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181 Eça de Queirós, Manoel de Oliveira et les parcours de l’adaptation dans Singularités d’une Jeune Fille Blonde Isabel Rio Novo 1 «le conflit du cinéma avec la littérature […] est une source de stimulation énorme qui permet de trouver de nouveaux chemins.» Manoel de Oliveira, 1995 Résumé Nous prétendons explorer dans cet article quelques-uns des rapports qui s’établissent entre le film Singularités d’une Jeune Fille Blonde, réalisé par Manoel de Oliveira (2009), et son hypotexte littéraire, le conte homonyme d’Eça de Queirós (1874). Notre étude se situe donc dans le domaine de la problématique de l’adaptation d’un récit littéraire à un récit filmique, tout en privilégiant une approche du genre narratologique. En envisageant le film Singularités d’une Jeune Fille Blonde soit dans un rapport d’intertextualité avec l’œuvre d’Eça de Queirós, soit dans un rapport d’intertextualité, ou plutôt autotextualité, avec l’ensemble de la filmographie de Manoel de Oliveira, nous arrivons à la conclusion que cette adaptation-là devient un parcours de transformation réciproque, mettant en évidence les qualités de chaque moyen d’expression, de chaque texte et de chaque auteur. Mots-clés : Manoel de Oliveira, Eça de Queirós, adaptation, littérature, cinéma. Introduction Nous voulons explorer dans cet article quelques rapports entre le film Singularités d’une Jeune Fille Blonde, réalisé par Manoel de Oliveira (2009), et le conte homonyme d’Eça de Queirós (1874). Le premier a été publié en 1874, en tant que cadeau aux abonnés du Diário de Notícias, et colligé posthumément dans le volume des Contes (1902), organisé par Luís de Magalhães. Le second est sorti, comme d’habitude pour les films de Oliveira, depuis Amour de Perdition (1978), à l’étranger, ayant été montré dans le Festival de Berlin, en Février 2009 (événement où le réalisateur a été distingué avec le Prix Berlinale Kamera), avant d’être exhibé en avant-première nationale au Portugal dans le sixième Festival IndieLisboa, qui a démarré le 23 avril, et d’avoir eu sa première commerciale dans les salles portugaises, à la fin avril 2009. L’un et 1 ISMAI, membre du Centro de Estudos de Língua, Comunicação e Cultura (CELCC) e du Centro de Estudos em Letras (CEL), uID 707-FCT. Pour citer cet article: Rio Novo, Isabel (2011). Eça de Queirós, Manoel de Oliveira et les parcours de l’adaptation dans Singularités d’une Jeune Fille Blonde. Inter Media. Littérature, cinéma et intermédialité. Paris: L’Harmattan. pp. 181-193.

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    Ea de Queirs, Manoel de Oliveira et les parcours de ladaptation dans

    Singularits dune Jeune Fille Blonde

    Isabel Rio Novo1

    le conflit du cinma avec la littrature [] est une source de stimulation

    norme qui permet de trouver de nouveaux chemins.

    Manoel de Oliveira, 1995

    Rsum

    Nous prtendons explorer dans cet article quelques-uns des rapports qui

    stablissent entre le film Singularits dune Jeune Fille Blonde, ralis par Manoel de Oliveira (2009), et son hypotexte littraire, le conte homonyme

    dEa de Queirs (1874). Notre tude se situe donc dans le domaine de la

    problmatique de ladaptation dun rcit littraire un rcit filmique, tout en

    privilgiant une approche du genre narratologique. En envisageant le film Singularits dune Jeune Fille Blonde soit dans un

    rapport dintertextualit avec luvre dEa de Queirs, soit dans un rapport

    dintertextualit, ou plutt autotextualit, avec lensemble de la filmographie de Manoel de Oliveira, nous arrivons la conclusion que cette adaptation-l

    devient un parcours de transformation rciproque, mettant en vidence les

    qualits de chaque moyen dexpression, de chaque texte et de chaque auteur.

    Mots-cls : Manoel de Oliveira, Ea de Queirs, adaptation, littrature,

    cinma.

    Introduction

    Nous voulons explorer dans cet article quelques rapports entre le film

    Singularits dune Jeune Fille Blonde, ralis par Manoel de Oliveira (2009), et

    le conte homonyme dEa de Queirs (1874). Le premier a t publi en 1874, en tant que cadeau aux abonns du Dirio de Notcias, et collig posthumment

    dans le volume des Contes (1902), organis par Lus de Magalhes. Le second

    est sorti, comme dhabitude pour les films de Oliveira, depuis Amour de

    Perdition (1978), ltranger, ayant t montr dans le Festival de Berlin, en Fvrier 2009 (vnement o le ralisateur a t distingu avec le Prix Berlinale

    Kamera), avant dtre exhib en avant-premire nationale au Portugal dans le

    sixime Festival IndieLisboa, qui a dmarr le 23 avril, et davoir eu sa premire commerciale dans les salles portugaises, la fin avril 2009. Lun et

    1 ISMAI, membre du Centro de Estudos de Lngua, Comunicao e Cultura (CELCC) e du Centro de Estudos em Letras (CEL), uID 707-FCT.

    Pour citer cet article: Rio Novo, Isabel (2011). Ea de Queirs, Manoel de Oliveira et les parcours de ladaptation dans Singularits dune Jeune Fille Blonde. Inter Media. Littrature, cinma et intermdialit. Paris: LHarmattan. pp. 181-193.

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    lautre ont t diffremment reus: le conte dEa a t considr par le romantique de la premire gnration Alexandre Herculano un rcit assez

    trange, alors quil a t point par le raliste Fialho de Almeida comme le

    premier rcit raliste crit en portugais2. Le film dOliveira, rod et prsent

    lan o lon commmore le centenaire du ralisateur, a t accueilli avec des

    critiques plutt favorables, soulignant la fracheur esthtique de son auteur.

    1. Le conte Singularits dune Jeune Fille Blonde: entre le conte

    merveilleux et le rcit raliste

    Le conte dEa de Queirs est un rcit ultrieur, dclench par la rencontre fortuite entre le narrateur et Macrio, personnage principal de lhistoire

    raconte, dans une nuit de septembre, quelque part dans un gte du Minho. Le

    dcor mlancolique, lambiance de la soire, lintimit force au dner, lexigit de la chambre quils se voient obligs de partager, en annulant les

    ventuelles distances sociales qui sparent le narrateur de lhomme aux

    grosses chaussures de casimir avec une semelle rsistante et lacets en cuir34

    ,

    suscitent un climat dintimit propice aux confidences. Cest ainsi que le narrateur prend connaissance des faits drouls il y a environ quarante ans, quil

    raconte en adoptant le point de vue de Macrio. Celui-ci est lpoque des

    vnements un jeune et sage comptable au service de son oncle, propritaire dun magasin dtoffes de luxe. Macrio travaille ltage au-dessus de la

    boutique; en apercevant la fentre en face de son bureau une jeune fille blonde

    avec un trange ventail, il tombe amoureux et veut tout de suite lpouser.

    Heurt lopposition de son oncle, Macrio devra surmonter toute une srie de dconvenues financires et thiques, jusqu ce quil obtiendra, la fin, le

    consentement de son oncle. Presque jusquau bout, le conte dEa reesemble au

    niveau de sa structure narrative un conte merveilleux, selon la formulation de Greimas. Ainsi, le sujet (Macrio), simultanment destinateur et destinataire,

    surmonte des preuves successives (lutte contre son oncle qui s'oppose au

    mariage, exil provoqu par les problmes d'argent, trahison d'un ami), lemportant sur les forces opposantes (au dbut, loncle qui le chasse; la fin,

    lami au chapeau de paille qui le trahit), en sappuyant sur des adjuvants (lami

    au chapeau de paille, lorsquil lui obtient laffaire au Cap-Vert; Mr. Eleutrio

    Peres; loncle, la fin). Le dnouement, non dnu d'humour, chappe nanmoins celui dun rcit romantique, raison pour laquelle il a t lou par

    son ralisme: durant les prparatifs du mariage, Macrio dcouvre la

    2 Cf. A. Campos Matos, Singularidades de uma Rapariga Loira in Dicionrio de Ea de Queirs, Lisboa, Caminho. 3 Nous nous rapporterons tout au long de larticle ldition suivante: Ea de Queirs, Contos,

    Lisboa, Livros do Brasil, s/d. 4 grossos sapatos de casimira com sola forte e atilhos de couro (p. 9). (Je traduis)

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    cleptomanie de sa fiance; naturellement honnte et scrupuleux, il ne parvient pas la pardonner et sloigne brusquement.

    Macrio et Lusa, protagonistes du rcit principal (si lon considre

    secondaire celui qui correspond, quarante ans plus tard, la rencontre du narrateur avec Macrio), sont dpeints, selon une optique raliste-naturaliste, en

    fonction de lhrdit, du milieu et de lducation. propos de Lusa, le

    narrateur affirme quelle possdait le caractre aussi blond que ses cheveux

    sil est vrai que le blond est une couleur faible et dlave5, dvoilant une

    personnalit passive et dbile. Contrastant avec Lusa au niveau des

    caractristiques psychophysiologiques, sa mre (si elle lest effectivement, et

    non pas une complice opportuniste) est prsente comme une femme mridionale, dominante, au comportement douteux. Selon la perspective

    raliste-naturaliste, si elle est mre de Lusa, elle lui aura donn les gnes du

    vice; si elle ne lest pas, elle laura tout au moins influence au niveau du comportement dissolu. Quant Macrio, le narrateur le prsente comme un

    jeune au temprament timide et lymphatique, dou de certains instincts

    intelligents, un talent pratique et arithmtique6, une naturelle honntet,

    explicable et par lhrdit (parce que les Macrios taient une ancienne famille, presque une dynastie de commerants, qui conservaient avec une

    svrit religieuse leur vieille tradition dhonneur et de scrupule7) et par

    lducation austre, quasi conventuelle, chez son oncle, en souffrant une transformation psychologique aprs avoir connu Lusa, lorsquil russit

    affronter lopposition de son oncle Francisco.

    La singularit du droulement ne se trouve pas dans le fait que Lusa, telle

    que sa mre, est une voleuse, conclusion que lon aurait dj saisi daprs tous les indices dissmins dans le rcit, mais dans le fait quelle est cleptomane, car,

    lors du vol de lanneau, Lusa, fiance Macrio, na plus aucune raison

    objective pour le faire, sinon obir une impulsion urgente et irrpressible. Aprs cette fin sche et abrupte, laccident singulier de la vie amoureuse

    8

    annonc par le narrateur dans lincipit devient lun des pisodes de la vie

    romantique que le romancier dconstruira tout au long de son uvre de fiction, pas exactement parce quil dnonce le triomphe du matrialisme sur lidalisme

    (pauvre Macrio, qui ne cesse de se mprendre sur tout), mais parce quil rvle

    un aspect singulier de la psychologie humaine.

    5 tinha o carcter louro como o cabelo se certo que o louro uma cor fraca e desbotada, p. 25. (Je traduis) 6 certos instintos inteligentes, talento prtico e aritmtico, p. 11. (Je traduis) 7 porque os Macrios eram uma antiga famlia, quase uma dinastia de comerciantes, que mantinham com uma severidade religiosa a sua velha tradio de honra e de escrpulo, p. 11. (Je

    traduis) 8 acidente singular da vida amorosa. (Je traduis)

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    2. Le film Singularits dune Jeune Fille Blonde en tant quadaptation

    Le rapport entre le film Singularits dune Jeune Fille Blonde, de Manoel de

    Oliveira, et le rcit dEa de Queirs est autoris par la rigoureuse concidence des titres; par la rfrence initiale du film (o il est prsent en tant que bas

    sur le conte homonyme dEa de Queirs, adapt et actualis ); par lassez

    curieuse ddicace, en hommage la famille dEa de Queirs; ainsi que par

    les nombreuses dclarations du ralisateur lors du rodage et de la premire du film. Notre approche sinscrit donc dans le domaine de la problmatique du

    rapport entre rcit littraire et rcit filmique, depuis toujours lune des

    principales lignes de rflexion dans le domaine des tudes intermdiales, en tant quanalyse de la problmatique de la transposition dun rcit littraire dans

    dautres mdias, et elle se pose dans une perspective narratologique.

    Le processus dadaptation dun rcit littraire un rcit filmique est manifestement complexe, impliquant le passage dun mode dexpression verbal

    un mode dexpression polyphonique et prsupposant la transfiguration des

    contenus smantiques, des instances narratives, des procs stylistiques. Les

    dernires annes, plusieurs ont remarqu que le rapport entre le rcit verbal et le rcit filmique ne doit pas tre tabli en termes de fidlit, plutt en tant quune

    forme particulire dintertextualit ou de transtextualit, c'est--dire, la liaison

    qui stablit entre le film, comme hypertexte, et le conte, comme hypotexte. On verra que la problmatique de la transtextualit, en ce cas, se pose en fait entre

    le film et le conte qui le prcde, entre le film et luvre de lauteur du conte,

    ainsi quentre le film et lensemble de luvre de son ralisateur.

    Ladaptation dune uvre littraire au cinma implique une approche personnelle, des choix, des interprtations, lesquels, en ce qui concerne Oliveira

    par rapport au conte dEa, dpassent ladaptation et lactualisation annonces

    depuis le gnrique. Si Camilo Castelo Branco, pour mentionner lautre grand romancier portugais du XIXe sicle, a toujours attir lattention de Oliveira

    (directement, comme dans Amour de Perdition (Amor de Perdio), marc

    incontournable dans luvre du cinaste, ou Le Jour du Dsespoir (O Dia do Desespero) (1993), mais aussi travers la mdiation dAgustina Bessa-Lus,

    comme dans Francisca (1981), adaptation du roman Fanny Owen, son tour

    inspir dans un pisode de la biographie de Camilo lui-mme), quant Ea de

    Queirs, cest la premire fois quOliveira choisit de ladapter. Il serait intressant de comprendre pourquoi, dautant plus que ladaptation suppose le

    dsir didentification esthtique entre le ralisateur et luvre littraire, de faon

    ce que lintuition imaginaire du texte devienne perception sensible dans le film, et dautant plus que lintention de faire hommage Ea devient claire non

    seulement de la ddicace initiale, mais aussi dun pisode de mise en abme, une

    petite digression du rcit, au cur mme du film, dans une scne passe au Cercle Ea de Queirs.

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    Manoel de Oliveira a affirm dans une confrence de presse: Javais dj film des romans dun auteur romantique comme Camilo Castelo Branco et

    maintenant ctait le tour dEa de Queirs, qui a emmen au Portugal le

    ralisme romanc.9 Dans plusieurs interviews lors du rodage et spcialement

    de la premire de Singularits dune Jeune Fille Blonde, il a avou la

    fascination, de pair avec une certaine intimidation vis--vis du texte de Queirs,

    ce qui pourrait expliquer en partie loption de fidlit presque scrupuleuse ce

    texte-l, mme si cette fidlit peut aussi tre signale en tant que lune des marques de la filmographie de Manoel de Oliveira

    10 (si lon se souvient que le

    film Amour de Perdition, suit, dans sa version originale, le texte de la nouvelle

    de Camilo11

    ). Ladaptation cinmatographique de Singularits dune Jeune Fille Blonde

    suit le dsigne de transposer les lments fondamentaux du rcit vers lpoque

    actuelle, en conservant la structure narrative et en attirant lattention sur lun des grands dfis de ladaptation: comment une uvre littraire sadapte non

    seulement un autre moyen, mais un autre temps, un autre contexte social, un

    autre public. Selon Robert Stam: adaptations adapt to changing

    environments and changing tastes, as well as to a new medium, with its distinct industrial demands, commercial pressures, censorship taboos, and aesthetic

    norms [] (Stam, 2005: 3).

    Manoel de Oliveira a voulu ajuster les lments fondamentaux de lhistoire la rcente conjoncture socio-conomique de crise financire des marchs, crise

    sociale, mais aussi crise de valeurs, accumulant des rfrences verbales et

    visuelles constantes largent, les euros, voire, dans lami qui prsente Macrio

    aux Vilaa, un commentaire quelque peu forc: Et quest-ce que tu me dis de la situation conomique actuelle?

    12 Selon le cinaste lui-mme, la situation de

    Macrio, qui tombe amoureux de Lusa, cherche faire fortune pour lpouser,

    mais est tromp par un ami, a une certaine quivalence avec ce qui se passe de nos jours [] avec la ralit actuelle et ce qui arrive avec les banques.

    13

    Macrio (son oncle, son ami du Cercle Ea de Queirs), dune part, Lusa (sa

    mre, le faux ami de Macrio), dautre part, configurent une opposition de

    9 J tinha filmado obras de um autor romntico como Camilo Castelo Branco e agora foi a vez de filmar Ea de Queirs, que trouxe para Portugal o realismo romanceado (Je traduis), Manoel de Oliveira homenageia Ea de Queirs no Festival de Berlim, disponible chez http://noticias.sapo.pt/especial/manoel_de_oliveira/artigo/912436.html. 10 Manoel de Oliveira affirme: Jai un grand respect pour les textes, je prtends les interprter le plus objectivement et le plus srieusement possible. (Eu tenho um respeito muito grande pelos textos, eu pretendo interpret-los o mais objectivamente e o mais seriamente possvel. (Je traduis)), (JL, 2009: 20). 11 On raconte quOliveira, en demandant un subside pour son adaptation dAmour de Perdition, aurait montr le livre de Camilo et dit: Voici le scnario. 12 E o que me dizes actual situao econmica? 13 uma certa equivalncia com o que se passa hoje, algumas semelhanas com a realidade

    actual e com o que acontece com os bancos (Je traduis), Manoel de Oliveira homenageia Ea de Queirs no Festival de Berlim, ed. cit..

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    valeurs morales dj prsente dans le rcit de Ea, mais qui devient plus vidente. Macrio (nom, et non pas prnom, souvenons-nous) est prsent, dans

    le film tout comme dans le conte, comme le dernier hritier dune dynastie

    dhonneur et de rigueur. Cest justement dailleurs parce que pour lui lhonntet se superpose nimporte quel autre sentiment quil renonce

    abruptement la femme quil aime. Tandis que Lusa, avec la collaboration ou

    du moins la connivence de sa mre ou complice, semble obtenir travers ses

    vols quelques profits qui lui permettent de se guinder un certain statut social. Dans ce sens, la curieuse formulation de la ddicace du film, non pas Ea de

    Queirs, mais la famille de lcrivain, pourra rvler lintention de rendre

    hommage non seulement lauteur, lartiste, lauteur du rcit adapt, mais surtout lhomme, lindividu, sa posture thique, ses hritiers moraux.

    Si lon confronte les instances narratives des deux textes, on se rend compte

    que tout dabord le confident-narrateur devient une confidente. La confidence se transfert dun lieu statique, quoique passager (la chambre dun gte), un lieu

    de passage, quoique confin, le train vers Algarve, o, la faon dune pilogue

    absente du conte dEa, Macrio se prpare pour de courtes vacances.14

    La

    proximit fortuite et force suscite dans le film la confidence, veille par une phrase presque identique celle du conte de Queirs, ici en voix off: ce que tu

    ne racontes ni ta femme ni ton ami, raconte-le un tranger15

    . On conserve

    lanalepsie, gnratrice dune stratgie de narration par alternance, mlant laction principale avec le dialogue entre Macrio et linconnue, pendant le

    voyage par train. Au niveau du temps et de lespace du rcit, laction qui dans le

    conte dEa se droule Lisbonne, on ne sait pas exactement si dans les annes

    20 ou 30 du XIXme sicle, est transpose lactualit, mme sil sagit dune actualit assez particulire. Au niveau de lorganisation du rcit, le sjour de

    Macrio au Cap-Vert, chronologiquement imprcis, qui fait lobjet dun bref

    sommaire chez Ea, est rsum dans une lettre envoye par Macrio Lusa. Un personnage du conte se ddouble en deux personnages dans le film; ainsi, lami

    au chapeau de paille, en mme temps celui qui introduit Macrio dans le cercle

    des Vilaa, lui propose laffaire au Cap-Vert et, la fin, le trahit, dans le film de Oliveira, devient un personnage distinct de lami du chapeau de paille, qui,

    quoique secondaire, semble se distinguer par lhonneur. Au contraire, suivant

    une stratgie dconomie narrative trs caractristique de ladaptation

    cinmatographique, cest dans la soire chez le notaire trs riche qui se produit lpisode de la soi-disant perte de la pice, ce qui conduit supprimer tout un

    dialogue qui, dans le conte, prend lieu chez les Vilaa.

    En ce qui concerne le texte, la fidlit aux dialogues est extrme; on trouve des dialogues coups de la narrative verbale et tout simplement mis en scne

    14 Sur le choix de cet espace, il serait intressant de signaler la symbologie du voyage par train, prsente, mme si sous une autre dimension, dans Val Abraham. 15 O que no contas tua mulher, o que no contas ao teu amigo, conta-lo a um estranho., p. 10. (Je traduis)

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    (par exemple, la discussion entre loncle Francisco et Macrio, lorsque celui-ci annonce quil veut se marier). Lattachement au texte queirosien arrive au point

    que le cinaste transforme en discours des personnages des fragments qui

    correspondaient au discours indirect ou au discours indirect libre du narrateur. Voyons, comme exemple, le commentaire du narrateur, transform dans le

    filme en tirade de Macrio, selon laquelle le commerce craint le comptable

    sentimental16

    .

    Dans le cadre de cette comparaison entre le rcit littraire et le rcit filmique, nous voulons nous dtenir encore, cause de son importante, sur le motif de

    lventail oriental de Lusa, quelle porte la fentre dans le conte dEa et

    quelle transporte invraisemblablement partout (mme, par exemple, lorsquelle va chez le magasin dtoffes) dans le film de Oliveira. Ea le dcrit de cette

    faon:

    ctait un ventail chinois, rond, en soie blanche, orn de dragons rouges

    brods la plume, une bordure avec un plumage bleu, fin et trmule comme

    un duvet, et sa manche en ivoire, do pendaient deux houppes de fils d'or,

    avait des incrustations en nacre la belle manire persane.17

    Lobjet apparat identique cette description dans le film. Dans le rcit

    dEa, lventail, demeurant un objet rotique, qui souligne par son exubrance la beaut anglique de Lusa, en dclenchant le dsir, fonctionne essentiellement

    en tant quindice et dun luxe non concidant avec le statut social modeste du

    personnage et dune vie moralement suspecte, parce que rvlatrice dune atmosphre de sensualit incompatible avec lexistence prserve laquelle

    deux femmes, une mre veuve et sa fille, habitant seules, seraient obliges

    lpoque: ventail qui proccupa Macrio: Ctait un ventail magnifique et cette poque inattendu dans les mains plbiennes dune jeune fille habill en

    mousseline.18

    Lindice est suivi dune fausse explication: Mais puisquelle

    tait blonde et sa mre si mridionale, Macrio, avec lintuition interprtative

    des amoureux, dit sa curiosit: Elle est fille dun anglais. Langlais va en Chine, en Persie, Ormuz, en Australie et il vient plein de ces bijoux des luxes

    exotiques19

    . La condition de lindice est cependant de demeurer dans lesprit

    du lecteur en tant que doute, et cest pourquoi le narrateur insiste: et Macrio

    16 o comrcio receia o contabilista sentimental. 17 era uma ventarola chinesa, redonda, de seda branca com drages escarlates bordados pena, uma cercadura de plumagem azul, fina e trmula como uma penugem, e o seu cabo de marfim, donde pendiam duas borlas de fio de ouro, tinha incrustaes de ncar linda maneira persa., pp.13,14. (Je traduis) 18 Leque que preocupou Macrio, Era um leque magnfico e naquele tempo inesperado nas mos plebeias de uma rapariga vestida de cassa., pp. 13,14. (Je traduis) 19 Mas como ela era loura e a me to meridional, Macrio, com esta intuio interpretativa dos

    namorados, disse sua curiosidade: Ser filha de um ingls. O ingls vai China, Prsia, a Ormuz, Austrlia e vem cheio daquelas jias dos luxos exticos, p. 14. (Je traduis)

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    lui-mme ne savait pas pourquoi cet ventail de mandarine le proccupait comme a: mais selon ce quil ma dit, a lui a fait plaisir

    20. Lexplication

    dfinitive napparat qu la fin, lorsque la dcouverte de la cleptomanie de

    Lusa permet dexpliquer rtrospectivement ltrange ventail comme un objet probablement vol. Dans le film, lventail devient surtout un objet de

    fascination, que Macrio, se livrant la femme du train, cherche encore

    exorciser: Elle agitait lventail avec une telle grce; Je nai jamais vu un

    ventail pareil21

    . Quant la singularit de la jeune fille blonde du conte dEa, quon

    nommerait de nos jours cleptomanie, elle convient un rcit rdig dans le

    dernier quart du XIXme sicle, poque o, en pleine apoge du ralisme-naturalisme, ltude des vices, des pathologies, des tares, pour ne citer que

    quelques-unes des dsignations les plus rpandues lpoque, nourrissait cette

    esthtique prtendument scientifique dintervention sociale, tant donn que la maestria dEa de Queirs consiste envisager la cleptomanie dune faon

    latrale et suggre (alors que lon simagine, par exemple, un Jlio Loureno

    Pinto en train dexplorer exhaustivement les dterminismes naturalistes, en

    faisant linventaire de la gnalogie de Lusa, en voquant son enfance et ventuellement en la faisant interner lhospice la fin). Au XXIe sicle, o la

    cleptomanie est documente et tudie, le rcit filmique de Oliveira met laccent

    moins sur la singularit psychopathologique de Lusa que sur la conception complexe de ce personnage, qui semble aussi bien voler par vice que pour

    maintenir un certain statut social, et dont les motivations demeurent

    partiellement insondables. Dans ce sens, le film prime par lintroduction dun

    point de vue narratif (celui de Lusa), absent du conte dEa, dans la mesure o le narrateur, maniant linformation dont il disposait travers un processus de

    paralipse, adoptait toujours le point de vue de Macrio. Lintroduction du point

    de vue de Lusa arrive dans trois scnes: celle o, aprs le licenciement et lexpulsion de Macrio, elle observe son substitut en train de sinstaller dans le

    bureau devant; celle o Lusa lit la lettre que Macrio lui a envoye du Cap-

    Vert; enfin, lnigmatique scne finale, aprs lincident dans lorfvrerie et les adieux soudains de Macrio.

    Voyons comment cet pisode crucial de lhistoire se prsente, tout dabord

    dans le conte dEa, ensuite dans le film dOliveira. Dans le premier, non

    seulement Macrio se montre incapable de comprendre la cleptomanie de Lusa, en la rduisant la condition dune voleuse ( Tu es une voleuse!

    22), comme

    celui-l est aussi le jugement de lemploy de lorfvrerie, qui, travers lusage

    significatif des dictiques, place Macrio de son ct (celui des honntes gens) alors quil isole Lusa: Cette dame-l le sait.; Cest une bague avec deux

    20 e nem Macrio sabia por que que aquela ventarola de mandarina o preocupava assim: mas segundo ele me disse aquilo deu-lhe no goto, p. 14. (Je traduis) 21 Ela abanava o leque com uma graa; Nunca vi um leque assim. (Je traduis) 22 s uma ladra!, p. 34. (Je traduis)

  • 189

    brillants que cette dame-l amne.; Cette dame-l je ne sais pas qui elle est. Et elle la fait sortir de l...

    23. Quant la raction de Lusa, tremblante,

    tonne, consterne, maladroite24

    , effraye, elle indique que de pareilles

    scnes se seraient dj produites, peut-tre avec des dnouements plus violents: Ne me faites pas de mal dit-elle, en se rapetissant.; Par lamour de

    Dieu, ne me frappe pas l dit-elle, suffoque.25

    . Cest ensuite que Macrio se

    spare de Lusa jamais et que celle-ci se voit donc doublement isole,

    puisquelle est la fois spare du monde des gens honntes et prive de la possibilit de sexpliquer.

    Or, dans le langage cinmatographique, la focalisation nest pas une

    mtaphore, une manire de dsigner un mode de prsentation du rcit, sinon un fait concret, perceptuel, li la position de la camra. Aussi le dernier plan du

    film, assez nigmatique, demeure-t-il un stimule la discussion et

    limagination, car il oblige visuellement le spectateur prendre connaissance dun point de vue sur le rcit absent du texte dEa: celui de Lusa. Sans donner

    de rponses, la scne finale du film de Oliveira, montrant Lusa telle une poupe

    dsarticule, dgonfle, le transforme dans un conte la morale ambigu et

    mystrieuse et ouvre un espace de discussion sur les raisons, les motivations psychologiques et le destin dun personnage qui, ainsi, devient tout fait

    singulier.

    3. Convergences intertextuelles dans Singularits dune Jeune Fille

    Blonde

    Le film Singularits dune Jeune Fille Blonde peut tre mis en perspective soit dans le cadre dun rapport dintertextualit avec lensemble de luvre

    dEa de Queirs, soit dans le cadre dun rapport dintertextualit, ou plutt

    donc, dautotextualit avec lensemble de la filmographie de Manoel de Oliveira, approchant indirectement et avec une certaine ironie les procds

    cratifs du cinaste.

    Rappelant directement Ea, pas dans le conte Singularits dune Jeune Fille Blonde mais dans dautres textes de son uvre, Manoel de Oliveira introduit

    lpisode absent du rcit original de la perte du chapeau, dans la scne o un

    inconnu sadresse Macrio, au moment o celui-ci se trouve dsespr avec

    ses problmes dargent, cherchant son chapeau et arrivant mme laccuser de lavoir vol. Lpisode de la perte ou de la recherche du chapeau, rappelant

    23 Essa senhora sabe.; um anel com dois brilhantes que aquela senhora leva.; Essa senhora no sei quem . E tirou-o dali..., pp. 32, 33. (Je traduis) 24 trmula, assombrada, enfiada, descomposta, p.33. (Je traduis) 25 No me faa mal disse, encolhendo-se toda.; Pelo amor de Deus, no me batas aqui disse ela, sufocada., pp. 33,34. (Je traduis)

  • 190

    peut-tre un certain pisode burlesque de lpoque dore du cinma portugais26

    , apparat frquemment dans les romans dEa, en des moments dintensit

    dramatique, attnuant daucune faon par lhumour cette intensit-l, ou pour

    complter le portrait de certains personnages particulirement timides ou inadapts. Que lon se rappelle lpisode dOs Maias o le procureur Vilaa,

    aprs avoir rendu Carlos da Maia les documents de Maria Monforte

    rvlateurs de linceste, se voit oblig retourner sa chambre encore et

    encore, interrompant le dialogue de Carlos et Ega, parce quil ne russit pas trouver son chapeau; ou encore lpisode dO Primo Baslio o le pauvre Julio,

    aprs avoir t humili par Baslio, et voulant se retirer, cherche gauchement

    son chapeau sous les regards rprobateurs de Lusa et son cousin. un second niveau, on peut tablir plusieurs rapports dintertextualit entre

    le film Singularits dune Jeune Fille Blonde et dautres films dOliveira.27

    Il

    nous intresse dexplorer le rapport entre le film et lensemble de luvre du cinaste, avant tout en ce qui concerne la tendance antiraliste ou antinaturaliste

    de sa filmographie, ds le dbut patente dans la conception dun univers narratif

    ambigu, o des marques de la contemporanit coexistent exprs avec des

    lments anachroniques. Lordinateur et limprimante se mlangent des dcors anciens, comme celui du bureau ou du magasin dtoffes; les klaxons des

    voitures et la sirne des ambulances se succdent alternativement aux carillons

    et au siffle de laiguiseur. Pour ce qui est des dialogues, les rfrences presque obsessives aux euros ou la mention du vol de TAP par M. Eleutrio Peres se

    diluent dans des dialogues archasants, que de petites actualisations de termes

    obsolescents ne prtendent pas moderniser. Sans soucis de ralisme, le cinaste

    opte donc pour la mise en vidence de lartifice, de la fiction, de lart, qui correspond son concept de cinma, en choisissant de configurer un univers

    digtique manifestement atemporel et universel. On peut ce propos citer

    lapprciation dun critique du cinma dOliveira:

    Le cinma amricain () a su imposer ce ralisme illusoire par la puissance

    de son industrie qui autorisait, et mme rclamait de lui pour assurer sa

    suprmatie, des reconstitutions gratifiantes capables demporter le spectateur

    dans une adhsion enthousiaste et aveugle. Cest prcisment cela que rcuse

    Manoel de Oliveira. Cest contre cette confusion entretenue avec soin entre la

    ralit et la reprsentation de cette ralit, vie illusoire suscite par lartifice

    de la projection, que polmique son cinma [].28

    26 On pense naturellement au film La Chanson de Lisbonne (de Cottinelli Telmo, 1933) o Manoel de Oliveira a jou un petit rle comme acteur. 27 Le critique de cinma Lus Miguel Oliveira a dcel, non sans humour, un rapport dintertextualit entre le film Singularits dune jeune fille blonde et Aniki-Bob, dans le motif de lobsession de Macrio par la poupe quil aperoit dans la vitrine (Lus Miguel Oliveira, 2009). 28 O cinema americano () soube impor esse realismo ilusrio pelo poder da sua indstria, que

    autorizava, e at exigia dele, para assegurar a sua supremacia, reconstituies gratificantes capazes de envolver o espectador numa adeso entusiasta e cega. precisamente isso que recusa

  • 191

    Ainsi, si toute ladaptation filmique est un jeu, celle de Manoel de Oliveira

    sassume en tant que double jeu. On soulignerait le procd par lequel il

    introduit dans le film Singularits dune Jeune Fille Blonde un texte postrieur celui du rcit adapt, le pome XXXII de Le gardeur de troupeaux (O

    Guardador de Rebanhos), de lhtronyme de Fernando Pessoa Alberto Caeiro,

    dit par Lus Miguel Cintra, lacteur lui-mme, encore dans une stratgie de brise

    de lillusion, pendant la soire passe chez le notaire trs riche. Dans le mme pisode, Ea rassemblait une galerie de personnages qui

    contenait, en embryon, plusieurs types sociaux qui seraient viss par luvre

    satyrique du romancier: les vieilles filles; le clerc sensuel et mondain; le pote ultra romantique; le corrgidor sans intelligence. Quant aux textes dclams ou

    chants, la liste tait compose par le pome Elmira ou la Vengeance du

    Vnitien29

    , exemplaire des premires audaces romantiques et de lintroduction dans les gots bourgeois de la mythologie de lOrient, le

    Madrigal Lydia, une aire dopra et encore une modinha brsilienne,

    configurant, tous, un rpertoire de got douteux et clectique, illustratif dune

    poque marque sur le plan des gots littraires par lavent du Romantisme parmi les derniers vestiges de Noclassicisme, et peignant une socit dcrpite,

    inculte et mdiocre.

    Dans le film dOliveira, le remplacement de ce rpertoire par le pome XXXII de O Guardador de Rebanhos le met en vidence en tant quintertexte,

    qui commence par accentuer la question conomique, tellement importante dans

    le film, et attirer lattention sur une opposition de classes:

    Hier soir un homme des villes

    Parlait devant le gte.

    Il parlait avec moi aussi.

    Il parlait de la justice et de la lutte pour quil y ait justice

    Et des ouvriers qui souffrent,

    Et du travail constant, et de ceux qui ont faim,

    Et des riches, qui nont du dos que pour cela.

    Et, en me regardant, il a vu des larmes dans mes yeux

    Et il a souri avec plaisir, pensant que je ressentais

    La haine quil ressentait, et la compassion

    Quil disait quil ressentait.30

    Manoel de Oliveira. contra essa confuso cuidadosamente mantida entre a realidade e a representao dessa realidade, vida ilusria suscitada pelo artifcio da projeco, que polemiza o seu cinema [] (Je traduis). Jacques Parsi, cit par Maria Helena Padro (1998: 177). 29 Elmira ou a Vingana do Venesiano, p.17. (Je traduis) 30 Ontem tarde um homem das cidades/ Falava porta da estalagem./ Falava comigo tambm./ Falava da justia e da luta para haver justia/ E dos operrios que sofrem,/ E do trabalho constante, e dos que tm fome,/ E dos ricos, que s tm costas para isso./ E, olhando para mim,

    viu-me lgrimas nos olhos/ E sorriu com agrado, julgando que eu sentia/ O dio que ele sentia, e a compaixo/ Que ele dizia que sentia. (Je traduis)

  • 192

    Toutefois, les derniers vers, encaisss dans le rcit de Oliveira, sonnent

    presque comme un art potique qui pointe vers les qualits de sa propre filmographie: clart, simplicit, conscience thique, purement esthtique.

    Nest-ce pas le sens de:

    Bni soit Dieu parce que je ne suis pas bon Et jai lgosme naturel des fleurs

    Et des fleuves qui suivent leur chemin

    Proccups sans le savoir

    Rien quavec fleurir et courir.

    Cest celle-l la seule mission dans le Monde,

    Celle-l exister clairement,

    Et savoir le faire sans y penser.31

    Conclusion

    Au concept rcent dintermdialit est sous-jacente une conception de la

    littrature en tant que message inconcevable hors dun mouvement incessant qui traverse plusieurs moyens, natteignant jamais une forme dfinitive, connaissant

    plusieurs interprtations et acqurant une pluralit didentits. Sous cette

    perspective, lide dintermdialit peut tre entendue en tant quune expansion des thories de luvre ouverte, du texte pluriel ou de

    lintertextualit/transtextualit qui ont marqu la connaissance de la littrature

    dans le XXme sicle.

    En ce qui concerne spcifiquement le rapport dintermdialit qui dcoule de ladaptation filmique, il conviendrait de retenir les mots de Robert Stam:

    Adaptations redistribute energies and intensities, provoke flows and

    displacements; the linguistic energy of literary writing turns into the audiovisual-kinetic-performative energy of the adaptation, in an amorous

    exchange of textual fluids. (Stam, 2005: 46) Ce qui arrive dans le cas de

    Singularits dune Jeune Fille Blonde cest que ladaptation relve dun

    processus de transformation mutuelle, plutt que dun parcours en sens unique. Le conte et son adaptation cinmatographique renvoient lun lautre,

    silluminent mutuellement, et cette intermdialit met en vidence les qualits

    de chaque moyen dexpression, chaque texte et chaque auteur.

    31 Louvado seja Deus que no sou bom,/ E tenho o egosmo natural das flores/ E dos rios que

    seguem o seu caminho/ Preocupados sem o saber/ S com florir e ir correndo./ essa a nica misso no Mundo,/ Essa existir claramente,/ E saber faz-lo sem pensar nisso. (Je traduis)

  • 193

    BIBLIOGRAPHIE

    Jornal de Letras, Artes e Ideias, Especial Cem Anos de Manoel de Oliveira

    (2008), Ano XXVIII, n 996. McFARLANE, Brian (1996), Novel to Film. An Introduction to the Theory of

    Adaptation, Oxford, Clarendon Press.

    OLIVEIRA, Lus Miguel, Um pequeno filme sobre o dinheiro, Manoel de

    Oliveira homenageia Ea de Queirs no Festival de Berlim, disponvel em http://noticias.sapo.pt/especial/manoel_de_oliveira/artigo/912436.html.

    PADRO, Maria Helena (1998), Os Sentidos da Paixo, Porto, Edies

    Universidade Fernando Pessoa. PUNZI, Maddalena Pennachia (ed.) (2007), Literary Intermediality. The Transit

    of Literature through the Media Circuit, Bern, Peter Lang.

    RYAN, Marie-Laure (ed.) (2004), Narrative across Media. The Language of Storytelling, Lincoln and London, University of Nebraska Press.

    STAM, Robert (2005), Introduction in STAM, Robert e RAENGO, Ales.,

    Literature and Film. A Guide to the Theory and Practice of Film Adaptation,

    Malden, Blackwell Publishing, 2005, pp. 1-52.