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Page n 1 o Ministère Public c/ ROUSSIN CHARDON MONIER et autres RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS JUGEMENT 15 décembre 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 11ème chambre - 3ème section NE : 9834923017

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - anticor.organticor.org/download/articles/delibere-proces-chirac-et-consorts... · Tcomplicité de ABUS DE CONFIANCE, ... (Maroc) Situation pénale : libre

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Ministère Public c/ROUSSINCHARDONMONIERet autres

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT

15 décembre 2011

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS11ème chambre - 3ème section

NE : 9834923017

Jugement nE 1

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SOMMAIRE

ENTÊTE : PAGES 3 à 14

- prévenus : pages 3 à 10

- parties civiles : pages 11 à 13

- témoins : pages 14

PROCÉDURE D’AUDIENCE : PAGES 15 à 43

MOTIFS ET DISPOSITIF : PAGES 44 à 226

- sommaire : pages 44 à 48

- motifs : pages 50 à 306

- dispositif pages 215 à 226

CE DOCUMENT N’EST PAS LA COPIE CERTIFIÉE CONFORME DU JUGEMENT

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NE d'affaire : 9834923017

Affaire jointe : 1100708013

NATURE DES INFRACTIONS : Tcomplicité de ABUS DE CONFIANCE,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à étude d'huissier le 23 décembre 2009 suivied'une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 05 janvier 2010, suivie d’unrenvoi contradictoire à l’audience du 26 mars 2010, suivie d’une citation à son avocatele 04 novembre 2011 suivie d’une lettre recommandée avec accusé de réception signé le06 novembre 2011, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 8 mars 2011, noncomparant à l’audience du 20 juin 2011, suivie d’une citation remise à personne le 04juillet 2011.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : ROUSSINPrénoms : MichelNé le : 03 mai 1939 A : RABAT, MAROCFils de : Gabriel ROUSSINEt de : Sylvia TONIETTINationalité : française Domicile : 7 rue d'Assas

75006 PARISProfession : salarié d’EDFSituation d’emploi : retraitéAntécédents judiciaires : déjà condamnéDécorations : Officier de la Légion d’Honneur

Croix de la Valeur MilitaireCommandeur du Ouissam Alaouite (Maroc)

Situation pénale : libre

Comparution : comparant, assisté de Me Pierre HAIK, avocat au barreau de Paris(E1305) et de Me Jacqueline LAFFONT, avocate au barreau deParis (D83), qui dépose des conclusions au fond régulièrementdatées le 21 septembre 2011 et signées par le Président et legreffier et jointes au dossier.

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NATURE DES INFRACTIONS : Tcomplicité de ABUS DE CONFIANCE, Tcomplicité de SOUSTRACTION, DÉTOURNEMENT OU DESTRUCTION DEBIENS D'UN DÉPÔT PUBLIC PAR LE DÉPOSITAIRE OU UN DE SESSUBORDONNES,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à étude d'huissier le 30 décembre 2009 suivied'une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 02 janvier 2010, suivie d’unrenvoi contradictoire à l’audience du 26 mars 2010, suivie d’un renvoi contradictoire àl’audience du 1 octobre 2010, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 8 marser

2011, non comparant à l’audience du 20 juin 2011, suivie d’une citation remise à étuded’huissier le 1 juillet 2011 suivie d’une lettre recommandé avec accusé de réceptioner

signé le 06 juillet 2011.

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PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : CHARDONPrénoms : RémyNé le : 13 juin 1947 A : NEUILLY SUR SEINE (92)Fils de : Raoul CHARDONEt de : Janine MOMETONNationalité : française Domicile : 85 rue Ranelagh

75016 PARIS (FRANCE)Profession : Préfet hors cadre Antécédents judiciaires : déjà condamnéDécorations : Chevalier de la Légion d’Honneur

Chevalier du Mérite AgricoleOfficier du mérite de l’Ordre souverain de Malte Officier du mérite de la croix du Sud (Brésil)

Situation pénale : libre

Comparution : comparant, assisté de Monsieur le Bâtonnier Jean-YvesLEBORGNE, avocat au barreau de Paris (R264), qui dépose desconclusions régulièrement datées le 20 septembre 2011 et signéespar le Président et le greffier et jointes au dossier.

***

NATURE DES INFRACTIONS : TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à étude d'huissier le 28 décembre 2009, suivied'une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 30 décembre 2009, suivied’un renvoi contradictoire à l’audience du 26 mars 2010, suivie d’une citation à son filsle 28 octobre 2010, suivie d’une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 02novembre 2011, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 8 mars 2011, noncomparante à l’audience du 20 juin 2011, suivie d’une citation remise à personne le 1er

juillet 2011.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : MONIERNom marital : POUJADEPrénoms : Marie-ThérèseNée le : 06 octobre 1928 A : LYON (69)Fille de : Paul MONIEREt de : Paule BESSONNationalité : française Domicile : 64, rue d'Assas

75006 PARIS (FRANCE)Profession : retraitée de l'enseignementAntécédents judiciaires : pas de condamnation au casier judiciaireSituation pénale : libre

Comparution : non comparante, représentée par Me Muriel RONCAGLIA,avocate au barreau de Paris (C228), régulièrement muni d’unpouvoir de représentation, qui dépose des conclusionsrégulièrement datées le 19 septembre 2011 et signées par lePrésident et le greffier et jointes au dossier.

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NATURE DES INFRACTIONS : TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE, TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à personne, par exploit d'huissier le 15 janvier2010, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 26 mars 2010, suivie d’unecitation à son épouse le 15 novembre 2010, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audiencedu 8 mars 2011.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : BOUEPrénoms : PierreNé le : 24 avril 1958 A : TOULOUSE (31)Fils de : Christian BOUEEt de : Madeleine DADOSNationalité : française Domicile : 31,rue Beau Soleil

31180 ROUFFIAC TOLOSAN (FRANCE)Profession : sans professionSituation d’emploi : au RSA - à la recherche d’un emploiAntécédents judiciaires : pas de condamnation au casier judiciaireSituation pénale : libre

Comparution : comparant, assisté de Me Philippe BLANCHETIER, avocat aubarreau de Paris (B1121), qui dépose des conclusionsrégulièrement datées le 19 septembre 2011 et signées par lePrésident et le greffier et jointes au dossier.

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NATURE DES INFRACTIONS : TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE, TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à personne, par exploit d'huissier le 14 janvier2010, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 26 mars 2010, suivie d’unecitation, à personne le 28 octobre 2010, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du8 mars 2011, non comparant à l’audience du 20 juin 2011, suivie d’une citation remiseà étude d’huissier le 1 juillet 2011 suivie d’une lettre recommandée avec accusé deer

réception signé le 05 juillet 2011.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : MESTREPrénoms : Jean-ClaudeNé le : 18 septembre 1945 A : AVIGNON (84)Fils de : Jean Marie MESTRE

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Et de : Elise PEYROUSENationalité : française Domicile : 14, rue Louis Lebrun

95200 SARCELLES (FRANCE)Profession : inspecteur des impôtsSituation d’emploi : retraitéAntécédents judiciaires : pas de condamnation au casier judiciaireSituation pénale : libre

Comparution : comparant, assisté de Me Jean-Marc NATALI, avocat au barreaude Paris (E1545).

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NATURE DES INFRACTIONS : TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE, TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à personne, par exploit d’huissier le 05 janvier2010, suivie d’une citation à personne le 24 juin 2010, suivie d’un renvoi contradictoirele 1 octobre 2010, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 8 mars 2011, noner

comparant à l’audience du 20 juin 2011, suivie d’une citation à personne le 05 juillet2011.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : DEBRÉPrénoms : FrançoisNé le : 03 avril 1942 A : TOULOUSE (31)Fils de : Michel DEBRÉEt de : Anne Marie LEMARESQUERNationalité : française Domicile : 9, chemin Tourné

37270 MONTLOUIS SUR LOIRE (FRANCE)Profession : retraitéAntécédents judiciaires : pas de condamnation au casier judiciaireSituation pénale : libre

Comparution : comparant, assisté de Me Pierre-Charles RANOUIL, avocat aubarreau de Paris (P438), qui dépose des conclusions régulièrementdatées le 19 septembre 2011 et signées par le Président et legreffier et jointes au dossier.

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NATURE DES INFRACTIONS : TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à personne, par exploit d'huissier le 27 janvier2010, suivie d’une citation à personne le 13 juillet 2010, suivie d’une citation à personnele 4 novembre 2010, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 8 mars 2011, non

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comparant à l’audience du 20 juin 2011, suivie d’une citation à personne le 22 juillet2011.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : MUSSOPrénoms : FrançoisNé le : 01 octobre 1935 A : AJACCIO (2A)Fils de : Alexandre MUSSOEt de : Lucie VERSININationalité : française Domicile : Domaine de la SORBA FINOSELLO

20162 AJACCIO CEDEX 1 (FRANCE)Profession : retraitéAntécédents judiciaires : pas de condamnation au casier judiciaireSituation pénale : libre

Comparution : comparant, assisté de Me Jean-Yves LIENARD, avocat au barreaude Versailles, lequel est substitué par Monsieur le BâtonnierFrédéric LANDON, avocat au barreau de Versailles.

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NATURE DES INFRACTIONS : TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE, TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à domicile le 21 décembre 2009, suivie d’unelettre recommandée non réclamée, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 26mars 2010, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 1 octobre 2010, noner

comparant à l’audience du 20 juin 2011, suivie d’une citation à la gardienne le 04 juillet2011 suivie d’une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 06 juillet 2011.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : BLONDELPrénoms : MarcNé le : 02 mai 1938 A : COURBEVOIE (92)Fils de : Henri BLONDELEt de : Augustine BLANQUETNationalité : française Domicile : 5,rue Lamblardie

75012 PARIS (FRANCE)Profession : ancien secrétaire général de FOSituation d’emploi : retraitéAntécédents judiciaires : pas de condamnation au casier judiciaireSituation pénale : libre

Comparution : comparant, assisté de Me Anne-Guillaume SERRE, avocate aubarreau de Paris (R105) et de Me Jean-Louis PELLETIER, avocatau barreau de Paris (A126).

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NATURE DES INFRACTIONS : TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE, TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à étude d'huissier le 28 décembre 2009, suivied'une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 30 décembre 2009, suivied’un renvoi contradictoire à l’audience du 26 mars 2010, suivie d’un renvoi contradictoireà l’audience du 1 octobre 2010, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 8 marser

2011, non comparant à l’audience du 20 juin 2011, suivie d’une citation à étude d’huissierle 1 juillet 2011 suivie d’une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 05er

juillet 2011.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : DE GAULLEPrénoms : JeanNé le : 13 juin 1953 A : BOURG EN BRESSE (01)Fils de : Philippe DE GAULLEEt de : Henriette DE MONTALEMBERT DE CERSNationalité : française Domicile : 168 A rue de Grenelle

75007 PARIS (FRANCE)Elisant domicile : chez Me Benoît CHABERT

15, Rue Soufflot75005 PARIS

Profession : Magistrat en disponibilité à la Cour des ComptesAntécédents judiciaires : pas de condamnation au casier judiciaireSituation pénale : libre

Comparution : comparant, assisté de Me Benoit CHABERT, avocat au barreau deParis (A39), qui dépose des conclusions régulièrement datées le 21septembre 2011 et signées par le Président et le greffier et jointesau dossier.

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NATURE DES INFRACTIONS : TABUS DE CONFIANCE, TSOUSTRACTION, DÉTOURNEMENT OU DESTRUCTION DE BIENS D'UNDÉPÔT PUBLIC PAR LE DÉPOSITAIRE OU UN DE SES SUBORDONNES,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 30octobre 2009 suivie d'une citation remise à personne, par exploit d'huissier le 17décembre 2009, suivie d’un renvoi contradictoire à l’audience du 26 mars 2010, suivied’un renvoi contradictoire à l’audience du 1 octobre 2010, suivie d’un renvoier

contradictoire à l’audience du 08 mars 2011, non comparant à l’audience du 20 juin 2011,suivie d’une citation à son avocat le 29 juin 2011.

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PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : CHIRACPrénoms : JacquesNé le : 29 novembre 1932 A : PARIS 5EME (75)Fils de : Abel François CHIRACEt de : Marie-Louise VALETTENationalité : française Domicile : Chez Maître Jean VEIL

38, rue de Lisbonne75008 PARIS (FRANCE)

Profession : retraitéAntécédents judiciaires : pas de condamnation au casier judiciaireDécorations : Grand-Croix de la Légion d’Honneur (en tant que Président de la

République)Grand-Croix de l’Ordre National du Mérite (en tant que PremierMinistre)Croix de la Valeur MilitaireMédaille de l’AéronautiqueChevalier du Mérite agricole (en tant que Ministre del’Agriculture)Chevalier des Arts et des LettresChevalier de l’Etoile Noire (Bénin)Chevalier du Mérite SportifGrand-Croix de l’Ordre de MalteOfficier de l’Ordre national du QuébecCondor de oro “Grand Condor” (Bolivie)Prix d’Etat (Russie)Chevalier grand-croix au grand cordon (Ordre du Mérite de laRépublique italienne)Grand-Collier de l’Ordre de L’infant Dom Henrique (Portugal)

Situation pénale : libre

Comparution : non comparant, représenté par Me Jean- François VEIL, avocat aubarreau de Paris (T06), par Me Georges KIEJMAN, avocat aubarreau de Paris (P200), par Me Eric DEZEUZE, avocat aubarreau de Paris (T12) et par Me Marie BURGUBURU, avocateau barreau de Paris (L276), régulièrement muni d’un pouvoir dereprésentation, qui dépose des conclusions régulièrement datées le23 septembre 2011 et signées par le Président et le greffier etjointes au dossier.

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N° d’affaire 1100708013

NATURE DES INFRACTIONS : TPRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS PAR UN ELU PUBLIC DANS UNE AFFAIREDONT IL ASSURE L'ADMINISTRATION OU LA SURVEILLANCE,

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du en date du 06 novembre 2010suivie d'une citation, remise à domicile, par exploit d'huissier le 13 janvier 2011, suivied’un renvoi contradictoire à l’audience du 31 janvier 2011, suivie d’un renvoicontradictoire à l’audience du 08 mars 2011, suivie d’un renvoi contradictoire àl’audience du 20 juin 2011, suivie d’une citation à son avocat le 29 juin 2011.

PERSONNE POURSUIVIE :

Nom : CHIRACPrénoms : JacquesNé le : 29 novembre 1932 Age : 57 ans au moment des faitsA : PARIS 5EME (75)Fils de : Abel François CHIRACEt de : Marie-Louise VALETTENationalité : française Domicile : c/Me Jean VEIL

38 Rue de Lisbonne75008 PARIS (FRANCE)

Situation familiale : mariéAntécédents judiciaires : pas de condamnation au casier judiciaireSituation pénale : libre

Comparution : non comparant, représenté par Me Jean VEIL, avocat au barreaude Paris (T06), par Me Georges KIEJMAN, avocat au barreau deParis (P200), par Me Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris(T12) et par Me Marie BURGUBURU, avocate au barreau deParis (L276), régulièrement munis d’un pouvoir de représentation,qui dépose des conclusions de sursis à statuer régulièrement datéesle 31 janvier 2011 et signées par le Président et le greffier etjointes au dossier.

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PARTIE CIVILE :

Dénomination : VILLE DE PARIS Représentée par Monsieur Bertrand DELANOË, son Maire

Domicile : C/E Me Jean-Pierre MIGNARDSELARL LYSIAS PARTNERS39, rue Censier75005 PARIS (FRANCE)

Comparution : non comparante, ni représentée, suite à un désistement de partiecivile.

PARTIE CIVILE :

Dénomination : Association "ANTICOR" Domicile : 5, Avenue des Piliers

94210 LA VARENNE ST HILAIRE

Comparution : représentée par Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Valde Marne, par Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat aubarreau de Paris, qui dépose des conclusions régulièrement datéeset signées par le Président et le greffier et jointes au dossier.

PARTIE CIVILE :

Dénomination : Association DÉFENSE DES CITOYENS Représentée par M. Claude KARSENTI, son Président

Domicile : 3, allée de la Puisaye92160 ANTONY (FRANCE)

Comparution : représentée par M. Claude KARSENTI et assisté de Me JulienBOUZERAND, avocat au barreau de Paris (P570).

PARTIE CIVILE :

Nom : KARSENTI ClaudeDomicile : 3, allée de la Puisaye

92160 ANTONY (FRANCE)

Comparution : comparant en personne.

PARTIE CIVILE :

Nom : BAYOU JulienDomicile : élisant domicile chez Me Jérémy AFANE-JACQUART

21, Boulevard de Beauséjour75016 PARIS

Comparution : comparant, assisté de Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat aubarreau de Paris, lequel se désiste de sa constitution de partiecivile à l’audience du 05 septembre 2011.

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PARTIE CIVILE :

Nom : NOUSCHI Maurice

Comparution : non comparant, représenté par Me Frédérik-Karel CANOY, avocatau Barreau du Val de Marne.

PARTIE CIVILE :

Dénomination : Association “Loge Reniant la Nationalité Française” Domicile : 27, Rue du portail

26780 CHATEAUNEUF DU RHONE

Comparution : non comparante, ni représentée.

PARTIE CIVILE :

Nom : BETOUT PaulDomicile : 21, Rue du Repos

75020 PARIS

Comparution : comparant en personne.

PARTIE CIVILE :

Dénomination : HCCDA (Halte à la Censure, à la Corruption, au Despotismeet à l'Arbitraire) Représentée par M. Joël BOUARD, son Président

Domicile : 12 Rue Oudot94000 CRETEIL

Comparution : représentée par M. Joël BOUARD, son Président.

PARTIE CIVILE :

Dénomination : CAMJ (Citoyens Anti-Mafia Judiciaire) Représentée par M. Joël BOUARD, son Président

Domicile : 12 rue Oudot75016 CRETEIL

Comparution : représentée par M. Joël BOUARD, son Président.

PARTIE CIVILE :

Nom : PRELORENZO GérardDomicile : 5,Rue Lacuée

75012 PARIS

Comparution : comparant en personne.

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PARTIE CIVILE :

Nom : BIDALOU JacquesDomicile : 24, Rue de Tourville

78100 ST GERMAIN EN LAYE

Comparution : comparant en personne.

PARTIE CIVILE :

Nom : LAROCHE AlainDomicile : 42, Cours Blaise Pascal

91000 EVRY

Comparution : non comparant, ni représenté.

PARTIE CIVILE :

Nom : GOGUY JacquesDomicile : 2, Rue du fief de la Croix

79330 SAINT VARENT

Comparution : comparant en personne.

PARTIE CIVILE :

Dénomination : Association Nouvelle des Victimes des Erreurs etDysfonctionnements Judiciaires Représenté par M. Jacques GOGUY, son Président

Comparution : représentée par M. Jacques GOGUY, son Président.

PARTIE CIVILE :

Dénomination : Association “SOLEIL”Domicile : BP 55

69247 LYON Cedex

Comparution : non comparante, ni représentée.

PARTIE CIVILE :

Nom : Le Roi DJAKA 1 ER

Domicile : Royaume GondiDJAKA David1, Place de l’Hôtel de Ville Immeuble 2, Appartement 377100 MEAUX

Comparution : non comparant, ni représenté.

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TÉMOINS:

Nom : DE LA ROCQUE HuguesDomicile : 10, Rue André Lefebvre

75015 PARIS

Comparution : comparant à l’audience du 8 septembre 2011, à 13h30.

Nom : DIOP BabakarDomicile : 33, Chemin des Sablons de la Montagne

78160 MARLY LE ROI

Comparution : comparant à l’audience du 7 septembre 2011, à 13h30.

Nom : FIGEAC PierreDomicile : 23, Avenue de Niel

75017 PARIS

Comparution : comparant à l’audience du 7 septembre 2011, à 15h30.

Nom : GARNIER Martine épouse BRESDomicile : 339, Rue des Verchères

69380 CIVREUX D’AZERGUES

Comparution : comparante à l’audience du 19 septembre 2011, à 13h30.

Nom : KOTE AbdoulayeDomicile : 7, Rue Guilleminot

75014 PARIS

Comparution : comparant à l’audience du 13 septembre 2011, à 13h30

Nom : LEFEUVRE PatriciaDomicile : 36, Avenue Mozart

75016 PARIS

Comparution : comparante à l’audience du 8 septembre 2011, à 13h30.

Nom : ROCHE Jean-MarieDomicile : 2, Avenue du Parc

19200 USSEL

Comparution : comparant à l’audience du 7 septembre 2011, à 13h30

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PROCÉDURE D'AUDIENCE

N° d’affaire : 9834923017

Par ordonnance de l’un des juges d’instruction de ce siège en date du 30 octobre 2009,Monsieur Michel ROUSSIN, Monsieur Rémy CHARDON, Madame Marie-ThérèseMONIER épouse POUJADE, Monsieur Pierre BOUÉ, Monsieur Jean-Claude MESTRE,Monsieur François DEBRÉ, Monsieur François MUSSO, Monsieur Marc BLONDEL,Monsieur Jean De GAULLE et Monsieur Jacques CHIRAC sont renvoyés devant letribunal correctionnel sous la prévention :

Jacques CHIRAC :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,du 26 octobre 1992 jusqu'au 1er mars 1994, détourné au préjudice de la Ville de Paris,des fonds ou deniers qui lui avaient été remis au titre d'un mandat en sa qualité de Mairede Paris à charge pour lui d'en faire un usage ou un emploi déterminé au profit de la Villede Paris, en l'espèce en faisant engager et rémunérer par la Ville de Paris,

- des chargés de mission, employés dans des structures extérieures à la Ville de Paris :Jean-Christophe ANGENAULT, Jean-Michel BEAUDOIN, Pierre BOUE, DavidCOURRON, Babakar DIOP, Pierre FIGEAC, Abdoulaye KOTE, Annie LANCELOT,Patricia LEFEUVRE, Jean-Marie ROCHE, Hugues DE LA ROCQUE, LaurentSABATHIER, François VUILLEMIN, Anne MOREL MAROGER épouse GRANDD'ESNON, Michel PALAU,

- des chargés de mission sans affectation aucune : François DEBRÉ, Jean-ClaudeMESTRE, Annie DEMICHEL, Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE,

Faits prévus et réprimés par l’article 408 de l’ancien code pénal abrogé mais en vigueurau moment des faits et les articles 314-1 et 314-10 du nouveau Code pénal.

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, du 1er mars 1994 jusqu'au 16mai 1995, étant en sa qualité de Maire de Paris, dépositaire de l'autorité publique,détourné des fonds publics, au préjudice de la Ville de Paris ; en l'espèce en faisantengager et en faisant prélever sur le budget de la Ville de Paris les montants desrémunérations :

des chargés de mission, employés dans des structures extérieures à la Ville de Paris :Jean-Christophe ANGENAULT, Pierre BOUE, David COURRON, Babakar DIOP,Madeleine FARARD, Pierre FIGEAC, Michelle GARNIER épouse BRES, AbdoulayeKOTE, Annie LANCELOT, Patricia LEFEUVRE, Michel PALAU, Jean-Marie ROCHE,François VUILLEMIN, des chargés de mission sans affectation aucune: Anne DEMICHEL, Jean-ClaudeMESTRE, François DEBRÉ,

Faits prévus et réprimés par les articles 432-15 et 432-17 du Code pénal.

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Michel ROUSSIN :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1993, en sa qualité de directeur de cabinet duMaire de Paris, été complice des délits d'abus de confiance reprochés à M. JacquesCHIRAC, en l'aidant ou l'assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation,en l'espèce, en signant les contrats d'engagement des chargés de mission et en permettant

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le versement de salaires subséquents s'agissant de Jean-Michel BEAUDOIN, BabakarDIOP, Abdoulaye KOTE, Annie LANCELOT, Patricia LEFEUVRE, Jean-ClaudeMESTRE, Hugues DE LA ROCQUE, Laurent SABATHIER, François VUILLEMIN,Anne MOREL MAROGER épouse GRAND D'ESNON ou en évaluant les prestationssupposées de Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE, chargée de mission,

Faits prévus et réprimés par les articles 59, 60 et 408 de l’ancien Code pénal abrogésmais en vigueur au moment des faits et les articles 121-6, 121-7, 314-1 et 314-10 dunouveau Code pénal.

***Rémy CHARDON :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 1er mars 1993 et le 1er mars 1994, en sa qualité de directeur de cabinet duMaire de Paris, été complice des délits d'abus de confiance reprochés à M. JacquesCHIRAC, en l'aidant ou en l'assistant sciemment dans sa préparation ou saconsommation, en l'espèce, en signant les contrats d'engagement des chargés de missionet en permettant le versement de salaires subséquents s'agissant de Jean-ChristopheANGENAULT, David COURRON et François DEBRÉ,

Faits prévus et réprimés par les articles 59, 60 et 408 de l’ancien Code pénal abrogésmais en vigueur au moment des faits et les articles 121-6, 121-7, 314-1 et 314-10 dunouveau Code pénal.

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 1er mars 1994 et le mois de juin 1995, en sa qualité de directeur de cabinet duMaire de Paris, été complice des délits de détournements de fonds publics reprochés à M.Jacques CHIRAC, en l'aidant ou en l'assistant sciemment dans sa préparation ou saconsommation, en l'espèce, en signant les contrats d'engagement des chargés de missionet en permettant le versement de salaires subséquents s'agissant de Jean-ChristopheANGENAULT, Martine GARNIER épouse BRES, David COURRON et FrançoisDEBRÉ,

Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 432-15 et 432-17 du Code pénal.

***Pierre BOUE :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1994, sciemment recelé des fonds qu'il savaitprovenir du délit d'abus de confiance, en l'espèce en ayant bénéficié de rémunérationsversées par la Ville de Paris pour un emploi sans contrepartie pour la Ville,

Faits prévus et réprimés par les articles 408 et 460 de l’ancien Code pénal abrogés maisen vigueur au moment des faits et les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 314-1et 314-10 du nouveau Code pénal.

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 1er mars 1994 et mai 1996, sciemment recelé des fonds qu'il savait provenir dudélit de détournement de fonds publics, en l'espèce en ayant bénéficié de rémunérationsversées par la Ville de Paris pour un emploi sans contrepartie pour la Ville,

Faits prévus et réprimés par les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 432-15 et432-17 du Code pénal.

à hauteur d’un montant total de salaires de 96.613,71 euros.

***

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Jean DE GAULLE :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1994, sciemment recelé des fonds qu'il savaitprovenir du délit d'abus de confiance, en l'espèce en ayant bénéficié des emplois dechargés de mission rémunérés par la Ville de Paris : Anne MOREL MAROGER épouseGRAND D'ESNON et David COURRON,

Faits prévus et réprimés par les articles 408 et 460 de l’ancien Code pénal abrogés maisen vigueur au moment des faits et les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 314-1et 314-10 du nouveau Code pénal.

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 1er mars 1994 et mars 1995, sciemment recelé des fonds qu'il savait provenirdu délit de détournement de fonds publics, en l'espèce en ayant bénéficié de l'emploi deM. David COURRON, chargé de mission rémunéré par la Ville de Paris,

Faits prévus et réprimés par les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 432-15 et432-17 du Code pénal,

à hauteur d’un montant total de salaires de 69.322,63 euros.

***

François DEBRÉ :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le mois de décembre 1993 et le 1er mars 1994, sciemment recelé des fonds qu'ilsavait provenir du délit d'abus de confiance, en l'espèce en ayant bénéficié derémunérations versées par la Ville de Paris pour un emploi sans contrepartie pour la Ville,

Faits prévus et réprimés par les articles 408 et 460 de l’ancien Code pénal abrogés maisen vigueur au moment des faits et les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 314-1et 314-10 du nouveau Code pénal.

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 1er mars 1994 et le mois de décembre 1998, sciemment recelé des fonds qu'ilsavait provenir du délit de détournement de fonds publics, en l'espèce en ayant bénéficiéde rémunérations versées par la Ville de Paris pour un emploi sans contrepartie pour laVille,

Faits prévus et réprimés par les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 432-15 et432-17 du Code pénal.

à hauteur d’un montant total de salaires de 107.341,24 euros.

***

Marc BLONDEL :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1994, sciemment recelé des fonds qu'il savaitprovenir du délit d'abus de confiance, en l'espèce en ayant bénéficié de l'emploi de M.Abdoulaye KOTE, chargé de mission rémunéré par la Ville de Paris,

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Faits prévus et réprimés par les articles 408 et 460 de l’ancien Code pénal abrogés maisen vigueur au moment des faits et les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 314-1et 314-10 du nouveau Code pénal.

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 1er mars 1994 et décembre 1998, sciemment recelé des fonds qu'il savaitprovenir du délit de détournement de fonds publics, en l'espèce en ayant bénéficié del'emploi de M. Abdoulaye KOTE, chargé de mission rémunéré par la Ville de Paris,

Faits prévus et réprimés par les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 432-15 et432-17 du Code pénal.

à hauteur d’un montant total de salaires de 75.712,36 euros.

***

Jean-Claude MESTRE :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1994, sciemment recelé des fonds qu'il savaitprovenir du délit d'abus de confiance, en l'espèce en ayant bénéficié de rémunérationsversées par la Ville de Paris pour un emploi sans contrepartie pour la Ville,

Faits prévus et réprimés par les articles 408 et 460 de l'ancien Code Pénal abrogés maisen vigueur au moment des faits et les articles 321-1, 321-3, 321-4,321-9, 321-10, 314-1et 314-10 du nouveau Code Pénal,

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 1er mars 1994 et le mois de décembre 1996, sciemment recelé des fonds qu'ilsavait provenir du délit de détournement de fonds public, en l'espèce en ayant bénéficiéde rémunérations versées par la Ville de Paris pour un emploi sans contrepartie pour laVille,

Faits prévus et réprimés par les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 432-15 et432-17 du Code Pénal,

à hauteur d'un montant total de salaires de 131.602,46 euros.

***

Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre le 26 octobre 1992 et le mois d'octobre 1993, sciemment recelé des fonds qu'ellesavait provenir du délit d'abus de confiance, en l'espèce en ayant bénéficié derémunérations versées par la Ville de Paris pour un emploi sans contrepartie pour la Ville,

Faits prévus et réprimés par les articles 408 et 460 de l’ancien Code pénal abrogés maisen vigueur au moment des faits et les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 314-1et 314-10 du nouveau Code pénal,

à hauteur d’un montant total de salaires de 33.846,10 euros.

***

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François MUSSO :

- pour avoir, à Paris, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non prescrit,entre août 1994 et mai 1995, sciemment recelé des fonds qu'il savait provenir du délitde détournement de fonds publics, en l'espèce en ayant bénéficié de l'emploi de MmeMartine GARNIER épouse BRES chargée de mission rémunérée par la Ville de Paris,

Faits prévus et réprimés par les articles 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 432-15 et432-17 du Code Pénal,

à hauteur d'un montant total de salaires de 33.642,32 euros.

*****

N° d’affaire 1100708013

Par ordonnance de l’un des juges d’instruction de Tribunal de Grande Instance deNanterre en date du 6 novembre 2010, Monsieur Jacques CHIRAC est renvoyé devant letribunal correctionnel sous la prévention :

D'avoir à Paris, de septembre 1990 au 4 novembre 1994 en tout cas sur le territoirenational et depuis temps non couvert par la prescription, étant investi d'un mandat électifpublic, en qualité de Maire de Paris, pris ou reçu directement ou indirectement un intérêtdans une opération dont il avait au moment de l'acte en tout ou partie la charge d'assurerla surveillance ou l'administration, en l'espèce, alors qu'il avait la charge et laresponsabilité de contrôler la préparation du budget et d'ordonner les dépenses,notamment les dépenses afférentes aux employés de la Ville, présenté lors du vote desbudgets annuels de la Ville de Paris, une masse salariale comprenant les dépenses auxsalariés suivants : - Nourdine CHERKAOUI du 1er mai 1991 au 4 novembre 1994 - Farida CHERKAOUI du 1er novembre 1992 au 4 novembre 1994 - Jérôme GRAND d'ESNON du 1er juin 1991 au 31 décembre 1993 - Philippe MARTEL du 1er janvier 1991 au 31 mars 1993 - Patrick STEFANINI du 15 janvier 1991 au 4 novembre 1994 - André ROUGÉ du 1 février 1992 au 1er avril 1993 er

- Madeleine FARARD de 1992 au 4 novembre 1994, qu'il savait être en réalité mis à disposition du Rassemblement pour la République (RPR)dont il était le président,

faits prévus et réprimés par l’article 175 du code pénal dans sa rédaction antérieure au1 mars 1994 et les articles 432-12, 432-17 du code pénal. er

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Les débats ont été tenus en audience publique.

L'affaire a été appelée, successivement, aux audiences du : - 26 mars 2010, pour première audience de fixation,- 01 octobre 2010, pour nouvelle audience de fixation,- 31 janvier 2011, pour première audience de fixation pour la procédure de Nanterre,n°1100708013, - 07 mars 2011, pour audience au fond et renvoyée en continuation des débats,- 08 mars 2011, pour audience au fond et renvoyée pour cause de transmission de laquestion prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, - 20 juin pour nouvelle audience de fixation, après l’arrêt de la Chambre Criminelle dela Cour de cassation en date du 20 mai 2011 disant n’y avoir lieu à transmission auConseil Constitutionnel, - 05 septembre 2011, pour audience au fond, et renvoyée en continuation des débats, - 06 septembre 2011, en continuation des débats, - 07 septembre 2011, en continuation des débats, - 08 septembre 2011, en continuation des débats, - 12 septembre 2011, en continuation des débats, - 13 septembre 2011, en continuation des débats, - 15 septembre 2011, en continuation des débats, - 19 septembre 2011, en continuation des débats, - 20 septembre 2011, en continuation des débats, - 21 septembre 2011, en continuation des débats, - 22 septembre 2011, en continuation des débats, - 23 septembre 2011, en continuation des débats et renvoyée pour délibération, - et ce jour, pour prononcé du jugement.

Audience du 26 mars 2010, à 13h30

A l'appel de la cause, Monsieur le président a procédé à l’appel des prévenus.

Monsieur le président a indiqué aux parties les possibles dates d’audience au fond, àsavoir du 8 novembre 2010 au 8 décembre 2010.

Maître Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations, sur la procédure ouverte au TGI de Nanterre,en cours de règlement et sollicitant une date de renvoi permettant la jonction des deuxdossiers.

Maître Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur JacquesCHIRAC, prévenu, a été entendu en ses observations.

Maître Emmanuel TORDJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de la Mairie de Paris,partie civile, a été entendu en ses observations.

Monsieur le président a constaté qu’il n’y avait pas d’observations de la part des conseilsdes autres parties.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions et ne s’est pas opposé à la demande.

Dans l’attente de la procédure de Nanterre, Monsieur le président a indiqué aux partiesque le tribunal envisage le renvoi en février 2011, si le juge d’instruction de Nanterredevait rendre son ordonnance de règlement avant la prochaine audience et, si le juged’instruction de Nanterre ne devait pas rendre son ordonnance de règlement d’ici là, letribunal envisage le renvoi au fond à l’audience du 8 novembre 2010.

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En conséquence, le tribunal a envisagé une audience-relais, avant les débats au fond.

Maître Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations et a indiqué être favorable à une audience-relais au mois de septembre 2010.

Après en avoir délibéré sur le siège, le tribunal a renvoyé l’affaire au Vendredi 1 octobreer

2010, à 13h30, en Salle des Criées, pour une nouvelle audience de fixation.

Audience du 1 octobre 2010, à 13h30. er

Monsieur le président a indiqué que le dossier était évoqué sur renvoi.

Monsieur le président a procédé à l’appel des prévenus.

Monsieur le président a procédé à l’appel des parties civiles.

Monsieur le président a donné lecture de la lettre de la Mairie de Paris en date du 30septembre 2010, sur le protocole d’indemnisation et le désistement d’action et d’instance.

Me Frédérik-Carel CANOY, avocat au barreau du Val de Marne, a indiqué au tribunalque des contribuables parisiens allaient se constituer partie civile, et notamment M. PierreDACQUES.

Me Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en sa réponse.

Me Frédérik-Carel CANOY, avocat au barreau du Val de Marne, s’est engagé à fournirles justificatifs des parties civiles qu’il entend représenter.

Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de Paris, conseil de l’association “Défensedes Citoyens”, partie civile, a été entendu en ses observations.

Monsieur le président a rappelé qu’à l’audience précédente, le tribunal avait envisagé deretenir l’affaire soit à compter du 8 novembre 2010, soit ultérieurement, en janvier oufévrier 2011, dans l’attente de l’issue d’une procédure actuellement en cours d’instructionau Tribunal de Grande Instance de Nanterre visant Monsieur Jacques CHIRAC.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC, prévenu, aété entendu en sa plaidoirie sur sa demande de renvoi à une date permettant le cas échéantune jonction de la procédure suivie actuellement à l’instruction au Tribunal de GrandeInstance de Nanterre, dans l’hypothèse d’un renvoi ordonné par le juge d’instruction encharge du dossier.

Maître Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions et requiert le renvoi de l’affaire en2011.

Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de Paris, conseil de l’association “Défensedes Citoyens”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie.

Me Pierre HAIK, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Michel ROUSSIN, prévenu,ne s’opposant pas au renvoi sollicité, a fait état de son indisponibilité jusqu’au début dumois de mars 2011.

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Me Philippe LEMAIRE, avocat au barreau de Paris, conseil de Mme MONIER épousePOUJADE, prévenue, ne s’opposant pas au renvoi sollicité, a fait état de sonindisponibilité à compter du mois de mai 2011.

Me Benoît CHABERT, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jean DE GAULLE,prévenu, ne s’opposant pas au renvoi sollicité, a fait état de son indisponibilité à compterdu mois de mai 2011.

Me Jean-Louis PELLETIER, conseil de M. Marc BLONDEL, Me PhilippeBLANCHETIER, conseil de M. Pierre BOUE, Me Jean-Yves LEBORGNE, conseil deM. Rémy CHARDON, Me Jean-Didier BELOT, conseil de M. François DEBRÉ, MeJean-Marc NATALI, conseil de M. Jean-Claude MESTRE et Me Jean-Yves LIENARD,conseil de M. François MUSSO n’ont formulé aucune réserve sur la demande de renvoi.

Le tribunal a constaté que la demande de renvoi au début de l’année 2011, telle queformulée par la défense de Jacques CHIRAC, n’a donné lieu à aucune opposition tant dela part du procureur de la République qui s’est associé à cette demande que de la part desconseils des parties civiles présentes et des conseils des autres prévenus.

Il est apparu d’une bonne administration de la justice d’y faire droit.

Le tribunal a considéré en conséquence qu'il y avait lieu de renvoyer l'affaire pour examenau fond aux audiences des 07, 08, 09, 14, 15, 16, 21, 22, 23, 28, 29, 30 mars 2011, 04,05, 06, 07 et 08 avril 2011, à 13H30 devant la même formation siégeant dans les locauxde la 1ère chambre de ce tribunal.

Audience du 31 janvier 2011, à 13h30 / Procédure n°1100708013

Monsieur le président a constaté la représentation de M. Jacques CHIRAC et a donnélecture de la prévention.

Monsieur le président a rappelé la procédure de renvoi devant le Tribunal de grandeinstance de Paris.

Monsieur le président a rappelé qu’il s’agissait d’une audience de fixation.

Monsieur le président a indiqué que l’affaire pourrait être renvoyée à l’audience du 7 mars2011.

Monsieur le président a constaté que Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseilde M. Jacques CHIRAC, prévenu, avait déposé des conclusions aux fins de sursis àstatuer.

Monsieur le président a rappelé la présence de l’association ANTICOR, partie civile, dansce dossier.

Monsieur le président a indiqué que le protocole transactionnel entre la Mairie de Paris,l’UMP et Monsieur Jacques CHIRAC faisait l’objet d’un recours devant le Tribunaladministratif.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC, prévenu, aété entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions de sursis à statuer.

Monsieur le président a rappelé les courriers venant au soutien de cette demande.

Me Philippe LEMAIRE, avocat au barreau de Paris, conseil de Mme Marie-ThérèseMONIER épouse POUJADE, prévenue, a été entendu en ses observations.

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Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de l’associationANTICOR, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie.

M. Claude KARSENTI, président de l’Association “Défense des Citoyens”, a déclaré seconstituer partie civile.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Me Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en sa réponse.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC, prévenu, aété entendu en sa réponse sur l’exécution du protocole transactionnel et a indiqué autribunal qu’il remettrait les documents en attestant.

Après en avoir délibéré sur le siège, le tribunal a renvoyé l’affaire au 07 mars 2011, à13h30, en 1 chambre civile. ère

Audience du 7 mars 2011, à 13h30.

A l'appel de la cause, Monsieur le président a procédé à l’appel des prévenus.

Monsieur le président a rappelé que l’emploi, au cours des débats, de tout appareilpermettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit parl’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, de même qu’est prohibée, en vertude la même disposition légale, la cession ou la publication de quelque manière et parquelque moyen que ce soit, de tout enregistrement ou document obtenu en violation del’interdiction précitée.

Monsieur le président a constaté l'identité de M Michel ROUSSIN, M Rémy CHARDON,M Pierre BOUE, M Jean-Claude MESTRE, M François DEBRÉ, M François MUSSO,M Marc BLONDEL, M Jean DE GAULLE, prévenus et a rappelé l’identité de M. JacquesCHIRAC et de Mme Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE, prévenus.

Monsieur le président a donné lecture de la prévention.

Monsieur le président a procédé à l’appel des parties civiles.

Monsieur le président a procédé à l’appel des témoins et leur a communiqué la date deleur audition.

Monsieur le président a ordonné aux témoins, dans l’attente de leurs auditions, de seretirer de la salle d’audience et leur a fait interdiction d’assister aux débats.

***

Monsieur le président a constaté que le tribunal était saisi de 3 questions prioritaires deconstitutionnalité (QPC), émanant pour l’une de Me Jean-Yves LE BORGNE, avocat aubarreau de Paris, conseil de M. Rémy CHARDON, prévenu, et, pour les 2 autres de M.Claude KARSENTI, Président de l’Association “Défense des Citoyens”, partie civile.

Me Benoît CHABERT, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jean de GAULLE,prévenu, a souhaité faire acter qu’il avait déposé des conclusions de nullité.

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Sur les questions prioritaires de constitutionnalité :

Me Jean-Yves LE BORGNE, avocat au barreau de Paris, conseil de M. RémyCHARDON, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt d’une questionprioritaire de constitutionnalité dans la procédure n°P9834923017, sur la question de laprescription de l’action publique et de la connexité, et a sollicité la transmission de laquestion prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation.

Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat au barreau de Paris, conseil de M. JulienBAYOU, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie sur la question prioritaire deconstitutionnalité, après dépôt de conclusions.

Me Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Me Nadjette GUENATEF, avocate au barreau du Val de Marne, conseil de l’Association“Anticor”, partie civile, a été entendue en sa plaidoirie, sur la question prioritaire deconstitutionnalité, après dépôt de conclusions.

M. Claude KARSENTI, Président de l’association “Défense des Citoyens”, a été entenduen ses observations.

M. Joël BOUARD, Président des associations HCCDA et CAMJ, parties civiles, a étéentendu en ses observations. Compte tenu de l’incohérence de ses propos, Monsieur le président a ordonné l’expulsionde M. Joël BOUARD de la salle d’audience par les forces de gendarmerie, et a indiquéqu’il ne pourrait revenir dans cette salle d’audience qu’après y avoir été autorisé.

M. Gérard PRELORENZO, partie, a été entendu en ses observations. Compte tenu de l’incohérence de ses propos, Monsieur le président a ordonné l’expulsionde M. Gérard PRELORENZO de la salle d’audience par les forces de gendarmerie.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC, prévenu, aété entendu en sa plaidoirie et s’est associé à la demande de transmission de la questionprioritaire de constitutionnalité.

Me Benoît CHABERT, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jean de GAULLE,prévenu, a été entendu en sa plaidoirie et s’est associé à la demande de transmission dela question prioritaire de constitutionnalité.

Me Pierre-Charles RANOUIL, avocat au barreau de Paris, conseil de M. FrançoisDEBRÉ, prévenu, a été entendu en ses observations.

Me Pierre HAIK, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Michel ROUSSIN, prévenu,a été entendu en sa plaidoirie.

Me Jean-Yves LE BORGNE, avocat au barreau de Paris, conseil de M. RémyCHARDON, a été entendu en sa réponse.

Me Claude KARSENTI, Président de l’association “Défense des Citoyens”, a été entenduen ses observations, sur les 2 questions prioritaires de constitutionnalité déposées.

Le Ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Monsieur le président a indiqué qu’il mettait les affaires en délibéré et que le Tribunalrendrait ses jugements à l’audience du 8 mars 2011, à 13h30.

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Audience du 8 mars 2011, à 13h30.

Monsieur le président a donné lecture des dispositifs des jugements sur les questionsprioritaires de constitutionnalité.

Monsieur le président a indiqué que le tribunal envisageait un renvoi à l’audience du 20juin 2011, à 13h30, compte tenu des décisions prises par jugement séparé à l’audience dece jour.

Le Ministère public a été entendu en ses réquisitions et ne s’est pas opposé au renvoi.

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de l’association“Anticor”, partie civile, n’a pas formulé d’observations sur le renvoi.

Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat au barreau de Paris, conseil de M. JulienBAYOU, partie civile, n’a pas formulé d’observations sur le renvoi.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC, prévenu, ademandé s’il s’agissait d’une audience pour fixation.

Me Philippe LEMAIRE, avocat au barreau de Paris, conseil de Mme Marie-ThérèseMONIER épouse POUJADE, prévenue, a indiqué qu’il était indisponible pour cettepériode.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC, prévenu, aindiqué qu’à cette date aurait lieu la campagne électorale des élections présidentielles de2012.

Me Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Après en avoir délibéré, Monsieur le président a indiqué que le tribunal allait renvoyerl’affaire à l’audience du 20 juin 2011, à 13h30, pour une audience-relais.

Audience du 20 juin 2011, à 13h30.

A l'appel de la cause, Monsieur le président a procédé à l’appel des prévenus.

Monsieur le président a rappelé l’historique procédural du dossier et notamment l’arrêtde la Chambre Criminelle de la Cour de cassation en date du 20 mai 2011 disant n’y avoirlieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au ConseilConstitutionnel.

Monsieur le président a envisagé le renvoi des affaires en septembre 2011.

Monsieur le président a indiqué les audiences proposées, en l’espèce, du 5 au 9septembre, du 12 au 14 septembre et du 19 au 23 septembre 2011.

M. Jacques BIDALOU, partie civile, a été entendu en ses observations.

Monsieur le président a donné la parole aux parties.

Aucune des parties n’a formulé d’objections au renvoi du dossier aux audiencesproposées.

Monsieur le président a demandé aux parties s’il y aurait de nouvelles citations à témoins.

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Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris, conseil de l’association ANTICOR,partie civile, a indiqué qu’il y aurait une nouvelle citation de témoins.

Après en avoir délibéré, Monsieur le président a indiqué que le tribunal allait renvoyerl’affaire aux audiences des 5 au 9 septembre, du 12 au 14 septembre et du 19 au 23septembre 2011.

Audience du 5 septembre 2011, à 13h30

Me Jean-Marc NATALI, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa déclarationpréliminaire sur la disparition prématurée de Me Philippe LEMAIRE, avocat au barreaude Paris.

Monsieur le Président a indiqué que le Tribunal s’associait à cette démarche.

Monsieur le Président a procédé à l’appel des prévenus.

Monsieur le Président a rappelé que l’emploi, au cours des débats, de tout appareilpermettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit parl’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, de même qu’est prohibée, en vertude la même disposition légale, la cession ou la publication de quelque manière que ce soit,de tout enregistrement ou document obtenu en violation de l’interdiction précitée.

Monsieur le Président a procédé à l’appel des parties civiles.

Monsieur le Président a indiqué qu’il avait déjà donné lecture de la prévention lors d’uneaudience antérieure.

La prévention a été considérée comme lue par les parties, qui n’ont formulé aucuneobservations.

Monsieur le président a procédé à l’appel des témoins.

Me Pierre HAÏK, avocat au barreau de Paris, conseil de M. Michel ROUSSIN, prévenu,a indiqué au Tribunal qu’il renonçait à faire citer M. Jean-Eudes RABUT comme témoin.

Monsieur le Président a donné lecture du courrier de M. Alain JUPPÉ.

Monsieur le Président a indiqué avoir saisi le Gouvernement pour que M. Alain JUPPÉ,Ministre des Affaires Etrangères et des Affaires Européennes, membre du Gouvernementactuel, soit autorisé à déposer.Après confirmation par le Ministère Public, Monsieur le Président a indiqué que M. AlainJUPPÉ, Ministre des Affaires Etrangères et des Affaires Européennes, avait été autorisépar le Conseil des Ministres à venir déposer aux audiences en qualité de témoin.

Monsieur le Président a informé les témoins de leur date de comparution et d’audition.Il a indiqué qu’il s’agissait de dates prévues sous réserve de la suite donnée auxexceptions et incidents de procédure qui seraient plaidés à l’audience in limine litis.

Dans l’attente de leurs auditions, Monsieur le Président a ordonné aux témoins de seretirer de la salle d’audience et leur a fait interdiction d’assister aux débats.

Monsieur Jacques BIDALOU, partie civile, a été entendu en ses observations.

Monsieur Claude KARSENTI, représentant l’Association “Défense des Citoyens”, partiecivile, a été entendu en ses observations.

Monsieur Gérard PRELORENZO, partie civile, a été entendu en ses observations.

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Sur la comparution des prévenus

Pour Mme Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE

Monsieur le Président a indiqué que Madame Marie-Thérèse MONIER épousePOUJADE, prévenue, était absente, qu’elle avait fait parvenir un certificat médical auTribunal, ainsi qu’un pouvoir de représentation.

Monsieur le Président a constaté qu’il n’y avait aucune observations de la part des parties.

Pour M. Jacques CHIRAC

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en sa plaidoirie sur l’absence de Monsieur Jacques CHIRAC. Me VEIL a sollicité l’application de l’article 411 du Code de procédure pénale.

Monsieur le Président a donné lecture de la lettre de Monsieur Jacques CHIRAC adresséeau Tribunal et déposée le 02 septembre 2011, et a rappelé les termes du rapport médicaljoint à ce courrier.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Monsieur le Président a donné lecture du rapport médical du Professeur LYON-CAEN.

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions surla comparution personnelle de Monsieur Jacques CHIRAC.

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a sollicité la présence de Monsieur Jacques CHIRAC auxaudiences, et à titre subsidiaire, il a sollicité une expertise judiciaire de Monsieur JacquesCHIRAC.

Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat au barreau de Paris, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions surla comparution personnelle de Monsieur Jacques CHIRAC.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions et a requis l’application de l’article411 du Code de procédure pénale et à titre subsidiaire une expertise judiciaire.

Monsieur Jacques GOGUY, partie civile, a été entendu ses observations.

Monsieur Gérard PRELORENZO, partie civile, a été entendu en ses observations. Après avoir tenu un discours hors de propos, Monsieur le Président a ordonné auxgendarmes présents dans la salle d’audience de procéder à l’expulsion de MonsieurGérard PRELORENZO, et de veiller au respect de cette mesure.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a indiqué au Tribunal qu’il renonçait à ses conclusions de sursis à statuer.

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Sur les nullités et la prescription de l’action publique

Me Benoît CHABERT, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jean DEGAULLE, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions sur le délairaisonnable. Me Benoît CHABERT, avocat au barreau de Paris, a sollicité l’annulation de la procédureet la constatation de l’extinction de l’action publique.

Monsieur le Bâtonnier Jean-Yves LE BORGNE, avocat au barreau de Paris, conseil deMonsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt deconclusions sur la nullité de l’ordonnance de renvoi fondée sur la prescription de l’actionpublique et sur la violation du délai raisonnable.

Monsieur le Bâtonnier Frédéric LANDON, avocat au barreau de Versailles, conseil deMonsieur François MUSSO, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt deconclusions sur la prescription de l’action publique.

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions relatives à la non-extinction de l’action publique, en réponse aux conclusions de Monsieur le Bâtonnier LEBORGNE, sur le délai raisonnable et la prescription de l’action publique.

Me Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur JacquesCHIRAC, prévenu, a été entendu en ses observations.

Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat au barreau de Paris, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en ses observations.

Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat au barreau de Paris, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions, enréponse aux conclusions de Monsieur le Bâtonnier LE BORGNE sur le délai raisonnable.Me Jérémy AFANE-JACQUART sollicite l’irrecevabilité des conclusions de Monsieurle Bâtonnier LE BORGNE.

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie sur l’extinction de l’actionpublique.

Monsieur Joël BOUARD, partie civile, a été entendu en ses observations. Après avoir tenu un discours hors de propos, Monsieur le Président a ordonné auxgendarmes présents dans la salle d’audience de procéder à l’expulsion de Monsieur JoëlBOUARD et de veiller au respect de cette mesure, en vertu de ses pouvoirs de police.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions sur le délai raisonnable et surl’article 203 du Code de procédure pénale, et a requis le rejet des exceptions de nullité surle délai raisonnable et sur la prescription et leur jonction au fond.

Sur la recevabilité des parties civiles

Monsieur Julien BAYOU, partie civile, a confirmé son désistement de partie civile àl’audience.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions sur l’irrecevabilité desparties civiles.

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Me Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions sur l’irrecevabilité desparties civiles. Me Eric DEZEUZE a sollicité par jugement avant dire droit l’irrecevabilité des partiesciviles.

Me Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur JacquesCHIRAC, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions surl’irrecevabilité des parties civiles.

Monsieur le Bâtonnier Jean-Yves LE BORGNE, avocat au barreau de Paris, conseil deMonsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses observations, après dépôt deconclusions aux fins de constatation de l’irrecevabilité des parties civiles.

Me Benoit CHABERT, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jean DEGAULLE, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions surl’irrecevabilité des parties civiles.

Me Pierre-Charles RANOUIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur FrançoisDEBRÉ, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions surl’irrecevabilité des parties civiles.

Me Anne-Guillaume SERRE, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur MarcBLONDEL, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions sur l’irrecevabilitédes parties civiles.

Me Philippe BLANCHETIER, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur PierreBOUE, prévenu, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions surl’irrecevabilité des parties civiles, et a sollicité un jugement avant dire droit.

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau de Paris, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions derecevabilité des parties civiles.

Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat au barreau de Paris, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions derecevabilité des parties civiles et a sollicité la jonction au fond.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Me Frédérik-Carel CANOY, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de MonsieurMaurice NOUCHI, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie et a sollicité la jonction aufond.

Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de Paris, conseil de l’Association “Défensedes Citoyens”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt de conclusions.

Suite à sa plaidoirie, Monsieur le Président a sollicité de Me Julien BOUZERAND qu’ilindique au Tribunal la nature de faits concernant un jugement de la 12 chambre du TGIème

de Paris. Me Julien BOUZERAND a indiqué qu’il s’agissait de faits d’escroquerie.

Me Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur JacquesCHIRAC, prévenu, a été entendu en ses observations.

Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de Paris, conseil de l’Association “Défensedes Citoyens”, partie civile, a été entendu en sa réponse.

Jugement nE 1

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Me Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Monsieur le Président a donné lecture des documents de l’Association “Défense desCitoyens”, déposés à l’audience de ce jour.

Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de Paris, conseil de l’Association “Défensedes Citoyens”, partie civile, a été entendu en sa réponse.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions sur la recevabilité des parties civileset a requis l’irrecevabilité de la partie civile ANTICOR et de l’ensemble des partiesciviles et a requis un jugement avant dire droit.

Monsieur Jacques GOGUY, partie civile, a été entendu en ses observations.

Monsieur Jacques BIDALOU, partie civile, a été entendu en ses observations sur larecevabilité des parties civiles.

Le Tribunal vidant son délibéré, conformément à la loi, a donné lecture de sa décision :“Le Tribunal prend acte des termes du courrier qui lui a été adressé par M. JacquesCHIRAC aux termes duquel il fait valoir les problèmes médicaux l’ayant déterminé àrenoncer à comparaître en personne aux audiences à venir et à se faire représenter à cesmêmes audiences par ses Conseils. Dans ces conditions et compte tenu des pièces versées au soutien de ce courrier, lacomparution personnelle ne sera pas ordonnée, d’autant que celle-ci aurait impliqué, enapplication de l’article 411-3 du code de procédure pénale, un nouveau renvoi de cesaffaires. M. Jacques CHIRAC sera jugé en son absence et contradictoirement. Il en sera de mêmepour Mme MONIER. En application de l’article 459, alinéa 3, du Code de procédure pénale, le Tribunaldécide de joindre au fond l’ensemble des incidents et exceptions présentés in limine litis,tant sur le l’action publique que sur l’action civile”.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 6 septembre 2011.

Audience du 6 septembre 2011, à 13h30

Monsieur le Président a donné lecture du courrier déposé par Monsieur GérardPRELORENZO, partie civile.

Monsieur le Président a indiqué que ce courrier était tardif.

Après avoir cherché à prendre la parole de façon intempestive et à répondre sans y êtreinvité par le Président du Tribunal, Monsieur le Président a ordonné aux gendarmesprésents en salle d’audience de procéder à l’expulsion de Monsieur GérardPRELORENZO, en vertu de ses pouvoirs de police.

Monsieur le Président a indiqué qu’il s’agissait d’examiner les deux dossiers de laprocédure et vu qu’il existe un lien de connexité certain entre la procédure référencée sousle numéro 1100708013 à la procédure en cours, il y aura lieu de prononcer la jonction.

Monsieur le Président a constaté qu’il n’y avait aucune observations des parties.

Monsieur le Président a donné connaissance des faits dans un rapport préliminaire.

Jugement nE 1

Page n 31o

Monsieur le Président a sollicité de la défense de Monsieur Jacques CHIRAC, prévenu,la copie du protocole transactionnel entre la Mairie de Paris, le parti politique UMP et lui-même, ainsi que les justificatifs du paiement de cette transaction.

Le Maire et son Cabinet

Monsieur le Président a rappelé les déclarations de Monsieur Jaques CHIRAC au coursde l’information.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a invité les parties à poser au prévenu les questions qu’elles jugentnécessaires.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a invité les parties à poser au prévenu les questions qu’elles jugentnécessaires.

Monsieur le Président a indiqué que Monsieur Alain JUPPÉ, Ministre des AffairesÉtrangères, cité à la requête de l’Association “ANTICOR”, partie civile, en qualité detémoin, serait entendu le 15 septembre 2011, à 15H30.

Me Benoit CHABERT, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jean DEGAULLE, prévenu, a été entendu en ses observations sur des difficultés d’agenda.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Monsieur le Président a indiqué que l’audience prévue le 14 septembre 2011 à 13h30 esten conséquence reportée au 15 septembre 2011, à 13h30.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 7 septembre 2011.

Audience du 7 septembre 2011, à 13h30.

Les emplois.

Les chargés de mission ayant travaillé dans des structures extérieures.

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Le contrat de Monsieur Jean-Marie ROCHE.

Monsieur le Président a rappelé les déclarations de Monsieur Jean-Marie ROCHE.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Jugement nE 1

Page n 32o

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a remis au Tribunal le protocole transactionnel signé ainsi que la copie duchèque d’indemnisation.

Monsieur Jean-Marie ROCHE, cité en qualité de témoin à la requête du Ministère public,après avoir prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, conformément auxdispositions de l’article 446 du code de procédure pénale, a été entendu en sa déposition.

Le contrat de Madame Annie DEMICHEL

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Madame Annie DEMICHEL.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Les personnes physiques ayant bénéficié de contrats.

Le contrat de Monsieur Babakar DIOP

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Babakar DIOP, cité en qualité de témoin à la requête du Ministère Public, aprèsavoir prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, conformément auxdispositions de l’article 446 du code de procédure pénale, a été entendu en sa déposition.

Le contrat de Monsieur Michel PALAU

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Michel PALAU.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC.

La sphère associative

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Le contrat de Monsieur Pierre FIGEAC

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Monsieur le Président a donné lecture des la page 3 du protocole transactionnel, indiquantque la Ville de Paris avait abandonné toute réclamation du fait de l’emploi de M. PierreFIGEAC.

Jugement nE 1

Page n 33o

Monsieur Pierre FIGEAC, cité en qualité de témoin à la requête du Ministère Public,après avoir prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, conformément auxdispositions de l’article 446 du code de procédure pénale, a été entendu en sa déposition.

Monsieur le Président a rappelé le contrat de l’Association “CLUB 89".

Monsieur le Président a rappelé le contrat de l’Association “Sécurité et Paix Publique”.

Monsieur le Président a rappelé le contrat de “l’Institut du Citoyen”.

Monsieur le Président a rappelé le contrat de l’Association “PROPAC Sud”.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations sur le Musée des Compagnons de laLibération.

Monsieur le Président a donné lecture des documents de Monsieur Jacques BIDALOUet de Monsieur Gérard PRELORENZO.

Monsieur le Président a indiqué aux parties que l’audience du Vendredi 9 septembre 2011est supprimée, sous réserve du déroulement de l’audience du jeudi 8 septembre 2011.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 8 septembre 2011.

Audience du 8 septembre 2011, à 13h30.

Monsieur Jacques GOGUY, partie civile, a été entendu en ses observations.

Les mouvements et organisations au coeur de l’action politique.

La “cellule de Jean-Pierre DENIS”.

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur Jean DE GAULLE, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Le contrat de Monsieur Hugues de LA ROCQUE

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Hugues de LAROCQUE.

Le contrat de Monsieur Laurent SABATHIER

Monsieur Jean DE GAULLE, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Jugement nE 1

Page n 34o

Le contrat de Madame Annie LANCELOT

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Madame Annie LANCELOT.

Le contrat de Monsieur François VUILLEMIN

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur FrançoisVUILLEMIN.

Le contrat de Monsieur Jean-Christophe ANGENAULT

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Hugues de LA ROCQUE, cité en qualité de témoin à la requête du MinistèrePublic, après avoir prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, conformémentaux dispositions de l’article 446 du code de procédure pénale, a été entendu en sadéposition. Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Le C.N.I (Centre national des Indépendants)

Le contrat de Monsieur Jean-Michel BEAUDOIN

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Le contrat de Madame Patricia LEFEUVRE

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture des déclaration des M. ROMANI.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de M. GIANSILY.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de M. FERON.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de M. BEAUDOIN.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Madame Patricia LEFEUVRE, citée en qualité de témoin à la requête du MinistèrePublic, après avoir prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, conformémentaux dispositions de l’article 446 du code de procédure pénale, a été entendue en sadéposition.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de M. Jacques CHIRAC, prévenu.

Jugement nE 1

Page n 35o

Le contrat de Madame Madeleine FARARD

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Madame Madeleine FARARD.

Monsieur Rémy CHARDON a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC,dans la procédure de Paris (n°9834923017) et dans la procédure de Nanterre(n°1100708013).

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a indiqué aux parties que l’audience du 09 septembre 2011 à 13h30était supprimée.

Monsieur le Président a donné connaissance des conclusions déposées par MonsieurJacques BIDALOU, partie civile et concernant Me Georges KIEJMAN, avocat au barreaude Paris.

Me KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, a indiqué au Tribunal en avoir euconnaissance.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 12 septembre 2011.

Audience du 12 septembre 2011, à 13h30

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations, sur une lettre de Monsieur PhilippeABITBOL, dont il a donné lecture.

Monsieur le Bâtonnier Jean-Yves LE BORGNE, avocat au barreau de Paris, conseil deMonsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses observations.

Me Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur JacquesCHIRAC, prévenu, a été entendu en ses observations.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en ses observations.

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en ses observations.

Les faits de recel

Monsieur le Président a donné lecture de la lettre de la lettre de Madame MartineGARNIER épouse BRES, témoin, indiquant son absence à l’audience de ce jour.

Monsieur le Président a indiqué que Madame Martine GARNIER épouse BRES, témoin,serait entendue à l’audience du 19 septembre 2011, à 13h30.

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Monsieur François MUSSO

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur François MUSSO, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Madame Martine GARNIERépouse BRES.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Jean-Claude MESTRE

Monsieur Jean-Claude MESTRE, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Pierre BOUE

Monsieur Pierre BOUE, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu.

Madame Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Madame Marie-ThérèseMONIER épouse POUJADE, prévenue.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 13 septembre 2011.

Audience du 13 septembre 2011, à 13h30.

Monsieur Marc BLONDEL

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur Marc BLONDEL, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

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Page n 37o

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu.

Monsieur Abdoulaye KOTE, cité en qualité de témoin à la requête du Ministère Public,après avoir prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, conformément auxdispositions de l’article 446 du code de procédure pénale, a été entendu en sa déposition. Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Jean DE GAULLE

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur Jean DE GAULLE, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu.

Monsieur François DEBRÉ

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur François DEBRÉ, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur Rémy CHARDON, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a rappelé les bulletins n°1 des casiers judiciaires des prévenus.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 15 septembre 2011.

Audience du 15 septembre 2011, à 13h30.

Les faits d’ingérence et de prise illégale d’intérêts

Me Francis SZPINER, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Alain JUPPÉ,témoin, a été entendu en ses observations sur l’absence de Monsieur Alain JUPPÉ àl’audience de ce jour.

Monsieur le Président a donné lecture du courrier en date du 15 septembre 2011 deMonsieur Alain JUPPÉ sur son absence à l’audience de ce jour.

Monsieur le Président a rappelé l’historique de la procédure de citation en qualité detémoin de Monsieur Alain JUPPÉ.

Jugement nE 1

Page n 38o

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, sur l’absence de MonsieurAlain JUPPÉ, témoin.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions et s’en rapporte.

Me Francis SZPINER, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Alain JUPPÉ,témoin, a été entendu en sa plaidoirie.

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en sa réponse.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en sa plaidoirie et ne sollicite pas l’audition de Monsieur AlainJUPPÉ, en qualité de témoin.

Le Tribunal vidant son délibéré, conformément à la loi, a donné lecture de sa décision :“Le tribunal renonce à l’audition de Monsieur Alain JUPPÉ, en qualité de témoin.”

Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat au barreau de Paris, conseil de l’Association“ANTICOR”, partie civile, a été entendu en sa plaidoirie sur l’absence de Monsieur AlainJUPPÉ et de Monsieur Jacques CHIRAC.

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture de la prévention.

Les contrats de Monsieur Nourdine CHERKAOUI et de Madame Farida CHERKAOUI.

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a rappelé les déclarations de Monsieur Alain JUPPÉ.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Madame Louise-YvonneCASETTA.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de M. DERBAC et M. DESSOL.

Monsieur le Président a donné lecture de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Mme Farida CHERKAOUI.

Monsieur le Président a rappelé les déclarations de M. MECHRI lors des audiences duprocès au Tribunal de Grande Instance de Nanterre.

Le contrat de Monsieur Jérôme GRAND D’ESNON.

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jérôme GRANDD’ESNON.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Rémy CHARDON.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Alain JUPPÉ.

Jugement nE 1

Page n 39o

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jérôme GRANDD’ESNON lors des audience du procès au Tribunal de Grande Instance de Nanterre.

Monsieur le Président a donné lecture de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.

Le contrat de Monsieur André ROUGÉ.

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur André ROUGÉ.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de M. MURIEL.

Monsieur le Président a donné lecture de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.

Le contrat de Monsieur Philippe MARTEL.

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Philippe MARTEL.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Alain JUPPÉ.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Rémy CHARDON.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Madame CHAUVIN.

Monsieur le Président a donné lecture de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.

Monsieur le Président a rappelé les jugements de la Chambre Régionale des Comptes, etnotamment le jugement en date du 08 novembre 2005.

Le contrat de Monsieur Patrick STEFANINI.

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Patrick STEFANINI.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Alain JUPPÉ.

Monsieur le Présidente a donné lecture des déclarations de Monsieur Rémy CHARDON.

Monsieur le Président a donné lecture de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.

Monsieur le Président a rappelé les jugements de la Chambre Régionale des Comptes.

Le contrat de Madame Madeleine FARARD.

Monsieur le Président a rappelé les faits.

Monsieur le Président a rappelé les déclarations de Madame DUVAL.

Monsieur le Président a rappelé les déclarations de Monsieur Rémy CHARDON.

Monsieur le Président a donné lecture de la note en date du 16 décembre 1993.

Jugement nE 1

Page n 40o

Monsieur le Président a donné lecture des la note de Monsieur NAFTALSKI en date du04 novembre 1986.

Monsieur le Président a rappelé les côtes D3072 et D3069.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur GALLEY.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur BOYON.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur PASTY.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur CABANA lors desaudiences du procès au Tribunal de Grande Instance de Nanterre.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Patrick STEFANINI.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Alain JUPPÉ.

Monsieur le Président a donné lecture des déclarations de Monsieur Jacques CHIRAC,lors de son interrogatoire de première comparution.

Monsieur le Président a donné lecture du réquisitoire définitif de Monsieur le procureurdu Tribunal de Grande Instance de Nanterre, en ce qui concerne Monsieur JacquesCHIRAC.

Monsieur le Président a donné lecture de l’Ordonnance de renvoi devant le tribunalcorrectionnel de Nanterrre, en ce qui concerne Monsieur Jacques CHIRAC.

Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu, a été entendu en ses déclarations.

Monsieur le Président a donné connaissance des conclusions de Monsieur jacquesBIDALOU, partie civile.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 19 septembre 2011.

Audience du 19 septembre 2011, à 13h30.

Madame Martien GARNIER épouse BRES, citée en qualité de témoin à la requête duMinistère Public, après avoir prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité,conformément aux dispositions de l’article 446 du code de procédure pénale, a étéentendue en sa déposition.

Me Jérémy AFANE-JACQUART, avocat au barreau de Paris, a été entendu en saplaidoirie, pour l’Association “ANTICOR”, partie civile.

Me Jérôme KARSENTI, avocat au barreau du Val de Marne, a été entendu en saplaidoirie après dépôt de conclusions, pour l’Association “ANTICOR”, partie civile.

Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie, pourl’Association “Défense des Citoyens”, partie civile.

Jugement nE 1

Page n 41o

Me Frédérik-Carel CANOY, avocat au barreau du Val de Marne, a été entendu en saplaidoirie, pour Monsieur Maurice NOUSCHI, partie civile.

Monsieur le Président a rappelé les demandes des parties civiles non comparantes àl’audience de ce jour.

Monsieur le Président a donné lecture de la requête de Monsieur Joël BOUARD, partiecivile.

Monsieur Joël BOUARD, partie civile, a été entendu en sa demande de transmissiond’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en sa plaidoirie.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.

Monsieur Joël BOUARD, partie civile, a été entendu en sa réponse.

Après avoir tenu un discours hors de propos, Monsieur le Président a ordonné auxgendarmes présents dans la salle d’audience de procéder à l’expulsion de Monsieur JoëlBOUARD, en vertu de ses pouvoirs de police.

Monsieur Claude KARSENTI, partie civile, a été entendu en ses observations.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, conseil de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu, a été entendu en sa plaidoirie.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 20 septembre 2011.

Audience du 20 Septembre 2011, à 13h30.

Le Tribunal vidant son délibéré, conformément à la loi, a donné lecture de sa décision surla Question prioritaire de constitutionnalité déposée par les associations HCCDA etCAMJ, parties civiles, représentées par Monsieur Joël BOUARD :

“- Déclare irrecevable le moyen présenté par les parties civiles HCCDA et CAMJ ; - Dit en conséquence n’y avoir lieu à transmission à la Cour de cassation.Dit qu’une copie de cette décision sera transmise aux parties.”

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Me Pierre-Charles RANOUIL, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie,après dépôt de conclusions, pour Monsieur François DEBRÉ, prévenu.

Me Muriel RONCAGLIA, avocate au barreau de Paris, a été entendue en sa plaidoirie,après dépôt de conclusions, pour Madame Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE,prévenue.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 21 septembre 2011.

Jugement nE 1

Page n 42o

Audience du 21 septembre 2011, à 13h30.

Me Jean-Marc NATALI, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie, pourMonsieur Jean-Claude MESTRE, prévenu.

Me Philippe BLANCHETIER, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie,après dépôt de conclusions, pour Monsieur Pierre BOUÉ, prévenu.

Me Jean-Marc NATALI, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie, pourMonsieur Jean-Claude MESTRE, prévenu.

Monsieur le Bâtonnier Frédéric LANDON, avocat au barreau de Versailles, a été entenduen sa plaidoirie, pour Monsieur François MUSSO, prévenu.

Monsieur Benoît CHABERT, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie,après dépôt de conclusions, pour Monsieur Jean DE GAULLE, prévenu.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 22 septembre 2011.

Audience du 22 septembre 2011, à 13h30.

Me Anne-Guillaume SERRE, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie,pour Monsieur Marc BLONDEL, prévenu.

Me Jean-Louis PELLETIER, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie,pour Monsieur Marc BLONDEL, prévenu.

Monsieur le Bâtonnier jean-Yves LE BORGNE, avocat au barreau de Paris, a été entenduen sa plaidoirie, après dépôt de conclusions, pour Monsieur Rémy CHARDON, prévenu.

Me Jacqueline LAFFONT, avocate au barreau de Paris, a été entendue en sa plaidoirie,après dépôt de conclusions, pour Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu.

Me Pierre HAÏK, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôtde conclusions, pour Monsieur Michel ROUSSIN, prévenu.

Puis les débats ne pouvant être terminés au cours de la même audience, le tribunal aordonné qu’ils seraient continués à l’audience publique du 23 septembre 2011.

Audience du 23 septembre 2011, à 13h30.

Me Jean VEIL a donné lecture d’une déclaration écrite de Monsieur Jacques CHIRAC,prévenu.

Me Jean VEIL, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie, après dépôt deconclusions, pour Monsieur Jacques CHIRAC, prévenu.

Me Marie BURGUBURU, avocate au barreau de Paris, a été entendue en sa plaidoirie,pour Monsieur Jacques CHIRAC, prévenu.

Me Eric DEZEUZE, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie, pourMonsieur Jacques CHIRAC, prévenu.

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Page n 43o

Me Georges KIEJMAN, avocat au barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie, pourMonsieur Jacques CHIRAC, prévenu.

Les prévenus ont eu la parole en dernier.

Puis à l’issue des débats tenus à l’audience publique du 23 septembre 2011, leTribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que lejugement serait prononcé le Jeudi 15 décembre 2011 à 10 heures en 1 Chambreère

Civile, conformément aux dispositions de l’article 462 du Code de procédure pénale.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, le Président, en présence desautres magistrats ayant participé au délibéré, a donné lecture de la décision et le Tribunala statué en ces termes.

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SOMMAIRE

1 partie : ère

exposé des faits

I - la saisine du tribunal (page 49)

A) le cadre politique et institutionnel de l’affaire (page 50)

1) Le Rassemblement Pour la République2) La Mairie de Paris

B) La détermination du champ des poursuites (page 52)

1) la saisine du TGI de Nanterre a) la saisine initiale du juge d’instruction b) l’élargissement de la saisine aux faits nouveaux¤ la jonction d’une procédure suivie à Paris concernant Louise-Yvonne CASETTA¤ la poursuite des investigations

¤ la disjonction résultant de la mise en cause de Jacques CHIRAC ¤ l’issue partielle de la procédure c) la poursuite de l’information sur les faits susceptibles d’êtrereprochés à Jacques CHIRAC

2) La saisine du juge d’instruction de Paris a) La saisine initiale b) le déroulement des investigations c) la mise en lumière des pratiques de recrutement au sein de laMairie de Paris

¤ l’historique du recrutement des chargés de mission ¤ des procédures critiquées pour leur opacité ¤ des pratiques qui échappaient à un contrôle effectif ¤ la critique de la juridiction financière

C) la connexité entre les deux procédures et ses conséquences sur la saisine dutribunal (page 68)

1) au regard des règles relatives à la prescription de l’actionpublique

a) dans la procédure suivie à Nanterre b) dans la procédure suivie à Paris

2) sur le renvoi du dossier instruit à Nanterre au tribunal de grandeinstance de Paris

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D)Les qualifications retenues (page 70)

1) l’ingérence devenue prise illégale d’intérêts 2) les abus de confiance et détournements de fonds publics ¤ Les chargés de mission retenus par le magistrat instructeur comme

ayant été employés dans des structures externes de la ville¤ Les chargés de mission considérés comme ayant été dépourvus

d’affectation ¤ Les chefs de renvoi

E) le positionnement de la Ville de Paris en qualité de partie civile (page 75)

II - Les déclarations des personnes poursuivies en qualité d’auteur principal et decomplices (page 76)

A) Jacques CHIRAC B) Michel ROUSSIN C) Rémy CHARDON

2 partie :ème

décision du tribunal

Sur la jonction des procédures

I- Sur les exceptions in limine litis (page 83)

A) Sur la nullité de l’ORTC rendue le 30 octobre 2009 par le juge d’instruction deParis, tirée de la prescription de l’action publique (page 83)

B) Sur la l’exception de nullité de l’ORTC rendue le 30 octobre 2009 par le juged’instruction de Paris et de la procédure subséquente, tirée du non respect du délairaisonnable, et d’extinction de l’action publique (page 84)

C) Sur la recevabilité des parties civiles (page 87)

II - sur le fond (page 95)

Sur la demande de sursis à statuer présentée par la défense deJacques CHIRAC

Sur le caractère non équitable du procès résultant de l'état de santéde Jacques CHIRAC

A - Sur la culpabilité (page 96)

1) - Sur les délits d’abus de confiance et de détournement de fondspublics, et complicité et recel de ces délits (page 96)

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(Rappel des conclusions au fond déposées par la défense surl’implication générale de l’auteur principal et des complices)

a) Sur l’application des règles de prescription de l’actionpublique

¤ sur l'incidence de la connexité sur la prescription de l'actionpublique relative aux faits poursuivis ¤ sur la prescription de l'action publique et le périmètre deséléments constitutifs des délits

b) Sur l’implication du maire de Paris et des ses directeurs decabinet successifs dans la mise en place et l'application despratiques constituant le cadre des faits poursuivis

¤ sur l’implication générale de Jacques CHIRAC ¤ Sur l’implication des directeurs de cabinet successifs dans lamise en oeuvres de ces pratiques

c) Sur les délits d’abus de confiance et de détournement de fonds

publics de complicité et recel de ces délits à l’occasion de chacundes emplois retenus dans la prévention

¤ Sur les délits d’abus de confiance et de détournement de fondspublics exclusivement reprochés à Jacques CHIRAC et le délit derecel reproché à Pierre BOUE

� Sur les emplois de Jean-Marie ROCHE, Annie DEMICHEL,Michel PALAU et Pierre FIGEAC

< sur l’emploi de Jean-Marie ROCHE< sur l’emploi d’Anne DEMICHEL< sur l’emploi de Michel PALAU< sur l’emploi de Pierre FIGEAC

� Sur la lettre de commande adressée à Madeleine FARARD� Sur l’emploi de Pierre BOUE

¤ - Sur les délits d’abus de confiance et détournement de fondspublics reprochés à Jacques CHIRAC, de complicité d’abus deconfiance reprochés à Michel ROUSSIN et de recel reprochés àJean-Claude MESTRE, Marie-Thérèse MONIER et MarcBLONDEL

� Sur les emplois au profit du CNI : Jean Michel BEAUDOIN etPatricia LEFEUVRE� Sur l’emploi de Babakar DIOP au profit de Michel PERICARD� Sur l’emploi de Jean-Claude MESTRE� Sur l’emploi de Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE� Sur l’emploi d’Abdoulaye KOTE

¤ - Sur les délits d’abus de confiance et détournement de fondspublics reprochés à Jacques CHIRAC, complicité de ces délitsreprochés à Michel ROUSSIN et Rémy CHARDON et de recelreproché à Jean de GAULLE relatifs à l’emploi d’Anne MORELMAROGER et de David COURRON

Jugement nE 1

Page n 47o

¤ - Sur les délits d’abus de confiance et détournement de fondspublics reprochés à Jacques CHIRAC et complicité de ces délits àMichel ROUSSIN et Rémy CHARDON relatifs aux emplois dechargés de mission ayant travaillé au sein de l’association “Réussirl’an 2000”

� Sur l’emploi de Hugues de la ROCQUE � Sur l’emploi de Laurent SABATHIER, d’Annie LANCELOT,François VUILLEMIN et Jean-Christophe ANGENAULT

¤ - Sur les délits d’abus de confiance et de détournement de fondspublics reprochés à Jacques CHIRAC et de complicité de ces délitsreprochés à Rémy CHARDON et de recel reproché à FrançoisDEBRÉ et François MUSSO

� Sur l’emploi de François DEBRÉ � Sur l’emploi de Martine GARNIER au profit de François MUSSO

2) - Sur les délits d’ingérence de prise illégale d’intérêts reprochésà Jacques CHIRAC (page 188)

a) sur l’application des règles de prescription

b) sur la constitution des délits

¤ relatifs à l’emploi de Philippe MARTEL¤ relatifs à l’emploi de Patrick STEFANINI¤ relatifs à l’emploi de Jérôme GRAND d’ESNON ¤ relatifs à l’emploi de Farida CHERKAOUI et NourdineCHERKAOUI¤ relatifs à l’emploi de André ROUGɤ relatifs à l’emploi de Madeleine FARARD

B- Sur la peine (page 210)

1) Jacques CHIRAC 2) Jean de GAULLE 3) Marc BLONDEL 4) Rémy CHARDON 5) François DEBRÉ 6) François MUSSO 7) Marie Thérèse MONIER épouse POUJADE 8) Jean-Claude MESTRE

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C - Sur l’action civile (page 214)

1) Sur le désistement des parties civiles

2) Sur la demande de Pierre BOUÉ à l’encontre de l’associationANTICOR

DISPOSITIF DE LA DÉCISION (page 215)

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MOTIFS

1 partie : ère

exposé des faits

I - la saisine du tribunal

La saisine du tribunal recouvre deux dossiers d’informations.

Le premier d’entre eux a été ouvert par le procureur de la Républiquede Nanterre en juillet 1996 à la suite d’une enquête faisant suite à une dénonciationadressée à un juge d’instruction du Tribunal de grande instance de Créteil par un anciencadre d’une société coopérative située dans les Hauts-de-Seine.

Il ressortait de ces premiers éléments que la rémunération d’une partiedu personnel du Rassemblement pour la République (RPR) était susceptible d’être priseen charge par des sociétés commerciales elles-mêmes sollicitées par les cadres de cemouvement. Ces premiers indices étaient renforcés par des éléments issus d’une autreprocédure relative à la situation professionnelle de l’un des cadres du RPR et s’inscrivantdans le même processus.

De telles pratiques pouvaient recevoir la qualification pénale d’abusde biens sociaux, délit dont les sociétés auraient été victimes et le parti bénéficiaire.

Les investigations, concentrées dans un premier temps sur lefonctionnement du RPR et particulièrement sur ses modes de gestion et de financement,ont rapidement mis en lumière la proximité de ce parti politique avec la mairie de Pariset l’étroitesse des liens qui les unissaient par le biais notamment du recrutement par laVille de Paris de chargés de mission oeuvrant au sein du RPR.

La situation avait, notamment, ceci de particulier que l’exécutifmunicipal parisien était composé de membres dirigeants ou de personnalités proches duRPR. Ces éléments nouveaux conduisaient, dans un deuxième temps, à l’élargissementdu périmètre de la saisine de la juridiction sous la qualification de prise illégale d’intérêts.

Une information distincte était ouverte au Tribunal de grandeinstance de Paris plus de deux années plus tard, en décembre 1998, sur plainte avecconstitution de partie civile déposée auprès du doyen des juges d’instruction de ce tribunalde Pierre-Alain BROSSAULT, contribuable parisien sur la base d’éléments extraits dece premier dossier et à la suite de la divulgation dans la presse par un ancien hautfonctionnaire ayant exercé de 1983 à 1988 des responsabilités de premier plan au sein del’administration parisienne, Georges QUEMAR.

Pierre-Alain BROSSAULT était, en effet, dûment autorisé parjugement du tribunal administratif de Paris en date du 25 novembre 1998, en applicationdes dispositions de l’article L2132-5 du Code général des collectivités territoriales, àexercer l’action appartenant à la Ville de Paris relative à l’existence au sein du personnelde cette collectivité d’environ 300 emplois alors présumés fictifs.

Il résultait de cette plainte des indices d’abus de confiance ou dedétournement de fonds publics imputables aux responsables des instances municipalesen tant qu’auteurs principaux ou de complice.

Pierre-Alain BROSSAULT se constituait simultanément dans ledossier de Nanterre le 9 décembre 1998, agissant toujours pour le compte de la Ville deParis qui, jusque-là, était demeurée absente de la procédure.

D’innombrables investigations pouvaient ainsi être menées dans lecadre de chacune des informations afin de mieux appréhender le cadre politique etinstitutionnel de ces pratiques, d’en vérifier la matérialité et, le cas échéant, d’encirconscrire l’ampleur et d’en identifier les éventuels auteurs et bénéficiaires.

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A- Le cadre politique et institutionnel de l’affaire

Les faits ainsi mis au jour, considérés dans leur ensemble, sont relatifsau fonctionnement de deux institutions : l’une de droit privé, le RPR, et l’autre, la Villede Paris, collectivité territoriale, de droit public, plus particulièrement l’exécutif de celle-ci au sein de la mairie de Paris.

1) Le Rassemblement Pour la République

Créé le 5 décembre 1976 sous l’impulsion de Jacques CHIRAC, leRassemblement pour la République, parti politique au sens de la loi organique du 11 mars1988, était constitué sous la forme d’une association régie par la loi de 1901. Il s’est auto-dissous en 2002 au sein de l’Union pour la Majorité Présidentielle (UMP) devenuel’Union pour un Mouvement Populaire en novembre de cette même année.

Dès sa création, Jacques CHIRAC en a assuré la présidence jusqu’au4 novembre 1994. Alain JUPPÉ, secrétaire général du mouvement, lui a succédé jusqu’en1997.

Le secrétariat général a été successivement confié :- de 1976 à 1979, à Jérôme MONOD,- en 1979, à Alain DEVAQUET, par ailleurs député de Paris de 1978 à 1981 puis de 1988à 1997 et maire du 11ème arrondissement de la capitale de 1983 à 1995,- de 1979 à 1984, à Bernard PONS, par ailleurs député de Paris en 1981 jusqu’en 2002et conseiller de Paris en mars 1983 jusqu’en mars 2008,- de1984 à 1988, à Jacques TOUBON, par ailleurs député de Paris de juin 1981 à 1997,adjoint au maire de Paris et maire du 13 arrondissement de 1983 à 2001, membre duème

conseil de Paris de 1983 à 2008,- de 1988 à 1995, à Alain JUPPÉ, également adjoint au maire de Paris chargé des financesde 1983 à 1995,- de 1995 à 1997, à Jean-François MANCEL, député de l’Oise depuis 1978.

Les directeurs de cabinet successifs du secrétaire général ont été YvesCABANA puis Patrick STEFANINI et Anne-Sophie GRAVE.

Pendant la période intéressant la prévention, les trésoriers dumouvement étaient Robert GALLEY entre août 1984 et février 1990 puis JacquesBOYON entre le 27 février 1990 et le 17 février 1993, Jacques OUDIN ayant été nomméà compter du 27 avril 1993 jusqu’en 1995.

Le parti disposait également d’un secrétaire national chargé del’administration et des finances, fonction créée en 1988 et confiée à Jacques RIGAULT-JACOMET jusqu’en 1991, puis Antoine JOLY entre mai 1991 et mars 1993. Il étaitassisté d’un contrôleur de gestion en la personne d’Antoine ROBIN PREVALLEE et d’uncomptable (GONZALES). Il a été remplacé par Eric WOERTH, recruté en juin 1993 auposte nouvellement créé de directeur administratif et financier qu’il a occupé jusqu’au 15juin 1995.

En 1989, le RPR comptait une trentaine de collaborateurs. Ce nombreatteignait 50 en 1990, 100 en 1992, 150 en 1993 et 200 en 1995. Ces chiffres illustraientun important mouvement d’embauches engagé au cours de ces années, singulièrementà compter de juin1993 à la faveur du succès remporté cette année-là par le parti auxélections législatives, ayant provoqué un accroissement notable de l’aide publique.

Les déclarations convergeaient pour dire qu’à l’origine le parti avaitdes composantes très diverses en termes de personnels dont beaucoup étaient bénévolesou occasionnels. On devait assister au fil du temps à une professionnalisation de cepersonnel.

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2) La Mairie de Paris

L’actuel statut de la Ville de Paris est issu de la loi du 31 décembre1975 qui a restauré la fonction de maire disparue en 1800 (loi du 28 Pluviôse an VIII).Paris possède désormais deux collectivités territoriales distinctes : le département et lacommune dont les affaires sont gérées par une assemblée unique : le Conseil de Paris.

Les premières élections du maire de Paris ont eu lieu le 25 mars 1977.Elles ont été remportées par les listes conduites par Jacques CHIRAC

qui devait exercer trois mandats successifs de maire de Paris jusqu’en 1995.

Jean TIBERI, élu conseiller de Paris dès 1977, a occupé le poste de2 adjoint puis, à compter de 1983, celui de 1 adjoint au maire. A ce titre, il bénéficiaitème er

d’une délégation générale de pouvoir à l’exception de tout ce qui relevait de la directionfinancière.

Alain JUPPÉ, élu conseiller de Paris en 1983 était désigné, jusqu’àsa nomination comme Premier ministre en mai 1995, adjoint au maire en charge desquestions budgétaires et financières ainsi que du développement de l’emploi et de laformation. A ce titre, il préparait et présentait le budget de la Ville de Paris. Il en assuraitl’exécution et le contrôle.

Par arrêté du 24 mars 1989, Jacques CHIRAC avait chargé AlainJUPPÉ de “toutes questions à caractère budgétaire et financier”, ce qui comportait lapréparation du budget annuel permettant d’ordonner les dépenses afférentes aux emploisde la Ville de Paris. Son adjoint avait ainsi pour fonction d’administrer et de surveiller lesrémunérations et traitements des personnels de la Ville de Paris.

Le budget municipal parisien était de l’ordre de 5 milliards d’euros.

La Ville de Paris comptait 40.000 agents relevant d’un statutparticulier défini par un décret de 1988 annulé en 2002 par le Conseil d’Etat, puis d’unnouveau décret en date du 24 mai 1994. Ils étaient répartis au sein de quatre grandesentités :

• le secrétariat Général de la Ville de Paris - SGVP - qui coiffaitl’administration et supervisait l’activité de toutes des directions de la ville (finances,culture, logement etc...) ;

• le secrétariat général du Conseil de Paris - SGCP - qui gérait lesactivités des élus et de leurs collaborateurs ;

• le cabinet du Maire regroupant environ 300 personnes autour de sondirecteur et de ses adjoints (les conseillers techniques, les services rattachés et lesdirections rattachées, notamment l’inspection générale) ;

• l’ensemble des 20 mairies d’arrondissement.

Entre 1983 et septembre 1998, correspondant à la période de saisineinitiale du juge d’instruction parisien, cinq directeurs de cabinet du maire se sontsuccédé :- Robert PANDRAUD entre le 28 mars 1983 et le 26 mars 1986,- Daniel NAFTALSKI entre le 26 mars 1986 et le 15 février 1989,- Michel ROUSSIN entre le 15 février 1989 te le 31 mars 1993,- Rémy CHARDON entre le 31 mars 1993 et le 1 août 1995,er

- Bernard BLED entre le 25 juin 1995 et septembre 1998.

Georges QUEMAR, en tant que directeur général chargé du personnelà la direction de l’administration générale de 1983 au 15 juin 1988, relevait sur le planpolitique du maire et de ses principaux adjoints (Jean TIBERI devenu 1 adjoint au maire,er

Roger ROMANI, adjoint chargé de la questure et Alain JUPPÉ, adjoint chargé desfinances). Il bénéficiait d’une délégation du maire, à l’instar de chacun de ces trois

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adjoints au maire. Sur le plan administratif, il relevait du secrétaire général (CamilleCABANA) et des directeurs de cabinet (Robert PANDRAUD et Daniel NAFTALSKI).

Son successeur immédiat a été Bernard MONGINET auquel asuccédé Daniel CONSTANTIN.

Cette direction de l’administration générale devenait direction deressources humaines en 1996.

B) La détermination du champ des poursuites

Les circonstances de la saisine de la justice tant à Paris qu’à Nanterre,l’effet conjugué des règles de prescription applicables en considération de la nature desfaits d’une part et du lien de connexité entre ceux-ci d’autre part, ainsi que le grandnombre des investigations diligentées de part et d’autre ont concouru à la délimitation duchamp des poursuites tel qu’il a été finalement retenu par chacun des deux magistratsinstructeurs.

1°) la saisine du Tribunal de grande instance de Nanterre

a) la saisine initiale du juge d’instruction

Le 11 juillet 1995, Jean-Paul MORAT, ayant exercé de 1980 à 1993les fonctions de chef comptable au sein de la SCOP “Les charpentiers de Paris” sise àBagneux (92), adressait au juge d’instruction du Tribunal de grande instance de Créteilun courrier dans lequel il dénonçait certaines pratiques imputables aux responsables del’entreprise.

Selon l’auteur de la dénonciation, des accords avaient été passés entrela société qui l’employait et le RPR prévoyant la rémunération par la société depersonnes ne travaillant pas au sein de l’entreprise mais étant mises à disposition du RPR,à savoir Micheline DUVAL (entre 1986 et 1989) et Danielle DERBAK (entre 1990 et1992). Il mettait directement en cause Louise Yvonne CASETTA, cadre du parti, commeétant la personne chargée de finaliser de tels accords.

Ces éléments, transmis au procureur de la République de Nanterre,donnaient lieu à l’ouverture d’une enquête par soit-transmis des 26 octobre 1995, 27février et 24 mai1996, sur le fondement de présomptions notamment d’abus de bienssociaux et recel, de trafic d’influence et de non-révélation de faits délictueux par uncommissaire aux comptes.

Il résultait de cette enquête :

- que Danielle DERBAK, exerçant depuis neuf ans comme permanente au RPR, avait étérémunérée à l’origine par le mouvement puis, à compter de 1991, à l’initiative de LouiseYvonne CASETTA, chargée du personnel au sein du mouvement, par les Charpentiersde Paris et, jusqu’en 1994, par la société SCREG ;

- que Micheline DUVAL avait été rémunérée par la société Les Charpentiers de Paris de1987 à 1990, alors qu’elle oeuvrait depuis 1977 au sein du RPR en qualité de secrétaire ;elle mettait en cause Jacques DURAND présenté comme le prédécesseur de Louise-Yvonne CASETTA ;

- que Louise-Yvonne CASETTA, se présentant comme l’ancienne secrétaire permanentedu RPR de 1984 à juillet 1987 et exerçant depuis septembre 1988 les fonctionsd’intendante au sein du parti, avait pour tâche de solliciter et de collecter pour le comptedu mouvement les dons des sociétés qui ne devaient pas excéder 500.000 francs, cequ’elle déclarait avoir fait jusqu’à la fin 1994, précisant que les dons pouvaient êtreconsentis sous la forme de prise en charge de salariés qui en réalité travaillaient pour leparti.

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Une information était finalement ouverte le 3 juillet 1996 au cabinetde Patrick DESMURES, juge d’instruction au Tribunal de grande instance de Nanterre,des chefs d’abus de biens sociaux et complicité d’abus de biens sociaux à l’encontre desdirigeants successifs des sociétés précitées, et de Louise-Yvonne TANVEZ épouseCASETTA.

Les dirigeants d’entreprises mis en examen confirmaient devant lemagistrat instructeur la réalité des faits dénoncés par Jean-Paul MORAT, et notammentles sollicitations dont leurs sociétés avaient fait l’objet de la part du RPR en la personnede Louise-Yvonne CASETTA et la prise en charge par ces personnes morales desrémunérations versées à Danielle DERBAK et Micheline DUVAL.

b) l’élargissement de la saisine aux faits nouveaux

¤ la jonction d’une procédure suivie à Paris concernant Louise-Yvonne CASETTA

Parallèlement, le 7 janvier 1997, était ouverte au Tribunal de grandeinstance de Paris une autre information relative à des faits similaires et impliquant lesdirigeants de deux autres sociétés pour avoir rémunéré Louise-Yvonne CASETTA qui,pendant sa période d’emploi, officiait au sein du RPR dans les locaux situés rue de Lille,dans le 7 arrondissement de Paris.ème

Louise-Yvonne CASETTA expliquait aux enquêteurs qu’elle avaitété sollicitée à la suite des élections présidentielles de 1988 par Jacques CHIRAC etRobert GALLEY. Elle était plus tard devenue l’assistante du directeur administratif etfinancier, poste nouvellement créé au sein du RPR, occupé par Jacques RIGAULT-JACOMET, puis Antoine JOLY et Eric WOERTH. Elle assistait également le trésorierdu mouvement, fonction exercée successivement par Robert GALLEY, Jacques BOYONet Jacques OUDIN.

Le 9 juillet 1997, cette procédure était jointe à la précédente à la suited’un dessaisissement du magistrat parisien au profit de son collègue de Nanterre.

¤ la poursuite des investigations

L’examen du registre du personnel saisi dans les locaux du RPR parle magistrat de Créteil et joint à la présente procédure (scellé n°1), faisait apparaître quede nombreux salariés avaient été embauchés au cours de l’année 1994 alors que ceux-citravaillaient déjà effectivement pour le RPR bien avant leur embauche officielle par leparti, étant jusque-là rémunérés par des entreprises extérieures, ainsi que le confirmaitDanielle DERBAK dans une nouvelle déposition devant le magistrat de Nanterre.

La saisine de ce dernier était dès lors élargie à ces faits nouveaux sousla qualification d’abus de biens sociaux selon un réquisitoire supplétif en date du 15octobre 1997.

L’ensemble des salariés concernés reconnaissait le caractère fictif deleur emploi auprès des sociétés qui les rémunéraient. Ils indiquaient qu’ils travaillaientpour le RPR et que, lors de leur embauche, les dirigeants du parti leur avaient préciséqu’ils seraient rémunérés par une entreprise extérieure.

De même, la plupart des chefs d’entreprises privées reconnaissaientavoir pris en charge ces rémunérations tout en sachant que les salariés n’effectueraientaucun travail au sein de leur société mais seraient mis exclusivement à la disposition dece parti.

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Les motifs alors avancés pour justifier de tels accommodementsétaient l’existence et le maintien de liens contractuels liant l’entreprise au RPR, lanécessité d’assurer le développement commercial de la société et de garantir la qualité desrelations avec les décideurs publics.

La poursuite des investigations recueillies dans le cadre de lacommission rogatoire faisait ressortir des suspicions de prise en charge financière decertains employés du RPR cette fois par des personnes morales de droit public,notamment la Ville de Paris, le juge d’instruction était saisi par réquisitoire supplétif du17 avril 1998 du chef de prise illégale d’intérêts.

Le 20 mai 1998, Georges QUEMAR, ex-directeur général del’administration de la Ville de Paris dénonçait au juge d’instruction le fait que des salariéssous contrats de la Ville de Paris avaient pu être employés par le RPR (D1338).

Ces éléments nouveaux et les investigations qui en découlaientconduisaient à la délivrance de réquisitoires supplétifs en date des 21 août 1998 et 7décembre 1999 visant des faits d’abus de biens sociaux, abus de confiance, détournementde fonds publics et prise illégale d’intérêts, complicité et recel de ces délits.

A la suite de l’audition de Pierre-Mathieu DUHAMEL, laissantsupposer l’existence d’emplois fictifs au sein du personnel vacataire du Conseil généraldes Hauts-de-Seine et notamment de la direction générale des services du département,le procureur de la République délivrait un réquisitoire supplétif le 1 mars 2000. er

Sur la base de ces nouveaux faits plusieurs responsables du RPRétaient mis en examen. Il s’agissait notamment d’Alain JUPPÉ, adjoint au maire de Parischargé des finances, de Patrick STEFANINI, bénéficiaire d’un emploi à la mairie deParis, ainsi que de Louise Yvonne CASETTA qui se présentait comme l’intendante duRPR.

¤ la disjonction résultant de la mise en cause de Jacques CHIRAC

Les poursuites engagées du chef de prise illégale d’intérêts étaientfondées sur l'existence de conflits d’intérêts entre les responsabilités exercéescumulativement par les mêmes personnes au sein de la Ville de Paris et du RPR. Tel étaitle cas d’Alain JUPPÉ, secrétaire général du RPR et adjoint au maire de Paris chargé desfinances. Cette analyse pouvait trouver à s’appliquer de façon similaire, à l’égard del'ancien maire de Paris qui, antérieurement à son élection à la présidence de laRépublique, avait simultanément assuré la présidence du RPR.

Au cours des auditions menées par les enquêteurs et parmi les piècesdu dossier administratif d'un des agents de la Ville de Paris, Madeleine FARARD, détenuà la mairie de Paris, il était apparu qu'à compter du 9 septembre 1984, celle-ci avait exercéson activité dans les locaux du RPR, rue de Lille, et qu’une note datée du 16 décembre1993, avait été adressée au secrétaire général Jean-Michel HUBERT, signée et annotéepar Jacques CHIRAC, dont l’auteur exprimait le souhait que Madame FARARD puisseaccéder au deuxième échelon de son grade.

Les 11 et 18 mars 1999, le juge d’instruction communiquait ces

éléments au procureur de la République, aux fins de réquisitions ou avis sur la suite àdonner. Le magistrat du parquet, se fondant sur les dispositions de l’article 68 de laConstitution et la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999, requérait dujuge d’instruction qu’il rende une ordonnance d’incompétence.

Le 25 mars 1999, la partie civile, Pierre Alain BROSSAULT,déposait une demande d’acte tendant à l’audition de Jacques CHIRAC en qualité detémoin afin que celui-ci précise, en se référant à la situation de Madeleine FARARD et

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de Philippe MARTEL, ce dernier était apparu dans l'enquête comme ayant exercé lesfonctions de chef de cabinet du secrétaire général du RPR alors qu'il occupait le posted’inspecteur à la ville de Paris, la connaissance qu’il avait pu avoir des emplois présumésfictifs au sein de la Ville de Paris à l’époque où il exerçait les fonctions de maire.

Le juge d’instruction rendait une seule et unique ordonnance en datedu 15 avril 1999, par laquelle, d’une part, il rejetait la demande d’acte au motif quel’audition sollicitée était susceptible de porter atteinte aux droits de la défense, et, d’autrepart, se déclarait, sur le fondement de l’article 68 de la Constitution, “incompétent pourinstruire les faits susceptibles d’être imputés à M. Jacques CHIRAC à titre personnel”.

Cette ordonnance était cependant infirmée par arrêt de la chambred’accusation du 11 janvier 2000 aux termes duquel “le juge d’instruction demeurecompétent pour instruire l’ensemble des faits (...) sous réserve de l’application del’article 68 de la Constitution faisant obstacle à la mise en examen du Président de laRépublique durant l’exercice de son mandat”.

Le 4 mai suivant, le dossier était de nouveau communiqué au parquetsur “l’opportunité de disjoindre au regard du droit des personnes mises en examen à cejour à ce qu’il soit statué sur leur situation dans un délai raisonnable”.

Le 6 juillet, le procureur requérait, outre la disjonction, la suspensionen l’état de toute investigation relativement aux faits visés dans l’ordonnance du 15 avril1999.

C’est par ordonnance du 12 décembre 2002, qu’Alain PHILIBEAUX,juge d’instruction ayant succédé à Patrick DESMURES, prononçait la disjonction desfaits ayant conduit aux mises en examen déjà intervenues des faits susceptibles d’êtrereprochés à Jacques CHIRAC en sa qualité d’ancien maire de Paris et de président duRPR.

Il fondait sa décision d’une part sur la compétence reconnue par lachambre d’accusation dans son arrêt du 11 janvier 2000 et d’autre part sur l’impossibilitéjuridique de procéder dans l’immédiat à l’audition du chef de l’Etat au regard du statutparticulier du président de la République tel qu’il résultait de l’ancien article 68 de laConstitution.

Il relevait en effet que, selon l’interprétation fournie notamment parla Cour de cassation dans un arrêt d’assemblée plénière en date du 10 octobre 2001, cestatut faisait obstacle, pendant la durée de son mandat, à l’audition du président de laRépublique comme témoin assisté, à sa mise en examen, sa citation ou son renvoi pourune infraction quelconque devant une juridiction de droit commun, que le président dela République échappait de surcroît à l’obligation de comparaître en tant que témoin, etque, les poursuites pour les actes autres que ceux relevant de la Haute Cour de Justice nepouvant être exercées pendant la durée du mandat présidentiel, la prescription de l’actionpublique se trouvait dès lors suspendue.

Le magistrat prenait également en considération les dispositions del’article préliminaire du code de procédure pénale, tel qu’issu de la loi du 15 juin 2000,et de l'article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme consacrant ledroit pour les personnes jusque-là mises en examen d’être jugées dans un délairaisonnable.

¤ l’issue partielle de la procédure

Par ordonnance du 16 mai 2003, rendue sur réquisitions conformesdu ministère public, le juge d’instruction de Nanterre renvoyait au total 28 personnesdevant le tribunal correctionnel en visant deux séries de faits :

- sous les qualifications d’abus de biens sociaux, abus de confiance,complicité et recel de ces délits, le fait d’avoir entre le 15 juin 1989 et le 30 juin 1994salarié des employés du RPR par des sociétés (de travaux publics pour la plupart) pourlesquelles ces employés n’avaient jamais travaillé ;

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- sous la qualification de prise illégale d’intérêts le fait d’avoir entreseptembre 1990 et mai 1995, fait rémunérer par la Ville de Paris des salariés permanentsdu RPR, reproché notamment à Alain JUPPÉ en qualité d’auteur principal et à PatrickSTEFANINI en qualité de receleur.

La double qualification d’ingérence et de prise illégale d’intérêtsretenue par le magistrat instructeur recouvrait pour l'essentiel six emplois qui avaient étéfinancièrement pris en charge par la Ville de Paris sans recevoir de contrepartie réelle etalors que leurs titulaires travaillaient au service du RPR.

Il s’agissait des cas suivants :

- Patrick STEFANINI, administrateur civil au ministère de l’Intérieur, nommé endétachement, par arrêté du 21 décembre 1990, inspecteur au sein de l’inspection généralede la Ville de Paris avait été rémunéré à ce titre du 15 janvier 1991 au 11 janvier 1995,alors qu’il était à la même époque nommé chargé de mission, puis directeur de cabinetdu secrétaire général du RPR en avril 1992 ;

- Philippe MARTEL, administrateur de la Ville de Paris, qui, après sa mobilité jusqu’enmars 1989 en qualité de directeur du palais des festivals et congrès de Cannes, avait éténommé inspecteur à la Ville de Paris en juillet 1990 pour assurer, jusqu’en mars 1993,la liaison entre le cabinet du maire-adjoint aux finances, Alain JUPPÉ, et l’inspectiongénérale, alors qu’il exerçait pendant cette période, à compter de 1991, les responsabilitésde chef de cabinet du secrétaire général du RPR ;

- Jérôme GRAND d’ESNON qui, après avoir été de 1987 à 1989 assistant parlementairede Jean MAZEAUD rapporteur de la loi de 1988 sur le financement des partis politiques,et, s’étant spécialisé sur cette question au sein du cabinet du secrétaire général du RPRà partir d’août 1989, rémunéré par la société Bouygues d’août 1989 à juillet 1990 puis parla société CAMPENON BERNARD jusqu’en juin 1991, avait été recruté par MichelROUSSIN, directeur du cabinet du maire de Paris, en qualité de chargé de mission aucabinet du maire alors même qu’il poursuivait son activité au sein du RPR à temps plein ;

- André ROUGÉ qui avait été embauché le 2 février 1992 comme chargé de mission àla Ville de Paris et affecté au cabinet du maire pour s’occuper des parisiens ressortissantde l’Outre-mer, moyennant une rémunération d’environ 17.000 F par mois et celajusqu’au 1 avril 1993, alors que pendant cette même période il disposait au sein duer

service des élections du RPR d’un bureau et d’une secrétaire pour développer les contactsavec l’Outre-mer ;

- Farida CHERKAOUI qui avait été recrutée par la mairie de Paris à compter du 1er

octobre 1990 comme agent de bureau puis à compter du 26 novembre 1992 en qualité dechargée de mission jusqu’en janvier 1996 sans qu’aucune affectation ne figure à sondossier alors que son activité avait été pour l’essentiel consacrée au RPR ;

- Nourdine CHERKAOUI qui, rémunéré par la Ville de Paris de mai 1991 à février1996 en qualité de chargé de mission, cadre moyen, affecté auprès du maire du 18ème

arrondissement de Paris, avait collaboré avec Hervé MECHERI, non pas en sa qualité demaire adjoint de la ville de Paris chargé de la jeunesse mais en tant que secrétaire nationaldu RPR chargé de la jeunesse.

Saisie sur l’appel interjeté notamment par Alain JUPPE et PatrickSTEFANINI du jugement du 30 janvier 2004 rendu par le tribunal correctionnel deNanterre, la cour d’appel de Versailles a rendu le 1 décembre 2004 un arrêt dans lequeler

elle a retenu la culpabilité de Patrick STEFANINI, pour recel d’ingérence devenue priseillégale d’intérêts, et le condamnait à dix mois d’emprisonnement avec sursis, et celled’Alain JUPPÉ pour les délits d’ingérence, devenue prise illégale d’intérêts, lecondamnant à 14 mois d’emprisonnement avec sursis et à une peine complémentaired’interdiction des droits de vote, d’éligibilité pour une durée d’un an en application de

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l’article 432-17 du code pénal. La cour a par ailleurs relevé Alain JUPPÉ de l’interdictionde figurer sur les listes électorales pendant un délai de 5 ans résultant de plein droit de lacondamnation et prévue par l’article L7 du code électoral (D3076).

L’arrêt, statuant sur les voies de recours exercées par les autresprévenus, a fait l’objet de pourvois qui ont été rejetés par arrêt de la chambre criminellede la Cour de cassation en date du 21 septembre 2005.

Depuis lors, par décision rendue sur question prioritaire deconstitutionnalité par le conseil constitutionnel en date du 11 juin 2010, l’article L7 ducode électoral a été déclaré contraire à la Constitution.

c) la poursuite de l’information sur les faits susceptibles d’être reprochés à JacquesCHIRAC

L’information en charge du juge d’instruction de Nanterre sepoursuivait sur les faits disjoints, susceptibles de concerner Jacques CHIRAC.

Les dispositions du nouvel article 67 de la Constitution, issues de laloi constitutionnelle du 23 février 2007, prévoyaient en effet que si, durant son mandat,le président de la République ne pouvait être l’objet d’aucune mesure d’information,d’instruction ou de poursuite, les délais de prescription ou de forclusion étaient suspenduspendant cette période. Les instances ou procédures interrompues par l’effet de cesdispositions pouvaient néanmoins, en application de l’article 68 de la Constitution danssa nouvelle rédaction, être reprises ou engagées à l’expiration d’un délai d’un moissuivant la cessation des fonctions.

La cessation des fonctions de Président de la République de JacquesCHIRAC étant intervenue le 17 mai 2007, son audition devenait désormais possible.Aussi le juge d’instruction procédait-il à son audition en qualité de témoin assisté le 19juillet 2007, puis, courant octobre 2007, à l’audition en qualité de témoins de JacquesBOYON, Robert GALLEY, Jean-Claude PASTY, Alain JUPPÉ, Yves CABANA etPatrick STEFANINI.

C’est le 18 décembre 2009, soit deux ans plus tard, lors d’un nouvelinterrogatoire par Jacques GAZEAUX, magistrat nouvellement désigné dans ce dossier,que Jacques CHIRAC recevait notification de sa mise en examen en sa double qualité demaire de Paris et de président du RPR du chef de prise illégale d’intérêts relative à larémunération par la mairie de Paris de salariés du RPR en la personne de PatrickSTEFANINI, Philippe MARTEL, Nourdine et Farida CHERKAOUI, Alain ROUGÉ etJérôme GRAND d’ESNON.

Jacques CHIRAC était également mis en examen pour l’emploi parla mairie de Paris de Madeleine FARARD qui, entre septembre 1984 et juin 1994, alorsqu'elle était agent de la Ville de Paris affecté au cabinet du maire, assurait le secrétariatde Jean-Claude PASTY, conseiller en agriculture de Jacques CHIRAC, leurs bureauxétant alors situés rue de Lille dans les locaux du RPR qui ne prenait nullement en chargesa rémunération.

C’est dans ces circonstances que, par ordonnance de règlement endate du 6 novembre 2010, le magistrat instructeur prononçait un non-lieu du chef de receld’abus de biens sociaux, de complicité de ce délit et de recel de prise illégale d’intérêts.Il renvoyait en revanche Jacques CHIRAC pour les faits de prise illégale d’intérêts visantles sept emplois précités, qu'il situait entre septembre 1990 et le 4 novembre 1994, datede la démission de Jacques CHIRAC de ses fonctions de maire de Paris.

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2°) La saisine du juge d’instruction de Paris

Les faits dont le tribunal est saisi selon les termes de l’ordonnance derèglement en date du 30 octobre 2009 rendue par Xavière SIMEONI, juge d’instructionau Tribunal de grande instance de Paris, se situent entre le 26 octobre 1992 et le 16 mai1995.

Ils sont qualifiés d’abus de confiance, pour la période antérieure au1 mars 1994, date de l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, et de détournement deer

fonds publics, pour la période postérieure, et de complicité et recel de ces délits.

Aux termes de l’ordonnance du magistrat instructeur, l’économiegénérale du dossier est la suivante.

Jacques CHIRAC est poursuivi en sa qualité d’ancien maire de Paris,comme auteur principal de ces délits pour avoir détourné au préjudice de la Ville de Parisdes fonds qui, s’agissant du délit d’abus de confiance, avaient été reçus au titre d’unmandat afin d’en faire un emploi ou un usage déterminés conformes aux intérêts de lacollectivité territoriale, en l’espèce en faisant engager et rémunérer par prélèvement surle budget de la Ville de Paris des chargés de mission employés dans des structuresexternes de la Ville de Paris ou sans affectation aucune et, s’agissant du délit dedétournement de fonds publics, pour avoir fait engager ces chargés de mission et préleversur le budget de la Ville de Paris les montants des rémunérations correspondantes.

Michel ROUSSIN et Rémy CHARDON sont tous deux poursuivisen leur qualité de directeurs de cabinet du maire de Paris comme complices par aide ouassistance dans la préparation ou la consommation de ces délits en ayant signé les contratsd’engagement des chargés de mission et en permettant le versement de salairessubséquents ou en procédant à l’évaluation des prestations de l’un des chargés de mission.

Les sept autres prévenus, Jean de GAULLE, Pierre BOUÉ, Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE, Marc BLONDEL, François MUSSO , FrançoisDEBRÉ et Jean-Claude MESTRE, sont poursuivis du chef de recel pour avoir bénéficiéde ces emplois soit directement soit indirectement.

a) La saisine initiale

Le 15 décembre 1998, Pierre-Alain BROSSAULT déposait plainteavec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction de cetribunal notamment pour “faux en écritures privées ou publiques, et/ou délivrés par uneadministration publique, détention et usage, ingérence et prise illégale d’intérêts,détournement ou soustraction de fonds publics, recel et complicité”.

La plainte reposait sur des révélations contenues dans le journal “LeParisien” daté du 11 mai 1998, confirmées dans une attestation en date du 8 octobre 1998émanant de Georges QUEMAR, ancien directeur de l’administration générale de la Villede Paris de 1983 à 1988, mettant l’accent sur le nombre important, au sein du personnelde cette collectivité territoriale, d’emplois de contractuels de cabinet que l’auteur dudocument qualifiait lui-même de fictifs.

Selon le plaignant, un rapprochement effectué entre le contenu del’annuaire de la mairie de Paris et la liste électorale du comité technique paritaire de ladirection du cabinet du maire de cette ville pour les élections professionnelles du 12décembre 1985 avait montré qu’au moins 195 personnes présentes sur les listesélectorales, bien qu’affectées à “l’état-major du maire”, ne figuraient pas dans l’annuaire.

Pierre-Alain BROSSAULT exposait que Georges QUEMAR, entendule 29 mai 1998 dans le cadre de l’information ouverte à Nanterre, avait confirmé sessuspicions reprises dans son ouvrage intitulé “Paris Mafia” et mentionné que lecomptable public de l’époque avait attiré son attention sur le fait que nombre de ces

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contractuels, qui étaient censées travailler en permanence à Paris, avaient unedomiciliation bancaire en Corrèze.

La partie civile joignait un document adressé au magistrat instructeurde Nanterre par Georges QUEMAR intitulé “Note relative aux emplois présumés fictifsrecensés à la mairie de Paris dans les années 1983 à 1988”, en date du 26 mai 1998, dontl’auteur passait en revue quantité d’emplois de la Ville de Paris qu’il présumait fictifs.

C’est dans ces circonstances que le 6 janvier 1999, le procureur de laRépublique ouvrait une information des chefs de faux en écritures publiques ouauthentiques, faits postérieurs au 15 décembre 1988, commis par une personne dépositairede l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercicede ses fonctions ou de sa mission, ingérence ou prise illégale d’intérêts, détournement ousoustraction de fonds publics, recel et complicité.

Il prenait par ailleurs des réquisitions tendant à voir constater laprescription de l’action publique relative aux faits de faux en écriture publique ouauthentique antérieurs au 14 décembre 1988 commis par une personne dépositaire del’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, faux et usage de fauxcommis par un particulier, faux et usage de faux, faux document administratif, usage,détention frauduleuse de faux documents administratifs, prise illégale d’intérêts.

Par ordonnance du 20 janvier 1999, le juge d’instruction constataitla prescription de l’action publique en ce qui concernait les seuls faits de faux en écriturepublique ou authentique et usage par une personne dépositaire de l’autorité publique ouchargée d’une mission de service public, susceptibles d’avoir été commis antérieurementau 14 décembre 1988, faux et usage de faux en écriture publique ou authentique commispar un particulier, faux et usage de faux, faux documents administratifs, usage etdétention frauduleuse de faux documents administratifs, prise illégale d’intérêts (D33).

Se trouvaient dès lors exclus du champ de la prescription les faits dedétournement ou soustraction de fonds publics, recel et complicité de ces délits, pourlesquels le point de départ de la prescription se situait au jour où le détournement étaitapparu et avait pu être constaté, soit le 15 décembre 1998, date de la plainte, ainsi que lesfaits de nature criminelle de faux en écritures publiques ou authentiques et usagepostérieurs au 15 décembre 1988 et d’ingérence ou prise illégale d’intérêts inséparablesde ces mêmes faux.

b) le déroulement des investigations

Le 16 février 1999, le magistrat instructeur se faisait communiquerles pièces d’une procédure initiée sur le ressort du Val-de-Marne en rapport avec les faitsdont il était saisi (D43 à 88).

Il en ressortait que le 24 mars 1995, le juge d’instruction de Créteil,Eric HALPHEN, avait reçu un appel téléphonique anonyme dénonçant l’existence deplusieurs emplois présentés comme fictifs à la mairie de Paris parmi lesquels ceux dontavaient bénéficié, outre Philippe CEAUX, Bernard COMBASTEIL qui travaillait à lafédération corrézienne du RPR et un certain Monsieur VIDAL, présenté comme un anciensecrétaire départemental de ce parti en Corrèze. Le correspondant avait également mis encause comme organisateur de ces emplois présumés fictifs le président de la chambre decommerce, présenté alors comme le “bras droit de CHIRAC”.

Ces éléments, communiqués au procureur de la République de Créteil,avaient été transmis pour compétence au procureur de Paris, lequel, par soit-transmis des11 mai et 8 juin 1995, avait fait diligenter une enquête confiée à la Brigade Financière.Dans ce cadre, il avait été procédé à diverses auditions parmi lesquelles celles de MichelROUSSIN et de Rémy CHARDON ayant occupé successivement le poste de directeur decabinet du maire de Paris au cours de la période visée, et, pour finir, le 20 juillet 1995,celle de Raymond-Max AUBERT, directeur adjoint du cabinet mais également élu RPRde Corrèze.

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Le 18 août 1995, le procureur de la République de Paris avait décidédu classement sans suite de cette procédure au motif que “L’enquête n’a pas permis derassembler des preuves”(D292).

Le juge d’instruction parisien recevait également de son collègue deNanterre certains des éléments communiqués à l’origine par Georges QUEMAR ausoutien de ses dénonciations, et notamment :

- la liste des électeurs appelés à désigner leurs représentants au comitétechnique paritaire de la direction de cabinet le 12 décembre 1995,

- l’annuaire des services de la mairie de Paris de l’année 1988,- une note qu’il avait rédigée, en date du 26 mai1998, relative aux

“emplois présumés fictifs recensés à la Mairie de Paris dans les années 1983 à1988”(D236 à 261) contenant l’analyse de ce qui était qualifié par l’auteur de “situationsconcrètes d’incohérence”.

Dès le 22 février 1999, le magistrat instructeur délivrait unecommission rogatoire confiée à la Division Nationale des Investigations Financièresvisant les faits de :

• détournement ou soustraction de fonds publics, recel et complicitéà compter de 1983 ;

• faux en écritures publiques et usage commis par une personnedépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissantdans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, à compter du 15 décembre 1988 ;

• ingérence ou prise illégale d’intérêts connexes à des faits de faux enécritures publiques ou authentiques à compter de 1988 mais uniquement dans la mesureoù ces faits échapperaient à la saisine du magistrat de Nanterre.

Compte tenu de la masse des données afférentes aux membres dupersonnel susceptibles d’être concernés et afin de préserver l’efficacité des recherches,le parti était pris d’emblée de limiter les investigations aux seuls contrats de chargés demission mis en place au sein du cabinet du maire de Paris et cela sur les années 1983 à1998, périmètre initial de la saisine.

Aussi, le 13 septembre 1990, une seconde commission rogatoire étaitdélivrée, limitant le domaine des investigations aux emplois de chargés de missioncontractuels affectés au cabinet du maire de Paris.

Les premières investigations aboutissaient à l’établissement d’uneliste de 295 chargés de mission affectés au cabinet du maire de Paris et à la direction ducabinet du maire, sur la base des documents suivants :

< un état nominatif délivré par la direction des ressources humainesde la mairie de Paris, (D326 - scellé 1),

< la liste des 177 noms mentionnés dans la note de GeorgesQUEMAR versée au soutien de la plainte, établie par recoupement de la liste électoraledu comité technique paritaire de la direction du cabinet de la ville du 12 décembre 1985et de l’annuaire de 1988 (D24).

Les enquêteurs se faisaient remettre par la Chambre régionale desComptesd’Ile de France, qui avait engagé en 1998 l’examen de la gestion des dépensesde personnels de la Ville de Paris, les tableaux récapitulatifs des personnels affectés aucabinet du maire pour la période allant du 31 mars 1992 au 31 décembre 1996. Cesdocuments faisaient ressortir 19 nouveaux noms (D1748 & 1839).

Au total, ce sont 481 emplois qui étaient ainsi inventoriés et dont lesdossiers étaient saisis.

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En étaient exclus notamment les dossiers correspondant à des emploisde chargés de mission :- rémunérés sur une référence financière autre que le cabinet du maire, identifiable par lamention “UGD” figurant sur les bulletins de paye ; - ayant le statut de sportifs de haut niveau ;- dont les dossiers présentaient des faits marquants au sein de la Ville de Paris.

Finalement, seuls 242 anciens chargés de mission étaient entendus parles enquêteurs.

Les critères fixés initialement (affectation dans une structureextérieure à la Ville de Paris ou mission aux contours indéfinis d’une part et référence àl’UGD 500 sur les bulletins de salaires d’autre part) conduisaient à ne retenir à termequ’une liste de 43 chargés de mission.

L’analyse de ces 43 situations permettait de répartir les chargés demission rattachés pour gestion au cabinet du maire de Paris en deux catégories :

< ceux qui auraient fourni des prestations sans rapport avec leurrémunération, au profit d’autres employeurs (structures extérieures ou personnes exerçantdes fonctions politiques) ;

< ceux qui n’auraient fourni aucune prestation pour la ville(inconnus de leurs collègues, dont le nom n’apparaissait pas dans l’annuaire et dontaucune trace substantielle de travaux ne pouvait être retrouvée).

Seules 15 personnes répondant apparemment à ces critères devaientêtre mises en examen du chef de recel de détournements de fonds publics.

Par réquisitoire supplétif en date du 4 octobre 1999, la saisine du juged’instruction était étendue à de nouveaux faits mis au jour dans le cadre de la procédured’information de Nanterre et relatifs à une lettre de commande en date du 2 janvier 1995,émanant de la mairie de Paris et adressée à Madeleine FARARD, agent titulaire au seinde la collectivité locale, sous la qualification de faux en écritures publiques ouauthentiques postérieurs au 15 décembre 1988 et commis par une personne dépositairede l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercicede ses fonctions ou de sa mission, détournement de fonds publics et recel.

c) la mise en lumière des pratiques de recrutement au sein de la mairie de Paris

¤ l’historique du recrutement des chargés de mission

La politique de recrutement des chargés de mission au sein de lamairie de Paris trouve son origine dans une tradition commune à toutes lesadministrations. Elle consistait pour les autorités responsables à recourir à descollaborateurs choisis par elles et qui, pour la plupart, ne faisaient pas carrière dansl’administration.

Cette “tradition républicaine”, issue de l’époque préfectorale, décritepar l’adjoint au maire chargé de la questure, Roger ROMANI, bénéficiait d’un consensuspolitique qui s’était traduit dans le code des collectivités territoriales par la possibilitéofferte aux adjoints au maire, maires d’arrondissement, groupes d’élus et élus eux-mêmesde bénéficier de la mise à disposition de collaborateurs recrutés dans le cadre des contratsde chargés de mission “afin de les aider à accomplir leurs missions dans les activitéspolitiques” (D2218).

Concernant Paris, c’est une administration nouvelle qui succédait, en1977, à l’administration préfectorale au sein de la Préfecture de la Seine puis de laPréfecture de Paris, nécessitant la mise en oeuvre, à l’instigation du nouveau maire, d’unepolitique de recrutement de personnel adaptée aux nouveaux besoins.

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Dans un mémoire daté d’avril 1977, le maire nouvellement éluindiquait à l’adresse du Conseil Municipal : “Afin de résorber la diminution des effectifstransférés au profit d’autres services (départ des chargés de mission de la commune deParis), à l’occasion de l’application de la réforme, la création de postes de chargés demission s’avère indispensable” (D3675). Il sollicitait l’autorisation de créer 17 contratsde chargés de mission parmi lesquels 10 contrats de type dit “cadre supérieur” et 7contrats de type dit “cadre moyen”. Le projet de délibération était adopté par le Conseildans sa séance du 25 avril 1977.

Dans les mois suivants, l’ampleur de l’impact de la réforme avaitconduit à augmenter le nombre de contrats de chargés de mission (16 en juillet et 26 endécembre 1977)(D2482 & D2026).

De 1977 à 1983, les projets de délibérations étaient préparés au seinde la direction de la direction générale et assortis du visa de la direction financière, avantd’être acheminés au cabinet du 2 adjoint (Jean TIBERI) pour être présentés au Conseilème

de Par i s e t adop t és en commis s io n e t s éan ces p l én i èr es .

Les projets de délibérations relatifs à la création de postes de chargésde mission étaient transmis avec un exposé des motifs succinct (D2650 à D2728).

Les contrats étaient répartis en trois catégories : “cadre supérieur”,“cadre moyen”et “agent d’exécution”. A partir de 1983, l’ensemble des créationsd’emplois municipaux était retiré du contrôle de la direction de l’administration généralepour être confié à la direction des finances.

Entre 1989 et 1993, pour un effectif d’environ 5.600 à 5.800 titulairesau titre du personnel administratif, on dénombrait entre 340 et 470 postes de chargés demission (“cadres supérieurs” et “cadres moyens”). Cette tendance s’accentuait en 1994(5801/601), en 1995 (5850/625) et en 1996 (5810/631) (D2513 à 2523). Concernant leschargés de mission affectés au cabinet du maire, l’effectif était passé de 25 en 1983 à 55en 1998, le point le plus haut ayant été atteint en 1995 avec 97 chargés de mission (D2395/3).

Georges QUEMAR indiquait néanmoins qu’avant 1977, le derniercabinet préfectoral comptait 75 personnes toutes catégories confondues. Il dénonçait lamise en place d’un dispositif dont il considérait que le but était de payer les personnes encontournant les règles de l’administration et en les affectant à des besoins étrangers à ceuxde la ville elle-même. Il précisait que l’exercice d’un pouvoir absolu par les directeurs decabinet conjugué à la défaillance de la tutelle de l’Etat avait permis d’atteindre desniveaux considérables en matière de recrutement des chargés de mission (D2481).

Les contrats étaient, selon lui, soumis à un régime dérogatoire, sansaffectation définitive ni assignation de mission, renouvelables par tacite reconduction. Ilen venait à évoquer dans son ouvrage “Paris Mafia” l’existence d’un “système” élaboréet contrôlé par les deux premiers adjoints au maire, Christian de la MALENE et JeanTIBERI, avec la contribution de Jean SICHERE, le directeur des ressources humaines.

¤ des procédures critiquées pour leur opacité

Le processus de recrutement ne faisait l’objet d’aucune règle écrite.L’information permettait cependant d’en reconstituer les étapes essentielles.

Les demandes d’affectation de postes de chargés de mission adresséesau cabinet du maire pouvaient provenir :

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± des différentes directions de la ville, par l’intermédiaire du secrétariat général de laville, ± du secrétariat général du conseil de Paris,± des maires adjoints ou d’élus ou groupes d’élus.

Ces demandes étaient centralisées au bureau du cabinet qui lestransmettait à la direction.

Devant le juge d’instruction, Georges QUEMAR expliquait qu’à sonarrivée à la direction de l'administration générale, les chargés de mission étaient gérés parune Unité de Gestion Décentralisée (UGD) à l’intérieur de la sous-direction del’administration des personnels et que c’était un de ses agents qui en était chargé. Lui-même ne s’en occupait pas. C’est la désignation de l’UGD qui permettait d’identifier ladirection à laquelle le chargé de mission était rattaché (D2481/3).

Tout au plus se souvenait-il d’une intervention du comptable de laVille courant 1987 ou 1988 lui indiquant avoir remarqué que plusieurs contractuelsavaient leurs coordonnées bancaires en Corrèze et menaçant de bloquer la paye de laVille si ces situations n’étaient pas régularisées, ce dont il avait rendu compte à DanielNAFTALSKI, directeur de cabinet, qui devait régler cette question.

C’est le directeur de cabinet du maire qui donnait son accord sur lesdemandes et enclenchait la procédure de recrutement en adressant un ordre écrit sous laforme d’une note à la direction de l’administration générale, laquelle se voyait confierl’élaboration du contrat.

Jusqu’en 1995, il se pouvait qu’à cette note fût joint le projet decontrat déjà signé du directeur de cabinet. A compter de 1995, c’est une fois recueillie lasignature du postulant que le contrat était retourné au directeur de cabinet pour signaturedéfinitive.

L’examen du contenu des dossiers relatifs aux chargés de missionretenus dans les poursuites amenait à constater que, dans leur quasi-totalité, ils necontenaient aucune pièce établissant la provenance des demandes. En revanche yfiguraient bien la note du directeur de cabinet adressée à la DAG et le contrat derecrutement dûment signé. Seul le dossier de Jean-Marie ROCHE était de ce point de vuepratiquement vide.

Jean-Paul GARROTÉ, employé à la Ville de Paris depuis 1966,devenu attaché d’administration, avait depuis 1977 au sein de la DAG la fonction de gérerles contrats de chargés de mission, toutes catégories confondues. Entendu par lesenquêteurs, il confirmait que le recrutement était impossible sans la note adressée à laDAG par le directeur de cabinet, le rôle des services du cabinet, destinataires initiaux desdemandes, étant à ce stade de s’assurer de l’existence du support budgétaire pour l’emploienvisagé.

Les instructions de recrutement étaient, la plupart du temps,informelles ou verbales puis donnaient lieu à l’établissement d’une note à destination dela DAG.

Josette LE BERRE, responsable du personnel au cabinet du maire de1983 à 2001, indiquait que si les dossiers administratifs officiels des chargés de missiondépendant du cabinet du maire se trouvaient à la DRH, il était conservé dans le bureau duchef du bureau du cabinet des embryons de dossiers, “de façon à ce que nous puissionssuivre le contenu du dossier” précisait-elle (D2143/2 et D2412/4).

Marthe STEFANN, chef du bureau du cabinet du maire de 1983 à1986, précisait que les instructions lui étaient transmises par le chef de cabinet(curriculum vitae et coordonnées de l’intéressé) et que sa tâche était de vérifier l’existenced’un support budgétaire. Elle ajoutait que c’est le chef de cabinet qui lui précisait, laplupart du temps verbalement, les caractéristiques de l’emploi (catégorie de contrat,

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montant du salaire, lieu d’affectation ...) (D2374). Ce processus était confirmé par Andrée NIVETTE et Mireille

AMOUROUX, ses successeurs de mars 1986 à octobre 1989 (2375/3) (D2447/2).François-Xavier MEYER, chef du bureau au cabinet du maire de

1994 à 1998, indiquait que les demandes étaient informelles mais, la plupart du temps,écrites (D2811/3).

Le contrat était signé par le chargé de mission dans le bureau de Jean-Paul Garrote avant d’être retourné au cabinet avec un bordereau visé par les différentséchelons hiérarchiques.

Devant le juge d’instruction, Georges QUEMAR, expliquait que c’estl’informatique qui, en 1988, avait permis de faire ressortir le nombre des chargés demission et leur répartition notamment à l’occasion des élections professionnelles aucomité technique paritaire. Il s’était trouvé qu’en 1993, ne figuraient plus sur ce tableaunominatif que les titulaires (D2481/4).

L’un de ses successeurs, Patrice MOLLE, DRH depuis octobre 2001,confirmait que ses services n’effectuaient aucun contrôle des compétencesprofessionnelles de la personne pressentie (D2025/2). Une fois le contrat signé par lesdeux parties, celui-ci était traité informatiquement afin de permettre l’établissement dubulletin de salaire et la transmission à la recette générale des finances en vue du paiement.

Pour les recrutements auprès du cabinet du maire, le contrat ne

comportait aucune autre indication ni sur l’affectation ni sur le contenu de la mission del’agent. Il était signé pour une durée d’un mois renouvelable par tacite reconduction. Ilétait également indiqué que l’agent s’engageait à “consacrer tout son temps àl’administration et à observer en matière de cumul d’emplois les dispositionsréglementaires qui visent les fonctionnaires et les agents de collectivités locales”.

Le contrat déterminait, conformément aux instructions contenues dansla note du directeur de cabinet, l’indice de référence servant de base au calcul de larémunération. Cette rémunération était susceptible de revalorisation en cours d’exécutiondu contrat par décision du directeur de cabinet lorsqu’il s’agissait d’emplois affectés à ladirection du cabinet. De même, c’est le directeur de cabinet qui décidait de mettre fin auxfonctions du chargé de mission.

Pour les chargés de mission affectés à la direction du cabinet, lagestion de la paye était du ressort de l’UGD 500. Cette référence ressortaitautomatiquement sur les bulletins de paye. En complément, un code service correspondaità un service particulier (par exemple 01000 cabinet du maire - D 2333/47).

Jean-Paul GARROTÉ indiquait qu’il transmettait chaque mois àl’UGD dépendant du cabinet du maire une liste des personnels titulaires et contractuelset parfois, à la demande, des listes des chargés de mission (D2503/7).

Les créations de postes dépendaient jusqu’en 1982 de la DAG. Cettecompétence a été transférée à la direction des finances à l’occasion de l’arrivée de Jean-Claude JOLAIN au poste de directeur des Finances. Les demandes de création émanantde chaque direction de la ville étaient donc adressées à cette direction des finances, enmême temps que la demande générale de crédits, tandis que les demandes émanant dudirecteur de cabinet parvenaient de façon informelle.

Des réunions d’arbitrage se tenaient en présence du maire, de sondirecteur de cabinet, du maire adjoint chargé des finances, du directeur des finances et desdirecteurs des services concernés.

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Les postes budgétaires de chargés de mission étaient créés àl’intérieur du budget global de la Ville soumis au vote du Conseil de Paris, lors du votedu budget primitif puis des deux budgets modificatifs, sans que soit précisé le nombre depostes affectés au cabinet du maire. En réalité, c’est le maire qui décidait ensuite del’affectation de ces postes de chargés de mission contractuels.

Bernard MONGINET, l’un des successeurs de Georges QUEMARau poste de DAG, relativisait l’impact salarial de ces emplois qui était à ses yeux “infime”au regard de la masse globale des salaires des 40.000 agents et du budget global de la villede l’ordre de 21 milliards de francs. Pour sa part, il ne s’était jamais préoccupé dedéterminer le volume financier nécessaire pour payer les chargés de mission (D2480/3).

Jean-Michel HUBERT, directeur des finances de la Ville de Paris deseptembre 1986 à mai1992, dont la direction supervisait les incidences financières decette politique de recrutement, expliquait que ses services avaient pour seul souci derespecter la ligne budgétaire essentielle que le maire leur avait fixée de faire en sorte quele budget n’évolue pas plus vite que l’inflation (D2570).

Jean BOURILLON, chef du bureau des effectifs de la DAG de 1978à 1983 mentionnait l’existence de deux procédures de création d’emplois de chargés demission (D2604) :- une première pour le recrutement de personnes à compétences techniques trèsspécifiques,- une seconde concernant les chargés de mission de cabinet (dans ce cas, le bureau étaitsaisi de demandes émanant du cabinet du maire ou du questeur sans qu’il y ait denégociation budgétaire à ce niveau, les créations étaient inscrites automatiquement aubudget).

Alain JUPPÉ, adjoint au maire chargé des finances de 1983 à juin1995, décrivait son rôle en la matière comme se limitant à vérifier l’existence des postesbudgétaires permettant de recruter et de payer les personnes. Il ajoutait : “Pour recruter,il fallait qu’il existe des postes budgétaires avec des fourchettes de rémunération,variables selon le poste envisagé. Les critères de recrutement étaient totalement à ladiscrétion du maire” (D3740/3).

Pour Jean-Claude JOLAIN, directeur des finances de la Ville de Parisentre octobre 1982 et septembre 1986, si le transfert de compétence de la DAG vers ladirection des finances avait été décidé afin de mieux maîtriser le processus de créationd’emplois, les demandes de création lui paraissaient être des initiatives du pouvoirpolitique pour lesquelles les services financiers n’apportaient aucune analyse techniquedes besoins.

Sur un autre plan, il précisait que la répartition des postes entre lecabinet du maire et le Conseil de Paris était assurée par le directeur de cabinet, enconcertation avec le questeur (D2812).

Jean PISTIAUX, chef de cabinet d’Alain JUPPÉ puis directeur desfinances de janvier 1995 à novembre 1996, expliquait que la direction du cabinet du maireavait la plus grosse partie des chargés de mission, que la direction du cabinet signifiait àla direction financière sa demande de création d’emplois la plupart du temps verbalementet de manière très informelle, contrairement aux demandes émanant des autres directionsde la Ville (D2733/3).

La seule négociation se situait lors des arbitrages budgétaires finaux,c’est-à-dire dans le bureau du maire, en présence de l’adjoint chargé des finances et decelui chargé de la questure, du directeur des finances, du directeur de cabinet et desdirecteurs des services concernés.

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A ce sujet, il déclarait : “J’ai le souvenir que Monsieur JUPPÉpartait voir le maire pour essayer de réduire la demande de création de postes de chargésde mission affectés au cabinet du maire, il parvenait à obtenir que les demandes soientréduites à la baisse”.

Il justifiait également par les exigences de la nomenclature budgétaire,le fait qu’il n’existait pas de tableau récapitulant par direction le nombre de chargés demission parmi les documents devant être présentés obligatoirement à la tutelle(comptable, Préfet) ou au Conseil de Paris.

Les nominations ne donnaient pas lieu à publication systématique auBulletin Municipal Officiel. Néanmoins, chaque mois, la DAG adressait au bureau ducabinet du maire, un listing comportant l’inventaire des effectifs du cabinet, une listealphabétique des titulaires des emplois, ainsi qu’une liste par grades.

¤ des pratiques qui échappaient à un contrôle externe effectif

Outre les vérifications préalables auxquelles se devait de procéder leReceveur Général des Finances - Trésorier Payeur Général de la région Ile-de-France aumoment du paiement des rémunérations, ces contrats étaient soumis au contrôle delégalité par les services de la préfecture de Paris et au contrôle des juridictions financières.

Le contrôle de légalité instauré par la loi du 1 mars 1982 neer

s’exerçait que sur la validité juridique du contrat et non sur la réalité fonctionnelle del’emploi. Il conférait leur caractère exécutoire aux décisions concernées, étant précisé queles décisions d’affectation n’étaient pas en elles-mêmes des actes transmissibles.

Il s’avérait au terme des investigations que, de février 1983 à février1988, les contrats d’engagement de chargés de mission n’avaient pas été transmis aucontrôle de légalité exercé par le préfet. Jean-Paul GARROTÉ expliquait que desinstructions avaient été données depuis 1977 par Camille CABANA, RobertPANDRAUD et Jean CHENARD (prédécesseur de Georges QUEMAR) de ne pastransmettre les contrats et avenants à la préfecture. Il avait été mis un terme à cettepratique en 1988, ainsi qu’en attestait la note du 15 février 1988 signée de GeorgesQUEMAR (D 2540). L’ensemble des contrats conclus antérieurement supportait un visaà cette même date.

Georges QUEMAR indiquait qu’il lui avait fallu trois ou quatre anspour se rendre compte de cette anomalie. Il avait été finalement mandaté par le secrétairegénéral pour régler ce problème.

Pascale SILBERMANN, chef de bureau du contrôle de la légalité àla Préfecture de police de Paris, indiquait qu’à partir de 1994, il avait été exigé desservices de la ville de Paris une publication des postes vacants en interne avant deprocéder au recrutement ou au renouvellement d’un contrat. Par ailleurs la durée descontrats était limitée à un maximum de 3 ans et ceux-ci n’étaient renouvelablesexpressément et non plus par tacite reconduction (D2485).

Jean-Paul GARROTÉ confirmait que les contrats avaient été modifiésà compter de 1996-1997 quant à la durée en retenant une durée de trois ans au lieu d’unmois renouvelable tacitement. Il avait été par ailleurs exigé, en cas d’affectation ausecrétariat du Conseil de Paris ou dans une des directions de la Ville, que soient indiquésles fonctions et le nom de l’élu auprès duquel était affecté le chargé de mission(D2503/3).

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Tous les contrats retenus dans cette procédure étaient antérieurs à lamise en oeuvre de ces nouvelles méthodes mais avaient été effectivement soumis aucontrôle de légalité.

Les salaires correspondant à l’exécution de ces contrats étaient verséspar le Receveur Général des Finances et Trésorier Payeur Général (RGF-TPG) de larégion Ile-de-France. En tant que comptable public, celui-ci se livrait à un simple contrôlede régularité financière et comptable. Il exerçait un contrôle de la qualité de l’ordonnateurou de son délégué, de la disponibilité des crédits, de l’exacte imputation des dépenses etde la validité de la créance (D2163).

¤ les critiques émises par la juridiction financière

Le 5 octobre 2000, la Chambre régionale des Comptesd’Ile-de-Francearrêtait, dans le cadre de la procédure de contrôle des dépenses de personnel de la Villede Paris, des “Observations définitives concernant la gestion des certaines catégories depersonnel de la ville de Paris” concernant les exercices 1992 et suivants. Il était mis enévidence un certain nombre d’insuffisances relatives aux effectifs de chargés de mission.

La chambre relevait notamment :

< l’émergence et la persistance d’irrégularités concernant, notamment, la gestion desagents contractuels, favorisées par l’absence de texte interne organisant les procédures,la limitation par le cabinet du maire des attributions de la DRH et la faiblesse des moyensde contrôle dont disposait cette direction ;

< un manque de transparence et de précision des missions confiées aux agents mettait enéchec toute tentative d’évaluation, tant qualitative que quantitative, de leur activité ; < le peu de fiabilité des données à partir desquelles était fondée la répartition des effectifsde contractuels, dans la mesure où les modalités d’exécution des contrats souscrits parnombre de ces chargés de mission semblaient avoir échappé au contrôle des services dela DRH ;

< un recours extensif au recrutement de contractuels ayant conduit à faire occuper denombreux postes sans procédures transparentes de sélection et à ouvrir ainsi la porte à despratiques fondées sur l’intuitu personae ou sur la recommandation, permettant de faireimmédiatement bénéficier les intéressés de niveaux élevés de rémunération, auxquels ilsn’auraient pu accéder normalement qu’à la suite de concours et d’un long déroulementde carrière.

La chambre listait ainsi les anomalies constatées :

< le recrutement de contractuels pour assurer des fonctions qui auraient dû être confiéesà des titulaires ;< l’impossibilité de déterminer les modalités en fonction desquelles avaient eu lieu lesreconductions et recrutements ;< le maintien en fonctions au delà de la limite d’âge ;< la nomination à des emplois de direction de personnes qui n’auraient pas pu en principey prétendre ;< l’extension irrégulière à ces contractuels de l’octroi de mises à disposition parfois auprofit d’administration ne pouvant pas en bénéficier ;

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< l’absence de règle précisant les conditions de rémunération par référence à des critèresde diplôme ou de qualification professionnelle, mais en réalité par une simple note ducabinet du maire au cas par cas sans que soit connue la personne en ayant pris l’initiative ;< l’existence de pratiques dérogatoires au droit commun de revalorisation rapide decertaines des rémunérations ; <les discordances entre le niveau indiciaire attribué à certains agents et leur degré dequalification (diplômes, cv, qualifications antérieures...).

Il convient ici de rappeler que la Chambre régionale des Comptesd’Ilede France s’était, par ailleurs, saisie d’office des opérations qu’elle présumaitconstitutives de gestion de fait portant sur plusieurs emplois. Elle avait rendu desjugements en date du 22 mars 1999 et du 14 avril 1999 déclarant provisoirementcomptables de fait :- Patrick STEFANINI et Rémy CHARDON,- Philippe MARTEL, Alain JUPPÉ et Rémy CHARDON, - Nourdine CHERKAOUI, Rémy CHARDON et Michel ROUSSIN,- Farida CHERKAOUI et Michel ROUSSIN.

Par quatre jugements provisoires du 21 juin 2001, la chambreordonnait le sursis à statuer à titre définitif dans l’attente de l’issue de l’information encours à Nanterre.

Finalement, en 2005, la chambre disait n’y avoir lieu à déclaration decomptables de fait à l’endroit des susnommés du seul fait de l’exécution d’un protocoleconclu entre l’UMP et la mairie de Paris en vue du reversement, dans la caisse, dessommes indûment extraites au titre de ces emplois.

C) la connexité entre les deux procédures et ses conséquences sur la saisine dutribunal 1) au regard des règles relatives à la prescription de l’action publique

a) dans la procédure suivie à Nanterre

Les faits présentement déférés au tribunal sont inclus dans l’ensembledes faits disjoints par l’ordonnance du 12 décembre 2002 rendue par le magistratinstructeur sur le fondement d’indices pesant sur la personne de Jacques CHIRAC etfaisant application du statut pénal protecteur du président de la République.

Le juge d’instruction de Nanterre a limité les faits poursuivis àl’endroit de Jacques CHIRAC du chef d’ingérence et de prise illégale d’intérêts à lapériode de septembre 1990 au 4 novembre 1994. Ainsi s’est-il conformé au cadre fixédans la première ordonnance de renvoi et adopté tant par le tribunal correctionnel deNanterre que par la cour d’appel de Versailles dans son arrêt en date du 1 décembreer

2004.

Cette dernière juridiction, ayant eu à connaître du premier volet del’information, avait en effet rejeté les conclusions tendant à voir constater la prescriptiondes faits de prise illégale d’intérêts reprochés à Alain JUPPÉ en considérant, dans unpremier temps, que les faits d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance visés dans lesactes initiaux d’enquête puis d’information, d’une part, et les faits de prise illégaled’intérêts apparus ultérieurement (visés dans le réquisitoire supplétif du 17 avril 1998)d’autre part, présentaient un lien de connexité qualifié de “manifeste”.

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La cour motivait ainsi sa décision : “ces délits auraient été commisdans le cadre d’un concert organisé et généralisé de financement illicite d’un même partipolitique, le RPR, consistant à faire prendre en charge, soit par des entreprises privées,soit par des collectivités locales (en l’espèce la mairie de Paris), des rémunérations depersonnes qui travaillaient en réalité au RPR, seules les qualités de l’auteur principal etde la victime permettant de retenir des qualifications juridiques distinctes au sein dumême et unique système. Il existe donc entre les faits des rapports étroits analogues àceux que la loi a spécialement prévus à l’article 203 du code de procédure pénale”.

Elle en déduisait “que le soit transmis en date du 26 octobre 1995,premier acte interruptif de prescription à l’égard des infractions d’abus de biens sociauxa ce même effet à l’égard de l’ensemble des infractions poursuivies dans cette procédureet notamment des délits d’ingérence, de prise illégale d’intérêts , de complicité et de recelde ces délits”.

b) dans la procédure suivie à Paris

Le magistrat instructeur a limité la saisine du tribunal aux faitscommis à compter du 26 octobre 1992, estimant que les faits antérieurs étaient couvertspar la prescription.

Cette analyse se fonde :

- d’une part sur les règles générales de la prescription de l’action publique en matière dedélit, énoncées par les articles 7 et 8 du code de procédure pénale, et le régime particulieren matière d’abus de biens sociaux ou d’abus de confiance reportant, si le délit a étédissimulé, le point de départ de la prescription au jour où le délit pouvait être décelé dansdes conditions permettant la mise en mouvement de l’action publique,

- d’autre part sur la connexité existant avec la procédure suivie à Nanterre et sur l’effetinterruptif de prescription attachés aux actes d’enquête diligentés dans cette mêmeprocédure, cette appréciation ressortant des décisions rendues antérieurement dans lecadre d’un contentieux particulièrement nourri au cours de l’instruction.

Il convient ici de rappeler les termes de l’arrêt rendu le 13 janvier2006 par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles, juridictiond’instruction demeurant à cette époque saisie des appels concernant le dossierd’information toujours en cours à Nanterre, statuant sur renvoi après cassation d’unprécédent arrêt de la chambre de l’instruction de Paris.

La juridiction d’appel parisienne avait infirmé les ordonnances dujuge d’instruction en date des 18 juillet, 1 août et 27 août 2003 ayant rejeté les requêteser

tendant à voir constater la prescription des faits reprochés aux mis en examen, sans seprononcer sur l’éventuelle connexité avec les faits instruits à Nanterre.

La chambre de l’instruction de Versailles est parvenue à une solutiondifférente en se fondant sur la connexité des infractions visées dans chacune desprocédures. Elle a considéré que les actes d’enquête interruptifs de prescription diligentésdans la procédure de Nanterre interrompaient également la prescription à l’égard des faitsvisés dans la procédure parisienne.

Elle indiquait dans ses motifs : “que les deux procédures portent surdes financements illicites au profit d’une même famille politique, que les faits ainsi viséssont liés par une communauté d’objet , la rémunération par la Ville de Paris d’emploisfictifs et une communauté de but en ce sens qu’ils visaient à favoriser l’action d’un partipolitique, d’organismes, de personnes proches de celui-ci, de personnes appartenant à

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ce parti ou pour certaines travaillant au siège de celui-ci alors que de 1983 à 1998 , laVille de Paris était dirigée par les responsables émanant du dit parti ; qu’ainsi les faitspoursuivis dans les deux procédures étaient déterminés par la même cause, tendaient aumême but et procédaient d’une conception unique ; qu’il existe entre eux des rapportsétroits analogues à ceux que l’article 203 du code de procédure pénale a spécialementprévu ; que la procédure de Nanterre a porté sur des faits de financement illicite du RPRpar la Ville de Paris au moyen de rémunérations d’emplois fictifs au cabinet du maire auprofit de personnes travaillant en réalité pour ce parti”.

Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté la chambre criminellede la Cour de cassation le 17 mai 2006.

Dès lors, le magistrat instructeur parisien, faisant référence aux piècescontenues dans la procédure de Nanterre, a constaté que la dénonciation reçue par le juged’instruction de Créteil le 11 juillet 1995 à l’origine de cette dernière procédure, transmiseau procureur de la République de Nanterre territorialement compétent en raison du lieudu siège social de la SCOP “Les charpentiers de Paris” sis à Bagneux, avait donné lieuà l’ouverture d’une enquête selon un soit transmis du 26 octobre 1995 et que cet acteconstituait le premier acte interruptif de prescription à l’égard des faits dont lui-mêmeétait saisi sous la qualification d’abus de confiance, connexes aux faits ayant fait l’objetde l’enquête initiée par le parquet de Nanterre.

En revanche, il a considéré l’ensemble des faits intervenus sur lapériode antérieure au 26 octobre 1992, à les supposer établis, comme prescrits. Celaemportait l’extinction totale ou partielle de l’action publique à l’égard de plusieurs misen examen (cf infra).

2) sur le renvoi du dossier instruit à Nanterre au Tribunal de grande instance de Paris

La connexité fondait également l’arrêt de la chambre de l’instructionde la cour d’appel de Versailles du 12 novembre 2008 confirmant l’ordonnance dedessaisissement rendue le 21 février précédent par le juge d’instruction de Nanterre, avecl’accord préalable de son collègue parisien mais contre l’avis du procureur de laRépublique qui en avait aussitôt interjeté appel.

Jacques CHIRAC avait été mis en examen le 21 novembre 2007 dansle cadre de la procédure suivie à Paris mais ne l’avait pas encore été dans le dossier deNanterre.

Statuant par arrêt rendu le 31 mars 2009 sur le pourvoi formé par leprocureur général près la cour d’appel de Versailles, la chambre criminelle de la Cour decassation cassait sans renvoi la décision de la cour d’appel au motif que la juridiction del’instruction n’était pas compétente pour mettre en oeuvre la procédure dedessaisissement prévue par l’article 663 du code de procédure pénale, dont l’initiativeétait réservée au seul ministère public.

C’est pourtant la prise en compte de ces mêmes liens de connexitéexistant entre les deux procédures qui conduisait la chambre criminelle, saisie cette foisd’une requête émanant du procureur général près la cour d’appel de Versailles fondée surles dispositions de l’article 662 du code de procédure pénale et tendant au dessaisissementdu Tribunal de grande instance de Nanterre au profit de celui de Paris, à adopter, dans sonarrêt du 8 décembre 2010, les motifs énoncés au soutien de la requête reprenant les pointsunissant les deux dossiers.

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D) Les qualifications retenues :

1) l’ingérence devenue prise illégale d’intérêts

Il est ainsi reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, de septembre 1990au 4 novembre 1994, en sa qualité de maire de Paris, pris ou reçu directement ouindirectement un intérêt dans une opération, en l’espèce alors qu’il avait la charge et laresponsabilité de contrôler la préparation du budget et d’ordonner les dépenses,notamment les dépenses afférentes aux employés de la ville, présenté lors du vote desbudgets annuels de la Ville de Paris une masse salariale comprenant les dépensesafférentes aux sept emplois suivants :

- Nourdine CHERKAOUI, du 1 mai 1991 au 4 novembre 1994,er

- Farida CHERKAOUI, du 1 novembre 1992 au 4 novembre 1994,er

- Jérôme de GRAND d’ESNON, du 1 juin 1991 au 31 décembre 1993, er

- Philippe MARTEL, du 1 janvier 1991 au 4 novembre 1994,er

- Patrick STEFANINI, du 15 janvier 1991 au 4 novembre 1994,- André ROUGÉ, du 1 février 1992 au 4 novembre 1994,er

- Madeleine FARARD, de 1992 au 4 novembre 1994,

sachant que ces personnes étaient mises à la disposition du RPR dont il était président.

2) les abus de confiance et détournements de fonds publics

L’application des règles de prescription conjuguées au caractèred’infraction instantanée qui s’attache aux délits d’abus de confiance et de détournementde fonds publics, amenait le juge d’instruction à ne retenir que les contrats signéspostérieurement au 25 octobre 1992, date du départ de la prescription, mais égalementtous les contrats signés antérieurement à cette date mais dont l’exécution s’est poursuivieau delà. Cela justifiait un non-lieu pour tous les autres faits inclus dans les mises enexamen.

C’est ainsi que :

< pour les contrats conclus et achevés au 26 octobre 1992, Robert PANDRAUD et DanielNAFTALSKI, poursuivis jusque là en qualité de complices du fait de leur fonction dedirecteur de cabinet du maire, aujourd’hui décédés, bénéficiaient d’un non-lieu total demême que Michelle DELORS, Hubert CHAVELET, Guy LARDEYRET, YvesMANCIET, Michel AURILLAC, Raymond-Max AUBERT et Lucien LANIER mis enexamen du chef de recel relatifs à ces contrats ; Jacques CHIRAC et Michel ROUSSINayant quant à eux bénéficié à ce titre d’un non-lieu partiel ;

< pour les contrats conclus jusqu’au 26 octobre 1992 et dont l’exécution s’est poursuiviau delà de cette date, Jacques CHIRAC et Michel ROUSSIN ont bénéficié d’un non-lieupartiel limité à l’exécution de ces contrats sur la période antérieure au 26 octobre 1992,de même que Pierre BOUE, Marc BLONDEL, Jean-Claude MESTRE, Jean de GAULLEet Marie-Thérèse MONIER poursuivis en qualité de receleurs.

Deux catégories ont été finalement établies en fonction del’affectation réelle des chargés de mission.

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¤ Les chargés de mission retenus par le magistrat instructeur commeayant été employés dans des structures externes de la ville :

1- Michel PALAU, aujourd’hui décédé, était recruté par contrat en date du 28 juillet 1982signé par Bernard BILLAUD. Il était mis à la disposition de Claude LABBE, présidentdu groupe RPR à l’Assemblée Nationale. Il était mis fin à ses fonctions pour convenancespersonnelles le 8 février 1995.

2- Jean-Marie ROCHE était recruté selon contrat en date du 20 juillet 1992, signé parAnne CUILLE, alors directrice adjointe du cabinet du maire. Il était affecté auprès deJacques CHIRAC dans le cadre de ce qui était appelé par Jacques CHIRAC lui-même(D305/3), la “cellule corrézienne”. Il était mis fin à ses fonctions le 15 mai 1995.

3- Babakar DIOP était recruté par contrat en date du 21 octobre 1991 signé par MichelROUSSIN. Il était mis à la disposition de Michel PERICARD, député RPR des Yvelineset maire de Saint-Germain-en-Laye. Il était affecté à compter de juin 1995 au cabinet deAndré PERRISSOL, ministre du Logement dans le gouvernement d’Alain JUPPÉ. Ildémissionnait en décembre 1996.

4- Hugues de la ROCQUE, recruté par contrat en date du 31 janvier 1992, était affectéà la direction de la protection de l’environnement en tant que collaborateur de PhilippeGALY. En réalité, il était employé au service de Pierre-Matthieu DUHAMELnouvellement nommé en qualité d’adjoint du directeur de cabinet et travaillait dans deslocaux situés 174, boulevard Saint-Germain. Il quittait son emploi en octobre 1993.Jusqu’en juillet 1995 il travaillait au cabinet du premier ministre. Il démissionnait le 17juin 1996 après avoir été mis en congé sans rémunération pour convenance personnellependant une durée totale de 11 mois à compter du 17 juillet 1995. 5- François VUILEMIN était recruté par contrat en date du 12 novembre 1992. Il étaitaffecté à la direction du cabinet comme collaborateur de Jean-Pierre DENIS directeuradjoint du cabinet du maire de Paris, jusqu’à sa démission intervenue le 27 juillet 1995.

6- Anne LANCELOT, recrutée par contrat en date du 12 novembre 1992 signé deMichel ROUSSIN, était également rattachée dès son recrutement à Jean-Pierre DENIS.Elle démissionnait de ses fonctions le 28 juin 1995. 7- Jean-Claude ANGENAULT était recruté comme collaborateur de Jean-PierreDENIS par contrat en date du 8 février 1994 signé par Rémy CHARDON, directeur decabinet du maire. Il démissionnait le 21 juillet 1995 pour devenir chargé de missionauprès du groupe RPR à l’Assemblée Nationale.

8- Jean-Michel BEAUDOUIN, recruté par contrat en date du 30 octobre 1989 signéMichel ROUSSIN, était affecté au service d’Yvon BRIANT qui exerçait les fonctions desecrétaire général du Centre National des Indépendants et Paysans. Il démissionnait de sesfonctions à compter du 1 février 1994. er

9- Patricia LEFEUVRE, recrutée par contrat en date du 30 mars 1990, était affectée auservice du même Yvon BRIANT. Il était mis fin à ses fonctions le 11 juillet 1994 auterme d’une procédure de licenciement. 10- Laurent SABATHIER était recruté selon contrat en date du 17 janvier 1992 signépar Michel ROUSSIN. Après quelques mois passés au service de Jean de GAULLE, alorsdéputé des Deux-Sèvres, il devenait collaborateur de Jean-Pierre DENIS. Il devait quitterses fonctions le 1 février 1994 pour satisfaire à ses obligations militaires.er

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11- Anne MOREL MAROGER épouse GRAND d’ESNON était recrutée à mi-temps,par contrat en date du 18 décembre 1992 signé par Michel ROUSSIN avec effet jusqu’au31 mars1993. Elle était mise à la disposition de Jean de GAULLE député des Deux-Sèvres.

12- David COURRON, également mis à la disposition de Jean de GAULLE, lequel étaitdevenu député de Paris en mars 1993, était recruté selon contrat en date du 15 juillet 1993signé Rémy CHARDON. Il était mis fin à ses fonctions en décembre 1995.

13- Pierre FIGEAC, secrétaire général permanent de l’Association Internationale desMaires et responsables des capitales et métropoles partiellement ou entièrementFrancophones (AIMF), était recruté selon contrat signé le 20 juillet 1992 par AnneCUILLE, adjointe au directeur du cabinet. Le 28 juin 1994, Pierre FIGEAC adressait sadémission à Rémy CHARDON.

14- Abdoulaye KOTE était recruté selon contrat signé le 18 octobre 1990 signé parMichel ROUSSIN. Il était employé comme chauffeur et garde du corps du secrétairegénéral du syndicat Force Ouvrière, Marc BLONDEL. Il était mis fin à ce contrat le 31mai 2001 par la démission de l’intéressé.

15- Pierre BOUÉ était recruté selon contrat signé le 9 avril 1985 par Jean-PierreDELPONT, secrétaire général adjoint, affecté au secrétariat général du Conseil de Parisafin d’apporter sa collaboration à Guy DRUT, maire adjoint. Le 10 septembre 1990,Michel ROUSSIN adressait une note au DAG afin de l’informer que Pierre BOUÉrelevait désormais des effectifs de la direction de cabinet, à compter du 1 septembreer

1990. Il était mis fin à ses fonctions le 1 août 1996 par une procédure de licenciement.er

16- Michèle GARNIER épouse BRES était recrutée selon contrat en date du 18 août1994 signé par Rémy CHARDON. Elle était mise à la disposition de François MUSSO,député européen et président de l’association régionale de soutien à la candidature deJacques CHIRAC sise en Corse. Il était mis fin à ce contrat le 16 mars 1996.

17- Madeleine FARARD, fonctionnaire territoriale admise à faire valoir ses droits à laretraite, recevait une lettre de commande en date du 2 janvier 1995 signée par RémyCHARDON lui confiant un travail de “confection de plaquettes et d’un rapport desynthèse destinés aux commémorations et parrainages organisés par la Ville de Paris”.

¤ Les chargés de mission considérés comme ayant été dépourvusd’affectation :

18- François DEBRÉ était recruté par contrat daté du 28 décembre 1993 signé par RémyCHARDON. La fragilité de son état de santé justifiait son placement en congé de maladiede façon ininterrompue du 1 octobre 1997 au 1 mars 1999. Il démissionnait finalementer er

de son emploi.

19- Jean-Claude MESTRE, premier adjoint au maire de Sarcelles et secrétaire de lasection RPR de cette ville, était recruté dans le cadre d’un détachement de la DirectionGénérale des Impôts, son administration d’origine, par contrat daté du 19 octobre 1990.

20- Annie DEMICHEL était recrutée par contrat du 26 octobre 1993 signé par RémyCHARDON.

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21- Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE, professeur agrégée de lettresclassiques en détachement, était recrutée selon contrat en date du 30 novembre 1981 signépar Bernard BILLAUD directeur de cabinet. Cette mise à disposition était renouveléerégulièrement jusqu’à la cessation de ses fonctions le 1 novembre 1993, l’intéresséeer

ayant alors été admise à faire valoir ses droits à la retraite.

¤ Les chefs de renvoi :

< à l’égard de l’auteur principal :

- Jacques CHIRAC est poursuivi en sa qualité de maire de Paris,comme auteur principal des délits qualifiés sur la période du 26 octobre 1992 au 1 marser

1994 d’abus de confiance et à compter du 1 mars 1994 et jusqu’au 16 mai 1995 deer

détournement de fonds publics pour avoir fait engager et rémunérer par la Ville de Parisles 21 chargés de mission précités.

< à l’égard des complices :

Michel ROUSSIN et Rémy CHARDON sont poursuivis pour avoiraidé à la commission des délits relatifs aux contrats signés par chacun d’eux ou leursadjoints, ce qui exclut les contrats signés par leurs prédécesseurs mais dont l’exécutionaurait perduré par la suite au delà de leurs prises de fonctions respectives :

- Michel ROUSSIN est poursuivi, sur la période du 26 octobre 1992au 1 mars 1993, comme signataire des contrats d’engagement et pour avoir permis leer

versement des salaires subséquents en qualité de complice du délit d’abus de confianceconcernant les emplois de Jean-Michel BEAUDOUIN, Babakar DIOP, AbdoulayeKOTE, Annie LANCELOT, Patricia LEFEUVRE, Jean-Claude MESTRE, Hugues de laROQUE, Laurent SABATHIER, François VUILEMIN et Anne MOREL MAROGERépouse GRAND d’ESNON. Concernant Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE, laprévention vise comme acte de complicité la signature de sa notation.

- Rémy CHARDON est poursuivi sur le même fondement pour lesseuls emplois de Jean-Christophe ANGENAULT, de Martine GARNIER épouse BRES,David COURRON et François DEBRÉ comme complice, sur la période du 1 mars 1993er

au 1 mars 1994, des délits d’abus de confiance et, sur la période à compter du 1 marser er

1994 au mois de juin 1995, des délits de détournement de fonds publics.

< à l’égard des receleurs :

L’ensemble des autres prévenus sont poursuivis pour avoir recélé lesfonds qu’ils savaient provenir de ces délits :

- soit en ayant bénéficié directement des rémunérations versées par la Ville de Paris pourun emploi sans contrepartie pour la Ville, à savoir :

¤ Pierre BOUÉ du 26 octobre 1992 au mois de mai 1996, à hauteurd’un montant total de salaires de 96.613,71 euros ;

¤ Jean-Claude MESTRE du 26 octobre 1992 à décembre 1996, àhauteur d’un montant total de salaires de 131.602,46 euros ;

¤ Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE du 26 octobre 1992 àoctobre 1993, à hauteur d’un montant total de salaires de 33.846,10 euros ;

¤ François DEBRÉ de décembre 1993 à décembre 1998, à hauteurd’un montant total de salaires de 107.341,24 euros ;

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- soit en ayant bénéficié de l’emploi de chargés de mission eux-mêmes rémunérés par laVille de Paris, à savoir :

¤ Jean de GAULLE pour avoir bénéficié du 26 octobre 1992 à mars1995 des emplois de David COURRON et Anne MOREL-MAROGER, à hauteur d’unmontant total de salaires de 69.322,63 euros ;

¤ Marc BLONDEL pour avoir bénéficié du 26 octobre 1992 àdécembre 1998, de l’emploi d’Abdoulaye KOTE, à hauteur d’un montant total de salairesde 75.712,36 euros ;

¤ François MUSSO pour avoir bénéficié entre août 1994 et mai 1995,de l’emploi de Marie-Thérèse GARNIER épouse BRES, à hauteur d’un montant total desalaires de 33.642,32 euros.

Le juge d’instruction rendait par ailleurs un non-lieu total du chef defaux et usage de faux.

E) le positionnement de la Ville de Paris en qualité de partie civile

Le 5 décembre 2001, la Ville de Paris, en la personne de son maire,Bertrand DELANOE, se constituait partie civile (D1873), ce qui impliquait le désistementde Pierre-Alain BROSSAULT.

Par lettre adressée au juge d’instruction le 4 juillet 2003, la Ville deParis se désistait de sa constitution de partie civile à l’encontre de la ConfédérationGénérale du Travail - Force Ouvrière à la suite du remboursement par celle-ci de lasomme de 281.012,42 euros correspondant au montant des salaires bruts perçus parAbdoulaye KOTE du 1 septembre 1990 au 31 mai 2001(D2742). ers

Par lettre du 15 juillet 2008, cette même partie civile informait le juged’instruction de Nanterre du paiement effectif par l’UMP, en exécution d’un protocoled’accord souscrit entre la Ville de Paris, représentée par son maire, Bertrand DELANOE,et l’UMP venant aux droits du RPR en qualité de civilement responsable d’Alain JUPPÉ,d’une somme de 889.618,64 euros (D3812-3815).

Il était indiqué que ce montant correspondait à hauteur de 629.743,83euros aux salaires perçus par les époux CHERKAOUI, Jérôme GRAND d’ESNON,Philippe MARTEL, Patrick STEFANINI, et Alain ROUGÉ, outre les intérêts au tauxlégal afférents et les débours exposés par la Ville de Paris.

Par lettre du 30 septembre 2010, la Ville de Paris informait le tribunalque “les préjudices qu’elle a subis ayant été réparés par la signature [d’un] protocoled’indemnisation”, dont elle joignait une copie non signée, elle se désistait de ses instanceset actions à l’encontre de l’ensemble des prévenus dans le dossier parisien.

Aux termes de ce document, il était indiqué :- que “M. Jacques CHIRAC ainsi que l’UMP venant aux droits et obligations du RPR,agissant en qualité de civilement responsable, s’obligent à verser à la Ville de Paris quil’accepte une somme de 2.218.072,46 euros” ; - que cette somme correspondait :

¤ à hauteur de 1.444.003,68 euros aux salaire perçus par les 21chargés de mission visés dans l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction parisien,

¤ à hauteur de 68.192,37 euros aux salaires perçus par MadeleineFARARD dans l’avis de mise en examen de Jacques CHIRAC dans l’information ouverteà Nanterre,

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¤ à hauteur de 590.210,11 euros aux intérêts au taux légal produits parces sommes,

¤ à hauteur de 115.666,30 euros aux débours exposés par la Ville deParis.

En exécution du même accord, notamment en ce qu’il prévoyaitl’indemnisation de la Ville de Paris des sommes perçues par Madeleine FARARD, laVille de Paris se désistait de sa constitution de partie civile à l’encontre de JacquesCHIRAC par lettre adressée au juge d’instruction de Nanterre le 13 octobre 2010 (D3625- dossier Nanterre).

II - Les déclarations des personnes poursuivies en qualité d’auteur principal et decomplices

A) Jacques CHIRAC

Jacques CHIRAC a débuté sa carrière politique en 1965 en Corrèzepar son élection au conseil municipal de Sainte-Féréole, puis au Conseil général deCorrèze sur le canton de Meymac et en 1970 à la présidence de ce conseil.

Il avait déjà été élu député de la 3 circonscription de la Corrèze àème

trois reprises en 1967, 1973 et 1976, quand il se présentait aux suffrages des électeursparisiens lors des scrutins municipaux de mars 1977, mars 1983 et mars 1989. Elu à troisreprises, il a exercé le mandat de maire de Paris sans discontinuer pendant 18 années.

Il a parallèlement assuré la présidence du Rassemblement pour laRépublique, le parti politique gaulliste qu’il avait créé en 1976, parti succédant à l’UDRdont il avait été secrétaire général en 1974 et 1975. Il devait démissionner de cetteprésidence le 4 novembre 1994 lors de l’annonce de sa candidature à la présidence de laRépublique.

Elu Président de la République le 7 mai 1995, Jacques CHIRAC étaitréélu le 5 mai 2002.

a) sur les faits d’ingérence et de prise illégale d’intérêts

Entendu en qualité de témoin assisté par le juge d’instruction deNanterre le 19 juillet 2007, Jacques CHIRAC réfutait l’idée d’un “système” qui aurait étémis en place à son initiative ou par quiconque tant au sein du RPR que de la Ville deParis. Les situations d’emplois retenues dans les poursuites devaient, selon lui, êtreconsidérées comme des cas individuels s’inscrivant dans des pratiques qui avaient étédéveloppées au fil du temps depuis longtemps dans tous les partis et pour le mouvementgaulliste dès après la guerre. Il excluait à cet égard toute action déterminée et organisée.

Il définissait son rôle du président du RPR comme étant purementpolitique. S’il ne s’était pas impliqué dans le fonctionnement interne du RPR, c’est parceque ce n’était pas sa nature et qu’il voulait demeurer libre de tout appareil. Son immixtiondans la vie du RPR s’était limitée aux réunions politiques. L’administration dumouvement n’était pas son souci. Il expliquait que sa conception de la présidence d’unparti reposait sur la confiance placée dans les personnes en charge des questions internesau mouvement. Il avait toujours pensé qu’en nommant des personnes compétentes etdéterminées, les choses allaient se régulariser normalement en assumant cetteresponsabilité, ce qu’elles avaient d’ailleurs fait.

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Il assurait n’avoir jamais été informé de l’existence d’emplois fictifs.A son niveau, il ignorait ce que, selon Yves CABANA, “tout le mode savait”.

Le 18 décembre 2009, lors de sa mise en examen, Jacques CHIRACdénonçait “le climat et les présupposés qui avaient dans cette affaire occulté la réalité”(D3214). Il soulignait que son nom n’apparaissait nulle part comme décideur, ni commeayant été à l’origine des embauches en cause et qu’il n’avait pas connu les personnesconcernées.

Il notait qu’un maire en général, a fortiori celui de Paris, avant d’êtreresponsable d’une organisation administrative, recevait la mission de promouvoir uneaction politique au service de ses concitoyens, ses lourdes tâches supposant naturellementde nombreuses et larges délégations.

Il faisait enfin valoir l’absence de tout enrichissement personnel dela part de quiconque.

b) sur les faits de détournement de fonds publics et abus de confiance

Jacques CHIRAC était mis en examen au terme de sa premièrecomparution, le 21 novembre 2007 (D3684). Il était, par la suite, de nouveau interrogé les5 décembre, les 16 et 20 juin et 3 juillet 2008 (D3702, D3805, D3806, D3807).

Dans ses premières déclarations devant le magistrat instructeur,Jacques CHIRAC mettait en avant le caractère éminemment politique de la fonction demaire de Paris. Il rappelait à cet égard que la Ville de Paris avait été gérée jusqu’en 1977par une administration dirigée par un préfet dont les modes de fonctionnement étaientéloignés des attentes de l’opinion publique. Le nouveau système était depuis lors gérépolitiquement sous l’autorité d’un maire élu.

Il faisait valoir que le maire de Paris regroupait entre ses mains despouvoirs importants qu’il exerçait dans des secteurs de compétences très diversifiés, qu’ilgérait un budget de cinq milliards d’euros, exerçait son autorité sur un ensemble de40.000 agents, était par ailleurs en relation constante avec les pouvoirs publics et devaitreprésenter la capitale sur la scène internationale.

Il expliquait que le secrétaire général de la Ville de Paris exerçaitquant à lui une autorité directe permanente sur les directeurs et sur le fonctionnementquotidien de la mairie. Camille CABANA avait été le premier à occuper ce poste.

Le directeur de cabinet du maire avait vocation à intervenir dans tousles domaines mais toujours sous l’autorité et l’impulsion du maire. Il participait auxréunions de cabinet hebdomadaires, de même que le 1 adjoint et l’adjoint aux finances,er

et divers collaborateurs du maire concernés par les sujets traités.

La mise en place du nouveau statut de la Ville avait nécessité lerecours à des collaborateurs, ce qui différait de l’esprit de l’administration préfectorale.Il estimait que sur les 300 chargés de mission recrutés, seule une petite vingtaine exerçaiteffectivement au cabinet du maire.

Jacques CHIRAC assumait la totale responsabilité de leursrecrutements, précisant à ce sujet : “Il y avait plusieurs hypothèses, soit je désignais moi-même les personnes, soit je le faisais sur proposition de mon directeur de cabinet ou du1 adjoint” (D3684/13). er

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Il déclarait : “Si je connaissais l’existence des chargés de mission, jene connaissais pas pour autant leur nombre précis ni même le nom de leurs bénéficiairescar je ne m’en occupais pas directement” (D3684/14).

Il affirmait avoir cependant ignoré qu’un “listing” de ces emploisexistât.

Il confirmait avoir décidé du transfert de la compétence en matièrede création d’emplois municipaux de la direction de l’administration vers la direction desfinances dont il avait choisi le responsable avec le plus grand soin, lui confiant unmaximum de moyens et de responsabilités. Le maire adjoint aux finances devait, quantà lui, avoir une vision plus globale et prospective et devait demeurer attentif aux grandsobjectifs plus politiques.

Jacques CHIRAC contestait la description du système telle quefournie par Georges QUEMAR (D3702).

En revanche, il se disait en parfait accord avec la description faitedans la lettre adressée au juge d’instruction le 7 novembre 2007 par ses cinq directeursde cabinet mis en examen (D3678) (D3702).

Il affirmait avoir ignoré que les contrats de chargés de missionn’avaient pas été soumis au contrôle de légalité jusqu’au 17 février 1988.

Il assurait n’avoir donné aucune instruction aux fins d’expurger lesdossiers après son départ de la mairie (D3702/9).

Enfin, il estimait essentiel d’examiner la question des chargés demission sous l’angle politique tant pour les chargés de mission auprès des groupespolitiques que pour les chargés de mission auprès du cabinet du maire, ce que, à ses yeux,la Chambre régionale des Comptess’était abstenue de faire.

B) Michel ROUSSIN

Entendu par les enquêteurs sous le régime de la garde à vue le 25septembre 2002 (D2203 & 2204), Michel ROUSSIN recevait notification de sa mise enexamen lors de sa première comparution le 22 janvier suivant (D2287). Il était denouveau interrogé le 26 mars 2008 (D3727).

Ayant quitté la Gendarmerie Nationale pour une intégration dans lecorps de la préfectorale en 1976, il devenait directeur de cabinet du directeur général duSDECE. Placé en disponibilité en 1981, il était embauché à la CGE. A la fin 1983, ilrejoignait la mairie de Paris en qualité d’administrateur, chargé de mission au cabinet dumaire. En 1985, il était nommé chef du cabinet du maire, fonction qu’il exerçait jusqu’en1986 sous l’autorité de Robert PANDRAUD, directeur de cabinet. Devenu préfet horscadre, il se voyait attribuer pendant la première cohabitation les fonctions de chef decabinet de Jacques CHIRAC, alors Premier ministre.

En mai ou juin 1988, il rejoignait la mairie de Paris en qualité dechargé de mission auprès du maire. Le 20 février 1989, il succédait à DanielNAFTALSKI au poste de directeur de cabinet du maire qu’il occupait jusqu’en janvier1993. Il obtenait une délégation de signature du maire par arrêté du 24 avril 1989.

Candidat aux élections législatives à Paris de mars 1993, il était élusous l’étiquette RPR.

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Il se voyait attribuer le portefeuille ministériel de la coopération au sein du gouvernementBALLADUR, de 1993 à 1994. Il était élu conseiller de Paris en 1995, adjoint au maireJean TIBERI chargé jusqu’en 1998 de la Francophonie, puis de la Défense jusqu’en 2001.

En tant que directeur de cabinet il était assisté :< de deux adjoints : Anne CUILLE (pour les questions administratives) et ChristineALBANEL (pour les questions culturelles),< d’un chef de cabinet : Jean-Eudes RABUT, < d’un total de 27 collaborateurs.

sur le recrutement des chargés de mission :

Michel ROUSSIN expliquait que, lors du vote du budget par leConseil de Paris, un volant de postes contractuels était mis à la disposition du secrétariatgénéral du Conseil de Paris ou du Secrétariat général de l’administration. Les demandesétaient présentées par les élus auprès du SGCP, ou bien par les directions administrativeset, dans les deux cas, elles étaient transmises à la DAG qui saisissait le directeur decabinet.

Tout en affirmant qu’aucun recrutement n’aurait pu être initié sansune telle demande, il déplorait qu’aucune trace n’en fût retrouvée dans les dossiers, àl’exception de celui de Jean-Claude MESTRE, s’agissant en l’occurrence d’une notedactylographiée datée du 9 mai 1990 signée Alain JUPPÉ (D3727/4).

Il indiquait que la position “cabinet du maire” est une positionadministrative “pour ordre”, position d’attente avant que l’intéressé soit affecté dans unedirection, auprès d’un élu ou d’une mairie d’arrondissement (D2287/4). Il décrivait ledirecteur de cabinet comme un “gestionnaire arithmétique” du nombre de contrats votéspar le Conseil de Paris mais n’exerçant aucun pouvoir d’opportunité. Le contrôle del’activité relevait de l’autorité qui avait émis la demande.

Le directeur de cabinet pouvait, lui-aussi, demander à bénéficier depostes de chargés de mission pour des besoins spécifiques ne pouvant être satisfaits eninterne. La décision était alors soumise à l’approbation du conseil sur justification. Cen’est que dans ce cas qu’il se trouvait en capacité d’exercer les pouvoirs d’autorité et decontrôle sur l’activité du contractuel. Il était donné quitus de ce recrutement par le conseilde Paris lors de la prise de fonctions du nouveau directeur de cabinet.

Michel ROUSSIN déclarait : “ Le directeur de cabinet est ungestionnaire d’une masse de contrats mis à la disposition de la maison pour faire faceaux besoins qui pouvaient être exprimés par les autorités administratives ou élues queje viens de lister ”(D3727/3). Il disait avoir ainsi disposé d’une réserve afin de répondreaux demandes des directions, des élus et des mairies d’arrondissements.

Michel ROUSSIN s’attachait à préciser que le maire de Paris “n’avaitaucun rôle dans le recrutement des chargés de mission (...) néanmoins , le maire de Paris,au même titre que les autres élus, avait évidemment qualité pour solliciter l’affectationd’un chargé de mission, y compris en ce qui le concerne, dans le cadre d’une enveloppebudgétaire disponible” (D3727/4).

C) Rémy CHARDON

Entendu par les enquêteurs le 19 septembre 2002 (D2196 & D2197),il recevait notification de sa mise en examen le 6 février 2003 (D2340). Il était denouveau interrogé le 19 mars 2008 (D3722).

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Il ressortait de ses explications qu’après deux années passées commeconseiller technique, d’avril 1986 à 1988, au cabinet du Premier Ministre JacquesCHIRAC, Rémy CHARDON avait été placé en position de préfet hors cadre sansaffectation de 1988 à 1990 avant d’intégrer en octobre 1990 la mairie de Paris où ilprenait la direction de l’inspection générale. Par arrêté du 26 février 1993 (prenant effetau 1 mars 1993), il était nommé, en remplacement de Michel ROUSSIN, directeur deer

cabinet du maire de Paris, poste qu’il occupait jusqu’en mai 1995. A la suite de l’électionde Jacques CHIRAC à la présidence de la République, il quittait la mairie de Paris pouroccuper un poste de chargé de mission au cabinet d’Alain JUPPÉ nommé PremierMinistre.

A la direction du cabinet du maire de Paris, il disposait de troisadjoints : < Jean-François VILOTTE (chargé des questions administratives), < Christine ALBANEL (chargée des affaires culturelles et religieuses), < Jean-Pierre DENIS (chargé du secteur économique).

Le chef de cabinet du maire était toujours Jean-Eudes RABUT, et lechef du bureau du cabinet était Marie-France FALABREGUE à laquelle devait succéderFrançois-Xavier MEYER en septembre 1994.

sur le recrutement des chargés de mission

Entendu par les enquêteurs, il faisait d’emblée remarquer que lesquestions de gestion du personnel liées spécifiquement aux chargés de missionreprésentaient une très faible part de ses activités.

Il précisait que les postes de chargés de mission avaient une existencebudgétaire individualisée, qu’on en dénombrait entre 350 et 400, que dans 99% des cas,le directeur de cabinet ne connaissait pas les personnes engagées au titre de ces contratsdont il n’avait pas la surveillance, celle-ci relevant du service affectataire (D2340/5). Ilne contrôlait que l’activité de ses collaborateurs directs.

Les chargés de mission pouvaient être directement affectés dans lesservices administratifs, ou bien au Secrétariat Général du Conseil de Paris, via laQuesture, pour être mis à la disposition des maires d’arrondissement, des élus ou desgroupes d’élus, ou bien encore, être affectés directement :< au cabinet du maire (15 à 20 conseillers techniques ou chargé de mission et leursecrétariat relevant du directeur de cabinet), < aux services qui étaient rattachés au cabinet (garage, courrier, service comptable etc...),< aux directions rattachées au cabinet (DGIC, DRI, DGAPP , Inspection Générale).

Il décrivait la procédure de recrutement commençant par une demandeadressée au directeur de cabinet qui vérifiait la disponibilité de l’emploi budgétairesollicité en fonction du niveau de recrutement (cadre moyen ou cadre supérieur). C’était,selon lui, un travail purement “arithmétique”. Son pouvoir d’appréciation, pour lespersonnes affectées à l’extérieur du cabinet, se bornait à s’assurer de la disponibilité ducontrat et de la correspondance entre les catégories demandée et existante. C’est le cabinetqui donnait ensuite l’ordre à l’administration (DAG) de préparer le contrat et de le fairesigner par l’intéressé avant d’en faire retour pour signature par le directeur de cabinet.

Rémy CHARDON précisait que dès la signature du contrat, le chargéde mission était placé sous l’autorité et le contrôle de la personne qui avait demandé sonrecrutement.

Sur les termes du contrat, il indiquait : “Les contrats étaient à duréemensuelle tacitement reconductibles et à défaut de résiliation de la part d’une des parties,ils se poursuivaient automatiquement. Ils devenaient en fait des contrats à durée

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indéterminée” (D2340/5). De sorte qu’ils se poursuivaient sans intervention du directeurde cabinet. Tout ce qui concernait les absences et congés maladie n’était pas porté à laconnaissance du directeur de cabinet mais à celle de la DAG ou des unités de gestion encharge du contrat. S’il n’y avait pas de notations telles que les fonctionnaires peuvent enconnaître, il y avait une appréciation écrite qui était versée au dossier sans êtrecommuniquée au directeur de cabinet.

Il déclarait : “Je n’ai pas eu le sentiment de procéder à desrecrutements pour des fonctions étrangères à la ville puisque j’ai toujours été saisi dedemandes émanant d’autorités légitimes à le faire” (D2340/6).

Contrairement à ce qu’avait pu soutenir Michel ROUSSIN, il assuraitque les demandes de recrutement ne devaient pas se trouver dans les dossiersadministratifs, ces pièces étant conservées par le bureau du cabinet. Ce qui signifie quel’administration générale devait ignorer qui était à l’origine de la demande ou le serviceaffectataire (D2340/28 et 29).

Il indiquait que, lors de sa prise de fonction, il n’avait pas demandéun état des chargés de mission (D2340/29), alors que le cabinet disposait d’un dossierembryonnaire correspondant à chaque emploi existant.

sur la lettre adressée au juge d’instruction par les directeurs de cabinet mis en examen

La thèse, commune à Michel ROUSSIN et Rémy CHARDON, étaitreprise à l’occasion d’une “démarche collective de rappel” des cinq directeurs de cabinetalors mis en examen (Robert PANDRAUD, Daniel NAFTALSKI, Michel ROUSSIN,Rémy CHARDON et Bernard BLED), sous la forme d’une note adressée au Juged’instruction en date du 7 novembre 2007 (D3678).

Au sujet de l’affectation administrative et comptable “cabinet dumaire”, présentée comme une affectation pour ordre, il était précisé dans cette note que“dans le budget de la ville, depuis l’origine, les crédits correspondants [étaient]rattachés au cabinet et qu’elle [n’induisait] le plus souvent pas l’exercice de son activitéprofessionnelle au sein du cabinet” (page2).

Les signataires de cette lettre rappelaient que la gestion del’enveloppe des contrats de chargés de mission votée annuellement par le Conseil de Parisconstituait pour le directeur de cabinet une “infime partie des lourdes fonctions luiincombant [était] purement numérique et [n’impliquait] aucun contrôle d’opportunité”.

Selon eux, la tâche du directeur de cabinet se déroulait en quatretemps :< réception des demandes,< vérification de la disponibilité,< retransmission de la requête à la DAG,< signature du contrat.

En dehors des quelques collaborateurs personnels qu’il choisissaitpour la durée de vie de son cabinet, “le directeur de cabinet ne peut pas enjoindreproprio motu de procéder à un recrutement de chargé de mission”.

L’exécution du contrat relevait du service affectataire, le directeur decabinet n’intervenant que s’il était saisi par ce même service par exemple d’une demandede revalorisation ou de fin de contrat. Il n’avait ni la mission ni le pouvoir de veiller àl’exécution du contrat qu’il avait signé ou qui avait pu être signé par son prédécesseur etse trouvait privé de toute autorité sur le titulaire du contrat.

Il était rappelé les termes de la réponse faite par Jean-MichelBOURDIN, pour le compte de la Ville de Paris, aux questionnaires de la Chambrerégionale des Comptes en date du 11 mars 1999.

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Enfin, les auteurs de cette note faisaient référence aux termes del’ordonnance de règlement rendue le 16 mai 2003 par le juge d’instruction de Nanterredisant n’y avoir lieu à suivre à l’encontre de Rémy CHARDON qui avait été mis enexamen pour complicité par assistance en sa qualité de directeur de cabinet du maire deParis de prise illégale d’intérêts (D2522 du dossier de Nanterre), tandis que MichelROUSSIN avait bénéficié, dans le dernier état de la procédure, du statut de témoin assisté(D3006 du même dossier).

Cette ordonnance était ainsi motivée :“ Attendu qu’aucune complicité n’a pu être démontrée au sein de la Mairie de Paris ; quele simple fait d’avoir signé, de manière formelle et à raison de leurs attributionsfonctionnelles, les contrats de certains des employés de la ville ayant en réalitéessentiellement ou totalement travaillé pour le RPR, ne saurait en soi, faute d’élémentscomplémentaires démontrant la connaissance qu’ils auraient eu du caractère fictif de cesemplois, permettre de poursuivre les directeurs de cabinet successifs concernés du mairede Paris, Messieurs ROUSSIN et CHARDON ; que Monsieur CHARDON bénéficiera enconséquence d’un non-lieu ”(D3113 page 21).

Questionné sur le fait que le document du 7 novembre 2007mentionnait pour la première fois le maire de Paris comme l’une des autorités pouvantdéclencher la procédure de recrutement (au même titre que les directions administratives,les maires d’arrondissement, les élus ou le secrétaire général du Conseil de Paris) alorsqu’il n’en avait pas été fait mention jusque-là, Rémy CHARDON se contentait derépondre : “Il serait extravagant que l’exécutif de la ville soit le seul élu à ne pouvoirdemander le recrutement de chargé de mission ou de tout autre collaborateur”(D3722/5).

***

Les déclarations des autres prévenus feront l’objet d’un rappel lorsde l’évocation de chacun des contrats les concernant dans la seconde partie de cejugement, de même que les déclarations faites par Jacques CHIRAC, Michel ROUSSINet Rémy CHARDON à propos de chacun des contrats fondant les poursuites engagées àleur encontre.

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2 partie :ème

décision du tribunal

Sur la jonction des procédures :

Attendu que le tribunal est saisi d’une première procédure, enregistrée sous le numéro deparquet 9834923017, sur renvoi du juge d’instruction de ce tribunal en date du 30 octobre2009, suivie contre Jacques CHIRAC, Michel ROUSSIN, Rémy CHARDON, Jean deGAULLE, François MUSSO, Marc BLONDEL, Pierre BOUÉ, Jean-Claude MESTRE,Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE et François DEBRÉ du chef d’abus deconfiance, détournement de fonds publics, complicité de ces délits et recel ;

que par arrêt de renvoi de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 8décembre 2010, le tribunal est également saisi de la procédure enregistrée sous le numérode parquet 1100708013 faisant suite à l’information ouverte au Tribunal de grandeinstance de Nanterre et clôturée par ordonnance du magistrat instructeur en date du 6novembre 2010 renvoyant Jacques CHIRAC devant le tribunal correctionnel du chef deprise illégale d’intérêt ;

Attendu que Jacques CHIRAC est poursuivi dans ces deux procédures en qualité d’auteurprincipal des faits de prise illégale d’intérêts d’une part et d’abus de confiance et dedétournement de fonds publics d’autre part ; que ces faits sont concomitants en ce qu’ilsse situent au cours des mêmes périodes, soit au cours des années 1990 à 1994 d’une partet d’octobre 1992 au 16 mai 1995 d’autre part ; qu’à supposer les faits établis, ilss’inscrivent dans le cadre de l’exercice par Jacques CHIRAC des fonction notamment demaire de Paris et sont relatifs à des emplois au sein de son cabinet, la victime présuméeétant dans les deux cas la Ville de Paris ;

Attendu qu’il apparaît conforme aux intérêts d’une bonne administration de la justice queces deux procédures soient examinées conjointement au cours d’un unique procès ;

qu’il convient en conséquence d’ordonner la jonction de la procédure suivie contreJacques CHIRAC du chef de prise illégale d’intérêts enregistrée sous le numéro deparquet 1100708013 à la procédure suivie contre Jacques CHIRAC, Michel ROUSSIN,Rémy CHARDON, Jean de GAULLE, François MUSSO, Marc BLONDEL, PierreBOUÉ, Jean-Claude MESTRE, Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE et FrançoisDEBRÉ du chef d’abus de confiance, détournement de fonds publics, complicité de cesdélits et recel, enregistrée sous le numéro de parquet 9834923017 ;

I- Sur les exceptions in limine litis

A - Sur la nullité de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel renduele 30 octobre 2009 par le juge d’instruction de Paris tirée de la prescription del’action publique :

Le conseil de Rémy CHARDON a déposé des conclusions tendant àvoir prononcer la nullité de l’ordonnance de règlement en ce qu’elle poursuit des faitsqu’elle ne pouvait examiner ni a fortiori renvoyer à l’examen du tribunal.

Il estime que la notion de connexité, définie par l’article 203 du Codede procédure pénale, ne peut être étendue à la prescription de l’action publique sanss’inscrire en contradiction avec les termes de la loi, les articles 7 et 8 du Code deprocédure pénale.

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Il fait valoir : - qu’en l’espèce le premier acte interruptif de prescription est la plainte avec constitutionde partie civile du 15 décembre 1998 de M. BROSSAULT et qu’en conséquence les faitsreprochés à son client, étant antérieurs au 16 décembre 1995, étaient prescrits dèsl’ouverture de l’information et ne peuvent être poursuivis ;- subsidiairement, que si, aux termes de l’arrêt de la chambre de l’instruction de la Courd’appel de Versailles du 13 janvier 2006, l’acte interruptif de prescription dans le dossierde Nanterre permettant par l’effet de la connexité la poursuite des faits à Paris est leréquisitoire supplétif du 17 avril 1998, le juge d’instruction de Paris ne pouvait se référerà un autre acte interruptif, à savoir le soit-transmis ayant entraîné le début des poursuitesà Nanterre ;- que l’acte interruptif du 17 avril 1998 ne saurait faire revivre le caractère un tempsinterruptif de prescription de l’enquête préliminaire diligentée entre avril et août 1995 ;- que dès lors la poursuite ne peut concerner des actes accomplis avant le 17 avril 1995.

Sur quoi, le tribunal :

Attendu l’article 385 du Code de procédure pénale donne compétence au tribunalcorrectionnel pour constater les nullités résultant d'éventuels manquements auxdispositions des articles 183 et 184 du même code affectant l’ordonnance du juged’instruction qui le saisit ;

qu’il est établi par les pièces du dossier que l’ordonnance de règlement rendue le 30octobre 2009 a été régulièrement notifiée au concluant et qu’elle satisfait aux exigencesdes textes précités ;

que dès lors, si les conclusions de nullité émanant de la défense de Rémy CHARDONsont recevables en la forme pour avoir été régulièrement déposées avant toute défense aufond, elles ne pourront qu’être rejetées en ce qu’elles se bornent à contester l’applicationfaite par le juge d’instruction des règles en matière de prescription de l’action publiquece qui ne saurait avoir d’incidence sur la validité intrinsèque de sa décision ;

B - Sur l’exception de nullité de l’ordonnance rendue le 30 octobre 2009 par le juged’instruction de Paris et de la procédure subséquente, tirée du non respect du délairaisonnable et d’extinction de l’action publique :

Par conclusions déposées à l’audience du 5 septembre 2011, le conseilde Jean de GAULLE demande au tribunal, au visa des articles 6 et 13 de la ConventionEuropéenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, del’article préliminaire du Code de procédure pénale et 6, 8, 171 et 802 du même code, deprononcer la nullité de la procédure et notamment de l’ordonnance de renvoi en date du30 octobre 2009 et de la citation délivrée devant le tribunal et, subsidiairement, deconstater l’extinction de l’action publique.

Il rappelle que les faits reprochés au prévenu se situent entre le 26octobre 1992 et mars 1995, que l’instruction a été ouverte par réquisitoire introductif endate du 6 janvier 1999, que le prévenu n’a été entendu qu’à deux reprises les 11 juillet2002 et le 12 septembre 2003, jour de sa mise en examen, que l’ordonnance de renvoi estintervenue le 30 octobre 2009, qu’à l’audience du 1 octobre 2010, le tribunal a renvoyéer

l’affaire au 7 mars 2011, que l’affaire a été une nouvelle fois renvoyée à la suite d’unsursis à statuer prononcé par le tribunal consécutif à la transmission à la Cour de cassationd’une question prioritaire de constitutionnalité.

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Il estime que les faits sont anciens de près de vingt ans, que les délaisne sont pas justifiés par la complexité des faits qui, au surplus, n’ont jamais été cachéset n’ont pas nécessité une enquête approfondie pour les découvrir, que cette situationprive de façon manifeste le prévenu du droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Ildemande que la méconnaissance de ce droit, préjudiciable aux intérêts du prévenu, soitsanctionnée par la nullité de la procédure ou, subsidiairement, par l’extinction de l’actionpublique.

Par conclusions déposées et visées à la même audience, le conseil deRémy CHARDON sollicite également, au visa des mêmes textes, que soit constatéel’extinction de l’action publique et prononcée la nullité de l’ordonnance de renvoi. Ilinvoque l’absence d’acte utile à la manifestation de la vérité sur les périodes du 19 mars2004 au 17 avril 2007 d’une part et du 30 octobre 2009 au 7 mars 2011 d’autre part, sansque la complexité de l’affaire ni le comportement du prévenu puisse l’expliquer. Il faitvaloir que cette tardiveté est la conséquence de périodes d’inertie de l’institutionjudiciaire.

Le conseil de François MUSSO a également déposé des conclusionsaux fins de voir constater l’extinction de l’action publique en raison du non-respect dudélai raisonnable eu égard à l’ancienneté des faits (onze ans), la durée de la procéduren’étant pas imputable au prévenu, et, par voie de conséquence, de voir prononcer lanullité de la procédure, notamment de l’ordonnance de règlement.

Dans ses écritures en réponse datées du 5 septembre 2011, tendant aurejet des conclusions déposées dans l’intérêt de Rémy CHARDON relatives à l’extinctionde l’action publique pour non-respect du délai raisonnable, l’association Anticorsoutient :- que le prévenu est irrecevable à invoquer le manquement au délai raisonnable dans lamesure où le manquement invoqué serait antérieur à la clôture de l’information ;- qu’il ne découle de l’article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droitsde l’Homme et des Libertés Fondamentales aucun droit subjectif sur lequel le prévenupourrait s’appuyer pour voir annuler la procédure ;- que les droits étrangers européens ne procèdent pas différemment de la France en nesanctionnant pas le manquement de nullité de la procédure.

L’association Anticor rappelle que les retards de la procédure sont liésà l’immunité dont bénéficiait Jacques CHIRAC en qualité de Président de la Républiqueet qu’aux périodes visées, cette procédure ne concernait pas uniquement RémyCHARDON mais également sept autres prévenus qui, pour leur part, ont fait l’objetd’actes d’instruction.

Sur quoi, le tribunal :

Attendu qu’en application de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, il doitêtre définitivement statué dans un délai raisonnable sur l’accusation dont la personnepoursuivie fait l’objet ;

Attendu que la notion de délai raisonnable est nécessairement indissociable du contextede l’ensemble de l’affaire ; que dès lors l'appréciation portée en la matière doit prendreen considération la complexité d’ensemble de l’information ;

Attendu qu'il n'est pas sans intérêt de relever à cet égard qu'en l’espèce, pas moins dequinze personnes ont été mises en examen du chef de recel et que la personne poursuivieen qualité d’auteur principal a bénéficié d’une immunité pénale jusqu’en juin 2007 ;

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que la simple lecture des 29 tomes que représentent les actes diligentés dans le seuldossier parisien permet de constater que de très nombreuses investigations ont été menéesde façon diligente par les enquêteurs dans le cadre des commissions rogatoires dont ilsont été chargés par le magistrat instructeur les 22 février 1999, 13 septembre 2000, 14mars 2003, 2 mai 2003 et 4 mai 2007 ; qu’il a notamment été procédé à l’étude des 481emplois suspectés à l’origine, ainsi qu’à la saisie et l’analyse des contrats et à l’auditionde 242 chargés de mission, que par ailleurs sept mis en examen ont saisi le juged’instruction de requêtes tendant à voir constater l’extinction de l’action publique parl’effet de la prescription ; que ces recours, portant sur des points fondamentaux deprocédure, ont été engagés courant 2003 et 2004 devant le magistrat instructeur et ontfinalement donné lieu à deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation endate des 17 mai 2006 et 26 juin 2007 déterminants la suite et l'achèvement de laprocédure ; que la mise en examen de Jacques CHIRAC est intervenue dès le 21novembre 2007, soit quatre mois après la levée de son immunité présidentielle, qu’il a étéprocédé à ses interrogatoires les 21 novembre et 5 décembre 2007 ainsi que les 16 juin,20 juin et 3 juillet 2008 ;

que si Jean de GAULLE est poursuivi pour des faits de recel anciens en ce qu’ils sesituent entre le 26 octobre 1992 et le mois de mars 1995, s’il n’a été entendu au cours del’information qu’à deux reprises (une première fois, le 11 juillet 2002, par les enquêteursagissant sur commission rogatoire et une seconde fois, le 12 septembre 2003, lors de sapremière comparution devant le magistrat instructeur), si, comme il le soutient, les faitsqui lui sont reprochés, portant sur quatre emplois de chargés de mission, sont relativementsimples et n’ont pas nécessité de nombreuses investigations, il convient de rappeler queces faits ont été révélés par les investigations consécutives au dépôt de plainte de Pierre-Alain BROSSAULT, de décembre 1998, et que David COURRON, l'un des bénéficiairesdes emplois présumés fictifs le concernant, n’a pu être entendu que le 27 février 2008 àson retour du Japon ;

Attendu qu’il est établi par les pièces du dossier que l’avis de fin d’instruction de l’article175 du Code de procédure pénale de même que les réquisitions du ministère public etl’ordonnance de règlement, rendue par le magistrat instructeur le 30 octobre 2009, ontété régulièrement notifiés aux concluants ;

qu'aucun d'eux n’a présenté de demande tendant à voir clore l’information ou constaterau stade du règlement de la procédure le non-respect du délai raisonnable et que n’ont pasdavantage été exercés les droits reconnus par l’article 175-1 ou 221-2 du Code deprocédure pénale ;

que dans ces circonstances ceux-ci ne sont plus recevables à invoquer devant le tribunalcorrectionnel un vice affectant la procédure antérieure au règlement de la procédured'instruction ;

Attendu que la procédure ultérieure s'est limitée à la délivrance de citations à comparaîtreen exécution de cette même ordonnance et à des jugements de renvoi, mesuresd’administration judiciaire ; que l'affaire a été audiencée à une première audience defixation en mars 2010 et a fait l’objet, à la demande de la défense de Jacques CHIRAC,de deux renvois successifs en raison de la connexité avec une autre affaire intéressant l’undes prévenus et en attente de règlement, sans que l’on puisse voir dans ces mesuresd'administration judiciaire les effets d’une quelconque “inertie judiciaire” telle quedénoncée par les conseils de Rémy CHARDON ;

Attendu que le manquement au délai raisonnable, en violation de l’article préliminaire duCode de procédure pénale et l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde desDroits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, ne constitue pas une des causes denullité de l'ordonnance de règlement mentionnées par l'article 385 du Code de procédure

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pénale, ni des citations délivrées aux prévenus, et n’est pas inclus parmi les causesd’extinction de l’action publique limitativement énumérées par l’article 6 du même code ;

Attendu qu’il s’ensuit que les conclusions déposées par les défenses de Jean de GAULLE,François MUSSO et Rémy CHARDON tendant à voir au principal prononcer la nullitéde l’ordonnance de règlement et de la procédure subséquente, et subsidiairement constaterl’extinction de l’action publique, ne pourront qu’être rejetées ;

C - Sur la recevabilité des parties civiles

Par lettre reçue au greffe le 7 janvier 2011, l’association Anticors’est constituée partie civile dans les deux procédures.

Selon des écritures régulièrement déposées et visées à l’audience du5 septembre 2011, l’association Anticor conclut, au visa de l’article 411 du code deprocédure pénale, à la comparution personnelle du prévenu Jacques CHIRAC à compterdu 6 septembre 2011 et jusqu’à la clôture des débats. Subsidiairement, et oralement àl’audience, elle a suggéré l’organisation d’une mesure d’expertise.

Par conclusions déposées à l’audience du 19 septembre 2011, elleréclame la condamnation de Jacques CHIRAC à lui payer la somme de 47.946,07 euros,ainsi que sur cette somme in solidum, - à hauteur de 22.024 euros, Michel ROUSSIN, - à hauteur de 4.595,89 euros, Rémy CHARDON, - à hauteur 6.463, 29 euros, Marc BLONDEL, - à hauteur de 2.224,57 euros, François DEBRÉ, - à hauteur 1.931,09 euros, Pierre BOUÉ, - à hauteur de 773,77 euros, François MUSSO, - à hauteur de 590,35 euros, Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE, et de condamner in solidum l’ensemble des prévenus à lui payer la somme de 50.000euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

Jacques BIDALOU s’est constitué partie civile par lettres reçues augreffe les 2 et 3 mars 2011. Il a demandé le paiement d’une somme de 6,16 euros à titrede dommages-intérêts.

Par courrier reçu au greffe de la juridiction le 16 août 2011, il ademandé au tribunal de refuser tout défaut de comparution du prévenu Jacques CHIRAC.

Dans des écritures déposées à l’audience du 5 septembre, il a sollicitéle sursis à statuer et le renvoi de l’affaire jusqu’à la manifestation de la vérité dansl’élimination de l’agent du fisc Guy GRALL, du ministre Robert BOULIN, du jugeBIDALOU, et du préfet BONNET et la destitution des faussaires professionnels,magistrats, notaires ou ministres qui bafouent la foi publique et les valeurs civiques deleurs faux authentiques.

Jacques BIDALOU a en outre déposé :< à l’audience du 7 septembre 2011, des conclusions tendant à lui voir donné acte del’introduction d’un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du 5 septembre 2011 renduesur le fondement de l’article L221-1 du Code du patrimoine ;< à l’audience du 8 septembre 2011, des conclusions tendant à voir appeler en la causeM. Le Bâtonnier pour régler un conflit d’intérêt l’opposant à Me KIEJMANN etinterdisant à ce dernier, selon le concluant, d’assurer la défense de Jacques CHIRAC ;< à l’audience du12 septembre 2011, des écritures tendant à voir ordonner préventivementla mise sous séquestre du château de Bity et d’une bague Piaget en application desdispositions de l’article 695-9-7 et suivants du Code de procédure pénale ;< à l’audience du 15 septembre 2011, des conclusions aux fins de citation en qualité detémoin de M. Michel MERCIER, garde des Sceaux, Ministre de la Justice ;

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< à l’audience du 21 septembre 2011, des conclusions dites “in fine litis”, demandantqu’il lui soit donné acte de l’envoi de ces mêmes conclusions au Conseil Supérieur de laMagistrature en application de l’article 65 de la Constitution.

Par note en délibéré parvenue au greffe le 5 octobre 2011, JacquesBIDALOU sollicite la suspension du délibéré en cours et le sursis à statuer jusqu’à ladécision du conseil des Ministres saisi par lui d’une demande d’autorisation de citer enqualité de témoin Monsieur Michel MERCIER, Garde des Seaux.

Par lettres reçues au greffe les 22 avril 2010, 9 août et 16 septembre2010, l’association Défense des Citoyens, représentée par son président ClaudeKARSENTI et ce dernier à titre personnel se sont constitués parties civiles.

Par courrier reçu au greffe le 4 mars 2011, le conseil de l’associationDéfense des Citoyens a également sollicité le sursis à statuer à la suite de la plaintedéposée la veille auprès du procureur de la République de Paris par Claude KARSENTIpour abus de confiance relative à la conclusion de l’accord transactionnel entre l’UMP,Jacques CHIRAC et la Ville de Paris.

L’association Défense des Citoyens a déposé des écritures tendant àvoir : < déclarer nul le jugement du 8 mars 2011 rendu malgré l’appel du jugement du 31 janvier2011 et la demande de récusation des magistrats composant la 11ème chambre 3 sectionème

pour conflit d’intérêts ;< dire nul l’accord signé par Jacques CHIRAC avec la mairie de Paris et l’UMP et lesuspendre de toute activité étatique.

Par écritures séparées également visées à la même audience, Défensedes Citoyens demande qu’il lui soit donné acte de l’inscription de faux relative à une“ordonnance de circonstance d’un premier président inféodé à une oligarchie réunie enassociation de malfaiteurs lui-même pris dans un conflit d’intérêts”.

A l’audience du 19 septembre 2011, l’association Défense desCitoyens a sollicité la condamnation des prévenus à lui payer la somme d’un euro à titrede dommages-intérêts et 5.000 euros en application de l’article 475-1 du Code deprocédure pénale.

Claude KARSENTI a, pour sa part, demandé la condamnation desprévenus à lui payer la somme d’un euro à titre de dommages-intérêts et demande autribunal de dire nul l’accord signé par Jacques CHIRAC.

Par lettre reçue au greffe le 26 janvier 2011, se sont constitués partiesciviles, l’association Halte à la Censure au Despotisme et l’Arbitraire (HCCDA),l’association Citoyens Anti-Mafia Judiciaire (CAMJ) représentées par leur présidentJoël BOUARD et à titre personnel, Gérard PRELORENZO.

Par lettre déposée à l’audience du 7 septembre 2011, GérardPRELORENZO a déposé des conclusions tendant à voir confirmer son droit à être présentà l’audience conformément à ses droits légaux.

Par décision du 23 septembre 2011 le bureau d’aide juridictionnelledu Tribunal de grande instance de Paris a constaté la caducité de la demande d’aidejuridictionnelle présentée par Gérard PRELORENZO le 5 septembre précédent.

A l’audience du 19 septembre 2011, les associations HCCDA etCAMJ n’ont pas présenté de demandes.

Par lettre reçue au greffe le 1 septembre 2010, Maître CANOY aer

déclaré se constituer pour le compte de “quelques contribuables parisiens”, et notammentEric DARQUES. Par courrier du 5 janvier 2011 il a précisé intervenir pour le compte duseul Maurice NOUSCHI, contribuable parisien. Il ne représentait plus Eric DARQUES,qui de ce fait n’était plus dans la procédure.

A l’audience du 19 septembre 2011, Me CANOY a demandé lacondamnation des prévenus à payer à son client la somme d’un euro à titre de dommages-intérêts.

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Thierry AMBLARD, déclarant représenter en qualité de président laLoge Reniant la Nationalité Française, s’est constitué partie civile pour le compte decette dernière par lettre datée du 1 octobre 2010 adressée au procureur de la Républiqueer

et reçue au greffe le 27 octobre suivant.

Paul BETOUT s’est constitué partie civile par lettre datée du 16novembre 2010. Il demande la condamnation des prévenus à lui payer une sommeminimale d’un euro.

Alain LAROCHE s’est constitué partie civile par déclaration reçueau greffe le 3 mars 2011. Il demande la condamnation des prévenus à lui payer la sommede 85.000 euros (au titre du salaire qui ne lui a pas été versé d’août 1993 à juin 1998) et1.000.000 euros, à titre de réparation de son préjudice moral consécutif à ses dix-septannées d’exclusion.

David DJAKA, se disant DJAKA 1er, s’est constitué partie civile parlettre reçue au greffe le 5 septembre 2011 pour le compte du “Royaume Gondi”.

L’association “Soleil” s’est constituée partie civile par lettre adresséeau Procureur de la République le 18 février 2011 et reçue au greffe le 17 mai suivant. Parcourrier recommandé avec avis de réception reçu le 2 mai 2011, l’association “Soleil” asollicité la condamnation des prévenus à lui payer la somme de 150.000 euros.

Jacques GOGUY s’est constitué partie civile à l’audience du 7 mars2011. Il déclare avoir été victime du détournement de la fortune de son père KurtMULLER. Il s’est de nouveau présenté à l’audience du 5 septembre 2011 pour confirmersa constitution de partie civile.

L’association “Nouvelle des victimes des Erreurs etDysfonctionnements Judiciaires” représentée par Jacques GOGUY, s’est égalementconstituée à l’audience du 5 septembre 2011 (Notes d’audience p.13).

Par lettre du 30 septembre 2010 adressée au tribunal, la Ville de Paris,régulièrement constituée partie civile auprès du juge d’instruction parisien le 7 décembre2001 (D1873), a déclaré se désister de ses instances et actions à l’encontre de l’ensembledes prévenus dans ce dossier, “les préjudices qu’elle a subis ayant été réparés par lasignature d’un protocole d’indemnisation”, conclu entre elle-même, Jacques CHIRAC etl’Union pour un Mouvement Populaire (UMP), dont elle justifiait.

A l’audience du 5 septembre 2011, la défense de Jacques CHIRACa déposé des conclusions d’irrecevabilité des constitutions de parties civiles.

Elle fait valoir :- que le tribunal est saisi de faits d’abus de confiance, de détournement

de fonds publics et de prise illégale d’intérêts susceptibles d’avoir été commis au seulpréjudice de la Ville de Paris,

- que le tribunal n’est saisi d’aucun fait commis au préjudice desparties civiles intervenantes,

- que les faits poursuivis n’ont causé aucun préjudice direct etpersonnel aux parties civiles qui ne revendiquent pas la qualité de contribuables de la Villede Paris s’agissant de MM. Eric DARQUES, Gérard PRELORENZO, Jacques BIDALOU,Alain LAROCHE, des associations Loge Reniant la Nationalité Française, Anticor,Défense des Citoyens et Soleil,

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- que l’actuel maire de Paris ayant exercé, depuis son intervention dansle dossier le 5 décembre 2001 et jusqu’à la transaction conclue entre la Ville de Paris etl’UMP le 30 septembre 2010, les actions de la commune de Paris dans le cadre de laprocédure pénale, nul contribuable ne saurait prétendre rechercher au nom de la Ville deParis l’indemnisation du préjudice de cette dernière, ce qui est le cas d’Eric DARQUESet Maurice NOUSCHI ;

- que, de surcroît, concernant Julien BAYOU, celui-ci a vu rejeter sademande d’autorisation d’exercer l’action civile aux lieu et place de la Ville de Paris parle Tribunal administratif de Paris puis par le Conseil d’Etat par arrêt du 26 juillet 2011 ;

- que les associations Défense des Citoyens, Halte à la Corruption leDespotisme et l’Arbitraire (HCCDA), Citoyens Anti-Mafia Judiciaire (CAMJ) et Anticorn’ont vocation qu’à représenter les intérêts collectifs de leurs membres qui , eux-mêmes,ne souffrent pas de préjudice direct et personnel à raison des infractions poursuivies ;

- que l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en datedu 9 novembre 2010 n’affirme nullement le droit pour une association de se constituerpartie civile par voie d’intervention devant la juridiction pénale de fond, qu’en admettantla simple possibilité d’un préjudice en relation directe avec les faits, la chambre criminelles’est prononcée sur la recevabilité d’une telle constitution devant la juridiction del’instruction régie par les dispositions plus souples des articles 85 et suivants du Code deprocédure pénale, cette décision s’inscrivant dans un contexte procédural dans lequell’action civile était destinée à mettre en mouvement l’action publique, ce qui n’estnullement le cas dans la présente espèce ;

- que cette voie procédurale a été fermée par le législateur auxassociations non agréées qui, comme Défense des Citoyens, Halte à la Corruption leDespotisme et l’Arbitraire (HCCDA), Citoyens Anti-Mafia Judiciaire (CAMJ), Anticor,Loge Reniant la Nationalité Française et Soleil, prétendent poursuivre des missionsd’intérêt collectif, ainsi que le démontrent les débats parlementaires ayant précédél’adoption de la loi n°2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre lacorruption ;

- que l’objet statutaire de l’association Défense des Citoyens ainsi quela localisation de son siège dans le département des Hauts-de-Seine, lui interdisent derevendiquer un préjudice découlant des faits soumis au tribunal ;

- que l’action publique ayant effectivement été mise en mouvementpréalablement à son intervention, l’objet de l’association Anticor ne saurait, fauted’habilitation à exercer l’action civile en application des articles 2-1 à 2-21 du Code deprocédure pénale, prendre à leur compte l’action civile à raison des infractions déterminéestelles la prise illégale d’intérêts, le détournement de fonds publics ou l’abus de confiance,qu’au surplus elle ne justifie avoir subi aucun préjudice personnel et direct à raison de faitspotentiellement préjudiciables à la Ville de Paris ;

- qu’en considération de son objet et de son refus de prendre part à lavie civique, l’association Loge Reniant la Nationalité Française ne saurait prétendre avoirété lésée par les faits dont le tribunal est saisi ;

- que les associations HCCDA, CAMJ et Soleil n’ont versé au soutiende cette constitution de partie civile aucun statut, ni justificatif de leur capacité et de leurpouvoir à ester en justice.

Aux termes de ces mêmes conclusions, la défense de Jacques CHIRACa demandé au tribunal de faire application des dispositions de l’article 459 alinéa 4 duCode de procédure pénale et de statuer sur l’irrecevabilité des parties civiles par jugementimmédiat avant tout débat au fond.

A cette fin, elle a notamment fait valoir, au visa de l’article 6 de laConvention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des LibertésFondamentales, que l’évidente irrecevabilité des constitutions de parties civilesintervenantes commande qu’il soit statué avant tout jugement au fond afin de faire échecà la volonté d’instrumentalisation du procès et de transformation dévoyée des débats enune tribune de la part des parties civiles. Elle soutient que permettre à ces parties civiles,

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qui ne justifient d’aucun préjudice personnel et direct, d’intervenir sur le fond des débatsserait contraire aux dispositions d’ordre public qui garantissent au prévenu un procèséquitable et exigent de préserver l’équilibre des droits des parties.

A cette même audience, les conseils de Rémy CHARDON, Jean deGAULLE et Pierre BOUÉ ont également déposé des conclusions tendant, sur lefondement des articles 2 et 459 alinéa 4 du Code de procédure pénale, à voir constater parjugement avant dire droit l’irrecevabilité des constitutions de parties civiles de MauriceNOUSCHI, Eric DARQUES, Claude KARSENTI, Gérard PRELORENZO, PaulBETOUT, Jacques BIDALOU, Alain LAROCHE, Jacques GOGUY et Julien BAYOU,ainsi que des associations Défense des Citoyens, Anticor, Loge Reniant la NationalitéFrançaise, HCCDA, CAMJ et Soleil.

Dans leurs écritures, les conseils de ces trois prévenus reprennent lesmoyens précédemment évoqués sur l’irrecevabilité tirée du défaut d’allégation d’unpréjudice direct et personnel subi par les parties civiles et du défaut d’autorisation délivréepar le Tribunal administratif de Paris.

La défense de Marc BLONDEL a déposé des conclusions tendant àvoir constater par jugement avant dire droit, sur le même fondement, l’irrecevabilité desconstitutions de parties civiles Maurice NOUSCHI, Eric DARQUES, Claude KARSENTI,Gérard PRELORENZO, Paul BETOUT, Jacques BIDALOU, Alain LAROCHE, JacquesGOGUY et Julien BAYOU ainsi que des associations Défense des Citoyens, Anticor, LogeReniant la Nationalité Française, HCCDA, CAMJ et Soleil.

Elle considère que Jacques BIDALOU, Jacques GOGUY, AlainLAROCHE, Julien BAYOU, Claude KARSENTI, Maurice NOUSCHI, Eric DARQUES,Paul BETOUT et Gérard PRELORENZO, n’ayant pas été autorisés par le Tribunaladministratif à exercer l’action prévue par l’article 2132 du Code général des collectivitésterritoriales, ne justifient pas avoir subi un préjudice direct et personnel résultant des faitsdont le tribunal est saisi. Elle soutient par ailleurs :- que l’objet des associations Anticor et Loge Reniant la Nationalité Française, tels quedéfinis dans leurs statuts, et celui revendiqué par les associations HCCDA et CAMJ sontsans rapport avec les faits, objet des poursuites ; - que les dates de constitution de l’association Anticor, sont nettement postérieures audernier fait reproché à Marc BLONDEL alors que les dispositions des articles 2-1 à 2-21du Code de procédure pénale exigent une déclaration antérieure de trois voire de cinq ansavant la date des faits fondant les poursuites.

La défense de François DEBRE a déposé des conclusions tendant àvoir constater par jugement avant dire droit l’irrecevabilité des constitutions de partiesciviles de Maurice NOUSCHI, Eric DARQUES, Claude KARSENTI, GérardPRELORENZO, Paul BETOUT, Jacques BIDALOU, Alain LAROCHE, Jacques GOGUYet Julien BAYOU, ainsi que des associations Défense des Citoyens, Anticor, Loge Reniantla Nationalité Française, HCCDA, CAMJ et Soleil, faisant valoir notamment :- que le tribunal n’est saisi d’aucun fait commis au préjudice de ces parties civiles,- que Maurice NOUSCHI, Eric DARQUES, Claude KARSENTI, Gérard PRELORENZO,Paul BETOUT et Julien BAYOU n’ont pas été autorisés à exercer l’action ouverte à laVille de Paris aux lieu et place de cette dernière ;- que les associations Anticor, HCCDA, CAMJ et Défense des Citoyens, Loge Reniant laNationalité Française ne sauraient revendiquer aucun préjudice découlant des infractionsvisées d’autant que leurs statuts ne définissent pas précisément les intérêts qu’ellesdéfendent, propre à des sociétaires facilement identifiables ;- que les intérêts collectifs des membres de l’association Anticor n’ont pas été atteints parles faits dont le tribunal est saisi.

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A l’audience du 5 septembre 2011 Julien BAYOU a déclaré sedésister de sa constitution de partie civile.

L’association Anticor a, pour sa part, déposé des conclusions tendantà voir joint l’incident au fond et constater la recevabilité de sa constitution de partie civile.

Elle indique que, fondée au lendemain de l’élection présidentielle du21 avril 2002, elle regroupe désormais plusieurs milliers d’adhérents, que ses buts ne sontpas limités à la définition juridique stricto sensu de la corruption, que son action a étéreconnue, qu’elle a été auditionnée par la commission de réflexion pour la prévention desconflits d’intérêts dans la vie publique, qu’en 2009 elle a été reçue par le président duSénat pour traiter de questions générales d’éthique et a mené un travail auprès de l’OCDEen partenariat avec une association qui lutte contre les paradis fiscaux, que le 27 juillet2011 elle a été consultée par la commission chargée par le Président de la Républiqued’améliorer le fonctionnement de la démocratie locale.

Elle s’oppose à la disjonction de cet incident estimant qu’il n’existeaucune impossibilité absolue de joindre au fond et qu’aucune norme touchant l’ordrepublic ne peut être opposée à l’association Anticor.

Elle soutient : - que les termes de la convention des Nations Unies contre la

corruption adoptée le 31 octobre 2003, ayant un effet direct en droit interne (circulaire crim04-6/G3-16-06-04 du 21 juin 2004), lui donnent qualité pour agir sur le fondement de ceseul texte et lui conférant intérêt pour agir ;

- qu’au sens de cette convention l’abus de confiance tombe sousl’acception générique de “corruption” ;

- qu’en luttant contre la corruption elle défend des objectifs d’intérêtpublic ;

- que la commission de faits de corruption lui cause un préjudice directet personnel en raison de la spécificité du but et de l’objet de sa mission, suffisammentspécial et détaillé ;

- qu’elle subi un dommage qui continue de s’accroître dans le temps,constitué par l’absence de sanction des prévenus, auteurs des faits de corruption.

Sur quoi, le tribunal

Sur la demande de disjonction :

Attendu qu’au soutien de sa demande de disjonction de la décision sur l’irrecevabilité desparties civiles, fondée sur les dispositions de l’article 459 alinéa 4 du Code de procédurepénale, la défense fait valoir la nécessité de “faire échec à la volonté d’instrumentalisationdu procès” et invoque le risque, de la part des parties civiles, de “transformation dévoyéedes débats en une tribune”;

Attendu qu’il apparaît que la réponse aux moyens soulevés par la défense, à savoir lavolonté prêtée aux parties civiles d’instrumentaliser le procès et de transformer les débatsen une tribune réside davantage dans la police de l’audience qu'elle ne relève del’application d’une “disposition touchant à l’ordre public” au sens du texte précité ; quesi une partie de ces craintes peut trouver une justification aux yeux de la défense dans lecomportement de certaines parties civiles, il appartient au tribunal de prévenir lesincidences de tels comportements sur la tenue des débats en assurant la police del’audience, prérogative de son président ;

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qu’au surplus, en dépit de ces craintes, la disjonction sollicitée conduirait à la tenue d’unprocès au cours duquel les parties civiles constituées seraient privées de l’accès au juge etde la possibilité de défendre leurs droits jusqu’à la clôture des débats ; que, ce faisant, elleserait de nature à rompre l’équilibre de ces débats à leur détriment et, dès lors, à porteratteinte au caractère équitable du procès au sens de l’article 6 de la ConventionEuropéenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;

qu’il convient en conséquence, conformément à l’article 459-3 du code de procédurepénale, de statuer par un seul et même jugement sur l’ensemble de ces exceptions in liminelitis et sur le fond ;

Sur la recevabilité des parties civiles :

Attendu qu’aux termes de l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action civile enréparation du dommage causé par l’infraction appartient à tous ceux qui ontpersonnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ;

Attendu qu’à les supposer établis, les faits dont le tribunal est saisi sous la qualificationd’abus de confiance, de détournement de fonds publics d'ingérence et prise illégaled’intérêts sont réputés avoir été commis au préjudice de la Ville de Paris ;

< sur les désistements de parties civiles

Attendu qu’il apparaît que cette collectivité territoriale a effectivement agi dans les deuxprocédures à compter du 7 décembre 2001 en se constituant partie civile devant chaquemagistrat instructeur ; qu'elle est demeurée présente jusqu’à la fin des informations et nes’est désistée qu’après conclusion de deux accords transactionnels mettant un terme auxactions engagées sur le plan des intérêts civils ;

Attendu que Julien BAYOU, débouté de sa demande d’autorisation fondée sur l’articleL2132-5 du CGCT par jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 5 avril 2011,confirmé par arrêt du Conseil d’Etat en date du 26 juillet 2011, s’est désisté de saconstitution à la barre du tribunal ;

Attendu qu’Eric DARQUES n’est plus présent dans la procédure ; Attendu que David DJAKA, dit Djaka 1 , les associations Loge Reniant la Nationalitéer

Française et l’association des “Nouvelles victimes d’erreurs judiciaires”, constitués partiesciviles par lettres ou à l’audience n’ont pas précisé l’objet de leur demande ; qu’ils n’ontpas comparu aux audiences de fond ; Attendu que les conclusions des prévenus tendant à voir déclarer irrecevables JulienBAYOU, Eric DARQUES, David DJAKA et “la Loge Reniant la Nationalité Française”,seront déclarées sans objet du fait de leurs désistements express ou présumés.

< sur la recevabilité des personnes physiques

Attendu qu’en application de l’article L2132-5 du Code général des collectivitésterritoriales, un contribuable a la possibilité de saisir la juridiction administrative d’unedemande aux fins d’autorisation de se substituer aux organes de sa commune ; qu’en l’étatde la procédure seuls Maurice NOUSCHI et Paul BETOUT justifient de la qualité decontribuables parisiens ; qu’ils ne justifient cependant pas d’avoir obtenu de la juridictionadministrative l’autorisation précitée ;

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Attendu qu’aucune des autres personnes physiques constituées parties civiles n’allègueavoir subi un préjudice, qu’il soit matériel ou moral, pouvant résulter directement de lacommission des faits ; qu’en effet, Alain LAROCHE invoque un préjudice résultant durefus de réintégration au sein du personnel des services sociaux qui lui a été opposépendant de longues années, fait sans rapport direct avec l’objet de la saisine du tribunal ;que Paul BETOUT, contribuable parisien, allègue un préjudice moral indirect ; queMaurice NOUSCHI n’invoque pas de préjudice précis en lien avec les faits ; que JacquesGOGUY, domicilié à Saint Varant (79) fait état d’un préjudice totalement étranger auxprésentes procédures, à l’instar de Jacques BIDALOU, Claude KARSENTI et de GérardPRELORENZO qui, au demeurant, ne justifient nullement être domiciliés à Paris ni deleur qualité de contribuables dans cette ville ; que le tribunal déclarera en conséquenceAlain LAROCHE, Paul BETOUT, Maurice NOUSCHI, Jacques GOGUY, JacquesBIDALOU, Claude KARSENTI et Gérard PRELORENZO irrecevables en leursconstitutions ;

< sur la recevabilité des associations

Attendu que les associations ne peuvent défendre devant les juridictions pénales l’intérêtcollectif qui constitue leur objet social sauf à bénéficier d’une habilitation spéciale de laloi ; qu’aucune des associations constituées parties civiles ne démontre avoir été habilitéepar la loi à agir contre les infractions de la nature de celles présentement déférées autribunal ; qu’au surplus, elles ne justifient pas avoir subi un préjudice personnel et direct ;

Attendu que les associations HCCDA, CAMJ et “Soleil” ne produisent aucune piècejustifiant de leur existence, de leur capacité d’ester en justice, voire de leur objet ; qu’ellesseront déclarées irrecevables en leur constitution ;

Attendu que l’association Nouvelle victimes d’erreurs judiciaires, représentée par JacquesGOGUY n’a pas précisé les motifs de sa constitution ni l’objet de ses demandes ; qu’ellesera déclarée irrecevable.

Attendu qu’il résulte des seules pièces versées aux débats par la défense de JacquesCHIRAC que l’association “Défense des Citoyens” déclarée auprès de la sous-préfectured’Antony (Hauts-de-Seine), commune de son siège, le 19 janvier 1998, a déclaré l’objetsuivant : “faire avancer la démocratie dans tous les domaines partout en France ou dansle monde, mettre en place toute idée ou action permettant d’atteindre cet objectif ;défendre les droits de l’homme et de la femme directement ou indirectement ; s’opposerà toutes les persécutions, entraves à la saisine de la justice et atteintes à la dignité de lapersonne commises contre des particuliers par les personnes dépositaires de l’autoritépublique ou chargées d’une mission de service public ; l’association a pour vocation d’unengagement permanent dans la vie politique par sa représentation électorale” ;

que l’objet de cette association, de même que les intérêts collectifs de ses membres qu’ellea vocation de défendre, apparaissent étrangers aux faits dont le tribunal est saisi ; Attendu que l’association Anticor , régie par la loi de 1901, justifie avoir été déclarée le28 avril 2003 auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine ; qu’elle a pour objet de“menerdes actions en vue de réhabiliter la démocratie représentative, de promouvoir l’éthiqueen politique, de lutter contre la corruption et plus particulièrement celle afférente auxmilieux politiques et aux élus de la nation ainsi que de produire et de communiquer del’information sur ces thématiques” ;

l’association Anticor ne justifie nullement avoir qualité pour se substituer à la ville deParis dans l’exercice de son action civile à laquelle celle-ci a expressément renoncé ;

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que si l’association Anticor prétend subir un dommage qui continue à s’accroître dans letemps, du fait de l’absence persistante de sanction des prévenus, auteurs des faits decorruption, elle n’est en mesure d’invoquer aucun préjudice personnel et direct, distinctde celui de la ville de Paris, résultant directement, à compter de sa création en 2003, desfaits d’abus de confiance, détournement de fonds publics et de prise illégale d’intérêts, nid’une atteinte portée directement dans de telles circonstances aux objectifs d’intérêt publicqu’elle s’est fixés de façon large au travers de la lutte contre la corruption ;

qu’il est en effet établi que l’association Anticor a été créée en 2003, soit plus de huitannées après les faits dont le tribunal est saisi et alors que l’action publique avait été miseen mouvement sept ans auparavant à l’initiative du procureur de la République de Nanterreet, depuis janvier 1999, à la suite de la constitution de partie civile d’un contribuableparisien dûment autorisé par le Tribunal administratif de Paris à exercer l’action aux lieuet place de la Ville de Paris ; que cette action publique a abouti, sur réquisitions écrites nonconformes, à la saisine de la juridiction de jugement aux termes de deux ordonnances derèglement rendues par les magistrats instructeurs en charge de chacun de ces dossiers ; quela Ville de Paris, qui s’est elle-même constituée partie civile en 2001 dans ces deuxdossiers, l’est demeurée jusqu’à la conclusion en 2010 de deux transactions avec leprincipal prévenu et l’UMP, dont l’association Anticor a contesté par ailleurs la validitédevant la juridiction administrative ;

que dans de telles circonstances, l’association Anticor ne saurait tirer des termes de laconvention des Nations Unies contre la corruption adoptée le 31 octobre 2003, ayant pourobjet de promouvoir et renforcer les mesures visant à prévenir la corruption dans sonacception large et de faciliter la lutte contre celle-ci, la reconnaissance de la qualité pouragir en cette matière devant la juridiction de jugement correctionnelle dans le cadre de laprésente procédure ;

que l’association Anticor sera déclarée irrecevable en sa constitution ;

II - Sur le fond

Sur la demande de sursis à statuer présentée par la défense de Jacques CHIRAC

Dans le cadre de la procédure enregistrée au parquet de Paris sous len° 1100708013, à l’audience de fixation du 31 janvier 2011, le conseil de JacquesCHIRAC a sollicité au visa de l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde desDroits de l’Homme et des Libertés Fondamentales le sursis à statuer, dans l’attente del’issue de la procédure administrative engagée par l’association Anticor et diversespersonnes physiques tendant à obtenir l’annulation de la délibération N°2010 DAJ 25 parlaquelle le Conseil de Paris a autorisé le maire à signer le protocole de transaction concluavec l’UMP et Jacques CHIRAC.

Sur quoi, le tribunal :

Attendu que l’examen de cette demande a fait l’objet d’un premier renvoi à l’audience du7 mars 2011 ; qu'à la suite de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalitédéposée par Rémy CHARDON dans le cadre de la procédure n°9834923017, le tribunala ordonné un nouveau renvoi de cette affaire au 20 juin puis au 5 septembre 2011 ; qu'àcette dernière audience du 5 septembre 2011, la défense de Jacques CHIRAC a indiqué sedésister de cette demande de sursis à statuer ; qu'il convient de constater ce désistement ;

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Sur le caractère non équitable du procès résultant de l'état de santé de Jacques CHIRAC

Aux termes des conclusions déposées à l’audience du 23 septembre2011, la défense de Jacques CHIRAC, soulignant que celui-ci n’est plus en mesured’apporter personnellement son concours à la reconstitution de faits anciens de vingt ans,demande cependant au tribunal “d’adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures,notamment celles fondées sur l’article préliminaire du Code de procédure pénale et surl’article 6 de la CESDHLF relatives à un procès équitable” et en conséquence de“constater que les conditions d’un tel procès ne sont plus réunies et dire que, dès lors,l’action publique ne saurait prospérer”.

Sur quoi, le tribunal :

Attendu que Jacques CHIRAC a été entendu à de multiples reprises au cours de chacunedes procédures d’information ; que l’ensemble des pièces des dossiers d’informations luiont été soumises, sa défense ayant eu accès à l’entier dossier et en ayant obtenu la copie ;que Jacques CHIRAC a informé le tribunal de son souhait d’être jugé en son absence et dese faire représenter par ses conseils, en application des dispositions de l’article 411 du Codede procédure pénale ; que le tribunal a pris acte de l’expression de cette volonté, relayée àl’audience par les conseils du prévenu, et n’a pas ordonné la comparution personnelle deJacques CHIRAC en raison notamment de l’aggravation de son état de santé dont il a étéjustifié par les pièces versées aux débats ; qu’à l’audience, les débats se sont déroulés surla base de ces mêmes éléments, en présence de ses conseils qui l’ont représenté et porté savoix ;

Attendu que dans de telles circonstances, les débats se sont déroulés conformément auxexigences du procès équitable telles qu’elles résultent de l’article préliminaire du Code deprocédure pénale et l’article 6 de la CESDHLF ; qu’il s’ensuit que les conclusions précitéesne pourront être accueillies ;

A - SUR LA CULPABILITÉ

1) - Sur les délits d’abus de confiance et de détournement de fonds publics, etcomplicité et recel de ces délits

Rappel des conclusions au fond déposées par la défense surl’implication générale de l’auteur principal et des complices

• Conclusions déposées à titre subsidiaire dans l’intérêt de JacquesCHIRAC :

La défense de Jacques CHIRAC sollicite la relaxe du prévenu faute depouvoir retenir tous les éléments constitutifs des délits qui lui sont reprochés et notammentl’intention qui aurait été la sienne d’y participer intentionnellement ou consciemment. Ellesdemandent de déclarer les parties civiles irrecevables et subsidiairement de les débouter detoutes demandes fins et conclusions.

Elle rappelle que les délits d’abus de confiance et de détournement defonds publics sont des délits instantanés consommés lors de chaque paiement illicite etqu’il s’agit d’infractions intentionnelles.

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Elle en déduit :< que doivent être considérés comme prescrits l’ensemble des versements de salairesantérieurs au 26 octobre 1992 et que ne pourront être pris en compte les paiementsintervenus après le départ de Jacques CHIRAC de la mairie de Paris, le 16 mars 1995 ; < que doit être caractérisé, à l’occasion de chacun des versements mensuels de salairesdurant la période de prévention, chacun des éléments constitutifs des infractions d’abus deconfiance et de détournement de fonds publics :

- un détournement commis à savoir une utilisation de fonds publics,- l’identification avec précision de l’auteur du dit détournement,- l’élément intentionnel de l’auteur qui suppose en l’espèce la

connaissance de l’emploi et la connaissance de sa contrariété aux intérêts communaux ;< qu’il ne saurait être considéré que Jacques CHIRAC a commis un délit continu à compterde la date de signature de chacun des contrats et en raison d’hypothétiques interventions.

Elle soutient par ailleurs que la qualité de maire de Paris ne peut suffireà rendre Jacques CHIRAC matériellement responsable, en tant qu’ordonnateur desdépenses de la commune, du versement des salaires attribués aux chargés de mission,compte tenu de l’absence de toute intervention directe dans le temps de la prévention et detoute alerte qu’il aurait reçue de l’un quelconque des services compétents. Ce postulat avaitconduit le magistrat instructeur à ne pas poursuivre le successeur de Jacques CHIRAC pources infractions alors même que certains emplois se sont prolongés au-delà du 16 mai 1995.

• Conclusions déposées dans l’intérêt de Michel ROUSSIN :

Aux termes de conclusions régulièrement déposées et visées àl’audience du 21 septembre 2011, la défense de Michel ROUSSIN demande au tribunal :< de constater l’acquisition de la prescription de l’action publique à l’égard de MichelROUSSIN,< de relaxer Michel ROUSSIN,< de débouter les parties civiles de leurs demandes.

Elle soutient :

< qu’en retenant par l’effet de la connexité entre les deux dossiers d’information le soit-transmis du 26 octobre 1995, acte interruptif de prescription dans le dossier de Nanterre,le juge d’instruction a ignoré l’arrêt de la cour d’appel de Versailles en date du 13 janvier2006 aux termes duquel, les deux procédures présentant un lien de connexité au sens del’article 203 du Code de procédure pénale, seul le réquisitoire supplétif du 17 avril 1998du chef de prise illégale d’intérêts pouvait avoir un effet interruptif de prescription surd’éventuels emplois fictifs au sein du cabinet du maire de Paris ;< que dès lors seuls les faits postérieurs au 17 avril 1995 échappaient à la prescription ; < que les faits susceptibles d’être reprochés à Michel ROUSSIN sont largement antérieursà cette date et donc couverts par la prescription, Michel ROUSSIN ayant quitté sesfonctions de directeur de cabinet du maire de Paris en janvier 1993.

Elle fait valoir :

< que Michel ROUSSIN n’est ni le concepteur ni l’organisateur de la procédure derecrutement des chargés de mission, dont les fondements ont été élaborés plus de dix ansavant sa prise de fonction de directeur de cabinet et qui avait été appliquée tant par sesprédécesseurs que par ses successeurs ;< que le nombre de chargés de mission est insignifiant au regard de l’effectif global desagents de la Ville de Paris ;

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< que la création d’emplois de contractuels pour les besoins de la Ville de Paris suit unprocessus purement administratif pour lequel le politique n’intervient qu’en commissionou en séance du conseil ;< que le cabinet du maire n’a jamais participé aux réunions d’arbitrage budgétaire ;< que le directeur de cabinet était légitime à opérer des demandes de création de chargésde mission pour ses besoins propres ; < que le rôle du directeur de cabinet dans la procédure de recrutement était purement formelet n’impliquait aucun contrôle d’opportunité ;< qu’il ressort de l’instruction qu’à l’exception des demandes formées par le maire de Paris,toutes les demandes de recrutement de chargés de mission dont était saisi le directeur decabinet étaient écrites ;< que de sérieux soupçons pèsent sur l’exhaustivité des pièces contenues dans les dossiersadministratifs des chargés de mission qui ont été expurgés et dont certains ont été détruitsselon Lucien ROBIN ;< que l’existence de telles demandes a été confirmée par Andrée NIVETTE , Jean-EudesRABUT, François-Xavier MEYER, Josette LE BERRE, et Jean-Paul GAROTTÉ etcertains exemples ont été néanmoins appréhendés dans les dossiers aux noms de Jean-Claude MESTRE et Jean-Luc CHAIGNEAU, venant en confirmer l’existence ;< que le directeur de cabinet ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation sur la demandequi lui était adressée et dont seule l’autorité requérante était investie, leur tâche se limitantà vérifier la disponibilité budgétaire du poste et, parfois, à proposer de recourir au volantde contrats laissés vacants sur la masse totale des postes contractuels de la Ville de Paris,aboutissant à une affectation “pour ordre” du chargé de mission au cabinet ;< que les éléments d’information portés à la connaissance du directeur de cabinet àl’occasion d’une demande de recrutement étaient alors des plus succincts et n’impliquaientaucun contrôle d’opportunité, cette tâche revenant à l’autorité affectataire, tout comme lecontrôle de la bonne exécution du contrat de chargé de mission ; que dès lors les quelquesfeuilles de notation que les directeurs de cabinet ont pu signer pour les chargés de missionfonctionnaires détachés leur avaient nécessairement été transmises par l’autorité d’emploi ;< que l’élément intentionnel du délit de complicité d’abus de confiance fait défaut commel’a retenu le juge d’instruction de Nanterre dans son ordonnance de non-lieu en considérantque l’élément intentionnel de la prise illégale d’intérêts poursuivie consistait, non pas dansla signature formelle des contrats, réalisée en conséquence des attributions strictementfonctionnelles des directeurs de cabinet, mais en la conscience qu’auraient eu ces directeursde cabinet au moment de leur signature du caractère fictif ou étranger aux intérêts de laville de l’emploi de chargé de mission, ce qui n’était nullement avéré.

Il est par ailleurs soutenu :

< que Michel ROUSSIN n’a jamais exercé la moindre responsabilité au sein du RPR,< qu’aucune “entente politique” au sens retenu par le juge d’instruction n’existait entre lemaire de Paris et son directeur de cabinet,< que le maire avait tenu à préserver au sein même de son cabinet des domaines strictementréservés, échappant aux directives de son directeur de cabinet (cellule corrézienne, la DRIet la DGIC, le secrétariat personnel du Maire dirigé par Denise ESNOUS jusqu’en 1991puis par Martine HIBON à compter de 1991 jusqu’en 1995) ; < que la pratique consistant à soumettre à la signature du directeur de cabinet un contratdéjà signé par le contractuel a toujours existé ;< que l’existence d’un système d’emplois de chargés de mission fictifs ou non recrutés dansl’intérêt de la Ville n’est nullement démontrée ;< que Michel ROUSSIN ne connaissait aucun des onze chargés de mission concernés parles poursuites engagées contre lui ;< qu’il n’a été à l’initiative d’aucun de ces recrutements ;< qu’il a été saisi par des demandes écrites émanant d’autorités légitimes à les faire.

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• conclusions déposées dans l’intérêt de Rémy CHARDON

Dans ses écritures régulièrement déposées et visées à l’audience du 20septembre 2011, la défense de Rémy CHARDON sollicite également la relaxe du prévenu.

Elle fait valoir que Rémy CHARDON est un haut fonctionnaire et n’ajamais été membre du RPR, ni occupé de fonction élective ce qui exclut tout intérêtpersonnel dans une action politique. Sa seule motivation était de servir son supérieurhiérarchique administratif qu’était le maire de Paris.

Elle souligne que la pratique de recrutement des chargés de mission estancienne et connue de tous, que l’affectation “cabinet du maire” d’un chargé de missionpeut être une affectation pour ordre uniquement liée au fait que, dans le budget de la ville,les crédits correspondants sont rattachés au cabinet et qu’elle n’induit le plus souvent pasl’exercice de son activité professionnelle au sein du cabinet.

Elle rappelle que la gestion de l’enveloppe des contrats de chargés demission votée annuellement par le conseil de Paris est attribuée au directeur de cabinet dumaire de Paris et ne constitue qu’une infime partie des lourdes fonctions lui incombant,cette gestion étant purement mécanique et n’impliquant aucun contrôle d’opportunité, etque ce sont les services du cabinet qui effectuaient les vérifications relatives à ladisponibilité budgétaire de l’emploi sollicité et procédaient aux formalités administrativesnécessaires, le rôle du directeur de cabinet consistant à officialiser administrativement unedécision qu’il n’avait pas prise.

Elle fait valoir :< que nombre de chargés de mission entendus ont indiqué avoir pris contact avec Jean-Eudes RABUT, chef de cabinet du maire ;< qu’au moment où il signe tant la demande à destination de la DAG que le contrat, ledirecteur de cabinet ignore l’affectation réelle du chargé de mission recruté puisqu’il n’ajamais de contact avec lui et que le contrat qui lui est soumis ne la précise pas ;< que le directeur de cabinet n’avait ni la mission ni le pouvoir de veiller à l’exécution ducontrat qu’il avait signé et ne disposait d’aucune autorité, sous quelque forme que ce soit,sur le titulaire de ce contrat ; < que compte tenu de la “purge” intervenue à la mairie et de la destruction par l’anciennemunicipalité des dossiers se trouvant dans les bureaux affectés au cabinet, cela bien aprèsle départ de Rémy CHARDON, rien ne permet d’affirmer que les demandes initiales derecrutement ne figuraient pas dans les dossiers au moment où la note de recrutement étaitsoumise à la signature du directeur de cabinet.

Sur quoi, le Tribunal :

a ) Sur l’application des règles de prescription de l’action publique

¤ sur l'incidence de la connexité sur la prescription de l'action publiquerelative aux faits poursuivis :

Attendu qu’aux termes de l’ordonnance de règlement du juge d’instruction parisien,Jacques CHIRAC est poursuivi des chefs d’abus de confiance et de détournement de fondspublics par personne dépositaire de l’autorité publique pour avoir fait engager et rémunérer,alors qu’il était maire de Paris, des chargés de mission employés dans des structuresextérieures à la ville ou bien sans aucune affectation ; qu’au titre des abus de confiance, ilest reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, sur la période du 26 octobre 1992 au 1 marser

1994, détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaient étéremis au titre d’un mandat en sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faire un

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usage ou un emploi déterminé au profit de la ville ; qu’au titre des détournements de fondspublics, il lui est reproché, sur la période du 1 mars 1994 au 15 mai 1995, d’avoir, ener

qualité de dépositaire de l’autorité publique, notamment fait prélever les montants desrémunérations sur les budgets de la Ville de Paris, agissements constitutifs du délit dedétournement de fonds publics ;

Attendu que Michel ROUSSIN et Rémy CHARDON sont poursuivis comme complices deJacques CHIRAC par aide ou assistance en leur qualité de directeur de cabinet du maire deParis, pour avoir signé les contrats d’engagement et, pour un des emplois concernantexclusivement Michel ROUSSIN, avoir signé la notation du chargé de mission ;

Attendu que la défense de Michel ROUSSIN soutient que la période des faits visée à laprévention en ce qui le concerne, soit du 26 octobre 1992 au 1 mars 1993, est couverte parer

la prescription puisqu'antérieure de plus de trois ans au réquisitoire supplétif du 17 avril1998 saisissant le juge d’instruction de Nanterre des faits de prise illégale d’intérêts ; queRémy CHARDON, partageant cette analyse, a pensé pouvoir l'invoquer au soutien de sonexception de nullité de l’ordonnance de règlement ; qu'il s'agit en réalité d'un moyen defond auquel il convient de répondre ;

Attendu qu’aux termes des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale, la prescription est,en matière de délit, de trois années révolues ; que lorsqu’il s’agit d’un délit instantané, laprescription commence à courir le jour de la commission des faits ; qu’en matière d’abusde confiance ou de détournement de fonds publics par personne exerçant une fonctionpublique, le point de départ se situe au moment où le détournement est apparu ou a pu êtreconstaté ;

Attendu qu’il est de jurisprudence constante qu’en cas d’infractions connexes, au sens del’article 203 du même code, un acte ayant interrompu la prescription dans la poursuited’une affaire interrompt également la prescription de l’action publique dans une infractionconnexe ;

Attendu que la connexité, au sens de l’article précité, s’entend soit d’infractions commisesen même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu’elles sont commises pardifférentes personnes même en différents temps et en divers lieux mais par suite d’unconcert formé à l’avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les unes pourse procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommerl’exécution, ou pour en assurer l’impunité, soit lorsque les choses enlevées, détournées ouobtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit ont été en tout ou en partie recelées ;

Attendu que le juge d’instruction parisien a visé dans son ordonnance de règlement desfaits d’abus de confiance et de détournement de fonds publics ainsi que de complicité etrecel de ces délits ; que les faits dont il s’agit sont constitués par la prise en charge par lamairie de Paris de rémunérations afférentes à des emplois, présumés fictifs, de chargés demission dans la quasi totalité des cas ; que la période retenue s’étend entre le 26 octobre1992 et le mois de mai 1995 pour l’auteur principal ; que Michel ROUSSIN est poursuivipour la période du 26 octobre 1992 au 1 mars 1993, et Rémy CHARDON pour la périodeer

du 1 mars 1993 au mois de juin 1995 ;er

Attendu que, pour faire remonter les effets de la prescription au 26 octobre 1992, le juged’instruction s’est fondé sur la connexité des faits visés dans la plainte avec constitutionde partie civile de Pierre-Alain BROSSAUD, reçue par le doyen des juges d’instruction dece tribunal le 15 décembre 1998, et le réquisitoire introductif du 6 janvier suivant, avec lesfaits dont, selon réquisitoire supplétif du 17 avril 1998, le magistrat instructeur de Nanterreavait par ailleurs été supplétivement saisi du chef de prise illégale d’intérêts, eux-mêmesconnexes aux faits qualifiés d’abus de biens sociaux, complicité et recel de ce délit visésdans le réquisitoire introductif du 3 juillet 1996 ;

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Attendu que la saisine initiale du juge d’instruction de Nanterre résulte de la dénonciationparvenue à son homologue de Créteil en 1995 ayant abouti à l’ouverture d’une enquêtepréliminaire confiée au 8 cabinet de délégations judiciaires de la Préfecture de police deème

Paris par soit-transmis du procureur de la République de Nanterre en date du 26 octobre1995 constituant le premier acte interruptif de prescription ; que les abus de biens sociauxrésultent de la prise en charge par des sociétés commerciales des rémunérations d'employésqui en réalité travaillaient pour le RPR ; que la saisine supplétive du juge d'instruction deNanterre par réquisitoire du 17 avril 1998, vise la prise en charge par la mairie de Paris desrémunérations versées à des personnes travaillant pour le même parti ;

Attendu que ces faits, qualifiés d'abus de biens sociaux et prise illégale d'intérêts d’une partet d’abus de confiance et détournement de fonds publics d’autre part, relèvent de pratiquesdéployées dans l’intérêt d’un même parti et d’entités proches de ce parti par le biaisd'emplois pris en charge soit par des entreprises privées soit par la mairie de Paris ; qu'ilapparaît, à la lecture des éléments du dossier, que les faits poursuivis, à les supposer établis,tendent au même but et procèdent d’une conception unique ; que certains d'eux concernentle même agent, Madeleine FARARD, dont l'emploi est retenu pour partie à Paris sous laqualification de détournement de fonds publics et pour l'autre partie à Nanterre sous laqualification d’ingérence et prise illégale d'intérêts ; qu'il existe entre ces faits des rapportsétroits analogues à ceux que l’article 203 du code de procédure pénale a spécialementprévus ;

Attendu qu'il convient dès lors, en faisant application des conséquences que lajurisprudence attache à la connexité en matière de prescription de l’action publique, deretenir comme point de départ de la prescription pour les faits d’abus de confiance et dedétournement de fonds publics, complicité et recel de ces délits la même date du 26 octobre1995, seuls les faits commis antérieurement au 26 octobre 1992 étant couverts par laprescription ;

qu’il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent la défense de Michel ROUSSIN etcelle de Rémy CHARDON, les faits reprochés à ces derniers n’étaient nullement prescritslors du dépôt de plainte initiale du 15 décembre 1998 ayant provoqué l’ouverture del’information, moins de trois années après le soit transmis du 17 avril 1998, lui-mêmeintervenu moins de trois ans après la date du premier acte interruptif de prescription, datédu 26 octobre 1995 ;

Attendu qu’il est, en outre, fait grief au juge d’instruction d’avoir retenu un acte interruptifde prescription que la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Versailles n’avait pasexpressément évoqué dans son arrêt du 13 janvier 2006 ;

Attendu que, dans cet arrêt, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles astatué sur renvoi après cassation des arrêts rendus sur appel de trois ordonnances parlesquelles le juge d’instruction parisien avait rejeté les demandes émanant de DanielNAFTALSKI, Michel ROUSSIN et Raymond-Max AUBERT, tous trois mis en examen,tendant à voir constater l’extinction de l’action publique par l’effet de la prescription desfaits les concernant ; qu'elle s’est attachée, ainsi que l’y invitait la chambre criminelle dansson arrêt de cassation du 1 décembre 2004, à rechercher les liens de connexité pouvanter

exister entre les deux dossiers ;

que la chambre de l'instruction a considéré que les faits d’abus de confiance et dedétournements de fonds publics instruits à Paris présentaient un lien de connexité avec lesfaits de prise illégale d’intérêts visés dans le réquisitoire supplétif du 17 avril 1998 duprocureur de Nanterre ;

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que l’arrêt relève dans ses motifs que “ le procureur de la République de Nanterre a ouvertune information judiciaire contre Messieurs KERKENO et MARLIN, président-directeurgénéraux de la SCOP “les charpentiers de Paris”, contre Monsieur Richard CABEZA etBernard FORGE des chefs d’abus de biens sociaux et contre Madame Louise-YvonneCASETTA du chef de recel d’abus de biens sociaux ; que les investigations du juged’instruction de Nanterre ont révélé des cas de personnes travaillant pour le RPR etrémunérées en tant que salariées par des entreprises privées ou par des collectivités dedroit public” (D3065/18) ;

que la cour ajoute : “dans l’information suivie au Tribunal de grande instance de Nanterre,un réquisitoire supplétif a été pris le 17 avril 1998 pour qu’il soit informé du chef de priseillégale d’intérêts sur d’éventuels emplois fictifs au sein du cabinet du maire de Paris, quecet acte de poursuite a ainsi interrompu la prescription des faits instruits au Tribunal degrande instance de Paris sur plainte avec constitution de partie civile du 15 décembre1998 alors que le dernier acte d’enquête les concernant remontait au 20 juillet 1995, datede l’audition de M. CEAUX ; que des actes d’instruction ultérieurs sont survenus”(D3065/23) ;

que selon l’arrêt de la Cour d’appel, “il résulte de l’examen des deux procédures quel’information instruite à Nanterre a porté sur des faits de financement illicite du RPR parla ville de Paris au moyen de la rémunération d’emplois fictifs au cabinet du maire deParis au profit de personnes travaillant en réalité pour ce parti ; que l’information suivieau Tribunal de grande instance de Paris porte sur des faits de financement illicited’associations, entités et personnes proches ou alliées du RPR ou appartenant à ce partiau moyen de la rémunération d’emplois fictifs au cabinet du maire de Paris”;

Attendu qu’il n’est pas inutile de rappeler que la Cour d’appel de Versailles avait elle-même, dans son arrêt du 1 décembre précédent, clôturant le premier versant de l’affaireer

de Nanterre, retenu la connexité entre les faits initiaux d’abus de biens sociaux imputablesaux dirigeants des sociétés privées ayant financé des emplois du RPR et les faits de priseillégale d’intérêts, imputables aux élus de la mairie de Paris par ailleurs dirigeants du RPR,pour des emplois fictifs au sein du cabinet du maire de cette ville ayant également étéattribués à des personnes travaillant en réalité au RPR ; que dans un arrêt du 16 février2007, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, saisie d’appels de quatreautres ordonnances du juge d’instruction parisien, après avoir mis l’accent sur ladissimulation caractérisant la fictivité des emplois incriminés, a statué dans le même sens(D3552) ; que ces décisions sont devenues définitives (D3559) ;

Attendu qu’il s’ensuit que le juge d’instruction parisien, reprenant dans l’ordonnancesaisissant le tribunal les constatations contenues dans les décisions précitées des coursd'appel de Versailles et de Paris sur l’existence d’un lien de connexité entre les deuxdossiers d’information, a pu, sans contredire les énonciations de l’arrêt de la chambre del’instruction de la Cour d’appel de Versailles du 13 janvier 2006, retenir comme point dedépart de la prescription, nonobstant les actes d’enquête diligentés courant 1995, eux-mêmes interruptifs de prescription, et le classement sans suite du 18 août 1995, le soit-transmis du 26 octobre suivant ouvrant l’enquête relative aux faits d’abus de biens sociaux,préalable à l’ouverture de l’information au Tribunal de grande instance de Nanterre ;

Attendu que dans ces conditions, les faits reprochés à Michel ROUSSIN se situant entrele 26 octobre 1992 et le 1 mars 1993, ainsi qu'à Rémy CHARDON sur la période du 1er er

mars 1993 au 15 juin 1995, en ce qu’ils sont antérieurs de moins de trois ans au premieracte interruptif de prescription, ne sont pas prescrits ;

qu’en conséquence les conclusions tendant à voir constater la prescription de l’actionpublique ne pourront qu’être rejetées ;

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¤ sur la prescription de l'action publique et le périmètre des élémentsconstitutifs des délits :

Attendu qu’en cas de rémunération d’emplois fictifs, l’abus de confiance ou ledétournement de fonds publics, infractions instantanées, sont consommés à l’occasion dechaque paiement illicite ;qu’en l’espèce, c’est chacun des versements de rémunérations effectués à compter du 26octobre 1992 qui constitue l’élément matériel des délits d’abus de confiance ou dedétournement de fonds publics tels que reprochés à Jacques CHIRAC, ce qui exclut, pourles recrutements antérieurs, les versements de rémunérations intervenus avant le 26 octobre1992 ;

Attendu que l’élément intentionnel de ces délits résultant de la reconduction mois aprèsmois des effets d’un contrat souscrit entre la mairie de Paris et le chargé de mission, doit,de la même façon, s’apprécier au jour de leur commission, en tenant compte toutefois dela connaissance que l'auteur présumé peut avoir eu des circonstances ayant entouré etconduit à l’établissement de ce contrat ; qu’à cet égard, la circonstance que le contrat aitété signé à une date couverte par la prescription est sans incidence sur la constitution desdélits consommés à l'occasion du renouvellement de ses effets ;

b) sur l’implication du maire de Paris et de ses directeurs de cabinet successifs dans lamise en place et l'application des pratiques constituant le cadre des faits poursuivis :

¤ sur l’implication générale de Jacques CHIRAC : Attendu que le maire reçoit de la collectivité locale qu’il administre le mandat d’employerles fonds de la commune dans l’intérêt de la personne morale qu’il représente ; qu’un usagede ces fonds non conforme à l'intérêt de la commune est de nature à constituer undétournement caractérisant à l’encontre du maire le délit d’abus de confiance ;

Attendu que le maire est responsable en qualité d’ordonnateur principal des dépenses dela commune parmi lesquelles figurent les dépenses de personnel ; que la nomination auxemplois communaux est une de ses prérogatives ; que le mandat que le maire tient del’article L2122-21 du CGCT, repris de l’ancien article L122-19 abrogé du code descommunes modifié par la loi n°82-213 du 2 mars 1982, lui confère le pouvoird’ordonnancer les dépenses et de les liquider ;

que l’affectation en connaissance de cause d’agents communaux à des tâches nonconformes aux emplois prévus implique le détournement de leurs rémunérations opéréespar prélèvement sur le budget de la commune ;

que dès lors un ordre donné par le maire de rémunérer avec les fonds de la commune unpersonnel qui ne fournit aucune contrepartie pour la collectivité peut être considéré commeétant constitutif d’un détournement de fonds publics ;

Attendu qu'il est constant que Jacques CHIRAC a exercé le mandat de maire de Paris de1977 à mai1995, ce qui recouvre la totalité de la période de prévention ;

Attendu que l’information a établi que Jacques CHIRAC a été personnellement à l’originedès sa première année de mandat de la mise en oeuvre d’une procédure spécifique derecrutement de chargés de mission ;

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qu’en atteste le mémoire portant sa signature adressé au Conseil de Paris le 25 avril 1977 ;que l’auteur du document considérait “indispensable” la création de postes de chargés demission ; qu'il précisait que “leur définition exacte est difficile dans la mesure où le systèmecontractuel suppose la possibilité d’une adaptation des travaux et de la rémunération àchaque cas particulier et que les cas n’apparaîtront qu’au fur et à mesure de la mise enplace des nouvelles structures” ; qu’en l’état, il était fixé “un double plafond : celui dunombre des contrats susceptibles d’être négociés par l’autorité investie du pouvoir denomination et celui du nombre de points maximal pouvant être dépensé globalement pourassurer la rémunération des intéressés” (D3675) ;

que ce document a été suivi d’un deuxième mémoire du 12 juillet complétant le précédentet d’une délibération de l’assemblée municipale du 13 décembre 1977 qui, sur propositionde Christian de la MALENE et Jean TIBERI, respectivement premier adjoint chargé desfinances et deuxième adjoint, a consacré le principe de la création des chargés de mission ;qu’il n’est pas sans intérêt de rappeler les motifs figurant en introduction de la délibération,ainsi rédigés : “Considérant le déficit persistant en personnel des services de la mairie deParis; considérant que le recrutement par la voie statutaire ne permettra pas de pallier,dans l’immédiat, ce manque d’effectif ; considérant dès lors que le recrutement par contratde chargé de mission s’avère indispensable pour assurer la bonne marche des services”(D2026/1) ;

Attendu que l’information a également établi que les règles de procédure élaborées au seinde la Ville de Paris prévoyaient que les chargés de mission étaient engagés sur instructiondu directeur de cabinet adressée au directeur de l’administration générale et que le contratétait matériellement instruit et préparé par un agent de cette direction pour être ensuitesoumis à la signature du directeur de cabinet ;

qu’ainsi Jean-Paul GARROTÉ, en poste au bureau des personnels de la préfecture de laSeine depuis 1966 puis de la mairie de Paris à compter de 1977 et qui avait en charge lagestion de tous les chargés de mission de la Ville de Paris, a pu confirmer que les contratsde chargés de mission avaient été initiés en 1977 après l’élection de Jacques CHIRAC à lamairie de Paris (D321/2) ;

que les affectations étaient déterminées en fonction de l’origine des demandes, celles-cipouvant provenir des différentes directions de la ville par l'intermédiaire du secrétairegénéral de la Ville de Paris, ou bien des élus et groupes d’élus par l'entremise du secrétairegénéral du Conseil de Paris, ou encore des maires d’arrondissements ou des adjoints aumaire ;

Attendu que si Jacques CHIRAC a déclaré devant le magistrat instructeur vouloir assumerla “totale responsabilité” des recrutements visés dans les poursuites tout en précisant : “soitje désignais moi-même les personnes, soit je le faisais sur proposition de mon directeur decabinet ou du premier adjoint”, il a néanmoins certifié ne pas en avoir connu le nombreprécis, ni même les noms de leurs bénéficiaires, n’avoir donné aucune instruction pour queces recrutements soient entourés de la plus grande discrétion, et a reporté sur ses adjointsla gestion des questions relatives à la conception technique, à la faisabilité juridique et auxrègles budgétaires qui en découlaient (D3684/13) ;

Attendu que, dans une tribune publiée dans l’édition du journal Le Monde du 22 novembre2007 dont il a remis le texte au juge d’instruction lors de sa première comparution, JacquesCHIRAC s’est exprimé en ces termes : “Ces recrutements, je les ai souhaités ou autorisésparce qu’ils étaient légitimes autant que nécessaires” (D3685/5) ; que dans ce texte, il asouligné le fait qu'afin de lui permettre d’exercer conjointement ses responsabilitéspolitiques importantes, en tant que maire, député de la Corrèze, puis 1 ministre ainsi queer

président du RPR, il s’était entouré “d’équipes compétentes et animées d’un exemplaireesprit républicain” et affirme : “Jamais il n’y a eu d’enrichissement personnel. Jamais il

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n’y a eu de “système” (D3685) ;

Attendu que la “grande souplesse” offerte par ce mode de recrutement contractuel, évoquéepar Jacques CHIRAC (D3807/35) et confirmée notamment par Daniel NAFTALSKI, l'unde ses directeurs de cabinet (D2270/4), répondait à une nécessité de gestion du personnel ;qu’elle a conduit à la mise en place à la mairie de Paris, de façon quelque peu empirique,d’un processus spécifique de recrutement, en marge des recrutements habituels des effectifsde la fonction publique territoriale ;

que cette souplesse se retrouve dans les dispositions légales régissant la matière ; qu'ainsil’article 110 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relativesà la fonction publique territoriale est venu entériner ces pratiques en prévoyant que“l’autorité territoriale peut, pour former son cabinet, librement recruter un ou plusieurscollaborateurs et mettre librement fin à leurs fonctions”;

Attendu que Jacques CHIRAC a soutenu que les décisions de nominations avaient étéprises en toute légalité et que les contrôles prévus par les textes, politiques et administratifs,avaient fonctionné ;

Attendu qu’il ressort cependant des éléments du dossier que les postes budgétaires dechargés de mission étaient créés à l’intérieur du budget global soumis au vote du Conseilde Paris sans que fût à ce stade précisé le nombre de postes affectés au cabinet du Maire,que c’est le maire qui décidait de l’affectation des postes soit auprès de son cabinet, soitauprès du secrétaire général du Conseil de Paris, des maires adjoints et des élus ;

qu'il apparaît également que les contrats d’engagement des chargés de mission n’ont pasété soumis au contrôle de légalité exercé par le Préfet prévu par la loi du 2 mars 1982,jusqu’au 15 février 1988, date à laquelle la situation a été régularisée à l’initiative deGeorges QUEMAR, directeur de l’administration générale ; qu’au demeurant, ce contrôlene portait que sur la validité juridique d’un contrat et non sur la réalité fonctionnelle d’unemploi ;

que par ailleurs, le contrôle de nature juridique et comptable effectué par la Régie Généraledes Finances, devait uniquement permettre au comptable de s’assurer qu’il pouvait liquiderle salaire dans des conditions réglementaires (D2025/3) ;

que les décisions nominatives des emplois ne faisaient l’objet d’aucune publicationsystématique au Bulletin Municipal Officiel, ce qui privait de toute possibilité de suivi desdéroulements de carrières ;

que la Chambre régionale des Comptesd’Ile-de-France a notamment relevé l’absence detexte interne organisant les procédures, l’impossibilité de déterminer les modalités enfonction desquelles avaient eu lieu les recrutements ainsi que le manque de transparenceet de précision des missions confiées, ce qui mettait en échec toute tentative d’évaluation,tant qualitative que quantitative ; que la juridiction financière a également constaté que lesmodalités d’exécution des contrats de chargés de mission semblaient également échapperau contrôle des services chargés de la gestion des ressources humaines ;

qu’en 1983, Jacques CHIRAC a décidé du transfert à la direction des finances del’ensemble des créations d’emplois municipaux, ce qui avait pour conséquence d'évincerla direction de l’administration générale du circuit de décision désormais réservé à ladirection des finances et au cabinet du maire ; que ces prérogatives incluaient lapréparation des projets de délibérations tendant à la création des emplois de chargés demission qui, jusque-là, relevait d'un service spécifique de l’administration générale ;

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que Jean BOURILLON, chef du bureau des effectifs et des études générales à la directionde l'administration générale de 1977 à 1983, a expliqué que c'est Christian de la MALENEqui, au début, avait la haute main sur les créations d'emploi de chargés de mission et que,suite à l'arrivée de Robert PANDRAUD, cette fonction est devenue celle des directeurs decabinet (D2604/5) ; qu'à l'époque, la direction de l'administration générale était saisie desdemandes émanant des directions de la ville et qu'il n'y avait pas de négociation budgétairepour les demandes de créations destinées au cabinet du maire, les demandes budgétairesdu cabinet du maire ou du questeur ne donnant pas lieu à négociation à proprement parleravec le bureau du budget ; qu’il a déclaré à ce sujet : “les demandes de création de postesétaient inscrites automatiquement au budget, puisque pratiquement nous recevionsl’instruction de créer ces emplois” (D2604) ;

que Jean BOURILLON a également indiqué que l'exposé des motifs ne détaillait pasnécessairement tous les emplois créés ; qu’au fil du temps, les emplois de cabinet étaientdevenus une "catégorie fourre-tout" (D2604/4) ;

que Jean-Claude JOLAIN, directeur des finances de 1982 à 1986, a confirmé qu’aucuneprocédure n’était formalisée au niveau des demandes de création de postes dépendant ducabinet ou de la questure et que ces créations échappaient à la direction des finances, qu’ila précisé : “nous ne savions pas combien de chargés de mission étaient mis à la dispositiondu maire ou de tel adjoint, la création de ces emplois nous échappait, c’était un choix dumaire, de nature politique” (D2812) ;

que Jean PISTIAUX, directeur de cabinet d’Alain JUPPÉ adjoint chargé des finances, aindiqué que le maire pouvait être amené, à l’incitation de son adjoint, à réduire la demandede création de postes de chargés de mission affectés au cabinet du maire ; que la directiondu cabinet signifiait ses demandes à la direction des finances la plupart du tempsverbalement et de manière très informelle, elle n'était pas formalisée comme pour les autresdirections de la ville ; que la questure faisait de même ; que s'il y avait une négociation c'estau moment des arbitrages budgétaires finaux dans le bureau du maire auxquels participaientles directeurs concernés, y compris le directeur de cabinet ; qu'il n'existait pas dans lesdocuments devant être présentés à la tutelle ou au Conseil de Paris de tableau récapitulatifpar direction du nombre de chargés de mission (D2733/3) ;

que Jean-Paul GARROTÉ a précisé qu'au moment de l'élaboration du contrat, il n’avaitconnaissance, pour sa part, que de la direction ou du service d’affectation du chargé demission, y compris l’affectation à la direction du cabinet du maire, étant précisé qu’il étaitdans l’incapacité de savoir si l’intéressé recevait une affectation autre que celle qui étaitmentionnée dans la note d’instruction (D321/3) ;

que le cabinet du maire disposait d’un listing des chargés de mission établi chaque moispar la direction de l’administration générale ; que Marie-France FALABREGUE, chef deservice du cabinet du maire de novembre 1989 à septembre 1994, a déclaré avoir établi uneliste de tous les contrats de chargés de mission en cours et qu’il y avait au bureau du cabinetdes chemises sur les contrats dans lesquelles étaient classées les pièces principales(D2446/5) ;

que Mireille AMOUROUX, chef du bureau du cabinet du maire de 1986 à 1988, aconsidéré qu’au bureau de recrutement des chargés de mission, “tout était flou, secret. Ilne fallait pas poser de question, c’était le domaine du “non-dit” on avait l’impressiond’être dans un service secret ...” (D2447) ;

Attendu qu’entre 1989 et 1993, on dénombrait de 340 à 470 postes de chargés de missionau titre du personnel administratif pour un effectif d’environ 5.600 à 5.800 postes detitulaires ; que cette proportion s’est accrue en 1994 (5801/601), en 1995 (5850/625) et en1996 (5810/631) ; que l’effectif des chargés de mission affectés au cabinet du maire est

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passé de 25 chargés de mission sur un effectif total de 138 en 1983, à 55 sur 267 en 1998,pour culminer en 1995 avec 97 chargés de mission sur un effectif total de 324 ;

que la Chambre régionale des Comptesa notamment relevé que “le recours extensif aurecrutement de contractuels a favorisé des pratiques fondées sur l’intuitu personae ou surla recommandation, permettant de faire immédiatement bénéficier les intéressés de niveauxélevés de rémunération, auxquels ils n’auraient pu accéder normalement qu’à la suite deconcours et d’un long déroulement de carrière” ;

Attendu que le cloisonnement progressif des compétences ainsi appliqué entre le directeurde cabinet qui détient le pouvoir de déclencher la procédure de recrutement etl’administration générale qui est en charge de l’établissement du contrat et de sa gestion,voire même de la direction des finances qui ne suivait pas les affectations des postesbudgétaires créés, a ménagé à l’exécutif municipal une grande liberté d’action en la matièretout en restreignant les facultés d’intervention et de contrôle de l’administration ;

Attendu qu’il se déduit de l'ensemble de ces éléments que Jacques CHIRAC avaitconnaissance des méthodes et procédures mises en place pour le recrutement des chargésde mission répondant à une nécessité de gestion des personnels ; qu’il savait que ce modede recrutement était largement pratiqué, ainsi qu’en ont attesté les données chiffréesrecueillies ; qu’il était naturellement en mesure de maîtriser le processus décisionnel depuisla création des postes jusqu’à leur attribution, tout en étant conscient que les nominationsqui en résultaient n’étaient soumises à aucune transparence et à des contrôles purementformels, lui laissant ainsi toute liberté dans le choix des personnes et la détermination desmissions dont le périmètre n'était pas clairement défini ;

Attendu qu’au terme de l’examen des nombreux contrats de chargés de mission évoquésau cours de ses interrogatoires par le juge d’instruction, Jacques CHIRAC a conclu sespropos en déclarant : “Je souhaite vous redire que, bien entendu, en qualité de maire deParis, j’assume la responsabilité de leur recrutement, même si pour beaucoup d’entre eux,je ne les connaissais pas. Dès lors il serait injuste d’en rendre responsables les directeursde cabinet qui dans le cadre de leurs fonctions devaient signer les contrats” (D3807/35) ;

¤ Sur l’implication des directeurs de cabinet successifs dans la miseen oeuvres de ces pratiques

< sur les attributions du directeur de cabinet :

Attendu qu’il ressort des éléments du dossier que la signature des contrats d’engagementde chargés de mission était une des attributions du directeur de cabinet du maire de Paris ;que l’établissement formel du contrat par les services de la direction de l'administrationgénérale résultait d’une instruction par note du directeur de cabinet au directeur del’administration générale ; que le directeur de cabinet intervenait également pour formaliserles demandes de création de postes de chargés de mission affectés à la direction de cabinetou émanant de la questure destinées à la direction des finances, en vue de la préparation deprojets de résolution soumises au Conseil de Paris ; que pour l’exercice de ces prérogatives,le directeur de cabinet bénéficiait d’une délégation de signature du maire en application desdispositions de l’article 37 de la loi n°82-1169 du 31 décembre 1982 ;

Attendu que Michel ROUSSIN, nommé directeur de cabinet du maire de Paris par arrêtédu 20 février 1989 avec effet à compter du 15 février précédent, a exercé ces fonctionsjusqu’au 1 mars 1993 ; qu’il a bénéficié de la délégation de signature précitée par arrêtéer

du maire du 24 avril 1989 ; que Rémy CHARDON lui a succédé dès le 1 mars 1993,er

assurant l'intérim au départ de Michel ROUSSIN, candidat à la députation, et jusqu’au 15juin 1995 ; que de la même façon, il a bénéficié d’une délégation de signature du maire par

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arrêté du 26 février 1993 ;

Attendu que ces délégations de signatures ne retiraient nullement au maire sa compétenced'ordonnateur des dépenses ; qu'elles révèlent l'étroitesse de la collaboration et des relationsde confiance existant nécessairement entre le délégant et son délégataire ;

que selon Jacques CHIRAC “le directeur de cabinet a vocation à intervenir dans tous lesdomaines mais toujours sous l’autorité et l’impulsion du maire, il est évident qu’il ne peuty avoir de divergences entre ces deux personnes” (D3684/5) ; qu’il a ajouté : “Il faut direqu’il existe une grande proximité et donc une totale confiance entre le maire et sondirecteur de cabinet et que même sans forcément dire les choses le directeur de cabinetapplique la politique du maire en sachant très bien jusqu’où il peut aller, toutes lesdécisions qu’il est amené à prendre le sont forcément sous la responsabilité du maire”(D3684/6) ; que pour Jacques CHIRAC, “le directeur de cabinet était chargé d’intégrerles éléments politiques de l’action menée par le maire” (D3684/5) ;

que Robert PANDRAUD, fournissant sa propre lecture des rapports entre le maire et sondirecteur de cabinet, a mis l'accent sur leur proximité et leur complémentarité et déclaré :"au cabinet du maire, c'était à la jonction entre l'administratif et le politique" (D2235/4),“le maire et le directeur de cabinet ne font qu'un” ou bien encore “le maire et le directeurde cabinet ne sont pas deux mondes à part”, et conclu “l’initiative juridique c’était moi,l’initiative politique c’était Jacques CHIRAC ” (D3801/4) ;

que son successeur, Daniel NAFTALSKI, prédécesseur de Michel ROUSSIN, a défini ledirecteur de cabinet du maire comme un “homme pivot au sein de la mairie” et l'un desplus proches collaborateurs du maire, ayant notamment pour tâche de coordonner lesdifférents acteurs de la Ville et en particulier d’assurer la liaison avec l'administration ens'appuyant sur le secrétaire général et à travers lui sur les différentes directions, ainsiqu’avec les élus en s'appuyant sur le secrétaire général du Conseil, le 1 adjoint du maireer

et les maires d'arrondissement (D2190/2) ;

< Sur l’implication personnelle des directeurs de cabinet dans l’emploi des chargés demission :

Attendu que Michel ROUSSIN et Rémy CHARDON reconnaissent avoir signé les notesadressées au directeur de l’administration générale donnant instruction d’établir les contratsd’engagement, ainsi que les contrats eux-mêmes tout en se conformant aux indicationscontenues dans la dite note ; que pour autant, Michel ROUSSIN affirme n’avoir connuaucun des onze chargés de mission bénéficiaires des contrats retenus à sa charge et contesteavoir été à l’initiative d’aucun de ces recrutements ; que Rémy CHARDON soutient queseul François DEBRE lui était connu, contrairement aux trois autres chargés de missionqu'il n'avait jamais rencontrés ; qu'il conteste avoir été à l’initiative des recrutements deJean-Christophe ANGENAULT, David COURRON et Martine GARNIER, affirmants'être borné à traiter les demandes reçues et instruites au bureau du cabinet ;

Attendu que si Michel ROUSSIN et Rémy CHARDON reconnaissent avoir exercé un réelpouvoir d’appréciation quand il s’agissait de recruter un de leurs collaborateurs directs, ilsle contestent lorsque le recrutement visait des contrats dits de cabinet ; que selon leursexplications, leur pouvoir se limitait dans ce cas, dès lors que les demandes émanaientd’autorités légitimes à les présenter, à une vérification de la disponibilité du poste et de lacorrespondance entre la catégorie demandée et la catégorie existante au regard descontraintes budgétaires ; qu'ils décrivent, dans cette logique, le directeur de cabinet commeun gestionnaire arithmétique d’un volume de contrats ;

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Attendu cependant que Bernard GAUDILLERE, qui a pris ses fonctions de directeur decabinet du maire le 26 mars 2001, affirme, en ce qui concerne les agents affectés au cabinetdu maire, que “le directeur de cabinet sait parfaitement les fonctions remplies par chacund'eux et qu’il lui serait impossible d'ignorer que l'un d'entre eux exerce les fonctionsailleurs qu'au cabinet et à fortiori ailleurs qu'à l'Hôtel de Ville ” (D2051/2) ; que PatriceMOLLE, directeur des ressources humaines à la Ville de Paris depuis 2001, va dans lemême sens en soutenant que “le directeur de cabinet signataire d'un contrat de chargé demission affecté au cabinet est l'autorité fonctionnelle de contrôle de la réalité del’affectation et de la mission de cet agent” (D2025/3) ;

Attendu qu’il est établi que c’est le chef de cabinet qui était le premier concerné par laphase de procédure préalable au recrutement, que les vérifications étaient opérées sous sonautorité quand il ne les accomplissait pas lui-même ; qu’ainsi, Jean-Eudes RABUT, qui aexercé ces fonctions pendant toute la période de prévention, a été cité par plusieurs chargésde mission comme étant leur interlocuteur privilégié au cabinet ; que l'un de sessuccesseurs Andrée NIVETTE (D2375/4) a évoqué l'idée d'un “domaine réservé” relevantuniquement du chef de cabinet, du directeur de cabinet et du maire, ce qu'a contesté HenriCUQ, chef de cabinet de 1979 à 1984, tout en confirmant que si le recrutement de cescontractuels relevait de la compétence du directeur de cabinet, lui-même ne contrôlait quela mission de ses propres collaborateurs ;

Attendu que Michel ROUSSIN et Rémy CHARDON soutiennent qu’ils n’avaient aucunpouvoir d’appréciation des demandes qui leur étaient adressées, que seule l’autoritérequérante était investie d'un tel pouvoir, que les éléments d’information portés à leurconnaissance à cette occasion était des plus succincts et n’impliquaient et ne permettaientaucun contrôle d’opportunité ; qu’il pouvait se faire que le poste soit pris en compte sur levolant de contrats laissés vacants sur la masse totale des contractuels de la Ville de Paris,en procédant à une affectation “pour ordre” ; qu’ils n’avaient pas davantage de contrôle dela bonne exécution du contrat de chargé de mission ; que ce contrôle relevait de l'autorité,affectataire réelle du poste ;

Attendu qu'Alain JUPPÉ, adjoint aux finances, a confirmé les propos de Michel ROUSSINsur l'existence d'une “position administrative pour ordre” à la direction du cabinet du mairedans l'attente d'une affectation définitive (D2287/4 et 3740/4) ;

Attendu que Robert PANDRAUD et Daniel NAFTALSKI d’une part et Bernard BLEDd’autre part ont adhéré à la thèse développée par Michel ROUSSIN et Rémy CHARDONau travers de la note commune adressée le 9 novembre 2007 au juge d’instruction ;

que Daniel NAFTALSKI a confirmé que la pratique et la tradition, en l'absence de règleécrite, voulaient que le directeur de cabinet signe tous les contrats de chargés de missionquelque soit l'affectation du bénéficiaire, au vu d'une demande émanant d'une direction,d'un élu ou du secrétaire général du Conseil ; qu’il a expliqué : “je m'assurais del'existence du poste budgétaire et voté avant de transmettre cette demande à la DAG quitraitait le dossier” (D2190/3) ; qu’il a indiqué que s'il choisissait, recrutait et notait sescollaborateurs directs pour lesquels il avait la responsabilité de contrôler l'effectivité dutravail, il n'avait pas à juger de l'opportunité du recrutement concernant tous les autrescontrats dits “de cabinet” pour lesquels le contrôle de l'activité n'était pas de son ressortmais bien de celui de la personne qui avait sollicité le recrutement (D2191/2) ;

que Robert PANDRAUD a confirmé que le rôle du directeur de cabinet était tout d'abordde vérifier s'il y avait bien une demande de recrutement pour un chargé de mission puis devérifier sur les notes que lui présentaient ses services que cette demande entrait bien dansle cadre budgétaire, après quoi le dossier était transmis à la direction de l'administrationgénérale avec une demande de recrutement dans une catégorie déterminée en fonction ducurriculum vitae, de l’expérience, du niveau d'études ou de diplôme de l'intéressé

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(D3801/2) ;

que Bernard BLED, successeur immédiat de Rémy CHARDON, a indiqué quel'administration est au service du maire et que c'est bien le maire qui est l'autoritéimmédiate du directeur de cabinet ; que “les chargés de mission affectés dans les autresdirections étaient de la responsabilité des personnes qui les employaient qu'elles soientfonctionnaires ou élus" (D2200/3) ; que “le directeur de cabinet est responsable deseffectifs du cabinet même si, je le répète, la gestion quotidienne relève du chef de cabinet.Il doit être en théorie capable de savoir ce qu'il signe, le domaine du recrutement decontractuel est l'un des moins vérifiés au niveau du directeur de cabinet” (D2200/5) ;

Attendu que la procédure ainsi décrite correspond en tous points et présente une certainecontinuité avec celle qu’a exposée Jean-Marc BOURDIN, le sous-directeur des ressourceshumaines de la Ville de Paris, dans sa réponse écrite faite à la Chambre régionale desComptes(D3728) le 11 mars 1999, soit près de quatre ans après le départ de JacquesCHIRAC de la mairie de Paris et alors que le maire en exercice était encore Jean TIBERI ;que ce dernier, se démarquant de l'avis des directeurs de cabinet, a toutefois affirmé quec'est son directeur de cabinet qui avait le pouvoir de recruter et de fixer la rémunération(D2950/4) et qu'il n'était pas intervenu pour l'attribution des emplois ; que l’information aétabli que c’est en accord avec le maire que Bernard BLED avait pris, à son arrivée à ladirection du cabinet, l’initiative d'un travail de “lissage” consistant à reprendre l’intégralitédes contrats existants ;

Attendu que Roger ROMANI, chargé de la questure au Conseil de Paris, a déclaré que lescollaborateurs placés auprès d’élus ou de groupes d’élus exerçaient sous la seule autoritéde ces derniers à l’exclusion de tout contrôle émanant d’un pouvoir administratifquelconque pour des raisons, selon lui, évidentes, d’ordre politique et déontologique(D2218/2) et rappelé que la loi était venue confirmer ce point (D2230/2) ;

Attendu par ailleurs que Michel ROUSSIN et Rémy CHARDON dénoncent le fait que lesdossiers administratifs saisis par les enquêteurs ne comportent, à quelques rares exceptionsprès, aucune trace des demandes initiales, ce qui interdirait selon eux de déterminer l'auteurde la saisine et d’en apprécier la légitimité ; qu’il a pu être constaté que le dossier de Jean-Marie ROCHE ne contenait ni contrat ni note d’instruction , mais que d'autres comme celuide Jean-Claude MESTRE étaient plus explicites quant à l'historique du recrutement ;

Attendu qu’à cet égard, Daniel NAFTALSKI a expliqué que les demandes ne revêtaient pasde formalisme particulier (D2270/20) ; que selon Bernard BLED, le recrutement se faisaità partir soit d'une demande spontanée du candidat soit d'une intervention ;

Attendu que Jean-Paul GARROTÉ a déclaré se souvenir qu’en 1999, à la demande dusous-directeur de la gestion des personnels, il avait transmis à la direction du cabinet à deuxreprises la totalité des dossiers administratifs des chargés de mission qui “étaient revenusallégés c’est à dire moins épais qu’au départ” (D2503/3) ; que Jean-Paul GARROTÉ aégalement indiqué avoir “fait un peu le vide dans les dossiers” en retirant des bordereauxde transmission au moment du contrôle de la chambre régionale des comptes, quand sahiérarchie lui avait demandé de regarder dans les dossiers s’ils étaient conformes ; queFrançois-Xavier MEYER, chef du bureau du cabinet de 1994 à 2001, et Hubert BIDAULT,sous-directeur à la gestion du personnel de 1989 à 1996 à la direction de l’administrationgénérale, ont confirmé cette initiative prise par le cabinet en 1999 de consulter l'ensembledes dossiers (D2811/6) ; que Hubert BIDAULT a néanmoins contesté que des instructionsaient pu être données de détruire des bordereaux de transmission, ce dont il ne voyait pasl’intérêt, ces documents supportant essentiellement le visa du directeur des ressourceshumaines, du secrétaire général de la ville, celui du cabinet et s’il y avait lieu du maireadjoint (D2646/4) ;

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Attendu que si l’absence de demande de recrutement dans la quasi-totalité des dossiersadministratifs saisis est de nature à créer une incertitude sur l'origine du recrutement, il aété établi que cette demande pouvait être faite oralement par intervention et que lorsqu’elleémanait du maire directement, il n’y avait pas forcément lieu à demande écrite ;

Attendu qu’il ressort de l’analyse des contrats retenus dans la prévention que ceux-ci ontété maintenus pour certains pendant de longues années, parfois plus de dix années, sansqu’interviennent, à plus ou moins brève échéance, des modifications ou régularisations auregard de la position “pour ordre” de l’intéressé ; que les situations se sont au contrairepérennisées sans rattachement à terme de l’agent à une autre direction par le biais des“mouvements opérés en cours de gestion entre les directions” auxquels Jean-MichelHUBERT a fait allusion (D2570/3), ou sous la forme de “prêts de contrats aux directionsde la ville ou au secrétariat général du conseil lorsque ceux-ci ne disposaient pas de postesbudgétaires disponibles” (D2412/5) ;

Attendu qu'en l'absence de publication des décisions de nominations au Bulletin MunicipalOfficiel, le seul outil de gestion dont disposait le directeur de cabinet était, outre le fond dedossier conservé en archive, le listing transmis mensuellement par la direction del’administration générale, sans qu'y figure, selon Henri CUQ, l'affectation des chargés demission puisque les emplois de cabinet pouvaient être affectés soit au cabinet du maire, soitauprès d'élus ou de maires d'arrondissement (D2488/4) ;

Attendu que les constatations faites par les enquêteurs et les observations recueillies auprèsdes responsables du cabinet et de l'administration municipale rejoignent les observationscritiques faites par la Chambre régionale des Comptesen ce qu'elles mettent en évidenceun manque de transparence des procédures et de fiabilité des données, entretenu auxdifférents stades de la vie des contrats ;

Attendu que s’il est démontré que le directeur de cabinet était une autorité incontournableen matière de demande de création de postes et de recrutement proprement dit des chargésde mission affectés à la direction du cabinet du maire, Michel ROUSSIN, pas plus queRémy CHARDON, n’a été le concepteur, ni l’organisateur de la procédure de recrutement ;

Attendu que le caractère politique de leur fonction, leur proximité avec le maire, l’autorité,les compétences et les moyens dont ils disposaient au regard de ceux du maire de Paris, pasplus que les noms des bénéficiaires des contrats litigieux, correspondant, pour trois d’entreeux, à savoir Anne MOREL MAROGER épouse GRAND d’ESNON, Marie-ThérèseMONIER épouse POUJADE ou bien François DEBRÉ, aux patronymes de personnalitésconnues au sein du RPR pour y avoir exercer des responsabilités, ne permettent à eux seulsd’affirmer qu’ils avaient systématiquement connaissance des circonstances ayant puprésider à ces recrutements ;

Attendu qu’à supposer que chaque dossier ait dû comporter la demande émanant d'uneautorité légitime à le faire, il convient de rechercher à l’occasion de l’examen de chacundes emplois, quelle pouvait être cette autorité et quel lien pouvait exister entre celle-ci etl’autorité d’emploi qui bénéficiait des services du chargé de mission ;

qu’il convient également de déterminer la réalité du détournement pouvant caractériserdans leur élément matériel les infractions d'abus de confiance et de détournement de fondspublics et de complicité de ces délits ;

qu'il y a lieu de rechercher dans les circonstances propres à la conclusion de chacun descontrats et à son exécution, si le maire et le directeur de cabinet étaient informés de lasituation réelle tant du postulant que de l'autorité d'emploi et, le cas échéant, de l'objet etde la finalité réels de la mission confiée à l’agent et dans quelle mesure chacun a puparticiper en connaissance de cause au maintien de cette situation et, par conséquent, des

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rémunérations afférentes ;

Attendu qu' il sera procédé dans un premier temps à l’analyse des emplois ayant provoquédes poursuites exclusivement à l’encontre de Jacques CHIRAC comme auteur principal,puis, dans un second temps des faits reprochés également à Michel ROUSSIN et RémyCHARDON en qualité de complices ; que la question de la culpabilité sera examinée sousl’angle du recel à l’égard des sept autres prévenus à l’occasion de chacun des emplois quiles concernent ;

c) - Sur la constitution des délits d’abus de confiance et de détournement de fonds publics,complicité et recel à l’occasion de chacun des emplois retenus dans la prévention

¤ Sur les délits d’abus de confiance et de détournement de fondspublics exclusivement reprochés à Jacques CHIRAC et le délit de recel reproché à PierreBOUE

� Sur les emplois de Jean-Marie ROCHE, Annie DEMICHEL, MichelPALAU et Pierre FIGEAC

Il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, du 26 octobre 1992 au 1er

mars 1994, détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaientété remis au titre d’un mandat en sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faireun usage ou un emploi déterminé au profit de la Ville de Paris, en l’espèce en faisantengager et rémunérer Jean-Marie ROCHE, Annie DEMICHEL, Michel PALAU et PierreFIGEAC, chargés de mission employés dans des structures extérieures à la Ville.

Il lui est également reproché d’avoir du 1 mars 1994 jusqu’au 16 maier

1995, étant, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire de l’autorité publique, détourné desfonds publics au préjudice de la Ville de Paris, en l’espèce en faisant prélever sur le budgetde la Ville de Paris les montants des rémunérations de ces mêmes chargés de mission.

< sur l’emploi de Jean-Marie ROCHE

Jean-Marie ROCHE a été engagé comme chargé de mission par contraten date du 23 août 1990 signé par Anne CUILLE, directrice adjointe de cabinet. Sondossier administratif saisi par les enquêteurs (scellé 4/71) ne contient ni son contratd’engagement ni la note préalable du directeur de cabinet. Son contrat a néanmoins étérégulièrement soumis au contrôle de légalité du préfet le 27 août 1990 (D2552/19).

D’une durée initiale d’un mois, ce contrat était renouvelable par tacitereconduction de mois en mois. La rémunération mensuelle était calculée sur la base del’indice brut 994.

Aux termes de ce contrat, Jean-Marie ROCHE s’engageait notammentà consacrer tout son temps à l’administration.

Il ressort des déclarations de Jean-Marie ROCHE faites au cours del’enquête et à l’audience qu’exerçant alors comme conseiller agricole au sein de la chambred’agriculture du département de la Corrèze, responsable de l’équipe d’arrondissementd’Ussel, il avait été approché par Annie LHERITIER, elle-même conseiller général ducanton d’Eygurende et conseiller technique au cabinet de Jacques CHIRAC, maire de Paris,dans le cadre d’un détachement du ministère de l’intérieur depuis fin 1977.

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Jean-Marie ROCHE a notamment déclaré : “J’ai été affecté à lapermanence du député Jacques CHIRAC (...). La permanence était composée d’un halld’entrée et de deux pièces. J’occupais l’une de ces pièces. L’autre était occupée parMadame BREDECHE, attachée parlementaire de Jacques CHIRAC (...). Je travaillais defaçon permanente à Ussel”(D1744/2).

Il a précisé que si Madame BREDECHE s’occupait des relations avecles élus locaux et de la vie locale, il avait lui-même des relations avec les élus locaux àl’occasion des déplacements de Jacques CHIRAC, maire de Paris et député de la 3ème

circonscription de la Corrèze qui est la circonscription d’Ussel. Selon ses déclarations, il avait mission de recevoir les personnes qui

sollicitaient des interventions du maire de Paris, de rédiger des notes transmises ausecrétariat des affaires réservées à l’Hôtel de Ville de Paris ou remises en main propre àJacques CHIRAC lors de ses venues en Corrèze à l’occasion desquelles il organisait lesdéplacements dans le département ainsi que les rendez-vous avec des socio-professionnelstels que responsables agricoles, responsables de l’artisanat, des transports, du bois etc...

Il précisait que les demandes d’interventions qu’il traitait émanaientde l’ensemble du Massif central et provenaient de personnes qui, vivant ou travaillant àParis, préféraient s’adresser directement à la permanence d’Ussel parce qu’ils avaient lacertitude qu’ainsi les informations parviendraient directement à Jacques CHIRAC.

Devant le magistrat instructeur, Jacques CHIRAC, pour sa part, asoutenu ne pas se souvenir des conditions dans lesquelles avait été recruté Jean-MarieROCHE dont il disait pourtant, lors de cet interrogatoire, conserver un “souvenir tout à faitclair”, et avoir ignoré que celui-ci avait été titulaire d’un contrat de chargé de mission avecle maire de Paris. Il a néanmoins justifié cet emploi par les origines corréziennes del’intéressé et sa parfaite connaissance du département de Corrèze et de ses habitants luipermettant de “faire, mieux que personne, le tri entre les demandes plus ou moins sérieusesadressées par les corréziens au maire de Paris d’attribution de logements, d’emplois oude places dans des crèches par exemple” (D3805/3).

Jacques CHIRAC a, par ailleurs, confirmé l’existence au sein de soncabinet d’une “cellule corrézienne” composée de ses collaborateurs, notamment AnnieLHERITIER, qui étaient “en charge de ces problèmes”.

Anne CUILLE, directrice adjointe de cabinet du maire, signataire ducontrat, a présenté Annie LHERITIER comme l’autorité qui, ayant en charge le suivi desdossiers corréziens et des interventions des élus et de la population de ce département,devait contrôler l’activité de Jean-Marie ROCHE.

Annie LHERITIER a pourtant contesté avoir été l’auteur de cerecrutement dont elle disait tout ignorer, se bornant à admettre avoir pu demander à Jean-Marie ROCHE s’il voulait travailler pour le maire de Paris.

C’est à compter du 15 mai 1995 que, d’un commun accord avecJacques CHIRAC, élu Président de la République, il a été mis fin aux fonctions de Jean-Marie ROCHE.

La Ville de Paris évaluait à 1.606.666,04 francs (244.934 euros) le coûtglobal de cet emploi. Sur la période de novembre 1992 à mai 1995, ce coût s’établissait à898.686 francs (137.003 euros) (D2463/26).

Si Jean-Marie ROCHE a justifié à l’audience avoir été en possessiond’une carte de visite sous l’en-tête de la Ville de Paris et précisant sa qualité de chargé demission du maire de la ville, il a cependant reconnu avoir renseigné ses déclarationsrelatives à ses revenus des années 1990, 1991, 1994 et 1995 en portant sous la rubrique“profession ou qualité” la mention manuscrite : “Attaché parlementaire”.

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A l’audience du 7 septembre 2011, Jean-Marie ROCHE a affirmé quele local qu’il occupait était connu comme étant la permanence de Jacques CHIRAC (Notesd’audience p.50).

La défense de Jacques CHIRAC soutient :- que l’embauche et les premiers versements de rémunération intervenus avant le début dela période de prévention sont couverts par la prescription et sont insusceptibles decaractériser à l’encontre de Jacques CHIRAC un quelconque délit ;- qu’il ne saurait être fait une interprétation extensive de la lettre de l’article 408 de l’ancienCode pénal et 432-15 du Code pénal pour considérer que la prise en charge d’uncollaborateur vivant en Corrèze pour traiter les interventions, auprès du maire de Paris,émanant des habitants de la Corrèze ou des Corréziens vivant à Paris, relèveraient dudétournement ;- que les déclarations de Jean-Marie ROCHE (D1744), d’Annie LHERITIER (D2176) etde Jacques CHIRAC (D3805) justifient de l’opportunité de l’emploi dès lors que celui-ciétait bien réel et répondait à un intérêt légitime de la Ville consistant à faire le tri entre lesdemandes adressées en Corrèze et relevant de la mairie de Paris ou du mandat de députéde Jacques CHIRAC, puis de traiter les demandes relatives à la mairie de Paris et de lesadresser au cabinet du maire pour en assurer le suivi ;- que la mairie de Paris bénéficiait au contraire de la mise à disposition gratuite de moyensmatériels lui permettant de traiter de manière optimale les nombreuses interventionsconcernant les corréziens installés à Paris ou souhaitant s’y installer ; - que Jacques CHIRAC n’est pas intervenu ni pour recruter ni pour organiser le maintiendu contrat ni pour ordonner le paiement des salaires ou s’assurer du bon versement ;- que l’élément intentionnel de l’infraction au moment des versements de rémunérationsnon prescrits n’est pas démontré.

Sur quoi, le tribunal:

Attendu que la prescription est acquise pour les faits antérieurs au 26 octobre 1992,s’agissant de l’embauche de Jean-Marie ROCHE et du versement jusqu’à cette date de sesrémunérations mensuelles ;

Attendu qu’il résulte de l’ensemble des éléments du dossier et des débats que Jean-MarieROCHE, agent de la Ville de Paris, n'a pas disposé de bureau à la mairie mais a été installésur le territoire de la Corrèze ; qu'il a oeuvré dans les locaux de la permanence électoralede Jacques CHIRAC, député de la Corrèze ; qu'il s'est consacré au service exclusif descorréziens “vivant ou travaillant à Paris”, afin de permettre que soit réservé un traitementparticulier à leurs demandes d’interventions auprès du maire de Paris ; que ses tâches sesont révélées fort éloignées des intérêts immédiats de l'ensemble des parisiens et ont prisdavantage en compte les problèmes spécifiques aux corréziens, fussent-ils de Paris, et à leurdépartement d'origine que ceux de la capitale ;

Attendu qu’Annie LHERITIER, en charge selon Anne CUILLE du contrôle de l’activitéde Jean-Marie ROCHE, a indiqué que celui-ci venait parfois lui déposer des dossiers ; quesi elle a estimé que ce travail relevait du maire de Paris, elle a cependant mis l’accent surle volumineux courrier reçu par Jacques CHIRAC auquel “les gens (...) écrivaient toujoursen nommant sa qualité de maire de Paris” ce qui créait “l’ambiguïté” sur la qualité dudestinataire à une époque où Jacques CHIRAC exerçait différents mandats ; qu’il apparaîtque cette ambiguïté résulte plutôt de l’utilisation par Jean-Marie ROCHE du titre de chargéde mission du maire de Paris, voulant laisser penser aux corréziens que, par sontruchement, ils allaient bénéficier d’un contact plus aisé avec Jacques CHIRAC ;

Jugement nE 1

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Attendu que l’information a établi que cette attention particulière aux intérêts descorréziens de Paris caractérisait aussi la circonscription voisine de Tulle dont l’élu RPRétait l’un des directeurs adjoints de cabinet du maire de Paris, en la personne de Raymond-Max AUBERT ; que ce dernier a en effet expliqué qu'il avait été chargé par le maire deParis au cours des années 1988 et 1989 de “suivre les problèmes liés aux corréziens deParis et aux nombreuses associations corréziennes présentes sur la capitale” et avaitobtenu la mise à disposition d’un collaborateur en la personne de Bernard COMBASTEIL ;

que Raymond Max AUBERT a précisé : “Le maire de Paris souhaitait du fait de ses deuxmandats qu’une attention toute particulière soit apportée aux sollicitations des corréziens.Il faut ajouter que l’importance du courrier correspondant à ces sollicitations justifiait cetype d’organisation. (...) Il souhaitait que toutes les sollicitations soient examinéesattentivement et j’avais donc une obligation de résultat” (D2423/8) ;

Attendu que la matérialité des délits d’abus de confiance et de détournement de fondspublics résulte, sur la période du 26 octobre 1992 au 16 mai 1995, du maintien des effetsdu contrat de Jean-Marie ROCHE qui, d’une durée initiale d’un mois, était renouvelabletacitement de mois en mois et auquel Jacques CHIRAC, ordonnateur des dépenses de lacommune, s’est abstenu de mettre un terme en parfaite connaissance de cause ; qu'il n'estpas sans intérêt de noter à cet égard que, selon Jean-Marie ROCHE, c'est “d’un communaccord avec Jacques CHIRAC”, lors de son accession à la Présidence de la République enmai 1995, ce qui correspondait à la fin de son mandat de maire mais également de députéde la Corrèze, qu’il a été mis fin au contrat et que cette situation a cessé ;

Attendu que l’élément intentionnel des infractions d’abus de confiance et de détournementde fonds publics est établi par la connaissance qu’avait Jacques CHIRAC, y compris dansla période postérieure au 26 octobre 1992, de l’affectation réelle de Jean-Marie ROCHEà sa permanence de député de la Corrèze, à Ussel, et de la nature des tâches qui lui ont étéconfiées au contact des corréziens ayant des attaches parisiennes ; que cette implantationrépondait à des impératifs de nature politique ; que ces prestations, tant dans leur réalité quedans l’apparence entretenue auprès des interlocuteurs concernés en Corrèze, s’apparentaientdavantage à un travail d’attaché parlementaire qu'à celui d’un agent contractuel de la villede Paris ; qu’ainsi, en bénéficiant des retombées politiques locales engendrées par lesservices fournis par cet agent de la Ville, Jacques CHIRAC, qui était parmi les mieuxplacés pour en apprécier le travail, avait conscience d’agir dans l’intérêt d’une petite partiede la collectivité des parisiens, originaire de Corrèze, rompant ainsi l’égalité entre sesadministrés, et de faire des fonds de la collectivité territoriale dont il avait la charge unusage non conforme au mandat qu’il avait reçu de l’ensemble des parisiens ;

Attendu qu’il s’ensuit qu’en faisant verser à Jean-Marie ROCHE, du 26 octobre 1992 au1 mars 1994, des rémunérations sans véritable contrepartie pour cette collectivité, Jacqueser

CHIRAC, a sciemment détourné au préjudice de la Ville de Paris dont il était le maire, desfonds qui lui avaient été remis au titre d’un mandat, à charge pour lui d’en faire un usageou un emploi déterminé au profit de la Ville de Paris ; qu’en persistant dans de telsagissements, au delà du 1 mars 1994 et jusqu’au 16 mai 1995, faisant prélever sur leer

budget de la Ville de Paris les montants des rémunérations versées mensuellement à Jean-Marie ROCHE, il a détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds publics dont safonction de maire lui attribuait la gestion ;

Attendu que, concernant l’emploi de Jean-Marie ROCHE, les éléments constitutifs desdélits d’abus de confiance et de détournement de fonds publics sont caractérisés àl’encontre de Jacques CHIRAC qui sera déclaré coupable de ce chef ;

Jugement nE 1

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< Sur l’emploi d’Annie DEMICHEL

Suite à une note du 5 août 1993 signée Rémy CHARDON, directeurde cabinet, Annie DEMICHEL a été recrutée à compter du 1 août 1993 en qualité deer

chargée de mission cadre moyen, affectée à la direction du cabinet moyennant unerémunération calculée sur la base de l’indice brut 489. Son contrat d’une durée d’un moisrenouvelable par tacite reconduction, sans précision de son affectation, a été signé le 26octobre 1993 par Rémy CHARDON.

En mai 1995, elle a été mise à la disposition de la Présidence de laRépublique dans le cadre de la convention conclue entre la Présidence de la République etla Ville de Paris.

Annie DEMICHEL a perçu d’août 1993 à mai 1995 une rémunérationtotale de 215.970 francs (32.924 euros), ce qui représentait sur cette période un coût globalpour la mairie de Paris de 343.194,39 francs (52.319 euros).

Elle a été rémunérée par la Ville de Paris jusqu’en janvier 1997. Le coûtde cette rémunération atteignait alors pour la Ville de Paris un total de 643.438,20 francs(98.091 euros) (D2155/8).

Lors de son audition effectuée le 6 avril 2001, Annie DEMICHELindiquait qu’elle avait été recrutée après avoir traversé une période d’inactivité, qu’elleavait eu l’occasion de faire part de sa situation de recherche d’emploi à Jacques CHIRAC,que ce dernier avait évoqué devant elle le fait qu’il recevait de très nombreux ouvrages etqu’il avait besoin d’une personne pour lui établir des notes de lecture, et lui avait proposéde prendre contact avec ses services et notamment Jean-Eudes RABUT, son chef decabinet, avec lequel elle s’était entretenue du poste envisagé.

Elle se présentait aux enquêteurs comme étant encore chargée demission de la Ville de Paris mise à la disposition de la Présidence de la République. Elleétait néanmoins dans l’incapacité de produire une quelconque synthèse mais remettait uneliste d’une centaine d’ouvrages qu’elle affirmait avoir lus pour le compte de JacquesCHIRAC (D 1835).

Jacques CHIRAC confirmait ces déclarations et indiquait que c’est lepère d’Annie DEMICHEL, maire de la ville de Corrèze, qui lui avait indiqué qu’elle étaità la recherche d’un emploi. Il ajoutait : “s’agissant d’une fille intelligente, j’ai estiméqu’elle pouvait fournir un travail utile de synthèse du nombre important de livres que jerecevais (...) Je précise qu’en tant que maire de Paris je recevais des volumes importantsde livres et que naturellement je n’avais pas le temps de tous les lire, or, je souhaitaisremercier et répondre aux auteurs qui me les avaient fait envoyer dans un délairaisonnable , ce qu’il était possible de faire grâce à Madame DEMICHEL”.

C’est la qualité du travail fourni qui l’avait incité à lui demander depoursuivre auprès de lui après son accession à la Présidence de la République.

Annie DEMICHEL indiquait avoir travaillé depuis chez elle à Paris ouen Corrèze, n’ayant pour sa part jamais disposé à l’Hôtel de Ville d’un bureau, d’untéléphone ou d’un secrétariat, et précisant qu’elle passait récupérer les livres à la mairie,qu’elle réalisait des notes sur des essais politiques, des livres d’histoire ou des livres d’artou bien des romans et qu’elle remettait ses notes manuscrites, rédigées sur papier libre, ausecrétariat particulier du maire composé de Marianne HIBON, Madame BATISTELLI etChristine DALBINOE à raison d’une fois toutes les trois semaines.

Marianne HIBON confirmait avoir eu l’occasion de lui préparer à cettefin des ouvrages dans le domaine de la culture et de l’éducation. Christine DALBINOE quiavait appartenu au pool dactylographique n’avait conservé qu’un vague souvenir du nomd’Annie DEMICHEL.

Jugement nE 1

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Selon Rémy CHARDON, comme le maire de Paris recevait quantitésd’ouvrages et avait pour habitude d’adresser un mot de remerciement personnalisé à leursauteurs, il avait besoin d’une personne qui fasse une synthèse de ces ouvrages (D3722/5et Notes d’audience p.56).

La défense de Jacques CHIRAC soutient : - que Jacques CHIRAC a confirmé qu’Annie DEMICHEL était chargée de résumer pourlui des livres qui lui étaient adressés ;- qu’Annie DEMICHEL a été en mesure, lors de son audition, de communiquer l’identitéexacte des différents membres du secrétariat particulier de Jacques CHIRAC qu’elle avaitcôtoyés professionnellement, à une époque, au début des années 1990, où le recours à unpool dactylographique était systématique ;- que le témoignage de Marianne HIBON a confirmé cette activité, de même que la réponseapportée par Christine DALBINOÉ ;- que dans ces conditions, le magistrat instructeur, qui s’est abstenu de pousser plus loinles investigations en faisant entendre les autres membres du personnel désignés par AnnieDEMICHEL, ne pouvait se contenter de considérer comme insuffisamment probant letémoignage de Marianne HIBON ;- que cette activité s’est poursuivie au sein de la Présidence de la République ;- que personne d’autre n’était chargé au sein du cabinet de cette tâche ;- que la matérialité du délit n’est pas établie.

Sur quoi, le Tribunal : Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que, malgré l’allégation par AnnieDEMICHEL d’une multiplicité de travaux réalisés pour le maire de Paris puis pour lePrésident de la République, celle-ci n’a fourni aucun document pouvant en attester ; qu’ellea elle-même indiqué n’avoir reçu aucun retour de ses travaux, ce qui paraît contradictoireavec le fait que, selon Jacques CHIRAC, c’est la qualité de ses prestations qui l’ont conduità la conserver à son service après mai 1995 ; qu’au surplus rien ne permet, à la lecture del'unique liste produite aux enquêteurs par Annie DEMICHEL, de situer dans le temps letravail dont il s’agit et de déterminer avec certitude la masse de labeur qu’il est censéreprésenter ;

qu’Annie DEMICHEL a déclaré n’avoir jamais eu connaissance de corrections, decommentaires, ni d’aucune lettre de remerciement liées à sa production ; qu’elle n’aconservé aucune trace de son travail ; que les déclarations recueillies auprès des membresdu secrétariat particulier du maire et de Rémy CHARDON ne sauraient suffire à démontrerla réalité d'une telle cette activité ;

que si, aux termes de la transaction datée du 30 septembre 2010, Jacques CHIRAC“conteste avoir commis quelque infraction que ce soit et [maintient] que les emploislitigieux étaient légitimes et utiles à la Ville de Paris et aux parisiens” (page 3 duprotocole), force est de constater que les rémunérations perçues par Annie DEMICHELsont incluses à hauteur de 50.299,68 euros dans les remboursements effectués entre lesmains de la Ville de Paris ;

Attendu que dans un tel contexte, la connaissance par Jacques CHIRAC de la particularitéde cette situation, résultant à l'origine d'une embauche facilitée par les origines corréziennesde l'intéressée, est d’autant moins contestable que celle-ci a, de fait, perduré après l’électionprésidentielle de 1995, quand Annie DEMICHEL a suivi Jacques CHIRAC à la Présidencede la République où, selon ses propres déclarations, elle a été maintenue à son service alorsmême que les rémunérations continuaient d' être versées par la Ville de Paris ;

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Attendu qu’en recrutant et en maintenant, en connaissance de cause, par l’effet de la clausede reconduction tacite insérée dans l’acte, les effets d'un contrat de chargé de missionconsenti pour une durée initiale d’un mois, et faisant ainsi verser à Annie DEMICHELd’août 1993 au 1 mars 1994 des rémunérations, sans contrepartie pour cette collectivité,er

Jacques CHIRAC, a sciemment détourné au préjudice de la Ville de Paris dont il était lemaire, des fonds qui lui avaient été remis au titre d’un mandat, à charge pour lui d’en faireun usage ou un emploi déterminé au profit de la Ville de Paris ; qu’en persistant dans detels agissements, au delà du 1 mars 1994 et jusqu’au 16 mai 1995, en faisant prélever surer

le budget de la Ville de Paris les montants des rémunérations versées mensuellement àAnnie DEMICHEL, il a détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds publics dontsa fonction de maire lui attribuait la gestion ;

Attendu qu’il s’ensuit que, concernant l’emploi d’Annie DEMICHEL, les élémentsconstitutifs des délits d’abus de confiance et de détournement de fonds publics sont réunisà l’encontre de Jacques CHIRAC qui sera déclaré coupable de ce chef ;

< Sur l’emploi de Michel PALAU

L’examen du dossier administratif de Michel PALAU, objet du scellén°17 du PV 28/00/3, fait apparaître que celui-ci a été recruté en qualité de chargé demission cadre moyen affecté à la direction du secrétariat général du Conseil de Paris parcontrat du 28 juin 1982, portant la signature du directeur de cabinet Bernard BILLAUD,avec effet à compter du 1 juin 1982, en exécution d’une note non datée, reçue à laer

direction de l’administration générale le 2 juillet 1982, également sous la signature deBernard BILLAUD, prévoyant une rémunération mensuelle calculée sur la base de l’indicebrut 579.

Son contrat ayant été conclu pour une durée initiale d’un mois etrenouvelable de mois en mois par tacite reconduction, il a été mis fin sur sa demande à sesfonctions à compter du 8 mai 1995. Sa démission est intervenue alors qu’une procédure deradiation des cadres avait été engagée à l’initiative de Bernard BLED qui occupait alorsencore le poste de secrétaire général du Conseil de Paris avant de succéder à RémyCHARDON à la direction du cabinet.

Les calculs faits par la Ville de Paris conduisent à retenir que, sur lapériode comprise entre le 26 octobre 1992 et le 8 mai 1995, cette rémunération aoccasionné pour la Ville de Paris un coût global pouvant être évalué à 79.541 euros, tandisque sur la totalité de la durée du contrat, soit de 1982 à mai 1995, ce coût s’élevait à350.269 euros.(D3822/1).

Entendu par les enquêteurs le 7 février 2001 (D1772), Michel PALAUprécisait qu’en 1982, Claude LABBE, député de Meudon, connaissant ses compétences etsa connaissance du Parlement, lui avait fait part du fait que Jacques CHIRAC recherchaitquelqu’un pour “assurer les relations entre la Ville de Paris et le Parlement sur lesdossiers propres au Conseil de Paris”, ainsi que, précisait-il dans un courrier adressé auxenquêteurs, “les questions économiques au sens le plus large”(D1772/2) ; qu’il avaitaccepté cette proposition et avait remis son curriculum vitae à Claude LABBÉ. Pour cetravail, il était totalement autonome et n’avait aucun supérieur hiérarchique, la seulepersonne à laquelle il rendait compte, de façon écrite, étant Claude LABBÉ qui n’exerçaitaucune fonction à la mairie de Paris. Ce dernier recevait des notes émanant de la mairiedont certaines signées par Jacques CHIRAC et il lui appartenait d’y répondre. Ces notesavaient trait aux relations du maire de Paris avec le Préfet de police et aux affaireséconomiques touchant le commerce, l’artisanat et l’environnement.

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Il n’avait jamais eu de bureau à l’Hôtel de Ville , sauf un tout petit localqu’il avait occupé durant quelques mois et très occasionnellement. Il n’apparaissait pasdans l’organigramme parisien et ne disposait pas de ligne téléphonique. Il passait son tempsà l’Assemblée Nationale et au Sénat où il bénéficiait d’un bureau collectif réservé augroupe parlementaire RPR pour recevoir des syndicats et autres organismes professionnels.

Dans la lettre adressée aux enquêteurs le 5 février 2001, MichelPALAU indiquait qu’il avait accepté la proposition que lui avait faite Claude LABBÉ etque, par la suite, Bernard PONS, adjoint au maire de Paris, lui avait demandé de poursuivresa mission de liaison entre le Conseil de Paris et le Parlement (D1770/2). Devant lesenquêteurs, il n’évoquait pas l’intervention de Bernard PONS.

Il recevait des notes qui lui demandaient d’auditionner tellepersonnalité ou représentant telle organisation syndicale dans le monde de la police ou del’agriculture, ou encore concernée par les questions d’environnement. Il suivait tous lestextes, propositions, projets ou questions au gouvernement concernant de près ou de loinla Ville de Paris. Il estimait avoir travaillé pour le maire de Paris dans la mesure où lesnotes auxquelles il répondait émanaient de cette collectivité.

Il reconnaissait avoir été rémunéré en dépit de son absence pour raisonde santé une première fois en 1988 pendant 6 mois et une seconde fois de novembre 1994à janvier 1995 inclus, ce dont il n’est nullement fait état dans son dossier personnel.

Jacques CHIRAC confirmait devant le juge d’instruction, le 3 juillet2008, la description de ses fonctions faite par Michel PALAU qu’il déclarait ne pasconnaître. Il a, en revanche, indiqué avoir bien connu Claude LABBÉ qui, expliquait-t-il,“avait dû le solliciter pour obtenir le recrutement d’une personne chargée de travailler àses côtés afin de vérifier l’adéquation entre les projets votés par le Parlement et lasituation spécifique de la Ville de Paris” (D3807/2).

La défense de Jacques CHIRAC fait valoir :- que Michel PALAU a justifié l’inoccupation d’un bureau à la mairie de Paris et de la nonaffectation de ligne téléphonique par la spécificité de ses tâches qui le conduisaient à êtreau contact permanent des parlementaires ;- que ses déclarations établissent que sa mission était bien réelle et répondait à un intérêtbien précis de la Ville de Paris ;- que selon Jacques CHIRAC il était nécessaire que quelqu’un vérifie l’adéquation entreles lois votées au Parlement et le statut particulier de la Ville de Paris ;- que s’il est possible, comme l’a déclaré Jacques CHIRAC lors de son interrogatoire, queClaude LABBÉ l’ait sollicité en 1982 pour obtenir ce recrutement, il ne s’agit là que d’unedéduction logique de la part du prévenu qui n’en a pas conservé le souvenir précis.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que l’information n’a pas permis de recueillir d'éléments objectifs attestant de lafinalité des activités de Michel PALAU en qualité de chargé de mission prétendumentaffecté au Conseil de Paris ; que ses seules déclarations ne sauraient suffire, contrairementà ce que soutient la défense de Jacques CHIRAC, à démontrer qu’il ait rempli une missiondans l’intérêt de la Ville de Paris, ou à tout le moins qu’il y ait consacré un plein temps, cequ’exigeait pourtant son contrat ; que l’essentiel de l’activité alléguée, dont la spécificitéest revendiquée par l’intéressé lui-même, s'est déroulée dans les locaux de l’AssembléeNationale ; que Michel PALAU n’a eu aucun référent hiérarchique à la mairie de Paris ;

Attendu que si les déclarations faites à son sujet par Jacques CHIRAC peuvent êtreanalysées comme une déduction logique faite par le mis en examen à partir des élémentsdu dossier qui lui ont été soumis par le juge d'instruction, il a néanmoins rappelé à cetteoccasion, afin d'accréditer le reste de ses propos, qu’il avait toujours veillé à ce que les loisvotées puissent être adaptées sans que cela pose de difficultés eu égard au statut particulier

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de la Ville de Paris, d’autant qu’à cette époque de nombreux textes sur la décentralisationétaient votés sur proposition du gouvernement ; qu’il a enfin souligné que Claude LABBÉavait une “grande connaissance de tous ces problèmes en sa qualité de président degroupe” et exerçait une “grande autorité sur le groupe parlementaire”; qu'il s’agit bien làd’affirmations de la part du mis en examen et non d’une simple déduction logique faite àpartir des éléments d'information qui lui ont été soumis ;

Attendu que l’invraisemblance d’une activité dans l’intérêt de la Ville de Paris est renforcéepar le fait, d’une part, que Michel PALAU, recruté en 1982, a été officiellement affecté auConseil de Paris alors qu’il était en réalité mis à disposition d’un élu du département desHauts-de-Seine, en la personne de Claude LABBÉ, par ailleurs président du groupeparlementaire gaulliste, lequel n’exerçait aucune responsabilité au sein de la collectivitéterritoriale, et, d’autre part, que Claude LABBÉ, décédé le 29 novembre 1993, n’avait plusexercé de mandat parlementaire à compter du mois d’avril précédent ; que l’interventionde Bernard PONS à son sujet n’est nullement démontrée ; que force est de constater, desurcroît, que l’interruption de toute activité pendant un total de six mois n’a nullementempêché la poursuite du versement de sa rémunération, ce qui illustre le peu de vigilancemanifestée par l’autorité d’emploi sur l’effectivité voire l’intérêt de cette collaboration ;

Attendu qu’il résulte de ces éléments que le versement, pendant la période visée auxpoursuites, par la Ville de Paris à Michel PALAU d’une rémunération en contrepartie d’uneactivité sans rapport avec les intérêts de la collectivité territoriale doit s’analyser en undétournement constitutif des délits d’abus de confiance et de détournement de fondspublics ;

Attendu que ces délits sont imputables à Jacques CHIRAC qui avait connaissance del’affectation d’un chargé de mission au service de Claude LABBÉ ; qu’il connaissaitégalement le mode de fonctionnement des contrats de chargés de mission permettant d’enrenouveler tacitement les effets de mois en mois, sans que quiconque n’ait à intervenirpositivement, ce qui fut le cas pendant treize années jusqu’à son accession à la Présidencede la République ;

Attendu qu'il est établi que Jacques CHIRAC a été à l’initiative du processus derecrutement concernant Michel PALAU ; qu’il avait la qualité pour le faire, sachantnéanmoins que Claude LABBE n'était pas élu de Paris ;

Attendu qu’en maintenant, en connaissance de cause, par l’effet de la clause dereconduction tacite insérée dans l’acte, les effets d'un contrat de chargé de mission consentipour une durée initiale d’un mois, et faisant ainsi verser à Michel PALAU du 26 octobre1992 au 1 mars 1994 des rémunérations grevant le budget de la collectivité territorialeer

qu’il administrait, à des fins étrangères aux intérêts propres de la collectivité des parisiens,Jacques CHIRAC, a sciemment détourné au préjudice de la Ville de Paris dont il était lemaire, des fonds qui lui avaient été remis au titre d’un mandat, à charge pour lui d’en faireun usage ou un emploi déterminé au profit de la Ville de Paris ; qu’en persistant dans detels agissements, au delà du 1 mars 1994 et jusqu’en mai 1995, en faisant prélever sur leer

budget de la Ville de Paris les montants des rémunérations versées mensuellement à MichelPALAU, il a détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds publics dont sa fonctionde maire lui attribuait la gestion ;

que Jacques CHIRAC s’est ainsi rendu coupable des délits qui lui sont reprochés ;

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< Sur l’emploi de Pierre FIGEAC

L’examen du dossier administratif de Pierre FIGEAC, objet du scellén°2/62, fait apparaître que celui-ci a été recruté en qualité de chargé de mission cadremoyen affecté à la direction du cabinet par contrat d’engagement du 20 juillet 1992, portantla signature d’Anne CUILLE, directrice adjointe de cabinet, avec effet à compter du 15 juin1992, en exécution d’une note signée de Michel ROUSSIN, datée du 25 juin 1992 etadressée à la direction de l’administration générale, fixant une rémunération mensuellenette de 6.000 francs, tandis que le contrat porte mention d’une rémunération mensuellecalculée sur la base de l’indice brut 296.Ce contrat, conclu pour une durée initiale d’un mois, était renouvelable de mois en moispar tacite reconduction.

Pierre FIGEAC a bénéficié, par avenant du 15 octobre 1992 signé deMichel ROUSSIN, d’une revalorisation de sa rémunération sur la base de l’indice brut 579.

Il a été mis fin à ce contrat à compter du 1 juillet 1994 sur la demandeer

de Pierre FIGEAC dont la démission est intervenue par courrier du 28 juin 1994, seuldocument mentionnant l’existence d’un temps partiel, qui sera confirmé par PierreFIGEAC devant les enquêteurs (D1687/1).

Pierre FIGEAC indiquait qu’il avait été recruté au sein de la mairie deParis en tant que chargé de mission pour les affaires internationales alors qu'il était parailleurs secrétaire permanent de l'Association Internationale des Maires Francophones(AIMF) depuis le 1 mai 1979, que son contrat d’engagement avait été conçu comme leer

moyen de lui assurer un complément de rémunération de ses fonctions de secrétairepermanent. Il était dans l'incapacité d’indiquer qui avait pu prendre cette initiative. Etantrémunéré par l’AIMF à hauteur de 30.000 francs par mois, il avait été proposé par leresponsable du personnel de la Ville de Paris, de lui régler la différence sur un petit contratprovisoire dans l'attente de l’augmentation de la subvention à l’AIMF. Il mettait égalementen avant l’osmose existant entre l’AIMF présidée par le maire de Paris et la collectivitéterritoriale qui profitait des activités de l’association.

C'est sur les recommandations de la directrice des affaires juridiques,estimant préférable qu'il soit rémunéré exclusivement par l’association, qu'il avaitdémissionné courant juin 1994. Il ne voulait plus bénéficier de cet appoint, d’autant quele budget de l’AIMF avait été voté et que son traitement avait été revalorisé.

Pour cette activité de secrétaire permanent, il relevait exclusivementdes bureaux de l’AIMF et de son président, le maire de Paris, et travaillait en parfaiteconcertation avec la direction des relations internationales et le cabinet du maire. De plus,une dizaine d’agents de la Ville de Paris étaient mis à disposition par la Ville de Paris pourassurer le fonctionnement de l’AIMF.

L’information établissait que l'Association Internationale des MairesFrancophones créée le 1 juillet 1979 avait pour objet “d’établir entre les maires eter

responsables des villes capitales et métropoles qui la composent grâce à l’usage communde la langue française, une coopération étroite dans tous les domaines de l’activitémunicipale". Depuis sa création et jusqu’au 5 juillet 1995, la présidence de l’AIMF avaitété assurée par Jacques CHIRAC alors maire de Paris, es-qualité.

L’association était subventionnée par la Ville de Paris à hauteur de 4millions de francs en 1991 et 6,6 millions de francs en 1992. Son budget était assuré à 90%par la subvention de la Ville de Paris, ce qui conduisait le trésorier à indiquer dans sonrapport sur les comptes de l’exercice 1992 que “sans l’apport de la Ville de Paris,l’association ne pourrait fonctionner” (D1687/2).

Sur la période courant du 20 juillet 1992 au 30 juin 1994, le coût de cetemploi s’élevait à 410.350 francs (62.557 euros).

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Jacques CHIRAC reconnaissait en avoir pris l’initiative en demandantà Pierre FIGEAC de développer les liens entre les capitales francophones puisque Parisavait un rôle important à jouer en la matière sur le plan international. Il confirmait lesdéclarations de Rémy CHARDON selon lesquelles il avait été convenu lors de la créationde l’association que la mairie de Paris en fournirait le secrétariat permanent et que, dansce cadre, Pierre FIGEAC avait été rémunéré sur un contrat de cabinet.

Pour autant, Pierre FIGEAC revenait sur cette explication dans uncourrier adressé aux enquêteurs puis lors de l’audience, en indiquant que les salaires luiétaient versés par la Ville de Paris pour des activités exercées au sein du cabinet du maireet qu’il n’y avait dès lors aucune raison que l’AIMF rembourse ce complément derémunération.

A l’audience, Pierre FIGEAC a fait état d’opérations bilatérales qui luiavaient été confiées par la mairie de Paris, elles-mêmes constitutives d’une activitéspécifique (Notes d’audience p.63), ce qu'a confirmé Michel ROUSSIN, celui-ci ayantévoqué l’existence d’un “travail constant entre l’AIMF et la Ville de Paris”qui à ses yeuxjustifiait l’existence de ce contrat (D2204/4).

La défense de Jacques CHIRAC fait valoir :- que les montants perçus pendant la période de prévention s’élèvent à 212.820,60 francssoit 32.444,29 euros ;- qu’il ne saurait être fait une interprétation extensive de la lettre de l’article 408 de l’anciencode pénal et 432-15 du Code pénal pour considérer que la prise en charge d’une partie dela rémunération du secrétaire permanent de l’AIMF, association dont le budget defonctionnement est assuré à hauteur de 90% par la Ville de Paris (6.675.000 francs en1991) et qui met de surcroît à sa disposition dix fonctionnaires, relèverait dudétournement ;- que l’emploi de Pierre FIGEAC était bien réel, et répondait à un intérêt légitime de laVille de Paris consistant à assurer son rayonnement international ;- qu’à l’audience, Pierre FIGEAC a précisé avoir été chargé par le cabinet du maire de Parisd’opérations bilatérales constitutives d’une activité spécifique, ce qui était confirmé parRémy CHARDON et Michel ROUSSIN ;- que si Jacques CHIRAC ne conteste pas avoir été à l’origine de ce recrutement, qu’ilconsidérait comme légitime, son intervention s’est limitée à la demande de saisine desservices de la mairie, plus aucune intervention n’ayant eu lieu par la suite.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que s’il est incontestable que par l’effet de ce contrat, les finances de la Ville deParis se sont trouvées obérées à hauteur du montant des rémunérations versées (410.350,42francs soit 62.557 euros), il n’est pas démontré que ces dépenses aient desservi les intérêtsde la collectivité territoriale dès lors qu’il est au contraire établi que cette dernière étaitpartie prenante dans la création et l'activité de l'association qu'elle subventionnait de façondéterminante et que le Conseil de Paris avait validé la convention de mise à disposition del’AIMF par la Ville de Paris d’une dizaine de fonctionnaires pour une durée de six années ;

Attendu qu’au cours de l’information, la Ville de Paris, partie civile, a expressémentrenoncé à réclamer le remboursement des sommes versées à titre de salaire à PierreFIGEAC, lesquelles n’ont pas été prises en compte dans la transaction du 30 septembre2010 ;

Attendu que le détournement n’est pas suffisamment caractérisé par les éléments dudossier ; que dès lors la relaxe s’impose au bénéfice de Jacques CHIRAC ;

Jugement nE 1

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� Sur la lettre de commande adressée à Madeleine FARARD

Lors d’une première audition effectuée le 1 juillet 1998 dans le dossierer

de Nanterre (D1831), Madeleine FARARD décrivait son cursus professionnel de la façonsuivante.

Admise sur concours au sein de l’administration départementale de laSeine le 5 janvier 1956, elle avait été affectée en qualité de sténo-dactylographe auprès duprésident du Tribunal de commerce. Elle était titularisée le 17 octobre 1975 commesecrétaire-adjointe au sein de cette juridiction. Le 27 juin 1983, elle était affectée auConseil de Paris (formation Conseil général), puis au secrétariat particulier d’AlainJUPPÉ, adjoint aux finances du maire de Paris. C’est par décision du 30 août 1984 qu’elleétait affectée au cabinet du président du Conseil général de Paris à compter du 1er

septembre suivant, auprès de Jean-Claude PASTY, conseiller spécial pour l’agriculture deJacques CHIRAC, et cela jusqu’à sa mise à la retraite le 1 juin 1994. er

Elle précisait qu’entre septembre 84 et juin 94, son bureau n’était pas à l’Hôtel de Villemais rue de Lille. Elle était la seule secrétaire de Jean-Claude PASTY.

Elle confiait qu’après son départ à la retraite, elle avait signé un contratd’un an avec le cabinet du mairie de Paris et percevait à ce titre 2.500 francs par mois. Parla suite, après l’élection de Jacques CHIRAC à la Présidence de la République, Jean-ClaudePASTY, député européen, lui avait demandé de continuer de l’assister dans le cadre de sonmandat.

Le 8 juillet 1998, les enquêteurs recevaient de Madeleine FARARD,les documents qu’elle s’était engagée à leur faire parvenir pour justifier de son embaucheau service de Jean-Claude PASTY, parmi lesquels une lettre de commande datée du 2janvier 1995, signée Rémy CHARDON (directeur de cabinet du maire de Paris), luiconfiant la mission d’élaborer des “projets de plaquettes et rapports de synthèse destinésaux commémorations et parrainages organisés par la Ville de Paris” moyennant unerémunération forfaitaire de 18.000 francs ( 2.744 euros) (D1836&1837). Il était joint unmémoire en date du 28 janvier 1995, sous la signature de Madeleine FARARD, arrêté à lasomme de 18.000 francs en exécution de la lettre de commande précitée (D1835).

Etait également envoyée la copie d’une note établie sous la signaturedu maire de Paris, Jacques CHIRAC, datée du 16 décembre 1993 et adressée à Jean-MichelHUBERT, lui soumettant le cas de Madeleine FARARD en ces termes : “Mme FARARDqui a fait preuve d’un dévouement exemplaire dans les fonctions délicates qui lui ont étéconfiées depuis plus de 9 ans auprès de JC PASTY, député européen et conseiller spécialpour l’agriculture du président du RPR, va être amenée à faire valoir ses droits à laretraite en juin 1994” et de la réponse faite par Jean-Gabriel FAUCONNEAU, sous-directeur de la gestion des personnels à la direction de l’administration générale, dont ilressort qu’il aurait fallu que l’intéressée fût restée six mois au 2 échelon en plus du moisème

manquant pour l’atteindre, soit sept mois au total, pour qu’elle puisse prétendre pouvoirbénéficier de l’indice correspondant pour le calcul de sa retraite (scellé n°80 du dossier deNanterre).

Etaient joints deux autres contrats de prestations de services conclusentre Jean-Claude PASTY, “ayant ses activités au 128, boulevard Saint-Germain” etMadeleine FARARD en date des 1 mars 1996 et 5 janvier 1997, chacun d’une durée deer

six mois, avec pour mission l’établissement de synthèses des revues et dépêches de presse,la constitution de dossiers thématiques relatifs au parlement européen, l’élaboration denotes de synthèses sur des questions d’actualité ainsi que diverses tâches se rapportant auParlement européen, moyennant des rémunérations de 59.999 francs et 30.000 francs.

Jugement nE 1

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Réentendue par les enquêteurs le 15 janvier 1999, MadeleineFARARD, revenait en partie sur ses premières déclarations, expliquait qu’elle avaiteffectivement obtenu non pas un contrat d’un an mais une mission s’étendant du 5 janvierau 28 février 1995, payée forfaitairement 18.000 francs au service de la mairie de Paris,comprenant la préparation de la remise à l’Hôtel de Ville de prix agricoles et incluantnotamment les contacts depuis son domicile avec les responsables syndicaux en vue desélectionner les lauréats (D1850).

L’information établissait que cette somme de 18.000 francs lui avaitété effectivement payée le 13 avril 1995 ( D2056). En revanche il s’avérait impossible derécupérer auprès des services de la Ville de Paris, l’original de cette lettre de commandedont Madeleine FARARD serait seule détentrice, aux dires de Rémy CHARDON à la barredu tribunal (Notes d’audience page 87).

Devant le juge d’instruction en charge du dossier parisien, MadeleineFARARD comparaissait le 6 décembre 2002 comme témoin assisté (D2237). Elledéclarait : “Je travaillais pour le maire de Paris puisque j’étais affectée auprès de sonconseiller technique Jean-Claude PASTY”. Dans ce cadre, elle s’occupait sous le contrôlede ce dernier de tout ce qui touchait au monde agricole.

Elle considérait avoir été la secrétaire du conseiller technique deJacques CHIRAC, en la personne de Jean-Claude PASTY, mais ne confirmait pas lestermes de la note de Jacques CHIRAC où celui-ci est présenté comme conseiller spécialpour l’agriculture du président du RPR. Elle expliquait que l’on avait omis de lui fairepasser un échelon en 1990, ce qui avait provoqué un retard d’un an dans son évolution decarrière.

Avant son départ à la retraite, elle était rémunérée à hauteur de 16.000francs par mois.

La commande litigieuse avait été passée par téléphone. On lui avaitannoncé à cette occasion un contrat d’un an payé 2.500 francs par mois. Elle n’avait paslu le document quand il lui avait été transmis par la suite pour signature, ignorant qu’ils’agissait d’une lettre de commande. Sur l’objet de ses prestations, elle admettait ne pasavoir fabriqué de “plaquettes”, et que c’était “une formule à eux”. En réalité, elle avaitcontinué à faire son travail habituel. Elle avait ainsi, en prévision du salon de l’agriculture,préparé le tracé du parcours du maire et rédigé des notes manuscrites pour les standsauxquels il devait se présenter.

Alors qu’elle avait espéré que ce contrat lui permettrait de prolongerson activité après son départ à la retraite, elle avait cessé son activité en août ou septembre1995.

Elle était restée par la suite au service de Jean-Claude PASTY, jusqu’enjuin1997 en exécution des contrats précités qui étaient étrangers à la mairie de Paris. Elletravaillait alors au 128, boulevard Saint-Germain.

Jean-Claude PASTY, entendu à son tour, précisait que de 1978 à 1995,il était conseiller de Jacques CHIRAC, maire de Paris, à titre bénévole, pour les questionsagricoles. Avant 1994, il occupait un bureau au 123, rue de Lille au siège du RPR (D2160).

Alors qu’il cumulait les mandats de conseiller régional du Limousinet député européen, il s’était installé boulevard Saint-Germain où étaient rassemblées toutesles personnes traitant des questions européennes, appartenant ou affiliées au groupe RPR.Il y passait deux jours par semaine. Il assurait que la Ville de Paris n’avait aucun lien avecces locaux dépendant du RPR qui en était locataire. Madeleine FARARD y disposaitégalement d’un bureau.

Il affirmait ne pas avoir été au courant de la lettre de commande(D2160/3).

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Dans un courrier adressé au juge d’instruction de Nanterre, il indiquait :“j’exerçais cette activité [conseiller technique du maire de Paris] à titre bénévole, mais ilme semblait normal d’être aidé dans le cadre de cette activité d’une secrétaire”(D1829)et que Madeleine FARARD effectuait la navette entre le secrétariat du cabinet du maire àl’Hôtel de Ville et son bureau, participant pleinement aux activités du cabinet du mairedont elle dépendait et qui assurait chaque année sa notation.

Rémy CHARDON déclarait au juge d’instruction, n’avoir pas gardé lesouvenir de cette lettre de commande et avoir pu la signer dans le parapheur par routine.Il précisait qu’il n’avait pas connu Madeleine FARARD, qu’il ne l’avait pas contactée nifait contacter. Il expliquait que cette dépense avait pu être imputée sur le “petit créditd’études” dont disposait le cabinet. S’il admettait que le cadrage de la mission était “flou”,il n’était pas disproportionné au montant modeste de la lettre de commande. Ce n’était pasà ses yeux une mission fictive (D2340/31).

Devant le juge d’instruction, Jacques CHIRAC déclarait qu’il neconnaissait pas Madeleine FARARD, ce qui n’était pas le cas de Jean-Claude PASTY quiavait été officiellement son conseiller agricole bénévole, expliquant que la dimensioninternationale du maire de Paris le conduisait à traiter de questions agricoles et notammentrelatives à l’alimentation (D3807/14). Il estimait qu’il était normal que Jean-Claude PASTY ait bénéficiéd’une aide qu’il avait dû solliciter auprès de lui. En revanche il n’avait pas souvenir de lalettre de commande signée Chardon, dont l’objet paraissait fort éloigné de l’agriculture. Ilne se souvenait pas davantage de la note adressée à Jean-Michel HUBERT le16 novembre1993 qu’il reconnaissait toutefois avoir signée sans pour autant porter une attentionparticulière à son contenu, la mention relative au libellé de sa qualité devant être attribuée,selon lui, à une erreur du cabinet.

La défense de Jacques CHIRAC soutient que le montant de larémunération perçue en exécution de la lettre de commande (18.000 francs) ne sauraitobjectivement valoir compensation de la perte de salaire consécutive au défaut deprestation escomptées par l’intéressée, qu’il n’est nullement démontré en quoi JacquesCHIRAC aurait été l’auteur de ce recrutement, que rien ne démontre l’existence d’un lienquelconque entre la demande de promotion refusée et la commande d’une prestationponctuelle intervenue 13 mois plus tard et que Rémy CHARDON et Jacques CHIRAC neconnaissaient pas Madeleine FARARD.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que la preuve n’est pas rapportée de la réalité du travail fourni par MadeleineFARARDselon elle sur plus de cinq mois, alors que la commande portait sur deux mois et que le prixconvenu était légèrement supérieur à un mois de traitement en période d’activité ; que lesexplications de Madeleine FARARD ont considérablement varié au fil de ses dépositions,tant devant les enquêteurs que devant le juge d’instruction, rendant dès lors peu fiables lesindications qu'elles contiennent au demeurant fort éloignées des termes de la lettre decommande qui en eux-mêmes n'ont aucun rapport avec l'agriculture ;

Attendu que malgré le caractère relativement modique de la somme en jeu, l’absence dejustification du travail effectué dont le périmètre demeure flou, voire inexistant, amène àconsidérer le paiement de la rémunération versée en contrepartie comme injustifié et, dèslors, constitutif d’un détournement ;

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Attendu que l’attention portée par Jacques CHIRAC à la situation de Madeleine FARARDdont il connaissait les attributions, est démontrée par les termes de la note adressée à Jean-Michel HUBERT sous sa signature et l’inscription de sa main, en marge du document, dela mention “signalée”; qu'une note du directeur de cabinet du maire, Daniel NAFTALSKI,en date du 4 novembre 1986 en vue d’un avancement de l’intéressée mentionnait déjà que“L’attention de M. Jacques CHIRAC, Maire de Paris, est tout particulièrement appelée surla situation de Madame FARARD” et sollicitait du directeur de l’administration généralede l’époque, Georges QUEMAR, un “examen spécialement bienveillant de ce dossier quiest très signalé et de le tenir informé”;

Attendu que l'information a par ailleurs établi que Jacques CHIRAC était informé del'affectation de Madeleine FARARD au RPR où était installé Jean-Claude PASTY dont elleassurait le secrétariat ; que Jean-Claude PASTY a indiqué avoir tout ignoré de la lettre decommande dont il s'agit ; que Rémy CHARDON, l'auteur de cette lettre, a indiqué ne pasen avoir gardé le souvenir ; qu'en janvier 1995, Jacques CHIRAC, tout en restant maire deParis, avait quitté la présidence du RPR et déclaré sa candidature à la Présidence de laRépublique dès le 4 novembre précédent tandis que Jean-Claude PASTY s'est installé dansles locaux dépendant du RPR au 128, boulevard Saint-Germain avec Madeleine FARARD,qui n'était plus en activité à la mairie de Paris depuis juin 1994 ;

Attendu que dans ces conditions Jacques CHIRAC ne saurait prétendre avoir ignoré lamission confiée à Madeleine FARARD ; que l’élément intentionnel de l’infraction dedétournement de fonds publics est suffisamment caractérisé à son endroit ;

Attendu que les éléments constitutifs du délit de détournement de fonds publics sont dèslors réunis à l’encontre de Jacques CHIRAC qui sera en conséquence déclaré coupable dece chef ;

� Sur l’emploi de Pierre BOUE

Il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, du 26 octobre 1992 jusqu’au1 mars 1994 détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaienter

été remis au titre d’un mandat en sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faireun usage ou un emploi déterminé au profit de la Ville de Paris en l’espèce en faisantrémunérer Pierre BOUE chargé de mission employé dans une structure extérieure à la Villede Paris, et d’avoir, du 1 mars 1994 jusqu’au 16 mai 1995, étant, en sa qualité de maireer

de Paris, dépositaire de l’autorité publique, détourné des fonds publics au préjudice de laVille de Paris, en l’espèce en faisant prélever sur le budget de la Ville de Paris les montantsdes rémunérations de ce même chargé de mission.

Pierre BOUE est poursuivi pour avoir sciemment recelé des fonds qu’ilsavait provenir entre le 26 octobre 1992 et le 1 mars 1994, du délit d’abus de confiance,er

et entre le 1 mars 1994 et mai 1996 du délit de détournement de fonds publics, en l’espèceer

en ayant bénéficié des rémunérations versées par la Ville de Paris pour un emploi sanscontrepartie pour la ville, à hauteur d’un montant total de salaires de 96.613,71 euros.

L’examen du contenu du dossier administratif de Pierre BOUE, placésous scellé n°1/56, permet de constater que ce chargé de mission a été recruté avec le statutde cadre moyen, affecté au secrétaire général du Conseil de Paris, par contrat d’engagementen date du 9 avril 1985 signé par Jean-Pierre DELPONT, secrétaire général adjoint de laVille de Paris. La durée initiale du contrat était d’un mois, renouvelable de mois en moispar tacite reconduction. Aux termes de la note établie le 11 mars 1985, sous la signaturede Robert PANDRAUD, l’intéressé devait être affecté et exercer ses fonctions auprès deGuy DRUT, adjoint au maire chargé des sports.

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Il devait être rémunéré sur la base de l’indice brut 498, tandis que lecontrat retenait l’indice brut 329, et percevoir un salaire brut de 7.900 francs. Cetterémunération a fait l’objet de multiples revalorisations jusqu’en 1990.

Par note en date du 10 septembre 1990, sous la signature de MichelROUSSIN, Pierre BOUÉ, ayant accédé à la catégorie cadre supérieur, se voyait désormaisaffecté à la direction du cabinet avec effet à compter du 1 septembre, décisioner

régulièrement notifiée à l’intéressé (D2323), alors qu’il avait été mis fin à ce contrat parlettre du 25 juin 1990 adressée à Pierre BOUÉ sous la même signature de MichelROUSSIN (D3636).

C’est le 28 juin 1996 qu’il était mis définitivement fin aux fonctionsde Pierre BOUÉ, ceci à compter du 1 août suivant (D2384/4).er

Le coût total de cet emploi pour la Ville de Paris s’élevait à 1.522.730,72 francs (232.138 euros). D’octobre 1992 à mai 1995, le coût total s’établissait à 695.202francs (105.983 euros), tandis que les salaires nets perçus du 26 octobre 1992 au mois demai 1996 totalisaient 604.782 francs (92.198 euros) (D2155/5).

Pierre BOUÉ était entendu par les enquêteurs le 15 mars 2001 (D1807).Il exposait qu’il était militant au RPR depuis 1975, que Guy DRUT, adjoint au maire deParis chargé des sports, l’avait appelé en 1985 en vue de le recruter comme chargé demission, qu’il avait été reçu par Bernard BLED secrétaire général du Conseil de Paris.D’avril 1985 à septembre 1990, il avait été affecté auprès de Guy DRUT et occupait unbureau à l’Hôtel de Ville . Il se consacrait à la préparation et l’organisation du Marathonde Paris, du Triathlon de Paris, du tournoi Perrier de golf et du montage du dossier decandidature de Paris aux Jeux Olympiques de 1992. Il rédigeait les discours de Guy DRUT,y compris pour ses fonctions de secrétaire national aux sports du RPR, et organisait lesassises du sport du RPR. Il passait trois jours par mois à l’Assemblée Nationale commeassistant parlementaire et une journée au RPR, ce qui résultait de la multiplicité desfonctions de Guy DRUT.

Il déclarait : “J’avais conscience que Guy DRUT comme tous lespersonnages politiques de l’époque de la mairie de Paris, mélangeait les genres. Leproblème venait de ses triples fonctions. Le système était tellement habituel qu’au boutd’un moment on ne s’apercevait plus qu’on ne travaillait plus pour la fonction initiale”(D1807/4). Il considérait que l’ambiguïté était renforcée par le fait qu’il rédigeait égalementles discours du maire Jacques CHIRAC.

Il avait exercé les mêmes fonctions après le départ de Guy DRUT,auprès de Joël LAINE, son successeur au poste d’adjoint aux sports.

Il faisait état d’un entretien, qu’il situait alors en septembre 1990,auquel il avait été convoqué dans le bureau de Jacques CHIRAC en présence de Jean-EudesRABUT. Etaient également présents son amie Jeannie LONGO et son mari. A cetteoccasion, Jacques CHIRAC lui avait annoncé qu’il allait être rattaché à son cabinet pours’occuper des missions que Jeannie LONGO allait lui confier, sans lui donner davantagede précisions.

“J’ai eu l’impression d’avoir été mis dans un placard” confiait-il. Ilavait certes assisté Jeannie LONGO dans ses participations aux compétitionsinternationales. Il avait multiplié à cette époque les contacts avec la société Paris CyclismeOlympique, propriétaire de la course cycliste de la Grande Boucle Féminine. Il bénéficiaitalors d’une relative autonomie, étant un peu isolé dans son nouveau bureau du quai desCélestins, livré à lui-même, sans ordre de mission bien précis.

A compter de 1992-1993, l’activité de Jeannie LONGO ayant diminué,il avait renoué les contacts avec la Fédération Française de Cyclisme et avait continué des’occuper du Marathon de Paris. Il rendait toujours compte à Jean-Eudes RABUT de toutesses activités, notamment à la suite de l’interview écrite de Jacques CHIRAC sur la GrandeBoucle qu’il avait rédigée dans “Cyclisme Magazine”, ce que semblait avoir ignoré Jean-

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Eudes RABUT (D2168/6).

Sa société Podium Prestige International (PPI), dont il détenait lamajorité du capital, était en charge de la commercialisation de la Grande Boucle Féminineà laquelle il consacrait deux mois dans l’année. Il l’avait installée dans son bureau à lamairie, quai des Célestins. “Le cabinet du maire ne disait rien sur le coup de main que jedonnais à la grande boucle car ils y voyaient un intérêt de promotion du cyclisme parl ’ i n t e r mé d i a i r e d e Je a n n i e L ONGO” ex p l iqua i t - i l (D1807 / 5 ) .

Il avait été convoqué en mai 1996 par Bernard BLED qui avait mis finà ses fonctions sur instructions du nouveau maire Jean TIBERI.

Lors de sa première comparution devant le juge d’instruction, ilrevenait sur la réalité de l’entretien dans le bureau du maire en présence de JeannieLONGO, pas plus en 1990 qu’en 1989, ce que celle-ci devait d’ailleurs confirmer(D2084/4). Il s’était effectivement occupé d’elle à titre amical et privé. C’était sans rapportavec son activité de chargé de mission (D2426/4).

Si le Tour Cycliste Féminin était parti de Paris en 1992 et 1993 et s’ill’avait organisé avec les services de la Ville de Paris, cette course n’avait par la suite plusrien à voir avec la mairie. Il continuait de s’en charger dans le cadre de sa société PPItoujours installée dans les locaux de la mairie, avec l’aide de Catherine ZANNIBELLATO,qu’il avait recrutée comme gérante de droit de la société, et de Delphine BENARD.

Il affirmait n’avoir jamais rencontré Michel ROUSSIN et RémyCHARDON dont il disait qu’ils devaient savoir pourtant qu’il existait puisqu'il était censéêtre affecté au cabinet.

Réentendu à sa demande par le magistrat instructeur le 12 septembre2007 (D3631), il revenait à ses premières déclarations en confirmant l’entretien avec lemaire et Jeannie LONGO et les propos que lui avait tenus le maire, en ces termes : “ Vousallez continuer à travailler pour Monsieur LAINE et il est bon que vous réfléchissiez à uncertain nombre de choses qui ont trait au cyclisme” (D3631/4).

La datation de cet entretien en octobre 1989, plutôt qu'en octobre 1990,résultait de l’exploitation d’un courrier daté du 10 octobre 1989 émanant de Joël LAINEadressé à Jacques CHIRAC et portant en marge une mention manuscrite de la main de cedernier : “Je suis prêt à faire tout ce qui fera plaisir à Jeannie LONGO”.

Il était incapable de justifier des notes de synthèses qu’il auraitrédigées. Il versait au dossier un exemplaire de la biographie de Jacques CHIRAC dont ilse disait l’auteur.

Jean-Eudes RABUT ne se souvenait pas de cette réunion dans le bureaudu maire. Par ailleurs, il n’avait pas conservé le souvenir que Pierre BOUÉ lui ait renducompte de ses activités (D2168/6).

Pour expliquer son revirement devant le juge d’instruction, PierreBOUE prétendait avoir fait l’objet de pressions de la part de l’entourage du maire etnotamment de Jérôme GRAND d’ESNON qu’il disait avoir rencontré avant sa premièrecomparution.

Entendu sur ce point par les enquêteurs, Jérôme GRAND D’ESNONconfirmait l’entretien qu’il avait eu avec Pierre BOUE, à la demande de ce dernier et parl’intermédiaire de Jean-François BONNET (D 3770), qu’il situait avant sa mise en examen.Pierre BOUE s’était ouvert de sa convocation par le juge d'instruction et de la teneur de sesdéclarations devant la police dans lesquelles il avait évoqué l’entretien avec JacquesCHIRAC. Quelques semaines après, il avait été amené à revoir Pierre BOUÉ, alors auchômage, qui lui avait dit qu’il était revenu sur ses déclarations devant le juge d’instructionet, ce faisant, estimant avoir protégé le Président, espérait une intervention en vue d’être

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nommé inspecteur général à la jeunesse et aux sports (D3772/5). Jérôme GRANDd’ESNON se défendait d’avoir influencé les déclarations de Pierre BOUÉ dans laprocédure.

Jeannie LONGO déclarait ne pas se souvenir de la réunion. Elle sesouvenait qu’en 1989, le maire de Paris avait souhaité l’aider dans sa tentative de recordde l’heure sur piste à Mexico et à Moscou et avait mis Pierre BOUÉ à sa disposition. PierreBOUE n’avait jamais été mis à sa disposition pour l’assister dans sa carrière. Elle géraitseule sa carrière avec son mari et avait interrompu son activité cycliste en 1992 (D 2084).Pierre BOUÉ avait décidé de se lancer dans l’organisation du Tour Cycliste Féminin (TCF),compétition dont elle avait accepté d’être la marraine.

Pour sa part, Joël LAINE situait le départ de Pierre BOUÉ de sonéquipe vers la fin 1990 - début 1991. Il avait voulu se séparer de ce collaborateur, car celui-ci recevait dans son bureau des personnes pour parler de sujets sans lien avec son activité.Il avait dû en aviser Bernard BLED. Il ajoutait qu’il était de notoriété publique que PierreBOUÉ était le directeur général du TCF (D2768).

Henri BOERIO, chargé de mission auprès de l’adjoint aux sports,déclarait que Pierre BOUE avait un caractère “mégalo et complexe”. Tous les contactstéléphoniques et réunions avec Pierre BOUÉ avaient cessé après septembre 1990. Il ajoutait: “Quand il dit avoir travaillé énormément avec le cabinet, ce n’est pas avec moi et quandil parle de discours écrits je ne les ai pas eu en visa” (D2771/5).

Bernard BLED disait bien connaître Pierre BOUÉ comme étant trèsproche de Jeannie LONGO (D2381/13). Il l'avait licencié en 1996 car, après avoir eu uneactivité débordante au sein de la ville, il n’avait plus d’activité suivie à son bénéfice(D2200/6), déplorant à son sujet le "peu de retour sur investissement".

François Xavier MEYER confirmait que Pierre BOUÉ s’occupait dusport féminin au cabinet du maire et que son bureau était situé au 30 quai des Célestins. Ilignorait l’activité de PPI (D2103/5). Il l’avait reçu pour lui indiquer que son poste allait êtresupprimé et cela à la demande de José GRAMOND, chef de cabinet du maire Jean TIBERI(D2811/3&5). Son cas avait été abordé à l’occasion de “réunions de réaffectation”(D2384/2).

Michel ROUSSIN affirmait n’avoir jamais rencontré Pierre BOUÉ etque tant qu’il n’avait pas reçu de demande de mission le concernant, il ne pouvait pas direqui avait en charge le contrôle de son activité. Il rappelait qu’il n’avait pas à exercer cecontrôle puisque Pierre BOUÉ n’était pas membre de son cabinet (D2287/24).

Rémy CHARDON déclarait pour sa part avoir tout ignoré del’existence de Pierre BOUÉ.

Jacques CHIRAC affirmait devant le magistrat instructeur(D3807/30à34) que la Ville de Paris faisait du mécénat sportif de haut niveau et à ce titreavait manifesté l’idée d’aider la sportive Jeannie LONGO par l’intermédiaire de laquellePierre BOUÉ a été recruté. Il n’avait pas le souvenir de la réunion dans son bureau. Ilreconnaissait cependant son écriture sur la mention en marge de la note du 10 octobre 1989(D3640). Il n’avait pas davantage le souvenir des contributions de Pierre BOUÉ qui avaitsurtout travaillé pour Jeannie LONGO. Celle-ci était notamment consultée sur les projetsde la capitale en matière d’équipements sportifs dans le secteur du cyclisme. Il ignoraitl’existence de la société PPI et que Pierre BOUÉ avait rédigé sa biographie.

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Par conclusions régulièrement déposées et visées à l’audience du 19septembre 2011, la défense de Pierre BOUÉ sollicite la relaxe du prévenu etsubsidiairement le bénéfice des dispositions de l’article 132-59 du Code de procédurepénale.

Elle rappelle que la nomination de Pierre BOUÉ au poste de chargé demission en avril 1985 correspond à un emploi créé par délibération du Conseil de Paris,qu’il a été détaché du Conseil de Paris à la mairie de Paris et disposait à ce titre d’uncontrat régulier attribué à l’issue d’une procédure conforme aux exigences de la fonctionpublique.

Elle fait valoir la spécificité de la fonction de chargé de mission, queles emplois de cabinet sont des emplois que les autorités territoriales peuvent pourvoir pourêtre assistées dans leur double responsabilité politique et administrative sans affectationdéfinitive, sans assignation d’une mission et renouvelable par tacite reconduction.

En se fondant sur les dispositions de l’article 110 de la loi n°84-53 du26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,elle précise que les collaborateurs ne rendent compte qu’à l’autorité territoriale auprès delaquelle ils sont placés et qui décide des conditions et des modalités d’exécution du servicequ’ils accomplissent auprès d’elle. En conséquence, Pierre BOUÉ ne devait rendre comptequ’à Guy DRUT, adjoint au maire, Joël LAINE, également adjoint au maire, ou à JacquesCHIRAC, maire de Paris.

Elle soutient :- que Pierre BOUÉ disposait de la qualification , de la spécialisation et de l’expériencenécessaires pour accomplir la fonction de chargé de mission auprès de l’adjoint aux sportsdu maire de Paris ;- que Pierre BOUÉ avait un agenda extrêmement chargé, dont il ressort la preuve de sesnombreux contacts avec Joël LAINE, Jeannie LONGO ou bien son époux, ou encore Jean-Eudes RABUT ; - que sa mission consistait à rédiger les discours de Jacques CHIRAC sur les questionssportives au nombre de 98 de 1990 à 1998, fournir des éléments de langage au maire deParis, suivre l’ensemble des manifestations sportives, faire une revue de presse, organiserles déplacements de M. CHIRAC aux événements sportifs, représenter le maire auxmanifestations sportives, parrainer les sportifs, organiser le Tour de France à Paris,développer les structures sportives à Paris, répondre aux administrés sur les questionssportives, rédiger les félicitations du maire de Paris, recevoir les sportifs, organiser lesréceptions, développer les associations sportives, organiser des réunions au sein des mairiesd’arrondissement, étendre le sport pour les handicapés et organiser les interviews ;- que Pierre BOUÉ a oeuvré sur quatre grands projets : la Grande Boucle cycliste féminine,le Podium des sports, le mécénat sportif de haut niveau, ce qui concernait principalementJeannie LONGO, la détermination de l’emplacement du siège de la Fédération Françaisede Cyclisme et l’organisation du Marathon de Paris ;- que la société PPI n’a eu d’activité réelle qu’à compter de 1992, que cette activitédéveloppée en marge de son travail, a pu passer inaperçue aux yeux de tous, Pierre BOUÉayant été livré à lui-même dans le bureau qui lui était affecté quai des Célestins ;- que le recours à l’emploi de Pierre BOUÉ ne caractérise pas un abus de confiance ou undétournement de fonds publics, l’élément intentionnel faisant défaut ;- que le fait qu’après le mois de septembre 1990, a été adjointe aux tâches qui jusqu’alorsincombaient à Pierre BOUÉ celle d’apporter son concours à Jeannie LONGO, ne sauraitconférer une origine frauduleuse aux rémunérations qui lui étaient servies ;

La défense de Pierre BOUÉ conclut également au débouté del’association Anticor, subsidiairement à l’octroi d’une somme symbolique d’un eurodestinée à réparer son préjudice moral.

La défense de Jacques CHIRAC soutient que la somme des salairesperçus dans la période de prévention s’élève à 65.942,97 euros, que la faute de défaut decontrôle retenue par le magistrat instructeur dans son ordonnance pour caractériser la fautepénale dont aurait pu profiter Pierre BOUÉ ne saurait être reprochée à Jacques CHIRAC

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compte tenu de l’importance des charges auxquelles il était personnellement soumis, quele changement d’affectation de Pierre BOUÉ en septembre 1990 a été décidé dans l'idéed’un mécénat sportif de haut niveau au bénéfice de Jeannie LONGO, activité qui en soi n’arien d’illicite, que l’octroi de ce contrat a été le fruit d’un malentendu, que le défaut decontrôle exercé sur Pierre BOUÉ, qui n’est pas imputable à Jacques CHIRAC, est seul àl’origine de la durée du contrat et qu’aucun des éléments constitutifs de l’infraction n’estconstitué à l’encontre de Jacques CHIRAC.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu qu’il ressort des multiples témoignages recueillis par les enquêteurs et le magistratinstructeur que le soutien apporté par la Ville de Paris à Jeannie LONGO par la mise àdisposition de Pierre BOUÉ ne remplissait pas une activité à temps plein et, en tout état decause, a cessé en 1989-1990 ; que force est de constater que la preuve n’est pas rapportéed’une activité au cours des années suivantes et singulièrement à compter de la fin 1992, quiaurait bénéficié exclusivement à la Ville de Paris ;

Attendu qu’il ressort en effet des éléments du dossier que la fin de la collaboration dePierre BOUÉ avec Joël LAINE à la fin 1990 coïncide avec la réaffectation du chargé demission au cabinet du maire ; que celle-ci est sans lien avec l’entretien qui a eu lieu enoctobre 1989 dans le bureau de Jacques CHIRAC, au cours duquel Pierre BOUÉ s’est vuaffecté au service de Jeannie LONGO ; que néanmoins Michel ROUSSIN, qui avait dansun premier temps fait parvenir une lettre de licenciement à Pierre BOUÉ le 25 juin 1990,lui a notifié en septembre suivant sa réaffectation au cabinet du maire ; que MichelROUSSIN a indiqué à l’audience que celle-ci résultait d’une instruction de JacquesCHIRAC ;

Attendu que contrairement à ce qu’a soutenu la défense de Pierre BOUÉ, il n’a été fourniaucune preuve tangible de la réalité d’un travail fourni entre 1990 et 1992, pour la mairiede Paris ; qu’au contraire, il a été établi que Pierre BOUÉ a créé sa société PPI dèsnovembre 1990, qu'au cours de l’été 1991, il a lui-même sollicité Jeannie LONGO pourorganiser la Grande Boucle, propriété de la société qui employait cette sportive, que PierreBOUÉ a profité de cette période pour mettre au point cette course, produite en 1992 etrééditée en 1993 ; qu’il est vraisemblable que cette course a eu des retombées bénéfiquespour la Ville de Paris mais de façon marginale ;

Attendu qu’il est par ailleurs démontré que si Jacques CHIRAC a conservé Pierre BOUÉau sein de son cabinet en septembre 1990, c’est dans la logique de satisfaire les intérêts deJeannie LONGO, sportive de haut niveau courant sous les couleurs de la Ville de Paris ;qu'il s’est par la suite désintéressé de la réalité de l’activité de ce chargé de mission aucours des années qui ont suivi, de1993 à 1995 ; que s’il apparaît que cette activité étaitquasi-inexistante au service de la ville, davantage orientée vers la société PPI et en tout cassans rapport avec un quelconque mécénat sportif, il n’est pas établi que Jacques CHIRACait eu connaissance de cette évolution ; que c’est l’absence de retour sur investissement quifinalement a décidé la nouvelle équipe municipale à mettre fin à cet emploi ;

Attendu qu’il s’ensuit que les éléments constitutifs des infractions ne sont pas caractérisésà l’encontre de Jacques CHIRAC pour les faits survenus au cours de la période du 26octobre 1992 au 16 mai 1995 ; que celui-ci sera renvoyé des fins de la poursuite ;

Attendu que s’il a été établi que l’activité de Pierre BOUÉ à compter d’octobre 1992 ausein de la mairie de Paris ne justifiait plus la perception intégrale des salaires qui lui ont étéversés, l’information n’a pas démontré que les autorités municipales étaient informées deson activité réelle alors qu’il se maintenait en parfaite connaissance de cause au service dela mairie de Paris ; qu’à compter d’octobre 1992, le délit de recel qui lui est reproché, ayant

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pour objet le produit des délits d’abus de confiance et de détournement de fonds publicsimputés à Jacques CHIRAC mais dont celui-ci a été relaxé, n’est pas constitué ; qu’ils’ensuit que Pierre BOUÉ devra être relaxé de ce chef ;

¤ - sur les délits d’abus de confiance et détournement de fonds publicsreprochés à Jacques CHIRAC, de complicité d’abus de confiance reprochés à MichelROUSSIN et de recel reprochés à Jean-Claude MESTRE, Marie-Thérèse MONIER et MarcBLONDEL

� sur les emplois au profit du CNI : Jean Michel BEAUDOIN etPatricia LEFEUVRE

Il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, du 26 octobre 1992 au 1er

mars 1994, détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaientété remis au titre d’un mandat en sa qualité de maire à charge pour lui d’en faire un usageou un emploi déterminé au profit de la Ville, en l’espèce en faisant engager et rémunérerpar la Ville de Paris Jean-Michel BEAUDOIN et Patricia LEFEUVRE, chargés de missionmis à disposition du Centre National des Indépendants et Paysans (CNI) et d’avoir, du 1er

mars 1994 au 16 mai 1995, étant, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire de l’autoritépublique, détourné des fonds publics au préjudice de la Ville de Paris, en l’espèce en faisantprélever sur le budget de la Ville les montants de rémunérations versées à PatriciaLEFEUVRE dans les conditions précitées.

Michel ROUSSIN est poursuivi pour avoir, entre le 26 octobre 1992et le 1 mars 1993, en sa qualité de directeur de cabinet du maire de Paris, été complice deser

délits d’abus de confiance reprochés à Jacques CHIRAC en l’aidant sciemment dans leurpréparation ou leur consommation, en l’espèce en signant les contrats d’engagement deschargés de mission et en permettant le versement de salaires subséquents à Jean-MichelBEAUDOIN et Patricia LEFEUVRE.

La lecture du dossier administratif de Jean-Michel BEAUDOIN, placésous scellé n° 1/57, permet de constater que celui-ci a été embauché en qualité de chargéde mission cadre moyen affecté à la direction du cabinet, par contrat en date du 30 octobre1989 avec effet au 1 mai 1989, et que ce contrat, signé pour le compte de la Ville de Pariser

par Michel ROUSSIN, faisait suite à une note que celui-ci avait adressée au directeur del’administration générale le 26 septembre 1989. Conclu pour une durée d’un mois, lecontrat était, aux termes de son article 4, renouvelable de mois en mois par reconductiontacite. La rémunération mensuelle était calculée sur la base de l’indice brut 579.

Il a été mis fin aux fonctions de Jean-Michel BEAUDOIN sur sademande à compter du 1 février 1994. er

De mai 1989 à janvier 1994, cet emploi a représenté pour la Ville deParis un coût global de 960.359,12 francs (146.405 euros), et sur la période non prescrite,soit du 26 octobre 1992 au 1 février 1994, un montant de 419.333 francs (63.926 euros).er

En 1989, Jean-Michel BEAUDOIN était élu conseiller municipal deSaint-Malo sur une liste d’union RPR-UDF. Il occupait le poste de président de lafédération CNI d’Ille-et-Vilaine et celui de secrétaire général adjoint chargé del’administration, à l’époque où Yvon BRIANT assurait le secrétariat général de ce parti etJacques FERON, par ailleurs maire du 19ème arrondissement et adjoint au maire de Paris,la présidence du mouvement.

Jean-Michel BEAUDOIN était entendu par les enquêteurs le 19décembre 2000 (D1681).

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Il précisait avoir été, depuis 1986, le collaborateur parlementaire d’Yvon BRIANT alorsdéputé du Val d’Oise puis candidat malheureux en Haute Savoie sous l’étiquette RPR-CNIaux législatives de 1988. Après la défaite d'Yvon BRIANT, qui avait mis un terme à cecontrat d’assistant parlementaire, celui-ci avait envisagé de se réimplanter à Paris, briguantl’un des sièges d’élus CNI, et avait obtenu de la Ville de Paris le recrutement de Jean-Michel BEAUDOIN comme chargé de mission au cabinet du maire.

Jean-Michel BEAUDOIN avait exercé son activité à l'extérieur del’Hôtel de Ville, dans les bureaux d’Yvon BRIANT au CNI, sis rue de l’Université à Paris7 , où il rédigeait les textes, discours, rapports, interventions, études qu’Yvon BRIANTème

lui commandait. Ces travaux étaient destinés à valoriser l’action de ce dernier auprès de laVille de Paris dans l’espoir de succéder à l’un des principaux élus du parti. Il dressaitégalement des rapports de missions effectuées à l’étranger par Yvon BRIANT, notammentdans le cadre d’échanges entre les maires des grandes villes d’Europe de l’Est, documentstransmis par la suite à la direction des relations internationales de la Ville de Paris. Ilassurait l’interface avec les élus ou les responsables de la ville.

A la suite du décès accidentel d’Yvon BRIANT, en août 1992, il avaitsollicité une nouvelle affectation dans le secteur international, ce qui aurait nécessité latransformation de son contrat de chargé de mission en contrat de chargé d’étude. Il s’enétait entretenu avec Jean-Eudes RABUT, chef du cabinet du maire, sans que celan’aboutisse. Il avait alors décidé de mettre fin à ses fonctions par lettre du 7 janvier 1994.

Parallèlement, à compter du 1 janvier 1989, Jean-Micheler

BEAUDOIN avait été recruté par le Conseil général des Hauts-de-Seine comme vacataireaffecté au cabinet du président et rémunéré à ce titre du 1 mai 1989 au 30 avril 1991er

(D2258 et 2259/2).

L'examen du dossier administratif de Patricia LEFEUVRE, placé sousscellé n°3/5, permet de constater que celle-ci a été embauchée en qualité de chargée demission cadre moyen affectée à la direction du cabinet, par contrat d’engagement en datedu 30 mars 1990 avec effet au 1 mars. Ce contrat, signé par Michel ROUSSIN pour leer

compte de la Ville de Paris, faisait suite à une note que celui-ci avait adressée au directeurde l’administration générale le 15 mars 1990. Conclu pour une durée d’un mois, le contratétait, aux termes de son article 4, renouvelable de mois en mois par reconduction tacite. Larémunération mensuelle était calculée sur la base de l’indice brut 579.

Patricia LEFEUVRE a été l’objet d’une mesure de licenciement le 10mai 1994, avec effet à compter du 11 juillet suivant.

De mars 1990 à juillet 1994 inclus, Patricia LEFEUVRE a perçu unerémunération totale de 542.271,49 francs (82.668 euros) représentant un coût globalsupporté par la Ville de Paris de 807.965,70 francs (123.173 euros) (D2155/20).

Il était découvert que Patricia LEFEUVRE cumulait un emploid’attachée de direction au sein de la structure d’expertise comptable de son père de mars1990 à janvier 1994.

Entendue par les enquêteurs le 14 décembre 2000, Patricia LEFEUVREindiquait qu’elle avait été recrutée comme assistante parlementaire par Yvon BRIANT,député au Parlement européen, et qu'elle avait bénéficié pour cela d’un contratd’engagement en qualité de chargée de mission à la Ville de Paris. Elle indiquait avoir étéreçue par Michel ROUSSIN qui lui avait “fait comprendre qu’il y avait des accords entrela mairie de Paris et le CNI” (D1674/2).

Elle travaillait au siège du CNI. Elle n'avait occupé aucune fonctionprécise à la mairie de Paris. Elle figurait sur l’annuaire du Parlement européen en qualitéd’assistante parlementaire d’Yvon BRIANT (D1674/9). Elle gérait l’emploi du tempsd’Yvon BRIANT, dont Jean-Michel BEAUDOIN était le directeur de cabinet. Elleorganisait ses rendez-vous, rédigeait ses questions écrites ou orales, répondait auxentreprises qui sollicitaient ses interventions et assurait une “mission de veille

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parlementaire”. Depuis son arrivée en 1990 au CNI, elle avait travaillé avec MichelGINALHAC, qui lui-même était chargé des relations publiques et organisait les réunionsdu parti. Membre du CNI, elle était également responsable de la rédaction de la publication“France Indépendante”, l’organe du parti.

A l’audience, Patricia LEFEUVRE a expliqué qu’Yvon BRIANT luiavait dit que le fait qu’elle était rémunérée par la Ville de Paris bien qu’étant son assistanteparlementaire résultait d’un “arrangement politique” (Notes d’audience p.84).

Vers la fin 1993, Jean-Antoine GIANSILLY, jusqu’alors secrétairegénéral du CNI, accédant à la présidence du mouvement, l’avait prise à son service à lapermanence du 15 arrondissement de Paris. ème

Jacques CHIRAC déclarait devant le juge d’instruction qu’il n’était pas

au courant de l’existence de ces deux contrats. Il en revendiquait cependant totalement laresponsabilité, expliquant : “Tous les partis politiques avaient droit à ces contrats àcondition qu’ils aient un certain nombre de représentants élus. Ce n’était pas le cas duCNI alors qu’il me semblait qu’il devait bénéficier des mêmes facilités que les autrespartis” (D3806/3). Il ajoutait : “En effet, pour des raisons politiques j’avais besoin derrièremoi d’un CNI qui soit ferme et je considère que cela relève exclusivement de l’appréciationdu maire de Paris ; il me semble qu’il n’appartient à personne de le contester. Lesrelations avec le CNI étaient très importantes pour la mairie de Paris puisque ce parti étaitune composante de la majorité de l’époque” (D3806/2et3).

Jacques CHIRAC indiquait en outre que si les noms de MessieursFERON et GIANSILLY lui étaient connus, il était incapable de préciser leurs réellesresponsabilités et qu’à sa connaissance, “il n’existait aucun accord secret passé entre lamairie de Paris et le CNI (...), ces chargés de mission qui sont des permanents pour leparti effectuent un travail important de coordination entre ce parti et la mairie. Ils sontnotamment chargés de préparer les dossiers pour permettre aux élus de participerutilement aux débats, à cet effet ils recueillent tous les éléments disponibles auprès ducabinet du maire et des représentants des autres groupes” (D3806/4).

Selon Jacques CHIRAC, l’objectif était que le CNI lui apporte sonsoutien loyal et sans réserve dans le cadre de la gestion de la ville (D3806/6).

Michel ROUSSIN indiquait, pour sa part, que le CNI était un des partisde la majorité municipale et qu’à ce titre une demande avait dû être adressée au secrétairegénéral du Conseil de Paris qui l’avait ensuite saisi de la demande. Il précisait qu’il n’étaitpas informé de l’existence d’un accord entre Yvon BRIANT et le maire de Paris à proposde la mise à disposition de personnel (D2287/6et7).

Michel ROUSSIN contestait avoir reçu Patricia LEFEUVRE dans soncabinet (D2287/6). A l’audience, il a maintenu ne pas lui avoir fait signer le contrat (Notesd’audience p.84).

Rémy CHARDON évoquait devant le juge d’instruction l’existenced’un accord politique entre les responsables des élus CNI et le questeur, qui devait, selonlui, remonter aux élections municipales de 1989, afin que les élus CNI de Paris, quin’avaient pas un effectif suffisant pour constituer un groupe, puissent bénéficier des mêmesfacilités ou moyens que les autres formations. Il estimait qu’il s’agissait là d’une décisionstrictement politique qui échappait complètement au directeur de cabinet (D2340/23).

Il déclarait par ailleurs : “Je pense qu’il y a eu un problème entre leCNI Paris et le CNI national” (D2340/24).

Rémy CHARDON déclarait ne pas connaître Patricia LEFEUVRE(D2340). A l’audience, il n’était pas en mesure d’expliciter le sens de la mention contenuedans sa note du 8 avril 1994 en vue du licenciement de l’intéressée, relative à lacollaboration de Patricia LEFEUVRE à un “organisme extérieur”(Notes d’audience p.85).

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Dans les conclusions déposées à l’audience, la défense de JacquesCHIRAC rappelle que les investigations ont porté à l’origine sur six personnes chargéesde mission par la Ville de Paris et rémunérées par elle qui ont accompli leurs fonctionsauprès du CNI, parmi lesquels seuls deux cas ont été retenus : celui de Jean-MichelBEAUDOUIN et celui de Patricia LEFEUVRE et que le CNI a bénéficié du statut detémoin assisté.

Elle fait valoir : - que les collaborateurs mis à la disposition d’élus en conformité avec l’article 7 durèglement intérieur, bien que financés par la collectivité, n’avaient pas vocation à voir leurfonction déterminée ou contrôlée par l’administration municipale, afin de préserver laliberté politique des groupes d’élus auxquels ces personnels étaient affectés, que lesdemandes et l’allocation des moyens des groupes relevaient de la questure du Conseil deParis comme l’a exposé Roger ROMANI et l’a confirmé Rémy CHARDON, que cesemplois pouvaient être affectés budgétairement à l’UGD 515 ou à l’UGD 500 ;- que le nombre d’élus du CNI au Conseil de Paris aurait permis de constituer un groupe,mais que ses responsables ont préféré intégrer le groupe du “Rassemblement Pour Paris”(RPP) ;- qu’ainsi ont été mis à la disposition de ces élus par la majorité municipale une partie desmoyens attribués au groupe RPP dès 1983, que cette situation, qui s’est prolongée dans letemps, était parfaitement licite selon Roger ROMANI et ne découlait d’aucun accordocculte ou même confidentiel ; - qu’en toute hypothèse l’accord politique retenu au soutien des poursuites est inopérant ence qu’il se situe au cours de la période prescrite ;- que Jacques CHIRAC a confirmé la prise en charge par le cabinet du maire des moyensaffectés aux élus du CNI comme parfaitement légitime, qu'il ne connaissait ni Jean-MichelBEAUDOUIN ni Patricia LEFEUVRE et n’avait aucune idée de leur affectation ;- que selon Bernard GAUDILLERE, il était très difficile au maire ou à son cabinetd’identifier que le contractuel affecté à un adjoint au maire n’y exerçait pas réellement sesfonctions auprès de l’élu ;- que selon Jean-Michel HUBERT, les questions des chargés de mission et de leursrémunérations n’ont jamais été abordées par Jacques CHIRAC avec ses collaborateurs lorsdes discussions budgétaires et politiques.

La défense de Jacques CHIRAC soutient par ailleurs :- qu'il n’est pas démontré que le versement de rémunérations à Jean-Michel BEAUDOUINà compter de la fin octobre 1992 ne relevait pas de l’intérêt de la ville, que les déclarationsde l’intéressé démontrent le contraire, qu’aucune investigation n’a été réalisée pourconfirmer ou démentir ces éléments, que le fait que Jean-Michel BEAUDOUIN ait exercéses fonctions au siège du CNI ne permet pas d’en déduire que ces fonctions étaient sans lienavec la Ville de Paris ;- qu’à compter du décès d’Yvon BRIANT, président du CNI, survenu en août 1992,Patricia LEFEUVRE a été affectée au service de Jean-Antoine GIANSILLY, nouveauprésident du CNI et membre du Conseil de Paris, et s’est occupée de la permanence du15 arrondissement jusqu’à son remplacement par Alexis KUMMETAT en juillet 1994 ;ème

- que le courrier versé au dossier émanant de Jean-Antoine GIANSILLY, en date du 7octobre 1996, ne concerne ni Jean-Michel BEAUDOIN , ni Patricia LEFEUVRE.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que le Centre National des Indépendants et Paysans (CNI), parti politique présidésuccessivement par Jacques FERON puis Jean-Antoine GIANSILLY, comptait plusieursélus au sein du Conseil de Paris ; que les investigations ont établi que ces élus n’ont pasconstitué de groupe au sein de l’assemblée municipale mais, comme l’a indiqué JacquesFERON, maire du 19 arrondissement de 1983 à 1994, ont été rattachés, dès 1983, auème

groupe du Rassemblement Pour Paris (D2142/2) ;

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que l’article 7 du règlement intérieur du Conseil de Paris adopté en 1987 et modifié en1992 autorisait le maire de Paris à mettre ainsi à la disposition des groupes d’élus lesmoyens nécessaires à leur fonctionnement, disposition reprise dans la délibération duconseil de Paris en date du 20 novembre 1995 ; que son article 5 fixait à cinq le nombreminimum d’élus pour constituer un groupe ;

que Roger ROMANI, maire-adjoint chargé de la questure entre 1983 et 1998, a expliquéque “par tradition républicaine et avec un consensus politique général repris dans le codedes collectivités territoriales, les adjoints au maire, les maires d’arrondissement, lesgroupes d’élus et les élus eux-mêmes bénéficiaient de la mise à disposition decollaborateurs recrutés dans le cadre des contrats de chargés de mission afin de les aiderà accomplir leur mission dans les activités politiques” (D2218/2) ;

que Jean-Antoine GIANSILLY a confirmé la répartition des chargés de mission à laquellese livrait la conférence des présidents de groupes du Conseil de Paris au prorata du nombred’élus ;

Attendu que l’information a mis en évidence que Jean-Michel BEAUDOIN et PatriciaLEFEUVRE ont été recrutés en 1989 et 1990 pour être immédiatement affectés auprès desélus du CNI national et non parisien et plus particulièrement au service d’un dirigeantnational de ce parti, qu'ils ont travaillé au siège du parti, l’un exerçant les attributions dedirecteur de cabinet d’Yvon BRIANT, secrétaire général, et l’autre officiant en qualitéd’assistante parlementaire de cette même personne par ailleurs parlementaire européen ;

que, du vivant d’Yvon BRIANT, ces activités, sans lien avec la Ville de Paris, ont donnélieu au versement de rémunérations par cette dernière dans le cadre des contrats de chargéde mission ; que ces emplois ont par la suite été renouvelés de façon régulière ;

que Jean-Michel BEAUDOIN a indiqué qu’à la suite du décès accidentel d’Yvon BRIANT,survenu le 18 août 1992, il avait vainement sollicité, notamment auprès de Jean-EudesRABUT, une nouvelle affectation dans le secteur international ; que sans être en mesured’apporter plus de précision sur son activité au cours de l’année 1993, il a concédé s’êtrefinalement résolu à mettre fin à ses fonctions par lettre du 7 janvier 1994 ; qu’il n’a pas étéétabli que, pendant cette période, Jean-Michel BEAUDOIN ait eu une activité réelle au seinde la Ville de Paris jusqu’à son départ en janvier 1994, alors qu'il exerçait notamment unmandat d’élu local à Saint Malo ;

Attendu qu’il a été établi, concernant Patricia LEFEUVRE, qu’après le décès d’YvonBRIANT, elle a été affectée au service de Jean-Antoine GIANSILLY, adjoint au maire etmaire adjoint ; que celui-ci a indiqué qu’il avait, dès septembre 1992, affecté PatriciaLEFEUVRE, à des tâches afférentes à la mairie de Paris, notamment la tenue de sapermanence dans le 15 arrondissement, mais que, celle-ci n’ayant pas donné satisfaction,ème

il avait décidé de s’en défaire six mois plus tard ;

Attendu qu’Alexis KUMMETAT, recruté en remplacement de Patricia LEFEUVRE parJean-Antoine GIANSILLY, dont il était jusque-là le collaborateur à la présidence du CNI,a expliqué que son travail de chargé de mission consistait à assister à des réunions à l’Hôtelde Ville , à tenir des permanences de manière occasionnelle, notamment une permanenced’une matinée par semaine à la mairie du 15 arrondissement, qu'il avait un bureau auème

siège du CNI et qu’il avait assisté les élus CNI du Conseil de Paris en vue des électionsmunicipales de 1995 ;

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Attendu que plusieurs agents contractuels ont assuré des missions similaires, parmilesquels Yves GUILLOT, Bruno GEORGES, Valéry LE DOUGUET et JeannieJAQUEMART que la plupart ont indiqué avoir travaillé auprès d’élus parisiens du CNIdans des locaux mis à disposition par la mairie de Paris et oeuvrer accessoirement au seindu CNI national ; que leur emploi n’a donné lieu à aucune poursuite ;

que si un doute subsiste sur l’existence, dans la période de la prévention, soit à compter du26 octobre 1992, d’une contrepartie au versement à Jean-Michel BEAUDOIN et PatriciaLEFEUVRE de rémunérations susceptibles dès lors de constituer un détournement, forceest de constater que le CNI, bénéficiaire de ces mises à disposition, entendu en qualité detémoin assisté, ne fait l'objet d'aucune poursuite, pas plus qu'aucun élu de ce parti ;

Attendu par ailleurs qu'Alexis KUMMETAT a confirmé l’existence, avant son arrivée,d’un accord politique avec la mairie de Paris aux termes duquel il avait été convenu quele CNI disposerait de contrats de chargés de mission, c’est-à-dire des moyens en personnes,pour compenser l’absence des moyens donnés habituellement aux groupes d’élus(D1712/3) ;

qu’interrogé sur l’existence d’un “accord politique secret” entre le CNI et la mairie deParis, Roger ROMANI a répondu ne pas en voir la nécessité dès lors que les élus CNIfguraient sur des listes de la majorité et s’étaient inscrits auprès du groupe RPP puis, vers1997, sur un groupe pluraliste ; qu’il a conclu son propos en ces termes : “Ils avaientnormalement droit à des collaborateurs” (D2218/3) ;

que Jacques FERON a pour sa part déclaré avoir ignoré l’existence d’un quelconque accordà ce sujet entre le CNI national et Jacques CHIRAC (D2142/2) ;

Attendu que Jacques CHIRAC revendique la responsabilité de l’accord consistant à mettreà la disposition des élus CNI parisiens des postes de chargés de mission ; que cettedécision, résultant d’un consensus dégagé entre les différentes formations concernées duConseil de Paris, ne contredit nullement les dispositions du règlement intérieur del’assemblée municipale ;

Attendu que si Jacques CHIRAC a reconnu avoir reçu le soutien du CNI dans la mise enoeuvre de sa politique au plan local, il n’est pas démontré qu'il ait pris une part active dansla répartition des postes de chargés de mission entre les élus du Conseil de Paris ni qu’ilait eu connaissance de l’affectation de ces chargés de mission au siège du mouvement ouau service de ses dirigeants nationaux, celle-ci résultant d’une décision interne au CNI ; queles principes de fonctionnement démocratique de l’assemblée municipale auraient faitobstacle à tout contrôle par le maire de Paris, aussi bien que par son directeur de cabinet,de l’emploi fait par les élus de l'assemblée locale des moyens mis à leur disposition enapplication des règles précitées ;

Attendu dès lors que, l’élément intentionnel des délits d’abus de confiance et dedétournement de fonds publics relatifs aux emplois de Jean-Michel BEAUDOIN et PatriciaLEFEUVRE faisant défaut, la relaxe s’impose à l’égard tant de Jacques CHIRAC enqualité d’auteur principal de ces deux délits, que, par voie de conséquence, de MichelROUSSIN, ce dernier en qualité de complice ;

� Sur l’emploi de Babakar DIOP au profit de Michel PERICARD

Il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir du 26 octobre 1992 jusqu’au1 mars 1994 détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaienter

été remis au titre d’un mandat en sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faireun usage ou un emploi déterminé au profit de la Ville de Paris en l’espèce en faisant

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rémunérer Babakar DIOP, chargé de mission mis à la disposition du député MichelPERICARD, et d’avoir, du 1 mars 1994 jusqu’au 16 mai 1995, étant en sa qualité deer

maire de Paris dépositaire de l’autorité publique, détourné des fonds publics au préjudicede la Ville de Paris, en l’espèce en faisant prélever sur le budget de la Ville les montantsde ces rémunérations.

Michel ROUSSIN est poursuivi pour avoir entre le 26 octobre 1992 etle 1 mars 1993, en sa qualité de directeur de cabinet du maire de Paris, été complice deser

délits d’abus de confiance reprochés à Jacques CHIRAC en l’aidant sciemment dans sapréparation ou sa consommation, en l’espèce en permettant le versement de salairessubséquents s’agissant de Babakar DIOP.

L’examen du dossier administratif de Babakar DIOP, objet du scellén°2/23, fait apparaître que celui-ci a été recruté en qualité de chargé de mission cadresupérieur à la direction du cabinet du maire de Paris par contrat du 21 octobre 1991 portantla signature de Michel ROUSSIN, avec effet à compter du 1 septembre 1991, en exécutioner

d’une note en date du 23 septembre 1991 adressée au directeur de l’administration générale,également sous la signature de Michel ROUSSIN, fixant sa rémunération mensuelle netteà 12.000 francs, tandis que le contrat se réfère à l’indice brut 704. Ce contrat, conclu pourune durée initiale d’un mois, était renouvelable de mois en mois par tacite reconduction.Les fonctions de Babakar DIOP ont pris fin à sa demande le 1 juillet 1997. er

Entendu par les enquêteurs le 15 décembre 2000, Babakar DIOPdéclarait qu’ayant débuté en 1985 comme libraire installé à Paris, il avait été recruté par lamairie à la suite d’un contact qu’il avait obtenu auprès de Michel PERICARD, alors députéRPR des Yvelines et maire de Saint-Germain-en-Laye, par l’entremise de Jean-YvesCHAMARD, député de la Vienne dont il avait été l’assistant parlementaire depuis avril1991.

Michel PERICARD cherchait une personne “capable de suivre lesdossiers sociaux à l’Assemblée Nationale pouvant intéresser la Mairie de Paris”. A l’issuede leur rencontre, Michel PERICARD lui avait proposé d’aller signer son contrat à lamairie de Paris. C’est Michel PERICARD “et personne d’autre au sein de la mairie deParis” qui lui avait défini ses attributions. Ses tâches consistaient à lire la pressequotidienne sur les sujets sociaux, à s’intéresser aux projets et propositions de lois etrapports parlementaires dans ce domaine, à rédiger des notes manuscrites faisant état de sesréflexions qu'il remettait en main propre à Michel PERICARD, auquel il lui arrivait derendre compte oralement de certains dossiers. Son bureau se trouvait à l’AssembléeNationale. Il considérait Michel PERICARD comme son supérieur hiérarchique.

Il avait conservé cette mission jusqu’en juin 1995. A cette époque, ilavait été affecté au ministère du logement en qualité de chef adjoint de cabinet du ministrePierre-André PERISSOL sous l’autorité de son directeur de cabinet, Olivier DEBAINS.Son occupation était alors de faire du lobbying sur tous les projets de loi ou les décisionsdu ministre, notamment dans le domaine de la réquisition de locaux et logements vides etla mise en place de logements sociaux pour les démunis.

Il avait toujours été rémunéré par la Ville de Paris de juin 1995 àdécembre 1996. Il avait décidé en décembre 1996 de démissionner quand le contrat proposéau ministère du logement lui était apparu financièrement plus avantageux.

Sur la période de septembre 1991 à décembre 1996, la rémunérationnette perçue par Babakar DIOP s’est élevée à 832.612,78 francs (126.931 euros). La chargefinancière globale que représentait cette rémunération pour la Ville de Paris s’est élevée à1.352.000,50 francs (206.111 euros) tandis que sur la seule période de prévention elle selimitait à 655.759 francs (99.513 euros) (D2155/9).

Michel PERICARD, décédé le 2 février 1999, ne pouvait pas êtreentendu.

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Jean-Yves CHAMARD confirmait néanmoins avoir mis Babakar DIOPen relation avec Michel PERICARD après que ce dernier lui avait indiqué que “la Ville deParis recherchait un correspondant sur l’ensemble du dossier social” (D2169/2). Ilajoutait : “la mission telle que décrite correspondait bien à un travail au profit de la Villede Paris ou plus précisément du département de Paris. En effet, les dépenses sociales d’unConseil général représentent en moyenne près de la moitié de son budget defonctionnement” (D2169/3). Il imaginait que “c’était Michel PERICARD qui apportait endirect une vision politique sur les questions sociales. M DIOP quant à lui, faisant tout letravail technique, préparant l’éclairage puis la décision politique” (D2169/5).

Pierre-André PERISSOL indiquait qu’il avait pensé que Babakar DIOPtravaillait à la commission des affaires sociales dont Michel PERICARD était président etque, connaissant bien le fonctionnement du Parlement et de la Ville de Paris, ilcorrespondait à ses yeux parfaitement au profil que lui-même recherchait. OlivierDEBAINS déclarait, pour sa part, que Babakar DIOP l’avait informé, après son arrivée auministère, “qu’il était l’intermédiaire chargé des questions sociales entre la mairie deParis et le groupe RPR de l’Assemblée Nationale” (D2883/2) mais qu’il ignorait qu’il fûtrattaché spécialement à Michel PERICARD. Concernant le rôle de Babakar DIOP au seindu cabinet du ministre du logement, il précisait qu’il était chargé des relations avec lesparlementaires et les élus locaux, notamment afin de rechercher des solutions auxsollicitations de ces derniers. Il n'avait pas été choqué de constater que Babakar DIOP étaitpayé par la Ville de Paris car il estimait que les sujets qu’il traitait au ministère, comme leplan de réquisition des logements vacants et l’application des surloyers dans les logementsHLM, concernaient au premier chef la Ville de Paris.

Jacques CHIRAC indiquait que s’il n’avait aucun souvenir de BabakarDIOP, il gardait en mémoire la contribution de Michel PERICARD qui le conseillaitbénévolement dans les affaires sociales et les questions de logement et qu’à ce titre, il nelui paraissait pas anormal que la municipalité ait mis un assistant à sa disposition(D3807/11).

Michel ROUSSIN disait avoir ignoré la mission de Babakar DIOP qu’ilne connaissait pas. Il indiquait qu’il ne pouvait qu’avoir été saisi d’une demande derecrutement et constatait que celle-ci ne figurait pas dans les scellés (D2287/9et10).

Rémy CHARDON déclarait que le nom de Babakar DIOP lui étaitinconnu et qu'il n’avait eu connaissance d’aucun fait qui aurait pu l’amener à mettre fin àson contrat (D2340/22).

La défense de Jacques CHIRAC fait valoir :- que les déclarations de Jean-Yves CHAMARD précédent employeur de Babakar DIOP,et celles de ce dernier, confirmées à l’audience, établissent que celui-ci était recruté commechargé de mission afin d’assurer une veille législative notamment dans des domaines,comme le logement, pouvant avoir des conséquences sur la Ville de Paris ;- que selon Jacques CHIRAC il n’était pas anormal que l’un de ses conseillers, bien qu’ilfût bénévole, bénéficiât d’un assistant mis à disposition par la municipalité, cela d’autantqu’il agissait dans le domaine social ;- que si Jacques CHIRAC connaissait bien Michel PERICARD, il a déclaré n’avoir aucunsouvenir de Babakar DIOP et n’avoir eu aucune conscience de cet emploi ni de sa mise àdisposition de Monsieur PERISSOL, à une époque, exclue de la prévention, où il avaitquitté la mairie de Paris.

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Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que Babakar DIOP n’a pas été en mesure de fournir la moindre justification de sesnombreuses prestations qui aurait pu démontrer le lien entre ses activités et les intérêts dela Ville de Paris ; qu’au contraire, il est démontré qu’il a été recruté par Michel PERICARDqui n’exerçait aucun mandat politique ni aucune responsabilité officielle au sein de la Villede Paris, mais qui était cependant considéré par Babakar DIOP comme son supérieurhiérarchique ; qu’à l’audience, ce dernier a reconnu avoir fourni un travail d’assistantparlementaire (Notes d’audience page 61) ; que les sujets sociaux qu’il a pu être amené àtraiter auprès de Michel PERICARD, à en croire les déclarations de Jean-YvesCHAMARD, relevaient davantage des compétences départementales que municipales ; quel’implantation de son bureau à l’Assemblée Nationale, l’absence de tout lien direct avecla mairie de Paris, notamment avec les services tant départementaux que municipauxpouvant le cas échéant être concernés par les sujets abordés, conduisent à considérer quel’activité de Babakar DIOP s’est en permanence située en marge des activités municipales ;

que la prise en charge par la ville de Paris, entre le 26 octobre 1992 et le 16 mai 1995, desrémunérations versées en contrepartie de cette activité, est constitutive d’un détournementcaractérisant successivement les délits d’abus de confiance puis de détournement de fondspublics ;

Attendu que le dossier administratif de Babakar DIOP ne contient aucun écrit précisant laprovenance de la demande de recrutement le concernant ; que Michel ROUSSIN a affirméqu'il ne connaissait pas Babakar DIOP ; qu'il n'est pas démontré que Michel ROUSSIN aiteu connaissance de l'objet de la mission impartie à Babakar DIOP ; qu'il est en revancheétabli que Jacques CHIRAC avait connaissance de l’affectation d’un chargé de mission auservice de Michel PERICARD, député RPR des Yvelines et président de la commission desaffaires sociales de l’Assemblée Nationale et que celui-ci, n'étant pas élu parisien, n'étaitpas légitime à demander au directeur de cabinet du maire de Paris l'affectation d'un chargéde mission ;

Attendu que l’information a établi que Jacques CHIRAC, dont Michel PERICARD avaitété le conseiller en matière sociale et de logement, a donné son accord pour que celui-cipuisse disposer de l'aide d'un chargé de mission rémunéré par la Ville de Paris, de sorte quele recrutement s’est fait directement à l’initiative de Michel PERICARD qui a adresséBabakar DIOP au cabinet du maire ; que Michel ROUSSIN, en procédant à ce recrutementen sa qualité de directeur de cabinet, s'est conformé à une instruction qui ne pouvait émanerque du maire de Paris lui-même ;

qu’en faisant en sorte que Babakar DIOP soit maintenu de mois en mois dans ses fonctionsde chargé de mission et rémunéré par la Ville de Paris, grevant ainsi le budget de lacollectivité territoriale qu’il administrait, à des fins étrangères aux intérêts de la collectivitédes parisiens, Jacques CHIRAC s’est rendu coupable des délits d'abus de confiance et dedétournement de fonds publics qui lui sont reprochés ;

Attendu en revanche que l'élément intentionnel de l'infraction de complicité d'abus deconfiance n'est pas caractérisé à l'encontre de Michel ROUSSIN dont il n’est pas démontréqu’il ait eu connaissance de l’objet et des modalités d’exercice des attributions de BabakarDIOP, et sera en conséquence relaxé de ce chef ;

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� Sur l' emploi de Jean Claude MESTRE

Il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir du 26 octobre 1992 au 1er

mars 1994 détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaientété remis au titre d’un mandat en sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faireun usage ou un emploi déterminé au profit de la Ville de Paris en l’espèce en faisantrémunérer par la Ville de Paris Jean-Claude MESTRE chargé de mission dépourvud’affectation.

Il lui est également reproché d’avoir du 1 mars 1994 au 16 mai 1995,er

étant, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire de l’autorité publique, détourné des fondspublics au préjudice de la Ville de Paris, en l’espèce en faisant prélever sur le budget de laville les montants des rémunérations de ce même chargé de mission.

Michel ROUSSIN est poursuivi pour avoir en sa qualité de directeurde cabinet du maire de Paris, été complice, entre le 26 octobre 1992 et le 1 mars 1993, deser

délits d’abus de confiance reprochés à Jacques CHIRAC en l’aidant sciemment dans sapréparation ou sa consommation, en l’espèce en permettant le versement de salairessubséquents.

Jean-Claude MESTRE est poursuivi pour avoir à Paris, en tout cas surle territoire national, et depuis temps non prescrit, sciemment recelé des fonds qu’il savaitprovenir entre le 26 octobre 1992 et le 1 mars 1994, du délit d’abus de confiance, et entreer

le 1 mars 1994 et mai 1996 du délit de détournement de fonds publics, en l’espèce ener

ayant bénéficié des rémunérations versées par la Ville de Paris pour un emploi sanscontrepartie pour cette dernière, à hauteur d’un montant total de salaires de 131.602,46euros.

L’examen du contenu du dossier administratif de Jean-ClaudeMESTRE, placé sous scellé n°3/50, permet de constater que celui-ci, inspecteur central desImpôts et premier adjoint à la mairie de Sarcelles, a été recruté comme chargé de missionavec le statut de cadre supérieur, par contrat d’engagement en date du 19 octobre 1990signé par Michel ROUSSIN, avec effet au 1 octobre. La durée initiale du contrat était d’uner

mois, renouvelable de mois en mois par tacite reconduction. Sa rémunération était calculéesur la base de l’indice brut 581.

Ce contrat fait suite à la note établie le 13 septembre 1990, sous lasignature de Michel ROUSSIN, qui précise que l’intéressé sera affecté à la direction decabinet.

Dès le 22 mars 1990, la Direction Générale des Impôts, sonadministration d’origine, avait invité Jean-Claude MESTRE, en position d’activité auSESDO depuis le 1 mars 1989, à régulariser sa situation administrative au regard du tempser

consacré à ses mandats électifs. Le 9 avril suivant, Jean-Claude MESTRE avait adressé unelettre à Bernard MONGINET, directeur de l’administration générale, sollicitant sondétachement à la Ville de Paris et se prévalant d’un entretien avec Jean PISTIAUX,directeur de cabinet d’Alain JUPPÉ.

Cette démarche avait été suivie le 9 mai 1990 de l’envoi par AlainJUPPÉ d’une note à l’intention de Bernard MONGINET, le priant d’examiner cettedemande avec la plus bienveillante attention. Dans sa réponse, Bernard MONGINET avaitproposé un recrutement de l’intéressé en qualité de chargé de mission et de saisir à cettefin la direction du cabinet. C’est dans ces circonstances, que Michel ROUSSIN avaitadressé à la direction de l’administration générale la demande de recrutement de Jean-Claude MESTRE, après que son administration d’origine avait donné son accord sur ledétachement.

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Alors qu’il avait été mis fin aux fonctions de Jean-Claude MESTREà la direction du cabinet par décision de Bernard BLED en date du 11 février 1997, cettedécision était rapportée le 15 décembre suivant et Jean-Claude MESTRE finalementréaffecté à compter du 28 juillet 1997 à la DASES en vue de procéder à une étude relativeau patrimoine de l’Aide Sociale à l’Enfance.

D’octobre 1990 à décembre 1996, Jean-Claude MESTRE a perçu desrémunérations nettes versées par la mairie de Paris à hauteur de 1.268.183,40 francs (soit193.333,31 euros), tandis que le coût total de cet emploi pour la Ville de Paris s’élevait à1.673.472, 51 francs (soit 255.119,23 euros). Sur la période de la fin octobre 1992 au 16mai 1995, le coût pour la Ville de Paris s’élevait à 114.396 euros et les salaires nets versésà Jean-Claude MESTRE à 88.786 euros (D2155/24).

Jean-Claude MESTRE était entendu par les enquêteurs le 21 mars 2001(D1816). Il expliquait qu'étant à la recherche d’un emploi lui ménageant plus de temps envue de la préparation des élections cantonales, il en avait parlé à Alain JUPPÉ, maireadjoint chargé des finances, et à son directeur de cabinet, Jean PISTIAUX. On lui avaitalors proposé un poste de conseiller technique pour la supervision de la consolidation desbudgets. Il l’avait accepté. Il avait obtenu de pouvoir travailler à son domicile sanscontrainte d’horaire, ce qui lui permettait de se consacrer pendant la journée à son mandatd’élu.

Le cabinet lui envoyait le budget global sur lequel il devait faire unesorte d’audit afin de déterminer si ce budget était conforme aux orientations politiques dumoment. Il portait des mentions en marge et renvoyait son travail au maire.

Lors de sa première comparution le 11 juin 2003 (D2529), il exposaitqu’il ne connaissait pas Michel ROUSSIN, et que s’il connaissait Jacques CHIRAC, iln’était pas un de ses intimes. C’est un certain Freddy LOYSON, collaborateur d'unconseiller de Paris, M. CLEMENT, qui l’avait orienté vers Jean PISTIAUX. Ce dernier,qui voulait renforcer son cabinet en fiscalistes, avait testé ses connaissances fiscales. Onlui avait alors expliqué que compte tenu de la confidentialité de sa mission, il valait mieuxqu’il soit titulaire d’un emploi de cabinet plutôt qu’être mis à disposition par sonadministration d’origine.

Sa mission avait évolué en mai 1991. Il était chargé d’une analysepolitique destinée au maire de Paris qui siégeait au comité de gestion du Fonds de solidaritédes communes d’Ile de France. De cette façon, le maire devait être en mesure de donnerles points de vue de la "ville riche" qui était Paris et des réels besoins des “villes pauvres”comme Sarcelles. À chaque loi de finances survenaient des modifications de calcul et ildevait intervenir en conséquence. Il adressait ses rapports au cabinet du maire. Il n’en avaitconservé aucune copie. Sa mission avait été définie dans un courrier qui n’a pas étéconservé.

Il déclarait sur son activité : “Ce que j’avais fait jusque là avait uncaractère un peu surréaliste, mot que j’emploie parce que la forme de mon emploi étonneun peu tout le monde. Mais c’était le prix pour que je puisse avoir des contacts avec mesadministrés” (D2529/8).

Il estimait que sa rémunération était identique à celle qu’il percevaitaux Impôts, déduction faite des primes qui s'élevaient à 15% de son traitement.

De nouveau interrogé le 27 avril 2007 (D3106), Jean-Claude MESTREprécisait qu’il n’y avait pas eu de demande écrite à l’origine de son recrutement mais unentretien téléphonique avec M. CLEMENT ou son cabinet. Il n’avait pas d’interlocuteurprécis au cabinet du maire. Il avait rencontré Alain JUPPÉ à plusieurs reprises après lasignature du contrat par Michel ROUSSIN. Comme il ne dépendait pas de Jean PISTIAUX,celui-ci pouvait ne pas avoir eu connaissance de son travail qui était plus politique quetechnique et concernait davantage le cabinet. Le rapport produit était sans lien avec lescompétences financières qui avaient pu déterminer son recrutement. Il remarquaitcependant que le cadre de son action n’était pas d’une rigidité absolue.

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Alain JUPPÉ se souvenait avoir demandé que Jean-Claude MESTREsoit recruté pour un emploi par la Ville de Paris mais affirmait n’avoir eu aucuneresponsabilité dans son affectation définitive. Il ignorait la nature du poste en question. Atitre personnel, il n’avait aucun souvenir de l’activité de Jean-Claude MESTRE. Ilconsidérait toutefois “légitime qu’il y ait un conseiller en matière financière au cabinet dumaire” (D3740/5 et s.).

Selon Jean PISTIAUX, directeur des finances, c'est Alain JUPPÉ quiavait dû lui demander de recevoir Jean-Claude MESTRE. Il n’avait conservé aucunsouvenir de l’entretien au cours duquel il lui aurait proposé le poste. Il pensait que c’est laposition d’élu à Sarcelles qui avait motivé l’accord du cabinet. Il concédait que, pourparvenir à concilier ses fonctions de 1 adjoint jusqu’en 1995, de conseiller municipal parer

la suite, conseiller général de 1992 à 1998 et de Président de l’OPDHLM du Val d’Oise,avec sa mission de chargé de mission à temps complet, Jean Claude MESTRE "devaitavoir une puissance de travail supérieure à la [sienne]” (D2141/3).

Dans une seconde audition, Jean PISTIAUX déclarait avoireffectivement reçu Jean-Claude MESTRE à la demande d’Alain JUPPÉ afin de vérifier sescompétences en matière financière. Il l’avait renvoyé vers Bernard MONGINET et avaitinformé Alain JUPPÉ de ses conclusions positives au sujet de ce candidat. Il assuraitcependant que Jean-Claude MESTRE “n’a pas été recruté pour la direction financière nipour le cabinet de JUPPÉ, maire adjoint chargé des finances”. Il ajoutait : “Je n’aipersonnellement pas vu le produit de son travail, ce qui est logique puisque ce n’est pasmoi qui l’ai commandé” (D2733/4).

Jean-Paul GARROTÉ s’exprimait en ces termes au sujet de la situationde Jean-Claude MESTRE : “Puisqu’il était conscient d’être rémunéré pour un emploi qu’iln’occupait pas, il a eu la décence de ne pas demander d’augmentation. Je pense qu’il étaitrémunéré à la Ville de Paris parce qu’il occupait des fonctions politiques locales demembre du RPR ” (D2174/6).

Pour Guy MAILLARD, secrétaire général de la Ville de Paris de 1986au 5 mai 1992, Jean-Claude MESTRE était un inconnu. Il n’avait joué aucun rôle dans cerecrutement. Il ajoutait qu’il ne voyait personne qui ait la capacité de travailler seul et àdomicile sur des compétences d’audit de budget aussi complexes (D2464/3).

Rémy CHARDON indiquait aussi qu’il ne connaissait pas Jean-ClaudeMESTRE (D2197/4), qu’il n’était pas le rédacteur de sa notation qu’il se serait abstenu designer s’il avait eu connaissance de la situation et qu’aucune information ne lui étaitparvenue qui aurait pu justifier d’interrompre son contrat. Il faisait observer qu’il s’agissaitd’une connaissance d’Alain JUPPÉ et que la mission de consolidation des budgets relevaitde la direction des finances ou du cabinet du maire adjoint chargé des finances (D2340/20).

Bernard BLED ne connaissait pas davantage Jean-Claude MESTREdont il n’avait jamais vu le travail. A l’instar de Rémy CHARDON, il soutenait qu’iln’avait aucune raison de s’intéresser plus à sa situation qu’à celle des autres chargés demission dès lors qu’aucun problème ne lui avait été signalé (D2381/15).

Michel ROUSSIN reconnaissait sa signature sur le contrat ainsi que surla notation qui avait été préparée vraisemblablement par la direction des finances de laVille de Paris. Il constatait l’absence de trace de sa saisine par Alain JUPPÉ. Il excluaitavoir pu le recruter sur une simple injonction verbale (D2287/11). Il ne connaissait pasl’intéressé et n’avait jamais eu recours à ses services (D2203/5).

Jacques CHIRAC déclarait n’avoir conservé aucun souvenir de Jean-Claude MESTRE (D3807/24).

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Au soutien des conclusions de relaxe, la défense de Jacques CHIRACrappelle que les montants de salaires perçus pendant le temps de la prévention se limitentà 697.692,13 francs soit 106.362,48 euros.

Elle fait valoir :- que la description de la mission confiée à Jean-Claude MESTRE, telle qu’elle résulte deses propres déclarations se justifie pleinement notamment au regard du contexte politiquede l’époque, les gouvernements socialistes voulant réduire les finances de Paris et le budgetde la Ville de Paris ayant alors diminué de 18% en 1992 ;- que les explications fournies par Guy MAILLARD doivent être écartées comme ayant étéinduites par des informations inexactes répercutées par les enquêteurs qui ne tenaient pascompte dans leur exposé de l’évolution de la mission confiée à Jean-Claude MESTRE àcompter de 1991 ; - qu’il serait spécieux de prétendre que l’élément matériel de l’infraction se serait perpétuédepuis octobre 1990 et que Jacques CHIRAC n’est pas intervenu dans le recrutement nidans les paiements successifs dans la période de prévention.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que si Jean Claude MESTRE a donné une description de la mission qui lui a étéimpartie au cabinet du maire qui n’apparaît pas étrangère aux impératifs d’une bonnegestion des finances communales, il s’est révélé dans l’incapacité d’apporter le moindreélément tangible venant accréditer ses allégations et démontrer la réalité du travail qu’ilsoutient avoir fourni pendant près de sept années, d'octobre 1990 à juillet 1997, dansl’intérêt de la Ville de Paris ;

Attendu que l'information a permis de reconstituer le processus administratif ayant aboutià la signature du contrat par lequel il a été recruté, impliquant dans un premier temps, alorsque Jean-Claude MESTRE était à la recherche d’un détachement, l’adjoint au maire chargédes finances, Alain JUPPÉ, et son directeur de cabinet, Jean PISTIAUX, à l’exclusion detoute autre autorité municipale ;

Attendu par ailleurs que les modalités d’exercice de cette activité prétendue, telles qu’ilsemble qu’elles aient été consenties par l’autorité d’emploi notamment quant aux horaireset au lieu d’exécution, plaçaient l'intéressé à l'abri de toute traçabilité de son action et luilaissaient la liberté de s'organiser au gré de ses impératifs personnels ;

Attendu que le tribunal ne peut que constater qu’en dépit des multiples investigationsmenées, aucun élément n’est venu confirmer les circuits de collecte des informationstraitées par le chargé de mission et de restitution du résultat des travaux qui devaient enrésulter ; qu’aucun des témoignages recueillis auprès des responsables susceptibles d’avoirété rendus destinataires de tels travaux, y compris le témoignage de Guy MAILLARD dontla pertinence ne saurait être mise en doute, n’ont permis d'en confirmer la réalité ;

Attendu que dès lors, la fictivité de cet emploi étant établie, le versement des rémunérationsà Jean-Claude MESTRE doit s’analyser comme un détournement caractérisant, sur lapériode visée aux poursuites, l’élément matériel des infractions principales d’abus deconfiance puis de détournement de fonds publics dont celui-ci apparaît avoir été lebénéficiaire ultime ;

Attendu que Jacques CHIRAC a cependant contesté toute implication dans ce recrutement ;qu’aucune pièce du dossier, en son dernier état, ne permet au tribunal d’affirmer qu’il y aitparticipé ; qu’il résulte en revanche de l’information que le choix des modalités de cetengagement a été proposé par le directeur de l’administration générale à Alain JUPPÉ,maire adjoint chargé des finances, qui était intervenu auprès de l’administration en soutiendes démarches engagées par l’intéressé en vue d’un détachement ;

Jugement nE 1

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Attendu qu’il n’est pas démontré qu’à compter du 26 octobre 1992 et jusqu’en mai 1995,Jacques CHIRAC ait eu personnellement connaissance de cette situation et encore moinsdes conditions d’exercice professionnel consenties à Jean-Claude MESTRE ; que l’élémentintentionnel des infractions d’abus de confiance et de détournement de fonds publicsn’étant pas établi à l’encontre de Jacques CHIRAC, celui-ci sera en conséquence relaxé ;

Attendu que Michel ROUSSIN, poursuivi comme complice de Jacques CHIRAC dans lacommission du délit d’abus de confiance, a reconnu avoir effectivement signé le contratd’engagement de Jean-Claude MESTRE à une époque couverte par la prescription ; qu’iln’est cependant pas démontré qu’il ait eu connaissance, sur la période du 26 octobre 1992au 1 mars 1993, de la fictivité de l'emploi en dépit de l’affectation du bénéficiaire à laer

direction du cabinet ; que s’il a également reconnu avoir signé les fiches de notation deJean-Claude MESTRE, il n’est pas établi que la conception des appréciations qu’ellescontiennent lui soient personnellement imputables ou bien qu’il ait été suffisamment éclairépour être en mesure d’en déceler le caractère inexact voire trompeur ; qu’il convient deconstater en outre qu’aucune de ces fiches n’a été signée au cours de la période de laprévention qui concerne Michel ROUSSIN, limitée à quatre mois ; qu’il s’ensuit que leséléments tant matériel que moral de la complicité d'abus de confiance font défaut à l’égardde Michel ROUSSIN ; qu’il sera en conséquence également relaxé ;

Attendu enfin que la relaxe à intervenir à l’endroit de Jacques CHIRAC et MichelROUSSIN ne retire nullement aux rémunérations perçues par Jean-Claude MESTRE leurcaractère frauduleux ; que, contrairement à ce qu’a pu soutenir Jean-Claude MESTRE aucours de l’information et des débats, celui-ci a perçu des rémunérations versées sanscontrepartie pour la Ville de Paris ; qu’en continuant délibérément pendant de nombreuxmois, par l’effet conjugué de sa propre inaction et de celle de son autorité d’emploi, nonvisée dans les poursuites, laissant ainsi jouer la clause de reconduction tacite de son contrat,Jean-Claude MESTRE, essentiellement préoccupé par l’exercice de ses mandats politiqueslocaux au mépris des intérêts de la collectivité qui l’employait, avait connaissance ducaractère frauduleux de ces rémunérations ; que ce faisant, il a sciemment bénéficiéd’avantages résultant des détournements commis au préjudice de la Ville de Paris sous laforme de salaires nets à hauteur de 88.786 euros sur la période du 26 octobre 1992 au 16mai 1995 ; qu’il sera déclaré coupable du délit de recel dans cette limite, correspondant auxseuls faits dont le tribunal est saisi du chef d’abus de confiance et détournement de fondspublics ;

� Sur l’emploi de Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE

Il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, du 26 octobre 1992 au 1er

mars 1994 détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaientété remis au titre d’un mandat en sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faireun usage ou un emploi déterminé au profit de la Ville de Paris en l’espèce en faisantrémunérer par la Ville de Paris Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE, chargée demission sans affectation.

Michel ROUSSIN est poursuivi pour avoir, entre le 26 octobre 1992et le 1 mars 1993, en sa qualité de directeur de cabinet du maire de Paris, été complice deser

délits d’abus de confiance reprochés à Jacques CHIRAC en l’aidant sciemment dans sapréparation ou sa consommation, en l’espèce en évaluant les prestations supposées deMarie-Thérèse MONIER épouse POUJADE.

Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE est quant à elle poursuiviepour avoir sciemment recelé des fonds qu’elle savait provenir entre le 26 octobre 1992 etle mois d’octobre 1993, du délit d’abus de confiance, en l’espèce en ayant bénéficié desrémunérations versées par la Ville de Paris pour un emploi sans contrepartie pour la Villeà hauteur d’un montant total de salaires de 33.846,10 euros.

Jugement nE 1

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A l’examen du contenu du dossier administratif de Marie-ThérèseMONIER épouse POUJADE, placé sous scellé n°4/69, il apparaît que cette chargée demission a été recrutée au cabinet du maire par contrat d’engagement en date du 30novembre 1981 signé par Bernard BILLAUD, directeur de cabinet. La durée initiale ducontrat était d’un mois, renouvelable de mois en mois par tacite reconduction. Sarémunération devait être calculée sur la base de l’indice brut 1015.

Ce recrutement est intervenu dans le cadre d’un détachement del’intéressée, professeur agrégée, selon arrêté du ministre de l’Education Nationale du 22février 1982. Ce détachement a été prolongé à plusieurs reprises. Il a été mis fin auxfonctions de Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE lorsqu’elle fut admise à fairevaloir ses droits à la retraite le 7 octobre 1993.

Le coût global pour la Ville de Paris de cet emploi sur la période dejanvier 1983 à octobre 1993 a été évalué à la somme de 2.950.624,15 francs (449.819euros), tandis qu’à compter d’octobre 1992, ce coût se limite à 297.878 francs (45.411euros) pour une rémunération nette de Marie-Thérèse MONIER de 222.015 francs (33.846euros) (D2155/28).

Marie Thérèse MONIER épouse POUJADE était entendue par lesenquêteurs le 4 mai 2000 (D1414) puis par le juge d’instruction lors de sa premièrecomparution du 16 juillet 2003 (D2790).

Il ressortait de ses explications qu'entrée à l’Ecole Normale Supérieureen 1948, elle avait obtenu l’agrégation de lettres classiques en 1951, qu'après avoirenseigné à Dijon, ville dont son époux était maire, pendant 25 ans, elle avait pu obtenir enraison de ses ennuis de santé une affectation en administration centrale, et que lors du“bouleversement politique”intervenu en mai 1981 elle avait été obligée de retournerenseigner, ce que son état rendait impossible. Elle connaissait alors tous les amis deGeorges POMPIDOU, normalien comme elle et dont son mari avait été le ministre.

Jacques CHIRAC, dont elle avait fait la connaissance “en politique”en 1967, et qui "avait le goût de titres universitaires et le respect des grandes écoles" luiavait demandé d’accepter une mission de réflexion touchant aux problèmes d’éducation etde culture, ainsi qu’aux problèmes de société ayant trait aux arts. Il lui avait alors conseilléde demander son détachement à la Ville de Paris, ce qu'elle avait accepté.

Elle n’avait jamais occupé de bureau à la Ville de Paris. Elle habitaitParis et rejoignait Dijon le week-end. Elle relevait de l’autorité directe de Jacques CHIRACqui lui confiait des missions de consultant et de réflexion sur des sujets comme la lectureou l’éducation. Elle lui faisait parvenir des notes sommairement dactylographiées.

Elle indiquait que c’est Jacques CHIRAC qui avait conçu sa mission(D270/3) laquelle consistait à rédiger des notes assez brèves touchant à la culture et àl’éducation, ou bien sur des questions que Jacques CHIRAC lui posait à ce sujet, à établirdes synthèses à partir de revues de pédagogie, à effectuer des études sur certains sujetscomme les enfants surdoués ou précoces ou l’intégration des enfants ayant un handicaplourd comme l’autisme, ou encore à lire toutes les revues que le maire recevait et à relevertoutes les initiatives pouvant être intéressantes.

Elle réalisait un travail écrit ou manuscrit envoyé au maire de Parisavec la mention “personnel”, tous les mois, y compris au cours des années de cohabitation(1986-1988) pendant lesquelles Jacques CHIRAC était à Matignon. Celui-ci accusaitréception par téléphone ou par courrier. Elle n’en a rien conservé.

Son détachement a été renouvelé à deux reprises. La première fois, elleavait eu un contact avec Daniel NAFTALSKI. Pour le second renouvellement, elle avaiteu affaire à Rémy CHARDON qui lui avait indiqué que cela ne poserait pas de problème(D2790/4). Elle déclarait que Jacques CHIRAC avait le goût de la discrétion, ce qui pouvaitexpliquer qu’aucun des directeurs de cabinet n’avait eu connaissance de sa situation(D2790/5). Jacques CHIRAC lui avait rendu le service en tenant compte de son état desanté.

Jugement nE 1

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Elle n’intervenait pas dans le cabinet. Si elle avait cependant été notée,cela ne pouvait être que de façon formelle car c’était à Jacques CHIRAC seul d’appréciersi le service était rendu.

Pourtant, Denise ESNOUS, ancien chef du secrétariat particulier dumaire de Paris, en fonction entre 1977 et août 1991, déclarait n’avoir jamais vul’intéressée, ni la moindre note de sa part (D2231/3).

Bernard BILLAUD, directeur de cabinet de juin 1979 à 1983, déclaraitqu’il avait reçu instruction de Jacques CHIRAC de recruter pour le service de la Ville deParis Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE qu’il avait reçue à son cabinet(D2226/2). Comme il n’était pas possible de lui conférer le statut d’administrateur de laville selon Jean CHENARD, directeur de l'administration générale de l’époque, il s’étaitrabattu sur un poste de chargé de mission. Il considérait qu’exceptionnellement elle nerelevait pas de son autorité hiérarchique mais dépendait directement de l’autorité du maire.Il n’avait pas eu connaissance de retombées de ce travail.

Robert PANDRAUD déclarait qu’il "ne l’utilisait pas", qu’elle n’avaitpas été recrutée de son temps. Selon lui, elle travaillait pour le maire (D2235/11 et 12).

Daniel NAFTALSKI n’avait pas davantage de souvenir de Marie-Thérèse POUJADE mais reconnaissait être le signataire de la transmission de demande derenouvellement de détachement après s’être assuré qu’il existait un poste budgétaire aucabinet. Il précisait qu’il n’avait pas à contrôler la mission de Marie-Thérèse POUJADE,comme pour la plupart du personnel affecté au cabinet (D2270/12 et 13) .

Henri CUQ, chef de cabinet du maire de 1979 à 1984, expliquait quec'est en raison de l’indisponibilité du directeur de cabinet qu’il avait dû signer l’une de sesnotations, qu'ordinairement, il notait ses collaborateurs et que Marie-Thérèse POUJADEn’était pas placée sous son autorité (D2488).

Jean COLONNA, chargé de mission au cabinet du maire de Paris à lamême époque, chargé des questions électorales, indiquait que, comme Madame POUJADE,il rendait compte directement au maire, mais lui apparaissait dans l’annuaire de la mairiede Paris. “Lorsque j’étais à la mairie de Paris ,confiait-il, il y avait une rumeur qui couraitsur l’existence d’emplois répondant à cette définition [d'emploi fictif].Personnellement jen’ai pas été informé de la liste de ces emplois ni des conditions dans lesquelles ils étaientpourvus. Je peux vous dire que le bruit courait que Jacques CHAZOT et MadamePOUJADE bénéficiaient de contrats de complaisance”(D2092/4).

Jean-Paul GARROTÉ s’exprimait ainsi au sujet de Marie-ThérèseMONIER veuve POUJADE : “Je sais juste qu’elle était détachée à la Ville de Paris duministère de l’Education Nationale . Je pense qu’elle s’occupait des “gueuletons” de sonmari à Dijon qui était député de la même ville” (D2174/7).

Michel ROUSSIN reconnaissait sa signature sur les notations quiavaient été communiquées et signées par lui afin d’être transmises au ministère de tutellede l’intéressée. Il indiquait qu'il n’avait pas vérifié la réalité du travail pour JacquesCHIRAC et qu'il avait nécessairement reçu des instructions afin de maintenir ce contrat(D2287/26).

A l’audience, il déclarait : “ C’est sûrement sur les indications du maireque les directeurs de cabinet ont fait la notation. C’est le maire de Paris qui porte unjugement” (Notes d’audiences p.110). Questionné sur l’âge des bénéficiaires et sacompatibilité avec leur fonction, il répondait “Ce n’est pas systématique de s’ériger enarbitre des décisions du maire” (Notes d’audience p112).

Jugement nE 1

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Jacques CHIRAC connaissait les époux POUJADE. Il évoquait Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE en rappelant qu'elle était agrégée de Lettres, trèsbrillante, qu'elle était une collaboratrice très efficace dans le domaine de l’éducation et laculture, qu'ils communiquaient par téléphone et par notes. Il ne se souvenait pas desconditions de son recrutement. Il admettait qu’elle n’avait jamais eu de bureau à la mairiede Paris. Il concédait avoir dû donner des instructions pour maintenir son contrat. Quantaux notations élogieuses, il convenait qu'elles avaient été élaborées sur la base de ce qu’ilen avait dit (D3807/25à27).

La défense de Jacques CHIRAC fait valoir :- que Jacques CHIRAC avait souhaité bénéficier des conseils de quelqu’un de confiancesur les problèmes relatifs à l’éducation et à la culture et que la ville est évidemmentconcernée par ces questions ;- que les déclarations concordantes de Madame POUJADE sont à même de justifierl’opportunité de cet emploi dès lors que celui-ci était bien réel et répondait à un intérêtlégitime de la ville consistant à assurer au maire de maîtriser convenablement les problèmesd’éducation et de culture qui se posaient à lui ;- qu’il ne suffit pas de constater l’absence de trace caractérisant le travail pour en contesterl’existence, l’audition de Marie-Thérèse MONIER ayant eu lieu en 2003, soit dix ans aprèsson admission à la retraite, et celle de Jacques CHIRAC en 2007, douze ans après la fin deses fonctions de maire ;- qu’il n’appartient pas aux prévenus d’apporter la preuve de leur innocence mais àl’accusation d’apporter celle de la culpabilité.

La défense de Michel ROUSSIN affirme qu’il n’avait eu aucun contactavec Madame POUJADE et qu’il s’est borné à reproduire les appréciations qui lui étaienttransmises par l’autorité d’emploi.

Par conclusions régulièrement déposées et visées à l’audience du 19septembre 2011, la défense de Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE sollicite larelaxe de la prévenue.

Elle rappelle que le détachement de Madame POUJADE s’est fait dansle respect des dispositions législatives applicables aux fonctionnaires de l’Etat.

Elle soutient par ailleurs :- que Madame POUJADE a déployé une véritable activité à la Mairie de Paris où elle aapporté son savoir et ses connaissances en matière d’enseignement et de culture à M.CHIRAC et à sa demande, ce que ce dernier a confirmé ;- que le traitement perçu par Madame POUJADE correspondait à la rémunération d’unemploi réel à temps plein et que cette rémunération n’était pas dépourvue de contrepartie ;- que Madame POUJADE ne pouvait parallèlement conserver son emploi de professeuragrégé ; - que l’ancienneté des faits et les nombreux déménagements intervenus depuis lorsexpliquent que Madame POUJADE n’ait pas conservé de trace de ses travaux ;- que la nature de sa mission ne nécessitait pas sa présence effective à la Mairie de Paris etque c’est souvent son mari, qui rencontrait toutes les semaines Monsieur CHIRAC soit àl’Assemblée Nationale soit au siège du RPR, qui lui transmettait ces documents ; - que les notations de Madame POUJADE attestent de la qualité de son travail et l’utilitéde la mission confiée, démontrée par son maintien au cabinet pendant plus de dix années ;- que sont dépourvues de pertinence tant l’allusion de Jean-Paul GARROTÉ sur l’activitéde Madame POUJADE au service essentiellement de son mari à Dijon que les déclarationsde Jean COLONNA faisant état de rumeurs sur l’existence d’un emploi de complaisanceà son sujet.

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Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que s’il est incontestable que Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADEprésentait des qualités professionnelles compatibles avec la mission qu’elle a décrite aucours de l’information qui, de toute évidence, s’inscrivait dans un secteur important del’action municipale, et que son recrutement a été réalisé intuitu personnae, en considérationde ses compétences, il ne ressort d’aucun des éléments du dossier la preuve d’un travail àtemps plein justifiant la rémunération mensuelle de l’ordre de 20.000 francs ; que Marie-Thérèse MONIER n'a pas disposé de bureau à l’Hôtel de Ville ; qu’elle n’apparaissait pasdans l’annuaire de la Ville ; que les témoins entendus, notamment Josette LE BERRE,Marthe STEFFANN et Andrée NIVETTE ne lont pas rencontrée ; que Denise ESNOUSet Marianne LEGENDRE, responsables du secrétariat particulier de Jacques CHIRAC,n’ont jamais vu passer dans leur service des travaux émanant d'elle ;

Attendu que les déclarations de Jacques CHIRAC et de Marie-Thérèse MONIER sur lescirconstances de ce recrutement sont concordantes ; que Jacques CHIRAC en tantqu'autorité d’emploi devait contrôler l’activité de la chargée de mission ; que MichelROUSSIN a déclaré que la notation qu’il reconnaît avoir signée avait été établie sur lesindications de Jacques CHIRAC ;

Attendu que la proximité de Jacques CHIRAC avec Marie-Thérèse MONIER, dont lamission aurait été de le conseiller directement, et les motifs qui avaient présidé à sonembauche et singulièrement les problèmes de santé qu'elle rencontraient, démontrent qu’iln’ignorait pas le caractère fictif de cet emploi dont la finalité était avant tout d’offrir àl’intéressée, en butte à des difficultés d’ordre professionnel, une situation alternative touten lui garantissant une rémunération élevée sans réelle contrepartie pour la Ville de Paris ;qu’il s’est abstenu de toute intervention en vue de mettre un terme à cette collaborationprétendue, notamment à compter du mois d’octobre 1992 et jusqu’au départ à la retraite del’intéressée ; que le détachement a été renouvelé à deux reprises alors même que lesdirecteurs de cabinet successifs ont affirmé avoir tout ignoré de son activité ; que lesdétournements qui en ont résulté constituent les éléments matériels caractérisant lesinfractions d’abus de confiance dont Jacques CHIRAC s’est rendu coupable et dont Marie-Thérèse MONIER a recueilli les produits, à hauteur de 33.846 euros, en parfaiteconnaissance du caractère fictif des prestations indûment rémunérées et a commis en celaun délit de recel ;

Attendu que Michel ROUSSIN, ayant été dans l’ignorance de l’objet précis de l’activité dela chargée de mission telle qu’envisagée à l’origine et telle qu’elle s’est révélée et s’étantfié, pour l’établissement de la notation de l’intéressée, aux seules indications fournies parJacques CHIRAC quant à l’appréciation d’un travail prétendument réalisé, sera, fauted’élément intentionnel caractérisé à son encontre, relaxé des fins de la poursuite ;

� Sur l’emploi d’Abdoulaye KOTE

Jacques CHIRAC est poursuivi des chefs d’abus de confiance et dedétournement de fonds publics pour avoir, d’une part, sur la période du 26 octobre 1992au 16 mai 1995, fait rémunérer par la Ville de Paris Abdoulaye KOTE, chargé de missionemployé dans une structure extérieure à la Ville de Paris et, d’autre part, fait prélever surle budget communal les montants de ces rémunérations du 1 mars 1994 jusqu’au 16 maier

1995.

Michel ROUSSIN est poursuivi pour avoir entre le 26 octobre 1992 etle 1 mars 1993, en sa qualité de directeur de cabinet du maire de Paris, été complice deser

délits d’abus de confiance reprochés à Jacques CHIRAC en signant le contratd’engagement d’Abdoulaye KOTE et en permettant le versement de salaires subséquents.

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Marc BLONDEL est poursuivi pour avoir, entre le 26 octobre 1992 etle 1 mars 1994, sciemment recelé des fonds qu’il savait provenir du délit d’abus deer

confiance puis, entre le 1 mars 1994 et le mois de décembre 1998, du délit deer

détournement de fonds publics, en l’espèce en ayant bénéficié de l’emploi d’AbdoulayeKOTE, à hauteur d’un montant total de salaires de 75.712,36 euros.

A l’examen du contenu du dossier administratif d’Abdoulaye KOTEplacé sous scellé n°3/10, il apparaît que ce chargé de mission a été recruté au niveau cadremoyen par contrat d’engagement en date du 16 octobre 1990 avec effet au 1 septembreer

1990, signé par Michel ROUSSIN. Le contrat, dont la durée initiale était fixée à un mois,était renouvelable de mois en mois par l’effet d’une clause de reconduction tacite.

Aux termes de la note établie le 27 septembre 1990, également sous lasignature de Michel ROUSSIN, l’intéressé devait être affecté et exercer ses fonctions à ladirection de cabinet, moyennant une rémunération mensuelle nette de 8.000 francscorrespondant à l’indice brut 452.

En avril 1999, André PAQUIER, sous-directeur de la gestion despersonnels, avait découvert le cas d’Abdoulaye KOTE, chargé de mission recruté etrémunéré par la Ville de Paris et mis à disposition du syndicat Force Ouvrière (FO), parmiceux “qui ne répondaient pas aux critères de gestion habituelle”. Il avait à cette occasionrelevé que toute personne mise à disposition d’une autre entité que la ville devait l’êtredans le cadre d’une convention. En avril 1999, il avait reçu Abdoulaye KOTE pour luisignaler l’anomalie et lui offrant l’alternative soit de démissionner de la Ville de Paris etêtre embauché par FO, soit de réintégrer la Ville de Paris en y exerçant une fonction. Ilavait également adressé un courrier au trésorier fédéral de FO attirant son attention sur cecas. Malgré plusieurs contacts avec le trésorier du syndicat à ce sujet, rien n’avait étérégularisé à la fin 2000.

Hubert BIDAULT, à cette époque directeur des ressources humainesau sein de la mairie de Paris, précisait qu’après avoir vainement averti le cabinet du mairede la situation d’Abdoulaye KOTE, il avait pris l’initiative de proposer la signature d’uneconvention de mise à disposition par courrier du 16 août 1999 adressé au secrétaire généraldu syndicat dans lequel l’accent était mis sur le risque pénal encouru, et s’était finalementrésolu à demander à Force Ouvrière le remboursement des sommes que la Ville de Parisavait versées à Abdoulaye KOTE (D2646/5).

Roland HOUP, trésorier du syndicat à compter du 11 mars 2000,exposait avoir appris de la bouche de son prédécesseur, André ROULET, que ce cas avaitété géré personnellement par Marc BLONDEL qui avait obtenu ce détachement en traitantdès l’origine directement avec le maire de l’époque, Jacques CHIRAC (D1898/2). Ilajoutait qu’André ROULET lui avait confié que la convention de régularisation envisagéeentre FO et la Ville de Paris n’avait pas été signée par FO car, avait-on pensé à tort,l’affaire avait pu être réglée lors d'un entretien entre Marc BLONDEL et le nouveau mairede Paris, Jean TIBERI.

L’examen des bulletins de paye d’Abdoulaye KOTE révélait que surla période de la prévention, il avait perçu une rémunération nette totale de 41.299 euros(D1836/8à11) alors que, de juin 1990 à juin 1997, ses salaires totalisaient 711.724,45francs (108.501 euros) avec un coût global employeur de 1.155.210,97 francs (176.110euros). Les éléments recueillis au cours de l’information établissaient que ce coût s’estélevé, sur la période d’octobre 1992 à mai 1995, à la somme de 440.335 francs (67.128euros)(D2463/14).

L’analyse des résultats financiers de la CGT-FO faisait ressortir que latotalité de ces salaires et des charges afférentes auraient pu être assumées par le syndicatsans impact considérable sur les comptes annuels (D1901).

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Abdoulaye KOTE était entendu sur commission rogatoire le 6 avril2001 (D1836). Il expliquait qu’il était titulaire d’un diplôme de conseiller sportif etd’éducation physique de l’INSEP et que, jusqu’en 1987, il avait travaillé commeresponsable de la sécurité dans une société OS-Protection à Ivry-sur-Seine, tout en étantadhérent à Force Ouvrière. Il s’occupait bénévolement de la sécurité des manifestations etdu secrétaire général. En 1987, il avait démissionné de cet emploi et avait été recruté parle syndicat.

Sur les indications du président de son club de lutte, il avait apprisqu’il avait la possibilité de postuler pour un poste à la mairie de Paris du fait qu’il avait étéchampion de France de lutte en 1983. Il avait donné son curriculum vitae à AndréBERGERON qui l’avait informé de cette opportunité.

Vers septembre 1990, il avait été convoqué à la mairie où on lui avaitexpliqué quelle serait sa mission : assurer la sécurité du secrétaire général, s’occuper desmanifestations sur la pelouse de Reuilly et être l’intermédiaire entre la mairie de Paris etFO.“Il y avait des accords syndicaux qui prévoyaient que j’étais mis à disposition de FOde manière permanente et que c’était la mairie de Paris qui me payait” déclarait-il(D1836/2).

A l’époque de l'audition, en avril 2001, ses missions n'avaient guèrechangé et demeuraient toujours d’assurer la protection de Marc BLONDEL, qu’ilaccompagnait dans tous ses déplacements, ainsi que l’organisation et la sécurité desmanifestations de FO en collaboration avec la police. Il recrutait et supervisait les équipes.C’était un travail à temps complet.

Il ne sera mis fin à ses fonctions que le 28 mai 2001 à la suite de l’envoid’une lettre de démission. Abdoulaye KOTE sera réembauché par FO à compter du 1 juiner

2001.

Auditionné à son tour le 6 février 2002, puis interrogé par le juged’instruction le 11 septembre 2003, Marc BLONDEL, secrétaire général de FO depuis le5 février 1989, confirmait qu’Abdoulaye KOTE avait été mis à la disposition du syndicatà la suite d’un entretien qu’il avait eu avec le maire de Paris auquel il avait fait part de sesdifficultés. Il avait alors besoin de quelqu’un pour traiter les problèmes d’organisation demanifestations. Il pensait également à sa propre protection, compte tenu des attentats dontavait été victime son prédécesseur. Selon lui, la représentation syndicale ne permettait pasde détacher quelqu’un en permanence à cette tâche. Le maire de Paris lui avait répondu“qu’il allait essayer d’arranger cela” (D1902/2).

Outre la fonction de garde du corps, Abdoulaye KOTE était aussichargé d’organiser la sécurité des manifestations, étant alors considéré comme leresponsable en ce domaine. “La fonction de KOTE est une fonction d’interventionambivalente entre l’organisation, l’autorité publique et la Ville, avait-il précisé, il facilitaitces relations”.

Marc BLONDEL disait n’avoir jamais vu le contrat d’engagementd’Aboulaye KOTE qui, pour lui, était salarié de la ville. Il ignorait la nature de son contratde travail et son recrutement comme chargé de mission. Il ne l’avait d’ailleurs pasquestionné à ce sujet. Il pensait à un “détachement syndical de complaisance”. Il croyaitque le maire de Paris lui avait “fait une générosité”.

Suite au courrier du 20 avril 1999 émanant de la sous-direction de lagestion des personnels de la Ville de Paris, il avait évoqué la situation d’Abdoulaye KOTEavec Jean TIBERI, le nouveau maire. De mémoire, expliquait-il, le maire avait indiquéqu’il allait voir ce qu’il pouvait faire, mais dans les faits rien n’avait bougé.

Il tentait de justifier la situation en invoquant le fait que le maire deParis “lui avait gentiment accordé une facilité assez large au niveau des détachéssyndicaux. Il faut savoir que dans les structures publiques en fonction des résultatsélectoraux nous avons droit à des détachements. Monsieur KOTE était en quelque sorteun sur-quota” (D2842/3). S’il affirmait ne pas avoir eu le sentiment d’être dans l’illégalité,il déclarait néanmoins : “Quand il a fallu rembourser, nous avons remboursé” (D2842/5).

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Ce qui fut fait après l'élection de Bertrand DELANOE, le nouveaumaire de Paris en 2001, dans le cadre d’un accord conclu le 17 mars 2003 prévoyant leremboursement des sommes exposées par la Ville de Paris dans cette affaire sur la périodedu 1 septembre 1990 au 31 mai 2001, soit la somme de 281.012,42 euros (D2807).er

Entre-temps, un nouveau contrat d’engagement d’Abdoulaye KOTEpar FO avait été signé le 23 janvier 2001.

Jean TIBERI affirmait pour sa part que si Marc BLONDEL avaitévoqué le cas d’Abdoulaye KOTE devant lui, ce dont il ne se souvenait pas, il auraitaussitôt mis fin à ce contrat. Par ailleurs, il disait n’avoir aucun souvenir de la saisine deson cabinet par Hubert BIDAULT (D2950/5).

Roger ROMANI excluait tout accord direct entre Marc BLONDEL etJacques CHIRAC et le fait qu’une telle demande ait pu passer par le secrétaire général duConseil de Paris. Il pensait, comme Michel ROUSSIN, qu’il devait s’agir d’une entente ausein du syndicat (D2218/3).

Rémy CHARDON indiquait quant à lui qu’il ne connaissait pasAbdoulaye KOTE et que Jacques CHIRAC ne lui avait jamais parlé de ce contrat. Ilajoutait : “Si j’avais été saisi par la DAG à propos du contrat KOTE, je serais intervenudans le même sens que ce qui a été fait en 1999, c’est à dire chercher à régulariser lasituation de Monsieur KOTE” (D2340/28).

Pour expliquer le processus ayant abouti à ce recrutement, MichelROUSSIN émettait, lors de son audition par les enquêteurs, l’hypothèse d’un accord passéentre la cellule de FO de PARIS et la direction nationale puis d’une demande transmise parle canal du Conseil de Paris. Si, devant le juge d’instruction, Michel ROUSSIN reconnaissait sasignature sur le contrat et la note d’engagement, il déclarait ne pas connaître AbdoulayeKOTE et déplorait que le dossier de l’intéressé ne contienne pas la lettre de saisine dudirecteur de cabinet. Il affirmait ne pas avoir reçu d’instruction de Jacques CHIRAC et nepas avoir été informé du contenu de la rencontre entre ce dernier et Marc BLONDEL.

Il précisait en outre : “A titre personnel, et si j’en avais eu la possibilitéadministrative, je n’aurais pas maintenu ce contrat” (D2287/9), en s’étonnant que l’on aitattendu si longtemps pour faire le commentaire contenu dans la note signée par HubertBIDAULT en date du 16 août 1999 (scellé ASS28).

A l’audience, il ne se souvenait pas d’instruction venant de JacquesCHIRAC mais convenait : “Le maire a dû nécessairement se prononcer sur le sujet” (Notesd’audience p.116).

Jacques CHIRAC revendiquait pourtant avoir été à l’origine de lasignature de ce contrat qui lui paraissait légitime. Il exposait qu’il était tout à fait au courantde l’activité réelle pratiquée par Abdoulaye KOTE, garde du corps de Marc BLONDEL,et rappelait qu’il était de pratique courante dans les administrations centrales de faciliterla vie des syndicats en mettant des personnels à leur disposition. Il signalait que ForceOuvrière était largement majoritaire au sein du personnel de la Ville de Paris. Il avait gardéle souvenir de la demande formulée dans son bureau par Marc BLONDEL (D3807/17et18).

A l’audience, Marc BLONDEL maintenait ses explications. Il indiquaitqu’il avait présenté sa demande de détachement lors d’un repas partagé avec JacquesCHIRAC, au cours duquel, souhaitait-il préciser, leur avait été servie une tête de veau. Ilavait ensuite reçu un appel téléphonique de la part de Denise ESNOUS du secrétariatparticulier du maire, lui annonçant que l’affaire était réglée (Notes d’audience p.113et120).

Jugement nE 1

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La défense de Jacques CHIRAC soutient :- qu’est inopérante la circonstance selon laquelle Jacques CHIRAC aurait été au courantde la signature du contrat ou aurait donné des instructions en vue de cette signature ;- que sur la période de la prévention, les sommes ainsi perçues par Abdoulaye KOTEs’élèvent à 281.194 francs soit 42.868 euros ;- qu’il ne saurait être fait une interprétation extensive de la lettre de l’article 408 de l’anciencode pénal et 432-15 du Code pénal pour considérer que la prise en charge de la sécuritédu secrétaire général du syndicat largement majoritaire au sein des 40.000 fonctionnairesde la Ville de Paris relèverait du détournement ;- que les pouvoirs publics assurent quotidiennement la sécurité ou l’assistance denombreuses personnalités en mettant à leur disposition escortes, chauffeurs, policiers ...attachés à leur service sans qu’ils soient rémunérés par ces personnalités ;- que selon Jacques CHIRAC l’embauche de Abdoulaye KOTE avait été motivée par lesouci d’assurer la sécurité du nouveau secrétaire général de FO alors que son prédécesseuravait lui-même été victime d’une agression ;- qu’il s’agissait donc pour la Ville de Paris d’assurer la sécurité d’une personnalitépublique vivant à Paris et en lien direct avec la municipalité parisienne ;- que la Ville de Paris alloue des subventions aux divers syndicats et que la pratique estcourante ; - que l’intervention de Jacques CHIRAC s’est limitée à la saisine des services de la mairiede Paris, qu’il n’est intervenu d’aucune façon pendant la période de prévention poureffectuer ou ordonner les paiements ;- que le syndicat n’a pas remboursé une partie des salaires de Abdoulaye KOTE mais aindemnisé la Ville de Paris, moyennant le désistement de celle-ci de sa constitution departie civile, à hauteur de l’intégralité des sommes versées à Abdoulaye KOTE sur lapériode du 1 septembre 1990 au 31 mai 2001 (281.012 euros) ;er

- que cette indemnisation est intervenue de façon spontanée et n’a pas valeur dereconnaissance de culpabilité encore moins de la part de Jacques CHIRAC, étranger auprotocole ;- que Jacques CHIRAC demeure convaincu du bien fondé de son intervention (D3806/16et 17), ce qui exclut tout élément intentionnel.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que les circonstances de ce recrutement, telles qu’elles ressortent des éléments dudossier et notamment des déclarations de Marc BLONDEL et de Jacques CHIRAC,démontrent que la décision a été prise en marge des dispositifs légaux par JacquesCHIRAC sur demande présentée, par Marc BLONDEL ; qu’il est en effet établi par lespièces du dossier qu’Abdoulaye KOTE a été embauché dans un premier temps par lesyndicat FO, puis recruté en octobre 1990 par la Ville de Paris en vue d’être mis à ladisposition de ce même syndicat ; que les auteurs d’un tel processus, consistant, pour unecollectivité territoriale, à recruter et rémunérer un ancien membre du personnel d’uneorganisation syndicale afin de le mettre immédiatement à la disposition du principaldirigeant de cette organisation, se situent clairement en dehors du champ d’application dudécret n° 85-397 du 3 avril 1985 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonctionpublique territoriale et du décret n° 85-447 du 23 avril 1985 relatif à la mise à dispositionauprès d’une organisation syndicale en application de l’article 100 de la loi du 26 janvier1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; qu’unetelle mise à disposition d’un agent contractuel de la Ville de Paris supposait à tout le moinsqu’une convention fût conclue entre la Ville de Paris et l’organisme bénéficiaire, aprèsautorisation du Conseil de Paris ;

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Attendu que Marc BLONDEL a utilisé à ce sujet les mots de “sur-quota” et de“détachement de complaisance” ; que l'avantage ainsi consenti au syndicat, fût-ilmajoritaire au sein du personnel de la Ville de Paris, était de nature à fausser le jeudémocratique entre les instances représentatives du personnel ; que la mission confiée auchargé de mission consistant d’une part à protéger la personne du secrétaire général de FOet d’autre part à participer à l’organisation des manifestations syndicales s’inscrit dans lecadre de l'activité du syndicat sur le plan national davantage que local, le fait que cetteorganisation ait son siège à Paris étant à cet égard indifférent ; que s’agissant de lapréparation des manifestations publiques elle concerne une des modalités d’actionessentielles à toute organisation de cette nature et auxquelles les finances propres de FOpermettaient parfaitement de faire face ; qu’enfin il n’appartenait pas à la Ville de Paris demettre à la disposition d’un syndicat les moyens propres à assurer la protection physiquede son principal dirigeant quelque fût la réalité des risques pesant sur sa personne, lesservices de l’Etat ayant compétence en ce domaine ;

Attendu que, dans de telles circonstances, le maintien de la mise à disposition d’AbdoulayeKOTE au service de Marc BLONDEL au cours de la période visée aux poursuites, et de saprise en charge par la Ville de Paris, sans contrepartie immédiate pour cette dernière,apparaît contraire aux intérêts de cette collectivité territoriale et constitutif d’undétournement caractérisant l’élément matériel des délits d’abus de confiance et dedétournement de fonds publics ;

Attendu qu’il est démontré que c’est la responsable du secrétariat particulier de JacquesCHIRAC qui a informé Marc BLONDEL de la suite favorable donnée à sa demande ; qu’ilait établi que Jacques CHIRAC a donné en connaissance de cause son accord à un telrecrutement qui s’est maintenu de mois en mois pendant de longues années et notammentpendant la période de prévention ;

Attendu qu’il est s’en suit qu'en ayant fait rémunérer Abdoulaye KOTE par la Ville deParis, Jacques CHIRAC a sciemment détourné au préjudice de cette commune, entre le 26octobre 1992 au1 mars 1994, des fonds qui lui avaient été remis au titre d’un mandat ener

sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faire un usage ou un emploi déterminéau profit de la Ville de Paris ; qu’en persistant dans de tels agissements, au delà du 1 marser

1994 et jusqu’au 16 mai 1995, en faisant prélever sur le budget de la Ville de Paris, en saqualité de maire de cette commune, dépositaire de l’autorité publique, les montants desrémunérations versées il a détourné des fonds publics au préjudice de la Ville de Paris ;qu’il sera en conséquence déclaré coupable des délits d’abus de confiance et dedétournement de fonds publics ;

Attendu que les circonstances dans lesquelles Michel ROUSSIN a été saisi de cettedemande de recrutement n’ont pas été clairement déterminées ; qu’au delà de la matérialitéde ce recrutement qu’il a reconnue, bien que couverte par la prescription, la preuve n’estpas rapportée de la connaissance qu’il pouvait avoir tant du contexte dans lequel son actions’inscrivait que de la provenance et de l’affectation réelle du chargé de mission ; quel’élément intentionnel faisant défaut, Michel ROUSSIN sera relaxé du chef de complicitéd’abus de confiance ; Attendu que Marc BLONDEL dirigeant du syndicat FO, bénéficiaire ultime des servicesd’Abdoulaye KOTE indûment rémunéré par la Ville de Paris, ne peut arguer de saprétendue bonne foi, l’information ayant établi qu’il était au fait des réglementations en lamatière et qu’il a lui-même sollicité du maire de Paris l’avantage qui lui a été accordé, etbénéficié très directement de la protection d’Abdoulaye KOTE ; qu’en bénéficiant ainsisciemment du produit des abus de confiance et détournement de fonds publics commis parJacques CHIRAC, il s’est rendu coupable du délit de recel ;

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Attendu que l’élément matériel du délit de recel résulte de la perception des avantagespendant la période visée aux poursuites, soit à compter du 26 octobre 1992 et jusqu’au16mai 1995 ; que les paiements intervenus postérieurement ne sont pas inclus dans les délitsd’abus de confiance et de détournement de fonds publics visés dans la prévention àl’encontre de l’auteur principal ; que la déclaration de culpabilité de Marc BLONDEL duchef de recel et le montant des sommes recélées seront en conséquence circonscrits à lapériode du 26 octobre 1992 au 16 mai 1995 et à la somme de 67.128 euros ; que pour lesurplus, Marc BLONDEL sera renvoyé des fins de la poursuite ;

¤ Sur les délits d’abus de confiance et détournement de fonds publicsreprochés à Jacques CHIRAC, complicité de ces délits reprochés à Michel ROUSSIN etRémy CHARDON et de recel reproché à Jean de GAULLE relatifs à l’emploi d’AnneMOREL MAROGER et de David COURRON :

Il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, du 26 octobre 1992 au 1er

mars 1994, détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaientété remis au titre d’un mandat en sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faireun usage ou un emploi déterminé au profit de la ville, en l’espèce en faisant engager etrémunérer par la Ville de Paris Anne MOREL MAROGER épouse GRAND d’ESNON etDavid COURRON, chargés de mission mis à la disposition de Jean de GAULLE et d’avoirdu 1 mars 1994 au 16 mai 1995, étant, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire deer

l’autorité publique, détourné des fonds publics au préjudice de la Ville de Paris, en l’espèceen faisant prélever sur le budget de la Ville de Paris les montants des rémunérations deDavid COURRON.

Michel ROUSSIN est poursuivi pour avoir à Paris, en tout cas sur leterritoire national, et depuis temps non prescrit, entre le 26 octobre 1992 et le 1 mars 1993,er

en sa qualité de directeur de cabinet du maire de Paris, été complice du délit d’abus deconfiance reproché à Jacques CHIRAC en l’aidant sciemment dans sa préparation ou saconsommation, en l’espèce en signant le contrat d’engagement d’Anne MORELMAROGER épouse GRAND d’ESNON, chargée de mission, et en permettant le versementde salaires subséquents.

Rémy CHARDON est poursuivi pour avoir, en sa qualité de directeurde cabinet du maire de Paris, été complice, entre le 1 mars 1993 et le 1 mars 1994, deser er

délits d’abus de confiance reprochés à Jacques CHIRAC, et entre le 1 mars 1994 et leer

mois de juin 1995, des délits de détournements de fonds publics également reprochés àJacques CHIRAC, en l’aidant sciemment dans sa préparation ou sa consommation, enl’espèce en signant le contrat d’engagement de David COURRON, chargé de mission, eten permettant le versement de salaires subséquents.

Jean de GAULLE est poursuivi pour avoir à Paris, en tout cas sur leterritoire national, et depuis temps non prescrit, entre le 26 octobre 1992 et le 1 mars 1994,er

sciemment recelé des fonds qu’il savait provenir du délit d’abus de confiance, en l’espèceen ayant bénéficié des emplois de chargés de mission rémunérés par la Ville de Paris, AnneMOREL MAROGER épouse GRAND d’ESNON et David COURRON, et entre le 1 marser

1994 et mars 1995, sciemment recelé des fonds qu’il savait provenir du délit dedétournement de fonds publics, en l’espèce en ayant bénéficié de l’emploi de DavidCOURRON, à hauteur d’un montant total de salaires de 69.322,63 euros.

L’examen du contenu du dossier administratif d’Anne MORELMAROGER placé sous scellé n°3/70 permet de constater qu’elle a été recrutée avec lestatut de cadre supérieur par contrat d’engagement de chargée de mission en date du 8décembre 1992 avec effet au 15 novembre 1992 signé par Michel ROUSSIN, la durée ducontrat étant fixée jusqu’au 31 mars 1993. Aux termes de la note établie le 24 novembre

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1992, également sous la signature de Michel ROUSSIN, l’intéressée devait exercer sesfonctions à mi-temps à la direction de cabinet et être rémunérée sur la base de l’indice brut742, tandis que le contrat mentionne l’indice brut 329, et percevoir un salaire brut de 7.900francs.

Sa rémunération brute s’est élevée sur toute la période à 28.406,51francs (4.336 euros). Son emploi a représenté pour la Ville de Paris un coût global de37.911,82 francs (soit 5.788 euros).

Entendue sur commission rogatoire le 14 mars 2001 (D1806), AnneMOREL MAROGER épouse GRAND d’ESNON expliquait qu’étant depuis janvier 1990assistante parlementaire de Philippe AUBERGER, député de l’Yonne et maire de Joigny,elle avait été sollicitée par Jean de GAULLE, alors député des Deux-Sèvres, pour devenirson assistante parlementaire, qu’à cette époque, Jean de GAULLE disposait déjà de deuxassistants parlementaires en province, qu’elle se trouvait seule à Paris. Jean de GAULLElui avait indiqué qu’il venait d’être nommé en septembre 1992, conseiller aux affairesafricaines auprès du maire de Paris et qu’à ce titre il avait besoin d’une personne qui luiprocure de la documentation et lui rédige des notes. Dans ce contexte, une moitié de sonsalaire devait être prise en charge par la mairie de Paris et l’autre par l’AssembléeNationale.

Son contrat a duré 4 mois et demi, du 15 novembre 1992 au 31 mars1993. Elle ne s’est jamais rendue à la mairie de Paris. Elle travaillait dans un bureau au233 boulevard Saint-Germain et rendait compte exclusivement à Jean de GAULLE. Unepartie de son activité portait sur la coopération de la Ville de Paris avec l’Afrique. C’estainsi qu’elle consacrait la moitié de son temps à la recherche de documentation sur lesquestions africaines, comme par exemple le Sida en Afrique, à la rédaction de notes desynthèses sur le développement du Sida en Somalie, et à la gestion des rencontres avec lapresse, les ambassadeurs ou personnalités en lien avec l’Afrique. Jean de GAULLE avaitde la part du cabinet du maire la charge de développer une coopération dans les domainessanitaire et de santé publique. Il avait été mis fin à son contrat car la mission de Jean deGAULLE n’avait pas été reconduite.

David COURRON a été recruté par contrat d’engagement du 15 juillet1993 avec prise d’effet au 1 juin précédent (scellé n° 2/56) comme chargé de mission,er

cadre moyen, affecté à la direction du cabinet, sur la base d’une rémunération calculée surl’indice brut 551.Ce contrat, signé par Rémy CHARDON, directeur de cabinet du maire,fait suite à une note de ce dernier adressée au directeur de l’administration générale en datedu 29 juin 1993 évoquant une rémunération de 10.000 francs nette mensuelle. Cetterémunération a été revalorisée par décision du 14 novembre 1994 signée de RémyCHARDON, portant celle-ci à l’indice brut 579.

La durée initiale étant fixée à un mois, le contrat était renouvelable demois en mois par tacite reconduction. C’est sur la demande de David COURRON qu’il aété mis fin à ses fonctions à compter du 1 janvier 1996, par décision du 18 janvier deer

Bernard BLED, nouveau directeur de cabinet. Sur la période de juin 1993 à mars 1995, sa rémunération brute a

totalisé 42.190,18 euros, représentant un coût pour la Ville de Paris de 53.341 euros(D3822/4).

Ce n’est que le 27 février 2008 que les enquêteurs pouvaient procéderà l’audition de David COURRON, celui-ci, enseignant dans une université au Japon, ayantété jusque là absent de France.

Il expliquait qu’en mai 1993, étant à la recherche d’un poste d’assistantparlementaire, il avait sollicité une de ses connaissance de l’IEP qui, ayant elle-mêmeoccupé un tel poste, lui avait indiqué que Jean de GAULLE était à la recherche d’un nouvelassistant. Quelques jours plus tard, il avait obtenu un rendez-vous d’abord avec AnneMOREL MAROGER qui lui avait présenté le poste puis avec Jean de GAULLE enpersonne auquel il avait remis son curriculum vitae.

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Jean de GAULLE lui avait finalement fait savoir au cours d’un secondrendez-vous qu’il le recrutait pour sa permanence du 12 arrondissement de Paris enème

attendant son départ pour le service national et qu’il serait rémunéré par la Ville de Paris.C’est Jean de GAULLE qui avait fait toutes les démarches auprès de la Ville de Parispréalables à la signature du contrat. Pour sa part, il n’avait jamais été en contact avec lamairie de Paris. Jean de GAULLE lui avait dit qu’il s’occupait de tâches importantes àl’Assemblée Nationale et qu’il désirait qu’il s’occupe des problèmes locaux.

Il précisait qu’en réalité, il était responsable de la permanence dudéputé Jean de GAULLE dans sa circonscription, dans ses locaux situés 7 place FélixEboué à Paris 12 , où il est resté seul durant une année. Il estimait avoir consacré tout sonème

temps à Jean de GAULLE, député de Paris. Il gérait son courrier, son agenda dans lacirconscription, rédigeait des courriers à destination des ministères ou des projets dequestions écrites. Il n’avait rempli aucune mission pour la mairie de Paris. Il faisaitl’interface entre les habitants du 12 arrondissement et le député. ème

A sa connaissance, Jean de GAULLE n’avait à cette époque que deuxassistants parlementaires : Anne MOREL MAROGER et lui.

Jean de GAULLE précisait qu’Anne MOREL MAROGER avait étérecrutée pour prendre la suite de Laurent SABATHIER, chargé de mission qui avaittravaillé pour lui en 1992. Il confirmait la teneur des tâches confiées à cette collaboratricequi avait fourni un travail en rapport avec l’action que pouvait mener la Ville de Paris pourlutter contre le Sida en Afrique. Elle l’aidait à répondre aux courriers de ressortissantsafricains et gérait ses rendez-vous avec les diplomates africains.

Lui-même se décrivait comme un “interface relayant les demandesdans le cadre de la coopération décentralisée”. Contrairement à ce qu’avait indiqué AnneMOREL MAROGER, il soutenait que sa mission de conseiller n’avait réellement cesséqu’en 1995, quand il était devenu adjoint au maire de Paris.

A compter de son élection de mars 1993 comme député de Paris, ilavait dû réorganiser son équipe, “en utilisant à plein son crédit collaborateur”, AnneMOREL MAROGER passant à temps plein sur le poste d’assistant parlementaire. C’estdans ces circonstances que, pour traiter les questions locales parisiennes, la Ville de Parislui avait détaché David COURRON qu’il qualifiait de “surnuméraire” au sein de sonéquipe.

David COURRON s’occupait exclusivement des questions locales, dela compétence des services municipaux, notamment du parc zoologique de Vincennes, dela rénovation du parc aux singes, de la halte garderie, de demandes de logements sociaux.Il était l’interface entre les habitants de Paris, tous arrondissements confondus, et la Ville.Il ajoutait : “les habitants ne font pas la différence entre un député et un élu de Paris dèslors que ma permanence n’était pas une permanence politique” (D2846/9).

Il indiquait qu’il n’était pas personnellement à l’origine de la signaturedu contrat. Il avait reçu David COURRON qui lui avait envoyé son curriculum vitae et luiavait indiqué qu’il lui appartenait de prendre l’attache des services de la Ville de Paris.

Il décrivait son état d’esprit de l’époque de la façon suivante : “J’aiconsidéré dans le cadre de la mission de service public qui est la mienne et de la pratiquecourante des détachements des collectivités et de l’Etat que cette pratique était unepratique courante” (D2846/10).

Interrogé par le magistrat instructeur, Jacques CHIRAC confirmait laqualité de conseiller aux affaires africaines de Jean de GAULLE et le fait qu’il l’avait rendudestinataire de notes rédigées sur ces sujets qui devaient être déposées à son secrétariatmais dont la conservation était rendue impossible par manque de place et inutile en dehorsd’une certaine actualité (D3807/9). Il déclarait ne connaître ni Anne MOREL MAROGERni David COURRON.

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A son souvenir, Jean de GAULLE avait plusieurs attributions parmilesquelles celle de s’assurer de l’adéquation des services rendus par la ville à la populationafricaine en matière d’habitat et de crèche. Jacques CHIRAC n’excluait pas qu’il ait eu àtraiter d’autres questions. Il avait besoin d’un chargé de mission technique pour traiter cesdossiers en relation avec les services de la ville. Il précisait que “Jean de GAULLE était enplus un des rares députés de Paris à ne pas avoir en même temps un mandat de conseillermunicipal et donc une aide de la municipalité” (D3807/11).

Michel ROUSSIN faisait remarquer qu’il avait signé le contrat d’AnneMOREL MAROGER un mois et demi avant qu’il ne quitte ses fonctions. Selon lui, cettedemande ne pouvait provenir que du secrétaire général du Conseil de Paris et de la questure(D2204/2). Après avoir indiqué au cours de son audition que Jean de GAULLE n’était pasle conseil aux affaires africaines du maire, il ajoutait que celui-ci avait des missionsoccasionnelles auprès des dirigeants africains à la demande du maire, ce qui pouvaitjustifier un emploi à plein temps d’une collaboratrice (D2204/2).

Devant le magistrat instructeur, il affirmait avoir reçu une instructionécrite de recrutement (D2287/16) et faisait remarquer, sans l’expliquer, que le dossierd’Anne MOREL MAROGER ne contenait pas la lettre de saisine lui demandant cerecrutement, ni même l’arrêté de fin de mission (D2287/15). Il soutenait avoir ignoré lecontenu des missions confiées à Jean de GAULLE mais était en mesure de confirmer quecelui-ci, qu’il désignait comme l’autorité d’emploi d’Anne MOREL MAROGER, avait faitde nombreux déplacements en Afrique et contacté de nombreux chefs d’Etats africains.

Après avoir rappelé “que le père de Jean de GAULLE était sénateurde Paris, que la famille de Jean de GAULLE était associée à la Ville de Paris, que la Villeelle-même était compagnon de la Libération”, il concluait en ces termes : “tous ces facteursme permettent de penser qu’il n’était pas choquant que Jean de GAULLE ait bénéficié deces contrats” (D287/16).

Rémy CHARDON affirmait ne pas connaître David COURRON et nepas l’avoir rencontré . “En signant le contrat, j’ignorais quelle devait être sa mission”ajoutait-il (D2340/12). Il mentionnait à son tour que les dossiers étaient incomplets etrappelait qu’ordinairement les contrats concernant les élus ou les groupes d’élus étaientgérés par la questure, et que “lorsque l’enveloppe de contrats dont disposait la questureétait insuffisante, il est arrivé que le cabinet prête des emplois”(D2340/12).

A l’audience du 13 septembre 2011, les prévenus présents ont maintenuleurs déclarations.

Jean de GAULLE a précisé qu’il avait eu recours à compter de juillet1992 à la collaboration de Laurent SABATHIER pendant un mois et demi. Il convenaitque la fin du contrat d’Anne MOREL MAROGER correspondait à la fin de sa mission deconseiller aux affaires africaines qui s’est achevée par le dépôt d’un rapport intitulé“Ambition pour la coopération France-Afrique” daté de mars 1993, dont il a présenté unecopie dactylographiée au tribunal (Notes d’audience p.121 et 122) à laquelle est jointe unenote manuscrite de cinq pages attribuée à Anne MOREL MAROGER et traitant del’épidémie du Sida dans le monde et singulièrement en Afrique. Il a également remis autribunal la copie de l’article paru sous sa signature dans l’édition du Figaro du 7 octobre1992 mentionnant sa qualité de “Député des Deux-Sèvres, conseiller de Jacques CHIRACpour les affaires africaines”.

Michel ROUSSIN a indiqué qu’il suivait les relations avec l’Afriquenon par le biais de Jean de GAULLE mais par l’intermédiaire de la direction des affairesinternationales.

Concernant le recrutement de David COURRON, Jean de GAULLEa rappelé qu’il avait déjà deux assistants parlementaires quand David COURRON estarrivé en surnombre. Il déclarait à ce sujet : “Je suis député de Paris du12èmearrondissement. Je n’étais pas conseiller de Paris. Mais dans les faits j’ai exercé un tel

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mandat. Quand je suis élu conseiller, rien n’a changé” (Notes d’audience p.124). Il aconfirmé que la proposition de lui affecter un chargé de mission venait de la questure, cequi contredisait les affirmations de Roger ROMANI.

Rémy CHARDON a insisté sur le fait que ce contrat relevaitlogiquement de la questure, que pour sa part, il n’avait pris aucune initiative dans ce dossieret qu’il ignorait que David COURRON allait être affecté à Jean de GAULLE (Notesd’audience p.124 et 125). Dans sa note du 14 novembre 1994, préalable à la revalorisationdu contrat de David COURRON, celui-ci apparaissait comme chargé de mission ausecrétariat général du Conseil de Paris.

Dans ses conclusions, la défense de Jacques CHIRAC souligne :- que l’information n’a pas permis d’établir l’origine de l’embauche

d’Anne MOREL MAROGER et de David COURRON, d’autant que les lettres de saisinesollicitant leur recrutement ne figurent pas aux dossiers administratifs et que JacquesCHIRAC a indiqué ne garder aucun souvenir de ces recrutements ;

- que Jacques CHIRAC a considéré que le rôle et les fonctions électivesde Jean de GAULLE, pour traiter des dossiers en relation avec les services de la Ville,pouvaient parfaitement justifier l’embauche de chargés de mission ;

- qu’il ne saurait être fait une interprétation extensive de la lettre del’article 408 de l’ancien code pénal et 432-15 du Code pénal pour considérer que la priseen charge de la rémunération d’Anne MOREL MAROGER en qualité de chargée demission auprès de Jean de GAULLE dans le cadre de la mission de conseiller aux affairesafricaines qui lui a été confiée relèverait d’un abus de confiance et celle de la rémunérationde David COURRON en qualité de chargé de mission auprès de Jean de GAULLE dansle cadre de la mission qui lui a été confiée par la Ville de Paris relèverait d’un abus deconfiance ou d’un détournement de fonds publics ;

- que la brièveté du contrat n’a de sens que par sa réalité et sa finalitéattestées notamment par les déclarations d’Anne MOREL MAROGER, qu’est inopérantle fait que, plus de dix années après, n’ait été retrouvé aucun document relatif à sesprestations, que l’intérêt de la mission confiée à Jean de GAULLE pour la Ville de Paris,semble toujours être d’actualité si l’on se réfère au contenu du site internet de la Ville deParis sous la rubrique “Solidarité internationale” et que le détournement n’est en aucunemanière caractérisé ;

- que Jean de GAULLE était le seul député de Paris à ne pas êtresimultanément conseiller de Paris, circonstance dans laquelle il n’y avait rien de choquantà ce qu’un collaborateur soit mis à la disposition de la Ville ainsi que l’indiquent Jean deGAULLE, Rémy CHARDON et Bernard BLED, que les tâches telles que décrites parDavid COURRON s’inscrivent bien dans l’intérêt des parisiens et que David COURRONse trouvait dans une situation similaire aux chargés de mission des maires adjoints et desconseillers de Paris ;

- que Jacques CHIRAC n’est intervenu en aucune façon ni pourorganiser la mise en place ou le maintien de ces contrats de travail, ni pour ordonner lepaiement des salaires correspondants ou même s’assurer de leur bon versement, qu’il enignorait l’existence et que dès lors aucun des éléments constitutifs des infractions n’estconstitué à son encontre.

Par conclusions régulièrement déposées et visées à l’audience du 21septembre 2011, la défense de Jean de GAULLE demande au tribunal :- de constater que les infractions principales d’abus de confiance et de détournement defonds publics ne sont pas caractérisées ;- de constater que le ministère public considère que les infractions principales ne sont pascaractérisées ;- de dire que Jean de Gaulle ne pouvait nécessairement pas avoir conscience de l’existencedes infractions principales ;- de juger que l’élément moral de l’infraction fait défaut ;

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- et en conséquence de relaxer Jean de Gaulle des faits qui lui sont reprochés.

Concernant le contrat d’Anne MOREL MAROGER, il est rappelé quela fin du contrat a été fixée au mois de mars 1993 puisque l’avenir politique de Jean deGAULLE était incertain car soumis à l’aléa du suffrage universel, que la rémunération n’apas excédé la moitié d’une rémunération prévue pour un temps complet, qu’elle a effectuéun travail d’assistance au conseiller aux affaires africaines, travail utile à la Ville de Paris,que de nombreux éléments attestent de la réalité de la mission de conseiller aux affairesafricaines du maire de Paris de 1991 à mars 1993 et que selon Michel ROUSSIN, il n’étaitpas choquant que Jean de GAULLE ait bénéficié de cet emploi.

Concernant l’emploi de David COURRON, il est soutenu que, de 1993à 1995, Jean de GAULLE était l’un des rares députés de Paris à ne pas être en même tempsconseiller de Paris mais traitait des problématiques exclusivement municipales comme entémoignent les missions dévolues à David COURRON qui, ainsi que ce dernier les décrit,relevaient de la compétence municipale, que Jean de GAULLE était en contact permanentavec les maires d’arrondissement de la capitale, que les missions de David COURRONn’ont pas évolué depuis que Jean de GAULLE est devenu conseiller de Paris et que l’objetde l’emploi de ce chargé de mission était de répondre aux demandes des parisiens et doncde servir exclusivement leurs intérêts.

Sur quoi, le Tribunal :

< sur les délits d’abus de confiance, complicité et recel de ce délit résultant de l’emploid’Anne MOREL MAROGER :

Attendu que les prévenus contestent les faits, estimant que l’emploi d’Anne MORELMAROGER se justifiait afin d’aider Jean de GAULLE qui, bien que député des Deux-Sèvres, avait été choisi par Jacques CHIRAC comme conseiller bénévole aux affairesafricaines ;

Attendu qu’en produisant une note manuscrite originale ayant trait aux sujets couverts parcette mission, Jean de GAULLE a rapporté la preuve de la réalité d’un travail fourni parAnne MOREL MAROGER dans le cadre de la mission qu’elle a elle-même décrite commeétant au service de la mairie de Paris ; qu’il résulte des déclarations convergentes desprévenus et des pièces versées aux débats par Jean de GAULLE que l’activité de conseilleraux affaires africaines que Jean de GAULLE a effectivement exercée aux côtés de JacquesCHIRAC n’était pas étrangère aux actions que la Ville de Paris pouvait mener au titre dela coopération internationale sur les questions de santé publique ;

Attendu qu’il ressort de l’analyse du dossier et des débats que l’ignorance dans laquelle ontété placés tant le questeur que le directeur de cabinet sur l’existence d’une mission confiéepar le maire à Jean de GAULLE, et les liens privilégiés existant entre Jean de GAULLE etle maire de Paris tels qu’ils résultent des déclarations de Jacques CHIRAC lui-même,comme le fait que la collaboration apportée par Jean de GAULLE était destinée à JacquesCHIRAC en personne, sont autant d’indices qui conduisent à considérer que ce dernier aparticipé au recrutement et à l’affectation d’Anne MOREL MAROGER auprès de Jean deGAULLE ;

Attendu qu’il n’est cependant pas démontré qu’en faisant procéder à ce recrutement et enfaisant rémunérer Anne MOREL MAROGER par la Ville de Paris, Jacques CHIRAC aitfait des fonds de la Ville de Paris un usage contraire aux intérêts de la collectivitéterritoriale ; qu’il s’ensuit que le délit d’abus de confiance n’est pas caractérisé à sonencontre en qualité d’auteur principal, ni, par voie de conséquence, à l’encontre de MichelROUSSIN comme complice et de Jean de GAULLE comme receleur ; qu’ils seront en

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conséquence tous trois relaxés de ces différents chefs ;

< sur les délits d’abus de confiance et détournement de fonds publics et complicité et recelde ces délits résultant de l’emploi de David COURRON :

Attendu qu’il ressort des éléments du dossier d’information et des débats que DavidCOURRON a été embauché, comme Anne MOREL MAROGER, à l’initiative de Jean deGAULLE, devenu à compter de mars 1993 député de Paris ; qu’il a été affecté à lapermanence de ce dernier, située dans le 12 arrondissement de la capitale, où il a travailléème

pendant plus d’une année ;

Attendu que Jean de GAULLE n’exerçant aucun mandat au sein du Conseil de Paris n’avaitpas vocation, jusqu’en mars 1995, à se voir doté d’un chargé de mission ;

Attendu que la preuve n’est pas rapportée de la réalité et de la finalité des tâches confiéesà David COURRON ; que celui-ci a occupé les locaux de la permanence du député ; qu’iln’a rendu compte qu’à Jean de GAULLE ; que si les éléments versés aux débats sur deséchanges de correspondances avec des parisiens au sujet de problèmes de logementsaccréditent l’idée selon laquelle David COURRON a pu exercer l’interface entre certainsparisiens et les services de la ville, une telle activité s’est inscrite, du fait de la qualité deparlementaire de Jean de GAULLE qui avait recours à ses services, dans le cadre d’unecollaboration d’assistant parlementaire, comme l’a déclaré David COURRON lui-même,et devait dès lors être prise en charge au titre du crédit collaborateur dont Jean de GAULLEbénéficiait en tant que membre de l’Assemblée Nationale, et non par le budget de lacommune ;

Attendu qu’il apparaît, selon Roger ROMANI, que le recrutement de David COURRONn’a pas donné lieu à la saisine de la questure ; que Rémy CHARDON, pourtant signatairedu contrat, a pour sa part indiqué qu’il ignorait l’activité de David COURRON, etnotamment que celui-ci allait être affecté à Jean de GAULLE ; qu'en l’absence de missionspéciale dont Jean de GAULLE aurait été investi dans l’intérêt de la Ville de Paris, cerecrutement ne pouvait relever que d’une décision politique prise à un niveau d’autoritésupérieur au directeur de cabinet et distinct du questeur ;

Attendu que Jacques CHIRAC en qualité de maire et d’ordonnateur des dépenses avaitmanifestement qualité pour donner de telles instructions ; qu’il apparaît que cette décisiona été prise dans l’intérêt exclusif de Jean de GAULLE ; qu’ il ne saurait être conforme auxintérêts de la ville de Paris que celle-ci affecte un chargé de mission à un parlementaire auseul motif qu’il serait député de Paris ;

Attendu que la défense ne saurait tirer argument de la confusion ayant pu exister dansl’esprit du citoyen entre les compétences du député de Paris et celle d’un élu municipal,pour justifier la charge que représente pour la collectivité territoriale la rémunération ducollaborateur affecté au seul service de ce parlementaire ; que le fait que ce dernier soit,comme en l’espèce, amené à travailler au service des habitants de sa circonscription situéedans le périmètre de la commune est sans portée sur le bien fondé de cette prise en charge ;qu’il est en effet de la responsabilité de l’élu, naturellement soucieux de la gestion desfonds publics, de faire la part des choses et de fixer tant à lui-même qu’à ses partenaires etd’une façon plus générale à ses interlocuteurs, les limites entre la compétence relevant deson mandat de député et celle découlant de son mandat d'élu municipal ;

Attendu qu’au delà de l’appartenance familiale de Jean de GAULLE, celle-ci étant connuede tous, il apparaît que les facteurs déterminants du recrutement d'un chargé de mission àson service sont à rechercher dans la proximité politique existant entre celui-ci et JacquesCHIRAC ; que Jacques CHIRAC, maire de Paris et président du RPR, était parfaitement

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informé du mandat électif exercé par Jean de GAULLE dans les Deux-Sèvres puis à Paris,qu’il l’avait personnellement informé de son investiture dès la fin de l’année 1992 ; qu’iln’ignorait pas que Jean de GAULLE bénéficiait de cette mise à disposition et qu’elle étaitrendue possible par le cadre peu contraignant des procédures en la matière instaurées à soninitiative depuis 1977 ; que la participation directe et personnelle de Jacques CHIRAC aurecrutement et à l’affectation de David COURRON au service de Jean de GAULLEapparaît ainsi établie ;

Attendu qu’en faisant ainsi engager et rémunérer David COURRON par la Ville de Paris,entre juillet 1993 et le 1 mars 1994, Jacques CHIRAC a sciemment détourné au préjudiceer

de cette commune des fonds qui lui avaient été remis au titre d’un mandat en sa qualité demaire, à charge pour lui d’en faire un usage ou un emploi déterminé au profit de la ville ;qu’en persistant dans de tels agissements, au delà du 1 mars 1994 et jusqu’au 31 marser

1995, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire de l’autorité publique, il a détourné desfonds publics au préjudice de la ville ; qu’il sera en conséquence déclaré coupable des délitsd’abus de confiance et de détournement de fonds publics ;

Attendu que l’information et les débats n’ont pas permis d’établir que Rémy CHARDONait eu conscience, en signant la note et le contrat de David COURRON dont il ignoraitl’affectation réelle, de participer à un détournement de fonds publics résultant de sonemploi et de son affectation au service de Jean de GAULLE ;

Attendu que Jean de GAULLE qui, ayant conscience de sa seule qualité de député de Paris,a été contacté par David COURRON qui recherchait un emploi d’assistant parlementaire,qu’au cours de leurs deux premières rencontres, il a lui-même défini à David COURRONle cadre de sa mission, qu’il a été le bénéficiaire direct de cette mise à disposition à titregratuit et, partant, bénéficiaire indirect de la prise en charge par la Ville de Paris desrémunérations versées à ce chargé de mission qui en réalité, ainsi qu’il ne pouvait l’ignorer,faisait office auprès de lui d’assistant parlementaire ; qu’il est dès lors malvenu, ens’abritant derrière l’opinion exprimée à ce sujet par le ministère public dans son réquisitoiredéfinitif, à prétendre avoir agi de bonne foi ; qu’il sera en conséquence retenu dans les liensde la prévention ;

¤ Sur les délits d’abus de confiance et détournement de fonds publicsreprochés à Jacques CHIRAC et complicité de ces délits à Michel ROUSSIN et RémyCHARDON relatifs aux emplois de chargés de mission ayant travaillé au sein del’association “Réussir l’an 2000”

Il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, à Paris , en tout cas sur leterritoire national et depuis temps non prescrit, du 26 octobre 1992 jusqu’au 1 mars 1994er

détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaient été remis autitre d’un mandat en sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faire un usage ouun emploi déterminé au profit de la Ville de Paris en l’espèce en faisant engager etrémunérer par la Ville de Paris Hugues de la ROCQUE, Laurent SABATHIER, FrançoisVUILLEMIN, Annie LANCELOT et Jean-Christophe ANGENAULT, chargés de missionemployés dans des structures extérieures à la Ville de Paris.

Il lui est également reproché d’avoir du 1 mars 1994 jusqu’au 16 maier

1995, étant, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire de l’autorité publique, détourné desfonds publics au préjudice de la Ville de Paris, en l’espèce en faisant prélever sur le budgetde la Ville les montants des rémunérations d’Annie LANCELOT, François VUILLEMINet Jean-Christophe ANGENAULT.

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Michel ROUSSIN est poursuivi pour avoir à Paris, en tout cas sur leterritoire national, et depuis temps non prescrit, entre le 26 octobre 1992 et le 1 mars 1993,er

en sa qualité de directeur de cabinet du maire de Paris, été complice des délits d’abus deconfiance reprochés à Jacques CHIRAC en signant les contrats d’engagement d' Huguesde la ROCQUE, Laurent SABATHIER, François VUILLEMIN et Annie LANCELOT eten permettant le versement de salaires subséquents.

Rémy CHARDON est poursuivi pour avoir à Paris, en tout cas sur leterritoire national, et depuis temps non prescrit, en sa qualité de directeur de cabinet dumaire de Paris, été complice, entre le 1 mars 1993 et le 1 mars 1994, des délits d’abuser er

de confiance reprochés à Jacques CHIRAC, et entre le 1 mars 1994 et le mois de juiner

1995, des délits de détournements de fonds publics également reprochés à JacquesCHIRAC, en l’aidant sciemment dans sa préparation ou sa consommation, en l’espèce ensignant le contrat d’engagement de Jean-Christophe ANGENAULT et en permettant leversement des salaires subséquents.

� Sur l’emploi d’Hugues de la ROCQUE

Hugues de la ROQUE a été embauché par contrat daté du 31 janvier1992 avec effet au 1 janvier, en exécution d’une note de recrutement du 24 janvier 1992er

adressée au directeur de l’administration générale Bernard MONGINET, signée de MichelROUSSIN, en qualité de chargé de mission cadre supérieur rémunéré selon l’indice brut976, exerçant ses fonctions à la direction de la protection de l’environnement en qualitéde collaborateur de Philippe GALY, “tout en relevant des effectifs du cabinet” (D2318).Ce contrat était d’une durée d’un mois renouvelable par tacite reconduction.

Il ressortait de l’audition de Philippe GALY, ancien directeur de laprotection de l’environnement à la Ville de Paris, que cette affectation lui était inconnueet ne correspondait à aucune réalité.

Au cours de sa première audition par les enquêteurs réalisée le 22février 2000, Hugues de la ROCQUE précisait les circonstances de son recrutement enexposant qu’au milieu de l’année 1991, Pierre-Mathieu DUHAMEL, directeur des servicesdu Conseil général des Hauts-de-Seine qui l’avait recruté en 1990 à Nanterre en qualité dechargé de mission, lui avait annoncé son départ comme directeur adjoint de cabinet dumaire de Paris et lui avait proposé de le suivre.

Il avait ainsi été recruté et s’était trouvé affecté, dès le mois de juilletou d'août 1991, dans une “annexe de la Ville de Paris” située 174, boulevard Saint-Germain à Paris 6 . Il s’agissait d’un service du cabinet du maire. Son supérieurème

hiérarchique était alors Pierre-Mathieu DUHAMEL. Il décrivait son service, comprenantdes permanents parmi lesquels une documentaliste, en la personne d’Elisabeth SANDOR,et deux secrétaires prénommées Annick et Lucette (D1158/2).

Il indiquait que sa mission, telle qu’elle avait été définie par Pierre-Mathieu DUHAMEL, avait été de recueillir auprès d’experts issus des différentesadministrations leurs avis éclairés sur des sujets d’actualité ou des thèmes abordés par lemaire dans ses discours, de procéder à la compilation de données statistiques économiqueset sociales et d’établir des notes de synthèse demandées par le cabinet du maire, travauxtransmis à Pierre-Mathieu DUHAMEL. Des groupes de réflexion avaient ainsi étéconstitués qui se réunissaient dans les locaux du 174 boulevard Saint-Germain et dont ilassurait le secrétariat.

Courant 1992, Pierre-Mathieu DUHAMEL, ayant été nommé directeurdes finances de la Ville de Paris, avait été remplacé par Jean-Pierre DENIS qui était devenuson nouveau supérieur hiérarchique. Un cadre supplémentaire avait par ailleurs été recrutéau cours de cette même année en la personne de François VUILLEMIN. Pour sa part,

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Hugues de la ROCQUE était resté travailler jusqu’en octobre 1993 avant d’être affecté àMatignon comme adjoint du chef de cabinet du premier ministre Edouard BALLADURjusqu’en juillet 1995.

Hugues de la ROCQUE a perçu de décembre 1991 à janvier 1994 unmontant total de salaires nets de 248.403,86 francs (37.868 euros) pour un coût global pourla Ville de Paris de 411.227 francs (62.691 euros). Ce coût s’élevait à 317.457 francs(48.396 euros) de novembre 1992 à septembre 1993 (D2463/10).

La poursuite des investigations permettait de constater que les locauxdu 174 boulevard Saint-Germain correspondaient au siège d’une association “Réussir l’an2000” créée en mai 1991 et dont le but était de “contribuer à la rénovation des idées et àla réflexion sur les principaux problèmes politiques, économiques et sociaux” (D2393). Leslocaux avaient été pris à bail, dès le 15 mars 1991, auprès du GAN par la société SISH pourêtre mis à la disposition de “Réussir l’an 2000” en juin suivant, ainsi qu’il ressort del’attestation du 12 juin 1991 établie à l’intention des services de la préfecture. Un nouveaubail avait été souscrit le 16 juillet 1993, moyennant un loyer annuel réduit à 720.000 francs,au nom de “Réussir l’an 2000” à laquelle le RPR devait succéder comme locataire le 1er

décembre 1994.

L’existence et l’objet de cette association, ainsi que l’occupationexclusive par elle des locaux précités, étaient corroborés par la teneur de l’article publié parl’Express le 24 juin 1993, avec une photographie dénommée : “Le groupe des Dix dans sonQG : Objectif 1995” avec la légende “réunion de l’état major de Jacques CHIRAC le 11juin au QG personnel de l’ancien premier ministre (et futur candidat à l’Elysée?), 174boulevard Saint-Germain” (D2157/5). Sur cette photographie apparaissait notamment Jean-Pierre DENIS, alors directeur adjoint de cabinet du maire de Paris.

Maurice ULRICH, se disant lui-même très proche de Jacques CHIRAC,expliquait que l’association “Réussir l’an 2000” avait été créée dans le but de “réfléchir surles grandes questions qui pouvaient se poser et de préparer pour Jacques CHIRAC,président du RPR, des réflexions sur ces grandes questions dans la perspective desélections législatives de 1993 et des élections présidentielles de 1995”, que “l’intérêt decette structure était de faire venir des personnes qui, autrement, auraient hésité à venirtravailler sous le sigle RPR”(D3790/3), que l’association était un lieu de rencontre entreexperts, fonctionnaires et parlementaires répartis en une vingtaine de groupes comportantchacun entre cinq et quinze personnes selon les sujets traités. Les quelques permanentsavaient pour tâche de gérer le planning pour la mise à disposition des bureaux.

Maurice ULRICH affirmait par ailleurs sans ambiguïté la séparationexistant entre l’association et la mairie de Paris en ces termes : “l’objet de l’association esttrès spécifique. Il n’y avait pas de personnel de la mairie de Paris dans l’association, etil n’y avait pas de locaux de la dite mairie mis à la disposition de l’association” (D3790/6).

Hugues de la ROCQUE, réentendu le 21 janvier 2008, déclaraitnéanmoins qu’étant appointé par la Ville de Paris dont un coursier assurait les liaisons avecle 174, il avait eu le sentiment de travailler pour la mairie de Paris. Il complétait sespremières déclarations en indiquant qu’il ne serait arrivé dans ces locaux qu’en janvier1992 et qu’un mois après son arrivée, soit en février 1992, Pierre-Mathieu DUHAMEL luiavait présenté cette association comme étant “la boîte à idées de ce que serait un jour leprogramme du candidat CHIRAC aux présidentielles de 1995”. Il avait eu l’occasion derencontrer dans ces locaux Maurice ULRICH, président de l’association, et plusfréquemment Jacques RIGAULT JACOMET son trésorier, et Nicolas SARKOZY sonsecrétaire général, ces derniers passant toutes les semaines. Il y avait également croiséJacques CHIRAC à trois reprises.

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A l’audience, Hugues de la ROCQUE a maintenu avoir eu à traiter lessujets d’actualité économiques et sociaux et s’être appuyé sur l’avis d’experts pour fournirdes arguments sur ces thèmes (Notes d’audience p.72).

Jacques RIGAULT JACOMET, qui avait occupé les postes de directeuradministratif et financier du RPR de 1988 à 1991, puis de directeur adjoint des relationsinternationales de la Ville de Paris jusqu’en septembre 1994, confirmait, à l’instar dePierre ESMEIN expert comptable de l’association et commissaire aux comptes du RPR,que les locaux du 174 boulevard Saint-Germain n’étaient une dépendance ni de l’Hôtel deVille de Paris ni du RPR (D3788/8et9).

Il expliquait qu’il avait été proposé à Jacques CHIRAC de trouver “unestructure ouverte ne dépendant ni du RPR, ni de la mairie de Paris pour [qu’il] prenne durecul concernant sa future candidature aux présidentielles de 1995. Le principe a étéaccepté par Monsieur CHIRAC” (D3787/2) et que “la première mouture de l’associationdate de 1992 à 1994. L’antenne présidentielle a pris le relais petit à petit jusqu’à devenirun “pré état-major” de la campagne présidentielle” (D3787/3).

Il ajoutait : “A partir de la fin 1993, l’association était toute dévolueau candidat CHIRAC. Les partisans de Monsieur BALLADUR ont quitté l’association dontMonsieur SARKOZY” (D3787/7).

Il précisait que cette structure était animée par Pierre-MathieuDUHAMEL puis, à partir de début 1994, par Jean-Pierre DENIS, que les permanentsétaient Annick BOUCHET et Hugues de la ROCQUE qui travaillait avec Pierre-MathieuDUHAMEL, qu’Elisabeth SANDOR, recrutée par le RPR, avait beaucoup oeuvré pourl’association à partir de la fin 1993 et jusqu’à son départ le 31 mai 1995. Il soulignait enfinque l’association ne prenait pas en charge la rémunération de ses permanents (D3787/3).

Pierre-Mathieu DUHAMEL confirmait les propos d’Hugues de laROCQUE sur les circonstances de son recrutement par la Ville de Paris et les missions quilui avaient été confiées, indiquant avoir ignoré où pouvait être localisé ce collaborateurqu’il présentait pourtant comme son “principal appui” mais qui, pendant cette période, nedisposait pas de bureau au sein de l’Hôtel de Ville (D2469/3). Il soutenait n’avoir pour sapart conservé aucun souvenir des locaux du 174, boulevard Saint-Germain ni de l’existencede l’association “Réussir l’an 2000” ni des réunions qui ont pu s’y tenir et que lui-mêmen’avait aucune responsabilité dans l’affectation des locaux. Néanmoins, Pierre-MathieuDUHAMEL précisait ne plus avoir eu recours aux services d’Hugues de la ROCQUE àpartir du moment où lui-même avait été affecté à la direction des finances de la Ville deParis.

Annick BOUCHET expliquait qu’elle avait été recrutée en juin 1991par Pierre-Mathieu DUHAMEL qui, pour avoir fait quelques passages au 174, n’avaitjamais travaillé dans la structure, et que son supérieur hiérarchique, entre juin 1991 etseptembre 1993, avait été Hugues de la ROCQUE. Selon elle, “c’est lui qui animait leslocaux du 174, boulevard Saint-Germain dans lesquels il travaillait en permanence, del’ouverture à la fermeture. C’est lui qui donnait les directives aux différents chargés demission pour l’élaboration des rapports” (D2878/2et3).

Annick BOUCHET ajoutait qu’Hugues de la ROCQUE avait étéremplacé par Jean-Pierre DENIS dont la présence permanente dans les locaux étaitnécessaire afin de lui permettre d’organiser le travail pour “mener à bien la campagneprésidentielle du candidat CHIRAC” (D2878/5).

Pour sa part, Jean-Pierre DENIS, successeur de Pierre-MathieuDUHAMEL au poste de directeur adjoint de cabinet du maire de Paris, confirmait qu’étantinspecteur des finances, il avait bénéficié d’un détachement et avait été recruté directementpar le maire de Paris en juin 1992. Selon lui, les locaux dont il s’agit correspondaient à uneactivité associative qui n’avait aucun lien avec la Ville de Paris. Il précisait que sonengagement dans cette structure, à laquelle il consacrait une partie de son temps libre, était

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à titre personnel et sans aucun rapport avec ses activités au cabinet du maire de Paris(D2158/3). En toute hypothèse, il réfutait l’idée d’avoir pu participer à la mise en placed’un quelconque quartier général de campagne présidentielle.

Jacques CHIRAC déclarait n’avoir eu aucun contact direct avec Huguesde la ROCQUE.

La défense de Jacques CHIRAC soutient :- qu’il était de la responsabilité du magistrat instructeur de rechercher les travaux dans lesarchives de la mairie, que l’emploi de Jean-Pierre DENIS n’a jamais été remis en cause,l’intéressé n’ayant pas été mis en examen, qu’il a cependant fourni une description détailléede sa mission de directeur de cabinet adjoint ainsi que de celles de ses collaborateurs(D2158), ce qui a été confirmé par Jacques CHIRAC (D3805/9) ;- qu’il est impossible de départager deux activités d’élu et de candidat potentiel à uneélection ou réélection ;- que l’embauche et les premiers versements de rémunération intervenus avant le début dela période de prévention sont couverts par la prescription et sont insusceptibles decaractériser à l’encontre de Jacques CHIRAC un quelconque délit, - que la poursuite, reposant sur un amalgame, fondé sur le syllogisme suivant : le 174hébergeait l’association “Réussir l’an 2000” - Hugues de la ROQUE travaillait dans ceslocaux - Hugues de la ROQUE préparait la campagne de Jacques CHIRAC, est contraireau principe de la légalité des délits et des peines affirmé par l’article 8 de la CEDHSLF ;- que si Hugues de la ROQUE a confirmé avoir travaillé au 174, boulevard Saint-Germain,il a également indiqué avoir toujours oeuvré dans l’intérêt de la Ville de Paris (Notesd’audience p.72 et 75) ; - que Pierre-Mathieu DUHAMEL, son supérieur hiérarchique pendant six mois a confirméavoir fait appel à lui pour des sujets intéressant la municipalité ; - que la matérialité du délit n’est pas établie.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que l’ensemble des éléments qui viennent d’être rappelés établissent que, dès lemois de juin 1991 et jusqu’au 26 octobre 1992 mais également à compter de cette date etjusqu’à son départ à Matignon en octobre 1993, l’activité d’Hugues de la ROCQUE a étépour l’essentiel consacrée au fonctionnement de l’association “Réussir l’an 2000” dontl’objet était par nature distinct de celui de la collectivité territoriale qui l’employait ; qu’iln’en a été au demeurant retrouvé aucune trace ;

Attendu que l’embauche d’Hugues de la ROCQUE au cours de l’été 1991 a suivi dequelques semaines la création de “Réussir l’an 2000” et l’implantation de cette structuredans les locaux mis à sa disposition par la société SISH ; que cette association était, de parson objet, dès l'origine au service exclusif des intérêts du RPR et, à l’approche desnouvelles échéances électorales de mai 1995, des ambitions politiques personnellesnotamment de Jacques CHIRAC ;

Attendu qu’il est vain de soutenir qu’il serait impossible de départager l’activité du mairede celle d’un candidat dès lors qu’il s’agit de la même personne, alors qu’il est clairementétabli qu’en l’espèce ce n’est pas l’activité du maire ni celle du candidat qui est en causemais bien l’affectation d’un chargé de mission de la Ville de Paris pour les besoins d’unestructure à vocation politique bien définie, indépendante de la mairie de Paris ; que c’estla situation propre à cet employé qui crée l’ambiguïté, et non la double qualité de maire etde candidat à la Présidence de la République de Jacques CHIRAC ; que de même, ce n’estpas l’affectation d’un chargé de mission dans un bureau ne dépendant pas de la mairie deParis qui déterminerait, à elle seule, l’existence d’un détournement mais également laparticipation de cet agent à des missions étrangères aux intérêts de la Ville de Paris, alors

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que son temps devait, aux termes du contrat passé avec la mairie de Paris, êtreintégralement consacré à son action au service de la collectivité territoriale ;

Attendu que les faits antérieurs au 26 octobre 1992 sont couverts par la prescription ;

Attendu que, sur la période du 26 octobre 1992 au mois de septembre 1993, le délit d’abusde confiance a été rendu possible par la reconduction tacite du contrat dont JacquesCHIRAC, ordonnateur des dépenses de la commune, avait connaissance alors même qu’iln’aurait pas personnellement signé le contrat ni participé directement au recrutement del’intéressé ; que Michel ROUSSIN a lui-même déclaré à l’audience “ Je n’ai pas prisl’initiative de recruter Hugues de la ROCQUE. Le maire de Paris me l’a demandé” (Notesd’audience p.77) ;

Attendu que l’élément intentionnel des infractions d’abus de confiance et de détournementde fonds publics est établi par la connaissance qu’avait Jacques CHIRAC, y compris dansla période postérieure au 26 octobre 1992, de l’affectation réelle d’Hugues de la ROCQUE,collaborateur de Pierre-Mathieu DUHAMEL devenu directeur des finances de la Ville deParis, dans les locaux de l’association “Réussir l’an 2000”, structure indépendante de laVille de Paris et a fortiori du cabinet du maire, dont il connaissait l’existence, ainsi que celaressort des indications fournies par Maurice ULRICH et Jacques RIGAULT JACOMET,et dans les locaux de laquelle Hugues de la ROCQUE a déclaré l’avoir croisé à troisreprises et où il disposait d’un bureau ;

que Jacques CHIRAC sera en conséquence déclaré coupable d’abus de confiance et dedétournement de fonds publics ;

Attendu que rien ne vient établir que Michel ROUSSIN, qui a reconnu avoir signé lecontrat d’engagement d’Hugues de la ROCQUE et déclaré ne pas avoir conservé lesouvenir de Pierre-Mathieu DUHAMEL, recruté pourtant comme son propre adjoint, aiteu connaissance de la réalité de l’affectation de ce chargé de mission ; qu’Hugues de laROCQUE a indiqué avoir été immédiatement affecté dans les locaux de l’association“Réussir l’an 2000” et n’avoir rendu compte qu’au seul Pierre-Mathieu DUHAMEL ; quefaute de démonstration de l’élément intentionnel de la complicité qui lui est reprochée,Michel ROUSSIN sera relaxé de ce chef ;

� sur l’emploi de Laurent SABATHIER, Annie LANCELOT, FrançoisVUILLEMIN et Jean-Christophe ANGENAULT

< sur l’emploi de Laurent SABATHIER

Laurent SABATHIER a été recruté par contrat en date du 17 janvier1992 signé de Michel ROUSSIN, avec effet au 1 décembre 1991, en qualité de chargé deer

mission cadre moyen avec une rémunération calculée sur l’indice brut 475. La note initialeen date du 24 décembre 1991, signée par Anne CUILLE, donnant instruction au directeurde l’administration générale d’établir ce contrat, précisait que son affectation à la directionde cabinet intervenait en remplacement de Delphine GREZE.

Sa rémunération a fait l’objet d’une revalorisation le 24 novembre 1992selon note signée par Michel ROUSSIN sur la base de l’indice brut 548. Il a été mis fin àses fonctions à sa demande le 14 janvier 1994 pour lui permettre de satisfaire à sesobligations militaires.

Le coût global de cet emploi pour la Ville de Paris a été évalué dedécembre 1991 à janvier 1994 à 411.227,75 francs (62.691 euros) (D2155/29). Il peut enêtre déduit que ce coût se limitait à compter du 26 octobre 1992 à la somme de 237.246francs soit 36.167 euros.

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Laurent SABATHIER précisait avoir effectué un stage d’assistantparlementaire rémunéré par l’Assemblée Nationale pendant trois mois au service du députéJean de GAULLE, qu’à l’issue, ce dernier l’avait orienté vers Jean-Pierre DENIS qu’ilprésentait comme “une personne influente de l’entourage de M CHIRAC” et “la têtechercheuse de CHIRAC” dans la société civile cherchant à s’attacher les services de jeunescollaborateurs diplômés de sciences politiques. A la suite d’une rencontre dans le bureaude Jean de GAULLE à l’Assemblée Nationale, qu’il situait fin 1991, Jean-Pierre DENISlui avait proposé de devenir chargé de mission de la Ville de Paris afin de rédiger des notesd’information à son attention (D1747). Pour exécuter sa mission, il disait disposer d’unbureau de passage situé au 174, boulevard Saint-Germain où il se rendait épisodiquement,sans avoir de ligne téléphonique attitrée. Il travaillait à la commande et rendait comptedirectement et personnellement à Jean-Pierre DENIS qui animait l’endroit qui était trèsfréquenté.

Il rédigeait des notes de synthèses dans les domaines économique,financier et budgétaire, réalisait des études à dominante économique et rédigeait desréponses à des courriers adressés au maire de Paris. Ses travaux étaient distribués par JeanPierre DENIS qui les récupérait auprès du secrétariat. Ils profitaient, par son intermédiaire,au maire de Paris. Laurent SABATHIER poursuivait parallèlement ses études.

Jacques CHIRAC déclarait ne pas avoir eu connaissance de ce contrat.

Michel ROUSSIN a également indiqué qu’il ne connaissait pas LaurentSABATHIER (D2285/19) et que le cabinet du maire ne disposait d’aucun bureau au 174,boulevard Saint-Germain.

< l’emploi d’Annie LANCELOT, François VUILLEMIN et Jean-Christophe ANGENAULT

Jean-Pierre DENIS indiquait avoir recruté Annie LANCELOT,François VUILLEMIN et Jean-Christophe ANGENAULT qui lui étaient fonctionnellementrattachés et lui transmettaient régulièrement leurs travaux qu’ils réalisaient soit chez eux,soit dans un bureau de passage à l’Hôtel de Ville (D2158/6). Leur mission était de fournirles éléments de discours, de traiter des flux de courriers et d’aider à la réalisation d’étudesou de notes. La mission impartie à chacun d’eux avait une dominante : les études d’opinionpour Annie LANCELOT, l’urbanisme pour François VUILLEMIN et les questionséconomiques et sociales pour Jean-Christophe ANGENAULT. Il n’avait cependantconservé aucune trace de leurs travaux.

Le dossier administratif d’Annie LANCELOT (scellé 3/21) faitapparaître que celle-ci a bénéficié d’un contrat de chargé de mission cadre moyen signé le12 novembre 1992 par Michel ROUSSIN avec prise d’effet au 1 octobre 1992, suite à uneer

note émanant de la même autorité en date du 22 octobre, adressée au directeur del’administration générale, prévoyant une rémunération mensuelle nette de 7.500 francs. Ila été mis fin à ces fonctions à sa demande le 24 juillet 1995.

Le coût salarial d’Annie LANCELOT s’élevait à la somme de240.666,35 francs (36.689 euros) avec un coût global employeur de 389.646,80 francs(59.401 euros) (D2463/15).

Annie LANCELOT expliquait qu’étant étudiante à Sciences-Po à Pariselle avait été orientée par son père, directeur de cet établissement, vers Michel ROUSSINen vue d’un entretien de recrutement au cours duquel celui-ci lui avait décrit le poste àpourvoir comme consistant à rédiger des notes et des synthèses sur des thèmes de sociétéet assurer un suivi de l’opinion publique pour le cabinet du maire. Elle était restée affectéependant toute la période d’octobre 1992 à juin 1995 auprès de Jean-Pierre DENIS auquelelle rendait compte. Elle partageait un bureau à l’Hôtel de Ville , au 3 ou 4 étage, avecème ème

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Laurent SABATHIER qui passait de temps en temps, ainsi qu’avec Jean-ChristopheANGENAULT (D1791). Elle n’avait pas de ligne téléphonique à son nom. Ellen’apparaissait pas dans l’annuaire. Elle venait une fois tous les deux jours avec des horairestrès variables.

Elle établissait des comptes-rendus sur des sondages d’opinion et desnotes de suivi de l’opinion. Parfois, elle rédigeait des pages de projet de discours ou desréponses à des auteurs qui avaient adressé directement leur ouvrage à Jacques CHIRAC.

La flexibilité de son travail lui permettait de poursuivre ses études àSciences-Po. Il était constaté qu’Annie LANCELOT avait par ailleurs été employée au seinde la Fondation Nationale des Sciences Politiques en tant que chargée d’études du 1er

novembre 1994 au 30 novembre 1994 pour un temps de travail de 70 heures et avait étérémunérée à ce titre 5.505,50 francs, somme payée en janvier 1995. Elle avait égalementété salariée de l’IFOP du 9 mars au 30 juin 1994 et aurait perçu sur cette période unesomme totale de12.584 francs.

Il ressort du dossier administratif relatif à François VUILLEMIN (scellé4/4) que celui-ci a été recruté en qualité de chargé de mission cadre supérieur selon contratégalement signé le 12 novembre 1992 par Michel ROUSSIN avec prise d’effet au 15octobre, faisant suite à une note émanant de la même autorité en date du 22 octobre 1992,adressée au préfet MONGINET, prévoyant une rémunération mensuelle nette de 16.000francs. Suite à sa démission du 27 juillet 1995, il a été mis fin à ses fonctions le 10 octobre1995.

François VUILLEMIN a été rémunéré par la Ville de Paris d’octobre1992 à mai 1995 à hauteur de 557.024,21 francs (84.917 euros). Le coût global supportépar la mairie de Paris sur cet emploi s’élève à 900.176,92 francs (137.231 euros)(D2463/29).

Entendu par les enquêteurs le 18 avril 2001 (D1840), FrançoisVUILLEMIN a déclaré qu’après avoir été engagé à la sortie de Sciences-Po Paris en 1989comme attaché parlementaire au Parlement européen auprès d’Alain POMPIDOU jusqu’en1991, puis comme chargé d’étude à la FNSEA auprès de Raymond LACOMBE, il étaitentré en relation en 1992, par l’intermédiaire du député RPR de sa circonscription àDouarnenez, Guy GUERMEUR, avec Jean-Pierre DENIS, alors directeur adjoint de cabinetdu maire de Paris, que celui-ci l’avait reçu dans son bureau et lui avait présenté le postecomme étant celui d’un rédacteur et collaborateur directement rattaché auprès de sonservice mais travaillant pour le compte du maire.

Sa mission consistait d’une part dans la rédaction de notes ou de projetsde discours pour Jacques CHIRAC sur des sujets parmi lesquels il citait : les statuts deParis, la loi dite PML, le droit de la décentralisation, les rapports de police municipale etpolice d’Etat, les textes relatifs aux sociétés d’économie mixte ou le statut juridique du PortAutonome de Paris. Il ne dépendait que de Jean-Pierre DENIS qui alimentait la réflexiondu maire en reprenant son travail.

Il travaillait à son domicile parisien. Du mois d’octobre 1992 au milieude l’année 1993, il se rendait fréquemment au bureau de Jean-Pierre DENIS à l’Hôtel deVille, où celui-ci disposait d’une secrétaire, en la personne d’Agnès COSSOLINI. Ilpartageait également un bureau de passage situé au 7 étage avec Annie LANCELOTème

et Jean-Christophe ANGENAULT qui effectuaient un travail analogue au sien mais dansdes domaines différents.

Il indiquait ne rien avoir conservé de ses travaux que ce soit sous formede brouillons ou d’originaux transmis à Jean-Pierre DENIS. Il précisait avoir mené enparallèle une activité politique en Bretagne pendant les fins de semaines et s’être rendu unefois par mois à l’Assemblée Nationale pour retirer la documentation auprès du groupe RPRqui détenait les textes en discussion.

Il confirmait avoir fréquenté les locaux du 174, boulevard Saint-Germain et n’y avoir assisté qu’à une réunion portant sur des sujets institutionnels(D1840/5).

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L’examen du dossier administratif relatif à Jean-ChristopheANGENAULT (scellé 1/5) met en évidence que celui-ci a été recruté en qualité de chargéde mission cadre supérieur en remplacement de Laurent SABATHIER selon contrat signéle 8 février 1994 par Rémy CHARDON, avec prise d’effet au 1 février 1994, faisant suiteer

à une note émanant de la même autorité en date du 5 janvier 1994, adressée au directeur del’administration générale, prévoyant une rémunération calculée par rapport à l’indice brut548, alors que le contrat mentionnait la référence à l’indice brut 902, soit 16.000 francs netsmensuels. Il a été mis fin à ces fonctions, à la suite de sa démission, à compter du 1 juiner

1995.Il a perçu sur toute la période d’emploi une rémunération nette totale

de 282.587 francs (43.080 euros) représentant un coût global pour la mairie de Paris de455.617,99 francs (69.458 euros) (D2155/2).

Entendu par les enquêteurs le 8 janvier 2001 (D1697), Jean-ChristopheANGENAULT a expliqué qu’étant à la recherche d’un emploi depuis l’obtention de son diplôme deSciences-Po Paris en 1992, c’est à la fin 1993 que des amis l’avaient informé que sonancien professeur, Jean-Pierre DENIS était à la recherche d’un collaborateur, que lerecrutement s’est fait rapidement sans savoir qu’il allait remplacer Laurent SABATHIER,dont il ignorait l’existence, que sa fonction consistait à préparer les dossiers économiquessuivis par Jean-Pierre DENIS, à faire la synthèse de la presse économique et rédiger desnotes ponctuelles à sa demande. Il partageait avec François VUILLEMIN et AnnieLANCELOT un bureau situé au 7 étage de l’Hôtel de Ville, dépourvu de ligneème

téléphonique. Il avait démissionné fin mai 1995 pour prendre le poste de chargé de

mission à l’Assemblée Nationale à compter du 1 juin.er

Jacques CHIRAC décrivait le recrutement de Jean-Pierre DENIScomme l’expression de la volonté de mettre un terme au ralentissement de la vieéconomique de la capitale. Ayant décidé de s’investir dans les problèmes économiques etsociaux, il avait chargé “ce brillant jeune inspecteur des finances” de suivre ces secteursafin de redonner à Paris sa place dans la région et de lui permettre de redevenir une capitaleattractive. Il avait été satisfait du travail mené par Jean-Pierre DENIS avec l’aide descollaborateurs dont il s’était entouré. Il affirmait que ceux-ci n’avaient aucune relationdirecte avec le maire de Paris.

Il déclarait également ne pas avoir été informé de l’emploi de FrançoisVUILLEMIN et de Jean-Christophe ANGENAULT (D3805/12).

Michel ROUSSIN déclarait devant le juge d’instruction que s’il avaitpu recevoir Annie LANCELOT cela devait être en raison de la notoriété de son père qu’ilne connaissait pas personnellement. Il n’avait nullement été amené à définir devant elle lamission qui allait être la sienne (D2285/19). Il n’était pas en charge du contrôle de sonactivité, ce qui devait relever de Jean-Pierre DENIS.

Michel ROUSSIN disait ne pas connaître François VUILLEMIN.

Rémy CHARDON, tout en confirmant avoir signé le contrat du 8février 1994, déclarait néanmoins ne pas connaître Jean-Christophe ANGENAULT(D2340/14). S’il avait connaissance du travail de Jean-Pierre DENIS, il savait qu’une partiede ce travail était préparée par ses collaborateurs et notamment Jean-ChristopheANGENAULT.

Annick BOUCHET se souvenait de l’arrivée d’Annie LANCELOT aucours de l’année 1993. Celle-ci faisait des passages dans les bureaux de l’association“Réussir l’an 2000” et s’occupait des sondages et des relations avec les instituts spécialisésdans ce domaine.

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Elle indiquait également que François VUILLEMIN était arrivé dansla structure fin 1993, qu’il travaillait aux horaires de bureau, s’intéressait à l’agricultureet à la mer, rendait compte à Jean-Pierre DENIS sous la forme de rapports mais égalementoralement quand celui-ci se déplaçait au sein de la structure. A sa connaissance, FrançoisVUILLEMIN serait parti en 1995 comme attaché culturel à l’ambassade de France àBogota (D2878/4).

Michèle Claude BRISSAUD voyait François VUILLEMIN de tempsen temps au 174 où il animait un groupe de travail et préparait ses notes (D2889/3).

Agnès COSSOLINI, qui était présentée par François VUILLEMINcomme la secrétaire de Jean-Pierre DENIS, embauchée par le RPR entre février 1994 etmai 1995, avait été affectée dans les locaux sis au 174, boulevard Saint-Germain qui luiavaient été présentés “comme la cellule de réflexion à la préparation de la campagneprésidentielle de 1995 de Jacques CHIRAC” (D2206/2). Elle précisait que ces locauxétaient déjà opérationnels à son arrivée, qu’y travaillaient Elisabeth SANDOR, MichèleClaude BRISSAUD et Annick BOUCHET. Elle y tenait le standard et accueillait “lesnombreuses personnalités politiques et de la société civile qui venaient dans une des troissalles réservées à des groupes de réunion ou de réflexions” (D2206/2).

Elle ajoutait que François VUILLEMIN lui téléphonait quand il avaitbesoin de faire part de ses réflexions à Jean-Pierre DENIS auquel elle répercutait ensuitele message.

Jean-Pierre DENIS indiquait qu’il n’avait pas participé directement aurecrutement de Jean-Christophe ANGENAULT qui lui avait été “tout simplement affecté”.Il assurait avoir ignoré les raisons personnelles qui avaient pu “justifier son passage à lamairie de Paris” (D2158/6).

Annick BOUCHET précisait que Jean-Christophe ANGENAULTtravaillait au sein de l’association “Réussir l’an 2000” aux horaires de bureau, qu’il rendaitcompte dans un premier temps à Hugues de la ROCQUE puis dans un second temps à Jean-Pierre DENIS à l’occasion des déplacements de ce dernier au sein de la structure(D2878/4).

Elle ajoutait qu’ils avaient quitté leur emploi respectif pourl’Assemblée Nationale où Jean-Christophe ANGENAULT avait eu les fonctions de chargéde mission au groupe RPR.

La défense de Jacques CHIRAC fait valoir :

- sur le contrat de Laurent SABATHIER, que l’embauche intervenue le 24 décembre 1991,avant le début de la période de prévention, est couverte par la prescription et insusceptiblede caractériser à l’encontre de Jacques CHIRAC un quelconque délit, la circonstance selonlaquelle Jacques CHIRAC aurait été au courant de la signature de ce contrat ou auraitdonné des instructions en vue de cette signature étant dès lors inopérante et que lesdéclarations de Laurent SABATHIER, de Jean-Pierre DENIS et de Jacques CHIRACconfirment la réalité de ses prestations dans l’intérêt de la Ville de Paris, que lacirconstance selon laquelle Laurent SABATHIER n’occupait pas de bureau à la mairie deParis est inopérante.

- sur le contrat d’Annie LANCELOT, que les déclarations de l’intéressée confirmées parMichèle Claude BRISSAUD, Annick BOUCHET et François VUILLEMIN établissent laréalité de ses prestations assurées sous l’autorité de Jean-Pierre DENIS et l’absence de toutlien la concernant avec le 174, boulevard Saint-Germain, celle-ci occupant principalementun bureau dans les locaux de l’Hôtel de Ville , qu’il n’est pas démontré en quoi les tâchesconfiées à Annie LANCELOT, notamment l’analyse de l’opinion publique, ne serviraientpas les intérêts de la Ville de Paris et que la matérialité du délit n’est pas établie ;

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- sur le contrat de François VUILLEMIN, que celui-ci n’exerçait pas ses activités au 174,boulevard Saint-Germain mais à son domicile ou dans un bureau de l’Hôtel de Ville, queles thèmes de recherche qui lui étaient confiés intéressaient à l’évidence la municipalité etque le fait qu’il n’ait pas conservé de trace écrite de son travail ne signifie nullement quecelui-ci fût inexistant ;

- sur le contrat de Jean-Christophe ANGENAULT, que la description fournie par l’intéresséde son activité (D1697) suffit à démonter qu’elle n’était pas inutile à la municipalité.

La défense de Rémy CHARDON soutient que rien ne permettait àRémy CHARDON de penser que les collaborateurs de son adjoint Jean-Pierre DENIS netravaillaient pas effectivement pour la mairie, la circonstance que Jean-ChristopheANGENAULT ait été recruté en remplacement d’un précédent collaborateur étant denature à conforter Rémy CHARDON dans l’idée que cet emploi était utile.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que selon Laurent SABATHIER, c’est Jean de GAULLE qui l’a orienté vers Jean-Pierre DENIS à une époque où ce dernier n’était pas encore directeur de cabinet du mairede Paris ; que Jean de GAULLE a par ailleurs toujours contesté avoir mis LaurentSABATHIER en relation avec Jean-Pierre DENIS ; que pour sa part, Jean-Pierre DENISconsidère que les déclarations de Laurent SABATHIER sur les circonstances de sonrecrutement à la mairie de Paris ne sont pas vraisemblables car ce n’est qu’à la fin duprintemps 1992 qu’il a personnellement pris la décision d’intégrer le cabinet du maire(D2158/3) ;

Attendu que l’information a établi que Laurent SABATHIER a été recruté à compter du 1er

décembre 1991 en remplacement de Delphine GREZE, chargée de mission qui avait étéaffectée du 1 novembre 1990 au 15 juin 1991 au service de Jean de GAULLE, selon elleer

pour assurer un travail à mi-temps d’assistante parlementaire et selon Jean de GAULLEpour l’aider dans sa contribution aux commémorations de “l’année de GAULLE”organisées par la Ville de Paris ; que celle-ci occupait un bureau à l’Assemblée Nationale ;que Laurent SABATHIER a été lui-même affecté dans un premier temps au service deJean de GAULLE, ce que ce dernier a confirmé tout en précisant qu’il s’agissait alors del’aider dans ses fonctions de conseiller aux affaires africaines du maire de Paris ;

que les indications fournies par Jean de GAULLE sur la période concernée ont fluctué, lasituant devant les enquêteurs jusqu’à la fin 1993 (D2167/6), devant le juge d’instructionjusqu’en novembre 1992, date à laquelle Anne MOREL MAROGER a été recrutée(D2846/7), et enfin, devant le tribunal, pendant quelques mois au début de l’année 1992(Notes d’audience p.121 et 122) ;

Attendu qu’en dépit des dénégations de Jean-Pierre DENIS, il ressort de l’ensemble de ceséléments que Laurent SABATHIER a été recruté à l’initiative de Jean de GAULLE et deJean-Pierre DENIS, ce dernier n’étant pas encore directeur adjoint de cabinet du maire,mais ayant été présenté comme un “collaborateur très important du maire de Paris”(D2229/2) et une “tête chercheuse” de Jacques CHIRAC dans la société civile (D1747/2) ;

Attendu qu’il ressort des explications fournies par Annie LANCELOT, FrançoisVUILLEMIN et Jean-Christophe ANGENAULT qu’ils ont été recrutés par Jean-PierreDENIS alors directeur adjoint de cabinet à la mairie de Paris au service duquel ils ont ététous trois affectés ; que les témoignages concordants d’Annick BOUCHET, JacquesRIGAULT-JACOMET, Agnès COSSOLINI, Michèle-Claude BRISSAUD établissent queleur activité de recherche d’informations et de rédaction de documents de synthèse, dontaucune trace écrite n’a été conservée, débordait largement les questions municipales et les

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amenait à participer de façon assidue, à tout le moins en prenant sur leur temps de travailau mépris de leurs obligations contractuelles, aux travaux des groupes constitués au seinde l’association “Réussir l’an 2000”, dans des locaux occupés par cette dernière et sans lienavec la mairie de Paris ;

Attendu qu’il a été démontré que cette structure a été créée et a fonctionné de façonrégulière jusqu’aux élections présidentielles de 1995 ; que son personnel permanent ouoccasionnel était rémunéré par le RPR comme l’étaient Annick BOUCHET, Michèle-Claude BRISSAUD, Agnès COSSOLINI et Elisabeth SANDOR ; que d’autres intervenantsétaient rémunérés par la Ville de Paris, comme Pierre-Mathieu DUHAMEL, Hugues de laROCQUE, Jean-Pierre DENIS, mais également Laurent SABATHIER, AnnieLANCELOT, François VUILLEMIN et Jean-François ANGENAULT ; que son activitéétait consacrée exclusivement à fournir aux candidats potentiels du RPR à l’électionprésidentielle, et finalement à Jacques CHIRAC, les synthèses des travaux de réflexionréalisés par des groupes d’experts dans des domaines divers et susceptibles de contribuerà l’élaboration d’un programme d’action politique dans la perspective des électionsprésidentielles ;

Attendu que l’absence de remise en cause de l’embauche de Jean-Pierre DENIS initiateurdes recrutements incriminés n’est nullement contradictoire avec l’exercice de poursuitesà raison du recrutement par celui-ci de ses propres collaborateurs qui, de la même façon,ne sont pas poursuivis en considération du fait qu’ils ont fourni un réel travail à l’instar deleur responsable hiérarchique immédiat ; que ce n’est pas l’absence de travail qui doit iciêtre prise en considération mais l’objet et la finalité de celui-ci ;

Attendu que Jacques CHIRAC a reconnu qu’Annie LANCELOT et ses quatre collègueschargés de mission travaillaient autour de Jean-Pierre DENIS soit à la mairie de Paris soitdans le local du 174, boulevard Saint-Germain sans que quiconque puisse dégager unedominante ; qu’il a ajouté : “En tout cas, ces personnes travaillaient toujours pour moi”(D3805/16) et que, sans que cela nuise à l’accomplissement de leur mission à la Ville, ilspouvaient naturellement participer aux travaux de cette structure (D3805/8) ; qu’il a parailleurs confirmé les propos tenus par Maurice ULRICH au sujet de l’objet de cettestructure placée dans l’orbite du RPR, tout en indiquant que “Réussir l’an 2000”, commetoutes les associations gravitant autour des partis politiques, était animée par des personnesqui oeuvraient dans le même but et bénévolement, que “l’organisation demeurait trèsfloue, chacun apportant ce qu’il voulait et pouvait” et que sa vie avait été éphémère pouravoir disparu avec l’annonce, fin 1994, de sa candidature à l’élection présidentielle del’année suivante (D3805/14) ;

Attendu que les faits antérieurs au 26 octobre 1992 relatifs à Laurent SABATHIER, sontcouverts par la prescription ;

Attendu que si Annick BOUCHET, Jacques RIGAULT JACOMET et Hugues de laROCQUE n’ont pas mentionné la présence de Laurent SABATHIER dans les locaux del’association “Réussir l’an 2000” au 174, boulevard Saint-Germain, il ressort de sesdéclarations circonstanciées et réitérées qu’il ne s’y rendait qu’épisodiquement, travaillaitégalement à son domicile et à Sciences Po, qu’il y rencontrait Jean-Pierre DENIS quiparaissait animer cet endroit très fréquenté ; qu’il le rencontrait également dans son bureaude l’Hôtel de Ville où, selon Annie LANCELOT, il partageait son bureau comme l’a faitJean-Christophe ANGENAULT recruté en remplacement de Laurent SABATHIER dontles fonctions ont cessé le 14 janvier 1994, soit après trois ans d’activité ;

Attendu qu’il se déduit de l’ensemble des éléments recueillis que Laurent SABATHIER,Annie LANCELOT, François VUILLEMIN et Jean-Christophe ANGENAULT n’ont pastravaillé exclusivement dans l’intérêt de la collectivité territoriale qui les a employés etrémunérés, mais ont surtout oeuvré au service d’une formation politique, le RPR, dont

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“Réussir l’an 2000” était une émanation depuis sa création en mai 1991, et par la suite, àcompter de 1993, dans l’intérêt exclusif du président de ce parti, Jacques CHIRAC, futurcandidat à la présidence de la République ;

Attendu qu’est ainsi caractérisé l’élément matériel des délits successifs d’abus de confiancedu 26 octobre 1992 au 1 mars 1994 et de détournement de fonds publics du 1 mars 1994er er

au 16 mai 1995 concernant les rémunérations versées chaque mois jusqu’à leur démission,à Laurent SABATHIER, Annie LANCELOT, François VUILLEMIN et Jean-ChristopheANGENAULT ; que ces emplois répondent à des exigences politiques que JacquesCHIRAC était en situation de définir lui-même ;

Attendu que l’élément intentionnel est établi par la connaissance qu’avait Jacques CHIRACde l’existence et du mode de fonctionnement de cette structure, résultant de sa proximitéavec les responsables de l’association et de sa fréquentation des lieux où se tenait l’activité,ainsi que de la contribution que lui ont apportée son directeur adjoint de cabinet devenudirecteur des finances, Pierre-Mathieu DUHAMEL, et son “principal appui”, Hugues dela ROCQUE, ainsi que Jean-Pierre DENIS, dont il a pu apprécier les qualitésprofessionnelles ;

Attendu qu’en faisant ainsi engager et rémunérer par la Ville de Paris, entre le 26 octobre1992 et le 1 mars 1994 ces quatre chargés de mission affectés pour partie au service deer

l’association “Réussir l’an 2000”, Jacques CHIRAC a sciemment détourné au préjudice dela Ville de Paris des fonds qui lui avaient été remis au titre d’un mandat en sa qualité demaire de Paris, à charge pour lui d’en faire un usage ou un emploi déterminé au profit dela ville ; qu’en persistant dans de tels agissements, au delà du 1 mars 1994 et jusqu’au 16er

mai 1995, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire de l’autorité publique, il a commisle délit de détournement de fonds publics au préjudice de la collectivité territoriale ; queJacques CHIRAC sera en conséquence déclaré coupable des délits d’abus de confiance etde détournement de fonds publics concernant ces quatre emploi ;

Attendu que Michel ROUSSIN a reconnu avoir signé les contrats d’engagement d’AnnieLANCELOT et de François VUILLEMIN ; qu’il n’a pas signé la note adressée au directeurde l’administration générale concernant Laurent SABATHIER ; qu’il n’est pas démontréque Michel ROUSSIN se soit rendu, au cours des quatre mois qui ont séparé lesrecrutements de son propre remplacement à la direction du cabinet du maire par RémyCHARDON, dans les locaux du 174, boulevard Saint-Germain qui ne dépendaient pas dela mairie de Paris, ni qu’il ait eu connaissance de l’occupation réelle de ces chargés demission au service de l’association “Réussir l’an 2000” alors qu’ils avaient été recrutés àl’initiative de Jean-Pierre DENIS comme ses propres collaborateurs ; que faute dedémonstration de l’élément intentionnel de la complicité d’abus de confiance qui lui estreprochée, Michel ROUSSIN sera relaxé de ce chef ;

Attendu que cette preuve n’est pas davantage rapportée à l’encontre de Rémy CHARDONconcernant l’emploi de Jean-Christophe ANGENAULT, dont il a reconnu avoir signé lecontrat d’engagement, et le travail que celui-ci fournissait au sein de “Réussir l’An 2000"alors qu’il avait été recruté comme chargé de mission affecté à la direction du cabinet dumaire ; qu’il sera également relaxé du chef de complicité d’abus de confiance et dedétournement de fonds publics ;

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¤ Sur les délits d’abus de confiance et de détournement de fondspublics reprochés à Jacques CHIRAC et de complicité de ces délits reprochés à RémyCHARDON et de recel reproché à François DEBRÉ et François MUSSO

� Sur l’emploi de François DEBRÉ

Il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, du 26 octobre 1992 au 1er

mars 1994 détourné au préjudice de la Ville de Paris des fonds ou deniers qui lui avaientété remis au titre d’un mandat en sa qualité de maire de Paris à charge pour lui d’en faireun usage ou un emploi déterminé au profit de la Ville de Paris en l’espèce en faisantrémunérer par la Ville François DEBRÉ, chargé de mission sans affectation.

Il lui est également reproché d’avoir du 1 mars 1994 au 16 mai 1995,er

étant, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire de l’autorité publique, détourné des fondspublics au préjudice de la Ville de Paris, en l’espèce en faisant prélever sur le budgetcommunal les montants des rémunérations de ce même chargé de mission.

Rémy CHARDON est poursuivi pour avoir à Paris, en tout cas sur leterritoire national, et depuis temps non prescrit, été complice, en sa qualité de directeur decabinet du maire de Paris, entre le 1 mars 1993 et le 1 mars 1994 du délit d’abus deer er

confiance et du 1 mars 1994 au mois de juin 1995 du délit de détournement de fondser

publics, délits reprochés à Jacques CHIRAC, en l’aidant sciemment dans leur préparationou leur consommation, en l’espèce en signant le contrat d’engagement de François DEBRÉet en permettant le versement de salaires subséquents.

François DEBRÉ est poursuivi pour avoir sciemment recelé des fondsqu’il savait provenir entre le mois de décembre 1993 et le 1 mars 1994, du délit d’abuser

de confiance, et entre le 1 mars 1994 et le mois de décembre 1998 du délit deer

détournement de fonds publics, en l’espèce en ayant bénéficié des rémunérations verséespar la Ville de Paris pour un emploi sans contrepartie pour la Ville à hauteur d’un montanttotal de salaires de 107.341,24 euros.

L’examen du contenu du dossier administratif de François DEBRÉ,placé sous scellé n°2/29, permet de constater que celui-ci a été recruté en qualité de chargéde mission cadre supérieur par contrat d’engagement en date du 28 décembre 1993 signépar Rémy CHARDON. La durée initiale du contrat était d’un mois, renouvelable de moisen mois par tacite reconduction. Sa rémunération était calculée sur la base de l’indice brut701, soit 12.500 francs nets mensuels. Aux termes de la note établie le 11 mars 1995, sousla signature de Rémy CHARDON, l’intéressé devait être affecté à la direction de cabinet.

François DEBRÉ a été hospitalisé pendant une durée totale de 20 mois :du 4 au 22 novembre 1996, du 23 décembre 1996 au 18 février 1997, du 18 février 1997au 16 juillet 1998 (D2832). Après une première période d’arrêt de travail d’un mois enoctobre 1997, il a été placé à trois reprises en congé de grave maladie sans discontinuer du1 décembre 1997 au 1 mars 1999 inclus (scellé n°83).er er

Il a été mis fin à ses fonctions par décision du 30 mars 1999, avec effetau 1 avril suivant, suite à la lettre de démission de l’intéressé en date du 2 mars 1999. er

L’analyse de ses bulletins de salaires permet de constater que le totaldes rémunérations perçues pendant la période d’emploi s’est élevé à 704.112,41 francs(107.341,24 euros), le coût total de cet emploi pour la Ville de Paris s’est élevé à1.122.478,02 francs (soit 171.120,67 euros).

De décembre 1993 au 16 mai 1995 François DEBRÉ a perçu de la Villede Paris une rémunération nette de 237.231 francs (36.165 euros), ce qui représentait uncoût global pour la Ville de Paris de 327.017 francs (49.853 euros) (D2153/5).

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Entendu par les enquêteurs le 11 décembre 2000, François DEBRÉadmettait que ce contrat, qu’il avait signé dans le bureau de Rémy CHARDON, était “unpeu flou”. En exécution de la mission qui lui avait été confiée, il avait commencé à fairenotamment une étude sur les communautés asiatiques à Paris et plus tard s’était livré à desrecherches sur les possibilités de diffusion des activités culturelles de la Ville de Paris surla chaîne de télévision Paris Première. Mais, son état de santé s’étant vite dégradé, il avaitété rapidement placé en arrêt maladie.

Ayant travaillé seul et à son domicile, il avait été en mesure de remettreà Rémy CHARDON un rapport écrit et par la suite de lui faire verbalement quelquesrapports.

En mars 1999, son état de santé ne lui permettant plus d’assurer demission, il avait présenté sa démission (D1672).

Lors de sa première comparution devant le juge d’instruction, FrançoisDEBRÉ précisait qu’à l’origine, il avait été contacté par Rémy CHARDON. Il ignorait lesmotifs pour lesquels celui-ci s’était adressé à lui. Il précisait que Rémy CHARDON n’étaitpas un proche de son père, Michel DEBRÉ, mais qu’ils avaient des amis communs(D2582/5). Rémy CHARDON lui avait proposé d’entrer au cabinet du maire de Paris pourétoffer le service chargé de faire connaître aux parisiens et aux Français en général lesdifférentes composantes de la vie publique et de la population parisiennes. Son premierrapport avait concerné la diaspora chinoise. Il l’avait remis à Rémy CHARDON auprintemps 1994 (D2582/3).

Il remettait au magistrat un exemplaire de ce rapport contenant 21pages dactylographiées, mais non finalisé (D 2584).

Pendant cette période, son interlocuteur principal avait été RémyCHARDON qui le cas échéant l’orientait vers telle ou telle personne. Par la suite, dans lecadre d’une mission, qu’il qualifiait d’exploratoire, confiée par le directeur de cabinet, ilavait recherché ce qui pouvait être diffusé sur le plan culturel et artistique sur la chaîne“Paris Première”. Pour cela, il avait pris des rendez-vous avec divers organismes, ce quin’avait pas eu de suite notamment du fait de son hospitalisation intervenue dès 1995.

Personne ne s’était manifesté pour se renseigner sur sa situation(D2582/2et3). Il ajoutait néanmoins que ses hospitalisations étaient très épisodiques etsuivies de périodes de convalescence (D2582/4). S’il avait pour sa part essayé de reprendrecontact avec le cabinet pour avoir des commandes, c’était en vain. Il n’était jamais entréen contact avec Jacques CHIRAC, pas plus qu’avec son successeur Jean TIBERI et neconnaissait ni l’un ni l’autre.

Il indiquait : “au départ, j’étais prêt à collaborer mais mon état desanté les inquiétait (...) Cela devait se savoir dans l’entourage du maire et on ne souhaitaitpas employer quelqu’un dans ma situation”, et il ajoutait : “Je pense qu’on a voulu faireplaisir à mon père qui avait fait part de ses soucis me concernant (...) Il s’agit de latoxicomanie”(D2582/5).

Il concluait ses propos en déclarant :“mon recrutement au départ enqualité de chargé de mission était justifié compte tenu de mon parcours de journaliste etd’écrivain et je ne pense pas que cet emploi avait été envisagé de manière fictive”.

L’enquête établissait qu’il avait été parallèlement employé par leConseil régional d’Ile-de-France, de septembre 1992 à août 1994 à raison de 30 heures parmois, et rémunéré pendant cette période à hauteur de 12.100 francs bruts (D2392/3 etD2401/4). Il expliquait qu’il s’agissait d’une mission générale de relations publiques entrel’assemblée régionale et les gens de télévision, lui-même étant ancien salarié d’Antenne 2.

Sur les rémunérations perçues en 1995 du journal Le Point (6.627francs) et de la société Media Presse Productions (12.650 francs), il précisait qu’il s’agissaitde contreparties de la livraison d’articles rédigés pendant cette année-là.

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Rémy CHARDON confirmait avoir personnellement recruté FrançoisDEBRÉ, lui avoir confié une mission d’étude sur la situation des communautésminoritaires dans la Ville de Paris, sujet qu’il lui avait dit bien connaître. Au terme de cettemission, il lui avait été remis en 1994 un “épais rapport” (D2340/7). Par la suite, il lui avaitdemandé de réfléchir à la manière dont la Ville de Paris pouvait communiquer vers cescommunautés. François DEBRÉ l’avait tenu au courant des contacts qu’il avait pris avecdes médias à ce sujet.

Il précisait que le curriculum vitae de François DEBRÉ démontraitqu’il s’était beaucoup investi dans l’étude des minorités étrangères, que le travail qui luiavait été confié présentait l’avantage d’être “interdisciplinaire” compte tenu de nombreuxaspects de l’action administrative qu’il devait aborder. Le rapport avait été diffusé auprèsde deux directions sociales, la DASES et le bureau d’aide sociale, ainsi qu’à la DGAPP età la direction des affaires culturelles.

Les investigations ne permettaient pas de retrouver la trace officiellede ce rapport auprès des services de la mairie, notamment de la direction des affairesculturelles (D2460/3). Les personnes présentes à l’époque à la DASES et à la DGAPP n’enavaient pas eu connaissance (D2758 et 2773).

Jean TIBERI indiquait ne pas connaître François DEBRÉ (D2950/6).Son directeur de cabinet Bernard BLED, successeur immédiat de Rémy CHARDON,indiquait qu’il n’avait pas vraiment su quelle était l’activité de François DEBRÉ au seindu cabinet, et qu’il avait toujours entendu dire qu’il était de santé fragile (D2200/7).

Josette LE BERRE précisait que François DEBRÉ ne disposait pas debureau à l’Hôtel de Ville, qu’il avait été très rapidement mis en congé maladie et qu’il avaitensuite démissionné (D2143/3).

François-Xavier MEYER, chef du bureau du cabinet, se souvenaitd’avoir abordé le cas de François DEBRÉ lors des réunions de réaffectations qui s’étaienttenues après mai 1995 et qu’il avait été décidé de le réaffecter auprès de Paul-HenriJORANT, chef-adjoint du cabinet, pour un travail de rédaction en matière d’interventionset de parrainages (D2811/4).

Jacques CHIRAC déclarait pour sa part : “ Je ne me souviens pas du

rôle qu’a pu jouer Rémy CHARDON au niveau du recrutement, mais que ce soit RémyCHARDON ou moi c’est la même chose. C’est moi qui l’ai recruté” (D3807/28). Il ajoutaitqu’il avait voulu lui donner une seconde chance en cohérence avec ses compétences sur lemilieu asiatique de la capitale, milieu très important et très fermé et qu’il avait souhaité levoir travailler pour la mairie de Paris dans le but de mieux comprendre les relations aveccette communauté et la Ville de Paris. Il avait déjà fait sur ce sujet un rapport écrit suivid’un certain nombre d’autres avant de tomber malade. Jacques CHIRAC contestait l’idéed’un emploi de complaisance.

A l’audience, François DEBRÉ produisait un exemplaire d’un rapportde 22 pages, non daté, intitulé “Les communautés asiatiques à Paris et en régionparisienne”, cette fois-ci corrigé des mentions ayant figuré dans le premier exemplaire.

La défense de Jacques CHIRAC précise que la somme totale de salairesperçus par François DEBRÉ sur la période de prévention est de l’ordre de 17.400 euros.

Elle fait par ailleurs valoir :- que c’est en considération de ses capacités professionnelles que François DEBRÉ s’estvu confier la mission “d’enquêter sur les composantes de la vie publique parisienne et lesdifférentes composantes de la population parisienne” ;- que François DEBRÉ a produit un rapport remis aux services de la mairie ainsi que l’aaffirmé Rémy CHARDON ;- que le fait que ce rapport n’ait pas été retrouvé dans les archives de la mairie plus de dixannées après ne saurait être reproché aux prévenus ;

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- que François DEBRÉ était parfaitement en mesure d’accomplir cette mission comme“d’enquêter sur les possibilités de diffusion des activités culturelles de la ville” sur lachaîne Paris Première ;- que le fait que François DEBRÉ ait perçu pendant cette même période d’autresrémunérations résultant d’activités distinctes auprès d’organismes étrangers à la mairie,prouve que son état de santé ne le rendait pas inapte au travail au moment de sonrecrutement, sans pour autant que cela vienne contrarier le travail prévu pour la mairie deParis ; - que l’état de santé de François DEBRÉ s’est par la suite dégradé et l’a conduit à êtrehospitalisé sur la période échappant à la prévention ; - que François DEBRÉ n’aurait pas manqué dans son entourage de soutien s’il s’était agide lui accorder quelques subsides supplémentaires ;- que Jacques CHIRAC n’a pas été informé par la suite de l’évolution du comportement deFrançois DEBRÉ ; qu’il n’est pas intervenu ni pour le maintien du contrat ni pour ordonnerle paiement des salaires ; qu’il ne saurait être fait grief à Jacques CHIRAC d’un manquede vigilance.

La défense de Rémy CHARDON fait valoir que François DEBRÉ n’estpas le seul chargé de mission recruté par Rémy CHARDON alors que les autres contratsn’ont pas donné lieu à poursuite ; que l’autorité ordonnant le recrutement de FrançoisDEBRE, soit le maire de Paris, Jacques CHIRAC, était légitime à le faire de sorte queRémy CHARDON ne pouvait déceler une quelconque irrégularité ; que bien qu’il s’agisseen l’espèce d’un recrutement préférentiel, rien ne démontre qu’il s’agisse d’un emploi decomplaisance d’autant qu’un rapport écrit a bel et bien été remis, bien que non retrouvédans les services du fait de la destruction systématique des archives ; qu’enfin la poursuitedu contrat de François DEBRÉ jusqu’en 1999 ne saurait être imputable à RémyCHARDON, celui-ci ayant quitté ses fonctions en mai 1995.

Par conclusions régulièrement déposées et visées à l’audience du 19septembre 2011, la défense de François DEBRÉ sollicite la relaxe du prévenu et, à titreinfiniment subsidiaire, étant constaté que la prévention du délit de recel ne pouvait porterque jusqu’au 16 mars 1995, une dispense de peine à son endroit en application desdispositions de l’article 132-59 alinéas 1 et 2 du Code pénal.

Elle fait valoir l’absence d’identification de l’auteur du délit principalde détournement de fonds publics pour la période postérieure au 17 mai 1995, délitinstantané se renouvelant à chaque paiement de rémunération et qu’à compter de 1995, lanouvelle équipe municipale avait procédé à l’examen du cas de François DEBRÉ etenvisagé une nouvelle affectation.

Elle soutient : - que François DEBRÉ a remis un premier rapport portant sur les communautés chinoiseset que le second rapport n’a pas vu le jour en raison du désintérêt de la nouvelle équipe etde l’incapacité où s’est trouvé son auteur, à son corps défendant ;- que le projet de faire diffuser par la chaîne de télévision “Paris Première” les principalesmanifestations culturelles de la Ville de Paris a été abandonné pour des raisons de coût ;- que François DEBRÉ avait les capacités de travailler comme en atteste le contrat dechargé de mission confié en parallèle par le Conseil régional d’Ile-de-France pourseulement trente heures par mois ; - que François DEBRÉ a fait l’objet, à compter du 4 septembre 1995, de trois arrêtés leplaçant en congé maladie et qu’il a démissionné le 2 mars 1999 en estimant ne pas être enétat de travailler sérieusement ;- que la générosité manifestée à l’endroit de François DEBRÉ n’a pu se concrétiser que parce qu’il y avait une demande véritable de la ville, de son maire et une incontestablecompétence sans doute unique, pour y répondre ;- que les réponses apportées par François DEBRÉ aux questions du juge d’instruction -

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qualifiées de “captieuses” dans les écritures et de “perverses” à l’audience - ne sauraientconstituer une quelconque preuve de la fictivité de son emploi ;- que la personnalité et la situation de Michel DEBRE, père du prévenu, rendentinvraisemblable son intervention.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu qu’il résulte des éléments du dossier et des débats que François DEBRÉ a étérecruté comme chargé de mission en décembre 1993 avec le statut de cadre supérieur luigarantissant une rémunération nette mensuelle de 12.500 francs ; que la mission lui ayantété impartie aux dires des prévenus consistait, dans une première phase, en une étude surles communautés étrangères vivant dans la capitale puis dans un second temps à rechercherles moyens adéquats de diffusion de ce travail auprès de ces communautés ; qu’une tellemission paraît manifestement en adéquation avec tant les intérêts de la Ville de Paris quel’expérience professionnelle de François DEBRÉ qui le prédisposait à ce type d’analyse ;

Attendu que devant le juge d’instruction, François DEBRÉ, conforté en cela par lesaffirmations de Rémy CHARDON, a soutenu avoir procédé à cette étude et rédigé à l’issueun rapport sur les communautés asiatiques qu’il a personnellement remis à ce dernier aucours du printemps 1994 ; que cependant, l’exemplaire du rapport présenté au juged’instruction, non finalisé, et celui qui a été produit aux débats ne contiennent aucunemention de date de rédaction ou de dépôt, ni même l’indication du nom de son auteur oude son destinataire ; que les investigations auxquelles il a été procédé à la mairie de Parissur la base des indications fournies par Rémy CHARDON qui affirmait avoir diffusé cerapport auprès de quatre services ou directions de la ville, n’ont pas permis d’en retrouverla trace dans les archives des services municipaux concernés ; Attendu que François DEBRÉ a, par ailleurs, indiqué avoir entamé la seconde partie de samission en convenant de rendez-vous avec des représentants d’organismes divers, maissans résultat, son état de santé s’étant rapidement aggravé et l’ayant conduit à diverseshospitalisations à compter de 1995 puis à un congé longue maladie de 1997 à 1999 ; qu’iln’apparaît pas démontré que ce travail ait été réellement réalisé, ou à tout le moinscommencé ; que force est de constater qu’aucun représentant de la mairie de Paris, àcommencer par Rémy CHARDON qui avait personnellement recruté François DEBRÉ, nes’est inquiété de la situation de l’intéressé, alors même qu’aux dires de celui-ci, “[son] étatde santé inquiétait l’entourage du maire qui ne souhaitait pas employer quelqu’un dans[sa] situation”;

Attendu que Jacques CHIRAC a lui-même revendiqué avoir été l’initiateur de cerecrutement ; qu’il a justifié cette décision par la volonté qui l’animait de donner uneseconde chance à François DEBRÉ ; que les mobiles qui ont pu déterminer à offrir cetteseconde chance à François DEBRÉ, lors de son recrutement en décembre 1993, tels qu’ilsont été précisés par Jacques CHIRAC lui-même, ont été explicités par François DEBRÉen ces termes :“Je pense qu’on a voulu faire plaisir à mon père qui avait fait part de sessoucis me concernant (...) Il s’agit de la toxicomanie” ; que les éléments du dossierétablissent néanmoins que si l’état de santé de François DEBRÉ, particulièrement fragileen raison de ses antécédents de toxicomanie, a pu être pris en compte lors de sonrecrutement, il n’en a pas été de même dans le suivi de son travail ;

Attendu que les modalités du recrutement de François DEBRÉ, l’absence de bureau au seinde l’Hôtel de Ville et de ligne téléphonique, rendent plus difficilement repérable sonactivité ; que si l’on peut admettre que le rapport évoqué précédemment ait existé et quela mission ait été réellement confiée dans les termes qui ont été rappelés, les circonstancesdu recrutement, le flou du contrat reconnu à l’audience par François DEBRÉ et RémyCHARDON, la fragilité de l’état de santé de l’intéressé connu de tous et l’absence

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d’élément établissant, dans la durée, l’étendue et la réalité du travail allégué sont autantd’éléments constituant dans leur globalité la preuve de la fictivité de cet emploi à compterdu mois de juillet 1994 ; que rien ne démontre que ce travail ait eu à compter du dépôt durapport une consistance au point de justifier le renouvellement du contrat pendant prèsd’une année, jusqu’au départ de la mairie de Jacques CHIRAC et de Rémy CHARDON,voire au-delà ;

Attendu que Rémy CHARDON a reconnu sa participation effective au recrutement, ce quifait de cet emploi, de ce point de vue, une exception ; qu’il était parfaitement informé desmodalités contractuelles et a consenti à François DEBRÉ des conditions de travailcompatibles avec son état ; que de juillet 1994 , date du dépôt de son rapport, jusqu’à sondépart en juin 1995, il n’a pas contrôlé l’effectivité du travail dont François DEBRÉ étaitpourtant redevable à la mairie de Paris ; qu’à cette même époque, le Conseil régional d’Ilede France a pour sa part décidé, contrairement à la mairie de Paris, de mettre un terme dèsl’été 1994 au contrat de chargé de mission dont François DEBRÉ bénéficiait depuis le 1er

juillet 1992 et pour une durée de 3 ans au cabinet du président de l’assemblée, MichelGIRAUD, à raison de 30 heures par mois, rémunérées 12.100 francs bruts ;

Attendu que les éléments tant matériel qu’intentionnel constitutifs de l’infraction dedétournement de fonds publics sont réunis à l’encontre de Jacques CHIRAC qui, en faisantrémunérer François DEBRÉ par la Ville de Paris à compter du mois de juillet 1994, asciemment et jusqu’au 16 mai1995, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire de l’autoritépublique, détourné des fonds publics au préjudice de la Ville de Paris ; qu’il en est demême du délit de complicité de détournement de fonds publics à l’égard de RémyCHARDON qui a personnellement recruté et supervisé l’activité de François DEBRÉ dontla réalité n’est nullement démontrée à compter du mois de juillet 1994 ; qu’ils seront l’unet l’autre déclarés coupables sur la période à compter du 1er juillet 1994 jusqu’au 16 mai1995 et relaxés pour le surplus, soit la période antérieure au 1 juillet 1994 et postérieureer

au 16 mai 1995 ;

Attendu que François DEBRÉ a sciemment bénéficié des versements à compter du moisde juillet 1994 sans contrepartie, qu’il en a été le bénéficiaire ultime ; que l’élémentmatériel du délit de recel résulte de la perception des rémunérations versées à FrançoisDEBRÉ pendant la période visée aux poursuites, soit jusqu’au16 mai 1995 ; que lespaiements intervenus postérieurement, constitutifs de délits instantanés distincts, ne sontpas inclus dans la qualification des détournement de fonds publics visés dans la préventionà l’encontre de l’auteur principal et ne sont de surcroît pas établis en l’état desinvestigations ; que la déclaration de culpabilité de François DEBRÉ du chef de recel et lemontant des sommes recélées seront en conséquence circonscrites à la période du 1 juilleter

1994 au 16 mai 1995, soit, au vu des pièces du dossier (D2153/5), à la somme pouvant êtreévaluée à 22.165 euros ; que François DEBRÉ sera renvoyé des fins de la poursuite pourle surplus ;

� Sur l’emploi de Martine GARNIER au profit de François MUSSO

Il est également reproché à Jacques CHIRAC d’avoir du 1 mars 1994er

jusqu’au 16 mai1995, étant, en sa qualité de maire de Paris, dépositaire de l’autoritépublique, détourné des fonds publics au préjudice de la Ville de Paris, en l’espèce en faisantprélever sur le budget de la Ville de Paris les montants des rémunérations de MartineGARNIER épouse BRES, chargée de mission mise à la disposition de François MUSSO.

Rémy CHARDON est poursuivi pour avoir à Paris, en tout cas sur leterritoire national, et depuis temps non prescrit, entre le 1 mars 1994 et le mois de juiner

1995, en sa qualité de directeur de cabinet du maire de Paris, été complice des délits d’abusde confiance reprochés à Jacques CHIRAC en l’aidant sciemment dans sa préparation ou

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sa consommation, en l’espèce en signant le contrat d’engagement de Martine GARNIERépouse BRES, et en permettant le versement des salaires subséquents.

François MUSSO est poursuivi pour avoir à Paris, en tout cas sur leterritoire national, et depuis temps non prescrit, entre août 1994 et mai 1995, sciemmentrecelé des fonds qu’il savait provenir du délit de détournement de fonds publics, en l’espèceen ayant bénéficié de l’emploi de Martine GARNIER épouse BRES chargée de missionrémunérée par la Ville de Paris, à hauteur d’un montant total de salaires de 33.642,32 euros.

L’examen du contenu du dossier administratif de Martine GARNIERépouse BRES placé sous scellé n° 2/13 permet de constater que cette chargée de missiona été recrutée avec le statut de cadre moyen par contrat d’engagement en date du 18 août1994 avec effet au 18 juillet précédent, signé par Rémy CHARDON. Le contrat, dont ladurée initiale est fixée à un mois, était renouvelable de mois en mois par l’effet d’uneclause de reconduction tacite. Aux termes de la note établie le 3 août 1994, sous lasignature de Jean-François VILOTTE, directeur adjoint de cabinet du maire, l’intéresséedevait être affectée et exercer ses fonctions à la direction du cabinet. Sa rémunération avaitété fixée à l’indice brute 579.

Il a été mis fin à ses fonctions par décision de Bernard BLED en datedu 11 mars 1996, avec effet à compter du 16 mars suivant, alors que celui-ci avait, dès le25 juillet 1995, fait engager par les services de la direction de l’administration générale uneprocédure de licenciement à l’encontre de l’intéressée.

Les sommes déboursées par la mairie atteignent un montant total de365.679,51 Francs (55.747 euros), dont un montant de salaires de 220.696,10 francs(33.644 euros) (D2463/12). Sur la période du 18 juillet 1994 au 16 mai 1995, le coût globalpeut être estimé à 191.683 francs (29.221 euros).

Entendue sur commission rogatoire le 6 février 2001, MartineGARNIER exposait qu’au début de l’été 1994, étant à la recherche d’un nouvel emploi, elleavait appris de façon fortuite que François MUSSO cherchait une collaboratrice. Lors d’unpremier contact, celui-ci, se présentant comme député européen, avait fait état d’unemission impartie par le maire de Paris, Jacques CHIRAC, qui avait fait appel à luipersonnellement pour une mission très spécifique (D1771/5).

En ce qui la concernait, François MUSSO était resté très vague,évoquant des fonctions classiques de relations avec la presse et de rédaction de rapports(D1771/2). Il l’avait alors orientée vers Jean-Eudes RABUT à la mairie de Paris pour signerson contrat d’engagement qui a débuté réellement le 18 août 1994 et non en juillet.

Elle avait été installée dans un bureau situé boulevard Saint-Germainoù elle était restée pendant toute la durée du contrat. Elle s’y trouvait seule jusqu’à la finseptembre, quand sont arrivés François MUSSO et Madeleine FARARD, collaboratrice deJean-Claude PASTY, président du groupe Démocrate Européen au Parlement européen.Une secrétaire de Christian JACOB, député de Seine-et-Marne, y travaillait également.

François MUSSO était présent au maximum trois jours par semaineà Paris et demeurait le reste du temps à Ajaccio.

Hormis les tâches de secrétariat, elle effectuait des recherches pour lecompte de François MUSSO. “J’ai rédigé des notes à l’intention de MUSSO, non signées,et ne portant pas son nom” expliquait-elle, “ Je n’ai jamais vu ce que Monsieur MUSSOfaisait de ces documents”(D1771/3). Très rapidement elle s’était rendu compte des limitesprofessionnelles du poste, du manque de contacts extérieurs, du peu de travail. “Jem’ennuyais”disait-elle. Elle éprouvait de grosses difficultés pour rencontrer FrançoisMUSSO et lui en parler. Elle confiait aux enquêteurs : “Avec le recul, je pense qu’il étaitdans un placard en or car il ne travaillait pas et je servais de potiche” (D1771/3).

Elle précisait qu’elle ne s’était rendue à la mairie de Paris, sur lapériode de son contrat, qu’à trois ou quatre reprises pour déposer au secrétariat de JacquesCHIRAC des plis dont elle ignorait le contenu et que lui avait confiés François MUSSO.A la question de savoir si pendant ces 20 mois son activité avait eu des liens avec la Ville

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de Paris, elle répondait : “On m’a demandé de travailler sur les institutions européennes,et la mairie de Paris est pour moi une institution importante”, mais elle était incapable dese remémorer les sujets de ces études. Elle se souvenait cependant avoir consacré unejournée entière à la réalisation, pour le compte de François MUSSO, d’une planched’étiquettes auto-collantes portant une quarantaine de noms, prénoms et adresses depersonnes résidant à Ajaccio et dans les environs.

Elle situait ses derniers contacts avec François MUSSO en mai 1995.L’explication aurait été qu’il ne voulait plus lui parler (D1771/5).

En août 1995, elle avait voulu démissionner. Elle avait obtenu unentretien avec François-Xavier MEYER et Jean-Gabriel FAUCONNEAU de la DRH quilui auraient alors proposé un poste de chef de cabinet auprès d’une personne encoreindéterminée. Devant le flou des missions proposées, elle avait refusé. Finalement, il avaitété envisagé de la licencier à compter du 16 mars 1996, alors qu’elle avait cessé réellementses activités dès le mois d’octobre précédent. Ainsi, avait-elle été payée sans contrepartiejusqu’au mois de mars 1996 et perçu, de surcroît, de mars à novembre 96, des indemnitésde perte d’emploi calculées sur une durée de travail effectif inexacte car augmentée de sixmois. Elle y voyait une forme de dédommagement de son licenciement.

Elle remettait aux enquêteurs notamment la copie d’une lettre datée du19 juillet 1994 signée Jacques CHIRAC, Maire de Paris, adressée à François MUSSO,conseiller municipal d’Ajaccio (scellé 34). Ce courrier évoquait une mission d’étude surles incidences pour Paris des dispositions relatives au droit de vote et à l’éligibilité desressortissants de l’Union Européenne.

Le chef du cabinet du maire, Jean-Eudes RABUT, ne se souvenait pasavoir reçu Martine GARNIER mais ne mettait pas en doute ses paroles. Il savait queFrançois MUSSO était un élu européen, mais ignorait s’il avait des fonctions officielles àla Ville de Paris. Il lui avait été dit qu’il avait une mission relative aux questionseuropéennes susceptibles d’intéresser la collectivité territoriale et “qu’il ne lui appartenaitpas de juger de la légitimité de cette affaire”. Il précisait qu’il n’a jamais eu à gérer leslocaux du 128, boulevard St-Germain (D2168/3 et 4).

Jean-Claude PASTY confirmait avoir croisé Martine GARNIER etFrançois MUSSO dans les locaux loués par le RPR au 128, boulevard Saint-Germain oùétaient regroupées, selon lui, toutes les personnes travaillant sur les questions européennes,appartenant ou affiliées au groupe RPR.

Jean-Gabriel FAUCONNEAU, sous-directeur de la gestion dupersonnel à la direction de l’administration générale, précisait qu’il n’entrait pas dans sescompétences de proposer un nouveau poste à un chargé de mission et encore moins celuide chef de cabinet d’une personne dont il aurait pu oublier le nom (D2101/2).

François-Xavier MEYER, chef du bureau du cabinet du maire, déclaraitne pas connaître Martine GARNIER et ne pas se rappeler que son cas ait été évoqué lorsdes réunions de réaffectation (D2811/5). Il n’avait conservé aucun souvenir de l’avoir reçueet de lui avoir proposé un arrangement sur les six derniers mois de rémunération alorsqu’elle serait restée chez elle sans travailler (D2103/2à4).

François MUSSO était entendu sur commission rogatoire le 20 mars2002 (D2093) puis interrogé par le juge d’instruction lors de sa première comparution(D2587).

Il indiquait qu’étant à l’origine exploitant agricole, natif d’Ajaccio oùil demeurait, il avait exercé un mandat de député européen de 1984 à 1994 et de vice-président du Parlement européen de janvier 1986 à juillet 1989, qu’il avait été élu auconseil municipal d’Ajaccio de 1989 à 1995 et avait occupé le poste de 3 adjoint auème

maire à compter de 1995.

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Il exposait qu’à la fin de son mandat européen, Jacques CHIRACl’avait chargé, par la remise d’une lettre de commande, d’analyser les dispositionsfinancières dont la Ville de Paris et le département pouvaient bénéficier de la part du Fondsstructurel de la Communauté. Lui-même se considérait comme un bon connaisseur de cesquestions pour avoir siégé à la commission de la politique et du développement régionalet avoir été chargé des Fonds structurels. La seule contrainte qui lui avait été imposée étaitle délai pour accomplir la mission, fixé à six mois.

“Pour cela, expliquait-il, la mairie de Paris avait mis à [sa] dispositionun bureau et une secrétaire”(D2093/2). Le bureau était situé boulevard Saint-Germain, oùil croisait Jean-Claude PASTY ainsi qu’une assistante parlementaire de Christian JACOB.La secrétaire était Martine GARNIER, dont il avait fait la connaissance par hasard(D2587/3) et qu’il avait effectivement adressée au cabinet du maire. Il déclarait à son sujet :"Puisque le Département de Paris n’avait personne à me proposer mais souhaitait memettre une secrétaire à disposition, j’ai donné le nom de Mme GARNIER" (D2093/2).

Il remettait aux enquêteurs la lettre de commande, datée du 29 juin1994, signée Jean-Pierre QUERE, directeur général adjoint des services du Départementde Paris précisant que sa mission avait pour objet d’effectuer un “recensement desprestations financières dispensées par la Communauté dont peut bénéficier le Départementde Paris”, et de faire des “propositions concrètes pour l’amélioration et l’adaptation desservices départementaux concernés aux exigences communautaires”. Le début del’intervention était fixé au 1 juillet 1994 et la fin au 15 décembre suivant. Il était prévuer

une rémunération forfaitaire de 170.000 francs toutes taxes comprises (D2588/2 à 4). Il produisait également la copie du rapport correspondant, intitulé

“Incidences pour le Département de Paris de l’application des règles communautaires”(scellé 69), qu’il affirmait avoir personnellement rédigé en exécution de cette lettre decommande et avoir donné à dactylographier à Martine GARNIER et pour lequel il avaiteffectivement été payé 170.000 francs.

Il remettait enfin la copie de la lettre datée du 19 juillet 1994 (identiqueau document remis un an plus tôt par Martine GARNIER aux enquêteurs et placé sousscellé 34) dans laquelle Jacques CHIRAC confirmait à François MUSSO sa volonté de lui“confier pour le compte de la Mairie de Paris une mission d’étude auprès de l’UnionEuropéenne” et en précisait l’objet dans les termes suivants : “Je vous demandenotamment de recenser, parmi les prestations financières dispensées par la Communauté,celles dont peuvent bénéficier la Commune et le Département de Paris. Par ailleurs cettemission serait l’occasion d’étudier les incidences pour Paris des dispositions relatives audroit de vote et à l’éligibilité des ressortissants de l’Union Européenne pour les électionseuropéennes et municipales”(scellé 34 feuillet 1).

Il expliquait qu’il existait un problème propre au droit de vote desressortissants européens, la Constitution ne prévoyant pas la possibilité pour un non-citoyenfrançais de désigner les membres du Parlement et les conseillers municipaux étantégalement conseillers généraux, participant de ce fait à l’élection des sénateurs. CommeJacques CHIRAC avait voulu faire le point sur cette question, il lui avait personnellementconfié l’étude. Celle-ci avait été réalisée à titre bénévole, hors lettre de commande.

Il faisait parvenir la copie du rapport de 12 pages daté du 21 novembre1994 intitulé “Droit de vote et d’éligibilité des citoyens de l’Union aux électionseuropéennes et municipales” (D2098/4 à 15) et de la lettre adressée sur ce sujet à JacquesCHIRAC, Maire de Paris, en date du 13 octobre 1994 (D2098/16 et 17).

Les enquêteurs relevaient que François MUSSO ne figurait pas dansl’organigramme de la Ville de Paris mais apparaissait dans le “Who’s Who” où il estcependant mentionné avec la qualité de chargé de mission auprès du maire de Paris de 1994à 1995.

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Il soulignait que Martine GARNIER n’avait pas les compétences pourrédiger des notes, contrairement à ce qu’elle avait pu laisser entendre. En revanche, il étaitpossible qu’elle ait effectué des recherches pour son compte à la délégation de laCommission européenne. Il réfutait la notion de “placard en or” à laquelle MartineGARNIER avait fait référence. Les plis fermés destinés à Jacques CHIRAC évoqués parelle devaient, selon lui, correspondre aux rapports qu’il lui avait adressés. Il situait la finde la mission sur les questions européennes au début 1995 et son départ du bureau en maide cette année (D2093/6). A cette époque, il s’occupait à Ajaccio de l’association régionalede soutien à la candidature de Jacques CHIRAC dont il assurait la présidence.

Devant le magistrat instructeur, François MUSSO précisait avoir ditau maire de Paris qu’il ne suffisait pas que la mission fût rémunérée, encore fallait-il qu’ilen ait les moyens matériels. Comme Jacques CHIRAC en était d’accord, il avait reçu parla suite la lettre de commande à son domicile. Le maire lui avait indiqué à cette occasion :“Ou on t’enverra quelqu’un, ou on prendra en charge tes frais de secrétariat, mais les fraisde secrétariat reviendraient plus cher que de détacher quelqu’un” (D2587/3). Il avait doncpris l’attache de Jean-Eudes RABUT pour l’aviser qu’il allait lui envoyer MartineGARNIER qui pouvait lui être affectée.

Il admettait avoir vite compris que le bureau du boulevard Saint-Germain mis à sa disposition était implanté dans des locaux du RPR : “Je l’ai tout de suitecompris à moins d’être bêta. Il y avait une “cellule” Europe du RPR dans ces locaux”(D2587/5). Il évoquait la possibilité d’un arrangement en la matière entre le RPR et la Villede Paris.

Il tirait argument des termes de la lettre de commande (avant-dernierparagraphe de la 2 page) pour soutenir qu’il était en droit d’obtenir remboursement deème

ses frais de secrétariat. Il se rendait boulevard Saint-Germain quelques jours par mois. Il faisait

cependant remarquer que s’il avait été payé à l’heure, cela aurait coûté beaucoup plus cherà la Ville de Paris.Il avait utilisé Martine GARNIER pour taper les deux rapports, cela jusqu’à la fin 1994.Elle allait chercher aux endroits qu’il lui indiquait, les pièces qui figurent dans les enannexes. Il ne l’avait plus utilisée par la suite. Il affirmait : “Il appartenait à la Ville deParis de la réintégrer ou de la licencier. Ce n’était pas mon problème” (D2587/4). Il nela contrôlait pas au-delà de la tâche qu’il lui avait été confiée.

Il ne se souvenait pas des étiquettes auto-collantes dont avait parléMartine GARNIER. Il admettait toutefois que lorsqu’il repassait au bureau et la trouvait “désoeuvrée”, ilpouvait lui demander de dactylographier pour lui au maximum une dizaine de lettres, maisil prévenait : “Si je l’avais utilisée, elle ne se serait pas ennuyée “un quart de seconde”comme elle le déclare” (D2587/4).

Il faisait valoir que la Ville de Paris aurait pu lui donner du travail enson absence ou qu’elle-même pouvait demander du travail si elle s’ennuyait (D2587/6).

Arguant de sa bonne foi, il déclarait avoir ignoré les conditions durecrutement et de l’embauche de Martine GARNIER et soutenait qu’il n’avait rien pusoupçonner d’irrégulier dans cette affaire, tout en affirmant : “Je ne vois pas commentj’aurais pu supposer un quart de seconde qu’une collectivité locale de l’importance deParis procède à un recrutement ou à une embauche dans des conditions irrégulières”(D2587/7).

A l’audience, il déclarait : “C’était habituel que les gens chargés d’uneétude aient du personnel (...) J’estimais que ce n’était pas à moi de prendre en charge leslocaux”. Il confirmait également avoir continué à se rendre boulevard Saint-Germain aucours de l’année 1995, mais précisait que c’était “sans raison particulière” (Notesd’audience p.91).

Jugement nE 1

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Jacques CHIRAC déclarait devant le juge d’instruction avoir très bienconnu François MUSSO qui était particulièrement compétent sur les questions européennespour lesquelles il était son “conseiller bénévole”. Il estimait normal que François MUSSOait pu disposer d’une assistante. Il confirmait avoir été l’auteur de la lettre du 19 juillet1994 (scellé 34). Il qualifiait de “peut-être un peu excessif” le niveau de rémunération deMartine GARNIER au regard du travail fourni au service de François MUSSO (D3307/13et 14).

Devant les enquêteurs, Rémy CHARDON affirmait ne pas connaîtreMartine GARNIER. Il faisait remarquer que c’est son propre adjoint qui avait fait lademande de recrutement à la direction de l’administration générale. Il indiquait queFrançois MUSSO venait souvent à l’Hôtel de Ville pour des réunions avec le maire deParis et devait à cette occasion lui remettre des rapports sans passer par son intermédiaire(D2196/3 et 4).

Devant le juge d’instruction, il reconnaissait sa signature sur le contratd’engagement (D2340/9) mais déclarait avoir ignoré l’existence tant de la lettre decommande que de la lettre du 19 juillet 1994 et ne pas connaître François MUSSO aveclequel il n’avait jamais traité. C’est le chef de cabinet qui avait vocation à recruter,s’agissant ici d’un recrutement du “2 cercle”. Il assurait n’avoir reçu aucune instructionème

du maire sur cet emploi. Il n’avait aucune raison de se méfier quand le dossier lui avait étésoumis par ses services d’autant que la demande devait provenir de Jean-Pierre QUEREou du maire et qu’il s’agissait d’un véritable travail. Il savait que François MUSSO étaitun homme politique proche de Jacques CHIRAC (D2340/11). Selon lui, il appartenait àFrançois MUSSO, bien qu’extérieur à la Ville de Paris, de contrôler le travail de MartineGARNIER.

A l’audience, Rémy CHARDON maintenait ses déclarations etsoulignait notamment : “N’ayant pas eu connaissance de la fin du travail de MonsieurMUSSO, je n’ai pris aucune décision. Si je l’avais su, j’aurais mis fin à ses fonctions”.Ilmettait également l’accent sur le dédoublement du système particulier à l’administrationparisienne, entre le département et la commune, en ces termes : “Le directeur de cabinetétait directeur de cabinet d’un homme qui avait deux mandats. C’était un dédoublementfonctionnel permanent” (Notes d’audience p.96).

La défense de Jacques CHIRAC fait notamment valoir dans sesconclusions qu’il n’est pas contestable que François MUSSO ait travaillé pour la Ville etle Département de Paris, l’existence des deux rapports livrés ayant été démontrée parl’information, que le travail de Martine GARNIER consistait à assurer le secrétariat, àrechercher la documentation et à rédiger des notes, que s’il n’est pas contesté que JacquesCHIRAC ait autorisé la mise à disposition d’une assistante au profit de François MUSSO,rien n’indique qu’il ait demandé le recrutement d’une personne extérieure à la Ville deParis ou précisément Martine GARNIER, que dès lors, ni la preuve de la fictivité del’emploi, ni celle de l’intervention de Jacques CHIRAC ne sont rapportées.

La défense de Rémy CHARDON soutient que, concernant ce contrat,celui-ci n’avait aucun moyen de savoir que ce contrat se poursuivait au-delà de la missioninitialement fixée, puisqu’il ne connaissait pas Martine GARNIER, qu’il ignorait samission et n’avait été alerté par personne de cette situation. Elle ajoute que la poursuite dece contrat est en réalité imputable à une lacune du contrôle administratif et non à unevolonté délibérée guidée par un intérêt personnel.

Jugement nE 1

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Sur quoi, le Tribunal :

Attendu qu’il ressort des éléments du dossier et des débats que Martine GARNIER a étérecrutée par la mairie de Paris à l’initiative de François MUSSO ; qu’elle a été affectée àla direction du cabinet ; que son contrat a été signé le 18 août 1994 par Rémy CHARDONen qualité de directeur de cabinet du maire ; que ce contrat, à effet du 15 juillet 1994, a étérenouvelé tacitement de mois en mois jusqu’au 11 mars 1996 ; que pendant cette périodeMartine GARNIER a été rémunérée par référence à l’indice brut 579 ;

Attendu que François MUSSO a indiqué avoir personnellement orienté Martine GARNIERvers la mairie de Paris et plus particulièrement vers Jean-Eudes RABUT, chef du cabinetdu maire de Paris, en vue de l’établissement de son contrat aux fins de mise à dispositionpour les besoins d’une mission d’études confiée par Jacques CHIRAC ;

Attendu que le 18 août 1994, date de signature du contrat, François MUSSO avait déjà étésaisi depuis le 29 juin d’une lettre de commande signée du directeur général adjoint desservices du Département de Paris, Jean-Pierre QUERE ; que cette mission avait pour objetd’effectuer un “recensement des prestations financières dispensées par la Communautédont peut bénéficier le Département de Paris”, et de faire des “propositions concrètes pourl’amélioration et l’adaptation des services départementaux concernés aux exigencescommunautaires” ; que son intervention avait débuté depuis le 1 juillet 1994 ; que laer

mission ainsi confiée intéressait uniquement le Département de Paris ;

Attendu que François MUSSO a expliqué que c’est dans la perspective de cette mission queJacques CHIRAC avait donné son accord pour que lui soient affectés une secrétaire et unbureau, alors que cette mission était rémunérée à hauteur de 170.000 francs par leDépartement et qu’il résultait des termes de la lettre de commande que les frais desecrétariat restaient à sa charge ;

Attendu que le rapport intitulé “Incidence pour le département de Paris de l’applicationdes règles communautaires” rédigé par François MUSSO en exécution de cette lettre decommande a été donné à dactylographier à Martine GARNIER, rémunérée par la Ville deParis ;

Attendu que l’information a par ailleurs établi qu’entre-temps, François MUSSO a été saisi,par lettre du maire de Paris en date du 19 juillet 1994, d’une étude similaire portant sur lesprestations financières de l’Union Européenne dont pouvaient bénéficier le Département,mais également, cette fois-ci, la Commune de Paris ; qu’il lui a été demandé dans le mêmeécrit d’étudier également les incidences pour Paris des dispositions relatives au droit devote et à l’éligibilité des ressortissants de l’Union Européenne pour les électionseuropéennes et municipales ; qu’il s’agissait là d’une mission bénévole ;

Attendu qu’il est établi que la lettre en date du 13 octobre 1994, adressée sur ce derniersujet par François MUSSO à Jacques CHIRAC, maire de Paris, supportent les initiales“MG” de Martine GARNIER et “FM” de François MUSSO ; que le rapport de onze pages,dont quatre d’annexes, daté du 21 novembre 1994, intitulé “Droit de vote et d’éligibilitédes citoyens de l’Union aux élections européennes et municipales”, correspondant à cettemission assurée bénévolement par François MUSSO, a été produit par François MUSSOavec l’aide de Martine GARNIER alors que la mission confiée par le Département était encours et que Martine GARNIER travaillait à son service en étant rémunérée par la Villede Paris ; que Martine GARNIER et François MUSSO ont occupé un bureau prétendumentmis à disposition par la mairie de Paris mais en réalité loué par le RPR, ce que FrançoisMUSSO a dit avoir “vite compris”;

Jugement nE 1

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Attendu que le travail modeste de Martine GARNIER s’est pratiquement achevé le 14décembre 1994 par le dépôt de ce deuxième rapport de vingt cinq pages dactylographiées,outre les annexes ; qu’elle est cependant demeurée dans le local du boulevard Saint-Germain, François MUSSO lui confiant, à l’occasion de ses passages dans ce local,quelques travaux personnels ; que si elle a cessé tout contact professionnel avec FrançoisMUSSO en mai 1995, elle a continué de bénéficier de rémunérations de la Ville de Parisjusqu’en 1996 sans fournir de contrepartie ;

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que pour l’accomplissement des deuxmissions précitées dont l’une était commandée par le Département et l’autre confiée par lemaire de Paris, François MUSSO a été payé 170.000 francs par le Département et qu’il ade surcroît bénéficié de la mise à disposition d’un bureau, aux frais du RPR, et d’unesecrétaire rémunérée par la mairie de Paris ; qu’il n’est nullement démontré que la frappeen l’espace de quatre mois, de deux rapports totalisant une quarantaine de pages, justifientle paiement d’une rémunération mensuelle nette de 11.000 francs ; qu’il est encore moinsétabli que le maintien de ce contrat à compter de décembre 1994, après achèvement desmissions confiées à François MUSSO, ait répondu à une quelconque nécessité du point devue de la Ville de Paris ;

Attendu qu’il a été en revanche démontré que, jusqu’en mai 1995, Martine GARNIER,comparant la situation de François MUSSO à un “placard en or” et son propre rôle à celuid’une “potiche”, a occupé une partie de son temps à effectuer de menus travaux desecrétariat dans l’intérêt de François MUSSO ; qu’il apparaît que l’un des objectifs de cecontrat de chargé de mission aux contours mal définis était de permettre à FrançoisMUSSO d’échapper au paiement des frais inhérents à des missions commandées parJacques CHIRAC ;

Attendu qu’il ressort du dossier et des débats que Jacques CHIRAC a donné son accord àl’affectation d’une secrétaire au service de François MUSSO ; qu’étant lui-même présidentdu Conseil général, il connaissait l’existence de la mission confiée à François MUSSO parle Département de Paris, mission complétée par celle concernant la matière électorale et lesélus de la Ville de Paris ; qu’il était également au fait de l’utilisation d’un bureau dépendantdu RPR pour les besoins de cette mission ; qu’il s’est, dans un deuxième temps, abstenude toute intervention ou instruction en vue de mettre fin à ce contrat dont il connaissait lemode de renouvellement de mois en mois par tacite reconduction ; qu’il a ainsi maintenules versements de rémunérations au bénéfice de Martine GARNIER au mépris des intérêtsde la Ville de Paris ;

Attendu qu’en faisant ainsi engager et rémunérer Martine GARNIER par la Ville de Parisà compter d’août 1994, Jacques CHIRAC a sciemment, jusqu’au 16 mai 1995, en sa qualitéde maire de Paris, dépositaire de l’autorité publique, détourné des fonds publics aupréjudice de la Ville de Paris ; que les éléments, tant matériel qu’intentionnel, constitutifsde l’infraction de détournement de fonds publics étant réunis à l’encontre de JacquesCHIRAC, celui-ci sera déclaré coupable de ce chef dans les limites de temps qui viennentd’être rappelées et renvoyé des fins de la poursuite pour le surplus ;

Attendu que l’information n’a pas permis d’établir avec certitude que Rémy CHARDONait connu la mission confiée à François MUSSO par le Département et les conditionsfinancières qui l’accompagnaient, ni la mission confiée par le maire de Paris le 19 juillet1994, ni même l’affectation de cet élu ainsi que celle de Martine GARNIER dans leslocaux du RPR ; qu’il n’est pas davantage démontré que Rémy CHARDON fût informé dudéroulement effectif de la mission de Martine GARNIER ; qu’il convient, faute de pouvoircaractériser l’élément intentionnel du délit de complicité de détournement de fonds publicsà l’encontre de Rémy CHARDON, de le relaxer de ce chef ;

Jugement nE 1

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Attendu que François MUSSO connaissait les circonstances qui ont présidé au recrutementde Michelle GARNIER, autorisé par Jacques CHIRAC ; qu’il a bénéficié de la prise encharge de ses frais de secrétariat depuis le mois d’août 1994 jusqu’au mois de mai 1995 parla Ville de Paris alors que le Département le rémunérait ; qu’il s’est abstenu, en parfaiteconnaissance de cause, de toute intervention qui aurait permis de mettre un terme àl’emploi de Martine GARNIER et par conséquent à l’appauvrissement de la collectivitéterritoriale dont il était l’ultime bénéficiaire ; qu’en agissant ainsi, François MUSSO asciemment bénéficier du produit des détournements de fonds publics commis par JacquesCHIRAC, dans la limite d’une somme de 29.221 euros, et s’est rendu coupable du délit derecel ;

2 - Sur les délits d’ingérence et de prise illégale d’intérêts reprochés à JacquesCHIRAC

a) sur l’application des règles de prescription :

La défense de Jacques CHIRAC soutient que les faits antérieurs au 26octobre 1992 sont prescrits ce qui inclurait le recrutement de Nourdine CHERKAOUI le1 mai 1991, Jérôme GRAND d’ESNON le 1 juin 1991, Philippe MARTEL à compterer er

du 1 janvier 1991, Patrick STEFANINI à compter du 1 janvier 1991, André ROUGÉ àer er

compter du 11 février 1992, et Madeleine FARARD depuis 1984 et cela jusqu’au 26octobre 1992.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu qu'il convient d'observer à titre liminaire que, si le juge d’instruction ne s’est pasprononcé de façon explicite sur le point de droit relatif à la prescription de l’actionpublique concernant les faits de prise illégale d’intérêts, cette question a déjà été abordéetant par le procureur de la République de Nanterre dans le réquisitoire définitif du 5 mai2003 (D3011/57), que le magistrat instructeur dans l’ordonnance de règlement du16 maisuivant comprenant un non lieu partiel sur ce fondement du chef de prise illégale d’intérêtsau bénéfice notamment d’Alain JUPPÉ pour les faits relatifs aux emplois qui avaient cesséavant le 26 octobre 1992 (D3012 p.11 et 22 - Dossier Nanterre) ;

Attendu que le ministère public dans son réquisitoire définitif du 4 octobre 2010 a fait unbref rappel des termes de la décision de la Cour d’appel de Versailles en date du 1er

décembre 2004 (D3231 p.4 - Dossier Nanterre) qui avait répondu aux conclusions de ladéfense d’Alain JUPPÉ sur cette question ; qu’avant de requérir un non lieu total, cemagistrat a également précisé que “les faits susceptibles d’être reprochés à JacquesCHIRAC s’étendent d’octobre 1990 (début de l’emploi de Farida CHERKAOUI) au débutdu mois de novembre 1994” ; que le juge d’instruction a rendu son ordonnance sans avoirà répondre à quelque argument soulevé par la défense sur ce point dans le cadre desdispositions de l’article 175 du code de procédure pénale ;

Attendu qu’aux termes de l’ordonnance de règlement qui saisit le tribunal, il est reprochéà Jacques CHIRAC d’avoir, de septembre 1990 au 4 novembre 1994, alors qu’il avait lacharge et la responsabilité de contrôler la préparation du budget et d’ordonner les dépenses,notamment les dépenses afférentes aux employés de la ville, présenté lors du vote desbudgets annuels de la Ville de Paris une masse salariale comprenant les dépenses afférentesà Patrick STEFANINI, Philippe MARTEL, Jérôme GRAND d’ESNON, André ROUGÉ,Nourdine CHERKAOUI, Farida CHERKAOUI et Madeleine FARARD qu’il savait êtreen réalité mis à disposition du RPR dont il était président ;

Jugement nE 1

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Attendu que les faits dont le juge d’instruction de Nanterre a été saisi par réquisitoiresupplétif en date du 17 avril 1998 sous la qualification de prise illégale d’intérêts, relatifspour l’essentiel à l’emploi par le RPR de salariés recrutés et rémunérés par la seule mairiede Paris, sont apparus à l’occasion de la poursuite des investigations relatives aux faitsdénoncés à l’origine par Jean-Paul MORAT au juge d’instruction de Créteil et ayant donnélieu à une enquête initiée par le procureur de la République de Nanterre puis à l’ouvertured’une information du chef notamment d’abus de biens sociaux, complicité et recel de cesdélits, concernant l’emploi par le RPR d’autres salariés, cette fois rémunérés par dessociétés commerciales ;

Attendu que l’information a permis d’établir que l’ensemble des délits de prise illégaled’intérêts et d’abus de biens sociaux présentaient des rapports étroits, analogues à ceux quela loi a spécialement prévus à l’article 203 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu’il s’en déduit que, par l’effet de la connexité, le premier acte interruptif deprescription relatif aux délits d’abus de biens sociaux, constitué par le soit-transmis duprocureur de Nanterre en date du 26 octobre 1995 confiant l’enquête préliminaire auxservices de police, interrompt également la prescription à l’égard des délits de prise illégaled’intérêts ;

Attendu que si les délits sont prescrits après trois ans révolus à compter du jour où ils ontété commis, le délit d’ingérence prévu par l’article 175 de l’ancien code pénal, devenu priseillégale d’intérêts dans le nouveau code, se prescrit à compter du dernier acte administratifaccompli par l’agent public par lequel il prend, reçoit, directement ou indirectement unintérêt dans une opération dont il a l’administration ou la surveillance ;

Attendu qu’en l’espèce, les délits d’ingérence et de prise illégale d’intérêts reprochés àJacques CHIRAC sont susceptibles d’avoir été consommés lors de chaque présentation auvote du Conseil de Paris du budget incluant les dépenses inhérentes aux emplois litigieux;qu’il s’ensuit que le point de départ du délai de prescription pour chacun des emplois doitêtre reporté à la date de présentation du dernier budget inclus dans les poursuites, soit à lafin 1993 pour les dépenses relatives aux emplois de Patrick STEFANINI, PhilippeMARTEL, Nourdine CHERKAOUI, Farida CHERKAOUI, André ROUGÉ, et MadeleineFARARD, la période d’emploi visée aux poursuites s’achevant le 4 novembre 1994 par ladémission de Jacques CHIRAC de son mandat de maire de Paris, et à la fin 1992, en touscas postérieurement au 26 octobre 1992, pour l’emploi de Jérôme GRAND d’ESNON, lapériode d’emploi visée aux poursuites qui le concerne expirant le 31 décembre 1993 ;

Attendu que dès lors la situation délictueuse constitutive du délit de prise illégale d’intérêts,résultant de la préparation, du vote et du contrôle des budgets ayant permisl’ordonnancement des dépenses de la Ville de Paris au titre des salaires litigieux versés àchacun des sept salariés visés dans la prévention, a cessé moins de 3 ans avant le premieracte interruptif de prescription daté du 26 octobre 1995 ;

qu’il s’ensuit que les conclusions de la défense de Jacques CHIRAC tendant à voirconstater la prescription des faits antérieurs au 26 octobre 1992 seront rejetées ;

b) Sur la constitution des délits

Dans leurs conclusions en défense, les conseils de Jacques CHIRACsoutiennent que le magistrat instructeur ne qualifie en rien et à aucun moment dans sonordonnance de règlement l’élément moral de l’infraction d’ingérence devenue prise illégaled’intérêts à l’égard de Jacques CHIRAC alors que ce délit suppose en l'espèce que soitétabli qu'il ait eu une connaissance précise et concrète de ce que les intéressés travaillaientpour le RPR et non pour la mairie de Paris et qu’ils étaient rémunérés par la mairie de Paris

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et non par le RPR ; que le délit ne saurait être caractérisé faute pour Jacques CHIRACd’avoir eu connaissance de la situation d’emploi de chacun des agents ou chargés demission concernés ; que si Robert GALLEY, trésorier du RPR, et Yves CABANA,directeur de cabinet du secrétaire général du RPR, ne pouvaient connaître l’employeur dechacune des personnes présentes au siège du parti, il ne peut qu’en être de même pour leprésident ; que celui-ci avait nommé au RPR des gens compétents et déterminés assumantl’application des lois de 1988 et 1990 ; que l’activité de Jacques CHIRAC au RPR étaitstrictement politique et que, de son propre aveu, il ne portait pas d’attention particulière aufonctionnement interne de son parti, ce que confirment les déclarations d’Alain JUPPÉ,Yves CABANA, Robert GALLEY, Jacques BOYON et Patrick STEFANINI ; qu’EricWOERTH, recruté à compter de juin 1993 comme nouveau directeur administratif etfinancier, ne s’est pas ouvert auprès de Jacques CHIRAC de ses constatations relatives auxpermanents rémunérés par des entreprises extérieures mais en avait fait part au secrétairegénéral et à son directeur de cabinet ainsi qu’au trésorier ; qu’enfin, il n’y a pas de logiqueà admettre que Jacques CHIRAC ne pouvait pas savoir que certains permanents du RPRn’étaient pas rémunérés par le parti, lorsqu’ils étaient payés par des entreprises privées, etsoutenir à l’inverse qu’il aurait su que d’autres permanents n’étaient pas rémunérés par leRPR lorsqu’ils étaient rétribués par la Ville de Paris.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu qu’il est reproché à Jacques CHIRAC d’avoir, de septembre 1990 au 4 novembre1994, en sa qualité de maire de Paris, pris ou reçu directement ou indirectement un intérêtdans une opération, en l’espèce alors qu’il avait la charge et la responsabilité de contrôlerla préparation du budget et d’ordonner les dépenses, notamment les dépenses afférentes auxemployés de la ville, présenté lors du vote des budgets annuels de la Ville de Paris unemasse salariale comprenant les dépenses afférentes aux sept emplois suivants :

- Nourdine CHERKAOUI, du 1 mai 1991 au 4 novembre 1994,er

- Farida CHERKAOUI, du 1 novembre 1992 au 4 novembre 1994,er

- Jérôme de GRAND d’ESNON, du 1 juin 1991 au 31 décembre 1993, er

- Philippe MARTEL, du 1 janvier 1991 au 4 novembre 1994,er

- Patrick STEFANINI, du 15 janvier 1991 au 4 novembre 1994,- André ROUGÉ, du 1 février 1992 au 4 novembre 1994,er

- Madeleine FARARD, de 1992 au 4 novembre 1994,sachant que ces personnes étaient mises à la disposition du RPR dont il était président ;

Attendu qu’aux termes de l’article 175 de l’ancien code pénal en vigueur jusqu’au 1 marser

1994 et de l’article 432-12 du Code pénal, le délit d’ingérence devenu prise illégaled’intérêts requiert la réunion de deux conditions préalables : l’une ayant trait à la qualitéde son auteur et l’autre à ses prérogatives dans la surveillance, l’administration, laliquidation ou le paiement de l’opération concernée par la prise d’intérêts ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que pendant la période de prévention, soit de septembre1990 au 4 novembre 1994, Jacques CHIRAC exerçait le mandat électif de maire de Paris ;que Jacques CHIRAC avait, à raison de sa qualité, la charge et la responsabilité decontrôler la préparation du budget et d’ordonnancer les dépenses afférentes aux emploiscommunaux ;

que les faits visés aux poursuites s’inscrivent dans l’exercice de ces prérogatives en ce qu’ilconsiste à avoir, sciemment, préparé et présenté au vote du Conseil de Paris les budgetsincluant la prise en charge par la Ville de Paris des dépenses de salaires de personnelstravaillant en réalité au RPR, parti dont il était président et auquel ces dépenses devaientnormalement incomber ;

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qu’en prenant à sa charge les rémunérations des sept personnes mentionnées dans laprévention, la Ville de Paris a consenti une aide financière au parti du maire, à une époqueoù cette organisation était confrontée à difficultés de financement ;

Attendu que la faiblesse relative du nombre de contrats concernés, au regard de la massedes effectifs du personnel de la Ville de Paris, et singulièrement des agents contractuelsoeuvrant au sein des diverses directions techniques et administratives de la ville, et ladisproportion réelle entre le montant des rémunérations qui en ont découlé et le montant,très élevé, du budget communal, ne sauraient exonérer le maire de Paris de son obligationde se prémunir de tout risque d’abus dans l’exercice de ses pouvoirs liés au recrutement dupersonnel municipal compte tenu, notamment, des connexions multiples existant entre lamairie de Paris et le parti qu’il a présidé ;

Attendu que s’il ressort des auditions recueillies au cours de l’information auprès dupersonnel et des cadres du RPR, notamment de son secrétaire général, Alain JUPPÉ, de sesdirecteurs de cabinet successifs, Yves CABANA et Patrick STEFANINI, et des trésoriers,Robert GALLEY et Jacques BOYON, que Jacques CHIRAC se désintéressait dufonctionnement interne du parti, l’expression d’un tel désintérêt auprès de ces personnes,ne saurait masquer la connaissance que celui-ci avait des difficultés financières rencontréespar cette organisation ;

qu’à ce sujet Robert GALLEY a déclaré devant le juge d’instruction qu’il avait reçu en1984 de Jacques CHIRAC la mission “d’assurer le financement du RPR et de l’actionpolitique suivant les valeurs du gaullisme”, qu’ils maîtrisaient ensemble “l’affaire de laSociété de Développement et de Publicité” destinée à recueillir des fonds, que JacquesCHIRAC lui avait “fait part de la misère financière du mouvement qui nécessitait degrands efforts et de l’imagination pour arriver à collecter des fonds nécessaires” (D753)et avait manifesté des inquiétudes sur le financement de la campagne législative de 1986,que les difficultés financières s’étaient accrues après l’échec aux présidentielles de 1988et qu’en juillet 1989, “Jacques CHIRAC [lui] avait expliqué que devant les difficultésfinancières du mouvement il était souhaitable [qu'il] reste au poste de trésorier, [il a] doncconservé ces fonctions jusqu’en février 1990” (D753) ; qu’il s’ensuit que Jacques CHIRACdevait se soucier de l'impact financier des modes de gestion de son parti, impliquant lerecours à des “expédients”, reconnus par Alain JUPPÉ devant la Cour d’appel deVersailles, se référant aux informations contenues dans le rapport de la commissiond’enquête parlementaire présidée en 1991 par Pierre MAZEAUD (D3150/4) ;

que ces pratiques étaient d’autant plus significatives qu’au cours des années 1990 à 1995,le parti a fait face à de multiples échéances électorales générant des besoins de trésorerieque le financement public, nouvellement instauré par la loi n°88-227 du 11 mars 1988, acontribué à satisfaire à compter de 1993 ; qu’Alain JUPPÉ avait stigmatisé l’amateurismequi caractérisait le parti à l’époque (D3150/5) et mentionné la “considérable mutation”engagée depuis 1988 en matière de recrutement de personnel, privilégiant les collaborateurspermanents aux occasionnels, à l’origine très nombreux (D2529) ;

Attendu que Jacques CHIRAC avait été personnellement sensibilisé à la question dufinancement des partis politiques, que c’est à l’initiative de son gouvernement qu’a étévotée la première loi en la matière en 1988, dont on peut penser qu’il s’est attaché à vérifierl’application au sein de sa propre organisation ; qu’Yves CABANA, faisant référence aufait qu’il existait auparavant, dans tous les partis, des pratiques de financement devenuesillégales par l’effet de cette loi (D3079), a déclaré à la barre du tribunal de Nanterre : “Toutle monde savait que cette situation existait. Qui aurait pu croire que la loi sur lefinancement allait mettre fin à cette situation ; qui aurait pu imaginer que le vote d’une loiallait régler le problème d’un coup de baguette magique!” (D3161/55) ;

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Attendu qu’Alain JUPPÉ, qui avait été nommé secrétaire général en 1988 “pour remettrele RPR en ordre de bataille pour les échéances électorales qui étaient en perspective”, aprécisé “qu’il allait de soi qu’il avait en charge de veiller à l’application des lois” et ques’il n’avait eu “ni discussion ni instruction explicite” à ce sujet de la part de JacquesCHIRAC, le bureau politique que ce dernier présidait avait donné des instructions généralespour se mettre en conformité avec les lois votées en cette matière, mais qu'aucun suivin’avait été mis en place (D3089) ; qu’il a reconnu devant la Cour d’appel de Versaillesavoir lui-même donné des instructions de régularisation dès 1988 (D3150/4) ; que force estde constater que la régularisation qui est intervenue au sein du RPR n’a visé que les salariésd’entreprises privées et n’a pas concerné les salariés de la Ville de Paris dont la situationa perduré pendant de longues années, et dont certains n'ont d’ailleurs été recrutés qu'aucours des années 1990-1992 alors même que la loi de 1990 interdisait tout don aux partispolitiques de la part des personnes morales de droit public, ce que Jacques CHIRAC nepouvait également ignorer ;

Attendu que le fait que Jacques CHIRAC n’ait pas été informé par le nouveau directeuradministratif et financier, Eric WOERTH, recruté en juin 1993, des constatations que celui-ci avait faites au sujet des permanents rémunérés par des entreprises extérieures est iciindifférent dans la mesure où il en avait, de son propre aveu, fait part au secrétaire généralet à son directeur de cabinet ainsi qu’au trésorier dont il pouvait penser qu’ils allaient faireremonter l’information au président ; que Louise-Yvonne CASETTA, l’intendante du parti,a toutefois indiqué à l’audience du tribunal de Nanterre qu’elle ne se souvenait pas avoirreçu d’instructions du président (D3160/39) ; que ’elle a également déclaré au sujet desemplois par les entreprises privées : “Je ne sais pas pourquoi les emplois étaient cachés.Il faut demander aux politiques” (D3160/41) ;

Attendu qu'au sein de la mairie de Paris, les délégations consenties aux adjoints au maire,singulièrement à l’adjoint aux finances chargé de préparer le budget ne privent nullementle maire de ses pouvoirs ; qu’il présidait lui-même les réunions d’arbitrages préalables auvotes des budgets ; Attendu qu’il convient enfin d’observer que si le juge d’instruction n’a pas mis en examenJacques CHIRAC de complicité et recel d’abus de biens sociaux alors q’il demeurait saiside ces chefs et a été conduit à rendre un non-lieu “contre quiconque” à seule fin de vidersa saisine, cette prise de position du magistrat instructeur s’est inscrite dans la continuitédu non-lieu dont avait précédemment bénéficié notamment Alain JUPPÉ aux termes del’ordonnance de règlement partiel du 16 mai 2003 au motif “qu’aucun élément matériel,aucun témoignage ne [venaient] établir que la direction du RPR sur la période concernée,en l’espèce le secrétaire général M JUPPÉ et ses directeurs de cabinet successifsMessieurs CABANA et STEFANINI, aient personnellement connaissance de la véritablesituation salariale des permanents rémunérés par des entreprises privées, presque tousemployés à des fonctions subalternes” (D3113 p.18 et 19) ;

Attendu qu’une telle décision n’est nullement incompatible avec les poursuites engagéesdu chef de prise illégale d’intérêts contre Jacques CHIRAC, président du RPR, à l’instarde son secrétaire général de l’époque, Alain JUPPÉ aux termes de l’ordonnance de 2003,dans la mesure où il s'agit ici d'emplois rémunérés par la ville de Paris dont JacquesCHIRAC était maire ;

Attendu que si Robert GALLEY, trésorier du parti jusqu'en février 1990, avait pour sa partbien remarqué : “Par ailleurs les postes de responsabilité ont été occupés par des genscomme Bernard PONS, Alain JUPPÉ, Jacques TOUBON, Camille CABANA... tous de laVille de Paris. Je vivais au milieu d’un monde qui était celui de la Ville de Paris et je neme suis pas rendu compte de ce qui se passait”(D3085), il apparaît que cette situation s'estmaintenue voire renforcée par la suite ;

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Attendu qu’il appartient au tribunal de prendre en compte ce contexte politique afind’apprécier la connaissance que pouvait avoir le maire de Paris de la situation particulièrede la personne utilisée par son parti ; que la question qu’il doit se poser est de savoir si,dans un tel contexte, Jacques CHIRAC avait personnellement connaissance de la situationsalariale des collaborateurs rémunérés par la Ville de Paris, compte tenu notamment de leurdegré de responsabilité au sein du parti et au regard de leurs attributions réelles au sein dela ville de Paris, la Cour d’appel de Versailles ayant, à cette même question, apporté dansson arrêt du 1 décembre 2004 une réponse positive à l’égard d’Alain JUPPÉ ; qu’iler

convient en conséquence d’examiner successivement chacun des emplois concernés ;

¤ L’emploi de Philippe MARTEL par la mairie de Paris en qualitéd’inspecteur

Le 25 mai 1990, Alain JUPPÉ a fait parvenir au maire de Paris une noted’intervention dans l’intérêt de Philippe MARTEL, administrateur de 1 classe de laère

commune de Paris de retour d'une mobilité effectuée en qualité de directeur du palais desfestivals et des congrès de Cannes, afin que celui-ci ne soit pas pénalisé par rapport à laplupart des membres de sa promotion devant réaliser leur avancement le 1 juin suivant,er

et envisageant sa nomination comme sous-directeur ou à défaut au grade d’inspecteur dela Ville de Paris.

Le 28 mai suivant, Alain JUPPÉ a par ailleurs adressé une note àBernard MONGINET, directeur de l’administration générale à la mairie de Paris, attirantson attention sur la situation de Philippe MARTEL et sur la possibilité de le nommer sous-directeur à la direction des relations internationales ou, en cas de difficulté, de le nommerdans le grade d’inspecteur de la Ville de Paris.

C'est par arrêté du maire de Paris en date du 23 juillet 1990 quePhilippe MARTEL a été affecté à compter du 1 août à la direction de l’Inspectioner

Générale de la Ville de Paris et détaché dans l’emploi d’inspecteur de la ville.En mars 1993, il a été nommé chef de cabinet du ministre des Affaires

Etrangères, Alain JUPPÉ, et ce jusqu’en octobre 1994. A compter du 1 novembre 1994, Philippe MARTEL a été détachéer

dans l’emploi de directeur de la commune de Paris et chargé de l’inspection généralejusqu’au 1 février 1996, puis chargé de la direction des relations internationales. er

Il a demandé sa mise en disponibilité à la mi-novembre 1996 pourconvenances personnelles, aux fins d’occuper les fonctions de conseiller auprès d’AlainJUPPÉ, président du RPR et cela jusqu’à la fin septembre 1997.

Par arrêté du 20 novembre 1997, Philippe MARTEL a été réintégrédans le corps des administrateurs de la ville et, le 2 décembre suivant, placé en position dedétachement auprès du ministre des Affaires Etrangères et rémunéré par ce dernier (scellén°68).

Entendu par les enquêteurs, Philippe MARTEL indiquait qu’il avaittoujours été rémunéré par la Ville de Paris, sauf au cours de son détachement en tant quedirecteur général du palais des festivals et des congrès de Cannes de mars 1987 jusqu’enmars 1989, et de sa mise en disponibilité de conseiller du Président entre la mi-novembre1996 et la fin septembre 1997 (D1654 à 1656).

Alain JUPPÉ confirmait être intervenu pour garantir à PhilippeMARTEL, qui avait été son collaborateur au bureau comptabilité et contrôle de gestion àla direction des finances de la Ville de Paris, que sa mobilité qui s’était achevéebrutalement ne lui porte pas préjudice. Philippe MARTEL lui avait demandé, à son retourde Cannes, une affectation à son cabinet aux finances. Il avait été nommé à l'inspectiongénérale tout à la fois pour suivre les relations internationales et pour assurer la liaison avecle cabinet de l’adjoint aux finances. Il participait à la gestion de l’emploi du temps d’AlainJUPPÉ. Il dépouillait les rapports de l’inspection avec Jean PISTIAUX et effectuait un

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travail de liaison (D2532).Si Philippe MARTEL oeuvrait au RPR, c’était, selon Alain JUPPÉ,

dans le cadre d’activités bénévoles, en dehors de son travail à la mairie de Paris.

Rémy CHARDON précisait que Philippe MARTEL avait été nomméinspecteur un peu avant son arrivée à la tête de l’inspection générale. Ayant souhaitétravailler avec Alain JUPPÉ, il avait été placé d’un commun accord pour assurer la liaisonentre le cabinet et l’adjoint aux finances, la direction des finances de la Ville et l’InspectionGénérale. Philippe MARTEL n’avait pas de bureau à l’inspection comme beaucoupd’autres inspecteurs mais disposait d’un bureau à l’Hôtel de Ville auprès de l’adjoint auxfinances. Il le voyait dans son rôle d’interface entre ces divers services (D2524).

Entendue comme témoin, Catherine CHAUVIN déclarait qu’elle avaitparticipé jusqu’à fin 1990 au pool de secrétaires qui était à la disposition des chargés demission à la mairie de Paris comme Philippe MARTEL et Yves CABANA qui venaientpréparer les discours de Jacques CHIRAC et d’Alain JUPPÉ, respectivement président etsecrétaire général du RPR (D2611). Elle ajoutait qu’à partir de 1991 et jusqu’en mars 1993,Philippe MARTEL avait été le chef de cabinet d’Alain JUPPÉ. Il s’agissait d’un emploipermanent. Philippe MARTEL avait un bureau au 4 étage et disposait d’une secrétaireème

attitrée (D2612). Elle-même avait été rémunérée par le Conseil général des Hauts-de-

Seine depuis son recrutement en février 1989 jusqu’au 30 septembre 1993. Elle avait assuréle secrétariat d’Yves CABANA qu’elle a suivi lors de son départ après les législatives de1993 pour le poste de directeur de cabinet du ministre de l’Outre-mer, DominiquePERBEN. De même, Christine MANCONI confirmait les fonctions de chef decabinet de Philippe MARTEL, s’agissant selon elle d’activités à temps plein. Elle décrivaitson rôle comme celui d’un “super-secrétaire” (D2404).

Selon sa collègue Catherine CHARIE épouse BURCKEL, le travail dePhilippe MARTEL, qui était arrivé rue de Lille peu après Alain JUPPÉ, consistait à gérerl’agenda, organiser les déplacements, assurer le courrier du secrétaire général (D1642).

Devant le tribunal de Nanterre, Alain JUPPÉ maintenait que PhilippeMARTEL n’avait pas été employé à temps plein au RPR, même s’il pouvait être considérécomme un permanent, qu’à la mairie de Paris, celui-ci avait assuré un suivi des rapports del’inspection et participé aux réunions avec l’inspection générale, et que ses notes écritesn’avaient pas été archivées. Devant la cour d’appel de Versailles, il admettait que PhilippeMARTEL, inspecteur de la Ville de Paris, avait été affecté en réalité à son cabinet d’adjointau maire où il accomplissait un travail de liaison entre la direction des finances et desaffaires économiques et l’inspection générale.

La défense de Jacques CHIRAC fait valoir que celui-ci ne pouvaitconnaître les réelles intentions d’Alain JUPPÉ concernant l’emploi de Philippe MARTELpromu à l’inspection, dont celui-ci avait, selon la cour d’appel de Versailles, organisé lerecrutement, et employé en réalité comme chef de cabinet du secrétaire général du RPR.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que la Cour d’appel de Versailles a retenu “que les fonctions de Philippe MARTELà la Ville de Paris décrites par Alain JUPPÉ et confirmées par trois témoignages n’ontlaissé aucune trace écrite, que, questionnée par la Chambre régionale des Comptesd’Ile-de-France, la Ville de Paris n’a pas été en mesure de fournir une quelconque preuve deservice fait concernant Philippe MARTEL ; qu’il ne figurait pas dans les annuaires de laville de 1993 ; que le travail d’interface entre l’inspection et la direction des finances, endehors de la participation à quelques réunions, n’avait donc eu aucune réalité concrète” ;

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Attendu que dans son jugement de déclaration provisoire de gérant de fait en date du 22mars 1999, la Chambre régionale des Comptesd’Ile-de-France a pu constater que le nomde Philippe MARTEL ne figurait pas dans l’annuaire de la ville notamment pour 1990, nisur la liste des membres de l’inspection générale publiée dans les annuaires de la Ville ouau Bottin des communes pour les années 1991 à 1993, qu’il n’existait aucune trace desrapports de l’inspection sous sa signature et que la ville s’était montrée dans l’incapacitéde fournir une quelconque preuve de service fait par Philippe MARTEL pour le compte dela collectivité ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et des débats que Jacques CHIRAC avaitconnaissance de l’emploi par la Ville de Paris de Philippe MARTEL ; qu’en effet, AlainJUPPÉ avait pris le soin d’adresser une note au maire de Paris aux fins d’intervention desa part afin que celui-ci “ne soit pas pénalisé” par les circonstances liées à la fin brutale deson détachement à Cannes ; qu’en marge de cette note figure une mention manuscriteportée de la main de Jacques CHIRAC ainsi libellée : “ Il faut que cet excellent garçon nesoit pas pénalisé. Merci”, destinée à Michel ROUSSIN et Bernard MONGINET,respectivement directeur de cabinet et directeur de l’administration générale ; que cettemention doit s’analyser comme une instruction donnée aux autorités compétentes enmatière d’affectation au sein de la direction de cabinet et de gestion des personnels deréserver à l’intervention d’Alain JUPPÉ la suite favorable qu’elle méritait, eu égard auxqualités de l’intéressé confirmées par l’auteur de l’instruction ; que c’est par arrêté du 3juillet suivant que Philippe MARTEL, qui depuis la fin de sa mobilité en avril 1989, avaitété réintégré à la direction des relations internationales, s’est vu affecté à l’inspectiongénérale de la Ville de Paris ; qu’à cette même époque, ainsi que cela ressort desdéclarations de Catherine CHAUVIN, employée depuis 1989 comme secrétaire au RPR,Philippe MARTEL venait de la mairie de Paris, comme Yves CABANA, jusqu’à la fin1990 “préparer les discours de M CHIRAC et de M JUPPÉ respectivement président etsecrétaire général du RPR” (D2611) ; qu’à compter de 1991, Philippe MARTEL a éténommé, à l’initiative d’Alain JUPPÉ, aux fonctions de chef de cabinet du secrétairegénéral ; que de surcroît, Philippe MARTEL a précisé avoir été membre du conseilnational du RPR entre 1990 et 1997, et secrétaire national auprès du secrétariat général duRPR entre 1994 et 1997 ;

Attendu qu’il résulte suffisamment de l’ensemble de ces éléments la preuve de laconnaissance par Jacques CHIRAC du fait que du 1 janvier 1991 au 31 mars 1993er

Philippe MARTEL consacrait l’essentiel de son activité au RPR, alors que celui-ci étaitexclusivement rémunéré par la Ville de Paris ;

Attendu que dans sa décision du 22 mars 1999, la Chambre régionale des Comptes d’Ile-de-France a relevé que le comptable de la commune de Paris a payé le traitement mensuelet les charges afférentes concernant Philippe MARTEL du 1 avril 1989 au 31 octobreer

1994 sur le fondement de mandats de paiement et de pièces justificatives que lui adressaitou tenait à sa disposition le maire de la commune et que ces pièces n’ont jamais mentionnél’emploi réellement occupé par l’intéressé et dissimulaient l’affectation véritable de cetagent, que l’objet effectif des fonctions occupées par cet agent s’était trouvé de la sorteocculté par des énonciations faisant échec au contrôle du comptable public ; que la chambrea également rappelé que Rémy CHARDON , en sa qualité de directeur de l’inspectiongénérale de la Ville du 1 octobre 1990 au 31 mars 1993, était le supérieur hiérarchiqueer

direct de Philippe MARTEL et ne pouvait ignorer que celui-ci n’effectuait aucune tâchepour le service qu’il dirigeait et l’a néanmoins noté en formulant comme appréciation le7 octobre 1991 : “Monsieur MARTEL s’est parfaitement intégré à l’inspection générale eta rempli avec talent les missions qui lui sont confiées” et, le 18 décembre 1992 : “Excellentfonctionnaire , dont l’activité donne la plus entière satisfaction”, alors même "qu’en tantque directeur de l’inspecteur générale, il devait, plus que tout autre, veiller à la régularitéde la gestion communale, à commencer par ce qui concernait son propre service" ;

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Attendu que si, dans son jugement du 8 novembre 2005, cette même juridiction a dit n’yavoir lieu à déclaration de gestion de fait, c’est au seul motif qu’en exécution du protocoleconclu le 19 avril 2005, l’UMP avait versé à la Ville de Paris qui lui en a délivré quittanceune somme de 899.618,64 euros, que sur ce montant environ 645.000 euroscorrespondaient aux salaires perçus notamment par Philippe MARTEL, alors que lemontant total de l’extraction irrégulière s’élevait à 700.000 euros, que la Ville de Pariss’était déclarée remplie de ses droits et que dans ces conditions, si cette transactionn’interrompait pas la procédure, compte tenu l’importance des reversements effectués, ladéclaration de gestion de fait ne présentait plus d’intérêt pratique ;

Attendu qu’il est établi que Jacques CHIRAC, maire de Paris et président du RPR, enprésentant lors du vote des budgets annuels une masse salariale comprenant le postebudgétaire de Philippe MARTEL, ce qui allait permettre le paiement mensuel de son salaired’inspecteur de la Ville de Paris du 1 janvier 1991 au 31 mars 1993, alors qu’il savait queer

celui-ci travaillait en réalité pour le RPR qui aurait dû prendre en charge sa rémunération,a pris un intérêt dans une opération dont il avait la surveillance ; qu’il s’est ainsi renducoupable du délit d’ingérence devenue prise illégale d’intérêts ;

¤ L’emploi de Patrick STEFANINI par la mairie de Paris en qualitéd’inspecteur

Patrick STEFANINI, administrateur civil hors classe au ministère del’Intérieur, a été nommé inspecteur de la Ville de Paris par arrêté du 21 décembre 1990 àcompter du 1 janvier 1991 et affecté à l’inspection générale de la Ville de Paris, étanter

détaché à compter de cette même date par arrêté interministériel du 12 juillet 1991, pourune durée maximale de cinq ans. Il avait obtenu l’accord préalable de Rémy CHARDON,nouvellement nommé inspecteur général le 1 janvier 1991, auquel il avait fait part de soner

souhait de trouver un détachement.Il a été nommé chargé de mission puis directeur de cabinet du secrétaire

général du RPR en avril 1992. Il a été mis fin à ses fonctions d’inspecteur par arrêté dumaire de Paris du 11 janvier 1995.

Auprès du juge d’instruction, qui lui indiquait, lors de sa premièreaudition (D2596), qu’aucune trace de son activité à la mairie de Paris n’avait été retrouvée,il s'attachait à décrire les différentes facettes de cette activité qui comprenait :- le conseil du maire en matière de relations avec les élus sous la forme de notes ou defiches brèves établies en vue de la rencontre avec des élus,- la participation régulière à des réunions présidées par le maire ou le directeur de cabinetdébouchant sur des audiences accordées à des élus,- la rédaction et la relecture de discours, - l’établissement de notes sur des sujets d’actualité intéressant la Ville de Paris.

Il disait participer aux réunions du maire du lundi matin en présencede son directeur de cabinet et des directeurs adjoints et, le mardi ou le mercredi matin, à laréunion de l’agenda du maire avec le directeur de cabinet (D2816/4).

Si Patrick STEFANINI n’apparaissait pas dans l’annuaire Ville de Paris1993, ni sur le Bottin des communes ou le Bottin administratif 1994 et si le “Who’s who”de 94-95 ne faisait pas mention de ses fonctions auprès du maire de Paris mais uniquementde celles de chargé de mission puis de directeur de cabinet auprès d’Alain JUPPÉ, il faisaitremarquer qu'il figurait dans l’annuaire du ministère de l’Intérieur pour les hautsfonctionnaires et assimilés ainsi que dans l’annuaire des administrateurs de la Ville deParis.

Il n’avait pas de bureau à l’inspection générale, faute de place. Auxalentours du mois de mai 1993, il avait obtenu un bureau à l’Hôtel de Ville, à l’étage ducabinet, sans bénéficier de secrétaire attitrée (D2597).

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Il reconnaissait avoir par ailleurs succédé en avril 1992 à YvesCABANA comme directeur de cabinet du secrétaire général du RPR. Il expliquait que lestâches avaient été partagées pendant un temps avec ce dernier, qui était resté auprès d’AlainJUPPÉ comme conseiller jusqu’à son départ en avril 1993, ce qui correspondait à lanomination d’Alain JUPPÉ au poste de ministre des Affaires Etrangères et de Jean-LouisDEBRÉ au poste de secrétaire général adjoint du RPR. Il avait disposé d’un bureau rue deLille où il passait tous les soirs vers 18h jusqu’à 22h ou bien le matin ou en milieu dejournée. Il refusait la qualité de permanent du parti. Il estimait que la fonction de directeurde cabinet consistait essentiellement à assurer une supervision politique, il ne s’impliquaitpas dans la gestion administrative et financière du RPR.

Il réaffirmait, lors de sa première comparution, que ses fonctions auRPR, qu’il avait exercées bénévolement, étaient de nature politique (D2816).

Devant le tribunal correctionnel de Nanterre, après avoir précisé quec’était à la demande d’Alain JUPPÉ qu’il s’était pendant un temps consacré au pôle“élections et fédérations” institué au RPR, il déclarait : “J’assume complètement le fait quej’allais tous les jours au RPR” (D3158/38) et ajoutait : “ La préparation des électionsconstituait le coeur de mes activités de directeur de cabinet”(D3158/43).

Jacques CHIRAC déclarait au juge d’instruction que PatrickSTEFANINI s’occupait au sein du cabinet du maire de toutes les relations politiquesrencontrant les responsables de la majorité et de l’opposition et avait à ce titre fourni untravail effectif et d’excellente qualité.

Réentendu par le magistrat instructeur le 5 octobre 2007 après leprononcé de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, Patrick STEFANINI précisait queJacques CHIRAC savait qu’il était le directeur de cabinet d’Alain JUPPÉ, secrétairegénéral du RPR (D3082).Il indiquait par ailleurs qu’il n’avait jamais entendu JacquesCHIRAC parler des problèmes liés au financement des partis politiques et plusparticulièrement concernant le RPR, estimant que le président du RPR ne s’intéressait pasdu tout à la gestion du parti, ne s’intéressait qu’à son fonctionnement politique et ne serendait dans les locaux que pour présider le bureau politique une fois par trimestre.

Rémy CHARDON expliquait que Patrick STEFANINI avait été nomméau poste d’inspecteur pour des raisons indiciaires et n’avait pas exercé ses fonctions àl’inspection générale. C’est en tant que directeur de cabinet du maire qu’il avait puconstater la réalité de son travail de conseil au cabinet. Il soulignait que cet inspecteur avaitdisposé d’un bureau à l’Hôtel de Ville à partir du printemps 1993 (D2524).

Il avait néanmoins, en sa qualité d’inspecteur général, pu noter PatrickSTEFANINI en mentionnant que l’intéressé s’était acquitté “des différentes missionsd’études qui lui sont confiées”, la rigueur de ses analyses devant “lui permettre de réussirpleinement à l’Inspection”, constatations reprises par la partie civile au soutien de sesprétentions devant la Cour d’appel de Versailles (D3076/84).

Selon Alain JUPPÉ, Patrick STEFANINI participait avant 1993 auxséances d’investitures. Il considérait qu’après 1993, les activités de Patrick STEFANINIau RPR étaient compatibles avec son activité salariée à la mairie, d’autant que lui-mêmen’exerçait plus réellement dans leur totalité ses attributions de secrétaire général en raisonde ses fonctions ministérielles. Il admettait que le précédent directeur de cabinet, YvesCABANA, qui avait été rémunéré par la Ville de Paris d’août 1988 à mars 1991, avaitdémissionné de son poste en début 1991 pour lui permettre d’exercer ses activités dedirecteur de cabinet à temps plein (D2531).

A l’audience de la cour d’appel, Alain JUPPÉ confirmait que, devenuofficiellement directeur de cabinet, Patrick STEFANINI avait été chargé des investitures.

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Selon Catherine CHARIE épouse BURCKEL, employée au RPR de1985 à la fin 1993, le travail de Patrick STEFANINI, dont elle avait assuré le secrétariatdès son arrivée en1991, consistait alors à “faire des études en vue des élections” (D1638).

Lydia GUALERZI (D1639), qui avait assuré le secrétariat de PatrickSTEFANINI de juin 1993 jusqu’en 1998, indiquait que celui-ci “était présentquotidiennement, sauf le lundi où il se rendait à l’Hôtel de Ville où il avait un bureau aucabinet de Jacques CHIRAC” (D1641).

Christine MANCONI, autre permanente du RPR, décrivait la fonctionde directeur de cabinet comme une fonction plus politique, “c’est un peu lui qui faisaittourner la maison, ce sont des fonctions à temps plein” disait-elle (D2404).

Dans ses conclusions déposées à l’audience, la défense de JacquesCHIRAC fait valoir que ce n’est qu’à compter d’avril 1992 que la Ville de Paris a prisindûment en charge la rémunération de Patrick STEFANINI et que, s’il est incontesté queJacques CHIRAC connaissait l’affectation de Patrick STEFANINI à l’inspection de la Villede Paris, aucun élément ne permet d’affirmer que Jacques CHIRAC ait été informé del’activité de celui-ci au RPR.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que Patrick STEFANINI a été nommé au RPR en même temps qu’est intervenuesa nomination à l’inspection générale de la Ville de Paris, en janvier 1991, en qualitéd’abord de chargé de mission au cabinet du secrétariat général puis, à compter d’avril 1992,de directeur de cabinet du secrétaire général ;

Attendu que dans son arrêt du 1 décembre 2004, la Cour d’appel de Versailles aer

notamment retenu que le fait que Patrick STEFANINI était présent au sein du cabinet dumaire de Paris au cours des deux réunions hebdomadaires et participait à la rédaction desdiscours du maire, notamment lors du congrès de l’association des maires de France, ainsique cela ressortait de plusieurs témoignages concordants, était insuffisant pour caractériserun service fait pouvant justifier son traitement d’inspecteur à la Ville de Paris, que lesactivités de Patrick STEFANINI à la mairie de Paris dans leur ensemble n’avaient paslaissé la moindre trace, que les appréciations et indications fournies par la hiérarchie à leursujet, notamment de la part de Rémy CHARDON, Alain RIGOLET et Jean TIBERI,apparaissaient confuses et évasives, tandis que son activité au RPR était très absorbante etdonc incompatible avec l’exercice d’un temps plein au bénéfice de la mairie de Paris(D3076/85 et 86) ;

que la cour a par ailleurs considéré que “le recrutement de M. STEFANINI commeinspecteur de la Ville de Paris était donc essentiellement destiné à lui permettre debénéficier d’une rémunération correspondant à son niveau indiciaire, de ne pascompromettre sa carrière administrative tout en lui laissant une grande disponibilité pourfaire profiter le RPR de son temps et de ses compétences au détriment de la Ville deParis”, et que “M. STEFANINI a pu consacrer une grande part de sa force de travail etde son énergie à un parti politique , à la victoire duquel il a contribué, sans frais pour ceparti et sans risque pour lui-même, ni pour sa carrière, étant assuré que son employeur(c’est à dire l’ensemble des dirigeants de la Mairie de Paris) entièrement acquis à la causedu RPR, se montrerait particulièrement peu exigeant sur la nature de ses prestations aubénéfice de la Ville” (D3076/86).

Attendu que Jacques CHIRAC a reconnu avoir eu connaissance de la présence de PatrickSTEFANINI parmi ses collaborateurs au sein du cabinet du maire de Paris ; qu’il contestecependant avoir eu connaissance de ses responsabilités au sein du RPR ;

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Attendu que, comme le rappelle la défense de Jacques CHIRAC, il résulte des déclarationsconvergentes de Robert GALLEY et d'Yves CABANA que ceux-ci n’ont pu connaîtrel’employeur de chacune des personnes présentes au siège du parti dans la mesure où ils’agissait d’ employés du RPR rémunérés par des entreprises privées ; que si les faits derecel d’abus de biens sociaux résultant de ces rémunérations ont donné lieu à poursuitescontre les trésoriers successifs, force est de constater que le secrétaire général et le présidentdu RPR y ont échappé ; que la situation de Jacques CHIRAC est bien différente à l’égardde Patrick STEFANINI qu’il a lui-même présenté comme l’un de ses collaborateurs à sonpropre cabinet de maire de Paris et dont l’information a établi qu’il était un permanent depremière importance au RPR dont le secrétariat général était assuré par l’un de ses adjointsà la mairie de Paris ;

Attendu que, de ce point de vue, le fait que Jacques CHIRAC a nommé au RPR des genscompétents et déterminés assumant l’application des lois de 1988 et 1990 et que, selon lesdéclarations de Robert GALLEY, Jacques BOYON, Yves CABANA, Patrick STEFANINIet Eric WOERTH, tous responsables du RPR à des degrés divers, il s’est désintéressé dela gestion de son parti ne saurait décharger Jacques CHIRAC de ses responsabilités deprincipal dirigeant du parti ;

Attendu que dans leurs explications, corroborées par l’ensemble des témoignages recueillisconcordants dans le cadre de la procédure de Nanterre, Patrick STEFANINI et AlainJUPPÉ ont mis en avant le caractère essentiellement politique de l’activité de directeur decabinet du secrétaire général du RPR, poste occupé par Patrick STEFANINI de 1992 à1995 ;

Attendu qu’à compter d’avril 1992, à l’occasion des multiples contacts qu’il pouvait avoiravec Patrick STEFANINI, Jacques CHIRAC savait, comme l’a déclaré PatrickSTEFANINI, que celui-ci exerçait les responsabilités de directeur de cabinet au sein duRPR ; que Jacques CHIRAC a toujours mis en avant la conception éminemment politiquequi était la sienne du rôle de président au sein du parti ; qu'il s’ensuit que Jacques CHIRACétait en situation de connaître la présence au RPR de Patrick STEFANINI dont lesattributions, essentiellement axées autour du “pôle élections et fédérations” supervisé parRobert PANDRAUD, le conduisaient à être en charge des investitures ;

Attendu que la preuve n’est pas rapportée que Jacques CHIRAC ait eu connaissance de cerecrutement dès le mois de janvier 1991, alors que Patrick STEFANINI n’occupait pasencore le poste de directeur de cabinet ; que faute d’élément intentionnel, l’infraction deprise illégale d’intérêts n’apparaît pas constituée à son égard sur la période de préventionantérieure au mois d’avril 1992, Jacques CHIRAC sera partiellement relaxé ;

Attendu que pour le surplus, Jacques CHIRAC, en sa qualité de maire de Paris ordonnateurdes dépenses liées aux traitements du personnel de la Ville de Paris, a soumis au vote duconseil de Paris les budgets préparés par son adjoint aux finances, comprenant dans lamasse des dépenses celles afférentes à l’emploi de Patrick STEFANINI pendant la périoded’avril 1992, date de son accession au poste de directeur de cabinet, au 4 novembre 1994,sachant que ce dernier travaillait essentiellement pour le RPR en qualité de principalcollaborateur du secrétaire général de ce parti, dont il était président ;

qu’ainsi, il a pris un intérêt dans une opération dont il avait la surveillance et s’est de cettefaçon rendu coupable du délit d’ingérence devenue prise illégale d’intérêts ;

Jugement nE 1

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¤ Sur l’emploi de Jérôme GRAND d’ESNON par la mairie de Pariscomme chargé de mission

Jérôme GRAND d’ESNON a été recruté en qualité de chargé demission cadre supérieur affecté au cabinet du maire par contrat d’engagement du 16 juillet1991 avec effet à compter du 1 juin signé par Michel ROUSSIN, moyennant uneer

rémunération devant être calculée sur la base du groupe hors échelle C3. Ce contrat d’unedurée d’un mois était renouvelable de mois en mois par tacite reconduction.

Il a présenté une demande de mise en disponibilité par lettre du 5janvier 1995 afin de lui permettre de participer à la campagne électorale de JacquesCHIRAC.

Jérôme GRAND d’ESNON exerçait toujours les fonctions de directeurdes affaires juridiques de la Ville de Paris quand il était entendu par les enquêteurs le 30juin 1998 (D1600).

Il expliquait qu’en août 1989, il était entré au cabinet d’Alain JUPPÉ,secrétaire général du RPR, comme chargé d’études, et qu’il était resté à ce poste jusqu’enavril 1991, sans qu’aucun contrat fût signé avec le RPR. À partir de 1990, il s’étaitspécialisé dans le financement des campagnes électorales et la communication des élus enpériode pré-électorale. Début 1991, étant devenu le “Monsieur communicationélectorale”du RPR, il avait été approché par Michel ROUSSIN, directeur de cabinet dumaire de Paris. C’est ainsi qu’il avait été recruté en juin suivant en qualité de chargé demission cadre supérieur avec un salaire de 19.000 francs mensuels.

Il disposait toujours d’un bureau rue de Lille. Ayant quitté le serviced’Alain JUPPÉ, il indiquait : “Je mettais au service du cabinet de Jacques CHIRAC mesréseaux et mes relations au RPR”. Dans son esprit, il n’y avait pas de confusion : iltravaillait pour la Ville de Paris et avait en parallèle des activités militantes et bénévolesau RPR.

Il avait conservé ses activités au RPR jusqu’à la fin 1994, à l’approchedes élections présidentielles. Il précisait : “Jacques CHIRAC m’a demandé de participerà la campagne présidentielle en tant que secrétaire de l’association de financement pourl’élection” (D1601).

De janvier à mai 1995, il avait regagné le siège de campagne de JacquesCHIRAC, avenue d’Iéna à Paris et était rémunéré par le RPR. Il avait par la suite réintégréla mairie de Paris comme chargé de mission puis directeur des affaires juridiques, posteproposé par Bernard BLED en attendant sa nomination à l’inspection générale.

En 1996, il avait été nommé secrétaire national aux questions juridiquesau sein du RPR.

Devant le juge d’instruction, il précisait que début 1991, il neconnaissait pas Michel ROUSSIN. Il n’avait pas eu de contact avec lui à la mairie, sauf en1993, quand celui-ci avait sollicité ses conseils en vue de son élection dans le 7ème

arrondissement (D2443). Lors de son recrutement en 1991, il n’avait pas rencontré demembre du cabinet. A la mairie de Paris, il travaillait avec le service de la communicationde la ville. Il donnait l’imprimatur pour la revue “Paris le Journal” et toutes les plaquettesde communication. Il supervisait les relations avec les élus pour être leur conseil en matièrede financement.

Il ne figurait pas sur l’annuaire 1993 de la Ville de Paris (scellé 83). Ilne disposait pas de bureau à l’Hôtel de Ville mais avait conservé un bureau rue de Lille oùil se rendait “très souvent”.

Devant le juge d’instruction, Jacques CHIRAC déclarait qu’ilconnaissait Jérôme GRAND d’ESNON comme spécialiste du droit en particulier enmatière électorale et qu’il jouait le rôle de conseil juridique. Tout le monde pouvaitl’interroger (D 3053 Dossier Nanterre).

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L’information établissait que Jérôme GRAND d’ESNON avaitbénéficié de plusieurs remboursements de frais de la part du RPR en avril, novembre etdécembre 1993. Il expliquait qu’il s’agissait de remboursements de frais d’hôtel et derestaurant à l’occasion de déplacements qui n’avaient lieu que le week-end.

Il était décrit par les permanents du RPR comme une personne que l’oncroisait dans les locaux du parti, qui y avait un bureau et qui y était chargé des problèmesjuridiques.

Alain JUPPÉ avait ignoré le mode de rémunération de Jérôme GRANDd’ESNON jusqu’en 1991, alors que celui-ci apportait une collaboration ponctuelle en tantque conseil juridique au RPR. S'il confirmait que Jérôme GRAND d’ESNON avaiteffectivement travaillé au cabinet du maire à compter de 1991, Alain JUPPÉ n’avait pasparticipé à son recrutement à la ville et n’avait effectué aucune recommandation en ce quile concerne (D2530).

Il précisait que le rôle de Jérôme GRAND d’ESNON à la mairie étaitde viser tous les documents d’information et de bien différencier leurs genres entrel’information municipale et l’information pré-électorale à caractère politique. Après sonembauche, le rapport de Jérôme GRAND d’ESNON avec le RPR avait été bénévole etconsistait à conseiller les élus, notamment sur la manière dont devaient être établis leurscomptes de campagne.

Dans leurs conclusions en défense, les avocats de Jacques CHIRACsoutiennent que celui-ci ne connaissait Jérôme GRAND d’ESNON que “comme étant unspécialiste du droit, en particulier en matière électorale, et qui pouvait avoir un rôlejuridique” et ne s’est nullement vu reprocher les rémunérations versées par des entreprisesprivées d’août 1989 à juin 1991.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu que l’information a établi que Jérôme GRAND d’ESNON a exercé les fonctionsde responsable du service juridique du RPR à partir d’août 1989 ; qu’il avait à l’origine étérémunéré par les société BOUYGUES d’août 1989 à juillet 1990 pour un salaire de 17.000francs puis par la société CAMPENON BERNARD jusqu’en juin 1991 ; qu’il a été recrutéen 1991 par Michel ROUSSIN, pour le compte de la Ville de Paris, moyennant unerémunération de 19.000 francs mensuels, tout en continuant ses activités dans les locauxdu RPR, seul endroit où il disposait d’un bureau ; qu’il a mis “ses réseaux et ses relationsau RPR” au service du cabinet de Jacques CHIRAC ;

Attendu que dans son arrêt du 1 décembre 2004 la Cour d’appel de Versailles aer

notamment retenu que les activités de Jérôme GRAND d’ESNON comme chargé demission au cabinet du maire de Paris n’avaient laissé aucune trace, ni au sein du service decommunication ni au sein du cabinet du maire, qu’en réalité il avait poursuivi au RPR lamême activité que celle qu’il exerçait du temps où il était rémunéré par les sociétésBOUYGUES et CAMPENON BERNARD et n’avait été rémunéré par la Ville de Paris quepour faciliter la poursuite de cette activité ;

Attendu que la cour a par ailleurs considéré que les responsabilités d’Alain JUPPÉ au seindu RPR le plaçaient en situation de connaître avec précision l’activité déterminante deJérôme GRAND d’ESNON au sein du parti, laquelle avait toujours auparavant nécessitéun travail à plein temps, alors surtout qu’à partir de 1992, Jérôme GRAND d’ESNONavait eu à faire face à diverses échéances électorales, régionales en 1992 et législatives en1993, ainsi qu’en attestent les remboursements de frais qui lui ont été versés pendant cettepériode ;

Jugement nE 1

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Attendu que Jérôme GRAND d’ESNON a indiqué qu’il avait été recruté par MichelROUSSIN directeur de cabinet de Jacques CHIRAC à la mairie de Paris ; que JacquesCHIRAC a pour sa part indiqué qu’il connaissait Jérôme GRAND d’ESNON comme unspécialiste du droit en particulier en matière électorale qui jouait le rôle de conseil juridiqueet que tout le monde pouvait interroger ; que, selon Jérôme GRAND d’ESNON, c’est à lademande de Jacques CHIRAC qu’il s’est mis à son service à la fin 1994, à l’approche desélections présidentielles, en tant que secrétaire de l’association de financement pourl’élection ;

Attendu qu’il se déduit de l’ensemble de ces éléments que Jacques CHIRAC avaitconnaissance des compétences particulières de Jérôme GRAND d’ESNON en matière definancement de l’activité politique, résultant d’une expérience acquise au sein du RPR quelui-même présidait, et qu’après que son directeur de cabinet l’avait approché, JérômeGRAND d’ESNON a poursuivi dans les locaux du parti son activité de conseil pour lesbesoins de ses membres plutôt qu’au sein de la Ville de Paris qui pourtant lui versait sarémunération ;

que Jacques CHIRAC était en situation de savoir que, dans un tel contexte, JérômeGRAND d’ESNON ne fournissait qu’une activité résiduelle au bénéfice de cettecollectivité, l’essentiel de son travail étant destiné aux candidats ou élus de son parti, etqu’il ne pouvait considérer que cette activité constituait la contrepartie pour la Ville deParis des rémunérations versées ;

que Jacques CHIRAC, en qualité de maire de Paris, ordonnateur des traitements dupersonnel de la Ville de Paris, au cours de la période retenue dans la prévention, du 1 juiner

1991 au 31 décembre 1993, a soumis au vote du Conseil de Paris les budgets annuelspréparés par son adjoint aux finances, comprenant dans la masse des dépenses cellesafférentes à l’emploi de Jérôme GRAND d’ESNON en qualité de chargé de mission, alorsqu’il savait que ce dernier travaillait essentiellement pour le RPR en qualité de principalcollaborateur du secrétaire général de ce parti dont lui-même a exercé la présidencejusqu’au 4 novembre 1994 ; qu'ainsi, il a pris un intérêt dans une opération dont il avait lasurveillance et s’est, de cette façon, rendu coupable du délit d’ingérence devenue priseillégale d’intérêts ;

¤ Sur l’emploi par la mairie de Paris de Nourdine CHERKAOUI et deFarida CHERKAOUI comme chargés de mission

Par note datée du 7 mai 1991, Michel ROUSSIN a donné instructionau directeur de l’administration générale, Bernard MONGINET, d’établir un contrat aunom de Nourdine CHERKAOUI, précisant que celui-ci allait être affecté auprès d’AlainJUPPÉ, maire du 18 arrondissement et que sa rémunération nette serait fixée à 9.000ème

francs. C’est ainsi que Nourdine CHERKAOUI, militant RPR depuis plusieurs

années, a été recruté en qualité de chargé de mission cadre moyen par contrat d’engagementdaté du 6 juin 1991 avec effet au 1 mai de cette année, signé par Michel ROUSSIN. Saer

rémunération devait être calculée sur la base de l’indice brut 508.

Farida CHERKAOUI, également militante du RPR, a été embauchéecomme agent de bureau vacataire par la Ville de Paris en 1990 par décision signée parHubert BIDAULT, avec effet à compter du 1 octobre 1990. C’est deux ans plus tard, seloner

contrat d’engagement du 14 décembre 1992 avec effet au 1 novembre de cette mêmeer

année, qu’elle est devenue chargée de mission cadre moyen, rémunérée sur la base del’indice brut 445.

La note du directeur de cabinet adressée le 26 novembre 1992 neprécisait aucune affectation. Elle mentionnait un salaire net de 8.300 francs.

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Devant les policiers, Nourdine CHERKAOUI précisait que, fin 1989,

il avait obtenu, par l’intermédiaire d’un élu du 18 arrondissement, M de SAINT CHELY,ème

la direction de l’association AGORA qui gérait un centre d’animation pour la jeunesse danscet arrondissement. Dès la fin février1990, il avait travaillé concrètement au secrétariatnational de la jeunesse du RPR sous l’autorité d’Hervé MECHERI dont il avait été ledélégué national adjoint jusqu’en 1991 puis le délégué national jusqu’en 1993 pourfinalement le remplacer au poste de secrétaire national (D447). Il indiquait alors avoir étérémunéré par la Ville de Paris de mai 1991 à janvier 1996, puis par le RPR de février 1996à juillet 1997, en tant que chargé de mission, alors même que ses fonctions au sein de lastructure n’avaient pas entre-temps évolué.

Entendu trois ans plus tard par le juge d’instruction, NourdineCHERKAOUI modifiait ses déclarations au sujet de ses diverses activités en déclarant : “Jetravaillais plus pour Hubert MECHERI qui était adjoint au maire. Vous me faitesremarquer qu’il était également secrétaire national à la jeunesse du RPR mais je nel’assistais que bénévolement dans cette fonction lui même étant bénévole au RPR. A cetteépoque j’allais au RPR tous les soirs (...) et parfois le week-end”(D2886/2). Il disait yrencontrer Jérôme GRAND d’ESNON qui s’occupait des conseils aux candidats. Ilpercevait du RPR des remboursements de frais.

A la mairie de Paris, il n’avait pas disposé de bureau en propre ni deligne téléphonique personnelle ni de secrétaire.

Farida CHERKAOUI précisait le 5 novembre 1997 aux enquêteursqu’après s’être consacrée dès 1989 à des travaux bénévoles en tant que militante au seindu RPR, elle avait été intéressée par un emploi à temps complet au sein de cette structureet s’en était ouverte auprès d’une responsable, Madame MARÇON. Quelques temps après,qu’elle situait vers septembre 1990, elle avait reçu un appel téléphonique émanant de laVille de Paris l’invitant à venir signer un contrat d’embauche.

Elle n’avait pas travaillé à la mairie de Paris, assurait-elle, mais au RPRau service “organisation” dépendant du secrétariat général du mouvement, sa tâche étantde s’occuper des déplacements du président et du secrétaire général. Elle avait occupé ceposte jusqu’au 18 juillet 1997, date de son licenciement.

A compter de février 1996 et jusqu’au 18 juillet 1997, elle avait étérémunérée par le RPR, qu’elle considérait comme son “employeur de toujours” (D435).

Convoquée par le magistrat instructeur le 14 mars 2001, elle modifiaità son tour ses déclarations en indiquant qu’elle n’avait pas demandé à être embauchée ruede Lille comme cela avait été indiqué au procès-verbal d’audition dressé par les policiersmais avait demandé à Mme MARÇON un emploi à l’Hôtel de Ville (D2920/1).Elleprécisait en outre avoir été placée auprès d’Hervé MECHERI, adjoint au maire chargé dela jeunesse, que son mari lui avait présenté et travaillé dans les bureaux de cet élu à l’Hôtelde Ville.

Elle avait fait par ailleurs du bénévolat au RPR où elle travaillaitparfois avec Daniel LECOMTE qu’elle assistait en faisant des photocopies ou en prenantdes contacts extérieurs par téléphone. Elle n’avait eu en charge l’organisation des meetingsqu’après 1996. Elle apparaissait sur une liste dressée en septembre 1994 comme attributaired’une ligne téléphonique au RPR. Comme son mari, elle avait été remboursée à denombreuses reprises pour un montant total de 13.594 Francs de ses frais de taxi et derestaurant.

Antoine ROBIN PREVALLEE déclarait qu’à son arrivée au RPR lesépoux CHERKAOUI étaient présents (D2856/2) et qu’avant son départ du RPR, MadameCHERKAOUI travaillait au service de l’organisation des voyages, supervisé par DanielLECOMTE.

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Alain JUPPÉ admettait être intervenu en faveur de NourdineCHERKAOUI en vue de son recrutement par l’association AGORA. Il n'avait pu vérifierl’activité de Nourdine CHERKAOUI pour la Ville de Paris après le départ de celui-cid’AGORA. Il affirmait que Farida CHERKAOUI travaillait effectivement pour la Ville deParis et qu’il ne la voyait qu’à l’occasion de ses déplacements extérieurs ou lors de sesréunions publiques, les week-ends. Devant le tribunal, il la décrivait comme une “petitemain”, le service des déplacements étant assuré par Daniel LECOMTE.

Louise-Yvonne CASETTA, s’étant définie comme l’intendante duRPR, savait que les époux CHERKAOUI oeuvraient au RPR tout en étant rémunérés parla Ville de Paris (D1450 et D2601). Danièle DERBAK mentionnait avoir travaillé pendantsept ans sous les ordres de Nourdine CHERKAOUI au secrétariat national à la Jeunessedont ils étaient les seuls permanents, le reste des effectifs étant composé d’étudiantsmilitants et bénévoles. Isabelle DESOLLE déclarait avoir été embauchée par la mairie deParis en qualité de secrétaire et avoir travaillé au service d’Hervé MECHERI jusqu’en 1993puis au service des fédérations et particulièrement la section jeunes représentée par lesépoux CHERKAOUI (D1852).

Lors de son audition en qualité de témoin assisté, Jacques CHIRAC sebornait à indiquer au juge d’instruction qu’il connaissait les époux CHERKAOUI pour lesavoir souvent vus au 1 rang des manifestations du mouvement.er

Dans leurs conclusions en défense les conseils de Jacques CHIRACsoutiennent que leur client ignorait tout du statut de Nourdine et de Farida CHERKAOUIdans le recrutement desquels il n’est pas intervenu personnellement, contrairement à AlainJUPPÉ pour Nourdine CHERKAOUI selon les termes de l’arrêt de la Cour d’appel deVersailles, et que le seul fait qu’il les ait vus au premier rang des manifestations dumouvement ne pouvait établir qu’il les connaissait réellement.

Sur quoi, le tribunal :

Attendu que la Cour d’appel de Versailles a retenu que “si M CHERKAOUI a bien été lecollaborateur de M MECHERI à compter du 1 mai 1981, ce n’est pas dans les fonctionser

de maire adjoint de la Ville de Paris chargé de la jeunesse ni dans celles d’élu du 18ème

arrondissement de ce dernier, mais dans celles de secrétaire national du RPR chargé dela jeunesse” ;

que la cour en a déduit que “Dès lors qu’aucune activité n’a été exercée au profit de laVille de Paris, la cour ne peut que constater l’existence d’un système généralisé permettantà des responsables d’un parti politique de faire prendre en charge la rémunération deleurs proches collaborateurs par la collectivité locale dont ils sont les élus et dont ilsdétiennent tous les postes de responsabilité et ce au profit de leur activité militante au seindu parti. M JUPPÉ qui était intervenu en 1991 pour favoriser l’embauche deM. CHERKAOUI par la mairie de Paris était nécessairement au courant de cette situation”(D3076/75) ;

Attendu que la cour a également considéré que “Mme CHERKAOUI n’a jamais travaillépour le maire de Paris mais a eu une activité à temps complet pour le compte du RPR (...)ce que M JUPPÉ ne pouvait ignorer puisqu’elle organisait ses déplacements sousl’autorité de M LECOMTE et avait été amenée à l’accompagner à plusieursreprises”(D3076/77);

Attendu que la fictivité des emplois de chargés de mission à la Ville de Paris des épouxCHERKAOUI a été constatée par la Cour d’appel de Versailles et n’est pas contestée parla défense ; que si cette juridiction a mentionné l’existence d’un “système généralisé” de

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recrutement au sein du RPR impliquant les responsables du mouvement et consistant à faireprendre en charge la rémunération de leurs collaborateurs par la collectivité locale dont ilssont les élus ;

Il n’est pas démontré que Jacques CHIRAC, maire de Paris et président du RPR, ait euconnaissance précise de l’existence des emplois des époux CHERKAOUI qui oeuvraientpour les services dépendant directement d’Alain JUPPÉ ou d’Hervé MECHERI, exerçanttous deux des responsabilités au sein du parti et de la mairie de Paris ; qu’il ne résulte pasdes pièces du dossier d’information et des débats que Jacques CHIRAC fûtpersonnellement intervenu dans ces recrutements à un stade et sous une forme quelconquesau sein tant de la Ville de Paris que du RPR ; qu’il n’est pas démontré qu’il connaissait lesépoux CHERKAOUI autrement que pour les avoir vus au premier rang de certainsrassemblements ; que la preuve n’est pas davantage rapportée qu’il ait su, contrairementau maire du 18 arrondissement et secrétaire général du RPR, qu’ils étaient en réalitéème

rémunérés par la Ville de Paris ;

Attendu qu’il s’ensuit que, les éléments constitutifs des infractions n’étant pas réunis àl’encontre de Jacques CHIRAC, celui-ci devra être renvoyé des fins de la poursuite engagéesur le fondement de ces deux emplois ;

¤ Sur l’emploi par la mairie de Paris d’André ROUGÉ comme chargéde mission

André ROUGÉ a été recruté par la Ville de Paris comme chargé demission cadre supérieur par contrat d’engagement en date du 11 février 1992 avec effet au1 février de la même année, signé par Michel ROUSSIN, directeur de cabinet du maireer

également auteur de la note du 4 février précédent donnant instruction au directeur del’administration générale, Bernard MONGINET, d’établir le document contractuel.

André ROUGÉ expliquait aux enquêteurs qu’il avait débuté sa carrièredans la sphère politique en 1986 en Seine-et-Marne en tant que militant aux côtés d’AlainPEYREFITTE, puis comme assistant parlementaire de Michel DEBRÉ, député de laRéunion. En 1989, il avait été recruté pendant une courte période comme chef de cabinetdu président du Conseil général de l’Essonne, Xavier DUGOIN, puis dans une sociétéprivée de communication. Il avait ensuite été assistant parlementaire d’Henri CUQ, députédes Yvelines, pour finalement se mettre au service de Gaston FLOSSE, député de laPolynésie française, tout en étant rémunéré par une entreprise française.

C’est à son retour d’une mission en Martinique, sans rapport avec sesdernières fonctions, qu’il avait été engagé à la mairie de Paris avec pour mission des’occuper des parisiens d’Outre-mer, de gérer leurs problèmes sociaux notamment par descontacts avec les associations concernées, son supérieur hiérarchique étant Line BODIN.

A compter de mars 1993 il était devenu conseiller technique au cabinetde Dominique PERBEN ministre des DOM TOM.

Il s’était consacré bénévolement à la campagne des législatives de 1993pour le compte du RPR. Depuis le début de l’année 1992, qui correspondait à la campagnedes régionales, et jusqu’aux législatives de mars 1993, il disposait d’un bureau au servicedes élections du RPR. Sa fonction au sein du mouvement, définie en accord avec RobertPANDRAUD, secrétaire général adjoint chargé des élections, était de développer lescontacts avec l’outre-mer. Etant amené à se déplacer fréquemment, ses frais étaientremboursés par le RPR.

Il avait démissionné de son poste à la fin 1994, pour participer à lacampagne présidentielle de Jacques CHIRAC.

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Sylvie LEDOUR, sténo-dactylo au RPR depuis 1982, témoignait del’activité d’André ROUGÉ au service des fédérations du RPR (D844). Le journaliste Jean-Guy MURIEL indiquait avoir obtenu une mission à la Réunion entre décembre 1992 etmars 1993 par le biais d’André ROUGÉ qui était alors chargé des DOM TOM au RPR(D1606).

Dans leurs conclusions en défense, les avocats de Jacques CHIRACfont valoir que leur client a déclaré ne pas se souvenir d’André ROUGÉ et que ladémonstration suivie à son sujet par la Cour d’appel de Versailles à l’encontre d’AlainJUPPÉ ne peut trouver à s’appliquer à l’endroit de Jacques CHIRAC.

Sur quoi, le tribunal :

Attendu que la Cour d’appel de Versailles a constaté que pendant la période de prévention,André ROUGÉ n’avait pas fourni de prestations au bénéfice de la mairie de Paris pouvantjustifier la rémunération qui lui était versée en sa qualité de chargé de mission mais s’étaitentièrement consacré à son activité militante au sein du RPR ; que la Cour d’appel a parailleurs relevé qu’Alain JUPPÉ connaissait l’emploi d’André ROUGÉ à la mairie de Parispuisqu’il avait déclaré que celui-ci avait des fonctions réelles au sein de la ville et ytravaillait, et qu’en tant que secrétaire général du RPR, il savait que les responsabilitésd'André ROUGÉ au sein du parti étaient particulièrement prenantes, exigeaient defréquents déplacements outre-mer et, dès lors étaient incompatibles avec un emploi à pleintemps à la mairie de Paris ;

Attendu qu’il ne résulte pas des pièces du dossier d’information et des débats que JacquesCHIRAC soit personnellement intervenu dans ce recrutement à un stade et sous une formequelconques au sein tant de la Ville de Paris que du RPR ; qu’il n’est pas démontré qu’ilait connu André ROUGÉ, ce qu’il conteste sans être démenti par les pièces du dossier ; quela preuve n’est pas davantage rapportée que Jacques CHIRAC ait su, contrairement à AlainJUPPÉ, maire adjoint et secrétaire général du RPR, qu’André ROUGÉ était en réalitérémunéré par la Ville de Paris ;

Attendu qu’il s’ensuit que, les éléments constitutifs des infractions n’étant pas réunis àl’encontre de Jacques CHIRAC, celui-ci devra être renvoyé des fins de la poursuite engagéesur le fondement de cet emploi ;

¤ Sur l’affectation au RPR de Madeleine FARARD, agent titulaire de

la Ville de ParisMadeleine FARARD a été embauchée le 5 janvier 1956 à la préfecture

de la Seine en qualité de sténo-dactylographe et affectée à la direction des affairesmunicipales et domaniales. Elle a été mutée le 15 juillet 1982 en tant que secrétaireprincipale à la direction des affaires sanitaires et sociales puis le 1 décembre 1982 à laer

sous direction des services généraux pour être finalement affectée au cabinet du présidentdu Conseil général de Paris le 30 août 1984.

Par arrêté du maire de Paris en date du 25 septembre 1992, MadeleineFARARD, qui demeurait affectée au cabinet du maire, était nommée et titularisée attachéedes services extérieurs de 1 classe de la commune de Paris. Une note du cabinet du maireère

de Paris, datée du 4 novembre 1986, demandait l’examen de cet avancement.Le 1 juin 1994, elle était admise à faire valoir ses droits à la retraite.er

Peu auparavant, le maire de Paris écrivait au secrétaire général de laville pour recommander l’accession de Madeleine FARARD au 2 échelon de son grade.ème

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Madeleine FARARD expliquait aux enquêteurs que durant sesfonctions au cabinet du maire, entre septembre 1984 et juin 1994, son bureau était en réalitésitué rue de Lille où elle assurait le secrétariat de Jean-Claude PASTY dont les bureauxétaient situés au même endroit.

Elle estimait avoir fourni, en tant que secrétaire du conseiller techniquede Jacques CHIRAC, un réel travail au service du maire de Paris, considérant Jean-ClaudePASTY avant tout comme le conseiller du maire.

Dans ce cadre, elle avait été chargée, à l’occasion du salon del’Agriculture, de préparer le parcours du maire et les étapes jalonnant ce parcours,d’organiser à l’occasion du concours général la remise de prix par la Ville de Paris, ainsique des remises de prix aux élèves des écoles d’agriculture implantées à Paris ou bienencore de préparer les interventions du maire lors de cérémonies en rapport avecl’agriculture, comme par exemple le centenaire du Crédit Agricole (D2237).

Jean-Claude PASTY confirmait son rôle de conseiller technique auprèsde Jacques CHIRAC d’abord au ministère de l’Agriculture puis à l’Hôtel de Ville. Tâchepour laquelle Madeleine FARARD lui avait été affectée en tant que secrétaire, faisant lanavette entre l’Hôtel de Ville et la rue de Lille au siège du RPR où il disposait d’un bureau.C’est pour des raisons de commodité qu’un bureau avait été réservé à MadeleineFARARD.

Il se décrivait comme conseiller de Jacques CHIRAC dans toutes sesattributions successives et cumulées, couvrant les différents postes occupés par celui-ci.Madeleine FARARD centralisait les demandes venant du cabinet du maire et servaitd’interface, sans quoi, il aurait fallu recruter trois secrétaires au lieu d’une seule.

Après avoir occupé le poste de conseiller technique dans les cabinetsde Robert BOULIN, Bernard PONS et Jacques CHIRAC, tous trois ayant exercé desfonctions gouvernementales en charge de l’Agriculture, c’est Jacques CHIRAC, dont ilavait fait la connaissance en 1972, qui l’avait nommé en 1973 directeur des affaires socialesau ministère de l’Agriculture, fonction qu’il a exercée jusqu’en 1978, et qui lui avaitproposé de se présenter aux législatives dans la Creuse, ce qu’il a tenté avec succès. Il avaitdonc siégé au Parlement de 1978 à 1981.

Il avait cependant conservé des contacts avec Jacques CHIRAC, mairede Paris. En 1981, battu aux élections, il avait réintégré son administration d’origine pourêtre détaché comme administrateur à la Ville de Paris. C’est dans ces circonstances qu’ilétait devenu conseiller de Jacques CHIRAC pour les questions agricoles jusqu’à l’électionde ce dernier à la Présidence de la République.

L’élection de Jean-Claude PASTY au Parlement européen en 1984l’amenait à s’absenter très souvent de Paris. Il assurait la vice-présidence de son groupe,et celle de la commission du budget. Il devait cependant pouvoir être joint en cas dedemande urgente de la part de Jacques CHIRAC. Madeleine FARARD avait pour fonctionde centraliser les demandes venant du cabinet du maire de Paris. Elle connaissait sonemploi du temps et pouvait assurer l’interface (D3063).

Il considérait que la Ville de Paris était concernée par les questionsagricoles. Toutes les organisations agricoles avaient leur siège à Paris, les congrès etmanifestations en relation avec le monde agricole, comme le salon de l’Agriculture, s’ydéroulaient. De plus se posaient des questions en matière d’approvisionnement de lacapitale. Il estimait que la fonction de conseiller pour les questions agricoles étaitimportante et quantitativement significative en ce qui concerne la Ville de Paris.

En fait, en conseillant Jacques CHIRAC, il conseillait aussi bien lemaire que le député et le président du Conseil général de Corrèze. Au RPR, il avait étésecrétaire national chargé de l’agriculture jusqu’en 1993.

Aux termes de la note à Jean-Michel HUBERT du 16 décembre 1993signée par Jacques CHIRAC, Jean-Claude PASTY se voyait conférer les fonctions de“député européen et conseiller spécial pour l’agriculture du président du RPR”.

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Devant le juge d’instruction parisien, Jacques CHIRAC déclarait ques’il connaissait Jean-Claude PASTY qui avait été officiellement son conseiller agricole, carla dimension internationale du maire de Paris l’amenait à traiter de questions agricoles etayant trait notamment à l’alimentation, il n’avait pas eu l’occasion de faire la connaissancede Madeleine FARARD (D2238).

Devant le juge d’instruction de Nanterre, Jacques CHIRAC décrivaitJean-Claude PASTY comme le conseiller agricole bénévole du maire de Paris. Il attribuaitla mention portée sur la note adressée à Jean-Michel HUBERT à une erreur du rédacteurqui n’aurait pas dû mentionner “conseiller du président du RPR” mais plutôt “conseillerdu maire de Paris”. Jacques CHIRAC insistait sur le fait que le maire de Paris avait besoind’un conseiller en matière agricole eu égard à la situation géographique, politique etsociologique de la capitale.

Dans leurs conclusions en défense, les conseils de Jacques CHIRACsoutiennent :- que le statut d’agent de la Ville de Paris de Madeleine FARARD n’est pas remis en cause,qu’elle a quitté ses fonctions le 31 mai 1994, ce qui restreint d’autant la période susceptibled’être poursuivie, que si l’on admettait que Jacques CHIRAC connaissait le caractèrelitigieux de la rémunération de Madeleine FARARD à compter de la signature par lui dela lettre du 16 décembre 1993 adressée à Jean-Michel HUBERT, seuls les faits postérieursà cette date seraient susceptibles d’être sanctionnés ;- que le travail entièrement dédié à la Ville de Paris était non seulement réel mais aussicomplet ainsi qu’en attestent les notes signées de la main de Georges QUEMAR qui atoujours dit ne pas avoir eu connaissance pendant ses fonctions de l’existence d’emploisfictifs à la Ville de Paris, ce qui exclut le cas de Madeleine FARARD de la catégorie desemplois fictifs ; - que Madeleine FARARD travaillait dans des locaux dont le loyer était payé par le RPRet non par la Ville de Paris ;- que Jean-Claude PASTY a été le conseiller bénévole du maire de Paris en matièreagricole, après avoir été rémunéré à ce titre de 1981 à 1984 ;- que Jacques CHIRAC a signé et apposé la mention “signalé” sur la note du 16 décembre1993 de façon mécanique, qu’il n’est pas le rédacteur du corps de la note qui affecteMadeleine FARARD au service de Jean-Claude PASTY présenté à tort comme leconseiller du Président du RPR.

Sur quoi, le Tribunal :

Attendu qu’au cours des années 1992 à 1994, seules visées aux poursuites, MadeleineFARARD n’a pas occupé de bureau au sein de la Ville de Paris ; qu’elle n’a pas été enmesure d’apporter, au soutien de ses affirmations, certes corroborées par celles de Jean-Claude PASTY, la démonstration de la réalité d’un travail au service de celui-ci dansl’intérêt de la Ville de Paris ; qu’il apparaît que Madeleine FARARD, collaboratrice deJean-Claude PASTY, député européen, était cependant officiellement affectée au cabinetdu maire et notée en 1994 par Rémy CHARDON, directeur du cabinet ;

Attendu que la perception par Jean-Claude PASTY au cours des années 1981 à 1984 d’unerémunération comme conseiller du maire de Paris, n’implique nullement que celui-ci aitensuite effectivement poursuivi cette activité bénévolement toujours - et exclusivement -au service du maire ;

Attendu que Jacques CHIRAC et Jean-Claude PASTY ont néanmoins affirmé l’intérêt desquestions agricoles pour la commune de Paris ; que Jean-Claude PASTY a soutenu qu’enla personne de Jacques CHIRAC il conseillait autant le maire de Paris que le président duConseil général de Corrèze, le député et le président du RPR ; qu'il a fourni quelquesdocuments censés démontrer la réalité de son activité de conseil en cette matière au service

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du maire de la capitale ; Attendu que les justificatifs adressés par Jean-Claude PASTY au juge d’instruction sontun article relatant sa participation en juin 1993 au 41ème congrès de la FédérationNationale de la Propriété Agricole, où il est présenté comme “député européen, conseilleragricole de Jacques CHIRAC”, un article mentionnant sa présence aux cotés de JacquesCHIRAC au salon de l’agriculture de mars 1992, et des échanges de correspondances envue de la préparation de l’intervention de Jacques CHIRAC au centenaire du CréditAgricole en septembre 1994 (D3068 à 3077) ;

Attendu que parmi ces documents figure également une lettre de Jean-Claude PASTYadressée au chef de cabinet du maire de Paris en réponse à une démarche de la présidented’une organisation d’agriculteurs d’Eure-et-Loire (D3077) ; qu’il n’est pas sans intérêt derelever que cette lettre sous l’entête du RPR contenant la mention “Jean-Claude PASTYConseiller Spécial du Président pour l’Agriculture”, datée du 25 avril 1984 supporte lesinitiales de Madeleine FARARD ; que, par ailleurs, Micheline DUVAL , travaillant au RPRdepuis 1977 au service “section d’entreprises”, a situé le bureau de Madeleine FARARDau 5 étage de l’immeuble du parti implanté rue de Lille (D2428) ; que Claudineème

CIRODE, hôtesse d’accueil au RPR depuis 1991, a confirmé la présence sur les lieux deMadeleine FARARD (D2159) ; que les termes de la note adressée par Jacques CHIRACà Jean-Michel HUBERT, présentant Madeleine FARARD comme la collaboratrice de Jean-Claude PASTY, lui-même “conseiller du président du RPR”, renforcent la pertinence detels éléments ; qu’il s’en déduit que l’essentiel de l’activité de Madeleine FARARD étaitorientée vers le RPR où Jean-Claude PASTY et elle-même disposaient d’un bureau ; quela preuve de l’absence de service fait par Madeleine FARARD dans l’intérêt exclusivementde la Ville de Paris est ainsi rapportée ;

Attendu que les termes de la note précitée rédigée sous la signature de Jacques CHIRACet comportant l’inscription de la main de celui-ci, en marge du document, de la mention“signalée” démontre toute l’attention portée en décembre 1993 par Jacques CHIRAC à lasituation de Madeleine FARARD dont il connaissait les attributions ; que cet intérêt n’étaitpas nouveau ainsi qu’en atteste la note du directeur de cabinet du maire, DanielNAFTALSKI, qui, le 4 novembre 1986, mentionnait déjà, en vue d’un avancement del’intéressée, que “L’attention de M. Jacques CHIRAC, Maire de Paris, est toutparticulièrement appelée sur la situation de Madame FARARD” et sollicitait du directeurde l’administration générale de l’époque, Georges QUEMAR, un “examen spécialementbienveillant de ce dossier qui est très signalé et de le tenir informé”;

Attendu qu’il est ainsi établi que Jacques CHIRAC, en qualité de maire de Paris,ordonnateur des traitements du personnel de la Ville de Paris, a sciemment, au cours de lapériode retenue dans la prévention soit de 1992 au 1 juin 1994, date du départ à la retraiteer

de Madeleine FARARD, proposé et obtenu le vote du budget préparé par son adjoint auxfinances, comprenant dans la masse des dépenses celles afférentes à l’emploi de MadeleineFARARD, agent de la commune, alors qu’il savait que celle-ci travaillait essentiellementen qualité de secrétaire de son conseiller Jean-Claude PASTY au sein du parti dont lui-même exerçait la présidence ; qu’il a ainsi pris un intérêt dans une opération dont il avaitla charge d’assurer la surveillance et l’organisation et s’est rendu coupable du délitd’ingérence devenue prise illégale d’intérêts ; que Jacques CHIRAC sera relaxé pour lapériode s’étendant du 1 juin 1994 au 4 novembre 1994 ; er

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B) SUR LA PEINE

1) Jacques CHIRAC

Attendu que la responsabilité de Jacques CHIRAC, maire de Paris, découle du mandat reçude la collectivité des Parisiens ; qu’elle résulte également de l’autorité hiérarchique exercéepar lui sur l’ensemble du personnel de la Ville de Paris et singulièrement sur sescollaborateurs immédiats au premier rang desquels son directeur de cabinet ;

Attendu que le dossier et les débats ont établi que Jacques CHIRAC a été l’initiateur etl’auteur principal des délits d’abus de confiance, détournement de fonds publics, ingérenceet prise illégale d’intérêts ;

que sa culpabilité résulte de pratiques pérennes et réitérées qui lui sont personnellementimputables et dont le développement a été grandement favorisé par une parfaiteconnaissance des rouages de la municipalité ainsi que la qualité des liens tissés avec lesdifférents acteurs administratifs et politiques au cours de ses années passées à la tête de laVille de Paris ;

qu’en multipliant les connexions entre son parti et la municipalité parisienne, JacquesCHIRAC a su créer et entretenir entre la collectivité territoriale et l'organisation politiqueune confusion telle qu’elle a pu entraîner ses propres amis politiques ;

que le gain en résultant, nonobstant les économies des salaires payés par la mairie de Paris,a pu prendre la forme soit d’un renforcement des effectifs du parti politique dont il était leprésident soit d’un soutien à la contribution intellectuelle pour l’élaboration du programmepolitique de ce parti ;

Attendu que par l’ensemble de ces agissements, Jacques CHIRAC a engagé les fonds dela Ville de Paris pour un montant total d’environ 1.400.000 euros ;

Attendu que l’ancienneté des faits, l’absence d’enrichissement personnel de JacquesCHIRAC, l'indemnisation de la Ville de Paris par l'UMP et Jacques CHIRAC, ce dernierà hauteur de 500.000 euros, l’âge et l’état de santé actuel de Jacques CHIRAC, dont ladégradation est avérée, ainsi que les éminentes responsabilités de chef de l’Etat qu’il aexercées pendant les douze années ayant immédiatement suivi la période de prévention,sont autant d’éléments qui doivent être pris en considération pour déterminer la sanctionqu’il convient d’appliquer à son encontre ;

Attendu que ces éléments ne sauraient occulter le fait que, par son action délibérée, enayant recours au cours de ces cinq années à dix neuf emplois totalement ou partiellementfictifs, Jacques CHIRAC a manqué à l’obligation de probité qui pèse sur les personnespubliques chargées de la gestion des fonds ou des biens qui leurs sont confiés, cela aumépris de l’intérêt général des Parisiens;

que dans ces conditions, le recours à une peine d’emprisonnement avec sursis dont lequantum sera fixé à 2 années apparaît tout à la fois adapté à la personnalité du prévenu etainsi qu’à la nature et la gravité des faits qu'il a commis ;

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2) Rémy CHARDON

Attendu que Rémy CHARDON s'est rendu complice de Jacques CHIRAC à l'occasion dumaintien à compter du mois de juillet 1994 du contrat de François DEBRÉ en qualité dechargé de mission de la Ville de Paris ; que cette complicité a cessé en mai 1995, soit àcompter du départ de Jacques CHIRAC du poste de maire de Paris ;

Attendu qu'il appartenait particulièrement à Rémy CHARDON, directeur de cabinet dumaire de Paris et autorité d’emploi de François DEBRÉ, de mettre un terme à cettesituation, dont il connaissait parfaitement la particularité, ainsi qu’aux détournements quien découlaient ; que, s'agissant d'un acte isolé remontant à une quinzaine d'années, RémyCHARDON sera condamné à une peine de principe qui sera fixée à trois moisd'emprisonnement ; qu'en raison de l'absence d'antécédent à son casier judiciaire à l’époquedes faits, cette peine sera assortie du sursis simple ;

3) François DEBRÉ

Attendu que François DEBRÉ a bénéficié pendant une année de rémunérationseffectivement versées par la Ville de Paris alors qu'il occupait un poste de chargé demission directement affecté auprès de Rémy CHARDON ;

qu'il en est résulté pour la Ville de Paris un appauvrissement, sur la période retenue dansla présente décision, évalué à la somme de 22.165 euros ; que l'état de santé de FrançoisDEBRÉ, sa situation familiale et professionnelle et la volonté exprimée à l’origine parJacques CHIRAC de lui accorder une “deuxième chance” ne sauraient justifier le fait qu’ilait bénéficié de rémunérations indues ;

Attendu qu'à ce jour François DEBRÉ conteste les faits ; qu'il convient cependant d'entreren voie de condamnation à son encontre en lui infligeant une sanction qui prenne en compteleur ancienneté relative et l'impact qui en est résulté sur la gestion des fonds communaux ;qu'il avait conscience de bénéficier d'une faveur compte tenu des circonstances particulièresayant conduit Jacques CHIRAC et Rémy CHARDON à l'embaucher ; que cet état d'esprits'est maintenu au fil du temps alors même qu'il ne fournissait plus de travail ;

qu'il lui sera infligé une peine de deux mois d'emprisonnement ; qu'en raison de l'absenced'antécédent à son casier judiciaire, cette peine sera assortie du sursis simple ;

4) Jean de GAULLE

Attendu que Jean de GAULLE a bénéficié de la mise à disposition d'un chargé de missionde la Ville de Paris de mars 1993 à mars 1995, alors qu'il était député de Paris maisn'exerçait aucun mandat au sein de la collectivité territoriale alors qu'il disposait par ailleursd'un financement de ses aides parlementaires ; que le coût de cette prise en charge s'élèveà 53.341 euros ;

Attendu que Jean de Gaulle exerçait divers mandats locaux ou nationaux et était appelé àde multiples tâches ; qu’il était légitime qu'il dispose de l'aide d’assistants parlementairespour son activité d'élu national, mais ne l'était pas à obtenir de la ville de Paris, étrangèreà ces multiples mandats ou activités, la prise en charge de tout ou partie de ces aides ;

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Attendu qu'en tant qu'élu et parlementaire, Jean de GAULLE se devait de porter uneattention particulière à la situation des personnes composant son "équipe" et notammentde David COURRON ; que, de son propre aveu, celui-ci l’a rejoint en tant que"surnuméraire" ; qu'il s'est accommodé de cette facilité consentie par la Ville de Paris, sansaucune justification au plan de la gestion, au mépris des règles légales ;

Attendu qu'il convient de sanctionner ces faits, tout en tenant compte de leur ancienneté etde la personnalité de Jean de GAULLE, actuellement sénateur de Paris, et de lui infligerune peine de principe de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;

5) Marc BLONDEL

Attendu que Marc BLONDEL, secrétaire général de la CGT-FO, a fait bénéficié sonsyndicat des services d'Abdoulaye KOTÉ, chargé de mission de la Ville de Paris, à la suited'un accord avec Jacques CHIRAC, maire de Paris ; que cette situation a faussé pendantde longues années le jeu démocratique inhérent à l'activité syndicale en octroyant ausyndicat majoritaire au sein du personnel de la Ville de Paris un avantage financier quecelle-ci aurait fort bien pu assumer elle-même, sauf à faire en sorte que de la prestation dontil s’agit soit pour une part au moins assuré par les services de l'Etat ;

Attendu que Marc BLONDEL a cependant donné son accord, après certes qu'AbdoulayeKOTE avait été rémunéré par la Ville de Paris pendant plus de dix années, de rembourserà celle-ci la totalité des sommes ainsi versées à hauteur de 281.012,42 euros, alors que lerecel pénalement retenu à son encontre porte sur une somme de 67.128 euros ;

que compte tenu de la réparation intégralement intervenue de la part du seul syndicat encause, dirigé par Marc BLONDEL, du désistement de la partie civile à cet égard, il convientde faire application des dispositions de l'article 132-59 du Code pénal au bénéfice de MarcBLONDEL qui sera dispensé de peine ;

6) Jean-Claude MESTRE

Attendu que Jean-Claude MESTRE a personnellement bénéficié d'une rémunération dechargé de mission pendant de nombreuses années ; que sa culpabilité a été limitée à lapériode de la prévention initiale soit du 26 octobre 1992 au 16 mai 1995 ; que les sommesindûment perçues totalisent 88.786euros ;

que les fonctions qu'exerçait Jean-Claude MESTRE au sein de son administration d'originedevaient le conduire à privilégier le bon usage des finances publiques ; que force est deconstater que par son comportement, il a pris le parti de considérer avant toute chose sespropres intérêts au regard de ses ambitions politiques au sein de la ville de Sarcelles ; quec'est ce genre de considération qui lui a fait postuler au poste de chargé de mission à laVille de Paris ;

qu’un tel comportement n’est pas admissible de la part d'un haut fonctionnaire, de surcroîtélu local, parfaitement au fait des impératifs de gestion d'une collectivité territoriale ;

Attendu qu'il convient d'entrer en voie de condamnation à l'encontre de Jean-ClaudeMESTRE en lui infligeant une peine de quatre mois d'emprisonnement ; qu'en raison del'absence d'antécédent à son casier judiciaire, cette peine sera néanmoins assortie du sursissimple ;

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7) François MUSSO

Attendu que François MUSSO a bénéficié en connaissance de cause de la mise àdisposition de Martine GARNIER comme secrétaire pour les besoins de la mission qu'ilavait reçu à l'origine du Conseil de Paris siégeant en formation du Conseil général puis deJacques CHIRAC es qualité de maire de Paris ; que ces faits de recel portent sur unesomme totale de 33.642 euros ;

Attendu que François MUSSO conteste les faits en ce qu'il estime avoir fait de cette priseen charge, acceptée par Jacques CHIRAC, la condition de sa propre collaboration auservice de celui-ci ;

qu'il a été démontré que cette prétention est éloignée de la réalité et que François MUSSOs'est enrichi au détriment de la collectivité territoriale, alors que lui-même avait étérémunéré à hauteur de 170.000 francs pour le travail commandé par le Conseil général ;

Attendu que les déclarations de Martine GARNIER ont montré la part déterminante prisepar François MUSSO dans son recrutement et qu'il l'a personnellement orientée vers lesautorités compétentes au sein du cabinet du maire de Paris ;

Attendu qu'il convient de sanctionner le comportement de François MUSSO en luiinfligeant, en considération du montant des sommes recélées, de l'ancienneté des faits etde la personnalité du prévenu, une peine de principe de deux mois d'emprisonnement ;qu'en raison de l'absence d'antécédent à son casier judiciaire, cette peine sera assortie dusursis simple ;

8) Marie Thérèse MONIER épouse POUJADE

Attendu que Marie-Thérèse MONIER a personnellement reçu de la Ville de Paris desrémunérations au titre de chargée de mission ;

que cette situation a été instaurée en 1981 et a perduré pendant une douzaine d’annéesjusqu'en 1993 ; qu'elle se situait dans le cercle amical de Jacques CHIRAC ; que cependantles agissements dont elle s'est rendue coupable aux termes de la présente décision sontlimités à la somme de 33.846 euros ;

qu'il convient de sanctionner pénalement ce comportement en prenant en compte l'âge dela prévenue, son état de santé , l'ancienneté des faits et leur importance relative en termesde valeur ;

Attendu qu'il convient de lui infliger une peine de principe de trois moisd'emprisonnement ; qu'en raison de l'absence d'antécédent à son casier judiciaire, cettepeine sera assortie du sursis simple ;

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SUR L’ACTION CIVILE

1 - Sur les désistements de parties civiles.

Attendu qu’il apparaît que la Ville de Paris s’est désisté après conclusions de deux accordstransactionnels mettant un terme aux actions engagées sur le palan des intérêts civils ; qu’ilconviendra de constater ce double désistement ;

Attendu que Julien BAYOU s’est désisté de sa constitution de partie civile à la barre dutribunal ; il conviendra de constater ce désistement ;

Attendu qu’Eric DARQUES n’est plus présent dans la procédure ;

Attendu que David DJAKA, dit Djaka 1 , l’association Loge Reniant la Nationalitéer

Française, se sont constitués parties civiles par lettre et n’ont pas fait connaître l’objet deleur demande ; qu’ils n’ont pas comparu aux audiences de fond ; qu’il conviendra enconséquence de constater leur désistement présumé en application des dispositions del’article 425 du Code de procédure pénale ; Attendu que les conclusions des prévenus tendant à voir déclarer irrecevables JulienBAYOU, Eric DARQUES, David DJAKA, seront déclarées sans objet du fait de leurdésistement express ou présumé constaté par le Tribunal.

2 - Sur la demande de dommages-intérêts de Pierre BOUE contre l’association Anticor

Attendu que Pierre BOUE demande la condamnation de l’association Anticor à lui payerun euro de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ; qu’il ne justifienullement du préjudice moral qu’il invoque à l’encontre de l’association Anticor à l’endroitde laquelle, bien qu’elle soit déclarée irrecevable, il n’est pas établi qu’elle ait abusé de sondroit de se constituer dans cette procédure dans la mesure où, sur les dix prévenus, seulsdeux sont relaxés ; qu’il convient de rejeter la demande de condamnation présentée parPierre BOUE à l’encontre de cette association ;

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PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et parjugement contradictoire à l’encontre de Michel ROUSSIN, Remy CHARDON, Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE, Pierre BOUE, Jean-Claude MESTRE, FrançoisDEBRE, François MUSSO, Marc BLONDEL, Jean DE GAULLE, Jacques CHIRAC,prévenus ; par jugement contradictoire à l’égard de l’association "ANTICOR", de l’associationDEFENSE DES CITOYENS, de M. Claude KARSENTI, de Julien BAYOU, de MauriceNOUSCHI, de Paul BETOUT, de HCCDA (Halte à la Censure, à la Corruption, auDespotisme et à l'Arbitraire et de CAMJ (Citoyens Anti-Mafia Judiciaire), de GérardPRELORENZO, de Jacques BIDALOU, Jacques GOGUY, de L’Association Nouvelle desVictimes des Erreurs et Dysfonctionnements Judiciaires, parties civiles ; par jugement contradictoire à signifier article 410 du CPP à l’égard de VILLE DEPARIS, M. Alain LAROCHE, parties civiles ;par jugement par défaut l’association “Loge Reniant la Nationalité Française”,l’association “SOLEIL”, David DJAKA, parties civiles.

PREND ACTE de la demande de M. Jacques CHIRAC et de Mme Marie-ThérèseMONIER épouse POUJADE tendant à être jugés en leur absence en étant représentés parleurs avocats.

ORDONNE la jonction de la procédure suivie contre Jacques CHIRAC du chef de priseillégale d’intérêt enregistrée sous le numéro de parquet 1100708013 à la procédure suiviecontre Jacques CHIRAC, Michel ROUSSIN, Rémy CHARDON, Jean de GAULLE,François MUSSO, Marc BLONDEL, Pierre BOUE, Jean-Claude MESTRE, Marie-ThérèseMONIER épouse POUJADE et François DEBRE du chef d’abus de confiance,détournement de fonds publics, complicité de ces délits et recel, enregistrée sous le numérode parquet 9834923017, statuant par un seul et même jugement.

Sur les conclusions déposées avant toute défense au fond :

Vu l’article 459 du code de procédure pénale,

REJETTE les conclusions de nullité de l’ordonnance de règlement déposées par la défensede Rémy CHARDON.

REJETTE les conclusions de nullité et de constatation de l’extinction de l’action publiqueprésentées par la défense de Jean de GAULLE, Rémy CHARDON et François MUSSO.

DÉCLARE Alain LAROCHE, Paul BETOUT, Maurice NOUSCHI, Jacques GOGUY,Jacques BIDALOU, Claude KARSENTI, Gérard PRELORENZO, et les associations“Halte à la Censure au Despotisme et l’Arbitraire”, “Citoyens Anti-Mafia Judiciaire”,“Défense des citoyens”, “Soleil”, association “Nouvelles victimes des erreurs etdysfonctionnements judiciaires”, irrecevables en leur constitution de partie civile.

DÉCLARE l’association ANTICOR irrecevable en sa constitution de partie civile.

DIT sans objet les conclusions d’irrecevabilité visant les constitutions de partie civile deDavid DJAKA, Julien BAYOU et Eric DARQUES.

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SUR L'ACTION PUBLIQUE :

CONSTATE le désistement de la défense de Jacques CHIRAC de sademande de sursis à statuer.

REJETTE les conclusions déposées par la Défense de M. JacquesCHIRAC fondées sur le manquement au procès équitable.

REJETTE les conclusions déposées par la défense de MichelROUSSIN et Rémy CHARDON tendant à voir constater l’extinction de l’action publiquepar l’effet de la prescription.

*****

DECLARE Michel ROUSSIN NON COUPABLE et le RELAXE pour les faits qualifiésde :

Complicité D’ABUS DE CONFIANCE

faits commis entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1993 et depuis temps non prescrit, àParis, en tout cas sur le territoire national.

*****

DECLARE Pierre BOUE NON COUPABLE et le RELAXE pour les faits qualifiés de :

RECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE,

faits commis entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1994 et depuis temps non prescrit, àParis, en tout cas sur le territoire national.

RECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENS PUBLICSPAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE,

faits commis entre le 1er mars 1994 et mai 1996 et depuis temps non prescrit, à Paris, entout cas sur le territoire national.

*****

DECLARE Marc BLONDEL NON COUPABLE et le RELAXE pour les faits qualifiésde :

RECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENS PUBLICSPAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE, relatif à l’emploid’Abdoulaye KOTE

faits commis du 16 mai 1995 au mois décembre 1998 et depuis temps non prescrit à Paris,en tout cas sur le territoire national.

Jugement nE 1

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DECLARE Marc BLONDEL COUPABLE pour les faits qualifiés de :

TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE,

faits commis du 26 octobre 1992 au 1 mars 1994 et depuis temps non prescrit, à Paris,er

en tout cas sur le territoire national.

TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE,

faits commis du 1 mars 1994 au 16 mai 1995 et depuis temps non prescrit à Paris, ener

tout cas sur le territoire national.

pour un montant total de 67.128 euros.

Et le DISPENSE DE PEINE, en application des dispositions de l’article 132-59 du Codepénal.

*****

DECLARE François DEBRÉ NON COUPABLE et le RELAXE pour les faits qualifiésde :

RECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE,

faits commis entre le mois de décembre 1993 et le 1er mars 1994 et depuis temps nonprescrit, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

RECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENS PUBLICSPAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE

PROVENANT D'UN DELIT PUNI D'UNE PEINE N'EXCEDANT PAS 5 ANSD'EMPRISONNEMENT,

faits commis entre le 1 mars 1994 et le 1 juillet 1994 et entre le 16 mai 1995 et le moiser er

de décembre 1998 et depuis temps non prescrit, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

DECLARE François DEBRÉ COUPABLE pour les faits qualifiés de :

TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE, àhauteur d’un montant de 22.165 euros.

faits commis entre le 1 juillet 1994 et le 16 mai 1995 et depuis temps non prescrit, àer

Paris, en tout cas sur le territoire national.

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Vu les articles susvisés :

CONDAMNE M. François DEBRÉ à 2 mois d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

DIT qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévuespar ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donnél'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné que s'il commet unenouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptibled'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourrales peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 90 eurosdont est redevable le condamné.

Le président avise M. François DEBRÉ que s'il s'acquitte du montant du droit fixe deprocédure et/ou du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de la date àlaquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 % sans que cettediminution puisse excéder 1500 euros conformément aux articles 707-2 et 707-3 du codede procédure pénale. Le président l'informe en outre que le paiement de l'amende et du droitfixe de procédure ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéresséde demander la restitution des sommes versées.

*****

DECLARE François MUSSO COUPABLE pour les faits qualifiés de :

TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE, relatifà l’emploi de Martine GARNIER épouse BRES pour un montant total de 29.221 euros.

faits commis entre août 1994 et mai 1995 et depuis temps non prescrit, à Paris, en toutcas sur le territoire national.

Vu les articles susvisés :

CONDAMNE M. François MUSSO à 2 mois d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

DIT qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévuespar ces articles.

Jugement nE 1

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Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donnél'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné que s'il commet unenouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptibled'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourrales peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 90 eurosdont est redevable le condamné.

Le président avise M. François MUSSO que s'il s'acquitte du montant du droit fixe deprocédure et/ou du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de la date àlaquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 % sans que cettediminution puisse excéder 1500 euros conformément aux articles 707-2 et 707-3 du codede procédure pénale. Le président l'informe en outre que le paiement de l'amende et du droitfixe de procédure ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéresséde demander la restitution des sommes versées.

*****

DECLARE Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE COUPABLE pour les faitsqualifiés de :

TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE, à hauteur d’unmontant de 33.846 euros.

faits commis entre le 26 octobre 1992 et le mois d'octobre 1993 et depuis temps nonprescrit, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

Vu les articles susvisés :

CONDAMNE Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE à 3 moisd'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

DIT qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévuespar ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donnél'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, à la condamnée que si elle commetune nouvelle infraction, elle pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptibled'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'elleencourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Codepénal.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 90 eurosdont est redevable le condamné.

Jugement nE 1

Page n 220o

Le président avise Mme Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE que si elle s'acquittedu montant du droit fixe de procédure et/ou du montant de l'amende dans un délai d'unmois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoréde 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros conformément aux articles707-2 et 707-3 du code de procédure pénale. Le président l'informe en outre que lepaiement de l'amende et du droit fixe de procédure ne fait pas obstacle à l'exercice desvoies de recours.

Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéresséde demander la restitution des sommes versées.

*****

DECLARE Jean De GAULLE NON COUPABLE et le RELAXE pour les faitsqualifiés de :

RECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE, relatif à l’emploid’Anne MOREL MAROGER

faits commis entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1994 et depuis temps non prescrit, àParis, en tout cas sur le territoire national.

TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE, relatif àl’emploi de David COURRON

faits commis du 26 octobre 1992 au 1 juin 1993 et depuis temps non prescrit à Paris, ener

tout cas sur le territoire national.

DECLARE Jean De GAULLE COUPABLE pour les faits qualifiés de :

TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE, relatif àl’emploi de David COURRON

faits commis entre le mois de juin 1993 et le 1 mars 1994 et depuis temps non prescriter

à Paris, en tout cas sur le territoire national.

TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE, relatifà l’emploi de David COURRON

faits commis entre le 1 mars 1994 et mars 1995 et depuis temps non prescrit, à Paris,er

en tout cas sur le territoire national.

à hauteur d’un montant total de 53.341 euros.

Vu les articles susvisés :

CONDAMNE M. Jean DE GAULLE à 3 mois d'emprisonnement.

Jugement nE 1

Page n 221o

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

DIT qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévuespar ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donnél'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné que s'il commet unenouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptibled'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourrales peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 90 eurosdont est redevable le condamné.

Le président avise M. Jean DE GAULLE que s'il s'acquitte du montant du droit fixe deprocédure et/ou du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de la date àlaquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 % sans que cettediminution puisse excéder 1500 euros conformément aux articles 707-2 et 707-3 du codede procédure pénale. Le président l'informe en outre que le paiement de l'amende et du droitfixe de procédure ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéresséde demander la restitution des sommes versées.

*****

DECLARE Jean-Claude MESTRE NON COUPABLE et le RELAXE pour les faitsqualifiés de :

RECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENS PUBLICSPAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE

faits commis entre le 16 mai 1995 et le mois de décembre 1996 et depuis temps nonprescrit, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

DECLARE Jean-Claude MESTRE COUPABLE pour les faits qualifiés de :

TRECEL DE BIEN OBTENU A L'AIDE D'UN ABUS DE CONFIANCE,

faits commis entre le 26 octobre 1992 et le 1er mars 1994 et depuis temps non prescrit,à Paris, en tout cas sur le territoire national.

TRECEL DE BIEN OBTENU A L’AIDE D’UN DÉTOURNEMENT DE BIENSPUBLICS PAR UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE

faits commis du 1 mars 1994 au 16 mai 1995 et depuis temps non prescrit, à Paris, ener

tout cas sur le territoire national.

à hauteur d’un montant total de 88.786 euros.

Jugement nE 1

Page n 222o

Vu les articles susvisés :

CONDAMNE M. Jean-Claude MESTRE à 4 mois d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

DIT qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévuespar ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donnél'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné que s'il commet unenouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptibled'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourrales peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 90 eurosdont est redevable le condamné.

Le président avise M. Jean-Claude MESTRE que s'il s'acquitte du montant du droit fixe deprocédure et/ou du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de la date àlaquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 % sans que cettediminution puisse excéder 1500 euros conformément aux articles 707-2 et 707-3 du codede procédure pénale. Le président l'informe en outre que le paiement de l'amende et du droitfixe de procédure ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéresséde demander la restitution des sommes versées.

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DECLARE Rémy CHARDON NON COUPABLE et le RELAXE pour les faitsqualifiés de :

complicité de ABUS DE CONFIANCE, relatifs aux emplois de Jean-ChristopheANGENAULT, François DEBRE et David COURRON.

faits commis entre le 1er mars 1993 et le 1er mars 1994 et depuis temps non prescrit, àParis, en tout cas sur le territoire national.

complicité de SOUSTRACTION, DÉTOURNEMENT OU DESTRUCTION DE BIENSD'UN DÉPÔT PUBLIC PAR LE DÉPOSITAIRE OU UN DE SES SUBORDONNES,relatifs aux emplois de Jean-Christophe ANGENAULT, David COURRON et MartineGARNIER épouse BRES,

faits commis entre le 1 mars 1994 et le mois de juin 1995 et depuis temps non prescrit,er

à Paris en tout cas sur le territoire national.

Jugement nE 1

Page n 223o

complicité de SOUSTRACTION, DÉTOURNEMENT OU DESTRUCTION DE BIENSD'UN DÉPÔT PUBLIC PAR LE DÉPOSITAIRE OU UN DE SES SUBORDONNES,relatif à l’emploi de François DEBRÉ

faits commis entre le 1 mars 1994 et le 1 juillet 1994 et entre le 17 mai 1995 à fin juiner er

1995 et depuis temps non prescrit, à Paris en tout cas sur le territoire national

DECLARE Rémy CHARDON COUPABLE pour les faits qualifiés de :

Tcomplicité de SOUSTRACTION, DÉTOURNEMENT OU DESTRUCTION DE BIENSD'UN DÉPÔT PUBLIC PAR LE DÉPOSITAIRE OU UN DE SES SUBORDONNES,relatif à l’emploi de François DEBRÉ

faits commis entre le 1 juillet 1994 et le 16 mai 1995 et depuis temps non prescrit, àer

Paris en tout cas sur le territoire national.

Vu les articles susvisés :

CONDAMNE Rémy CHARDON à 3 mois d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

DIT qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévuespar ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donnél'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné que s'il commet unenouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptibled'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourrales peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 90 eurosdont est redevable le condamné.

Le président avise Rémy CHARDON que s'il s'acquitte du montant du droit fixe deprocédure et/ou du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de la date àlaquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 % sans que cettediminution puisse excéder 1500 euros conformément aux articles 707-2 et 707-3 du codede procédure pénale. Le président l'informe en outre que le paiement de l'amende et du droitfixe de procédure ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéresséde demander la restitution des sommes versées.

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Jugement nE 1

Page n 224o

DECLARE Jacques CHIRAC NON COUPABLE et le RELAXE pour les faits qualifiésde :

TABUS DE CONFIANCE, relatif aux emplois de Pierre FIGEAC, Pierre BOUE, Jean-Michel BEAUDOIN, Patricia LEFEUVRE,, Jean-Claude MESTRE, Anne MOREL-MAROGER et François DEBRÉ

faits commis du 26 octobre 1992 jusqu'au 1er mars 1994 et depuis temps non prescrit, àParis, en tout cas sur le territoire national.

TSOUSTRACTION, DÉTOURNEMENT OU DESTRUCTION DE BIENS D'UN DÉPÔTPUBLIC PAR LE DÉPOSITAIRE OU UN DE SES SUBORDONNES, relatif aux emploisde Pierre BOUÉ, Pierre FIGEAC, Patricia LEFEUVRE et Jean-Claude MESTRE

faits commis du 1er mars 1994 jusqu'au 16 mai 1995 et depuis temps non prescrit, à Paris,en tout cas sur le territoire national.

TINGERENCE et PRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS PAR UN ELU PUBLIC DANS UNEAFFAIRE DONT IL ASSURE L'ADMINISTRATION OU LA SURVEILLANCE, relatifà l’emploi de Nouredine CHERKAOUI, Farida CHERKAOUI et André ROUGÉ

faits commis de septembre 1990 au 4 novembre 1994 et depuis temps non couvert par laprescription, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

TINGERENCE devenue PRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS PAR UN ELU PUBLICDANS UNE AFFAIRE DONT IL ASSURE L'ADMINISTRATION OU LASURVEILLANCE, relatif à l’emploi de Patrick STEFANINI

faits commis entre janvier 1991 et avril 1992 et depuis temps non couvert par laprescription, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

TPRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS PAR UN ELU PUBLIC DANS UNE AFFAIREDONT IL ASSURE L'ADMINISTRATION OU LA SURVEILLANCE, relatif à l’emploide Madeleine FARARD

faits commis entre le 1 juin 1994 et le 4 novembre 1994 et depuis temps non couvert parer

la prescription, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

DECLARE Jacques CHIRAC COUPABLE pour les faits qualifiés de :

TABUS DE CONFIANCE, relatif aux emplois de Jean-Christophe ANGENAULT, DavidCOURRON, Babakar DIOP, Abdoulaye KOTE, Laurent SABATHIER, Annie LANCELOT,Jean-Marie ROCHE, Hugues de la ROCQUE, François VUILLEMIN, Michel PALAU,Annie DEMICHEL et Marie-Thérèse MONIER épouse POUJADE.

faits commis du 26 octobre 1992 jusqu'au 1er mars 1994 et depuis temps non prescrit,à Paris, en tout cas sur le territoire national.

Jugement nE 1

Page n 225o

TSOUSTRACTION, DÉTOURNEMENT OU DESTRUCTION DE BIENS D'UNDÉPÔT PUBLIC PAR LE DÉPOSITAIRE OU UN DE SES SUBORDONNES, relatifaux emplois de Jean-Christophe ANGENAULT, David COURRON, Babakar DIOP,Madeleine FARARD, Abdoulaye KOTE, Martine GARNIER épouse BRES, AnnieLANCELOT, Jean-Marie ROCHE, François VUILLEMIN, Michel PALAU, FrançoisDEBRE et Annie DEMICHEL.

faits commis du 1er mars 1994 jusqu'au 16 mai 1995 et depuis temps non prescrit, àParis, en tout cas sur le territoire national.

TINGÉRENCE devenue PRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS PAR UN ELU PUBLICDANS UNE AFFAIRE DONT IL ASSURE L'ADMINISTRATION OU LASURVEILLANCE, relatif à l’emploi de Philippe MARTEL

faits commis entre le 1 janvier 1991 et le 31 mars 1993 et depuis temps non couverter

par la prescription, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

TINGÉRENCE et PRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS PAR UN ELU PUBLIC DANS UNEAFFAIRE DONT IL ASSURE L'ADMINISTRATION OU LA SURVEILLANCE, relatifà l’emploi de Patrick STEFANINI

faits commis entre avril 1992 et le 4 novembre 1994 et depuis temps non couvert par laprescription, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

TINGÉRENCE et PRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS PAR UN ELU PUBLIC DANS UNEAFFAIRE DONT IL ASSURE L'ADMINISTRATION OU LA SURVEILLANCE, relatifà l’emploi de Jérôme GRAND D’ESNON

faits commis entre juin 1991 et le 4 novembre 1994 et depuis temps non couvert par laprescription, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

TINGÉRENCE et PRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS PAR UN ELU PUBLIC DANS UNEAFFAIRE DONT IL ASSURE L'ADMINISTRATION OU LA SURVEILLANCE, relatifà l’emploi de Madeleine FARARD

faits commis entre 1992 et le 1 juin 1994 et depuis temps non couvert par laer

prescription, à Paris, en tout cas sur le territoire national.

Vu les articles susvisés :

CONDAMNE M. Jacques CHIRAC à 2 ANS d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

DIT qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévuespar ces articles.

Jugement nE 1

Page n 226o

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donnél'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné que s'il commet unenouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptibled'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'ilencourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Codepénal.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 90 eurosdont est redevable le condamné.

Le président avise M. Jacques CHIRAC que s'il s'acquitte du montant du droit fixe deprocédure et/ou du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de la date àlaquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 % sans que cettediminution puisse excéder 1500 euros conformément aux articles 707-2 et 707-3 du codede procédure pénale. Le président l'informe en outre que le paiement de l'amende et dudroit fixe de procédure ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéresséde demander la restitution des sommes versées.

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ORDONNE la confiscation des scellés.

SUR L’ACTION CIVILE :

Constate le désistement des parties civiles Ville de Paris et Julien BAYOU.

Constate le désistement présumé de David DJAKA, et de l’association “Loge Reniant laNationalité Française”.

Jugement nE 1

Page n 227o

Aux audiences des 5, 6, 7, 8, 12, 13, 15, 19, 20, 21, 22, et 23 septembre 2011, 13h30,11eme chambre/3, le tribunal était composé de :

Président : M. Dominique PAUTHE, Vice-PrésidentAssesseurs : Mme Cécile LOUIS-LOYANT, vice-président

Mme Marina LOBRY-IGELMAN, juge Assesseur supplémentaire : M. Jean-Luc BONGRAND, vice-président chargé desfonctions de l’instruction, conformément à l’ordonnance de Madame la Présidente duTribunal de Grande Instance de Paris en date du 29 août 2011.

Ministère Public : M. Michel MAES, vice-procureur de la RépubliqueMme Chantal DE LEIRIS, vice-procureure de la République

Greffier : Mlle Sandrine LAVAUD greffierGreffier supplémentaire :Mlle Hélène SURINACH, greffier

Fait, jugé et délibéré par : Président : M. Dominique PAUTHE, Vice-PrésidentAssesseurs : MME. Cécile LOUIS-LOYANT, vice-président

Mme Marina LOBRY-IGELMAN, juge

et prononcé à l’audience du 15 décembre 2011, à 10h00, de la 11ème chambre 3 sectionème

par M. Dominique PAUTHE, Vice-Président, en présence de Mme Cécile LOUIS-LOYANT, vice-président, de Mme Marina LOBRY-IGELMAN, juge, de M. MichelMAES, vice-procureur, de Mme Chantal DE LEIRIS, vice-procureure de la République,et assistés de Mlle Sandrine LAVAUD greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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