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Revue de presse B. Dousset, Ph. de Mestier, C. Vons 126 Résultats des résections hépatiques majeures pour petits carcinomes hépatocellulaires uniques chez des malades cirrhotiques B. Hung-Hin Lang, R. Tung Ping Poon, S. Tat Fan, J. Wong Perioperative and long term outcome of major he- patic resection for small solitary hepatocellular carcinoma in patients with cirrhosis Arch Surg 2003:138:1207-1213. Les carcinomes hépatocellulaires (CHC) sont souvent détectés à un stade précoce, chez les malades cirrhotiques soumis à une sur- veillance régulière. L’étendue de la résection des tumeurs infé- rieures à 5 cm est souvent sujette à discussion et dépend du site tumoral et de la valeur fonctionnelle du parenchyme restant 1 . En cas de nodule unique de petite taille, plusieurs traitements peuvent être discutée : résection hépatique, destruction locale par alcooli- sation ou radiofréquence percutanée, transplantation hépatique chez des malades sélectionnés non résécables. De janvier 1989 à décembre 2001, 218 malades cirrhotiques ayant une fonction hépatique satisfaisante (Child A) porteurs d’une tu- meur de moins de 5 cm de diamètre étaient divisés en deux grou- pes selon le type de résection : 1) hépatectomies majeures droites ou gauches, éventuellement élargies (n = 84, 38,5 %) ; 2) hépatec- tomies mineures, segmentectomies ou tumorectomies (n = 134, 61,5 %). La décision du type d’intervention était prise en préopé- ratoire sur des critères de localisation tumorale, de fonction hépa- tique (clearance du vert d’indocyanine) et de l’exigence de marges de résection adéquates. Les paramètres des deux groupes étaient comparables. Tous les malades ont été suivis au moins 6 mois. Par rapport au groupe des résections mineures, le groupe des résec- tions majeures comportait des tumeurs plus larges (3,5 cm versus 2,5 cm, p < 0.01) une meilleure fonction hépatique, un envahisse- ment veineux plus fréquent (34,5 % versus 21,6 %, p = 0.3), un nombre de stade III plus élevé. Les marges de résection étaient en moyenne plus larges dans les résections majeures mais le taux de marge positive était semblable aux résections mineures. La dégra- dation de la fonction hépatique était plus marquée après résection majeure avec cependant une morbidité (41,4 versus 39,6 %, ns) et une mortalité (8,3 versus 3,0 %, ns) semblables entre les deux groupes. Les taux de récidive intra hépatique (31,0 versus 44,8 %, p = 0.4) ou extra hépatiques (7,1 versus 8,2 %) n’étaient pas signi- ficativement différents entre les groupes résection majeure et mi- neure. La médiane de survie (102 versus 72,3 mois, ns) et la mé- diane de survie sans récidive (59 versus 29,5 mois, ns) étaient augmentées de façon non significative dans le groupe des résec- tions majeures La survie actuarielle à 5 ans était de 72,5 % (résec- tion majeure) versus 60,3 % (résection mineures). Par ailleurs dans le sous groupe des tumeurs de 3 à 5 cm, la survie sans récidive et la survie actuarielle étaient significativement meilleures dans le groupe résections majeures (p = 0.02). En analyse multivariée, le stade TNM et les résections majeures étaient des facteurs pronos- tiques indépendants de survie sans récidive. Les auteurs concluent que les résections hépatiques majeures chez les malades cirrhotiques porteurs d’un petit CHC unique offrent une meilleure survie à long terme pour les tumeurs de 3 à 5 cm de diamètre. Commentaires 1) Les résultats de cette étude, réalisée chez une population asia- tique, ne semblent pas directement transposables à nos malades cirrhotiques qui, pour la majorité d’entre eux, n’ont pas une fonc- tion hépatique permettant d’envisager une hépatectomie majeure. 2) Elle est favorable à une exérèse large et carcinologique (hépa- tectomie majeure) des CHC uniques de 3 à 5 cm, chez des mala- des ayant une cirrhose avec une fonction hépatique conservée. Cette supériorité, de la segmentectomie réglée sur la tumorecto- mie pour le traitement du petit CHC unique, avait déjà été rap- portée par l’équipe de Beaujon [1]. En effet, le mode de diffusion intra hépatique du CHC, par voie portale rétrograde est suscep- tible, en cas de tumorectomie, de laisser des microfoyers tumoraux satellites dans le territoire portal segmentaire attenant. Cette étu- de conforte cette hypothèse et suggère indirectement l’importan- ce des marges de sécurité, non seulement parenchymateuses mais aussi vasculaires, au niveau des pédicules glissonniens ou des vei- nes hépatiques principales. 3) Cette étude confirme les bons résultats de la résection hépati- que du CHC, avec cependant un risque élevé de récidive intra hé- patique (de l’ordre de 50 %), attestant de l’hépatopathie chroni- que sous-jacente. Mots-clés : Foie. Traitement. Carcinome hépatocellulaire. Hépatecto- mie majeure. 1. Surgery 2002;131:311-317. Faut-il faire une dérivation gastro-jéjunale prophylactique dans la chirurgie palliative du cancer du pancréas ? Résultats d’une étude contrôlée N.T. Van Heek, S.M.M. De castro, C.H. Van Eijck, R.C.I. Van Geenen, E.J. Hesselink, P.J. Breslau, T.C. Khe Tran, G. Kazemier, M.R.M. Visser, O.R.C. Busch, H. Obertrop, D.J. Gouma The need for a prophylactic gastrojejunostomy for unresectable periampullary cancer : a prospective randomized mulitcenter trial with special focus on assessment of quality of life Ann Surg 2003;238:894-905. Vingt cinq p cent à 75 % des malades porteurs d’un cancer pé- ri-ampullaire sont opérés au stade de tumeur localement avan- cée, pour laquelle un chirurgie palliative de dérivation biliaire ou bilio-digestive est associée à une biopsie transduodénale et à une splanchnicectomie chimique. Les auteurs rapportent les résultats d’une étude randomisée, conduite entre 1998 et 2002, portant sur 70 malades avec tumeur périampullaire localement avancée, tirés au sort entre dérivation biliaire (DB) par hépa- tico-jéjunostomie et double dérivation bilio-digestive (DDBD) par hépatico-jéjunostomie et gastro-jéjunostomie rétrocolique. Les malades qui avaient eu un traitement endoscopique préa- lable ou une obstruction duodénale ou gastrique n’ont pas été inclus. Le calcul d’effectif avait abouti à un nombre de 140 ma- lades et il avait été décidé une analyse intermédiaire après 70 malades. L’étude a été arrêtée au terme de cette analyse inter- médiaire compte tenu des résultats. Les deux groupes étaient comparables pour l’ensemble des paramètre pré- et per- opératoires : 55 % des malades de chaque groupe avaient des métastases et 45 % avaient un extension vasculaire locale. L’objectif principal était la survenue d’une obstruction diges- tive requérant un traitement chirurgical. Les objectifs secon- daires étaient la morbi-mortalité, la durée d’hospitalisation, la survie et la qualité de vie. Cinq malades ont été perdus de vue. Une obstruction digestive secondaire est survenue chez 2 (5,5 %) des 36 malades du grou- pe DDBD versus 12 (41,4 %, p = 0,001) des 29 malades du groupe DBD. Dans le groupe DDBD, un malade a une regas- tro-jéunostomie (2,8 %) versus 6 (20,7 %, p = 0,04) dans le 1. Voir à ce sujet la mise au point : « Traitement du carcinome hépatocellulaire sur cirrhose » dans ce même numéro.

Résultats des résections hépatiques majeures pour petits carcinomes hépatocellulaires uniques chez des malades cirrhotiques: B. Hung-Hin Lang, R. Tung Ping Poon, S. Tat Fan, J

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Revue de presse B. Dousset, Ph. de Mestier, C. Vons

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Résultats des résections hépatiques majeures pour petits carcinomes hépatocellulaires uniques chez des malades cirrhotiques

B. Hung-Hin Lang, R. Tung Ping Poon, S. Tat Fan,J. WongPerioperative and long term outcome of major he-patic resection for small solitary hepatocellularcarcinoma in patients with cirrhosisArch Surg 2003:138:1207-1213.

Les carcinomes hépatocellulaires (CHC) sont souvent détectés àun stade précoce, chez les malades cirrhotiques soumis à une sur-veillance régulière. L’étendue de la résection des tumeurs infé-rieures à 5 cm est souvent sujette à discussion et dépend du sitetumoral et de la valeur fonctionnelle du parenchyme restant1. Encas de nodule unique de petite taille, plusieurs traitements peuventêtre discutée : résection hépatique, destruction locale par alcooli-sation ou radiofréquence percutanée, transplantation hépatiquechez des malades sélectionnés non résécables.De janvier 1989 à décembre 2001, 218 malades cirrhotiques ayantune fonction hépatique satisfaisante (Child A) porteurs d’une tu-meur de moins de 5 cm de diamètre étaient divisés en deux grou-pes selon le type de résection : 1) hépatectomies majeures droitesou gauches, éventuellement élargies (n = 84, 38,5 %) ; 2) hépatec-tomies mineures, segmentectomies ou tumorectomies (n = 134,61,5 %). La décision du type d’intervention était prise en préopé-ratoire sur des critères de localisation tumorale, de fonction hépa-tique (clearance du vert d’indocyanine) et de l’exigence de margesde résection adéquates. Les paramètres des deux groupes étaientcomparables. Tous les malades ont été suivis au moins 6 mois. Parrapport au groupe des résections mineures, le groupe des résec-tions majeures comportait des tumeurs plus larges (3,5 cm versus2,5 cm, p < 0.01) une meilleure fonction hépatique, un envahisse-ment veineux plus fréquent (34,5 % versus 21,6 %, p = 0.3), unnombre de stade III plus élevé. Les marges de résection étaient enmoyenne plus larges dans les résections majeures mais le taux demarge positive était semblable aux résections mineures. La dégra-dation de la fonction hépatique était plus marquée après résectionmajeure avec cependant une morbidité (41,4 versus 39,6 %, ns) et

une mortalité (8,3 versus 3,0 %, ns) semblables entre les deuxgroupes. Les taux de récidive intra hépatique (31,0 versus 44,8 %,p = 0.4) ou extra hépatiques (7,1 versus 8,2 %) n’étaient pas signi-ficativement différents entre les groupes résection majeure et mi-neure. La médiane de survie (102 versus 72,3 mois, ns) et la mé-diane de survie sans récidive (59 versus 29,5 mois, ns) étaientaugmentées de façon non significative dans le groupe des résec-tions majeures La survie actuarielle à 5 ans était de 72,5 % (résec-tion majeure) versus 60,3 % (résection mineures). Par ailleurs dansle sous groupe des tumeurs de 3 à 5 cm, la survie sans récidive etla survie actuarielle étaient significativement meilleures dans legroupe résections majeures (p = 0.02). En analyse multivariée, lestade TNM et les résections majeures étaient des facteurs pronos-tiques indépendants de survie sans récidive.Les auteurs concluent que les résections hépatiques majeures chezles malades cirrhotiques porteurs d’un petit CHC unique offrentune meilleure survie à long terme pour les tumeurs de 3 à 5 cmde diamètre.

Commentaires1) Les résultats de cette étude, réalisée chez une population asia-tique, ne semblent pas directement transposables à nos maladescirrhotiques qui, pour la majorité d’entre eux, n’ont pas une fonc-tion hépatique permettant d’envisager une hépatectomie majeure.

2) Elle est favorable à une exérèse large et carcinologique (hépa-tectomie majeure) des CHC uniques de 3 à 5 cm, chez des mala-des ayant une cirrhose avec une fonction hépatique conservée.Cette supériorité, de la segmentectomie réglée sur la tumorecto-mie pour le traitement du petit CHC unique, avait déjà été rap-portée par l’équipe de Beaujon [1]. En effet, le mode de diffusionintra hépatique du CHC, par voie portale rétrograde est suscep-tible, en cas de tumorectomie, de laisser des microfoyers tumorauxsatellites dans le territoire portal segmentaire attenant. Cette étu-de conforte cette hypothèse et suggère indirectement l’importan-ce des marges de sécurité, non seulement parenchymateuses maisaussi vasculaires, au niveau des pédicules glissonniens ou des vei-nes hépatiques principales.

3) Cette étude confirme les bons résultats de la résection hépati-que du CHC, avec cependant un risque élevé de récidive intra hé-patique (de l’ordre de 50 %), attestant de l’hépatopathie chroni-que sous-jacente.

Mots-clés : Foie. Traitement. Carcinome hépatocellulaire. Hépatecto-mie majeure.

1. Surgery 2002;131:311-317.

Faut-il faire une dérivation gastro-jéjunale prophylactique dans la chirurgie palliative du cancer du pancréas ? Résultats d’une étude contrôlée

N.T. Van Heek, S.M.M. De castro, C.H. Van Eijck,R.C.I. Van Geenen, E.J. Hesselink, P.J. Breslau, T.C. KheTran, G. Kazemier, M.R.M. Visser, O.R.C. Busch,H. Obertrop, D.J. Gouma

The need for a prophylactic gastrojejunostomy forunresectable periampullary cancer : a prospectiverandomized mulitcenter trial with special focus onassessment of quality of lifeAnn Surg 2003;238:894-905.

Vingt cinq p cent à 75 % des malades porteurs d’un cancer pé-ri-ampullaire sont opérés au stade de tumeur localement avan-cée, pour laquelle un chirurgie palliative de dérivation biliaireou bilio-digestive est associée à une biopsie transduodénale età une splanchnicectomie chimique. Les auteurs rapportent les

résultats d’une étude randomisée, conduite entre 1998 et 2002,portant sur 70 malades avec tumeur périampullaire localementavancée, tirés au sort entre dérivation biliaire (DB) par hépa-tico-jéjunostomie et double dérivation bilio-digestive (DDBD)par hépatico-jéjunostomie et gastro-jéjunostomie rétrocolique.Les malades qui avaient eu un traitement endoscopique préa-lable ou une obstruction duodénale ou gastrique n’ont pas étéinclus. Le calcul d’effectif avait abouti à un nombre de 140 ma-lades et il avait été décidé une analyse intermédiaire après 70malades. L’étude a été arrêtée au terme de cette analyse inter-médiaire compte tenu des résultats. Les deux groupes étaientcomparables pour l’ensemble des paramètre pré- et per-opératoires : 55 % des malades de chaque groupe avaient desmétastases et 45 % avaient un extension vasculaire locale.L’objectif principal était la survenue d’une obstruction diges-tive requérant un traitement chirurgical. Les objectifs secon-daires étaient la morbi-mortalité, la durée d’hospitalisation, lasurvie et la qualité de vie.Cinq malades ont été perdus de vue. Une obstruction digestivesecondaire est survenue chez 2 (5,5 %) des 36 malades du grou-pe DDBD versus 12 (41,4 %, p = 0,001) des 29 malades dugroupe DBD. Dans le groupe DDBD, un malade a une regas-tro-jéunostomie (2,8 %) versus 6 (20,7 %, p = 0,04) dans le

1. Voir à ce sujet la mise au point : « Traitement du carcinomehépatocellulaire sur cirrhose » dans ce même numéro.