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BIOGRAPHIE Patricia Crifo Patricia Crifo est diplômée de l’ENS Cachan, agrégée d’économie et de gestion et docteur en économie de l’Université Lyon-II, ayant par ailleurs effectué des études post-doctorales à l’Institut de Recherches Économiques et Sociales (IRES, Université de Louvain- la-Neuve, en Belgique). Professeur des Universités, elle enseigne à l’Université Paris Ouest (Economix) et à l’Ecole Polytechnique (Preg Ceco) et est également membre externe associé du Centre Interuniversitaire de Recherche, de liaison et de transfert des savoirs en Analyse des Organisations (CIRANO) de Montréal. [email protected] Patricia Crifo et Sandra Cavaco se sont intéressées à la complémentarité entre différentes pratiques socialement res- ponsables et la performance des entre- prises. “Le lien empirique entre la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et la performance a reçu une attention considérable ces 35 dernières années, mais aucun consensus n’a émergé quant au fait que la RSE améliore ou non la performance des entreprises. Pour lever le voile sur cette question, au lieu d’analyser l’impact d’une dimension de la RSE prise isolément, nous examinons comment la combinaison de ces pratiques peut rendre les entreprises plus performantes, et essayons d’identifier lesquelles.” Un sujet capital Pour Patricia Crifo, il faut sortir de l’approche strictement financière et intégrer l’économie de l’environnement, l’économie du travail et l’économie de la gouvernance afin de déterminer les synergies propices aux investissements Responsabilité Sociale des Entreprises COMBINER LES PRATIQUES POUR AMÉLIORER LA PERFORMANCE D’après un entretien avec Patricia Crifo et son article “Complementarity between CSR Practices and Corporate Performance: an Empirical Study” (dans Corporate Social Responsibility: from Compliance to Opportunity, P. Crifo et J. P. Ponssard (Eds.), Editions de l’Ecole Polytechnique, mai 2010), coécrit avec Sandra Cavaco (1) . LES CAHIERS DE L’ILB A RETENIR L’article identifie des pratiques socialement responsables qui, quand elles sont combinées, ont une influence positive sur la performance et donc la rentabilité à long terme. Il identifie également les bonnes pratiques qui fonctionnent mieux sans être combinées, mais qui ont un impact moins important sur la performance. Ce travail montre l’intérêt des entreprises pour les politiques de RSE. Il fournit ainsi des arguments supplémentaires aux pouvoirs publics. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) améliore-t-elle leur performance ? Pour répondre à cette question, Patricia Crifo et Sandra Cavaco s’intéressent aux combinaisons de pratiques de RSE et montrent que certaines synergies sont en effet susceptibles d’avoir un impact économique positif pour les entreprises. (1) Laboratoire d’Economie Moderne (LEM), Université Panthéon-Assas http://www.idei.fr/fdir/

Responsabilité Sociale des Entreprises Crifo FR(1).pdf · Patricia Crifo et Sandra Cavaco se sont intéressées à la complémentarité entre différentes pratiques socialement res-ponsables

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BIOGRAPHIE

Patricia Crifo

Patricia Crifo est diplômée de l’ENS

Cachan, agrégée d’économie et de

gestion et docteur en économie de

l’Université Lyon-II, ayant par ailleurs

effectué des études post-doctorales à

l’Institut de Recherches Économiques

et Sociales (IRES, Université de Louvain-

la-Neuve, en Belgique). Professeur des

Universités, elle enseigne à l’Université

Paris Ouest (Economix) et à l’Ecole

Polytechnique (Preg Ceco) et est

également membre externe associé du

Centre Interuniversitaire de Recherche,

de liaison et de transfert des savoirs en

Analyse des Organisations (CIRANO) de

Montréal.

[email protected]

Patricia Crifo et Sandra Cavaco se sontintéressées à la complémentarité entredifférentes pratiques socialement res-ponsables et la performance des entre-prises. “Le lien empirique entre laresponsabilité sociale des entreprises(RSE) et la performance a reçu une attention considérable ces 35 dernièresannées, mais aucun consensus n’aémergé quant au fait que la RSE améliore ou non la performance des entreprises. Pour lever le voile sur cettequestion, au lieu d’analyser l’impact d’une

dimension de la RSE prise isolément, nousexaminons comment la combinaison deces pratiques peut rendre les entreprisesplus performantes, et essayons d’identifierlesquelles.”

Un sujet capital

Pour Patricia Crifo, il faut sortir de l’approche strictement financière et intégrer l’économie de l’environnement,l’économie du travail et l’économie de lagouvernance afin de déterminer lessynergies propices aux investissements

Responsabilité Sociale des EntreprisesCOMBINER LES PRATIQUES POURAMÉLIORER LA PERFORMANCE

D’après un entretien avec Patricia Crifo et son article “Complementaritybetween CSR Practices and Corporate Performance: an EmpiricalStudy” (dans Corporate Social Responsibility: from Compliance to Opportunity, P. Crifo et J. P. Ponssard (Eds.), Editions de l’Ecole Polytechnique, mai 2010), coécrit avec Sandra Cavaco(1).

LES CAHIERS DE L’ILB

A RETENIR

■ L’article identifie des pratiques socialement responsables qui, quandelles sont combinées, ont une influence positive sur la performance et donc la rentabilité à long terme.

■ Il identifie également les bonnes pratiques qui fonctionnent mieuxsans être combinées, mais qui ont un impact moins important sur laperformance.

■ Ce travail montre l’intérêt des entreprises pour les politiques de RSE.Il fournit ainsi des arguments supplémentaires aux pouvoirs publics.

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) améliore-t-elle leur performance ? Pour répondre à cette question, Patricia Crifo et Sandra Cavaco s’intéressent aux combinaisons de pratiques de RSE et montrent que certaines synergies sont en effet susceptibles d’avoir unimpact économique positif pour les entreprises.

(1) Laboratoire d’Economie Moderne (LEM), Université Panthéon-Assas

http://www.idei.fr/fdir/

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LES CAHIERS DE L’ILB

de RSE et la façon dont les politiquespubliques peuvent les encourager.“Après les travaux de l’économiste amé-ricain Robert Solow, il semblait que lacroissance des années 1980-1990 étaitbasée sur une combinaison entre inno-vation technologique, changement orga-nisationnel et hausse du niveau ducapital humain, a-t-elle expliqué dansune interview publiée dans Le Monde le 18 mai 2010 dans le cadre du Prix2010 du meilleur jeune économiste,pour lequel elle avait été nominée. Laquestion des années 2000 est de savoirsi une croissance soutenable peut naîtrede la combinaison entre technologies de l’environnement, gouvernance desentreprises plus responsable et gestiondu capital humain innovante.”

Des synergies synonymes de performance accrue

Patricia Crifo estime que l’identificationde complémentarités ou substituabilitésentre les différentes pratiques RSE estdécisive, notamment pour les méthodesd’ISR basées sur les approches “best-in-class” (sélection d’entreprises pro-actives) : “Cette recherche montre juste-ment qu’il existe des complémentaritésentre les composantes sociales, environ-nementales et la gouvernance qui sontpayantes en termes de performance financière pour l’entreprise.” Et de citerl’exemple du constructeur automobileFord, qui investit de manière cohérentepour exploiter les complémentarités dedifférentes dimensions de la RSE :“Cette entreprise est réputée pour sapolitique sociale, elle investit dans les RHmais aussi dans toute la chaîne de va-leur. Ford étend toutes ses exigences àses fournisseurs et essaie égalementd’améliorer l’information et la transpa-rence vis-à-vis de ses clients.”

Les stratégies d’arbitrage peuventaussi être payantes

Mais il existe également des interactionsnégatives entre certaines dimensions dela RSE. “Des entreprises comme Walmartpréfèrent donc procéder à un arbi-trage… avec succès ! Le leader du “harddiscount” aux Etats-Unis investit ainsibeaucoup en matière environnementalemais exerce une pression très forte enmatière sociale et sur la chaîne d’appro-visionnement pour soutenir sa politiquede prix faibles.” Mais si, comme Walmart,certaines entreprises peuvent être tentéesde se spécialiser sur des volets précis de la RSE plutôt que d’investir dans plusieurs dimensions simultanément,Patricia Crifo souligne que la forte renta-bilité de Walmart repose sur le courtterme. “C’est un modèle économiqueadapté à un marché sur lequel on vise laréduction des coûts, y compris humainsestime-t-elle. Pas certain que ce modèlesoit durable et rentable à long terme ! Il faudra veiller aux conséquences s’ilssont confrontés à des crises socialesdans les dix prochaines années, commecela a déjà été le cas par le passé.” Et choisir ce modèle d’arbitrage estd’autant plus discutable que PatriciaCrifo et Sandra Cavaco montrent quela combinaison de facteurs complémen-taires de RSE semble améliorer bien davantage la performance.

M E T H O D O L O G I E

Pour mettre en évidence les combinaisonsde pratiques sociales et environnemen-tales susceptibles de réduire les coûts etd’améliorer la rentabilité des entreprises,Patricia Crifo et Sandra Cavaco ont procédéà une analyse empirique d’un ensemblede données alliant variables environne-mentales, sociales et de gouvernance provenant de la base de données de Vigeo(agence européenne de notation extra-financière, qui mesure les performancesdes entreprises en matière de développe-ment durable), et variables relatives à laperformance économique et financièreprovenant de la base de données d’Orbis(outil de veille économique et d’analysesfinancières sur plus de 60 millions d’en-treprises dans le monde).

Pour al ler plus loin

■ Crifo P., Cavaco S. (2010), “The CSR firm performance missing link: Complementarity betweenenvironmental, social and governance practices?” Ecole Polytechnique, Cahier de recherche département d’économie, n° 2010-19

■ Baron D (2009), “A Positive Theory of Moral Management, Social Pressure, and Corporate SocialPerformance”, Journal of Economics and Management Strategy, 18(1): 7-43

■ Elsayed K., Paton D. (2005), “The Impact of Environmental Performance on Firm Performance:Static and Dynamic Panel Data Evidence”, Structural Change and Economic Dynamics, 16: 395-412

■ Waddock S., Graves, S. (1997), “The Corporate Social Performance - Financial Performance Link”,Strategic Management Journal, 18(4): 303-319

■ McWilliams A., Siegel D. (2000), “Corporate social responsibility and Financial Performance: Correlation or Misspecification?, Strategic Management Journal, 21 : 603-609

R e c o m m a n d a t i o n s

■ Pour les pouvoirs publics : Il serait intéres-sant d’améliorer l’information et la transpa-rence afin de savoir sur quels leviers lesentreprises s’appuient pour définir leur stra-tégie d’investissements dans les pratiques de RSE. Il faut pousser les entreprises à communiquer, à favoriser le reporting de manière précise sur les différentes dimen-sions de la RSE.

■ Pour les émetteurs et les investisseurs : il est important de déployer une politique cohérente en matière de RSE pour les entre-prises et les investisseurs. Il faut essayer d’in-vestir dans les différentes dimensions de la RSE, mais en les considérant comme deséléments cohérents d’une politique globale etpas comme des dimensions indépendantes.Ils doivent s’intéresser aux synergies et auxarbitrages possibles pour définir leur stratégie,notamment en ce qui concerne l’investissementsocialement responsable fondé sur les méthodes de “best-in-class”, très répanduesen France et en Europe.

Le lien empirique entre la RSE et la performance a reçu une attention considérable ces 35 dernières années.“

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