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Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise © AMRAE LE 16 DECEMBRE 2011 Responsabilité civile Produits : Etat de la jurisprudence Présenté par Maître Etienne BOYER

Responsabilité civile Produits : Etat de la jurisprudence · Certains arrêts intéressants ont été rendus par les Juges du fond et la Cour de cassation au sujet de ces trois éléments

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Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise

© AMRAE

LE 16 DECEMBRE 2011

Responsabilité civile Produits : Etat de la jurisprudence

Présenté par Maître Etienne BOYER

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PLAN

I. Responsabilité civile du fait des produits défectueux

II. Vice caché et non-conformité

III.Obligation d’information et de conseil

IV. Assurance RC Produits

-2-

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I. Responsabilité civile du fait des produits défectueux

a) Réaffirmation de la responsabilité du

producteur identifié / Exclusivité du régime

de responsabilité

Cass, Com, 26 mai 2010, n°08-18.545

-3-

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I. Responsabilité civile du fait des produits défectueux

b) Obligations probatoires du demandeur

Article 1386-9 du Code civil :

« Le demandeur doit prouver le dommage,

le défaut et le lien de causalité entre le

défaut et le dommage ».

-4-

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I. Responsabilité civile du fait des produits défectueux

c) Obligations du demandeur

i) Défaut du produit

CA Versailles, 20 janvier 2011, n°09/08695

-5-

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I. Responsabilité civile du fait des produits défectueux

c) Obligations du demandeur

ii) Dommage

Réparation des dommages causés à une

chose à usage professionnel

Cass, Com, 26 mai 2010, n°07-11.744

-6-

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I. Responsabilité civile du fait des produits défectueux

c) Obligations du demandeur

iii) Lien de causalité

Cass, Civ 1ère, 25 novembre 2010, n° 09-16.556

CA Paris, 6 mai 2011, n°08/03447

CA Paris, 29 avril 2011, n°08-16047

Cass, Civ 1ère, 28 avril 2011 n°10-15.289

CE, 9 février 2011, n°319497

-7-

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II. Vice caché et non conformité

a) Non-conformité des biens de

consommation et obligations du vendeur

CJUE, 16 juin 2011

-8-

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II. Vice caché et non conformité

b) Clause limitative de garantie

Cass, Com, 26 mai 2010, n°07-11.744

-9-

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II. Vice caché et non conformité

c) Défaut de conformité non apparent /

défaut de conformité dans le cadre de

ventes successives

Cass, Civ 1ère, 20 mai 2010, n°09-

10.086

-10-

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III. Obligation de conseil et d’information

Cass, 1ère Civ, 28 octobre 2010, n°09-

16.913

Cass, 1ère Civ, 3 février 2011, n°10-

10.719

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IV. Assurance RC Produits

Cass, 2ème Civ, 3 juin 2010 n°09-14.338

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ETAT DE LA JURISPRUDENCE FACE A LA DIRECTIVE RC PRODUIT Présentation du 16 décembre 2011 de Maitre Etienne BOYER

Cabinet DELRUE - BOYER

La jurisprudence récente en matière de RC produits peut être synthétisée en quatre points. Responsabilité du fait des produits défectueux. Le vice caché et la non conformité. L’obligation de conseil et information. L’assurance RC produits

1. Responsabilité du fait des produits défectueux Remarques : Les arrêts rendus récemment en matière de responsabilité du fait des produits défectueux concernent principalement les produits de santé. a) Principe : Réaffirmation de la responsabilité du producteur identifié / Exclusivité du régime de la responsabilité Nous rappelons que selon la directive de 1985 un fournisseur ne peut être assimilé au producteur pour l’application uniquement lorsque le fabricant ne peut être identifié (cf condamnation de la France pour mauvaise transposition de cette disposition de la directive – CJCE 25 avril 2002, n°52/00) d’une part et que d’autre part le régime établi par la directive ne peut cohabiter avec un régime de responsabilité existant dans un état membre ayant le même fondement. A suite de cette condamnation la France a modifié sa législation par les articles :

1386-7 du Code civil dispose que « Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur,

à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre

fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes

conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le

producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la

victime lui a été notifiée ».

1386-18 du Code civil dispose que « Les dispositions du présent titre ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité ».

C’est dans ce cadre, qu’un Arrêt a été rendu récemment par la Cour de Cassation (Cass, Com,

26 mai 2010, n°08-18.545) aux termes duquel la magistrature suprême a confirmé et mis en

application les deux principes établis en avril 2002 par la CJCE:

Dans ce cas d’espèce le nom du producteur étant connu, les demandeurs ne pouvaient donc agir contre le fournisseur sur le fondement des articles 1386-1 et suivants de Code civil. Ils ont alors fondés leur action sur l’article 1382 du Code civil, en invoquant tout de même un défaut de sécurité.

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La Cour d’Appel de Grenoble saisi du problème a déclaré cette action irrecevable car les demandeurs n’établissaient aucune faute distincte du défaut de sécurité du produit, ce qui était conforme à la jurisprudence de la CJCE La Cour de cassation a confirmé cette décision au motif que :

« Mais attendu que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux exclut l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de droit commun fondés sur le défaut d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, à l'exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés ; qu'ayant relevé, d'abord, que la société Ettax n'était que le fournisseur du matériel litigieux et non son fabricant, puis, que la société Acte IARD et la société FM connaissaient l'identité du producteur, et enfin, que celles-ci n'établissaient aucune faute distincte du défaut de sécurité du produit, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturer les conclusions qui lui étaient soumises, que l'action en responsabilité délictuelle fondée sur l'article 1382 du code civil était irrecevable à l'encontre de la société Ettax par application des articles 1386-1 et suivants du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ».

Plusieurs auteurs ont commenté cette décision en indiquant que : « La solution est à la vérité fort logique. Permettre de déduire une faute délictuelle du défaut de sécurité du produit reviendrait à contourner l’interprétation jurisprudentielle de la directive imposée à la CJCE »1. Ou que : « Mais pour qu’une action en responsabilité de l’acheteur contre le fournisseur puisse prospérer il faudrait qu’elle repose sur une faute distincte de celle d’avoir vendu un produit ne présentant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, sinon cela reviendrait à contourner la subsidiarité de la responsabilité de la responsabilité du fournisseur par rapport à celle du fabricant sur le terrain des produits défectueux et à laquelle les instances communautaires tiennent tant ! Or ici, une faute distincte n’était pas établie »2.

b) Obligations probatoires du demandeur

L’article 1386-9 du Code civil dispose que :

« Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le

défaut et le dommage ».

Certains arrêts intéressants ont été rendus par les Juges du fond et la Cour de cassation au

sujet de ces trois éléments dont la preuve incombe au demandeur de l’action en responsabilité

du fait des produits défectueux.

i) Défaut du produit

1 RTD Civ 2010, page 790, Patrice Jourdain

2 « Responsabilité du fait des produits défectueux », La Semaine Juridique – Edition Entreprise et Affaires, n°34,

26 août 2010, Laurent Leveneur

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La notion de défaut est la clé de voûte de la loi, qui l’a empruntée à la directive communautaire. Au sens de la loi, le défaut susceptible d’engager la responsabilité du producteur est celui qui compromet la sécurité de l’utilisateur du produit. Sa preuve incombe au demandeur à l’action. La Cour d’appel de Versailles a rendu un Arrêt intéressant sur la preuve du défaut (CA Versailles, 20 janvier 2011, n°09/08695). Les juges du fond sur ce point précis ont considéré que :

« Il est constant que la preuve tant du défaut du produit que du lien de causalité entre le défaut et le dommage, peuvent s'apprécier en ayant recours à de simples présomptions, à la condition qu'elles soient graves, précises et concordantes » (…) « Il résulte de ces présomptions suffisamment précises graves et concordantes que l'Isoméride était un produit défectueux »

Bien que cet arrêt s’inscrit dans le cadre particulier du contentieux médical (Isoméride : médicament coupe-faim retiré en 1997 du fait de sa dangerosité), la cour d’appel de Versailles admet que la preuve du défaut du produit peut être caractérisée par des présomptions, à la condition qu’elles soient cumulativement graves, précises et concordantes. Mais il faut dire que les faits étaient particuliers car le produit avait été retiré du marché, ce qui selon la Cour permettait de caractériser le défaut du produit.

Nous ne savons pas si un pourvoi a été fait sur cet Arrêt qui s’inscrit tout de même dans le cadre particulier des produits de santé.

ii) Dommage : Réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel

A travers un arrêt rendu le 4 juin 2009, la CJCE a estimé que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relevait pas du champ d’application de la directive, et par conséquent n’empêchait pas un état membre de prévoir à leur égard un régime de responsabilité correspondant à celui instauré par la directive (CJCE, 4 juin 2009, C-285/08). Tirant toutes les conséquences du principe dégagé par cette décision, la Cour de cassation vient de juger que (Cass, Com, 26 mai 2010, n°07-11.744) que : tout en en reconnaissant que le régime de la responsabilité issu de la directive ne pouvait s’appliquer à des professionnel elle a tout de même condamné le fabricant sur le fondement d’une obligation de sécurité mais interprétée à la lumière de la directive. Ce qui permet à travers cet arrêt d’accorder aux victimes de biens à usage professionnel un niveau de protection identique à celui qui est reconnu à celles qui subissent un dommage du fait d’un produit de consommation défectueux .

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En ce sens :

« Mais attendu, d'une part, que la Cour de justice des Communautés européennes a énoncé (CJCE, 4 juin 2009, affaire C-285/08, point n° 28) que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l'usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d'application de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ; Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que le dommage avait pu être circonscrit au seul transformateur, la cour d'appel a distingué le bien pour lequel il était demandé réparation de l'alternateur défectueux »

Selon un auteur, l’arrêt 26 mai 2010 « tire toutes les conséquences de cette décision de la CJCE en rejetant le moyen faisant grief à la cour d’appel d’avoir condamné le fabricant de l’alternateur défectueux, sur le fondement d’une obligation de sécurité issue des dispositions du Code civil interprétées à la lumière de la directive du 25 juillet 1985, à rembourser à la société de maintenance et son assureur les sommes que ces derniers avaient versées à l’hôpital »3. Il ajoute qu’il « faut cependant se réjouir de constater que cette jurisprudence permet d’accorder aux victimes de biens à usage professionnel un niveau de protection a priori identique à celui qui est reconnu à celles qui subissent un dommage du fait d’un produit de consommation défectueux »4.

iii) Lien de causalité Dans une série d’arrêts rendus le 22 mai 2008, la Cour de cassation avait affirmé que si l’action en responsabilité du fait d’un produit défectueux exigeait la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve pouvait résulter de présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes (Cass, Civ 1, 22 mai 2008, n°06-10967). Ces arrêts pouvaient laisser penser que la Cour de cassation allait poursuivre dans cette voie en facilitant le recours à ce régime de responsabilité des victimes d’accidents vaccinaux. Mais en fait , il n’en est rien car comme nous le démonterons les arrêts rendus après 2008 ne sont moins protecteurs des intérêts des victimes . Ainsi, dans un arrêt rendu le 25 novembre 2010 (Cass, Civ 1ère, 25 novembre 2010, n° 09-16.556), la Cour de cassation a refusé de retenir l’existence de présomptions susceptibles d'établir une corrélation entre l'affection et la vaccination, affirmant que :

« Mais attendu qu'ayant apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a estimé souverainement qu'en l'absence de consensus scientifique en faveur d'un lien de causalité entre la vaccination et les affections démyélinisantes, le fait que Mme X... ne présentait aucun antécédent personnel ou familial et le fait que les premiers symptômes étaient apparus quinze jours après la dernière injection ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes en sorte que n'était pas établie une corrélation entre l'affection de Mme X... et la vaccination ; que, mal fondé en sa seconde branche, le moyen est inopérant en sa première branche »

3 RCA, octobre 2010, n°257

4 RCA, octobre 2010, n°257

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Patrice Jourdain critique cette décision estimant que dans de pareilles circonstances le lien de causalité aurait du être retenu. Par ailleurs, deux arrêts de la Cour d’appel de Paris et un arrêt de la Cour de cassation ont considéré que le lien de causalité devait être constitué d’une corrélation ou imputabilité entre la maladie et le médicament administré.

- La Cour d’appel de Paris a affirmé, le 6 mai 2001 (CA Paris, 6 mai 2011, n°08/03447), que :

« Que la responsabilité du producteur suppose nécessairement au préalable et non à titre supplémentaire que le demandeur apporte outre la preuve de l'administration du produit, que son dommage est en liaison, au moins pour partie, à ce produit »

- La Cour d’appel avait déjà retenu une telle solution (pour un exemple, CA Paris, 29 avril

2011, n°08-16047). - Tranchant ce débat, la première chambre civile de la Cour de cassation s’est ralliée à la

jurisprudence récente de la Cour d’appel de Paris dans un Arrêt du 28 avril 2011 (Cass, Civ 1ère, 28 avril 2011 n°10-15.289), considérant que :

« Attendu que la cour d'appel (Paris, 11 septembre 2009), appréciant souverainement, par une décision motivée, les éléments de fait qui lui étaient soumis, a estimé qu'ils ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir une corrélation entre la maladie de M. X... et la vaccination litigieuse, de sorte que ni la responsabilité de la société Glaxosmithkline, ni, en l'absence d'une telle corrélation, celle de M. Y... ne pouvaient être engagées ; qu'aucun des griefs n'est fondé »

La doctrine est très partagée, car : - Certains auteur estime que ces arrets ne contredit pas les arrets de 28 car « elle s’y conforme en faisant référence aux présomptions du fait de l’homme pour apprécier, notamment, la corrélation, qui n’est qu’un aspect du lien de causalité » - D’autres auteurs reprochent à la Cour d’appel de Paris d’ajouter une condition aux textes en la matière. - Enfin, selon les derniers auteurs, une telle analyse contredit directement les arrêts du 22 mai 2008, aux termes desquels à défaut de lien de causalité direct et certain entre le défaut d’un produit et le dommage allégué par un patient, il incombe aux juges du fond de rechercher si les éléments qui leur sont présentés constituent des présomptions graves, précises et concordantes en faveur d’un tel lien. Il faut donc comprendre que ces derniers arrêts compliquent l’action du demandeur. En effet, afin d’engager la responsabilité du producteur, le demandeur doit apporter au préalable la preuve que le dommage est imputable au moins pour partie au produit.

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Pour finir , nous pouvons aussi mentionner un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 9 février dernier (CE, 9 février 2011, n°319497) rappelant les indices de causalité permettant d’établir les présomptions. Le Conseil d’Etat affirme ainsi que :

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour et notamment des rapports d'expertise et qu'il a été constaté par l'arrêt attaqué que les premiers symptômes de la sclérose en plaques de Mme A se sont manifestés en juin 1995, soit plusieurs années après la troisième injection du 28 août 1990, et que de nouvelles manifestations de la maladie ont eu lieu en août 1996, soit trois mois après le second rappel ; qu'en retenant l'existence d'un lien direct entre la vaccination et la sclérose en plaques alors que les premiers symptômes de la maladie étaient apparus plusieurs années après la vaccination initiale, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une erreur dans la qualification juridique des faits ; que le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS est, par suite, fondé à en demander l'annulation ; (…) Considérant qu'en l'absence de preuve d'un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques dont est atteinte Mme A, cette pathologie ne saurait être regardée comme directement imputable au service ; qu'elle est n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande »

Un auteur soutient que « pour pallier les inconvénients de l’appréciation des présomptions laissées au pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, il conviendrait que la Cour de cassation précise, à l’instar du Conseil d’état (…) les indices de causalité à retenir »5.

En conclusion, depuis les arrêts rendus par la CJCE en 2009, peu d’arrêts ont apportés des évolutions majeures au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. Les derniers arrêts, dont il est fait état dans la présente formation, traitent du problème particulier de la défectuosité des produits de santé.

2. Vices caché et non-conformité

a) Non-conformité des biens de consommation et obligations du vendeur

Dans le cadre de la vente de carrelage non conforme et d’une vente d’un défaut d’un lave-vaisselle dont la réparation était impossible, les juridictions allemandes ont saisi la CJUE d’une question préjudicielle tendant à savoir si le droit de l’Union européenne oblige le vendeur à prendre en charge l’enlèvement du bien non conforme et l’installation du bien de remplacement.

Se fondant sur la directive européenne 1999/44/CE qui encadre la vente des biens de consommation, et prévoit que le vendeur répond vis-à-vis du consommateur de tout défaut de

5 Recueil Dalloz 2011 page 2565, Droit de la Santé, Janvier 2010 – Juillet 2011, Anne Laude

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conformité de ce bien lors de sa délivrance, la CJUE a répondu de la façon suivante (CJUE, 16 juin 2011) : Dans une situation dans laquelle aucune des deux parties n’a agit de manière fautive, la cour considère qu’il est justifié de mettre à la charge du vendeur les frais d’enlèvement du bien non conforme et l’installation d’un bien de remplacement, dés lors que, selon la cour, ces frais supplémentaires sont nécessaires pour procéder au remplacement.

b) Clause limitative de garantie

La jurisprudence bien établie a rappelé que le fabricant est en droit d'opposer au sous acquéreur

tous les moyens de défense que celle-ci pouvait opposer à son propre cocontractant (Cass, 3ème Civ, 26 mai 1992, n°90-17.703 ; Cass, 1ère Civ, 7 juin 1995). La Cour de cassation a récemment réaffirmé ce principe dans un arrêt (Cass, Com, 26 mai 2010, n°07-11.744) qui s’inscrit exactement dans ce cadre. La Cour de cassation affirme que :

« La société Moteurs Leroy Somer [le fabriquant] était en droit d'opposer à la société Dalkia France [le sous-acquéreur] et à la société Ace Europe son assureur qui, subrogées dans les droits du sous-acquéreur, exerçaient une action de nature contractuelle, tous les moyens de défense qu'elle pouvait invoquer à l'encontre de son propre cocontractant, la société Wartsila ».

En l’espèce le fabricant est donc bien fondé à opposer au sous acquéreur exerçant une action de nature contractuelle la clause limitative de garantie des vices cachés figurant dans ses conditions générales vente. Un auteur affirme que bien que fortement critiquée, notamment au regard des principes qui découlent de l’effet relatif des conventions, cette solution présente ici l’avantage, pour la période intermédiaire comprise entre la date limite de transposition de la directive et l’entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998, de placer les acquéreurs professionnels, exclus du champ de cette norme et par conséquent des contraintes qu’elle impose aux victimes en termes de prescription, d’exonération ou de franchise, dans une situation comparable à celle des acquéreurs non professionnels qui y sont soumis 6. Il faut ici comprendre, qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi de transposition de la directive, les professionnels devront subir les effets du régime de responsabilité issu de la directive dont la loi du 19 mai 1998 leur a étendu le bénéfice et ceux du contrat entre le fabricant et le producteur comportant généralement une clause limitative de responsabilité. c) Défaut de conformité non apparent / défaut de conformité dans le cadre de ventes successives La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 20 mai 2010 (Cass, Civ 1ère, 20 mai 2010, n°09-10.086) qui semble remettre en cause beaucoup de principes sur la question du défaut de conformité non apparent.

6 RCA, Octobre 2010, page 23

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Il ne s’agit que d’un arrêt d’espèce, mais qu’il est intéressant de mentionner. La Cour de cassation considère :

« Attendu qu'ayant relevé que la société Alupharm était un professionnel de l'industrie pharmaceutique qui ne pouvait pas ignorer les spécificités chimiques des différentes qualités d'inox, qu'elle savait parfaitement qu'elle achetait des conteneurs d'occasion et dont l'origine lui était mal connue, et que les conteneurs d'occasion livrés ne portaient aucune plaque permettant de connaître les spécificités de l'inox ayant servi à leur fabrication, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations que, même en l'absence de défaut de conformité apparent, la société Alupharm avait commis une faute de négligence en acceptant sans réserve ni contrôle technique lesdits conteneurs, tandis que la qualité de l'inox était déterminante et qu'il était techniquement possible de la vérifier rapidement ; que le moyen n'est pas fondé » « Attendu que l'action résolutoire résultant d'un même défaut de conformité se transmet avec la chose livrée, de sorte que lorsque, comme en l'espèce, elle est exercée, d'une part, par le sous-acquéreur à la fois contre le vendeur intermédiaire et contre le vendeur originaire, à l'égard duquel le sous-acquéreur dispose d'une action directe contractuelle, d'autre part, par le vendeur intermédiaire contre le vendeur originaire, seule peut être accueillie l'action formée par le sous-acquéreur contre le vendeur intermédiaire et contre le vendeur originaire, le vendeur intermédiaire pouvant seulement agir en ce cas contre le vendeur originaire aux fins de garantie des condamnations prononcées contre lui en faveur du sous-acquéreur ; qu'en outre, le vendeur originaire ne peut être tenu de restituer davantage qu'il n'a reçu, sauf à devoir des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé tant au sous-acquéreur qu'au vendeur intermédiaire »

L’apport de cet arrêt est double au regard de l’obligation de délivrance conforme dans le cadre des contrats de vente soumis au Code civil :

- Dans une vente d’un bien d’occasion entre professionnels, le juge du fond peut admettre que, même si le défaut de conformité n’est pas apparent, l’acheteur commet une faute en réceptionnant sans émettre de réserve ni procéder à un contrôle technique. Il peut donc partager les responsabilités et réduire les dommages et intérêts.

Ce point est critiqué par la doctrine qui affirme notamment que « on ne saurait donc admettre tout à la fois qu’un défaut était caché au moment de la livraison et que l’acheteur a commis une faute en ne faisant pas procéder aux vérifications qui auraient permis de le révéler »7. A noter que la Cour de cassation précise la sanction de la négligence de l’acquéreur : la diminution des dommages et intérêts dus par le vendeur

- En cas de ventes successives d’un même bien présentant un même défaut de

conformité, seule peut être accueillie l’action en résolution du sous acquéreur contre les vendeurs intermédiaire et originaire, tandis que l’intermédiaire ne peut simultanément agir contre son vendeur qu’aux fins de garantie des condamnations prononcées contre lui en faveur de son acheteur.

Ainsi, selon la Cour de cassation, en cas de concours d’actions fondées sur un même défaut, l’action directe en résolution du sous-acquéreur contre le vendeur originaire prime

7 « Circonscription et circulation de l’obligation de délivrance conforme », Recueil Dalloz 2010 page 1757,

Olivier Deshayes

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celle de l’acheteur intermédiaire, qui ne dispose que d’une action en garantie de ses condamnations8. Autant le sous-acquéreur peut intenter deux actions en résolution (celle de la première vente du fait de sa transmission, et celle de la seconde du fait du contrat qu’il a personnellement conclu), autant il n’est pas possible d’accueillir deux actions en résolution de la même vente (la vente originaire) émanant de deux personnes différentes (le sous-acquéreur et le vendeur intermédiaire)9.

La Cour de cassation précise dans son attendu que le vendeur intermédiaire ne se trouve pas pour autant privé de tout recours contre son propre vendeur et peut agir contre le vendeur originaire aux fins de garantie des condamnations prononcées contre lui en faveur du sous-acquéreur.

3. Obligation d’information et de conseil

Parallèlement à l’obligation d’information portant sur les caractéristiques du bien (article 1602 du Code civil), la jurisprudence a développé une obligation de conseil pesant sur le vendeur professionnel aux termes de laquelle il est tenu d’informer l’acheteur sur son aptitude à l’utilisation qui en est prévue. La Cour de cassation, a rendu un arrêt le 28 octobre 2010 (Cass, 1ère Civ, 28 octobre 2010, n°09-16.913), qui s’inscrit dans cette tendance jurisprudentielle actuelle de renforcement des obligations à la charge du vendeur professionnel et consacre l’existence d’un devoir général de conseil à la charge du vendeur professionnel. La Cour de cassation y affirme que :

« Il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue ».

Ainsi, le vendeur professionnel est tenu de se renseigner sur l’usage projeté par l’acquéreur. Une telle solution avait déjà été retenue à l’encontre de l’entrepreneur. A travers cet arrêt la Cour de cassation l’étend au vendeur professionnel. Conformément à l’ensemble de la jurisprudence en matière de conseil, la charge de la preuve est inversée, ce qui conduit le vendeur professionnel à devoir prouver qu’il s’est effectivement renseigné sur les besoins de l’acheteur. Cette décision ne semble pas aller à l’encontre d’une d’un arrêt rendu le 11 juillet 2006, par lequel la Cour de cassation avait affirmé que le devoir de conseil pesant sur le vendeur professionnel n’existait qu’à la condition que le client soit dépourvu de toute compétence (Civ 1, 11 juillet 2006).

8 La Semaine juridique, Edition entreprise et affaires n°37, 16 septembre 2010

9 « Des contractants privés de résolution », RTD Civ 2010, page 554, Bertrand Fages

Page 22: Responsabilité civile Produits : Etat de la jurisprudence · Certains arrêts intéressants ont été rendus par les Juges du fond et la Cour de cassation au sujet de ces trois éléments

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Un auteur critique cette décision, affirmant que « ainsi, largement entendue, le règle résultant de la présente décision nous parait contestable. En effet, s’il apparait raisonnable d’imposer au vendeur de justifier de son devoir de conseil sur les inconvénients et précautions d’emploi lorsque la chose est destinée à un usage habituel, il nous parait en revanche excessif d’exiger qu’il établisse l’adéquation de la chose acquise à un usage spécifique qui requérait des qualités particulières »10. La Cour de cassation a également eu l’occasion de rendre un arrêt (Cass, 1ère Civ, 3 février 2011, n°10-10.719) au sujet de l’obligation de conseil et d’information pesant sur le fabriquant, au même titre que sur le vendeur professionnel. Ainsi la Cour affirme que :

« Le fabriquant comme le vendeur est tenu d’une obligation de conseil et de renseignement afin d’informer le consommateur des dangers inhérents au produit, des conditions de son utilisation et des soins devant être apportés à son entretien ».

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’affirmer que le fabriquant d’un produit doit fournir tous les renseignements indispensables à son usage et notamment avertir l’utilisateur des précautions à prendre lorsque le produit est dangereux (Civ 1, 14 décembre 1982).

4. Assurance de RC Produits A travers un arrêt rendu le 3 juin 2010 (Cass, 2ème Civ, 3 juin 2010 n°09-14.338), la Cour de cassation se prononce sur la validité de la clause d’exclusion des dommages subis par les produits livrées et/ou les travaux exécutés par l’assuré et le coût de leur remboursement, réparation ou remplacement, au regard des dispositions de l’article L.113-1 du Code des assurances11. La haute juridiction tranche en faveur de la validité de cette clause en affirmant :

« Qu’en statuant ainsi alors que l’article 13 des conventions spéciales excluait de la garantie de l’assureur les dommages subis par les matériels ou les produits livrés par l’assuré et par les travaux exécutés par lui, ainsi que les frais nécessités par la dépose et la repose, la remise en état, la rectification, la reconstruction, le remplacement ou le remboursement desdits matériels, produits ou travaux, la Cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis ».

La Cour de confirmer sa position antérieure. La Haute juridiction avait, en effet, déjà eu l’occasion de censurer une Cour d’appel qui avait refusé d’appliquer l’exclusion du produit (notamment Cass, 2ème Civ, 9 avril 2009). Cette décision doit être soulignée en ce qu’elle est peu courante, alors même que l’exclusion dommages subis par les produits livrés par l’assuré est une clause figurant dans toutes les Polices d’assurance de responsabilité civile sur le marché. La Cour de cassation consacre ainsi la validité de cette clause d’exclusion classique. Etienne BOYER, pour AMRAE, le 16 décembre 2011

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RCA, Janvier 2011, page 25 11

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la

charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police »