Responsabilite en Matiere d'Environnement

  • Upload
    sismael

  • View
    247

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    1/94

    Document 1 de 1

    JurisClasseur Environnement et Développement durable

    Date du fascicule : 2 Août 2006Date de la dernière mise à jour : 31 Août 2014

    Fasc. 5000 : RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT

    Jean-Pierre Demouveaux

    Président de tribunal administratif et de cour administrative d'appel

    Mises à jour

    Mise à jour du 31/08/2014 - §1. - Préjudice écologique

    Mise à jour du 31/08/2014 - §5. - Responsabilité de l'État envers les exploitants

    Mise à jour du 31/08/2014 - §8. - Faute simple

    Mise à jour du 31/08/2014 - §9. - Victime juridiquement protégée

    Mise à jour du 31/08/2014 - §13. - Partage responsabilité

    Mise à jour du 31/08/2014 - §15. - Modalités de suspension de l'activité d'une ICPE exploitéeillégalement

    Mise à jour du 31/08/2014 - §22. - Engagement de la responsabilité de l'État

    Mise à jour du 31/08/2014 - §23. - Comportement non fautif de l'Administration

    Mise à jour du 31/08/2014 - §26. - Prescription illégaleMise à jour du 31/08/2014 - §33. - Faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de policegénérale

    Mise à jour du 31/08/2014 - §45. - Nuisances sonores

    Mise à jour du 31/08/2014 - §48. - Recherche de la faute simple

    Mise à jour du 31/08/2014 - §60. - Mesure des nuisances sonores

    Page 1

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    2/94

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    3/94

    habitations contre les risques naturels (V. n°129 à 140). Leur responsabilité ne peut toutefoisêtre engagée sur ce terrain que s'ils délivrent des permis de construire entachés d'une erreurmanifeste d'appréciation (V. n°129 et 148 à 147), ou s'ils commettent une faute lourde dansl'exercice de leurs pouvoirs de police (V. n°142).

    5. - Différentes circonstances de fait ou notions d'origine jurisprudentielle peuvent atténuer la

    responsabilité de l'Administration en matière de prévision des risques naturels (V. n°206 à220).6. - Les dommages subis par les utilisateurs de voies publiques, du fait d'éboulements, du

    passage de grands animaux, de chutes d'arbres, relèvent des dommages de travaux publics(V. n°222 à 251).

    7. - Du fait d'un revirement de jurisprudence, les dégâts provoqués aux particuliers par desespèces animales protégées peuvent désormais être réparés sur le fondement de laresponsabilité sans faute (V. n°264 à 275).

    8. - Il est difficile, compte tenu de la rédaction des textes applicables, de mettre en cause lacarence fautive de l'État dans son action relative à l'élimination des déchets ou de mettre en jeu, dans ce même domaine, sa responsabilité sans faute (V. n°298 à 301).

    Sommaire analytique

    Introduction

    I. - Lutte contre les nuisances et les pollutions

    A. - Nuisances et pollutions causées par des installations classées

    1°Responsabilité sans faute

    2°Responsabilité pour faute de l'État

    a) Autorisations d'exploitation illégales

    b) Refus illégal d'autorisation d'exploiter

    c) Surveillance et contrôle des installations classées

    3°Responsabilité pour faute des communes

    a) Méconnaissance des prescriptions par la collectivité publique qui exploite l'installation

    b) Faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale

    B. - Nuisances et pollutions causées par des installations nucléaires

    1°Dommages causés par un accident nucléaire

    2°Dommages causés par la présence et le fonctionnement d'une centrale nucléaire

    C. - Nuisances causées par des émetteurs de radio-diffusion

    D. - Nuisances sonores

    1°Restriction illégale apportée à l'exercice d'une activité bruyante

    2°Indemnisation des nuisances sonores

    a) Ouvrages publics bruyants entraînant un préjudice anormal et spécial

    Page 3

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    4/94

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    5/94

    2°Odeurs et nuisances olfactives provenant d'installations classées fonctionnant dans desconditions anormales

    II. - Protection des constructions contre les risques naturels

    A. - Fondements légaux des actions de protection

    1°Plans de prévention des risques naturels majeurs

    a) Responsabilité sans faute

    b) Responsabilité pour faute

    2°Article R. 111-3 du Code de l'urbanisme

    3°Article R. 123-18 du Code de l'urbanisme

    4°Article L. 421-3 du Code de l'urbanisme

    5°Article L. 2221-1 du Code général des collectivités territorialesB. - Domaines d'intervention

    1°Risques d'éboulements ou de glissements de terrain

    a) Responsabilité sans faute du fait de dommages de travaux publics

    b) Carences fautives de l'État ou de la commune

    c) Autorisations d'urbanisme illégales

    d) Faute exonératoire du constructeur ou du lotisseur

    e) Faute exonératoire des colotis

    2°Risques afférents au sous-sol

    3°Risques d'inondations

    a) Entretien des cours d'eaux non domaniaux

    b) Travaux de mise en valeur

    c) Entretien des cours d'eaux domaniaux

    d) Entretien du réseau public d'assainissement

    e) Action de prévention des inondations au titre des pouvoirs de police municipale

    f) Action du service d'annonce des crues

    g) Renseignements erronés délivrés par l'administration

    h) Présence d'ouvrages publics destinés à la protection contre les inondations

    i) Réalisation de travaux publics

    j) Délivrance de permis de construire ou d'autorisations de camping illégaux

    Page 5

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    6/94

    k) Politique d'urbanisme

    l) Cyclones tropicaux

    4°Risques d'avalanches

    5°Circonstances exonératoires

    a) Difficulté de prévision des risques naturels

    b) Coût financier élevé des mesures de protection

    c) Force majeure

    d) Faute de la victime

    e) Responsabilités croisées de l'État et des communes

    f) Calcul de l'indemnité

    C. - Protection des utilisateurs de voies publiques contre les risques naturels

    1°Éboulements et chutes de pierres

    a) Ouvrages exceptionnellement dangereux

    b) Ouvrages présentant des défauts d'entretien

    2°Dangers propres aux pistes de ski

    3°Passages de grands animaux sauvages

    a) Obligation de signalisation

    b) Exception des autoroutes4°Chutes d'arbres sur la chaussée

    a) Action mettant en cause le propriétaire de l'arbre

    b) Action mettant en cause le gestionnaire de la voie

    D. - Indemnisation des victimes des catastrophes naturelles

    1°Indemnisation au titre du contrat d'assurance

    2°Réparation du préjudice encouru en cas de refus illégal de constater l'état de catastrophenaturelle

    E. - Indemnisation des victimes des calamités agricoles

    III. - Dommages causés par l'action de l'État en faveur de la protection del'environnement

    A. - Protection de la salubrité des eaux

    B. - Protection des espaces naturels et de la faune sauvage

    Page 6

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    7/94

    1°Mesures prises en application de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1976

    a) Responsabilité sans faute

    b) Responsabilité pour faute

    2°Protection des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction

    3°Création d'un parc national

    4°Protection des biotopes

    5°Mesures pour la destruction des organismes nuisibles prises en application de l'article L. 251-3du Code rural

    a) Responsabilité sans faute

    b) Responsabilité pour faute

    6°Lutte contre les maladies infectieuses

    7°Réglementation de l'exercice du droit de chasse

    8°Réglementation de la pêche et protection du patrimoine piscicole

    9°Police municipale de l'environnement

    C. - Protection des sites au titre de la loi du 2 mai 1930

    D. - Réglementation de l'élimination des déchets

    1°Dommages causés par une carence fautive de l'État dans l'application de la loi

    2°Responsabilité sans faute encourue par l'État du fait de la loi et de ses textes d'application

    Bibliographie

    Introduction

    1. -  Il n'existe pas en droit administratif de système jurisprudentiel ou légal d'indemnisation spécifiquementconçu pour les atteintes à l'environnement trouvant leur origine dans l'action ou l'inaction de l'Administration.S'appliquent donc en la matière des jurisprudences bâties sur une logique autre, et qui ignorent la notiond'"environnement". Ce dernier terme n'appartient d'ailleurs pas au vocabulaire juridique, et il n'est que d'unfaible secours pour donner une cohérence intellectuelle à un contentieux indemnitaire qui s'articule, demanière fragmentée, à partir des régimes jurisprudentiels suivants :

    - celui qui a été élaboré à partir de la législation relative aux installations classées ;

    - celui qui répare les dommages causés par la réalisation de travaux publics ou la présence et lefonctionnement d'ouvrages publics ;- celui qui répare les préjudices causés par les fautes commises par l'Administration dans

    l'exercice de ses compétences en matière d'urbanisme ;- ... et par les administrations préfectorales et communales dans l'exercice de leurs pouvoirs de

    police générale.

    Il en résulte, à travers la similitude des situations, un droit complexe. Selon le régime d'indemnisation quis'appliquera, la responsabilité de l'Administration sera recherchée tantôt sur le terrain de la faute(installations classées, décision d'urbanisme, pouvoirs de police générale), tantôt sur le terrain de l'égale

    Page 7

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    8/94

    participation de tous aux charges publiques (dommages de travaux publics), tantôt sur celui du risque(dommages causés par certains ouvrages publics, particulièrement dangereux). Les responsabilitésrespectives de l'État et des collectivités locales tantôt se distingueront de manière claire (installationsclassées), tantôt s'enchevêtreront dans une certaine confusion (exposition des constructions aux risquesnaturels). Enfin la jurisprudence administrative, tout comme d'ailleurs le législateur, n'ont pas cherché à

    concevoir des modes de réparation adaptés aux notions de dommage ou de préjudice "écologique", ceux-ciétant regardés soit comme des troubles dans les conditions d'existence, soit comme contribuant à ladépréciation du bien qu'ils affectent. Or de tels dommages peuvent affecter des biens naturels n'appartenantà personne sinon au "patrimoine commun de la nation", ce qui interdit toute action civile, ou bien n'ayantqu'une valeur vénale négligeable, ce qui donnera lieu à des indemnisations symboliques.

    Le parti de présentation a été de répertorier les cas concrets susceptibles de fonder une action en réparationdirigée contre une personne publique, l'espoir étant que du rapprochement des situations résulte uneharmonisation des solutions et des raisonnements.

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/20141 . - Préjudice écologique

    La loi n°2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale (Journal Officiel 2 Aout 2008 ), ainsi que son décret d'application n°2009-468 du 23 avril 2009 (Journal Officiel 26 Avril 2009 ), transposent la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004. Elle donne à cetteoccasion une définition des dommages causés à l'environnement inspirée par le droitcommunautaire et dans laquelle sont englobés, sous réserve de pouvoir être qualifiés de"graves" , tant les risques d'atteinte à la santé humaine du fait de la contamination des sols queles détériorations directes ou indirectes touchant l'état écologique, chimique ou quantitatif ou lepotentiel écologique des eaux et la conservation des espèces et habitats d'espèces.

    La notion de "préjudice écologique" se trouve ainsi consacrée. Une première application enavait déjà été faite par une juridiction judiciaire, à propos de la pollution des côtes vendéennespar le naufrage de l'Erika (TGI Paris, 16 janv. 2008, n°9934895010 : JCP G 2008, act. 88 ; JCP G 2008, I, 126, note K. Le Kouviour ; JCP G 2008, II, 10053, note B. Parance ; Environnement 2008, comm. 109, note L. Neyret ; Rev. Lamy coll. terr. avr. 2008, p. 21, obs.M. Boutonnet ; AJDA 2008, p. 934, note A. Van Lang).

    L'application directe de la loi du 1er août 2008 au droit de la responsabilité administrative nesera toutefois que partielle. D'une part, elle ne s'intéresse pas aux distinctions qu'opère le droitfrançais selon que des personnes publiques ou privées se trouvent à l'origine des dommages,ce qui a pour effet paradoxal de maintenir en l'état la dualité des régimes de responsabilitéapplicables aux uns et aux autres. Sont d'autre part explicitement écartés du champd'application de la loi :

    - la réalisation des programmes ou projets d'activités, de travaux,d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ainsi que des manifestations etinterventions dans le milieu naturel ou le paysage autorisés ou approuvés dans lecadre de la directive Natura 2000  ;

    - les activités autorisées ou approuvées en vue de la protection de la faune et de laflore sauvages ;

    - les dommages ou menaces liés à un phénomène naturel exceptionnel, ayant lescaractères de la force majeure ;

    - les dommages résultant d'activités dont l'objet serait la protection contre les

    Page 8

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    9/94

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    10/94

    principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer" , il aouvert à l'exploitant d'une installation "dont la fermeture ou la suppression a été ordonnée sur le fondement de la loi du 19 juillet 1976 en raison des dangers ou inconvénients qu'elle représentait" , le droità "demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial"(CE, 2 nov. 2005, n°266564,

    Coopérative agricole Ax'ion : Juris-Data n°2005-069150 ; Environnement 2005, comm. 91, note P. Trouilly).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    5 . - Responsabilité de l'État envers les exploitants

    Pour l'arrêt du Conseil d'État "Coopérative agricole Ax'ion"  du 2 novembre 2005 (Rec. CE 2005, p. 468), ajouter la référence suivante : RD publ. 2006, p. 1427, note C. Broyelle et 

    p. 1441, concl. M. Guyomar .Indemnisation, sur le fondement de la responsabilité sans faute

    Exemple

    Un exploitant, dont l'installation de stockage a été supprimée, avait subi un préjudice anormal etspécial car la mesure litigieuse, qui le visait spécialement, ne s'inscrivait pas dans un mouvementgénéral de suppression des silos de stockage et elle concernait  "un site rentable d'une certaine importance dont la fermeture, malgré la relative ancienneté des installations, n'était pas envisagée par la société elle-même dans un avenir immédiat" . Mais le juge a également tenu compte, pour apprécierl'étendue du préjudice indemnisable, de "l'aléa que comporte nécessairement l'exploitation d'une activité par nature dangereuse" , étant précisé que la valeur de cet aléa peut  "varier selon l'époque à 

    laquelle intervient la mesure administrative et la qualité de l'installation existante" . Or, en l'espèce, undes deux silos en cause, déjà ancien, était, à la date de sa suppression, "implanté dans un environnement particulièrement vulnérable" . L'exploitant ne pouvait donc  "ignorer, compte tenu de l'évolution des études sur les risques générés par ce type de silo et de la sensibilité particulière de l'opinion à cette catégorie d'installation en secteur d'habitation, le caractère fortement aléatoire du maintien de cette structure sur son site traditionnel alors même qu'elle était implantée en milieu rural" . Aussi l'indemnité mise à la charge de l'État a-t-elle été limitée à 30 % du préjudice  (CAA Douai,24 avr. 2008, n°05DA00307, Sté Lepicard : JurisData n°2008-366080 ; AJDA 2008, p. 1559).

    6. - Responsabilité de l'État envers les riverains - Lorsque les installations classées incriminées n'ontpas le caractère d'ouvrages publics et sont exploitées dans un intérêt privé, les riverains ne peuventutilement invoquer la responsabilité sans faute de l'État sur le fondement du principe de l'égalité devantles charges publiques (CAA Lyon, 25 mai 1999, n°95LY00918, Maggiori).

    2°Responsabilité pour faute de l'État

    7. -  La responsabilité de l'État peut, dans ce domaine, être engagée :

    - soit du fait des décisions illégales prises par l'Administration dans le cadre de ses pouvoirs

    Page 10

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    11/94

    d'instruction des déclarations et demandes d'autorisations et délivrance des autorisations ;- soit, une fois les autorisations délivrées et les déclarations présentées, à l'occasion de

    fautes commises dans le cadre de sa mission de surveillance et de contrôle des installationsclassées par les services de l'État.

    8. - Faute simple - Une faute simple commise par les services de police des installations classées suffitpour faire déclarer la puissance publique responsable des dommages causés. On considère en effet, à ladifférence d'autres mesures de police, que celles prises dans le cadre de la législation des installationsclassées ne présentent pas de difficultés particulières : "Les autorités investies de pouvoirs spéciaux par les lois relatives à ces établissements ont tout loisir de mûrir leurs décisions avant de les rendre applicables. Elles n'ont pas, comme en d'autres matières ressortissant à la police administrative, à faire face à des situations qui s'imposent brusquement"(F.-P. Benoit, La responsabilité de la puissance publique du fait de la police administrative : Sirey 1946, p. 26).

    Contrairement à cette jurisprudence qui a toujours admis d'engager la responsabilité de l'État sur le seulfondement de la faute simple, que cette faute ait été commise à l'occasion de la délivrance del'autorisation ou du contrôle de son exécution, il a été jugé par une cour administrative d'appel qu'unecommune exploitant une installation classée, dont la responsabilité a été engagée pour une faute

    commise par l'État dans sa tâche de contrôle de l'exécution des prescriptions, ne peut appeler ce dernieren garantie que si celui-ci a commis une faute lourde. Il ne faut pas, selon nous, exagérer la portée de cetarrêt sommairement motivé et qui n'était pas initialement destiné à une large diffusion  (CAA Bordeaux,21 mai 2002, n°98BX00205, Min. env. c/ Gandon : Environnement 2002, comm. 16, note E. Podraza et chron. 21). Le Conseil d'État, postérieurement à cet arrêt, a d'ailleurs réaffirmé sa jurisprudence tenant àl'exigence d'une faute simple (CE, 5 juill. 2004, n°243801, Lescure : Juris-Data n°2004-067362 ; AJDA2005, p. 610, note F.-G. Trébulle).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    8 . - Faute simple

    Pour l'arrêt du Conseil d'État "M. Lescure "  du 5 juillet 2004, ajouter la référence suivante : Rev. jur. env. 2006, p. 232, chron. R. Schneider .

    9. - Victime juridiquement protégée - Il faut toutefois préciser que l'indemnisation du préjudice subi nepeut être réclamée que par une personne dont la situation est elle-même juridiquement protégée. Ainsi unpisciculteur non autorisé au titre de la police des eaux à prélever les eaux d'une rivière ne peut utilementse plaindre de la pollution accidentelle des eaux de cette rivière  (CE, 5 janv. 1979, Synd. intercnal alimentation en eau potable vallées Serre et Olt : Rec. CE 1979, tables, p. 741-883-910), alors même qu'il

    a déposé régulièrement une demande d'autorisation et que l'Administration a toléré la poursuite del'exploitation (CE, 30 juill. 1997, SA Geffroy : Rec. CE 1997, tables, p. 678-1072) .

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    9 . - Victime juridiquement protégée

    Page 11

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    12/94

    Il ne peut plus être aujourd'hui opposé à la victime sa seule absence de protection juridique.Ainsi la circonstance qu'une société exploitant une centrale hydraulique ne bénéficiait pasd'une autorisation en règle au moment de l'introduction de sa requête ne la prive pas d'unintérêt pour agir dès lors que, par ailleurs, l'existence matérielle de l'ouvrage étant établiedepuis l'Ancien Régime, elle bénéficie d'un "droit fondé en titre" (CE, 21 mai 2008, n°271736,

    Sté SJS : JurisData n°2008-073588 ; AJDA 2008, p. 1388, concl. Y. Aguila).Cet assouplissement de la jurisprudence ne saurait empêcher le juge d'opposer, le caséchéant, à la victime le caractère illégitime de sa demande ou la disqualification morale quirésulte de son comportement d'ensemble (concl. Y. Aguila, préc.).

    10. -  Enfin, les nuisances provoquées par une installation classée ne sont susceptibles d'ouvrir droit àindemnisation que si elles sont permanentes et pas seulement causées par des circonstancesmétéorologiques défavorables (CE, 16 janv. 1987, n°61594, Ville Saint-Étienne).

    a) Autorisations d'exploitation illégales

    11. - Principe - Toute autorisation d'exploitation illégale peut être de nature à engager la responsabilitéde l'administration (CE, 26 nov. 1975, Dugenest : Rev. jur. env. 1977, p. 58. - TA Strasbourg, 25 mars 1997, n°95-745, Wabartha) car "la délivrance d'une autorisation illégale constitue une faute qui est, par elle-même, de nature à engager la responsabilité de la personne publique qui l'a délivrée"(CAA Douai,7 juill. 2005, n°03DA00720, Min. écologie c/ Sté Valt : Environnement 2005, comm. 20, note E. Podraza-Scripzac). La jurisprudence a longtemps été réticente à admettre ce lien direct entre faute etillégalité (CE, 31 janv. 1936, Sté Lustria, Chaptal et Cie : Rec. CE 1936, p. 148).

    La nécessité d'établir un lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice n'en existe pasmoins

    Exemple

    Une autorisation, illégale en ce qu'elle classe un établissement dans la 3e classe au lieu de la 2e, ne crée pas depréjudice indemnisable dès lors qu'elle laisse à l'établissement la possibilité de fonctionner désormais comme unétablissement de 3e classe (CE, 5 févr. 1975, Rousseau : Rec. CE 1975, p. 92) .

    12. - Illégalité tenant au POS/PLU de la commune - Le fait qu'une autorisation d'exploitation délivréepar le préfet soit jugée illégale et annulée par suite de l'illégalité de la délibération du conseil municipalayant modifié le POS est sans incidence sur la responsabilité de l'État envers l'exploitant, car c'estl'illégalité de l'autorisation d'exploitation délivrée à ce dernier qui est directement à l'origine du préjudicequ'il invoque. Il s'ensuit que l'exploitant ne peut demander, par la voie du recours incident, à ce que lacommune soit déclarée solidairement responsable avec l'État des conséquences dommageables de

    cette autorisation. En revanche, l'État est parfaitement fondé, dans ce cas, à appeler la commune engarantie de sa condamnation dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un des agents des servicesde l'État qu'il a mis à la disposition gratuite de ladite commune pour la mise en oeuvre de la procédurede modification du POS n'a pas lui-même commis de faute de nature à atténuer la responsabilité de lacommune et qu'il n'a pas lui-même commis de faute lourde en s'abstenant de déférer à la censure dutribunal administratif la délibération litigieuse du conseil municipal (CAA Douai, 7 juill. 2005,n°03DA00720, préc. supra n°11, en l'espèce, exonération à hauteur du tiers de la faute commise parl'État).

    Page 12

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    13/94

    13. - Partage de responsabilité - Il est fréquent de devoir recourir à un partage de responsabilité entrel'exploitant et l'Administration :

    - faute d'un éleveur qui, dans son étude d'impact, n'a pas indiqué la présence d'habitations àmoins de 100 m de son projet (TA Caen, 10 janv. 1995, n°93-862, GAEC Vieux-Bougy) ;

    - insuffisance des études de perméabilité des sols établies par un pétitionnaire qui nepouvait ignorer le caractère dangereux pour l'environnement de son projet  (TA Marseille,11 avr. 1997, n°93-663, SITOM Val de Durance. - CAA Lyon, 23 juin 1998, n°95LY01517,SIVOM Rhône-Gier) ;

    - imprudence dans le défaut de prise en compte des aléas du projet, établi sur la base d'unesimple modification du plan d'occupation des sols, aléas dont l'exploitant ne pouvait ignorerl'existence en sa qualité de professionnel de l'élimination des déchets. En outre, ce derniera ensuite engagé des dépenses et des travaux importants alors que l'autorisation obtenuefaisait l'objet de recours contentieux (CAA Douai, 7 juill. 2005, Min. écologie c/ Sté Valt,préc. supra n°11, exonération à hauteur du tiers de la faute commise par l'État).

    Attention : Notons sur le dernier point relevé par la cour, que le fait pour le titulaire d'un permis de construired'engager les travaux alors que ce permis est contesté devant le tribunal administratif n'est habituellement pas

     jugé comme révélant une imprudence fautive (CAA Paris, 15 févr. 1996, n°95PA00789, Ville Paris. - CAAMarseille, 13 janv. 2005, n°00MA00701, Cne Saillagouse).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    13 . - Partage responsabilité

    La faute commise par l'Administration en délivrant un arrêté complémentaire à une exploitationqui, eu égard aux importantes modifications apportées dans son fonctionnement, auraitnormalement dû faire l'objet d'une nouvelle autorisation est atténuée par le fait que l'exploitantn'a pas porté à la connaissance du préfet les éléments permettant à celui-ci d'apprécierl'ensemble de la situation. Exonération totale de la responsabilité du préfet (CAA Marseille,6 mars 2008, n°06MA02184, Coopérative agricole La Nojarède).

    En revanche, et de manière contestable, un tribunal administratif a refusé d'atténuer, même enpartie, la faute commise par l'Administration pour avoir délivré une autorisation d'exploiter au vud'une étude d'impact insuffisante (TA Poitiers, 26 juin 2003, n°0200097, sté Tree : JCP A2004, 1138, note P. Billet).

    14. - Non-indemnisation du manque à gagner - Le fait qu'une autorisation soit jugée illégale faitdisparaître les droits que l'exploitant tenait de cette autorisation. Ce dernier n'est donc pas en droit dedemander, au titre du préjudice subi, la réparation de son manque à gagner (TA Dijon, 21 nov. 1995,n°93-6909, Gauguin. - CAA Douai, 7 juill. 2005, Min. écologie c/ Sté Valt, préc. supra n°11) .

    Page 13

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    14/94

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    14-1 (à créer) . - Préjudice moral d'une association de défense de l'environnement

    Une association de défense de l'environnement peut prétendre à l'indemnisation du préjudicemoral qu'elle subit du fait d'une autorisation d'exploitation illégale. Elle peut faire valoir à ce titre-mais en le justifiant - qu'elle a été privée de la possibilité de participer à l'enquête publique ouque le contentieux occasionné par l'affaire a justifié une mobilisation exceptionnelle de sesservices. En tout état de cause, l'estimation à 100 euros faite par le tribunal administratif d'untel préjudice est insuffisante (CAA Marseille, 8 janv. 2008, n°06MA00796, Assoc. nat.protection eaux et rivières).

    b) Refus illégal d'autorisation d'exploiter

    15. -  Un refus d'autorisation illégal peut engager la responsabilité de l'État envers l'exploitant  (CE,17 déc. 1980, n°8002, Min. culture c/ Glais). Le juge, face à un arrêté interdisant à un établissement depoursuivre ses activités, doit toutefois vérifier si cet arrêté préfectoral a pour effet d'interdire égalementles activités qui relèvent du régime déclaratif, une telle limitation de la portée de l'arrêté pouvant avoirdes conséquence sur l'importance du préjudice (a contrario,  CE, 14 janv. 1994, n°125195, Sté Spechinor ).

    En ce qui concerne le mode de réparation, un préfet avait refusé illégalement d'autoriser latransformation d'un moulin en usine hydro-électrique. Les frais d'études engagés avant la prise de ladécision illégale se rattachent à la constitution d'un dossier d'autorisation. Il a donc été jugé qu'ils neconstituaient pas un préjudice direct. Constituent en revanche un tel préjudice les frais d'étudescomplémentaires occasionnés par le refus illégal  (TA Clermont-Ferrand, 7 mai 2002, n°99-30, SARLSOFFIM : Rev. jur. env. 2002, p. 491).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    15 . - Modalités de suspension de l'activité d'une ICPE exploitée illégalement

    Une société exploitant des installations de compostage de déchets et de boues de stationd'épuration a bénéficié de deux récépissés de déclarations d'ICPE du préfet. Suite à une visitede contrôle, l'inspecteur des IPCE a révélé des dysfonctionnements. Le préfet a alors pris unarrêté de mise en demeure de régulariser la situation, lui a enjoint de suspendre l'exploitationde ses installations et de prendre toutes dispositions nécessaires pour la surveillance des

    installations. Puis le préfet a enjoint à l'exploitant la remise en l'état des lieux et consigné lasomme de 2 000 000 de francs.

    Le tribunal administratif, saisi par la société de l'ensemble de ces décisions, a ramené le titrede perception au montant de 45 734 euros et rejeté le surplus des conclusions. Ensuite, la couradministrative d'appel a rejeté l'appel de la société. Le Conseil d'État, après avoir annulé l'arrêtde la cour en tant qu'il a statué sur la suspension de l'exploitation des installations, renvoie surce point l'affaire à la cour administrative d'appel.

    La société demande à la cour administrative d'appel d'annuler le jugement du tribunal

    Page 14

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    15/94

    administratif en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés, mais aussi dela décharger de la consignation et de désigner un expert afin d'évaluer les pertes subies par lasociété et son manque à gagner.

    Dans un arrêt du 7 mai 2013 (CAA Marseille, 7 mai 2013, n°12MA00876, sté Terreaux Service 

    Varrone), la cour administrative d'appel répond que l'inspecteur des ICPE a relevé quel'exploitation de l'activité n'était pas conforme aux activités déclarées. En effet, il est apparunotamment que la capacité de production développée par la société était six fois plus élevéeque celle annoncée, que l'exploitant ne pouvait justifier que le compost obtenu était conformeaux exigences législatives, etc.

    Néanmoins, la Haute juridiction estime que la suspension de l'exploitation du site était soumiseà la procédure contradictoire, qui n'a pas été respectée en l'espèce, puisque la société n'a reçule rapport de l'inspecteur des ICPE que postérieurement à l'adoption de l'arrêté litigieux. Ellen'a donc pas été mise en mesure de présenter ses observations préalablement à l'édiction dela suspension.

    Le Conseil d'État n'admet pas en l'espèce l'urgence de la suspension de l'activité pour justifierl'absence de procédure contradictoire car les dysfonctionnements et les nuisances relevés par

    l'inspecteur ne faisaient pas état de danger immédiat pour la population ou pourl'environnement du site.

    Le Conseil d'État en déduit qu'il y a lieu d'annuler l'arrêté litigieux en tant qu'il a suspendul'activité du site de la société.

    En revanche, s'agissant des conclusions de la société tendant à demander une indemnisationde son préjudice, la Haute juridiction considère que, si l'intervention d'une décision illégale peutconstituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'État, elle ne saurait donner lieuà réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalementêtre prise. Or en l'espèce, la mesure de suspension était justifiée. Par conséquent, le préjudicesubi par la société du fait de l'illégalité de l'arrêté attaqué en tant qu'il a suspendu l'activité de lasociété ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision estentachée mais résulte de l'application même des dispositions législatives et réglementaires,

    auxquelles la société ne s'était pas conformée. La demande d'indemnisation est donc rejetée.

    c) Surveillance et contrôle des installations classées

    16. - Existence de nuisances - De manière générale, l'État n'est pas tenu de mettre fin à tous lesinconvénients que le fonctionnement d'une installation entrant dans le champ d'application des articles L.511-1 et suivants du Code de l'environnement peut comporter pour le voisinage  (CE, 19 févr. 1982,Comité défense quartier Saint-Paul : Rec. CE 1982, tables, p. 746. - CE, 27 juill. 1988, n°55847,Carrère. - CAA Nancy, 15 juin 1995, n°93NC00669, Épx Pauporte et Éts Fischer). Le seul fait qu'uneinstallation classée génère des nuisances, surtout d'une importance limitée, ne suffit donc pas à révélerl'existence d'une faute de l'État (comme exemple toutefois de nuisances suffisamment graves pour

     justifier une intervention du préfet dans un  "délai raisonnable" , CAA Bordeaux, 25 févr. 1993, Cne Saint-Pée sur Nivelle : Gaz. Pal. 1994, 1, pan. dr. adm. p. 64 , rejet par une conserverie, dans le réseaucollectif, d'eaux usées non prétraitées contenant des déchets de poissons).

    17. - Abandon du site - En cas d'abandon du site du fait de la cessation d'activité d'une entreprise, le juge apprécie si "cette situation présente des inconvénients pour la commodité du voisinage, la sécurité et la tranquillité publiques d'une nature telle que l'intervention de l'autorité administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 514-1 du Code de l'environnement et de l'article 34 du décret du 21 septembre 1997 pris pour son application s'impose nécessairement"(CAA Paris, 29 déc. 1992,

    Page 15

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    16/94

    n°91PA00556, Assoc. défense Qualité de vie Bondy).

    18. - Dommages causés par des établissements fonctionnant sans autorisation ni déclaration -En vertu de l'article L. 514-1 du Code de l'environnement, le préfet est tenu, lorsqu'un établissementfonctionne sans autorisation ni déclaration, de mettre en demeure l'exploitant de régulariser sa situation.

    Le refus d'adresser une telle mise en demeure constitue donc une faute de nature à engager laresponsabilité de l'Administration (CE, 10 oct. 1969, Min. aménag. territoire c/ Arnaud : Rec. CE 1969,p. 430. - CE, 15 févr. 1974, Min. développement industriel c/ Arnaud : Rec. CE 1974, p. 115) .

    19. - Prescriptions insuffisantes ou incapacité à les faire respecter - En vertu là encore de l'articleL. 514-1 du Code de l'environnement, l'État est tenu, face à l'inobservation des conditions imposées àl'exploitant, de mettre fin à cette situation irrégulière. Il s'agit là d'une obligation de résultat, les préfetsdisposant, dans la mise en oeuvre de cette politique, du choix des moyens. Ceux que lui laissel'article 23 sont en effet suffisamment variés et coercitifs pour permettre normalement à l'Administrationde parvenir au résultat qu'elle recherche (possibilité soit de faire procéder d'office à l'exécution desmesures prescrites, soit d'obliger l'exploitant à consigner la somme correspondant au montant destravaux à réaliser, soit de suspendre le fonctionnement de l'installation).

    20. - Circonstances exceptionnelles - C'est seulement dans des circonstances exceptionnelles que

    l'État peut, devant la persistance d'une situation illégale, utilement invoquer le caractère limité desmoyens dont il dispose ou faire valoir qu'il n'est pas resté inactif et a pris de nombreuses mesuresrestées sans effet du fait de leur inexécution par l'exploitant (a contrario,  CE, 22 mars 1978, n°4505,secr. d'Ét. auprès min. qualité de vie : Rev. jur. env. 1980, p. 45 ; Rev. Nuisances et Environnement mai 1978, p. 54, comm. Cathala, Roche et Trégouet , fonderies de suif ayant fonctionné irrégulièrementpendant 9 ans ; nombreuses mises en demeure du préfet, qui, bien que certaines aient abouti à uneamélioration de la situation, n'ont pu éviter la persistance de nuisances importantes).

    21. - Fonctionnement irrégulier de l'installation - En dehors de ces cas de situationsexceptionnelles, le seul fait qu'existe une situation irrégulière laisse présumer ou bien une abstentionfautive de l'État à prendre les mesures appropriées, ou bien, si de telles mesures ont été prises,l'incapacité, également fautive, à en assurer le respect  (CAA Paris, 29 déc. 1992, Assoc. défense qualité de vie Bondy, préc. supra n°17). Un préfet qui laisse une entreprise poursuivre son activité dans desconditions non conformes aux prescriptions de l'arrêté d'autorisation commet donc une faute de nature à

    engager la responsabilité de l'État et ce même en l'absence de sollicitation par un tiers (CE, 5 juill. 2004,n°243801, Lescure, préc. supra n°8. - CAA Versailles, 8 mars 2006, n°03VE04692, Cne Taverny : Collectivités-Intercommunalité 2006, comm. 81, note G. Pellissier . - Sur la possibilité d'un partage deresponsabilité État/commune, V. infra n°31).

    22. -  Exemples d'engagement de la responsabilité de l'État :

    - détérioration d'un étang par une porcherie fonctionnant irrégulièrement (CE, 11 juill. 1986,n°61719, Min. env. c/ Michallon) ;

    - nuisances résultant de déchets entreposés sans autorisation dans une ancienne carrière etabsence de mesures d'urgence par le préfet  (CAA Lyon, 6 oct. 1998, n°94LY00217, Roy) ;

    - établissements nuisants ayant fonctionné pendant 10 ans sans déclaration ni autorisationet n'ayant pas respecté l'injonction qui leur avait été faite de régulariser leur situation ; lacarence de l'Administration est engagée vis à vis du voisin (CE, 18 oct. 1989, Cazier : Dr.adm. 1989, comm. 670) ;

    - pollution de la nappe phréatique par des fûts enterrés et corrodés, contenant des solvantsnon dilués ; responsabilité de l'État engagée envers la commune pour ne pas avoir vérifiéque la prescription qu'il avait adressée plusieurs années auparavant à l'exploitant, luiordonnant de récupérer ces fûts dans un délai de deux ans, avait bien été suivie d'effets(CAA Paris, 21 janv. 1997, n°94PA00119, Cne Saint-Chéron : Rec. CE 1997, tables,p. 951-1063 ; Dr. env. 1997, note E. Carlier). Cet arrêt a toutefois été annulé pourirrégularité, car la commune, qui n'avait pas appelé l'État en garantie en première instance,n'était pas recevable à le faire pour la première fois en appel (CE, 9 mai 2001, n°209991,

    Page 16

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    17/94

    Cne Saint-Chéron : Juris-Data n°2001-062673) ;- nuisances sonores supérieures à celles qu'autorisait l'arrêté préfectoral (niveau de bruit de

    66 décibels pour le riverain le plus proche alors que 50 db étaient autorisées) et auxquellesle préfet n'avait pas mis fin alors qu'il y avait été invité par l'inspecteur des installationsclassées (CE, 5 juill. 2004, Lescure, préc. supra n°8) ;

    - défaut de vérification pendant six ans, par l'inspection des installations classées qu'unesociété, dont les installations devaient être prioritairement surveillées en raison de son"comportement dilatoire" , respectait les prescriptions qui lui avaient été imposées (CAAVersailles, 8 mars 2006, n°03VE04692, Cne Taverny : Juris-Data n°2006-299047 ; Collectivités-Intercommunalité 2006, comm. 81, note G. Pellissier).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    22 . - Engagement de la responsabilité de l'État

    - Odeurs nauséabondes et rejets de lisiers et d'eaux usées provoqués par une porcherie. Lesnuisances, constatées en 1991, n'ont cessé qu'en 1997, les services de l'État ayant accordé àl'exploitant, pour la mise en conformité de l'installation, un délai expirant en 1995. Ce délai aété jugé anormalement long (CAA Paris, 6 mai 2004, n°99PA03747, Brouta : Rev. jur. env.2006, p. 231, chron. R. Schneider).

    - Rejets d'effluents gazeux et bruits supérieurs aux normes admises causés par une usine. Lechoix fait par l'État durant 4 ans de préférer le dialogue avec la direction de l'usine plutôt que lamise en oeuvre de moyens coercitifs,  "eu égard aux emplois concernés dans un secteur difficile" , ne peut être opposée valablement aux requérants et n'atténue pas la faute qu'il acommise en laissant les nuisances perdurer (CAA Nancy, 22 oct. 2007, n°06NC00161,Boisseau).

    - Prolifération d'algues vertes sur les côtes liée à un excès de nitrates dans les cours d'eau, cetexcès étant lui-même dû à des épandages de lisiers provenant d'installations classéesagricoles insuffisamment contrôlées (TA Rennes, 25 oct. 2007, n°0400630 s., Assoc. "Halte aux marées vertes" et a. : AJDA 2008, p. 470, concl. D. Rémy. - V. infra n°76).

    - Défaut de visite "dans un délai raisonnable" d'une installation abandonnée, alors que le préfetétait informé dès août 1995 de cette situation et que la pollution du site par des métaux lourdsn'a été découverte qu'en juin 1997 à la suite de travaux de construction entrepris par lenouveau propriétaire. Le préfet ne peut utilement faire valoir qu'à supposer cette visiteprescrite, le dernier exploitant de l'installation litigieuse n'aurait pu être immédiatement identifié.Toutefois, le préfet est entièrement exonéré de sa faute en raison des négligences qu'acommises le nouveau propriétaire. Celui-ci s'est abstenu d'avertir en temps utile de son projetles services chargés des installations classées et n'avait lui-même réalisé aucune étude

    préalable, alors qu'il était informé de l'ancienne vocation industrielle du site (TA Amiens,18 déc. 2007, n°0400922, sté HLM La Sablière : AJDA 2008, p. 549).

    Exemples d'engagement de la responsabilité de l'État

    Quatre communes situées sur le littoral breton demandent en référé la condamnation de l'Étatà leur verser une indemnité en réparation des préjudices causés par la prolifération des alguesvertes sur le littoral. L'indemnité demandée, à titre de provision, correspond au coût duramassage et du transport des algues vertes. Elles imputent ce phénomène à la carence del'État dans la mise en oeuvre des réglementations européenne et nationale en matière de

    Page 17

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    18/94

    prévention de la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole.

    Par quatre ordonnances, le juge des référés du tribunal administratif rejette leurs demandes.Les communes demandent alors à la cour administrative d'appel d'annuler l'ordonnance dutribunal administratif.

    Dans quatre arrêts du 22 mars 2013  (CAA Nantes, 22 mars 2013, n°12NT00342, Cne Tréduder : JurisData n°2013-008259. - CAA Nantes, 22 mars 2013, n°12NT00343, Cne Trédrez-Locquemeau. - CAA Nantes, 22 mars 2013, n°12NT00344, Cne Plestin-les-Grèves : JurisData n°2013-005749. - CAA Nantes, 22 mars 2013, n°12NT00345, Cne Saint-Michel-en-Grève), la cour administrative d'appel rappelle que les pollutions d'origineagricole des eaux superficielles et souterraines en Bretagne constituent la cause principale dela prolifération des algues vertes sur le littoral breton.

    La Cour de justice des communautés européennes a d'ailleurs déjà condamné la France pourmanquement aux obligations lui incombant de prendre les dispositions nécessaires pour que laqualité des eaux superficielles destinées à la production alimentaire soit conforme auxexigences européennes, notamment à la directive 75/440/CEE sur la qualité des eauxsuperficielles et la directive 91/676/CEE sur la protection des eaux contre la pollution par les

    nitrates.À la lecture de ces arrêts, la dégradation continue des cours d'eau et des nappes aquifèressouterraines par l'activité agricole est liée à l'inapplication par l'État de la législation nationalesur les installations classées, notamment à la régularisation massive, sans fondement légal,des exploitations agricoles existantes et à l'insuffisance des contrôles.

    Selon la cour, les carences de l'État dans la mise en oeuvre de la réglementation européenneet nationale sont établies et sont constitutives d'une faute de nature à engager saresponsabilité. La mise en place de programmes d'action (notamment le plan de lutte contreles algues vertes proposé par la mission interministérielle pour la période 2010-2015), dont lesrésultats ne sont pas démontrés et qui, en tout état de cause, ne sont pas suffisants pouraméliorer la situation, n'est pas susceptible d'atténuer cette responsabilité.

    Les pouvoirs de police exercés par les maires des communes riveraines de la mer ne sont pasnon plus de nature à exonérer l'État de sa responsabilité à raison des fautes commises par lui.

    Par conséquent, les communes sont fondées à soutenir que c'est à tort que le juge des référésdu tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'obtention de ladite provision. La couradministrative d'appel annule les ordonnances du juge des référés de première instance etcondamne l'État à verser une provision aux communes.

    Dans le même sens, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'État le 12 avril 2013 àverser une somme de 7 millions d'euros au département des Côtes-d'Armor en réparation dupréjudice subi du fait de la prolifération des algues vertes sur son territoire. Cette sommecorrespond notamment aux sommes versées par le département aux communes pour leramassage et le transport des algues vertes, avant la mise en place du plan d'actiongouvernemental en février 2010 sur les côtes bretonnes.

    Algues vertes : reconnaissance de la responsabilité de l'État

    Par un arrêt en date du 21 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes,21 juill. 2014, n°12NT02416, Vincent Petit : JurisData n°2014-016826) a donné raison àMonsieur Vincent Petit, dont le cheval était décédé des suites de l'inhalation du sulfured'hydrogène dégagé par les algues vertes sur la baie de Saint-Michel-en-Grève.

    La cour administrative d'appel a en effet annulé le jugement du tribunal administratif de Rennesdu 29 juin 2012 et retenu la responsabilité de l'État pour n'avoir pas pris les mesures

    Page 18

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    19/94

    nécessaires pour endiguer le phénomène des algues vertes, et préserver ainsi l'environnementet la santé des personnes de leurs effets toxiques.

    Toutefois, la cour administrative d'appel a estimé que le requérant, connaissant parfaitementles lieux, ne pouvait prétendre à une indemnisation totale de son préjudice.

    L'essentiel de cet arrêt reste que, une fois de plus, la justice administrative sanctionnel'incapacité des pouvoirs publics de s'attaquer sérieusement au problème récurrent et croissantdes algues vertes, reconnaissant ainsi les conséquences sanitaires de cette carence.

    23. -  Exemples de comportement non fautif de l'administration :

    - présence de déchets sur un site sans que les inspections aient révélé des manquementsde l'exploitant à ses obligations et alors qu'aucune plainte n'a été déposée. Dans ce cas, lepréfet, qui n'a été informé de la présence de ces déchets que sept ans après la cessationd'activité de l'installation, n'a pas été mis à même de faire usage de ses pouvoirs de police

    et n'a donc pas commis de faute  (CE, 17 nov. 2004, n°252514, Sté générale d'archives : Juris-Data n°2004-067647 ; AJDA 2005, p. 675, note F. et A. Braud ; RD imm. 2005, p. 36,note F.G. Trébulle ; JCP A 2005, p. 668, note P. Billet) ;

    - pollution alléguée des eaux des bassins situés en aval par la décharge d'une usine defabrication d'engrais. L'arrêté préfectoral prescrivait : "La décharge actuelle de l'usine devra recevoir les aménagements éventuellement nécessaires et qui seront définis après consultation du géologue officiel" . Or, il n'est pas établi que les points de prélèvement misen place à la demande des géologues auraient été insuffisants pour assurer un contrôle dela qualité des eaux et, par ailleurs, il ne s'est manifesté sur le site aucun des dangers ouinconvénients mentionnés à l'article L. 511-1 du Code de l'environnement. Le préfet n'adonc pas commis d'abstention fautive à faire respecter les prescriptions de son arrêté(CAA Marseille, 24 nov. 2005, n°01MA02483, Sté Sud-Fertilisants).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    23 . - Comportement non fautif de l'Administration

    - Maintien en l'état d'un site abandonné dès lors que "le préfet a pris les mesures nécessaires pour mettre un terme à l'illégalité de la situation et à la protection de l'environnement"  et "qu'il ne peut lui être reproché le fait que ces mesures n'aient pas été suivies des effets escomptés,notamment en matière de consignation" , compte tenu de la carence manifeste de l'ancienexploitant du site à se soumettre aux injonctions qui lui ont été adressées (CAA Marseille,

    31 janv. 2008, n°05MA03045, sté Tradecco).

    24. - Période de responsabilité - La période de responsabilité de l'État commence à courir à compterde l'expiration du délai qui a été imparti par lui aux établissements pour se mettre en conformité avec laloi (CE, 18 oct. 1989, Cazier, préc. supra n°18).

    25. - Retard à édicter des prescriptions ou à les faire appliquer - Lorsque plusieurs années après

    Page 19

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    20/94

    l'expiration du délai, il est mis fin à la situation illégale, notamment par l'observation par l'entreprise desprescriptions qui lui ont été imposées, ou sinon par la cessation ou la suspension par le préfet desactivités de celle-ci, l'action administrative n'en a pas moins subi un retard considéré comme fautif, etque le juge sanctionne.

    Ainsi en est-il :- d'un délai de 7 ans pendant lequel un établissement polluant a fonctionné sans autorisation

    (TA Châlons-sur-Marne, 26 mai 1981, Chaty. - TA Rennes, 21 juill. 1983, n°20/1348,Assoc. nat. protection salmonidés) ;

    - d'un délai de 6 ans pendant lequel une entreprise fonctionne d'abord sans autorisation puissans observer les prescriptions d'une autorisation au demeurant illégale  (TA Orléans,26 janv. 1982, Merdy) ;

    - d'un délai de 13 ans (TA Rennes, 21 juill. 1983, n°20/1371, Assoc. nat. protection salmonidés), 10 ans (TA Caen, 17 oct. 1972, Synd. défense contre pollution atmosphérique autour de la zone portuaire de Caen : JCP G 1973, II, 17351, note P.A.-R.M.), 7 ans (TA Rennes, 21 juill. 1983, n°20/1348, Assoc. nat. protection salmonidés), 5 ans (TA Nantes, 27 mars 1984, Michelet, Schafer et Mahé : CPEN, Bull.15 juin 1984), plus de 2 ans (TA Limoges, 31 mars 1981, Fassel), voire plusieurs mois (TA

    Orléans, 14 juin 1974, Belot : Rec. CE 1974, p. 722), pendant lequel les prescriptions d'uneautorisation ne sont pas observées.

    Un retard de 15 ans à faire respecter des prescriptions peut toutefois ne pas être considéré comme fautifsi des plaintes n'ont pas été adressées à l'Administration en temps utile, et si en tout état de cause lesprescriptions inobservées n'étaient pas de nature à atténuer ou à faire disparaître les nuisancesmentionnées dans la plainte (CE, 6 juin 1984, Artaud : Rec. CE 1984, tables, p. 680-730-732) .

    26. - Prescription illégale - Il avait à tort été exigé d'un exploitant, dans l'arrêté préfectorald'autorisation, qu'il réalise l'étude-diagnostic d'un terrain. L'État a été condamné à rembourser les fraisde réalisation de cette étude (TA Lille, 10 nov. 1999, n°97-124, Sté Case France).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    26 . - Prescription illégale

    Les mesures imposées par le préfet aux installations existantes ne peuvent entraîner demodifications importantes touchant le gros oeuvre de l'installation ou des changementsconsidérables dans leur mode d'exploitation. Si le préfet méconnaît ces limites, alors laresponsabilité de l'État peut être engagée sur le terrain de la faute. Si, par décret, le Premierministre avait ordonné la fermeture de l'entreprise, la responsabilité de l'État aurait pu encoreêtre engagée mais, cette fois-ci, sur le terrain de la rupture de l'égalité devant les chargespubliques (TA Lyon, 14 déc. 2006, n°0405579, sté STEF-TFE : AJDA 2007, p. 1312, concl. G.

    Gondouin).

    27. - Inexécution de prescriptions résultant d'une décision juridictionnelle - Le préfet ne disposed'aucun pouvoir d'appréciation s'il s'agit d'assurer l'exécution d'une décision juridictionnelle. Il ne peutnotamment, en cas de sursis à l'exécution d'une autorisation d'exploiter une porcherie, faire utilementvaloir que "l'établissement fonctionne correctement"(TA Rennes, 13 juill. 1995, n°90-791, Assoc. Eaux et Rivières de Bretagne).

    Page 20

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    21/94

    28. - Sanctions illégales - Tant le fait d'avoir prononcé des sanctions insuffisantes que le fait aucontraire d'en avoir prononcé à tort peut donner lieu au versement d'une indemnité. Mais il n'est pas aiséd'obtenir la condamnation de l'État pour des sanctions que le tiers lésé estime ne pas avoir étésuffisamment lourdes au regard de celles que le préfet aurait été en mesure de prononcer.

    Les préfets, qui ne sont pas tenus de mettre en oeuvre les sanctions prévues par les articles L. 514-1 etL. 514-2 du Code de l'environnement (anciens articles 23 et 24 de la loi de 1976 et 35 et 36 de la loi de1917), et qui "disposent d'autres moyens pour faire respecter la loi" , se sont vus reconnaître en effet parle juge un large pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de mettre en oeuvre telle ou telle sanction (CE,26 juin 1947, Leplus et Henneguet : Rec. CE 1947, p. 291. - Jurispr. confirmée par CE, 16 nov. 1962,Sté industrielle d'usinage et de tôlerie mécanique : Rec. CE 1962, p. 608 ; AJDA 1963, p. 170, concl.Henry. - CE, 22 janv. 1965, cts Allix : Rec. CE 1965, p. 44. - CE, 9 févr. 1968, Épx Chérest : Rec. CE 1968, tables, p. 369. - CE, 26 nov. 1975, Dugenest : Rev. jur. env. 1977, p. 58 ).

    Ainsi un préfet n'est-il pas tenu de prononcer la fermeture d'un établissement fonctionnant sansautorisation, et peut-il se borner, dans ce cas, à  "prescrire des conditions d'exploitation intérimaires  jusqu'à ce que l'État ait régularisé sa situation"(CE, avis, 4 janv. 1983). Le préfet peut également tenircompte, lorsqu'il fixe le délai au terme duquel l'établissement devra cesser son exploitation, del'ensemble des circonstances de l'affaire "et notamment des conséquences économiques et sociales de 

    la fermeture de l'établissement" , de façon notamment à ce que les délais soient suffisamment longs pourpermettre à l'exploitant d'organiser le transfert de son installation sur un autre site  (CE, 15 févr. 1974,Min. développement industriel c/ Arnaud : Rec. CE 1974, p. 115) .

    29. - Sanctions prononcées à tort - La responsabilité de l'État est engagée si la fermeture d'unétablissement est prononcée alors que la société avait exécuté les travaux qui lui avaient été prescrits.(CE, 4 déc. 1981, Min. env. c/ Barthélémy : Rec.CE 1981, tables p. 830 ; D. 1982, inf. rap. p. 449, obs.Moderne et Bon).

    30. - Sanctions intervenues au terme d'une procédure irrégulière - Fermeture d'un parc zoologiquesans qu'ait été consulté le conseil départemental d'hygiène, et sans qu'aient été précisés, dans l'arrêtéde fermeture, les délais à l'expiration duquel les sanctions annoncées seraient prises (CE, 4 déc. 1981,Min. env. c/ Barthélémy, préc. supra n°29).

    3°Responsabilité pour faute des communes

    a) Méconnaissance des prescriptions par la collectivité publique qui exploite l'installation

    31. -  Le cas se produit lorsqu'une commune a la responsabilité d'une installation classée, et que celle-cifonctionne en méconnaissance des prescriptions de l'arrêté préfectoral d'autorisation. La commune estalors déclarée responsable envers les riverains des nuisances en résultant (CE, 30 oct. 1981, Morin : Rec. CE 1981, p. 395 , dépôt d'ordures que la commune a négligé de recouvrir d'une couche de terre oude matériaux pulvérulents).

    b) Faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale

    32. - Péril imminent - Les communes disposent de compétences en matière d'installations classées,dès lors qu'en vertu de l'article L. 123-5 du Code de l'urbanisme, les dispositions des plans d'occupation

    des sols sont opposables aux installations classées. Les maires peuvent également, au titre de leurspouvoirs de police générale, et en cas de péril imminent, compléter ou aggraver au besoin lesprescriptions imposées par les préfets dans le cadre de leurs attributions en matière d'installationsclassées.

    Mais c'est à l'État qu'incombe normalement la responsabilité de veiller au respect de l'arrêté préfectoralayant autorisé l'installation. S'il n'existe pas de "péril imminent", le maire ne peut se substituer au préfetpour faire respecter par les exploitants les prescriptions de cet arrêté, et aucune action en responsabiliténe pourra être dirigée contre lui (CE, 14 déc. 1981, n°16229, Cne Montmorot. - CE, 29 sept. 2003,n°218217, Houillères bassin de Lorraine : AJDA 2003, p. 2164, concl. T. Olson, lequel annule CAA

    Page 21

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    22/94

    Nancy, 9 déc. 1999, n°96NC01737, Cne Saint-Avold : Constr.-urb. 2000, comm. 102, note Larralde , enl'espèce, le maire avait interdit d'affecter des locaux à l'habitation, en raison de leur proximité par rapportà une installation classée).

    33. -  Le maire ne peut en tout cas se dégager de ses obligations en la matière en invoquant le coût

    selon lui excessif des travaux par rapport aux ressources de la commune ( CAA Lyon, 23 janv. 1996,n°95LY01153, Barthélémy : Gaz. Pal. 1997, 1, pan. dr. adm. p. 74 , terrain effondré en l'absence detravaux de confortement d'une ancienne carrière, la commune ayant refusé d'entreprendre ces travauxen raison de leur coût). La solution aurait peut-être été différente si ces travaux avaient présenté uncaractère disproportionné par rapport aux ressources de la commune (V. infra n°208 à 210).

    En cas de carence de l'État dans le contrôle des activités d'une installation classée, la responsabilité dela commune peut se trouver en partie engagée. Ainsi est-ce le cas s'il apparaît que la commune, jugéecomme étant "la mieux à même de connaître les conditions d'exploitation des installations en question" ,ainsi que "les négligences et le comportement dilatoire de l'entreprise" , a négligé de porter ces faits à laconnaissance de l'administration préfectorale et n'a pas mis en oeuvre elle-même les pouvoirs qu'elletient des articles L. 541-3 et L. 541-4 du Code de l'environnement. En l'espèce, la commune commetune faute de nature à exonérer l'État de 70 % de sa responsabilité (CAA Versailles, 8 mars 2006, Cne Taverny, préc. supra n°22).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    33 . - Faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale

    Confirmation par le Conseil d'État de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du8 mars 2006 (CE, 13 juill. 2007, n°293210, Cne Taverny : JurisData n°2007-072257 ; AJDA2007, p. 2266, note M.-F. Delhoste ; JCP A 2007, 2202, note P. Billet). Pour l'arrêt de la courde Versailles, ajouter les références suivantes : Environnement 2006, comm. 84, note D. Gillig ; 

    BDEI 2006, n°4, p. 15 .

    B. - Nuisances et pollutions causées par des installations nucléaires

    1°Dommages causés par un accident nucléaire

    34. -  Il existe, pour la réparation des dommages causés par un accident nucléaire, un régime légald'indemnisation fixé par la loi n°68-943 du 30 octobre 1968, relative à la responsabilité civile dans ledomaine de l'énergie nucléaire.

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    34-1 (à créer) . - Nuage radioactif

    Les fautes qu'aurait commises l'État français en 1986, en n'informant pas pleinement lespopulations des risques liés au nuage radioactif dit "de Tchernobyl" et ne prenant pas des

    Page 22

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    23/94

    mesures sanitaires adaptées à la situation, ont suscité quelques actions en responsabilité,notamment de la part de personnes atteintes du cancer de la thyroïde et imputant cettepathologie aux effets du nuage. Ces recours ont été rejetés en raison de l'absence de lien decausalité certain entre la pollution radioactive incriminée et les affections dont se plaignaientles requérants (TA Bastia, 20 déc. 2007, n°0600642, Suzzoni. - CAA Paris, 19 mars 2008,

    n°06PA02185, Ledoux : JurisData n°2008-366101). Il a notamment été objecté que  "les doses efficaces de rayonnement alors reçues par la population adulte en France, y compris celles constatées dans l'Est de la France (...) sont restées très inférieures à celles qui sont susceptibles de favoriser une augmentation significative de la survenue de pathologies thyroïdiennes" (CAA Paris, 19 mars 2008, préc.).

    2°Dommages causés par la présence et le fonctionnement d'une centrale nucléaire

    35. -  Les dommages et troubles de jouissance causés aux riverains par la présence et le fonctionnementnormal des centrales nucléaires donnent lieu à indemnisation, selon le régime jurisprudentiel desdommages de travaux publics.

    36. -  Il a été jugé, dans ce cadre, que ne constituent pas un préjudice anormal et spécial :

    - les panaches de vapeur formés au-dessus des tours de refroidissement (CE, 2 oct. 1987,EDF c/ Spire : Rec. CE 1987, p. 302 ; Rev. jur. env. 2/1988, p. 153 ; AJDA 1988, p. 239,obs. Prêtot ; CJEG 1987, p. 898, note Delpirou. - CE, 5 avr. 1991, n°56806, Épx Docquet-Chassaing) ;

    - l'éclairage permanent de la centrale (CE, 2 oct. 1987, EDF c/ Spire, préc.)  ;- la vue des tours de refroidissement hautes de 160 m, dans la mesure où elles sont en partie

    cachées par un rideau d'arbres (CE, 5 avr. 1991, n°56806, Épx Docquet-Chassaing) ;- une baisse de la valeur vénale de la propriété de 15 %, dès lors que la baisse du marché

    immobilier y a également contribué (CE, 20 janv. 1989, EDF c/ Épx Vacher-Devernais : Rec.CE 1989, tables, p. 926-979).

    37. -  En revanche, constituent bien un tel préjudice :

    - le bruit généré par la centrale (CE, 2 oct. 1987, EDF c/ Spire, préc. supra n°36) ;- une baisse de valeur vénale de 7 %, dès lors que la propriété en cause est la seule

    résidence habitée dans un rayon de 1000 m autour de la centrale (CE, 5 avr. 1991,n°56806, Épx Docquet-Chassaing : Juris-Data n°1991-042381).

    C. - Nuisances causées par des émetteurs de radio-diffusion

    38. -  La concentration en un seul lieu, décidée pour des motifs d'intérêt général, de seize émetteurs deradio-diffusion entraînant des perturbations électromagnétiques peut entraîner un préjudice anormal etspécial de nature à ouvrir un droit à réparation. En l'espèce, le préjudice consistait dans l'impossibilité

    presque totale d'utiliser des équipements d'usage courant et la nécessité d'entreprendre de nombreusesdémarches pour faire cesser ces nuisances qui se sont prolongées pendant plusieurs années (CE, 13 juin 2001, n°211403, Verdure : Juris-Data n°2001-062786 ; RFD adm. 2002, p. 594, concl. D. Chauvaux).

    D. - Nuisances sonores

    1°Restriction illégale apportée à l'exercice d'une activité bruyante

    39. -  Toute illégalité commise à ce titre peut engager la responsabilité de l'Administration, y compris unvice d'incompétence. Mais il est tenu compte, dans le quantum de l'indemnité, du caractère justifié quant

    Page 23

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    24/94

    au fond de la mesure (CAA Nantes, 10 juin 1998, n°96NT00416, Landurain).

    2°Indemnisation des nuisances sonores

    a) Ouvrages publics bruyants entraînant un préjudice anormal et spécial

    40. -  Si des activités particulièrement bruyantes sont exercées dans le cadre du fonctionnement normald'un ouvrage public, elles entraînent la responsabilité sans faute de l'Administration qui en assure lagestion ou l'exploitation, à raison du préjudice anormal et spécial qu'elles causent à leurs voisins. C'estnotamment le cas des activités ou ouvrages suivants :

    - une usine d'incinération (CE, 25 nov. 1987, SITOM agglomération caennaise : Rec. CE 1987, p. 380) ;

    - une centrale nucléaire (CE, 2 oct. 1987, EDF c/ Spire, préc. supra n°36) ;- des ateliers municipaux contigus à la maison du requérant (CE, 18 mai 1988, Cne 

    Bois-Colombes : CJEG 1988, p. 336, note Coin) ;- une installation de broyage-concassage (TA Limoges, 6 déc. 1990, n°87446, Lescure) ;- un club de tir (CE, 8 juill. 1992, Cne Chevreuse : Rec. CE 1992, p. 281) ;- des manifestations et fêtes en plein air, organisées pendant l'été et utilisant des

    hauts-parleurs (CE, 25 sept. 1987, Cne Cap Lege Ferret : Rec. CE 1987, p. 296) ;- un bureau de tri postal (CE, 20 mars 1968, Min. PTT c/ Scalia : Rec. CE 1968, tables,p. 1136) ;

    - un chenil appartenant à une école vétérinaire (CE, 17 mai 1974, Malaterre : Dr. adm. 1974,comm. 229) ;

    - les sonneries diurnes et nocturnes de l'horloge d'un clocher d'église (CE, 20 oct. 1976,n°99999, Cne Treigny-Perreuse) ; dans ce cas, le maire ne peut utilement se prévaloir dece que la population s'est opposée à l'obstruction des claires-voies du clocher (CAANancy, 8 mars 2001, n°97NC00911, Briottet : Juris-Data n°2001-155546).

    - une voie de RER située à 5 m d'une habitation et utilisée de 5.30 h à 1.20 h du matin (CE,20 janv. 1989, n°49204, RATP c/ Estienne) ;

    - des transformateurs électriques fonctionnant en permanence et émettant de jour commede nuit un bruit continu qui s'amplifie à chaque déclenchement automatique du système deventilation (CAA Lyon, 19 mars 1992, n°91LY00487, EDF c/ Charbonnel) ;

    - un terrain de basket-ball faisant l'objet d'une utilisation extra-scolaire pendant les vacanceset week-ends jusqu'à 22 h en été, et étant à l'origine de bruits répétés provenant tant d'uneforte résonance du ballon sur le sol et les panneaux que des cris des joueurs (CAA Nancy,20 oct. 1994, n°93NC00545, Tyran).

    41. -  En revanche, ne crée pas un préjudice excédant les inconvénients normaux du voisinage la sirèned'une caserne de pompiers, compte tenu de son utilisation limitée du lundi au vendredi de 8 h à 19 h et àson faible nombre d'appels (CAA Nantes, 30 déc. 1999, n°98NT00386, Saint-Lô), non plus que la miseen service d'une ligne TGV, compte tenu de "l'environnement déjà particulièrement bruyant de l'ensemble hôtelier des requérantes"(CAA Douai, 30 sept. 2003, n°02DA00281, Sté Grill Hôtel : Environnement 2004, comm. 19, note P. Trouilly).

    42. - Cas particuliers - Aéroports. -  La cause directe et certaine des troubles de voisinage que le traficaérien provoque aux communes riveraines d'un aéroport est à rechercher dans l'implantation et lefonctionnement normal de cet aéroport, et non pas dans l'exploitation de ce trafic par les compagniesaériennes.

    43. -  Il en résulte que si des compagnies aériennes ont été condamnées par le juge judiciaire àindemniser une commune riveraine des dépenses qu'elle a supportées pour insonoriser ses bâtiments,ces compagnies doivent être regardées comme subrogées dans les droits de cette commune vis-à-visde l'aéroport. Celui-ci doit à ce titre leur rembourser les sommes qu'elles ont été condamnées à payer, etce sans que l'État puisse être appelé en garantie (CE, 6 févr. 1987, Cie Air-France : Juris-Data 

    Page 24

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    25/94

    n°1987-041322 ; Rec. CE 1987, p. 38 ; RFD aérien 1987, p. 56, concl. Guillaume ; JCP G 1987, II,20886, note Dufau ; RFD adm. 1988, p. 315, note Terneyre ; Rev. jur. env. 1988, p. 32, note Goy) .

    Attention : On relèvera par ailleurs que les troubles de voisinage causés par le fonctionnement normal del'aéroport de Roissy ne sont pas regardés par le juge comme présentant un caractère de gravité tel que le préfetsoit tenu d'adresser à l'exploitant la mise en demeure prévue par l'article 26 de la loi du 19 juillet 1976, cettedisposition permettant, rappelons-le, de mettre en demeure l'exploitant d'une installation de faire cesser lesinconvénients graves générés par le fonctionnement de celle-ci, alors même que, comme les aéroports, elle nefigure pas sur la nomenclature des installations classées  (CAA Paris, 3 juin 1997, n°96PA00287, Comité défense riverains aéroport Paris-Nord : Dr. env. 1997, n°51, p. 8, note Leost).

    44. -  Il est admis que la présence d'un aéroport militaire cause, compte tenu notamment de ce que desexercices y sont effectués jour et nuit, un préjudice anormal et spécial à des habitations situées à 300 m,dans l'axe de la piste (CAA Nantes, 8 déc. 1999, n°96NT01450, Min. défense c/ Épx Guennegan). Enrevanche, n'excèdent pas les inconvénients que peuvent être appelés à supporter, dans l'intérêt général,

    les riverains d'un aérodrome les bruits provoqués par des avions de type "gros porteur", dès lorsnotamment que la propriété des intéressés est située à proximité de l'extrémité de la piste principale del'aérodrome et que la fréquence des mouvements des appareils demeure de l'ordre de 300 par an  (CAANantes, 20 déc. 2000, n°99NT01321, Beausire).

    45. -  Autoroutes. -  Les voies autoroutières posent également un problème particulier, le Conseil d'Étatayant pendant longtemps subordonné toute indemnisation à un examen de la topographie des lieux, auxtermes duquel le préjudice anormal et spécial n'était admis que pour des riverains installés à moins de50 m de la voie et en surplomb par rapport à elle (CE, ass., 22 oct. 1971, Min. équip. c/ Épx Blandin : Rec. CE 1971, p. 63 ; AJDA 1971, p. 686 . - a contrario, rejets, CE, 1er déc. 1978, Min. équip. c/ Do Xuan Huy : Rec. CE 1978, p. 963 , échangeur situé sans surplomb à 30 m d'une maison. - CE, 6 févr. 1981,Delacquis : Rec. CE 1981, tables, p. 957 , autoroute située en contrebas. - CE, 13 nov. 1981, Venard : Rec. CE 1981, tables, p. 957 , autoroute située à 64 m d'une ferme. - Sur un point de la question, Rép.min. n°5794 : JO Sénat Q 18 sept. 2003, p. 2839 ; Ann. voirie 2003, p. 161).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    45 . - Nuisances sonores

    Il arrive que les autoroutes aient été aménagées à proximité de routes nationales, dans le butde soulager et de détourner le trafic de celles-ci. Il est tenu compte de la situation déjàbruyante des lieux et de l'élément d'amélioration créé par l'autoroute pour apprécier lecaractère d'anormalité du préjudice créé par cette autoroute à l'égard de propriétaires qui sont

    par ailleurs immédiatement riverains de la route nationale (CAA Bordeaux, 21 févr. 2008,n°05BX01160, de Coral : Environnement 2008, comm. 73, note D. Gillig).

    46. -  La jurisprudence s'est ensuite assouplie, le juge tenant compte d'autres éléments, tels quel'orientation des pièces de la maison, l'absence de tout écran entre l'autoroute et les ouvertures defaçade ou la disposition du site en amphithéâtre, la conjonction de ces éléments pouvant conduire à uneindemnisation en une espèce où l'habitation des plaignants était située à 72 m de la voie  (CE, 22 juin 

    Page 25

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    26/94

    1983, Sté Autoroutes Sud France c/ Bonnet : Rec. CE 1983, tables, p. 864) .

    De même, s'agissant de la mise en service d'une rocade autoroutière, implantée à 43 mètres d'unepropriété, les mesures de bruit mettaient en évidence des indicateurs moyens journaliers légèrementinférieurs à ceux préconisés par la réglementation. L'indemnité accordée aux propriétaires de la villa est

    dès lors destinée à réparer non pas la gêne provoquée par les nuisances sonores mais la dépréciationde l'immeuble résultant de l'atteinte au caractère et à la tranquillité des lieux (TA Lyon, 15 juin 2000,n°98-3409, Durozay).

    47. -  Enfin, les précautions actuellement prises lors de la construction des autoroutes permettent delimiter significativement le niveau des nuisances sonores. Ainsi celles que provoque une voieautoroutière, dont le bord de la chaussée est situé à environ 15 mètres d'une villa, ne donnent-elles paslieu à indemnité lorsque, par ailleurs, cette voie "se trouve dans une tranchée à 6 mètres au dessous du sol de la maison"  et que "les bruits du trafic routier sont en partie absorbés et renvoyés par le bord de cette tranchée et par un mur antibruit de plus de 3 mètres de haut spécialement édifié à cet effet"(CAALyon, 28 nov. 2000, n°96LY02355, Bossant : Juris-Data n°2000-136749 ; Dr. env. 2001, n°91, p. 199,note G.F.).

    b) Réglementation des activités bruyantes dans le cadre des pouvoirs de police générale du

    maire ou du préfet48. - Recherche de la faute simple - Dans ce domaine, la jurisprudence a longtemps privilégiél'engagement de la responsabilité de l'administration pour faute lourde. Cette jurisprudence était suivieaussi bien lorsqu'il s'agissait de sanctionner l'absence ou l'insuffisance des mesures prises par le mairepour faire cesser ou diminuer les nuisances sonores (CE, 21 juill. 1970, Ville Croisic : Rec. CE 1970,p. 508) que lorsque cette même autorité n'assurait pas le respect de la réglementation existante  (CE,4 oct. 1968, Épx Pascal : Rec. CE 1968, tables, p. 875). Prenant notamment en considération que lalutte contre le bruit est une tâche qui ne présente pas les difficultés particulières seules de nature à justifier le maintien de l'exigence de la faute lourde, le Conseil d'État a fait évoluer sa jurisprudence.L'engagement de la responsabilité de l'administration est désormais conditionné à la seule existenced'une faute simple (CE, 28 nov. 2003, n°238349, Cne Moissy-Cramayel : Juris-Data n°2003-066174 ; Dr. adm. 2004, comm. 36, note G. Le Chatelier ; BJCL 2004, p. 60, concl. G. Le Chatelier ; RFD adm.2004, p. 205 ; JCP A 2004, 1053, note J. Moreau ; AJDA 2004, p. 988, note C. Deffigier).

    Ce revirement de jurisprudence ne fait que conforter une évolution entreprise depuis quelques annéesdéjà, car en matière de lutte contre le bruit, les administrations communales étaient sanctionnées par le juge avec une fréquence analogue à celle qui aurait normalement résulté d'un contrôle fondé sur larecherche de la faute simple. Le Professeur J. Moreau a pu dire à ce sujet : "Peut-être une évolution souterraine s'est-elle effectuée, sans revirement spectaculaire ?"(note ss CAA Marseille, 5 juill. 2004,n°02MA01916, Cne Aix-en-Provence : JCP A 2004, 1669).

    Note de la rédaction - Mise à jour du 31/08/2014

    48 . - Recherche de la faute simple

    Constitue ainsi une faute simple, de nature à engager la responsabilité d'une commune,l'autorisation donnée chaque année à des exploitants de manèges d'implanter leursinstallations à moins de 250 m des habitations existantes et ce, quatre fois par an pendant unedurée de 15 jours à trois semaines, alors qu'un arrêté municipal interdisait, "sauf dérogations exceptionnelles" , une telle implantation (CAA Nantes, 25 mai 2004, n°00NT01606, min. Int. et Ville Lorient).

    Page 26

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    27/94

    49. - Prise en compte de la nature bruyante "par nature" de l'installation - S'agissant d'un foyer de jeunes gens ou d'une salle des fêtes, il est considéré que la présence de l'ouvrage ne crée par

    elle-même aucun dommage, notamment lorsqu'il s'avère que les troubles  "n'ont pas pour origine la présence et le fonctionnement de l'ouvrage public lui-même mais l'utilisation qui en est faite"(CE, 18 oct.1989, n°59465, Palisse). La responsabilité de la puissance publique, en ces cas, ne peut être mise en jeu qu'en raison des fautes commises dans l'exercice des pouvoirs de police du maire (CGCT, art. L.2212-2) ou de ceux du préfet  (C. santé publ., art. 2). Il en est de même dans le cas des ouvrages ouétablissements appartenant à des personnes privées.

    50. -  En réaction à cette jurisprudence, difficile à comprendre, il est vrai, pour les intéressés, il a étéconsidéré que la présence, dans la partie agglomérée d'une commune de moins de 5 000 habitants,d'une salle des fêtes pouvant accueillir jusqu'à 683 personnes, équipée d'un amplificateur d'unepuissance de 300 watts et utilisée régulièrement chaque fin de semaine pour des soirées dansantes,engendre des troubles de jouissance qui excèdent, quelles que soient les mesures de police prises pouren atténuer l'importance, les inconvénients inhérents au voisinage d'un ouvrage de cette nature  (CAALyon, 16 mars 2000, n°96NC02054, Cne Saint-Laurent du Pont : Juris-Data n°2000-121257 ; AJDA

    2000, p. 962).

    51. - Absence de faute lourde - L'autorité de police, maire ou préfet, ne commet pas une faute lourde :

    - si les bruits provenant des réunions cessent vers 22 h (CE, 27 nov. 1974, Cne Villenave d'Ornon : Rec. CE 1974, p. 586) ;

    - si des mesures ont été prises afin de limiter l'exercice des activités les plus bruyantes del'établissement à la suite d'interventions de sa part (CE, 13 oct. 1982, n°18731, Allal)  ;

    - si le préfet de police, sans prononcer la fermeture de l'établissement, a fait dresserplusieurs procès-verbaux et mis l'exploitant en demeure de faire effectuer des travauxd'insonorisation qui ont été exécutés et qui ont réduit l'intensité des nuisances (CE,12 mars 1986, préfet de police Paris c/ Metzler et a. : Rec. CE 1986, p. 70)  ;

    - si la vente des produits d'une boulangerie-croissanterie a été interdite entre 22 heures et 6heures du matin (CE, 7 juill. 1993, Cazorla : Rec. CE 1993, tables, p. 631, 655, 920) ;

    - si des travaux d'insonorisation, dont l'insuffisance n'est pas démontrée, ont été effectués(CAA Bordeaux, 17 juin 1997, n°92BX00183, Cne Boeil-Bezing) ;

    - si l'utilisation des tondeuses à gazon a été interdite les dimanches et jours fériés pendantune période s'étendant du 1er mai au 31 octobre (CE, 2 juill. 1997, Bricq : Rec. CE 1997,p. 275 ; Dr. adm. 1997, comm. 323).

    52. - Réglementations insuffisantes - Le Conseil d'État juge légal un arrêté autorisant des tirsquotidiens de feux d'artifice pendant le week-end pascal, mais annule, en raison du caractère excessifdes nuisances sonores, un arrêté autorisant des tirs quotidiens du 24 au 30 avril (CE, 12 juin 1998, Cne Chessy : Rec. CE 1998, p. 233).

    53. -  Dans le fil de cette jurisprudence, ont été annulés, du fait de leur insuffisance :

    - un arrêté préfectoral autorisant, dans le parc de Disneyland, le tir quotidien de feuxd'artifice, à 23 h, pendant 22 jours du mois de juillet et tous les jours du mois d'août  (CAAParis, 8 avr. 2003, n°00PA00129, Min. int. c/ Cne Chessy) ;

    - un arrêté interdisant de 20 heures à 7 heures du matin le fonctionnement de pompesagricoles mais accordant 4 dérogations pour des arrosages de nuit sans interruption, lesémergences s'élevant entre 10 et 21 décibels  (TA Strasbourg, 29 avr. 2004, n°00-1034,Durringer : AJDA 2004, p. 1666, concl. R. Collier).

    Page 27

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    28/94

    54. - Réglementations excessives - Il peut aussi arriver, à l'inverse, que les mesures prises par lemaire revêtent un caractère excessif. Ainsi en est-il de la fermeture d'une salle de bal  (CE, 26 juin 1987,Cts Guyot : Rec. CE 1987, tables, p. 623 ; AJDA 1987, p. 690, note X. Prétot)  ou de la mise en fourrièred'un chien, alors qu'il aurait suffi d'enjoindre au propriétaire de faire cesser les aboiements (TA Lille,26 juin 2002, Sculba : Rec. CE 2002, tables, p. 833).

    55. - Absence de mesures appropriées - Faute lourde. -  Enfin, une faute lourde imputable à lacommune est commise si, en dépit de nombreuses plaintes des riverains et de l'intervention des servicesde la préfecture, les autorités de police municipale ne prennent aucune mesure pour mettre fin auxtroubles provoqués :

    - par des jeux sur la place publique se prolongeant tous les jours jusqu'à 23 h et le week-end jusqu'à 1 h du matin (TA Pau, 18 janv. 1977, Barye)  ;

    - par des manifestations fréquentes organisées pendant deux ans dans un foyer rural (CE,17 mars 1989, Cne Montcourt-Fromonville : Rec. CE 1989, tables, p. 513-817-903-914)  ;

    - ou pendant cinq ans dans la salle des fêtes municipales (CAA Bordeaux, 2 juin 1997,n°96BX01328, Cne Clavette) ;

    - par un télésiège installé à 30 mètres d'un immeuble d'habitation, alors que l'autorité étaitinformée de cette situation par une lettre du gestionnaire de l'immeuble, puis par un rapport

    établi à la demande de la propriétaire de l'immeuble par un cabinet d'ingénieur enacoustique (CE, 5 sept. 2001, n°210976, Cne Val d'Isère : Juris-Data n°2001-062986)  ;- par une piste de karting exploitée de 7 à 22 heures à proximité des deux maisons

    d'habitation (CAA Marseille, 3 juin 2003, n°01MA02066, Cne Monteux : JCP A 2003, 1974,note J. Moreau) ;

    - par une fête foraine, alors que le maire avait seulement demandé au "comité des forains" de "veiller à ce que la sonorisation soit en permanence modérée et coupée à 22 heures"(CAA Marseille, 5 juill. 2004, n°02MA01916, Cne Aix-en-Provence : JCP A 2004,1669, note J. Moreau).

    56. -  Faute simple. -  En application de la jurisprudence "Cne de Moissy-Cramayel" (V. supra n°48), unmaire commet une faute simple :

    - en ne fixant aucune condition aux forains occupant un stade en vue d'assurer "le bon ordre" , alors que "le bruit produit notamment par les hauts parleurs des loteries et par certaines sirènes est comparable en intensité à un scooter en échappement libre"(CAAParis, 18 mai 2004, n°00PA02949, Cne Papeete)  ;

    - en se bornant à dresser des procès-verbaux de contravention et ce, sans faire cesser lesatteintes à la tranquillité publique résultant de nuisances provenant d'un camp de nomadessédentarisés et comprenant notamment des tapages diurnes et nocturnes (CE, 27 juill.2005, n°257394, Cne Noisy-le-Grand : Juris-Data n°2005-068765 ; Collectivités-Intercommunalité 2005, comm. 207, note L. Erstein).

    c) Modes d'évaluation et de mesure des nuisances sonores

    57. -  Des nuisances sonores susceptibles d'être indemnisées, il est fréquemment dit, dans les décisions juridictionnelles, qu'elles excèdent les troubles normaux de voisinage ou bien qu'elles portent uneatteinte à la tranquillité publique d'une gravité telle que le maire ou le préfet ne peuvent d'abstenir d'yporter remède sans méconnaître leurs obligations en matière de police.

    58. - Décibels - Les formules ainsi utilisées sont difficiles à préciser, car les juges se sont longtempsemployés, lorsqu'ils statuaient sur l'intensité de nuisances sonores, et alors même qu'ils avaient utilisédes études acoustiques, à éviter l'utilisation de termes techniques, notamment le mesure en nombre dedécibels de l'intensité du bruit constaté (sur ce problème,  F. Moderne, Les dommages causés aux tiers au droit public et en droit privé par les nuisances sonores urbaines : Dr. et Ville 1980, n°10, p. 107 ).

    Page 28

  • 8/18/2019 Responsabilite en Matiere d'Environnement

    29/94

    La situation a un peu évolué, et l'on trouve maintenant, dans les décisions juridictionnelles, quelquesnotations quantitatives. Il résulte de celles-ci que :

    - 40 décibels représentent un "seuil de confort" (CA Paris, 23 nov. 1993, Cne Longjumeau) ;- 60 ou 65 décibels le niveau de bruit tolérable généré par une infrastructure bruyante (CE,

    10 déc. 1993, n°120344, Assoc. Belle-Rive Malmaison : Juris-Data n°1993-048828) ;- ou 53 décibels celui d'une installation classée jouxtant une réserve naturelle (TA Rouen,10 juin 1993, n°8836201, Assoc. "Les Amis de Port-Ripaille") , un français sur deux étantau demeurant exposé à des pressions acoustiques de ce type  (note Goliard ss TAStrasbourg, 22 sept. 1997, Humbrecht : Rev. jur. env. 1998, p. 348). N'excède pasdavantage les inconvénients que peuvent être appelés à supporter, dans l'intérêt général,les propriétaires riverains de voies à grande circulation un bruit qui atteint 60 décibelspendant la journée et un peu plus de 65 décibels en fin de semaine  (CAA Nantes, 14 mars 2001, Garcion, n°96NT01784). En revanche une intensité sonore de 80 décibels rend unimmeuble impropre à l'habitation (CE, 2 mai 1990, n°82456, Roux) :

    - le bruit engendré par la circulation automobile, du fait d'une déviation routière implantée à15 mètres d'une propriété, bruit qui s'élève en journée à 69,7 décibels en façade et à64,1 décibels en terrasse, fait en sorte que  "la maison (...) n'est viable que si les fenêtres sont fermées"(TA Nantes, 20 avr. 2004, n°0103355, Brébion et Charrier : Rev. jur. env.

    2004, p. 445, note).

    59. -  L'Administration s'est quant à elle beaucoup exprimée sur la question, et l'on trouvera desindications utiles sur les niveaux de bruit admissibles dans les textes suivants :

    - arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par lesinstallations classées (Journal Officiel 27 Mars 1997) ;

    - circulaire du 27 février 1996 relative à la lutte contre les bruits de voisinage (Journal Officiel 7 Avril 1996) ;

    - circulaire n°97-110 du 12 décembre 1997 relative à la prise en compte du bruit dans laconstruction des routes nouvelles (BO min. équip. n°331-98/7, 25 avr. 1998 . - V. aussiJ.-Cl. Environnement, Fasc. 710. - CPEN V°Bruit ).

    60. -  Cette plus grande technicité du contentieux relatif au bruit justifie le recours de plus en plusfréquent à des expertises, le juge prenant soin de préciser qu'il est actuellement possible de mesurerl'intensité du bruit provoqué par le passage futur d'une ligne de TGV sur une ligne déjà en exploitation(