés et les exigences du temps de l’entreprise.30 L’entreprise exige de la régularité, de la ponctualité, des capacités de prévision et de planification, ce que n’ont pas intégré en particulier par les plus jeunes, ni chez eux, ni à l’école. Ils vont devoir s’adapter très vite aux règles de l’entreprise s’ils veulent que la structure renouvelle le contrat. La durée courte des contrats signés31 (quatre à six mois) dans la majorité des entreprises est en effet un levier d’action dans la mise en œuvre du projet d’insertion. Pour les salariés qui n’arrivent pas à respecter les consignes liées à l’occupation de leur poste de travail, leur comportement n’étant pas celui qu’on attend d’eux, la sanction consiste à ne pas renouveler le contrat. En effet, peu de structures mettent en œuvre des mesures disciplinaires à l’égard des salariés, le non renouvellement du contrat est la sanction le plus souvent adoptée. L’accompagnatrice socio professionnelle participe donc au maintien de l’ordre social tout comme l’encadrant technique, la DRH (ce sont des femmes) et le directeur, au sein de la structure d’insertion. L’accent est mis sur « l’explication, la répétition, l’éducation ». Il faut expliquer que le savoir-être est nécessaire en entreprise, le savoir- être prouve que la personne respecte autrui. L’organisation d’une entreprise dépend également du savoir- être de ses salariés. La répétition est au cœur des méthodes d’accompagnement déployées, qui visent d’abord à faire en sorte que les salariés respectent les règles instaurées dans les unités de production qui sont celles des entreprises classiques. « Eduquer », c’est « remettre le travail au centre de préoccupation des salariés ».

Q : C’est-à-dire, qu’entendez-vous par rôle éducatif ?

30 Mathias MILLET et Daniel THIN, in « Ruptures scolaires, l’école à l’épreuve de la question sociale » op. cit. 31 Le contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI) est signé pour une durée minimale de 4 mois renouvelables, dans la limite d'une durée totale de 2 ans. La durée minimum de travail du salarié est fixée à 20 heures par semaine. Elle peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat, sans dépasser 35 heures.

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R : « C’est un rôle éducatif, dans le sens où on est là pour remettre un petit peu le travail au centre de leurs valeurs, au centre de leurs priorités. Ce sont, comme dit, des personnes qui ont été mises en marge du marché de l’emploi pendant un certain temps, pendant un temps plus ou moins long, qui ont eu des accidents de la vie, qui ont fait que, leur priorité n’était plus le travail, qui sont primo arrivés en France, qui ont une image un petit peu biaisée de l’emploi, du travail, de la façon dont on exerce un emploi en France, qui n’est pas forcément le même que dans leur pays d’origine. Donc, je pense que l’insertion, à notre niveau, entreprise d’insertion, on a vraiment un rôle, un rôle éducatif, c’est-à-dire de remettre l’emploi au centre de leurs priorités, de leur réapprendre les règles d’une entreprise, puisque je fais fort de considérer mes salariés comme des employés lambda, comme dans une entreprise classique avec les mêmes exigences, et je pense que, vraiment, c’est notre rôle, de leur permettre de remettre l’emploi au centre de leurs priorités, tout en leur permettant de bénéficier, moi, j’appelle toujours ça un petit peu « notre caisse à outils », pour leur permettre de se projeter à plus ou moins court terme dans une formation qui leur permettra d’intégrer un emploi ou directement dans un emploi, puisqu’on a un certain nombre de salariés qui sont directement employables.» DRH, 44 ans.

Q : ces salariés ont-ils ce savoir être ? R : « pas tous. Pas tous, surtout au départ.» R2 : « l’objectif c’est que ceux qui ne l’ont pas, l’entendent. On a des grilles d’évaluation, avec justement, une partie de ces critères-là, pour voir si les gens respectent les temps de travail, s’ils sont autonomes, s’ils ont un esprit d’équipe, s’ils respectent les règles de sécurité. Finalement tout ça, on essaye.» R : « arriver à l’heure, déjà arriver à l’heure, être propre. » accompagnatrice socioprofessionnelle, 50 ans. R2 : « c’est un peu bête de leur répéter ça. Ce n’est pas bête de leur répéter ça parce que ça leur fait du bien. Pour certaines personnes. Il y en a, on sait déjà qui, quand ils appellent, franchement, oui, ça dépend. Il y en a qui sortiront de l’entreprise, ce ne sera pas acquis. Ce n’est pas tout à fait réussi, mais bon ça (..).» accompagnatrice socioprofessionnelle, 32 ans.

Le volet social de l’accompagnement : un travail administratif

L’accompagnement socioprofessionnel présente deux facettes, l’une qui touche au travail administratif et aux relations avec les partenaires et l’autre qui touche aux relations avec les salariés en insertion. La problématique sociale la plus récurrente est celle du logement. Certains salariés vivent en foyer et demandent un logement, d’autres disposent d’un logement et souhaitent un logement plus grand, certains vivent dans un logement insalubre. A cette fin, l’accompagnatrice socio professionnelle prend attache auprès des assistantes sociales pour suivre le dossier. Les structures adhérentes à Action logement 32 peuvent faire appel à cet organisme qui siège au sein des commissions d’attribution des logements sociaux. L’accompagnatrice socioprofessionnelle vérifie que le dossier est bien rempli et que toutes les pièces lui sont bien transmises, elle transmet alors le dossier rempli par le salarié (sauf les travailleurs étrangers à qui elle propose une aide pour le remplir). Comme les travailleurs immigrés dont la maîtrise du français est insuffisante sont nombreux, l’aide au remplissage de formulaires peut être conséquente. Ils représentent selon les structures et selon l’opinion des cadres entre 55 et 90 % des salariés en insertion. D’autres structures s’appuient sur leur réseau de bienfaisance pour proposer un logement d’urgence (en général, il s’agit de foyers ou de CHRS qui sont gérés par leur réseau).33 Certaines structures signent des conventions avec des bailleurs sociaux pour que 32 C'est la dénomination usuelle de la Participation des Employeurs à l'Effort de Construction, instituée en 1953 pour les entreprises du secteur privé non agricole*. La contribution des entreprises représente actuellement 0,95 % de la masse salariale. À compter de 2006, Action Logement est versé par les entreprises employant au moins 20 salariés. 33 Un Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) est une catégorie d'établissements sociaux intervenant dans le domaine de l'accueil, de l'hébergement et de la réinsertion sociale et professionnelle des personnes en situation d'exclusion. Les CHRS relèvent du champ de compétence de l'État. La tarification, le financement, le contrôle et le suivi de ces établissements sont assurés dans les

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la demande des salariés soit prise rapidement en compte. Les aides sociales sont diverses. Certaines structures proposent à leurs salariés en insertion des aides financières pour leurs enfants ou encore des bilans de santé à l’embauche.

Q ; c’est l’accompagnatrice qui a trouvé un CDI, vous a –t- elle proposé une autre aide ? R : «Elle m’a proposé un autre emploi mais je n’ai pas le permis. Elle m’a proposé plusieurs aides, comme l’aide pour les vacances, à chaque fois, elle propose une aide. Et la dernière fois, j’ai un enfant qui a des difficultés, il a un retard, il n’a pas d’handicap, il est reconnu handicapé par la MDPH, elle ne savait pas, alors on a parlé, elle m’a dit : « tu as droit à une aide pour un enfant handicapé », elle a fait la démarche. C’est une aide financière. Il a trois ans et demi, il est à la crèche grâce à cette aide financière. Il est entré à la crèche cette année, pour les enfants qui ont des difficultés. Jusqu’à maintenant il ne parle pas.» Homme, 31 ans, commerçant. « On met en place un certain nombre de dispositifs. Les personnes, par exemple, rencontrent une assistante sociale de la sécurité sociale, qui fait avec eux un point sur les dispositifs de santé et les différentes démarches à faire, donc, ça se fait en plusieurs étapes, et, une des étapes, est la possibilité de faire un bilan de santé à la MGEN, donc, un bilan de santé complet à la MGEN, durant leur temps de travail.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 33 ans.

Certaines accompagnatrices montent le dossier de surendettement alors que d’autres les envoient vers des organismes compétents tels CRESUS34.

« Quand ce sera le budget, eh bien, on orientera la personne vers CRESUS, par exemple, on fera un point préalable sur la situation, un bilan sur la situation financière de la personne, qu’on enverra, avec son accord, à CRESUS, et suite à ça, on parlera de cette situation avec CRESUS. Si la personne participe bien aux rendez-vous, si tout se passe bien, sans pour autant rentrer dans les détails avec CRESUS, qui eux aussi, ont un accord de confidentialité avec la personne, donc, on ne va pas rentrer plus que ça dans le détail, mais la personne va pouvoir venir vers nous, en disant (…).» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 33 ans.

La structure qui s’appuie sur son réseau de bienfaisance propose une aide dans la vie quotidienne. L’idée qui est défendue est celle que la satisfaction des besoins primaires (se vêtir, s’alimenter, avoir un toit, être en bonne santé) est condition sine qua non pour pouvoir travailler.

« Moi, je suis aussi là pour leur dire, eh bien, écoutez, mettez tout ça de côté, sachez qu’on est là pour résoudre d’abord les difficultés sociales, eh bien, l’aide alimentaire, les habits, le logement, la santé, je ne leur dis pas, profitez-en, mais, essayez de résoudre ces choses-là. Je ne leur dis jamais, il faut en profiter. Voilà, donc je pense qu’il faut vraiment les accompagner dans ce sens-là, pour leur permettre d’améliorer leur vie, et pour après les booster toujours après, vers la recherche d’emploi.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 39 ans.

Les accompagnatrices socioprofessionnelles ont des contacts avec des institutions sociales, comme les assistantes sociales de quartier ou du Conseil général, la CAF, les bailleurs sociaux, les foyers, les CHRS, la sécurité sociale. Elles essaient de régler les problèmes que rencontrent les salariés, avec une prise en charge supplémentaire des difficultés liées à la maîtrise de la langue française le cas échéant, en entrant en contact avec ces institutions sociales. D’une manière générale, le métier de l’accompagnement social dans les structures peut être défini comme une mission d’intégration des différents dispositifs d’aide sociale proposés par les institutions et d’adaptation à la situation personnelle du salarié.

territoires par les DRJSCS (Directions Régionales de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale) qui s'appuient à cette fin sur les DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale) ou DDCSPP (Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations). 34 CRESUS ou chambre régionale du surendettement social, sont but est d’accueillir, écouter, accompagner les ménages surendettés et d’agir en faveur de la lutte contre l’exclusion par l’éducation et la formation financière de tous.

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Les pratiques d’accompagnement social sont différentes d’une structure à l’autre en fonction de son histoire, de son rattachement ou non à une structure de bienfaisance, de l’équipe dirigeante. Pour les structures qui dépendent d’un mouvement caritatif, le volet social de l’accompagnement revêt plus d’importance ; pour les structures créées par des organisations laïques, l’accent est davantage mis sur le volet professionnel. Dans les structures issues du mouvement caritatif, les accompagnatrices sociales gèrent elles-mêmes le volet social, dans les autres structures, y compris celles qui ont été créées par des professionnels du social (éducateur..), «la chose sociale» est renvoyée aux organismes qui mettent en place des dispositifs d’aide ciblés (organismes sociaux CRESUS, associations caritatives, assistante sociale…).

Le volet professionnel de l’accompagnement et le partenariat avec les entreprises

Certaines structures proposent des stages d’immersion en entreprise pour que les salariés en insertion aient une connaissance du métier qu’ils souhaitent exercer. D’autres nouent de véritables partenariats avec les entreprises en vue de faire embaucher des salariés en insertion. Les accompagnatrices préparent les salariés aux embauches d’entretien, elles leur apprennent aussi à rédiger des CV et des lettres de motivation. Elles affichent aussi les offres d’emploi de Pôle emploi.

R : «Oui, nous avons des contacts avec différentes entreprises traditionnelles, après, c’est souvent par le biais de nos relations commerciales, nous sommes une entreprise. Sinon, c’est par le biais de nos partenaires, par exemple, on a un partenariat, avec le projet Rev., c’est un partenariat entre Pôle Emploi et la Mission Locale, au niveau des Portes du Rhin, il y a un projet de mise en relation des entreprises avec des salariés. Voilà, nous pouvons placer quelques personnes dans ces entreprises partenaires.» Q : Et, donc, là, vous êtes entrés dans ce processus, enfin, vous êtes entrés en partenariat ? R : «nous sommes clairement en partenariat avec eux. Je les ai eus en ligne ce matin, les personnes, les cinq dernières personnes que nous avons placées, sont actuellement, en CDI, à temps plein, et ça se passe bien, hormis un, où c’est un peu compliqué. Mais ça va se rétablir rapidement, mais, voilà, je veux dire, nous sommes vraiment en partenariat avec une entreprise en particulier qui est la So.» Q : C’est quoi, la So. ? R : «La SO., c’est une entreprise de manutention et de nettoyage de wagons de marchandises, aux Portes du Rhin, voilà. Là, nous avons une proposition d’emploi sur un poste de menuiserie aluminium, et nous pourrions orienter des salariés en insertion dans cette entreprise, dans le cadre de ce projet-là, et après, nous avons des partenariats avec des entreprises par le biais de nos relations commerciales.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 33 ans.

D’autres structures organisent des journées de rencontre avec des entreprises et des anciens salariés en insertion qui y ont trouvé du travail, auxquels les salariés portent un grand intérêt, tout comme pour les stages d’immersion en entreprise ou les journées d’orientation.

R2 : « Oui, quand on peut, bon après. L’année dernière, nous avions organisé les semaines de l’orientation, nous avons fait venir pas mal de monde.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 32 ans. Q : des entreprises de quelle branche ? R2 : «De tous domaines, nous voulions organiser avec mes collègues une journée d’orientation, tu n’étais pas là. Avec les autres collègues, il s’agissait de faire découvrir un peu les secteurs. Dans chaque secteur, il y a des métiers qui recrutent, qui sont accessibles à nos salariés. Vu qu’il y avait une entreprise de chaque secteur qui était venue. Il y avait le bâtiment, travaux publics, l’industrie qui était venue, je ne sais plus, les labos pharmaceutiques. Qui est venu encore ?» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 32 ans. R : « il y avait les entreprises d’intérim, je crois.» accompagnatrice socioprofessionnelle, 50 ans.

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Le volet professionnel de l’accompagnement est donc une fonction tournée vers la fin du contrat du salarié dans la structure d’insertion et se présente commune une assistance et un suivi de la recherche d’emploi, qui met en œuvre des outils comme les stages et l’intermédiation avec les entreprises en s’appuyant sur l’expérience acquise par le salarié sur son poste de travail.

L’accompagnement socioprofessionnel : un diagnostic au travers des entretiens

A l’embauche, un diagnostic social et professionnel est effectué dans la plupart des structures, soit par le DRH, ou le coordinateur pour cerner les difficultés sociales et avoir une première perception des compétences professionnelles de la personne.

R : « Oui, oui, euh, je regardais si j’ai là le document, mais sinon je vous le sortirai, et donc, du coup, c’est plus poussé, nous abordons des aspects plus personnels et j’explique à chaque fois aux personnes, ce n’est pas pour (…), par exemple si elles ont eu des soucis de justice, si elles ont des problèmes de dettes, enfin ce genre de thématique. J’explique aux gens que c’est pour faire une photo de leur situation à ce moment-là, pour voir déjà en amont au moment de l’embauche, pour voir où ils en sont et pour voir dans quel domaine nous pouvons les aider, pour que ce parcours d’insertion soit vraiment un outil pour stabiliser leur situation au niveau personnel, pour avancer au niveau professionnel, monter en compétences. Et puis après, ils vont pouvoir aborder une recherche d’emploi ou une formation qualifiante, vraiment de manière sereine. Il ne faut pas qu’il y ait d’échec derrière, il faut que ça puisse tenir, parce que nous nous sommes rendus compte, que, travailler uniquement l’aspect professionnel, formation, en occultant l’aspect situation personnelle, sociale, ça ne tient pas quoi. Les gens vont ressortir, ok ils auront fait un parcours fulgurant, et puis, derrière, ça ne va pas tenir.» Coordinateur socioprofessionnel, 44 ans.

C’est un document écrit qui est complété, suite aux divers entretiens qu’auront les accompagnatrices socioprofessionnelles avec les salariées en insertion. Le premier entretien peut avoir lieu à l’embauche ou quelques jours après. C’est ce moment qui est choisi pour présenter la structure, son organisation, son fonctionnement. L’information peut être collective, plusieurs salariés en insertion y participent, ou individuelle. C’est fonction de la taille de la structure ou du nombre de recrutements.

Q : Pouvez-vous me décrire vos pratiques quotidiennes en matière d’accompagnement socio-professionnel? R : «Clairement, la personne, elle est embauchée. Elle arrive le premier jour dans l’entreprise, elle est accueillie sur le poste de travail par l’encadrant technique, qui va lui faire un accueil au poste de travail. L’accueil au poste de travail est formalisé sur un document, qui va être le premier élément d’intégration de la personne sur son poste, voilà. Donc, nous avons élaboré une fiche d’accueil, d’intégration, faite par l’encadrant technique. L’encadrant technique va lui présenter, ce que nous allons voir avec lui dans la journée. Nous allons lui présenter la structure, les collègues, lui présenter le poste de travail, lui montrer les équipements de protection individuels, ensuite, nous lui dispensons une formation sécurité au poste de travail, pour lui expliquer quels sont les risques inhérents au poste de travail sur lequel il est affecté. Et ensuite, nous lui dispensons une mini formation environnement, puisque l’entreprise est certifiée « iso 14001 », donc, en même temps que la personne intègre l’entreprise, moi, je l’inscris sur la session de formation «sécurité, gestes, postures, incendie», qui est dispensée en interne. Donc, mon collègue, qui dispense la formation, sait, en temps réel, le nombre de personnes, qui sont inscrites en fonction de la prochaine session qu’il organise.» DRH, 44 ans.

En général, un bilan social et professionnel est effectué à chaque renouvellement de contrat. Les salariés en insertion peuvent aussi prendre contact avec les accompagnatrices à tout moment. Ainsi, l’entretien permet une meilleure connaissance des problématiques sociales, une plus fine connaissance des compétences et des lacunes professionnelles et une construction du projet professionnel.

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Une structure utilise un logiciel qui permet aux accompagnatrices de faire «un bilan de compétences» et d’orienter les personnes vers une formation. L’entretien est la clé de voûte dans la construction d’un individu autonome, sachant vendre ses compétences et construire un projet professionnel. Pour Robert Castel, « L’idée de base est qu’il faut procéder par étapes, planifier des trajectoires, impliquer les personnes en difficulté pour les remettre progressivement à niveau, en les accompagnant dans un travail sur eux-mêmes pour mieux régler les comportements, augmenter leurs motivations, modifier leurs attitudes, afin de les rendre conformes aux exigences supposées du marché du travail. »35 Cette définition du travail d’insertion, dont à la responsabilité l’accompagnant socio-professionnel, correspond à la représentation que se font de leur métier les personnes interviewées.

Q : Et, donc, pour vous, l’accompagnement socio-professionnel, ce n’est pas de l’aide qui est à apporter, mais c’est vraiment, on accompagne, c’est un soutien pour les personnes ? R : « Il y a des personnes dans l’association, que je verrai, sans mentir, je dirais, trois fois par an, mais ce sont des personnes qui sont autonomes, et qui ont juste besoin, une fois de temps en temps (…). J’ai la porte ouverte, ils viennent me demander « est-ce que vous pouvez regarder juste le document, ou je vais rentrer en formation, est-ce que vous pouvez valider le formulaire » Après, il y a des personnes que je verrai tous les quinze jours, qui ont besoin d’un plus grand soutien. Parfois, nous n’avançons pas, parfois ils viennent juste parler « voilà, j’ai fait ça, ça, ça.» Ils se sentent rassurés, ça, ce n’est pas de l’accompagnement, c’est juste écouter quelqu’un qui a le besoin de communiquer un petit peu ou d’être rassuré dans les démarches, c’est vraiment différent pour moi, je ne suis pas assistante sociale, c’est vraiment différent.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 25 ans.

Pour pouvoir comprendre les demandes des salariés et trouver des solutions à leurs problématiques, l’écoute est essentielle dans la relation. Dans la pratique, l’accompagnement est un art du face-à-face.

« Donc, on crée quand même un climat, comment dit-on, de (…), ah je ne sais plus le nom, d’empathie, voilà, il y une certaine empathie avec la personne, où je suis là aussi pour les écouter. Bon, c’est vrai, j’ai fait des études de psychologie, donc c’est un peu déformé, mais, moi, je suis d’abord dans un moment d’écoute et d’échange avec la personne.» Accompagnatrice sociale, 39 ans.

L’accompagnement socioprofessionnel : une relation d’aide

Bien que certaines accompagnatrices mettent dans leur discours, l’accent sur leur rôle d’accompagnatrice, la notion d’aide est également présente.

Q : Et pour vous, l’accompagnement socio-professionnel, quelle signification a-t-il ? R : « Alors, pour moi qu’est-ce que l’accompagnement, l’accompagnement social, l’accompagnement social pour moi c’est plutôt aider les personnes à être le plus autonomes dans leur vie, dans leur vie de tous les jours, donc de les accompagner pour qu’elles deviennent autonomes et qu’elles puissent faire des démarches seules et être le mieux possible dans leur vie, quoi, épanouies, etc. Donc c’est un petit peu comme ça que je le définis, en tous cas c’est ce rôle vraiment de développer l’autonomie pour moi qui est le plus important. Oui, voilà, donc ça c’est vraiment la chance qu’elles ont aussi, c’est d’avoir cet accompagnement social qui fait que moi je suis disponible pour effectuer avec eux toutes démarches selon leur demande. Donc ces démarches, ça peut être le logement, le logement pour accéder à un nouveau logement, ça peut être, eh bien, la résolution des problèmes de dettes…» Q : Oui ? R : «pouvoir voir où elles en sont et puis les possibilités d’aides financières ou alors les dossiers de

35 Denis CASTRA et Francis VALLS in « L’insertion malgré tout, l’intervention sur l’offre et la demande 25 ans d’expérience » Octares Editions, préface de Robert Castel, 2007, 127 pages, p.6.

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surendettement enfin des choses comme ça. Enfin, c’est aussi stabiliser une situation ou arrêter une situation à un moment donné pour essayer de pas faire en sorte pour qu’elle se dégrade de plus en plus. Ben voilà ça va être essentiellement, surtout le logement et les problèmes financiers, mais, ça c’est, on va dire tout ce qui est matériel, mais après, il y a tout ce qui est accompagnement psychologique. » accompagnatrice socioprofessionnelle, 37 ans.

Q : Et, pour vous, l’accompagnement socio-professionnel a quelle signification ? Qu’est-ce que ça représente pour vous ? Qu’est-ce que ça signifie ? R :« Ben, c’est l’accompagnement d’un public, rencontrant des difficultés, soit sociales, soit professionnelles, soit les deux, qui, à un moment de leur vie, a besoin de s’appuyer sur une structure, s’appuyer sur quelque chose d’établi, et d’être un peu accompagné par rapport à ces difficultés, et de pouvoir travailler de manière autonome après, voilà. » Q : Donc, pour vous, c’est l’accompagnement de personnes dans les domaines, où ils ont des difficultés, donc, ça peut être le logement, enfin, ça peut être le domaine social, ça peut être le domaine professionnel et ça peut être les deux, jusqu’à ce qu’ils deviennent autonomes ? R : «Voilà. Après, ça, c’est l’accompagnement, de manière globale, dans un environnement socio-professionnel ou dans n’importe quelle structure. Après, l’accompagnement socio-professionnel, dans une entreprise d’insertion, c’est clairement, un accompagnement professionnel en premier lieu, avec un accompagnement aux difficultés périphériques à l’emploi, dans un deuxième temps, mais, plus, en lien avec les partenaires.» accompagnatrice socioprofessionnelle, 33 ans.

Les accompagnatrices socioprofessionnelles mettent en avant une mission qui leur est dévolue, celle de rendre autonome les personnes, dans un domaine particulier qui est celui des démarches administratives. L’une emploie le terme d’aide, l’autre emploie le terme d’accompagnement. Cet accompagnement social est perçu comme une aide par les salariés.

Q : selon vous l’accompagnement socioprofessionnel qu’on vous propose fait-il partie de votre parcours d’insertion ? R : « ben oui, c’est un ensemble, nous avons des besoins, des difficultés, ils nous aident mais pour ça, il faut faire un effort. Ce qui est normal. Ben, je ne sais pas, une aide à la mairie, quand je vais voir l’assistante sociale, elle te donne une aide au début, après elle ne te donne plus d’aide. Après il ne faut pas rester là-dessus, non plus.» Q : ici, vous savez qu’il y a une dame qui fait l’accompagnement social et une autre qui fait l’accompagnement professionnel, qu’en pensez-vous, avez-vous fait appel à elles ? R : « oui, je l’ai vue 2, 3 fois, S. Madame S. ou H. pour des meubles déjà, pour avoir des meubles, c’était très bien, et puis sinon, je l’ai vue 2,3 fois, et maintenant je n’ai pas la nécessité, je ne veux pas trop aller lui demander. J’ai l’impression de patiner un petit peu dans la choucroute, je fais du surplace. Alors si je dois revenir pour relancer une nouvelle aide ou un truc comme ça, je vais changer de stratégie, je vais me démerder autrement parce que je ne peux pas tout le temps revenir sur des (..), il y a 2 ans, j’ai demandé des colis alimentaires, il y a un an, j’ai demandé des colis alimentaires. Ici, elle m’a aidé pour les meubles, pour déménager. L’équipe dans laquelle je travaille est bien, les peintres, les encadrants m’ont aidé. Ça, il n’y a pas de soucis. Ils m’ont été utiles. Je suis assez content sans plus. Il ne faut pas non plus (…), voilà, c’est un peu normal, je veux dire.» Homme, 54 ans, mécanicien ajusteur.

Q : Avez-vous pu faire le dossier (de surendettement)? R : « J’ai vu les choses différemment. À l’époque, je pensais, je m’étais dit qu’en payant tous les mois, à un moment donné, ce serait fini. A force de payer, je pensais qu’on arriverait au bout. Trois ans après, j’ai vu que si je continuais, dans 3, 4, 5, 6 ans, je serai au même point. J’aurais payé tous les mois mais j’aurais toujours la même dette. Elle (l’accompagnatrice socioprofessionnelle) m’a aidé à remplir le dossier de surendettement. Quand vous me dites par rapport à ça, j’ai demandé à la voir pour voir ce que nous pouvons faire.» Homme, 50 ans, vendeur.

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De la même manière que les volets sociaux et professionnels de l’accompagnement sont intimement liés, à des degrés divers selon les méthodes déployées dans les structures d’insertion, les notions d’assistance et de responsabilisation des salariés le sont aussi. L’accompagnement se définit comme une pratique d’assistance visant à l’autonomisation.

L’accompagnement professionnel : un rôle d’entraînement

Les accompagnatrices sociales jouent un rôle d’entrainement, de motivation. Par la parole, elles essaient de dynamiser la personne, de la faire évoluer, de lui faire intégrer les règles en vigueur dans le monde du travail. Elles ne cessent de répéter les exigences du monde du travail en termes de savoir être et de savoir-faire. Toute l’équipe encadrante, la DRH, ou le coordinateur participent au coaching.

R2 : « ils ne se rendent pas compte de l’énergie que ça demande. C’est sans arrêt (…).» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 32 ans. R : « que nous cogitons.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 50 ans. R2 : « que nous portons les gens, que nous les tirons, que nous cogitons et que nous nous demandons comment nous allons faire au mieux avec lui, pour lui, euh.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 32 ans. « C’est un temps, pour vous faire avancer et que vous soyez plus proches de l’emploi au bout d’une certaine période. Bon, pour certaines personnes, ça va être six mois, pour d’autres, même deux ans, ça ne va pas être suffisant.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 58 ans.

Elles essaient de faire évoluer la personne, de lui ouvrir de nouveaux champs professionnels. Elles jouent un rôle de conseil dans le montage de projets. Elles lui font découvrir leurs compétences professionnelles. À travers les entretiens, les questionnements, les conseils, elles cherchent à adapter ces personnes au fonctionnement perçu du marché du travail. L’objectif formulé par les accompagnants est pour les salariés d’acquérir un savoir être perçu comme indispensable en société et en entreprise, de mettre en valeur ses compétences et de savoir construire un projet professionnel. Le risque perçu par Robert Castel est celui d’un échec dans la centration du travail « insertion » sur l’individu précarisé, sa trajectoire personnelle, les aléas de son existence, ses manques et ses déficiences, les pratiques sociales de retour à l’emploi risquant de se limiter, pour lui, aux pratiques psychologiques ou psychologisantes. « Elles seront alors commandées par la norme d’internalité, qui consiste à chercher dans la structure interne de l’individu précarisé à la fois les raisons qui rendent compte de sa situation et les remèdes qui lui permettraient d’en sortir.»36 Si la question de l’accès à l’emploi est écartée lors du passage du salarié dans la structure, la responsabilisation du salarié dans sa recherche d’emploi comporte une tendance qui consiste à faire porter la responsabilité de la précarité sur le bénéficiaire, tendance risquée dans un contexte de déséquilibre des forces au détriment des salariés sur le marché du travail.

Q : C’est sûr. Et, pour vous, l’accompagnement socio-professionnel a quelle signification ? R : « Quelle signification ? Pour moi, c’est un lien d’une autre nature que celui d’encadrant, qui est plus, donc, la mise au travail. Moi, j’envisage mon travail, donc, comme quelque chose de l’ordre du conseil, c’est du conseil que

36 Denis CASTRA et Francis VALLS in « L’insertion malgré tout, l’intervention sur l’offre et la demande 25 ans d’expérience » p7, op. cit.

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je donne. Je rentre en contact avec la personne sur des dimensions d’elle, qui peuvent être en évolution, moi, j’essaye plutôt de voir où la personne en est quand je la rencontre la première fois, d’anticiper un petit peu, de la faire un petit peu évoluer, et d’agrandir son champ de possibilités, donc de l’aider à prendre conscience d’abord de ses atouts, de l’aider peut-être à clarifier un projet, ou si elle n’en a pas, d’essayer d’élaborer ensemble ce projet, ce qui est, pour certaines personnes, très, très difficile.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 58 ans.

L’accompagnement professionnel : un rôle d’orientation

Orienter vers des formations, des métiers est une des fonctions des accompagnatrices socioprofessionnelles. Elles rencontrent parfois de la résistance de la part des salariés en insertion. L’orientation se fait à partir des entretiens et des intérêts que portent les salariés pour un métier et après vérification du niveau scolaire.

R : « Ben, l’accompagnement professionnel, c’est pareil, ce sont des bilans effectués tous les quatre mois, à l’entrée, puis tous les quatre mois, avec des entretiens individuels, donc, le bilan est socio-professionnel. Après, les rendez-vous, je fais quand même assez attention de ne pas mélanger les deux, pour que les personnes soient au clair avec tout ça. Après, au niveau de l’accompagnement individuel, ça va être l’orientation vers des organismes de formation, par exemple, ça va être le lien avec les organismes de formation, le retour des évaluations, la mise en relation avec, par exemple, la formatrice FLE, quand une évaluation n’est pas concluante. Il faut mettre en place un certain nombre d’actions pour que la personne puisse repasser une évaluation plus tard. C’est aussi la mise en relation avec Pôle Emploi, le lien avec Pôle Emploi pour les actions que nous pouvons éventuellement mettre en œuvre, pour aider la personne dans sa recherche d’emploi ou dans sa recherche de formation.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 33 ans.

Elles constatent souvent que les salariés sont interrogatifs par rapport à la notion de projet professionnel et qu’ils ne comprennent pas ce qu’est un parcours professionnel. Les freins sont selon elles une incapacité à se projeter dans l’avenir. Pour les salariés issus de l’immigration, ces concepts sont d’autant plus difficiles à comprendre que la compréhension de la langue française est mauvaise. Les salariés les plus âgés sont plus réceptifs à la notion de parcours professionnels car ils ont un passé professionnel à partir duquel ils peuvent construire un discours. Pour les salariés plus jeunes, l’objectif est d’exercer le métier qui leur plaît, qu’ils ont choisi, avec ou sans l’aide de la structure d’insertion.

Q : Et, selon vous, quelle est la perception qu’ont les salariés de la notion de parcours professionnel, que comprennent-ils ? R : « Ca dépend. Je pense que ça dépend vraiment du parcours, du profil de la personne, ça dépend vraiment des personnes. Nous employons un certain nombre de salariés. Lors de leur premier bilan, je leur demande s’ils ont compris qu’ils sont dans une entreprise d’insertion. Généralement, les personnes me disent : «oui, oui. » Nous vous avons un petit peu expliqué ce qu’est une entreprise d’insertion. Ils répondent : « Oui, oui, on nous l’a expliqué.» Je leur demande s’ils ont compris. Après, les personnes viennent me voir, elles me disent : « ben, moi, je suis ici pour quatre mois, vous pouvez me renouveler de nouveaux contrats pendant deux ans. Pendant ce temps-là, ce que vous allez faire, c’est m’aider à trouver quelque chose, une formation, un travail, pour qu’après, je puisse trouver un travail, qui soit bien pour moi.» En gros, je caricature un petit peu, mais c’est un peu le discours que nous tiennent un certain nombre de salariés. Après, il y a les personnes, qui ne parlent quasiment pas le français. Elles, quand je vais leur demander si elles ont compris ce qu’est une entreprise d’insertion, elles répondent : «Oui.» Je leur demande ce qu’elles ont compris. Les personnes vont dire : « ben, c’est pour travailler.» Donc, là, nous allons être sur un discours qui va être de la répétition, de l’explication, et la preuve par les faits. Ça veut dire, que je vais vraiment essayer de discuter avec cette personne, lui

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demander ce qu’elle a fait auparavant. D’accord, vous avez fait ça, vais-je lui dire. Je vais lui demander ce qu’elle veut faire après. Ça, ça va être difficile, à cause du français. Ensuite, oui, oui, ça va être difficile à cause du français. Nous leur demandons de suivre des cours de français, comme ça, après, oui, oui, on va être sur des choses un peu plus simplifiées par rapport au français. Après, il y a des personnes, qui vont être là, en disant : «moi, ce que je veux, c’est bosser. Moi, le parcours d’insertion, votre truc, ça ne m’intéresse pas. Ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas, mais, moi, ce que je veux, c’est travailler, avoir un salaire et faire mon travail correctement.» Là, nous sommes sur un profil de personnes, qui vont prendre l’entreprise d’insertion d’une manière assez intéressante aussi, parce que, ben, elles vont être dans le travail. La seule chose, c’est que nous allons vraiment travailler avec elles sur la vision, à plus long terme. Voilà, donc, là, nous allons dire, attention, c’est un contrat de quatre mois, ce contrat n’est renouvelé qu’à certaines conditions, l’implication dans l’accompagnement va être une des conditions.» Accompagnatrice socioprofessionnelle, 33 ans.

Les formations que choisissent les salariés en insertion sont souvent des formations peu qualifiantes, et de courte durée : formation homme-femme toutes mains, CQP d’agent de sécurité, AS2 (agent de service échelon 2, qualification reconnue par la branche du nettoyage), CQP de préparation dans la restauration... Viennent ensuite les CAP de paysagiste, de boulanger qui exigent une durée de formation plus longue. Ces dernières formations sont notamment choisies par des personnes ayant un niveau d’études supérieures mais dont le diplôme n’est pas reconnu en France. Certaines formations sont mises en œuvre par l’URSIEA37, d’autres par l’AFPA38 ou le GRETA39. D’après les résultats de l’enquête menée par la DARES en 201240 , ce sont les formations « hygiène sécurité » qui sont les plus citées par les salariés en insertion. Les salariés ayant déclaré avoir bénéficié de la formation « hygiène sécurité » représentent 45 % des salariés en insertion. Seuls 26 % des salariés en insertion déclarent suivre une formation pour obtenir un diplôme ou une qualification. Les observations menées dans les structures interviewées sont cohérentes avec ces ordres de grandeur. Toutes les structures ont mis en place une formation FLE41 qui est dispensée soit au sein de la structure soit par un organisme extérieur et les salariés issus de l’immigration récente sont obligés de la suivre. Les structures mettent également toutes en avant une formation à la sécurité dès l’embauche et une formation aux gestes et postures. Toutes les structures ont mis en place une formation au poste de travail. Seule une structure déclare avoir organisé des ateliers de développement personnel (l’art thérapie, des groupes de paroles). Quelques structures mentionnent qu’elles font appel à des organismes spécialisés qui traitent de thèmes de la sphère privée (la couverture sociale, la tenue d’un compte bancaire..) et qui sont ouverts à tous les salariés. Cet accompagnement socioprofessionnel est une relation d’aide qui demande un investissement de part et d’autre et se constitue comme une interaction avec le salarié. Quelle perception a-t-il de cet accompagnement, quelle est son attitude face à cette injonction de construire un projet professionnel ? Trois types d’attitude ont pu être dégagés.

37 L'Union Régionale des Structures d'Insertion par l'Economique d'Alsace. L'URSIEA constitue un espace d'échanges et d'informations, mais également un représentant auprès des pouvoirs publics et des partenaires économiques et sociaux. Elle est un lieu-ressource pour les adhérents et leurs partenaires, ainsi que pour les porteurs de projets, en termes d'information, de conseil, de formation, de suivi et de recherche. 38 L’Afpa (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes) est un opérateur de formation professionnelle. Elle développe une offre globale et complète de formations et de services adaptés et accessibles à tous les publics, à commencer par ceux qui sont les "plus éloignés de l'emploi". 39 Un Greta est un groupement d'établissements publics locaux d'enseignement qui mutualisent leurs compétences et leurs moyens pour proposer des formations continues pour adultes. Il s’appuie sur les ressources en équipements et en personnels de ces établissements pour construire une offre de formation adaptée à l’économie locale. 40Marie AVENEL, Véronique RÉMY, in DARES ANALYSES « Les salariés des structures de l’insertion par l’activité économique » p10, op. cit. 41 Français langue étrangère est destiné aux étrangers qui s’installent en France.

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LES ATTITUDES FACE A L’ACCOMPAGNEMENT SOCIO - PROFESSIONNEL

L’idéal-type est un concept de sociologie défini par Max Weber. Pour Max Weber, cette méthode permet de dresser un « tableau de pensée homogène » qui n'a pas pour finalité de retranscrire directement la réalité mais d’aider à la concevoir. La construction d'un idéal-type consiste tout d'abord à relier dans une trame commune, des phénomènes potentiellement disparates de l'expérience. L’idéal-type n'est pas un idéal en termes de valeurs, mais une conception en termes de caractéristiques. Son élaboration repose sur l'observation des faits : la notion véhiculée par un idéal-type est une idéalisation de l'idée telle qu'elle s'incarne dans les faits42. Nous proposons de dégager une typologie des salariés en fonction de leur attitude face aux difficultés qu’ils rencontrent dans leur trajectoire personnelle ou professionnelle et les ressources qu’elles vont mettre en œuvre dans l’interaction engagée par l’accompagnement socio-professionnel proposé.

Le volontaire

C’est la personne qui sait utiliser au mieux les ressources dont l’entreprise d’insertion par l’activité économique dispose. Elle est souvent diplômée du supérieur (niveau III ou niveau II), elle peut avoir le niveau baccalauréat, voire aucun diplôme. Les personnes dotées d’un capital scolaire et culturel plus élevé interviewées ont toutes su mettre à leur profit les ressources de l’entreprise d’insertion par l’activité économique. L’offre et la demande se rejoignent, si on parlait en termes de marché. En arrivant dans l’entreprise d’insertion par l’activité économique, certaines personnes ont déjà un projet sans l’avoir développé, alors que d’autres n’en ont pas et le construisent pendant leur parcours d’insertion. Pour elles, l’entreprise d’insertion par l’activité économique offre des opportunités qu’elles vont saisir, qu’il s’agisse de formation longue ou de formation courte. Ils sont prêts à s’investir et à faire des efforts pour retrouver un emploi, même si le bénéfice n’est pas immédiat pour certains. Certains de ces salariés en insertion adhèrent au discours sur la construction d’un projet professionnel, d’autres utilisent les ressources mises à disposition à leur propre fin.

Q : et un poste était libre ici ? R : « oui, à la menuiserie. C’est quelque chose qui me branchait bien, j’avais fait un peu de sculpture sur bois, en Arts Plastiques. Quand j’ai vu qu’il y avait un emploi en menuiserie, je me suis dit ah tiens, comme c’était un contrat d’insertion, je me suis dit que je peux toujours tenter quoi. » Q : qu’aimeriez-vous faire après ? R : « ben à partir de septembre, j’aurai pas mal de temps libre vu que mon fils sera à l’école, alors j’ai pensé aller à l’AFPA, faire un CAP de menuiserie agencement d’intérieur, bon après c’est à voir avec M. de la C.R., voilà.» Q : là ce serait l’AFPA qui vous formerait ? R : « oui, après c’est aussi une question de financement, ou je confonds avec le Corbusier. Elle (l’accompagnatrice socioprofessionnelle) m’a aussi parlé du Corbusier pour ce CAP, c’est là que c’était problématique, bon enfin, c’est encore à revoir. Apparemment deux ans d’expérience pour postuler un emploi dans la menuiserie, ça ne suffira pas. Je suis une fille, ce n’est pas forcément un avantage. Il y a des bases à acquérir, c’est clair.» Femme, 32 ans, niveau d’études, niveau III, technicienne de surface.

42 Max WEBER « Essai sur la théorie de la science» traduction partielle par Julien Freund, Plon, 1965, p.181. : « On obtient un idéal-type en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes isolés, diffus et discrets, que l'on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre, par endroits pas du tout, qu'on ordonne selon les précédents points de vue choisis unilatéralement pour former un tableau de pensée homogène. »

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Q : Vous pouvez un peu détailler, m’expliquer un peu ? R : « en fait, j’ai passé le CACES, à l’époque où je m’étais inscrit dans les agences d’intérim, la première chose qu’ils me demandaient, vous avez le CACES. Je me suis dit par après si je ne suis plus à la BA, ça peut toujours servir. La première fois que j’ai passé les CACES 1, 3, 5, ce que je voulais depuis toujours, c’est rentrer à la CTS comme chauffeur. J’ai tous les permis chauffeur, poids lourds, super lourds, bus. J’ai le permis bus depuis 30 ans, je l’ai passé à l’armée à l’époque. Mais donc à partir de 2000, il me fallait la FIMO, c’est une formation initiale minimum obligatoire. C’est un truc en plus du permis.» Q : Pour les poids lourds ? R : « non, ça existe pour les poids lourds, ça c’est le transport de marchandises, et ça existe pour les bus, le transport de voyageurs. Donc, ça c’est une formation d’un mois et qui coûte 2700 euros, à l’époque, je m’étais déjà renseigné quand j’étais au chômage puisque l’emploi de nourrice ne marchait pas mais Pôle Emploi ne finançait pas. En fait, il finançait le permis plus la FIMO mais comme moi j’avais déjà le permis, je n’entrais pas dans le cadre. C’est un peu idiot, parce que ça leur revenait moins cher de payer la FIMO que le permis et la FIMO. Mais non, Pôle Emploi paie tout, et la FIMO et le permis. Ça ne marchait pas. Donc la BA a pendant un an cherché une solution pour le financement. C’est normal, le temps qu’ils trouvent le financement et tout ça. Donc en janvier 2014, en ce début d’année, j’ai passé la FIMO. J’ai passé les trois semaines théoriques, l’examen et la semaine de conduite en janvier. J’ai obtenu la FIMO. Donc, j’ai postulé à la CTS, j’ai passé trois demi-journées de tests divers, en français, des tests psychotechniques, l’écrit une demi-journée et 45 minutes de conduite lundi dernier, et j’ai reçu la lettre mardi dernier m’informant d’une promesse d’embauche. Et je passe la visité médicale d’embauche ce lundi. C’est ce que N. vous disait que je vais bientôt les quitter, que j’ai un CDI à la clé et que je serai embauché prochainement. Et normalement, en janvier prochain, j’ai le poste.» Homme, 50 ans, vendeur.

Le solliciteur

C’est une personne dont le niveau scolaire est faible ou qui récemment immigrée connait des difficultés d’intégration. Cette personne a besoin d’un accompagnement social et professionnel fortement basé sur une pratique d’assistance. Cette personne prend peu ou pas d’initiatives ; elle ne dispose pas du capital social et culturel suffisant pour utiliser les ressources qu’offre la l’entreprise d’insertion par l’activité économique. Cette personne peut être faiblement scolarisée ou un immigré analphabète ou faiblement scolarisé, une personne reconnue travailleur handicapé, présentant donc un profil qui l’intègre dans les catégories traditionnelles des publics cibles des dispositifs d’assistance. Il lui est difficile d’entreprendre seule une démarche de recherche d’emploi, elle n’en maitrise pas les codes. Elle est en forte demande de prise en charge dans ces démarches. Elle est souvent en retrait face aux demandes des accompagnatrices.

Q : vous a-t-on parlé de parcours professionnel, de projet ? R : « ah, si j’avais d’autres projets par la suite, par exemple, dans quels domaines au niveau des recherches d’emploi, bon moi, après c’est à voir, moi, j’étais intéressée par autre chose. Ensuite, vu que j’ai fait la formation, après en moi-même je me suis dit pourquoi pas, pourquoi je ne me lancerai pas dans ce domaine. C’est la directrice qui m’a proposé de faire cette formation (de nettoyage), ça serait bien pour vous. Donc, moi, je l’ai acceptée, et donc moi, j’étais très satisfaite de cette formation et j’étais très contente qu’elle me l’ait proposée. » Q : vous cherchez donc dans les entreprises de nettoyage ? R : « j’ai postulé partout. Avec M., elle m’a aidé à écrire les lettres de candidature spontanée, et c’est moi qui les ai envoyées en fait. J’ai écrit des lettres de motivations, j’ai les envoyées dans toutes les entreprises, nous avons fait cela ensemble. Et donc, je les ai relancées de suite après. Quand j’ai quitté le Mac DO, j’ai relancées les entreprises pour leur demander si elles recrutent actuellement, elles m’ont répondu par la négative. Mais moi, je les ai relancées à nouveau et après je n’ai pas eu de nouvelles.» Femme, 43 ans, vendeuse, en recherche d’emploi un an après avoir fini son contrat dans l’entreprise d’insertion par l’activité économique.

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Q : avez-vous trouvé du travail ? R : « oui, je ne sais pas, comme je n’ai pas encore signé le papier, je ne peux pas continuer là où je travaille, ma référente (l’assistante sociale) a établi un CV et l’a déposé dans un restaurant. » Q : avez-vous travaillé dans un restaurant ? R : » oui, au pays. C’est l’assistante sociale qui m’a aidée à rédiger le CV, c’est elle qui l’a déposé dans un restaurant pour moi, voilà. Ensuite, le restaurant m’a appelée, j’y suis allée le 8 septembre pour l’entretien, du coup, l’employeur m’a dit que nous allions signer le papier le 15 de ce mois. » Q : vous avez trouvé un emploi ? R : « oui.» Q : dans un restaurant ? R : « oui voilà.» Q : qui a déposé le CV ? R : « c’est ma référente au foyer » Q : Pas l’accompagnatrice socioprofessionnelle ? R : « non.» Femme, 35 ans, technicienne de surface, aide-restaurant.

Ces personnes suivent peu de formations et quand elles le font, ne réussissent pas à obtenir la qualification.

Le débrouillard

Cette personne contrairement au solliciteur, prend des initiatives. Elle ne refuse pas un emploi que l’entreprise d’insertion par l’activité économique lui propose, elle évite néanmoins les formations qu’elle lui propose. Certaines argumentent ce refus par leur âge.

Q : avez –vous bénéficié d’une action de formation professionnelle ici ? R : « oui, j’ai fait une formation de gestes et postures comme tous les employés, et voilà, une formation contre l’incendie, sinon je n’ai pas bénéficié d’autres formations.» Q : avez-vous souhaité en faire une ? R : « même si je continue à me former, on en revient toujours à la même chose, ça n’aboutira pas. Même si je me forme, ça sera un plus sur mon CV mais je sais très bien que ça n’aboutira pas, donc, à partir de là, je ne vais pas dire que je suis défaitiste mais je suis réaliste. Il faut que les gens arrêtent de dire oui, oui, la formation. Pour un jeune qui a 25, 30 ans, je peux comprendre qu’on le forme, mais à 57 ans, on est formé, on a toujours travaillé, on sait ce qu’est une entreprise, on réfléchit différemment qu’un jeune de 20 ans. Et puis voilà après, je peux comprendre que l’entreprise mette en place des formations internes à l’entreprise, ça, je peux comprendre. Je ne vois pas l’intérêt d’une formation. Je ne veux pas dire que c’est une perte de temps mais je ne vois pas ce que ça m’apporterait de plus.» Homme, 57 ans, coffreur.

Les plus âgés invoquent comme motif de refus d’embauche, leur âge. Les entreprises ne veulent plus embaucher des seniors et leur préfèrent des personnes plus jeunes. L’âge est également invoqué pour motiver le refus de toute formation. Les plus jeunes estiment que les formations qu’on leur propose ne leur conviennent pas. Cette réticence à l’égard des formations, est évoquée par certains accompagnateurs. Dominique Schnapper explique cette résistance par la perception qu’ont les classes populaires de la formation. Celle-ci est considérée comme une scolarisation et la scolarisation ne concerne que les jeunes.43

Q : vous a-t-elle proposé d’autres actions de formation professionnelle ? R : « oui, elle m’a parlé d’autres formations, j’ai dit que ça ne sert à rien que je fasse d’autres formations si le métier ne me plaît pas. Elle m’avait parlé de peinture en bâtiment, je lui ai dit que je ne sais pas, si je dois travailler en hauteur, j’aurai peut-être le vertige. Je lui ai alors dit que je ne préfère pas. Elle m’a proposé une formation dans la vente. Ce n’est pas mon métier, ce n’est pas ce que je voulais faire. Ce qui m’intéressait, c’était de travailler soit sur les vélos soit sur les voitures, ou travailler comme

43 Dominique SCHNAPPER « L’épreuve du chômage», op. cit.

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magasinier cariste. Depuis que j’ai été cariste magasinier chez E., ce métier m’intéresse. Les autres formations ne me plaisaient pas en fait. Et je préfère ne pas prendre la place de quelqu’un d’autre pour rien si ça ne me plaît pas. » Homme, 23 ans, magasinier cariste.

« Réaliste, c’est ça et du coup, par rapport à ce projet de mettre en place des choses, alors ça peut être des formations, justement, on a une possibilité donc d’aide, donc ça je pense que vous savez, on est chapeautés par l’URSIEA, donc on a une enveloppe pour des formations collectives ou individuelles pour des salariés en insertion, ce qui est vraiment une réelle chance, en plus cette formation elle est prise sur leur temps de travail, elle est entièrement financée et tout, mais, ben bien souvent, ils sont réticents, c’est-à-dire ils sont réticents à retourner à l’école, à se confronter avec, ben, d’autres personnes qu’ils ne connaissent pas, ils ont peur de l’échec, ils ont peur de ce qu’on va voir d’eux, de (…,) voilà, d’être mis en échec, et, donc ça c’est un peu, un petit peu difficile. » Accompagnatrice socio professionnelle, 37 ans.

Elle pense pouvoir se débrouiller seule. Ce qu’elle recherche avant tout, c’est un travail, n’importe quel travail. Elle espère que la structure d’insertion lui proposera un emploi dans une entreprise partenaire. Elle estime qu’elle a les compétences nécessaires pour trouver un travail. Elle n’intègre pas le discours de la structure d’insertion par l’activité économique, elle s’en méfie. Elle peut bénéficier de l’accompagnement social comme ne pas avoir besoin d’une aide sociale. Sans se confondre avec ce type de public, elle est plus souvent proche de la notion de « nouveau pauvre » et se méfie des aspects psychologisant du discours des accompagnateurs. Elle considère le passage dans la structure d’insertion commune une étape supplémentaire de sa trajectoire professionnelle précaire.

Un collectif contre la précarité

Dans les structures d’insertion par l’activité économique, tout se passe comme si le lien social constitué entre l’équipe encadrante et dirigeante et les salariés en insertion faisait de la structure un collectif luttant contre la précarité. La suspension des rapports de force auxquels sont confrontés les salariés sur le marché du travail induite par l’énonciation préalable au travail d’insertion des difficultés objectives rencontrées par ces personnes face à l’emploi créée par surcroit une dynamique collective basée sur la reconnaissance mutuelle. Les accompagnatrices, les directeurs, les DRH mettent tous en avant la fragilité des salariés en insertion. Les salariés en insertion sont considérés comme des personnes qui ont perdu leur emploi et qui rencontrent des difficultés dans la vie quotidienne. Certains cadres sont admiratifs face au courage de ces salariés qui rencontrent autant de difficultés et qui essaient d’y faire face. Les membres de l’équipe dirigeante et encadrante font part de leur respect à l’égard des salariés en insertion sans considération d’ordre managérial.

Q : Et, quelle perception avez-vous des salariés en insertion, je vous la repose, cette question ? R : « Un grand attachement, un grand respect pour ces personnes, qui ont eu des parcours difficiles, et qui arrivent néanmoins, pour certains, pas tous, mais, qui arrivent à rebondir. Enfin, elles ont une force de caractère et une volonté qui leur permet de s’en sortir, enfin, j’éprouve un profond respect, pour ces personnes.» Responsable Ressources Humaines, femme, 44 ans.

La structure d’insertion par l’activité économique est une « entreprise atypique » au sens où un accompagnement social et professionnel est inscrit dans les textes et est contractualisé entre les deux parties signataires. La reconnaissance sociale donne également une grande satisfaction aux salariés en insertion. Les seniors éprouvent une grande fierté à montrer les bons gestes techniques aux jeunes. Le travail leur procure un statut qu’ils avaient perdu en perdant leur emploi.

Q : Que pensez-vous avoir trouvé chez E. ?

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R : « J’ai trouvé des gens professionnels, oui. Franchement oui. Ils savent de quoi ils parlent voilà. Ils savent où orienter les gens. Ils connaissent leur métier ils ont déjà eu des cas similaires auparavant, oui franchement, oui, ce sont des gens compétents. C’est une bonne entreprise d’insertion, elle s’y connait en matière d’insertion. Elle fait son travail d’insertion. Dès le départ, elle ne nous promet pas la lune, elle dit qu’il n’y aura pas d’embauche, mais en attendant nous avons un emploi d’une durée de deux ans, nous signons de petits contrats renouvelables, dont la durée est de maximum 2 ans, nous avons le temps de faire des choses. Franchement depuis que je suis ici, ça ne fait pas un an, j’ai fait des choses. Ma vie a bougé depuis que je suis ici, j’ai déménagé, j’ai passé mon permis, j’ai acheté un véhicule, je monte un projet de création d’entreprise, je cherche à acheter une camionnette pour faire mon entreprise. Franchement, ma vie a changé et ce grâce à un travail. C’est une base, c’est une ouverture sociale, c’est le minimum en fait. Avoir un travail, c’est avoir un statut social, en fait. Quand vous ne l’avez pas, vous allez trop mal. Dans la société actuelle, quand vous n’avez pas de travail, vous êtes trop mal vu, en fait, vous n’êtes pas mal vu mais, vous n’avez pas de statut. Le travail, ça nous apporte un statut, c’est une base. Après voilà, c’est le minimum en fait et moi je trouve que c’est bien.» Homme, 23 ans, installateur sanitaire.

Ce phénomène de production d’une identité collective semble particulièrement efficace avec des personnes pour qui le principal problème d’insertion est le déracinement lié à l’immigration. Il ressort des observations que les salariés français et les salariés étrangers ont peu de rapports entre eux, voire que les salariés français perçoivent dans certains cas les immigrés comme des concurrents sur le marché du travail. Au contraire, l’adhésion des personnes issues d’une immigration récente au projet d’insertion rencontre l’adhésion des encadrants et renforce le sentiment d’appartenir à un collectif. L’ensemble des acteurs interviewés ont parlé avec enthousiasme des immigrés, de leur motivation, de la façon dont ils rendent service à l’entreprise. Ils mettent l’accent sur leur disponibilité. Certains salariés en insertion, lors des entretiens ont fait part de leur gratitude à l’égard des accompagnatrices socioprofessionnelles ou de la DRH. Les aides dont bénéficient ces salariés sont perçues comme une dette à l’égard du personnel. En retour, les encadrants sont enthousiasmés par la volonté de ces personnes. Une directrice d’une structure confie combien un salarié d’origine étrangère lui a rendu service, en venant travailler quelques heures la nuit alors qu’il habitait à quelques kilomètres de son lieu de travail et qu’il n’avait aucun moyen de locomotion.

Q : vous pensez que les étrangers font plus d’efforts que les français pour s’intégrer et pour s’en sortir? R : « ah, dois-je le dire ?, parce que c’est enregistré... Honnêtement, c’est ce que je dis toujours, par exemple, les jeunes gens que nous avons embauchés, d’origine française, ou français d’origine étrangère, mais qui sont nés ici (…) » Q : donc, et qui sont de parents étrangers, c’est ça ? R : « étrangers ou non, ou même des français de souche mais qui ont peut-être eu des difficultés par rapport à leur contexte familial ou autre, qui sont passés par différentes structures d’hébergement mais qui ont bénéficié des minimas sociaux, enfin qui ont eu plein de (…) comment dire, des parachutes, des aides.» Q : oui, de l’assistanat, quoi ? R : « Oui, voilà, ces jeunes gens tombent dans ce processus d’aides et du coup, quand ils arrivent chez nous, le fait de devoir mettre les pieds à l’étrier, de comprendre qu’il faut faire des efforts pour travailler, gagner son salaire, certains considèrent cela comme une aberration. « Je reste à la maison, je touche autant, pourquoi devrai je travailler ?» se demandent ces jeunes. Tandis que ces personnes qu’elles soient des réfugiés politiques, ou autres, après, je ne généralise pas, mais quand même, une bonne partie d’elles, celles-là ont à l’esprit de faire venir leur famille. Elles savent par où elles sont passés et ce qu’elles ont vécu, et du coup, elles se démènent quoi. Certaines font des parcours fulgurants, nous avions employé un monsieur d’origine syrienne, qui, lui avait fui suite aux évènements là-bas. Il a travaillé chez nous il y a un an et demi ou deux ans, et il a fait quatre mois chez nous, le temps de reprendre pied, et de l’aider un peu au niveau des démarches. il a trouvé du travail et il a quitté l’entreprise.» Coordinateur, 44 ans.

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« Ce Monsieur (un étranger), quand vous lui téléphonez, il ne vous demande même pas le type de mission. Il vous répond positivement. Il est à l’heure, quelle que soit l’heure. Nous avions une mission dernièrement qui finissait à une heure du matin, donc je lui ai demandé s’il avait une voiture, un vélo au moins. Il m’a répondu : « ne t’inquiète pas, ne t’inquiète pas, moi, je me débrouille.». Ces gens sont motivés et quand vous leur remettez la fiche de paye, vous pourriez pleurer avec eux, quoi.» Directrice, 60 ans.

Il est remarquable que les difficultés objectives d’insertion, comme un niveau de formation bas, qui s’ajoutent aux difficultés liées au déracinement, aient peu d’influence sur le degré d’adhésion au projet d’insertion. Le caractère provisoire du passage dans la structure permet peut-être une mise au second plan de ce second ordre de difficulté.

Q : quel type de formation vous a-t-on proposé ici ? R : «des cours de français pour le moment. L’entreprise ne m’a pas proposé d’autres formations, juste une formation pour bien écrire le français. J’ai dit à l’accompagnatrice que je souhaitais obtenir un diplôme pour travailler comme peintre de bâtiment. Elle m’a répondu que ce n’était pas un problème. Je maîtrise mal l’écrit, c’est juste cela le problème, j’ai besoin de m’améliorer dans ce domaine.» Homme, 28 ans, peintre.

Conclusion

La trajectoire des salariés en insertion démontre une stabilité des positions sociales. Les salariés en insertion constituent néanmoins une population hétérogène. Beaucoup de ces salariés ont des difficultés d’ordre matériel (logement, surendettement..), quelques-uns présentent des problèmes comportementaux. La majorité des immigrés arrivés récemment en France ont un niveau scolaire inférieur aux Français. Les franges les plus favorisées des classes populaires montrent leur capacité à utiliser les ressources des structures d’insertion par l’activité économique alors que d’autres ont une attitude plus en retrait. Pour certains, la précarité est une situation qui succède à l’occupation d’un emploi stable, d’autres n’ont connu que ce type de relation au travail. Dans tous les cas, les personnes rencontrées ont une expérience du travail consistante (même intermittente) et présentent comme point commun d’avoir connu dans le temps précédant leur entrée dans la structure d’insertion des périodes fréquentes de chômage. Pour tous, les problèmes d’ordre extra-professionnels qui représentent un obstacle effectif à l’emploi sont résolus ou en voie de résolution, et quand ce n’est pas le cas, le travail d’insertion ne permet pas à lui seul de les résoudre. L’accompagnement socioprofessionnel doit être considéré comme une relation d’aide, aide au niveau social (recherche d’un logement, surendettement..) et aide au niveau professionnel (établissement de CV et de lettres de motivation, préparation à l’entretien d’embauche..). Mais cette aide a pour objectif de rendre les personnes autonomes dans les démarches administratives et dans la recherche d’un travail. Pour arriver à cet objectif, la relation et le verbe sont les outils privilégiés. La régularité des entretiens doit permettre de faire un bilan des acquis et de fixer de nouveaux objectifs aux salariés. Pour fixer de nouveaux objectifs et pour que ceux-ci soient atteints, l’entraînement va être privilégié pour motiver les personnes, pour que celles-ci puissent monter un projet professionnel, adhérer à une formation ou tout simplement travailler. L’effectivité de la relation d’accompagnement suppose une adhésion du salarié au projet proposé, adhésion qui est en même temps le premier résultat de la mise en œuvre de l’accompagnement. Il s’agit d’un entraînement au travail et à la recherche d’emploi en situation, qui fonctionne en objectivant les obstacles rencontrés par le salarié et en neutralisant les rapports de force rencontrés sur le marché du travail le temps du passage dans la structure.

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ANNEXE 1 - LES STRUCTURES D’INSERTION

Type de structure Activités

Entreprise d’insertion EI 1 Historique : Cette société coopérative et participative a été créée le 22 mars 2001 par le directeur actuel

Entreprise de propreté et services associés. Entretien, nettoyage, maintenance bâtiment, prestations aux entreprises sur chantiers. Peinture, revêtement sols et murs, entretien, rénovation. Repassage et blanchisserie.

Entreprise d’insertion EI 2 Historique : La première entreprise a été créée en 1984 à Strasbourg par Emmaüs, en collaboration avec des enseignes de la distribution et les travailleurs sociaux.

Reconditionnement d'électroménager.

Atelier Chantier d'insertion ACI 1 Historique : L’association créée le 11 mai 1964, a été dissoute en juin 2012. La Fédération de Charité-Caritas Alsace a regroupé au 01 janvier 2012 dans le cadre d'un TUP (Transfert Universel de Patrimoine) neuf associations dont cette association devenue Etablissement autonome.

Agencement sur mesure, fabrication de meubles sur plans, rénovation de meubles. Réfection d'appartements, travaux extérieurs (ravalement, etc.)

Atelier Chantier d'insertion ACI 2 Historique : Cette association a été fondée par le Secours Catholique, Emmaüs, l’Armée du Salut, l’Entraide d’Auteuil et l’Entraide protestante) le 31 juillet 1984. Cette association couvre la France entière, elle est présente dans chaque département.

Collecte de denrées alimentaires pour redistribution aux associations faisant de l'aide alimentaire. Formation et accompagnement technique des associations

Association Intermédiaire AI Historique : Cette association a été créée en 1987 et fermera ses portes fin juin 2015.

Services à la personne (entretien de locaux, aide –ménagère, jardinage etc.) Mise à disposition de personne

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ANNEXE 2 - LES CARACTÉRISTIQUES DES SALARIÉS INTERR OGÉS EN INSERTION Répartition par classes d’âges :

Classes d’âges Part des salariés Moins 25 ans 16,0 % 25 à 49 ans 56,0 % 50 ans et + 28,0 % Répartition par niveaux d’études :

Niveau d’études Part des salariés analphabète 8,0 % Niveau VI et V bis 40,0 % Niveau V 32,0 % Niveau IV 8,0 % Niveau III 4,0 % Niveaux II et I 8,0 % Répartition par sexe :

Sexe Part des salariés Hommes 60,0 % Femmes 40,0 % Répartition par nationalité :

Nationalité Part des salariés Française 60,0 %

Étrangère 40,0 %

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ANNEXE 3 - LE QUESTIONNAIRE DESTINÉ AUX SALARIÉS E N INSERTION NOM : SEXE : ÂGE : ÉTAT CIVIL : Célibataire � Marié � PACS � Divorcé � Autre � ENFANTS : Oui � Nombre : Non � NIVEAU D’ÉTUDES : Aucun � CAP / BEP � Baccalauréat � Master � Doctorat ou Diplôme d’ingénieur � Autre � Préciser PROFESSION EXERCÉE DANS L’ENTREPRISE : DATE D’ENTRÉE DANS L’ENTREPRISE : PROFESSION DE L’ÉPOUSE OU DE L’ÉPOUX : PROFESSION DU PÈRE : PROFESSION DE LA MÈRE :

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ANNEXE 4 - LE GUIDE D’ENTRETIEN DESTINÉ AUX SALARI ÉS EN INSERTION

1) Comment s’est passé votre scolarité ? Et l’apprentissage des savoirs de base, comment s’est –il passé ? Pensez-vous que vous maîtrisez les savoirs de base?

2) Pouvez-vous me parler de la période relative à votre formation professionnelle ? Quand l’avez-vous terminée ? Ou Pouvez –vous me parler de vos études ? Quand les avez-vous terminées?

3) Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel? Comment avez-vous connu les entreprise(s) dans laquelle lesquelles vous avez travaillé ? Au total combien d’années avez-vous travaillé?

4) Avez-vous été amené à consommer de l’alcool, dans quelles circonstances, de la drogue, dans quelles circonstances, à fumer, dans quelles circonstances ?

5) Avez-vous pu arrêter cette consommation ? Et comment avez-vous fait ? 6) Avez-vous des problèmes de santé, pouvez-vous me dire comment vous vivez avec ceux-ci ? 7) Depuis combien de temps êtes –vous demandeur d’emploi ? Avez –vous rencontré des difficultés

depuis que vous êtes demandeur d’emploi ? Pouvez-vous me parler plus longuement de ces difficultés ? Avez- vous demandé de l’aide, pouvez-vous m’en dire plus ?

8) Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour trouver un emploi ? 9) Comment avez-vous connu l’entreprise d’insertion ? 10) Selon vous, l’accompagnement social qui vous est proposé fait –il partie de votre parcours

d’insertion ? 11) L’entreprise d’insertion vous a –telle proposé une aide pour résoudre les difficultés que vous

rencontrez dans votre vie quotidienne et comment cela se passe-t-il ? 12) Quelle a été votre réaction ? 13) L’entreprise d’insertion vous a-t-elle proposé une formation hors formation professionnelle qui

concerne la vie courante ? Qu’en avez-vous pensé? 14) Avez-vous bénéficié d’une action de formation professionnelle, qu’en pensez-vous ? 15) On parle souvent de parcours professionnels, quel est votre sentiment à ce sujet ?

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ANNEXE 5 - LE QUESTIONNAIRE DESTINÉ AUX ACCOMPAGNA TEURS

NOM : ÄGE : SEXE : NIVEAU D’ÉTUDES : Aucun � CAP / BEP � Baccalauréat � Master � Doctorat ou Diplôme d’ingénieur � Autre � Préciser PROFESSION EXERCÉE DANS L’ENTREPRISE : DATE D’ENTRÉE DANS L’ENTREPRISE : DATE D’ENTRÉE DANS L’ENTREPRISE PRESTATAIRE : NOMBRE D’HEURES CONSACRÉES A L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL OU SOCIOPROFESSIONNEL :

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ANNEXE 6 - LE GUIDE D’ENTRETIEN DESTINÉ AUX ACCOMPAGNATEURS

1) Est- ce votre premier poste de travail, si tel n’est pas, quel est votre parcours professionnel ? 2) Pourquoi avoir choisi l’insertion par l’activité économique ? 3) Quelle signification l’accompagnement social a-t-il pour vous ? 4) Quelle perception avez-vous des salariés en insertion ? 5) Quelles sont les difficultés que rencontre la personne en insertion ? A-t-elle, selon vous, les

capacités à résoudre elle –même ses problèmes ? 6) Accueillez –vous actuellement des personnes souffrant de toxicomanie, d’alcoolisme, de troubles

mentaux, pouvez-vous me parler de leurs difficultés particulières ? 7) Pensez-vous que votre action (dans les cas de l’addiction, des souffrances psychologiques) soit

d’une aide quelconque pour ces personnes ? 8) Rencontrez-vous toutes les personnes embauchées et à quelle fréquence ? Où les rencontrez-

vous? 9) Quel est votre rôle dans l’entreprise ? 10) Pouvez-vous me parler de la mise en place de la formation professionnelle en leur faveur ?

11) Pouvez-vous me décrire votre travail au quotidien ? 12) Et pouvez-vous me parler des pratiques moins communes ? 13) Qui décide des pratiques que vous mettez en œuvre ? 14) Travaillez-vous avec des partenaires, des institutions, pourquoi, qui sont-ils ? 15) Que pensez-vous du métier que vous exercez ?

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ANNEXE 7 - LE QUESTIONNAIRE DESTINÉ A LA DIRECTION

NOM : SEXE : ÂGE : NIVEAU D’ÉTUDES : Aucun � CAP / BEP � Baccalauréat � Master � Doctorat ou Diplôme d’ingénieur � Autre � Préciser PROFESSION EXERCÉE DANS L’ENTREPRISE : DATE D’ENTRÉE DANS L’ENTREPRISE:

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ANNEXE 8 - LE GUIDE D’ENTRETIEN DESTINÉ A LA DIREC TION

1) Quel est votre parcours professionnel ? 2) Pourquoi avoir choisi l’insertion par l’activité économique ? 3) Comment procéder vous au recrutement des personnes ? Pôle Emploi vous envoie-t-il des

demandeurs d’emploi ? 4) Quel type de public accueillez-vous ? 5) Le public que vous accueillez a-t-il changé ? 6) Quelle perception avez-vous des salariés en insertion ? 7) Pouvez-vous me parler des difficultés que rencontrent ces personnes? Ont-elles, selon vous, les

capacités à résoudre elles –mêmes leurs problèmes ? 8) Accueillez –vous actuellement des personnes souffrant de toxicomanie, d’alcoolisme, de troubles

mentaux, pouvez-vous me parler de leurs difficultés particulières ? 9) Pensez-vous que votre action (dans les cas de l’addiction, des souffrances psychologiques) soit

d’une aide quelconque pour ces personnes ? 10) Pouvez-vous me parler de la mise en œuvre de l’accompagnement socioprofessionnel auprès de la

personne recrutée (questionnaire) et de la ou des personnes qui s’en chargent ? Quelle perception avez-vous de l’accompagnement socioprofessionnel?

11) Y-a –t-il des projets en faveur de ces personnes, quels sont –ils, qui les monte et qui les met en œuvre ?

12) Qu’entendez-vous par parcours professionnel et quels sont les outils que vous mettez en place dans la construction du parcours professionnel ?

13) Quelle est, selon vous, la perception que ces personnes ont de la notion de parcours ? 14) Pouvez-vous me parler de la formation professionnelle que vous mettez en place pour elles?

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BIBLIOGRAPHIE Pierre BOURDIEU « Le sens pratique » 1980, les éditions de Minuit, 475 pages. Luc BOLTANSKI « Les usages sociaux du corps », Annales ESC, 26 (1), 1971, p205-233. Jean-Noël CHOPART p. 1-24, in «Les mutations du travail social. Dynamiques d’un champ professionnel », Sous la direction de Jean-Noël CHOPART, Éditions Dunnod, 2000, 299 pages. Olivier SCWARTZ « Peut-on parler des classes populaires ?», La vie des idées.fr, 11 septembre 2011, 49 pages. Richard HOGGART « La culture du pauvre, étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre », Les Editions de Minuit, 1970, 420 pages. Mathias MILLET Daniel THIN in « Ruptures scolaires, l’école à l’épreuve de la question sociale » PUF, 2005, 318 pages. Howard S. BECKER « Outsiders, étude de sociologie de la déviance.», Métailié, 1985, 248 pages. Robert CASTEL« Du travail social à la gestion sociale du non travail » revue Esprit, mars-avril 1998 pp.28-59 Perrine BAUER, Service ESE « Les sortants des listes de Pôle emploi en 2013 en Alsace », Repères Synthèses n°38_ septembre 2014, p.7, 10 pages. Émile DURKHEIM «Le suicide », PUF, 2007,463 pages. Paul F. LAZARSFELD, Maria JAHODA, Hans ZEISEL in « les chômeurs de Marienthal » Les Éditions de Minuit, 1981, 145 pages. Max WEBER « Essai sur la théorie de la science, 1904-1917» traduction partielle par Julien Freund, Plon, 1965, p. 181, 539 pages. Marie AVENEL, Véronique RÉMY, in DARES ANALYSES « Les salariés des structures de l’insertion par l’activité économique » mars 2014, n° 020,16 pages. Marie AVENEL, Véronique RÉMY, in DARES ANALYSES, « Les salariés des structures de l’insertion par l’activité économique », mai 2015, n° 34, 12 pages. p.6 Denis CASTRA et Francis VALLS in « L’insertion malgré tout, l’intervention sur l’offre et la demande 25 ans d’expérience » Octares Editions, préface de Robert CASTEL, 2007, 127 pages.

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Les autres publications de la DIRECCTE Alsace :

Vous trouverez les autres publications de la DIRECCTE Alsace sur le site : http://www.alsace.direccte.gouv.fr/

La DIRECCTE Alsace est structurée autour de trois p ôles :

Le pôle C « concurrence, consommation, répression d es fraudes et métrologie » met en œuvre les règles relatives à la métrologie légale et à la concurrence, pilote la protection économique et la sécurité des consommateurs. Le pôle 3E « entreprises, emploi et économie » intervient en faveur du développement économique des entreprises et des territoires, du développement de l’emploi et des compétences des salariés ainsi que des demandeurs d’emploi. Le pôle T « travail » veille à l’application de la politique et de la législation du travail, à l’amélioration de la qualité du travail, de la santé au travail et des relations sociales. Elle dispose aussi de deux unités territoriales implantées dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, pour assurer sur le terrain l’exécution des missions relevant des pôles T et 3E.

Repères : synthèses – ISSN : 1275-9457

Directeur de publication : Danièle GIUGANTI

Direction régionale des entreprises, de la concurre nce, de la consommation, du travail et de l’emploi

6, rue Gustave Adolphe Hirn – 67085 Strasbourg Cede x

Tél. : 03.88.15.43.00 – Fax : 03.88.15.43.43

Étude réalisée par la Direction Régionale des Entre prises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi

Service ESE, METZGER Simone