Mddec ine et Maladies In fec t i euses - 1989 - Hors Sdrie Mai -- 79 ~. 85

RESISTANCE A L'AMPICILLINE PAR PRODUCTION DE BETA-LACTAMASE CHEZ HAEMOPHILUS INFLUENZAE

par H. DABERNAT*, C. DELMAS*, V. LIVRELLI** et B. JOLY**

RESUME La r6sistance /i l'ampicilline par production de b6ta-lactamase con- cerne 10,8 % des souches dtudides en 1985-1986 et 15,1% de celles

dtudides en 1987. Les souches productrices sont plus particuli6rement frdquentes dans les biotypes I e t V. L'incidence est la plus forte pour les souches capsuldes de type b (17,9 h 23,1% de souches productrices). Au cours des deux p6riodes l'aug- mentation de la r6sistance h l'ampicilline a 6td importante, en particulier pour les souches responsables de mdningites (de 13,1 g 21,9 %), d'otites (13,4/t 18,3 %) ou de conjonctivites (5,9 /t 17,1%) ; par contre elle n'a pas concernd les souches isol6es de s6crdtions bronchiques (13 %) ou de sinusites (11%). Une augmentation sembla- ble a concern6 la t6tracycline mais pas le chloramphdnicol. La r6sistance ~ l'ampi- cilline est associde ~ celle de la tdtracycline pour 51% des souches rdsistantes et /t celle au chloramph6nicol pour 12,3 % des souches rdsistantes. Les souches isol6es en 1985-1986 produisent une enzyme de type TEM-1 (96,6 %), de type TEM-2 (4 sou- ches) et ROB-1 (une souche).

Mots-clds : 1-1. influenzae - Ampicilline - R6sistance - B6ta-lactamase - TEM-1 - ROB-1 - Phdnotypes de r6sistance.

La production de bdta-lactamase est le mdcanisme de r6sistance g l'ampicilline le plus fr6quent chez Haernophilus influenzae. Historiquement, la pre- miere souche productrice a dtd ddcrite en 1974, isol6e chez un enfant atteint de m6ningite puru- lente d'6volution fatale (10). La nature plasmi- dique de la rdsistance a dtd montrde et diff6rents plasmides de 45 kb, 7,4 kb et 10 kb ont 6t6 isol6s portant le g~ne codant la b6ta-lactamase (2). La rdsistance /~ l'ampicilline a, au cours des anndes 1970, 6t6 observ6e Clans de nombreux pays e t la prdvalence des souches r6sistantes a prdsent6 une dvolution croissante, variable cependant selon les anndes et selon les pays.

* Laboratoire de Microbiologie, Centre National de R6f6rence pour Haemophi lus in f luenzae , GEEP, CHU Purpan, F-31059 Toulouse. ** Laboratoire de Bactdriologie, Facultd de Mddecine et Pharmacie, 28, place Henri Dunant, 63001 Clerrnont-Ferrand c6dex.

Dans notre pays, une 6tude multicentrique r6alis6e en 1980-1981 (7) a montr6 une production de b6ta-lactamase chez 4,5 % de l'ensemble des sou- ches d'H. influenzae, et 7,5 % des souches isoldes de m6ningite et d'otite. La situation dpiddmiolo- gique de la r6sistance au cours des trois dernidres anndes est prdsentde g partir de donndes recueillies clans le cadre de l'activit6 du r6seau de surveillance permanent des infections "~ H. inJquenzae.

MATERIEL ET METHODES

Souches

Les souches d'H. influenzae pr6sent6es dans cette dtude ont 6td reques au Centre d'Etude des Haemo- philus (devenu Centre National de R6f6rence pour

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Haemophilus influenzae) dans le cadre du r6seau de surveillance permanent des infections ~ H. in- fluenzae, envoy6es par des correspondants r6partis sur l'ensemble du territoire (laboratoires d'H6pi- taux G6ndraux et HOpitaux Universitaires, voir liste dans Remerciements). Les souches ont 6t6 isol6es pendant deux p6riodes, en 1985-1986 et en 1987.

M6thodes

Les m6thodes de d6termination du biotype, de d6termination du s6rotype, et pour l'6tude de l'activit6 des antibiotiques ont 6t6 pr6cddemment d6crites. L'interprOtation de l'activit6 in vitro des antibiotiques a suivi les recommandations du Co- mit6 de l'Antibiogramme de la Soci6t6 Franqaise de Microbiologie (1, 6). La caract6risation des b6ta-lactamases a 6t6 r6alis6e par analyse par foca- lisation iso61ectrique (20).

Recherche de b6ta-lactamase

La production de b6ta-lactamase a 6t6 recherchde l'aide de la cdphalosporine chromog~ne (Nitroc6- fine, C6finase Bio-M6rieux).

RESULTATS

L'origine des souches 6tudides et leur nombre pour chaque p6riode consid6r6e sont pr6sent6es dans le tableau I. Au total 1392 souches ont 6t6 6tudides

en 1985-1986 et 744 en 1987. Ces souches appar- tiennent aux diff6rents biotypes (Tableau II) ; les biotypes I e t II sont les plus frdquents ; les bioty- pes I, II et III regroupent 88 % des souches. Les souches capsuldes de type b repr6sentent de 21 25 % de l'ensemble des souches (Tableau III) et plus de 90 % des souches isol6es de liquide c6phalo- rachidien. Les souches non capsul6es constituent de 85 ~ 90 % des souches iso16es de s6cr6tions bronchiques et de pus d'otite.

Les souches productrices de bdta-lactamase re- pr6sentent 10,8 % des souches en 1985-1986 et 15 ,1% en 1987. La r6sistance ~ la t6tracycline et au chloramph6nicol est pr6sent6e simultan6-

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ment. La r6sistance selon le biotype est pr6sent6e dans le tableau II. Les biotypes I e t V pr6sentent les plus forts pourcentages de souches produc- trices de b6ta-lactamase. Le biotype I e s t aussi le plus fr6quemment concern6 par la r6sistance g la t6tracycline et au chloramph6nicol. La rdsis- tance selon le s6rotype est prdsentde dans le tableau III. Dans tous les cas, la pr6valence de la r6sistance est nettement plus 61ev6e pour les sou- ches capsul6es de type b. L'augmentation de la

r6sistance entre l e s deux p6riodes concerne les souches capsul6es de type b e t les souches non capsut6es, avec une 6volution particuli6rement nette pour l'ampicilline, mod6r6e pour la t6tra- cycline, faible pour le chloramph6nicol ne con- cernant pour ce dernier antibiotique que les souches de type b.

La r6partition des r6sistances selon la nature du pr616vement est pr6sent6e dans le tableau IV.

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Globalement la r4sistance ~ ampicilline, t6tra- cycline et chloramph6nicol est respectivement de 10,8 2, 8,9 % et 2,9 % en 1985-1986 et de 15,1%, 10,3 % et 2,9 % en 1987.

I1 convient de souligner l'augmentation du nombre de souches productrices de b~taqactamase ddjg signal6e lors de l'6tude des biotypes et des s6ro- types. La r6sistance a l'ampicilline concerne les souches invasives isol4es lors de m6ningites et par h6moculture mais aussi les souches isol4es dans les infections localisdes comme les infections 0culaires et les otites moyennes. L'4volution vers la r6sis- tance est particuti6rement nette pour les souches responsables de mdningites et d'otites (13,1% 21,9 % et 13,4 % a 18,3 % de souches produc- trices de b6taqactamase respectivement) pour les souches isol6es de conjonctivites (5,9 %/~ 17,1%) ; par contre cette 6volution n'a pas concern6 les souches isol6es dans les s6cr6tions bronchiques purulentes et dans les sinusites. Pour les memes situations cliniques, l'6volution de la r6sistance l'ampicilline est accompagn6e d'une augmentation de la r6sistance aux t6tracyclines. La r4sistance au chloramph6nicol se maintient au meme niveau pen- dant les deux p6riodes consid6r6es pour l'ensemble des souches ; cependant une 6volution importante vers la r6sistance concerne les souches responsables de m6ningites, accompagnant la rdsistance /~ l'am- picilline.

La production de beta-lactamase est associ6e ou non g la r6sistance ~ d'autres antibiotiques. Seules

sont pr6sent6es les r6sistances concernant la tdtra- cycline et le chloramph6nicol (Tableau V). La r6sis- tance simultan6e g ampicilline et t6tracycline (asso- ci6e ou non ~ celle au chloramphdnicol) est la plus fr6quente, observ6e pour 53 % des souches r6sis- tantes quelle que soit la p6riode. La r6sistance simultan6e g ampicilline et chloramph6nicol (asso- ci6e ou non ~ celle ~ la t6tracycline) concerne 17,7 % des souches r6sistantes en 1985-1986 et 12,4 % en 1987. La r6sistance ~ l'ampicilline seule concerne 30 % des souches (27,7 % en 1985-1986 et 31,7 % en 1987) ; l'augmentation de l'incidence de ce ph6notype observ6 en 1987 concerne les sou- ches isol6es d'otites, de sinusites et de conjonc- tivites.

Le type de b6ta-lactamase a 6t6 d6termin6 par foca- lisation iso61ectrique en comparaison avec diffd- rentes b6ta-lactamases de r6f6rence cod6es par des plasmides R (TEM-1, TEM-2, OXA-2, SHV-1, ROB-l).

L'6tude des 151 souches productrices d'enzyme a permis de reconnaitre trois types d'enzyme. L'en- zyme la plus fr6quente est de type TEM-1, pr6sent chez 146 (96,6 %) des 151 souches ; 4 souches produisent une enzyme de type TEM-2. Une sou- che, non capsul6e de biotype II, produit une enzy- me identique /t celle d6crite par Rubin et coll. en 1981 chez une souche d'H. injquenzae de type b (28). La r6partition des types d'enzyme par bio- type et par s6rotype est pr6sent6e dans les tableaux VI et VII.

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DISCUSSION

En raison de la gravit6 des cons6quences th6rapeu- tiques, la r6sistance /t l'ampicilline a 6t6 particu- li~rement dtudi6e et suivie. L 'augmentat ion de Fin- cidence a 6t6 g6ndrale dans tous les pays mais des variations importantes ont pu 6tre not6es selon les ann6es et les pays. Apr~s l 'apparition des premieres souches r6sistantes en 1973-74, la fr6quence a aug- ment6 r6guligrement pour concerner 5 % des sou- ches invasives en 1980. Cette situation a 6t~ obser- vde au Royaume-Uni (1,6 % en 1977) (24), dans certains 6tats des Etats-Unis d'Am6rique (de 0 4,3 % en 1977) (15, 18, 30), au Canada (29), en

Belgique (11), en Finlande (16), en Nouvelle- Z61ande (9), en Australie (12).

Au d6but des ann6es 1980, le pourcentage de sou- ches productrices de b6ta-lactamase d6passe sou- vent 10 % et, dans le m6me temps, sont isol6es les premi6res souches r6sistantes /t l'ampicilline sans production de b6ta-lactamase (22) et des souches multir6sistantes. Isoldes dans diff6rentes situations pathologiques, les souches sont r6sistantes ~ l'am- picilline, au chloramph6nicol, aux t6tracyclines avec ou sans la r6sistance gt d'autres antibiotiques (kanamycine, trimdthoprime) (4, 5, 13, 14).

I1 faut souligner que la r6sistance g l'ampicilline, comme celle aux autres antibiotiques, est plus fr6- quente chez les souches capsuldes de type b, que ces souches capsul6es soient isol6es ou non lors de manifestations invasives (8, 24, 25, 29).

Plusieurs 614ments peuvent jouer un r61e important dans l'6volution de la r6sistance /~ l'ampicilline chez 21. influenzae. La r4sistance it l'ampicilline sans production de b6ta-lactamase est connue

d e p u i s plusieurs ann6es mais, en raison m~me du m6canisme impliqu6 dans la r6sistance, n'a qu'une incidence faible (23). Cependant une 6tude r6cente r4alis6e par Powell et coll. (25) au Royaume-Uni a montr6 que la r6sistance ~ l'ampicilline sans pro- duction de b6ta-lactamase (CMI >~ 4 rag/l) concer- nait 1,6 % de l 'ensemble des souches test6es et 9 % des souches capsuldes de type b ; la production de bdta-lactamase 6tant observ6e chez 18 % des sou- ches de type b e t chez 6,2 % de l'ensemble. Les souches non productrices de b6ta-lactamase et inhib6es par des concentrations >~ 4 mg/1 d'ampi- cilline pr6sentent une sensibilit6 diminu4e g~ diff4- rents antibiotiques de la famille des b6ta-lacta- mines (26, 27).

La tol6rance d'/-/, influenzae aux b6ta-lactamines a 6t6 6tudi6e par Bergeron et coll. (3). Un rapport CMI/CMB sup6rieur ou ~gal gt 32 a 6td observ6 pour 5 % des souches 6tudi6es, une souche pouvant avoir un compor tement different selon l'antibio- tique. Ce ph6nom~ne ne semble pas avoir de signi- fication clinique mais la d6termination de la con- centration minimale bact6ricide pourrait 6tre utile pour comprendre une insuffisance ou une lenteur de r6ponse ~ un trai tement par b6ta-lactamine.

Lors de production de b~ta-lactamase, l 'enzyme produite est le plus souvent de type TEM (TEM-1 dans la majorit6 des cas ou TEM-2). En 1981, Rubin et coll. (28) ont d6crit une souche d'H. in-

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fluenzae de type b, responsable de m6ningite, pro- duisant une b6ta-lactamase qui n'avait pas 6t6 d6cel6e par les tests classiques (nitroc6fine). I1 s'agissait d'une b6ta-lactamase d'un type nouveau, ayant le m6me profil de substrat que les enzymes TEM-1 mais avec un point iso61ectrique, tr6s diff6- rent, de 8,1 (pI de 5,4 pour TEM-1). Cette nouvelle enzyme, inhib6e par les inhibiteurs de b6ta-lacta- mase comme le type TEM-1, a 6t6 trouv6e dans une autre souche d'H. influenzae isol6e aux USA lots de m6ningite (21). Ce m6me type d'enzyme est pr6sent dans des souches d'H. pleuropneu- moniae isol6es chez le porc (21). Les souches por- tent un plasmide pr6sentant une importante homo- logie.

La s0uche isol6e en France a fait l'objet d'une 6tude plus pouss6e (17, 19) ; le plasmide pr6sent dans la souche est similaire ~ celui pr6sent dans les souches am6ricaines. D'isol6 et ponctuel, le ph6no- m6ne est peut-6tre le d6but d'une nouvelle 6volu- tion de la r6sistance ~ l'ampicilline chez H. influen- zae ~ partir d'un r6servoir de g6nes de r6sistance pr6sent dans des souches strictement animales.

Remerciements

Les auteurs adressent leurs remerciements d tous ceux qui leur ont expddid des souches :

- Dr Sedallian (Annecy) ; Dr Chardon (Aix-en- Provence) ; Pr Bebear, Dr Megraud (Bordeaux) ; Pr Chastel (Brest) ; Pr Cluzel (Clermont-Ferrand) ; Dr Boussougant (Colombes) ; Dr Darchies (Com- pidgne) ; Dr Geslin (Crdteil) ; Pr Le Noc (Greno- ble) ; Dr Laborie (Lannion) ; Dr Auberger (Laval) ; Dr Ghnassia (Le Chesnay) ; D r Marmonier (Le Mans) ; Pr Denis (Limoges) ; Dr Lionsquy (Long- jumeau) ; Pr Flandrois, Pr Fleurette et Dr Moulin (Lyon) ; Dr Raoult (Marseille) ; Dr Darbas (Mont- pellier) ; Dr Trevoux (Mulhouse) ; Pr Courtieu, Pr Drugeon (Nantes) ; Pr Vandekerhove, Dr Etesse (Nice) ; Pr Ramuz (Nfmes) ; Pr Bricout (Paris) ; Pr Chippaux (Reims) ; Pr Avril, Pr Cormier (Ren- nes) ; Dr Prieur (Romans) ; Dr Viole (Rochefort- sur-Mer) ; Pr Monteil (Strasbourg) ; Pr Didier, Pr Lareng, Dr Moatti (Toulouse) ; Dr Caillaux (Tourcoing) ; Dr Fevre (Vienne) ;Dr Dublanchet ( Vitleneuve-Saint-Georges ). •

SUMMARY AMPICILLIN RESISTANCE A N D BETA.LA CTAMASE PRODUCTION IN HAEMOPHILUS INFLUENZAE

Beta-lactamase production was observed for 10.8 % o f the strains studied in 1985- 1986 and for 15 % for those studied in 198Z Beta-lactamase-producing strains were most frequent for biotype I and V. The higher incidence was observed for type-b capsulated strains (17,9 to 23, 1 ~ o f producing strains). During the two periods o f time the increased o f ampicillin-resistance incidence was particularly important for the strains isolated from CSF (13.4 to 21.9 ~), from otitis (13.4 to 18.4 ~), from conjunctivitis (5.9 to 17. 1 ~) ; the incidence remained the same for the strains isolated from bronchial secretions (13 %) and from sinusitis (11%). A similar increase was observed with tetracycline but not with chloramphenicol. 53 ~ o f resistant strains showed resistance to ampicillin and tetracycline ; and 12,3 % showed resistance to both ampicillin and tetracycline. The enzymes produ- ced were TEM-1 (96,6 % o f beta-lactamase producing strains), TEM-2 (4 strains) and ROB-1 (one strain).

Key-words : H. influenzae - Ampicillin - Beta-lactamase - TEM-1 - ROB-1 - Pattern o f resistance.

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