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Trimestriel 12 REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE Janvier 2013 • n° 41 Vu ailleurs Allemagne/France. Construire les bases d’une coopération transfrontalière. • Droit police de la nature Concertation. Co-construire un arrêté de protection de biotope pour protéger l’apron du Rhône. • Accueil fréquentation Port-Cros. Comment évaluer la capacité de charge de son territoire? Forum de l’Aten le 28 mars, Paris http://forumdesgestionnaires.espaces-naturels.fr Techniques, méthodes et perspectives Suivi des populations

REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

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Page 1: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Trim

estriel 12 €

REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Janvier 2013 • n° 41

Vu ailleurs Allemagne/France. Construire les bases d’une coopération transfrontalière. • Droit police de la nature Concertation. Co-construire un arrêté de protection de biotope pour protéger l’apron duRhône. • Accueil fréquentation Port-Cros. Comment évaluer la capacité de charge de son territoire?

Forum de l’Aten le 28 mars, Paris http://forumdesgestionnaires.espaces-naturels.fr

Techniques, méthodes et perspectivesSuivi des populations

Page 2: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

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Forêt de laminaire de la pointe bretonne, Liniou, Parc naturel marin d’Iroise.

Yannis Turpin Technicien au Parc naturel marin d’Iroise

«Pouvant atteindre plusieurs mètres de haut, cette forêt de laminaire renferme une richesse faunistique etfloristique où chacun lutte pour trouver sa place. Mélange entre algues, éponges, ascidies, cnidaires,bryozoaires, mollusques, crustacés et poissons, ce milieu très riche donne lieu à de véritables découvertes.»* Vous êtes photographe dans un espace naturel ? Envoyez-nous des clichés de vos lieux préférés : [email protected]

Page 3: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

SOMMAIREEn couverture

Monarque.Photo : Bob AugustCC BY-NC-SA 2.0www.espaces-naturels.fr

janvier 2013 • n° 41TOUR D’HORIZONS FORUM PROFESSIONNEL TERRITOIRES EN PROJETS

34

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5. ÉDITO

6. L’ESSENTIEL

10. TERRITOIRES

12. DES MOTS POUR LE DIRETourisme durable

13. L’ENTRETIENAVEC JACQUES LEPARTBiodiversité, chasse et agriculture

14. VU AILLEURSVOSGES DU NORD / PFÄLZERWALD(FRANCE / ALLEMAGNE)Construire les bases d’une coopération transfrontalière

16. LIRE

18. LE COURRIER

19. L’AGENDA

34. PÉDAGOGIE ANIMATIONSCOUTS ET GUIDES DE FRANCE«Les scouts vont plus loin dans leur rapport à la nature»

36. ÉTUDES RECHERCHESMILIEUX SEMI-NATURELSET CHANGEMENT CLIMATIQUELes alpages sentinelles

38. DROIT POLICE DE LA NATURECo-construire un arrêté de protection de biotope pour protéger l’apron du Rhône

40. MANAGEMENT MÉTIERSTechnicien de l’image,métier de l’ombre

42. MÉTHODES TECHNIQUESUne trappe Helgoland pour capturer les oiseaux

44. AMÉNAGEMENTGOUVERNANCE

PAS-DE-CALAISSchéma de cohérence des boisements. Qui a peur de la cartographie?

47. ACCUEIL FRÉQUENTATIONPORT-CROSComment évaluer la capacité de charge de son territoire?

49. GESTION PATRIMONIALE49 • BEAUPORTPommes de reinette et pommes d’abbaye50 • ARMORIQUEEntretenir la mémoire des gestes

51. INDICATEURGÉOGRAPHIQUE

4

Le Dossier

20Sommaire détaillé en page 21

SUIVI DES POPULATIONSTechniques, méthodes et perspectives

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INFOSPÉDAGOGIQUES

À LIRE AUSSI SURESPACES-NATURELS.INFO

Suivez ces symboles au fil des pages

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L’étang d’Errota handia(«grand moulin» en basque)forme, avec les divershabitats de prairies etmilieux forestiers associés,un havre de nature non loinde l’agglomération de la côtebasque. Cette halte paisibleest particulièrement goûtéedes migrateurs et accueilleune grande diversitéd’insectes. Depuis 1999, leConservatoire d’espacesnaturels d’Aquitaine s’estassocié au propriétaire dusite pour mettre en œuvredes mesures de conservationde ce patrimoine. En 2001,ses 10 ha sont classés enRéserve naturelle volontaire,devenue aujourd’hui Réservenaturelle régionale. �www.cen-aquitaine.fr

Page 5: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 5

TOUR D’HORIZONS I L’ÉDITO

L’édito

ÉDITEUR Aten - Atelier technique des espacesnaturels SupAgro - 2 place Viala -34060 Montpellier cedex 2 - Tél. : 0467043030

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONYves Vérilhac

COMITÉ ÉDITORIALTOUR D’HORIZONVu ailleurs Christian Perennou, Catherine CibienFORUM PROFESSIONNELPédagogie, Animation Sandrine Chalvet, DavidKumurdjian Droit, Police de la nature Louis-Gérard d’Escrienne, Sophie Heyd Études,Recherches John Thompson, Arnaud CossonManagement, Métiers André Lechiguero,Nathalie Berger Méthodes, Techniques BernardCommandré, Véronique Vinot, Bénédicte Lefèvre,Christian RingotTERRITOIRES EN PROJETAccueil, Fréquentation Lydiane Estève, MarcMaury, Luc Brun Aménagement, GouvernanceArnaud Callec, Philippe Sauvage, ThierryMougey, Richard Rouxel Gestion patrimonialeAnne Douard, Mélissa Malvoisin, AdelineDestombes, Julien Touroult

RÉDACTIONDirectrice de la rédactionMarie-Mélaine BerthelotRédactrice en chef Moune Poli Maquette Vanina Bellini, Moune PoliCorrectrice Magali FloriMediaterra Route Royale - 20600 BastiaMél : [email protected]él. : 0495311221

ADMINISTRATION, ABONNEMENTSMediaterra - Laetizia GiampietriRoute Royale - 20600 Bastia Tél. : 0495311221

IMPRESSIONImprimerie Chirat - 744, rue de Sainte-Colombe42540 Saint-Just-la-Pendue

Tarifs des abonnements 1 an (4 numéros) :Particulier 35,50€ - Institutionnel 48,50€ISSN n° 1637-9896Commission paritaire 0515 G 83179

L’Atelier technique des espaces naturelscompte dix-neuf membres : Ministère en chargede l’Écologie • Parcs nationaux de France •Conservatoire du littoral • Fédération des parcsnaturels régionaux de France • Réserves naturellesde France • Fédération des conservatoiresd’espaces naturels • Fondation Tour du Valat •Office national des forêts • Office national de lachasse et de la faune sauvage • Agence des airesmarines protégées • Région Île-de-France • RégionRhône-Alpes • Région Languedoc-Roussillon •Conseil général de l’Isère • Conseil général de laDrôme • Eden 62 (Pas-de-Calais) • Réseau desGrands sites de France • Rivages de France • Liguepour la protection des oiseaux.

Par Jean-Pierre PolyDirecteur général de l’ONCFS

Économie de moyens, efficacité accrue

Une approche hâtive pourrait amener à penser quela recherche d’économies, à laquelle s’astreignentl’État et ses opérateurs, pourrait se traduire par une

moindre efficacité de l’action publique et par une perte decompétence des établissements publics. Adapter les mis-sions aux moyens disponibles, définir de nouvelles priori-tés, concentrer les moyens sur les enjeux essentiels, toutcela doit au contraire être regardé comme une occasionde gagner en efficacité.Gestionnaires publics ou privés, de territoires ordinaires ouremarquables, tous doivent partager leurs connaissances,leurs expériences et leur savoir-faire, et se concerter afinque l’ensemble des moyens disponibles soient mobilisés aubénéfice de l’intérêt collectif, dans un objectif d’améliora-tion de la qualité des habitats de la faune sauvage et de labiodiversité en général. Plus que jamais, les connaissanceset les compétences acquises doivent être partagées dansun souci d’économie et de plus grande efficacité.D’ores et déjà, l’Office national de la chasse et de la faunesauvage prend sa part du défi. Il s’attache à mettre à la dis-position des acteurs et des gestionnaires des outils validésen matière de suivi des populations de la faune sauvageet d’amélioration de la qualité des habitats. Ainsi, le réseauAgrifaune vise l’amélioration des capacités d’accueil pourla petite faune sauvage des milieux agricoles, en préconi-sant des pratiques raisonnées, testées dans les fermes ré-férencées du réseau. De même, le réseau des trente ter-ritoires à statut de protection (réserves naturelles nationales,réserves nationales de chasse et de faune sauvage) permetde tester des modalités de gestion innovante (éliminationd’espèces végétales envahissantes, reconquête d’espacesfavorables à des espèces menacées). Il permet de réali-ser des suivis et des études scientifiques à long termeafin de comprendre l’impact des changements globaux etde mettre au point des protocoles pour le suivi d’espècespatrimoniales, qu’elles soient chassables ou protégées. Ilautorise également à sensibiliser les gestionnaires et legrand public aux enjeux attachés à ce type de territoire.Mais l’effort doit être collectif. Le forum des gestionnairesdoit y contribuer. Il n’est plus à chacun que d’y participer1. �

1. L’ONCFS participe cette année à l’organisation du forum desgestionnaires. Celui-ci se déroulera à Paris le 28 mars 2013 sur lethème «Les suivis : quelle contribution à la gestion et àl’évaluation de la biodiversité ? ».

Page 6: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

6 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

PLANTES INVASIVES

De fortes crues pourraient-ellesréguler les jussies?

Le département du Var a payé un lourd tribut lors desinondations exceptionnelles de la plaine de l’Argens dejuin 2010 : 28 disparus et des dégâts matériels estimés àplus d’un milliard d’euros. Ironie du sort, en détruisantparfois totalement la végétation présente le long desrivières, les eaux ont réduit de plus de deux tiers lasurface d’occupation d’une plante aquatique invasive, lajussie.Dans le cadre des inventaires écologiques sur le siteNatura 2000 du Val d’Argens, le département du Var acommandé une étude sur les plantes invasives présentessur l’Argens. Des résultats montrent que les jussies sontsensibles aux forts courants et la succession rare defortes crues aurait considérablement réduit leurbiomasse : la surface des herbiers dans les deux plansd’eau est passée de 7740 m2 en 2008 à 2200 m2 en 2011.Cette observation a débouché sur le souhait de mettrerapidement en place des actions d’élimination mécaniquepour, en quelque sorte, « finir le travail réalisé par lescrues» et sur l’organisation d’une journée de formation etde travaux pratiques de régulation des jussies. Ceprogramme sera poursuivi et un nouveau protocole degestion des jussies, adapté aux territoires touchés par descrues extrêmes, pourrait sans doute en être issu. Ilviserait à surveiller systématiquement les populations dejussies après chaque événement hydrologique pour définirdes plans d’actions efficaces. �Contacts : Alain Dutartre, ingénieur Irstea, [email protected]• Olivier Auda, CG du Var, [email protected] • Mireille Boyer, bureaud’étude Concept cours d’eau, [email protected] • NicolasMetsu, animateur du Réseau régional des gestionnaires demilieux aquatiques, [email protected].

À SAVOIR. Un groupe de chercheursespagnols et marocains a annoncé ladécouverte du loup dans lesmontagnes du Moyen Atlas, auMaroc. Si cette découverte estconfirmée, elle étendra l’aire derépartition connue des loups africainsvers l’ouest à plus de 3000 km vers lenord-ouest de l’Afrique. �

À CONSIDÉRER. Le temps presse, lacouverture moyenne des récifscaribéens par du corail vivant aconsidérablement baissé et n’est plusque de 8%, contre plus de 50% dansles années 1970, constate l’Unioninternationale pour la conservationde la nature (UICN) dans un nouveaurapport. �

À MÉDITER. La justice française avalidé, le 25 septembre, lescondamnations pénales prononcéesen 2010 dans l’affaire du naufrage dupétrolier Erika (décembre 1999) aularge de la Bretagne, notammentcelle de la société pétrolière Total quiavait écopé de l’amende maximale,soit 375000 euros. �

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CONSERVATION

En question : la pratique des lâchers pour renforcer les populations d’animaux

Anodine, la pratique des lâchers d’animauxpour renforcer les populations sauvages?Peut-être pas. Une étude parue dans

Journal for Nature Conservation passe en revue

233 articles scientifiques. Dans certains cas, leslâchers ont les résultats positifs attenduscomme l’augmentation de la diversité génétique,la diminution des effets Allee1 dans les petitespopulations, la sauvegarde de populationsmenacées d’extinction ou la possibilité d’unprélèvement plus élevé par la pêche ou lachasse.Cependant, nombre d’effets potentiels négatifssont également reportés, comme des pertes desadaptations locales, l’introduction d’agentspathogènes et de nouveaux gènes…Les conséquences de ces lâchers ont étéprincipalement étudiées dans des projets deconservation alors que ces pratiques sontbeaucoup plus importantes – en termes denombre d’individus – dans des objectifs deprélèvement, pour la pêche et la chasse. Au vudes impacts possibles sur les populationssauvages et du manque de suivi dans la plupartdes opérations, l’évaluation des conséquencesde ces lâchers demande à être fortementdéveloppée. � Journal for Nature Conservationn°20 (2012), pp. 231-241, J. Champagnon et al.1. L’effet Allee est le nom donné à une hypothèsebiologique caractérisée par une corrélation entre ladensité de la population et le taux de croissance desindividus.

Lâcher de bouquetins au PNR de la Chartreuse.Arna

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Une jussie en fleur.

Page 7: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 7

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

INTERNATIONAL

Lignes directrices pour améliorerla législation des aires protégées

Dans un rapport de plus de 400 pages, l’Unioninternationale pour la conservation de la nature publiedes «Lignes directrices pour la législation relative aux

aires protégées», afin «qu’elles contribuent à la conception età la création du droit des aires protégées à l’échelle mondiale.Parmi les menaces, et donc les défis à relever, « la destructiondes habitats, les espèces exotiques envahissantes, lesactivités extractives, le changement climatique».Les aires protégées marines ont besoin d’un traitementjuridique particulier en raison de la spécificité de leurscaractéristiques biophysiques, de leurs besoins en matière degestion et de mise en application et, souvent, de la multiplicitéd’autorités impliquées et de lois applicables.Parmi ces lignes directrices, la nécessité de rendrecompatibles les autres instruments des politiques publiquesavec la législation relative aux aires protégées ; de prévoir denouvelles modalités de gouvernance pour les aires protégéesprivées, ainsi que pour les sites conservés par des peuplesautochtones et des communautés. Le rapport abordeégalement le cas des aires protégées transfrontalières quirequièrent des accords internationaux. Le changementclimatique, quant à lui, exige d’introduire de la flexibilité dansla conception des cadres juridiques des aires protégées.Il préconise enfin la nécessité d’un financement durable,impliquant un éventail d’instruments et de mécanismesnovateurs à mettre en œuvre par des institutions «qui, dansde nombreux cas, ne sont pas celles responsables des airesprotégées». �

BIODIVERSITÉ

Oiseaux communs : les effectifs des différentsgroupes d’oiseaux étudiés ont baissé au coursdes années 1990. Durant la dernière décennie, ils semblent sestabiliser pour les espèces spécialisées, et à un niveau baspour les espèces agricoles. Les espèces généralistess’adaptent mieux et progressent nettement. Cette évolution, sielle se confirme, menacera la diversité de la faune aviaire parl’homogénéisation des populations. Des tendances similairessont observées en Europe. Les causes du déclin sontmultiples. La dégradation ou la perte des habitats demeure laprincipale menace. � Source : MNHN. http://mic.fr/5t

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eux initiatives en faveur des mangroves ont

vu le jour : la création du pôle-relais

mangroves et zones humides d’Outre-mer ;

et, en partenariat avec l’Initiative française pour les

récifs coralliens (Ifrecor), un réseau d’observation

créé pour assurer un suivi de l’état et de l’évolution

des mangroves de l’Outre-mer français.

Le Conservatoire du littoral est chargé de la mise en

œuvre des deux opérations qui visent à diffuser des

informations sur la connaissance et la conservation

de ces écosystèmes � Contact : Marie Windstein.

[email protected]

LES MANGROVES ENFIN CONSIDÉRÉES

Un vautour fauve en vol.

CONSERVATION

Deux vautours fauves blesséssous deux parcs éoliens

Le 7 décembre 2011, un promeneur signalait laprésence d’un vautour fauve visiblementblessé à une aile sous le parc éolien d’Escales-Conilhac (Aude). La concordance entre le lieude découverte, le type de blessure et l’absenced’autres menaces directes à proximité (routeset réseaux électriques aériens à 1km) fontpenser qu’il s’agit du premier cas françaisdéclaré de collision de vautour fauve avec unaérogénérateur (phénomène pourtant bienrenseigné en Espagne avec quelques milliersde cas de mortalité recensés). Une tristedécouverte similaire a été faite depuis sous leparc d’Oupia (Hérault) à moins de 10 km de là.«Nous pouvons avancer qu’actuellementl’éolien fait peser un risque avéré sur l’espècerare et protégée qu’est le vautour fauve et, parlà même, sur l’ensemble des autres espècesde vautours qui utilisent les mêmes couloirsde déplacement» déplorent les responsablesLPO de l’Aude qui demandent que cet impactavéré soit pris en compte dans la planificationdes énergies renouvelables � Francis MorlonDirecteur de la LPO Aude • [email protected]

Luc Viatour/www.Lucnix.be

ÉVOLUTION DE L’INDICE D’ABONDANCE DES POPULATIONSD’OISEAUX COMMUNS DE 1989 À 2011

Page 8: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

OUI, je m’abonne à Espaces naturels pour 1 an (4 numéros).

� Je souscris………… abonnement à 35,50 € à titre particulier (à mon nom et livré à mon domicile), soit un total de……………… €. Règlement par chèque (à mon nom) à l’ordre de « agent comptable de l’Aten ».

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8 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

SCIENCES

Avec le réchauffement climatique, la taille des poissons pourrait diminuer

En diminuant la quantité d’oxygène dissous dansl’eau de mer, le changement climatique vacontribuer à diminuer la taille des poissons, révèle

une étude parue le 30 septembre dans Nature ClimateChange. L’équipe de chercheurs (université de Colombiebritannique) a pris pour hypothèse de réchauffement lafamille de scénarios A2 du Giec (une hausse detempérature pouvant atteindre 5,4°C en 2100). Lesscientifiques ont modélisé les effets sur 600 espèces depoissons vivant dans toutes les mers du globe. Lesrésultats mettent en évidence que d’ici 2050, lespoissons pourraient voir leur taille diminuer de 14% à24%, globalement, et de 20%, en moyenne, sous lestropiques. «Obtenir assez d’oxygène pour grandir est undéfi constant pour les poissons. Un océan plus chaud etmoins oxygéné compliquera la tâche des poissons lesplus gros, ce qui signifie qu’ils cesseront de grandir plustôt», résume Daniel Pauly, co-auteur de l’étude. Un bouleversement de la biodiversité marine. �

http://mic.fr/5z

Tout projet d’aménagement ayant des impactssur l’environnement doit comporter desmesures pour éviter, réduire et compenser

(séquence ERC) ces impacts. La séquence ERC,introduite par loi du 10 juillet 1976 en France, a étéconsidérablement renforcée suite à plusieursmodifications réglementaires, en particulier laréforme des études d’impact entrée en vigueur le1er juin 2012. S’agissant de la biodiversité, le champd’application des listes d’espèces protégées a étéélargi (2007) et l’article 23 de la loi Grenelle I portantsur la trame verte et bleue (2009) étend l’obligationde compensation aux espèces et écosystèmes ditsordinaires. Afin d’accompagner et harmoniser cesnouvelles exigences, le ministère de l’Écologie aréuni l’ensemble des parties prenantes (aménageurs,collectivités, bureaux d’études, services de l’État,établissements publics, associations de protection dela nature, etc.), pour élaborer des propositionsd’améliorations dans la mise en œuvre de laséquence ERC appliquée au milieu naturel.Les réflexions ont permis d’élaborer une doctrinenationale sur le sujet, dans le cadre du droit existant.Elle repose sur plusieurs principes clés, tels que lapriorité accordée à l’évitement des impacts, la priseen compte des impacts cumulés, le respect del’équivalence écologique et géographique entrepertes et gains écologiques, les objectifs de résultatde la compensation, et l’importance du suivi desmesures. La doctrine est disponible sur le site duministère : http://mic.fr/62 � Baptiste Regnery

UNE DOCTRINE NATIONALE POUR

Éviter, Réduire, Compenser

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Page 9: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 9

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

CONSERVATION

La cour annule l’autorisation de déplacementd’un poste fixe de chasse. La cour administratived’appel de Douai confirme le jugement du tribunaladministratif d’Amiens. Celui-ci annule un arrêtépréfectoral autorisant le transfert d’un poste fixe dechasse de nuit au gibier d’eau. Les juges du fond ontappliqué l’art. R.424-19 du code de l’Environnement :« l’autorisation de déplacer un poste fixe de chasse augibier d’eau peut être refusée si le déplacementprojeté est susceptible d’avoir une incidence négativesur la faune et la flore sauvages». � http://mic.fr/4z -CAA DOUAI, 3e chambre, 16 mai 2012, 11DA00234

GESTION

Le projet Médialoup s’intéresse à la gestion duloup en Europe. L’interaction entre la chasse desgrands ongulés et la présence du loup est-elle géréedifféremment dans les divers pays d’Europe? Leprojet Médialoup tente de répondre. En effet, leschasseurs comme beaucoup d’acteurs ruraux,accueillent l’extension de la population de loups avecréticence. Les gestionnaires d’espaces naturels sontalors confrontés à cette donne sociale et économique.Ils doivent l’intégrer dans leurs méthodes de travail.Des ateliers sont organisés en France, Italie, Suède,Espagne par la fédération nationale des chasseursavec un appui de la Fondation de la maison de lachasse et de la nature, et du ministère de l’Écologie. �http://medialoup.chasseurdefrance.com/

SCIENCESL’extinction d’une espèce de poisson de récifcorallien aurait pour conséquence l’extinction de dixespèces de parasites qui lui sont associées. Tel est lerésultat d’une étude menée en Nouvelle-Calédoniedans le second plus grand récif corallien de laplanète. Pendant huit ans, une équipe de scientifiquesa récolté des parasites de poissons. Les résultatsmontrent que le nombre de parasites de poissons estau moins dix fois supérieur au nombre d’espèces depoissons vivant dans les récifs coralliens (pour lespoissons de taille similaire ou supérieure aux espècesdes quatre familles étudiées). La disparition de cesparasites pourrait avoir des conséquences pourl’équilibre des récifs coralliens et l’évolution desespèces. � http://www.aquaticbiosystems.org Source : Muséum national d’histoire naturelle

“Code Forestier. Une note de service émanant duministère de l’Agriculture, mise en ligne le

26 septembre, explicite les modifications

intervenues dans la réécriture du code Forestier.

http://mic.fr/5x � Préjudice écologique. ChristianeTaubira, garde des Sceaux, a annoncé travailler à

l’inscription du préjudice écologique dans le Code

civil, lors d’un colloque organisé au Sénat le 31

octobre. � L’UICN publie un panorama sur lesservices écologiques fournis par les écosystèmes

en France. http://mic.fr/60 � Le campagnolamphibie, rongeur semi-aquatique de nos coursd’eau, vient d’intégrer la liste des espèces

protégées en France. http://mic.fr/65

Sortie kayak dans un site Natura 2000.

TEXTO

CONCERTATION

Incidences des manifestations sportives : les Bretons innovent

Une étude traite des différences d’applications dudécret de 2010 sur l’évaluation des incidencesNatura 2000 à laquelle sont soumis les

organisateurs de manifestations sportives. Ce travail,conduit par le Centre régional d’expertise et deressources des sports de nature en Bretagne, analysel’appropriation de cette réglementation par les différentsacteurs dans les départements bretons. Il propose desactions visant à améliorer la démarche pour concilierenjeux environnementaux et sportifs.Plusieurs outils d’accompagnement et techniques visantà faciliter l’autonomie des porteurs de projets, chargés demission Natura 2000 et services instructeurs sont encours d’élaboration. L’expérience bretonne seramutualisée au niveau national. Des fiches d’incidencespar types d’activités ou encore un tutoriel incluant laréalisation de l’exercice de cartographie serontprochainement disponibles. �Caroline Vincent - [email protected]

Laurent Mignaux/METL-MEDDE

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Loups d’Eurasie(Canis lupus).

Page 10: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

CAMARGUE

Échec des MAE? On rebondit.

En Camargue, des mesures agri-environnementales (MAE) ont été mises enplace pour indemniser l’entretien de haies

autour des rizières. Ces éléments paysagerspermettent en effet de limiter l’incursion desflamants roses qui peuvent causer des dégâtsconséquents. Hélas ! Ces contrats se sontrévélés inadaptés. Très peu de riziculteurs y ontsouscrit. L’audit de cet échec a permis de

déceler que les MAE étaient assujetties auxseuls périmètres du Parc naturel régional deCamargue et de Natura 2000. Par ailleurs, pourla majorité des riziculteurs, les haies sontperçues comme incompatibles avec les pratiquesculturales intensives. De futures MAE devraientmieux prendre en compte le périmètreréellement affecté, et indemniser à hauteur descoûts induits réels. Les porteurs de la démarchecherchent également à s’appuyer sur quelquesriziculteurs clés progressistes dans leurdémarche. � http://vertigo.revues.org/12112

10 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

TOUR D’HORIZONS I TERRITOIRES

PYRÉNÉES

L’ours : un atout plébiscité

Dans le cadre de Parole d’ours (un programmeachevé en septembre 2012), près de 500commerçants et structures accueillant du public

de la zone massif des Pyrénées ont été interrogés surleur perception de l’image de l’ours.• La majorité des professionnels considèrent l’image del’ours valorisante ou très valorisante pour le tourismedans les Pyrénées. Cette appréciation est encoreaccentuée par ceux qui l’utilisent déjà. Ceux qui laperçoivent négative sont peu nombreux (environ 12%).• Près de 60% des professionnels pensent que l’image del’ours devrait être utilisée pour le développementtouristique des Pyrénées. Un quart d’entre eux seulementpensent qu’il ne faut pas le faire.• 200 professionnels sont prêts à utiliser davantagel’image de l’ours si on les y aide (conseils, outils…). �www.ferus.org

En gris, la zone de couverture des équipes de Parole d’ours. Enrouge, des indices de présence de l’ours validés - association Férus

millions d’oiseauxdisparus en 30 ans

Telles sont les données récoltées par BirdLifeInternational et le Conseil européen pour lerecensement des oiseaux dans les milieux agricoles.L’indicateur combine les tendances globales despopulations de 37 espèces classées. Parmi elles, 22sont en déclin contre seulement 6 en augmentation ;6 autres sont stables et 3 ont des tendancesincertaines. Plus généralement, l’indicateur montre undéclin de 52% depuis 1980. Quelques exemples :• Alouette des champs : 39 millions disparues, déclinde 2% par an en moyenne. • Linotte mélodieuse :25 millions disparues, déclin de 3% par an enmoyenne • Bruant jaune : 21 millions disparus, undéclin de 2% par an en moyenne • Vanneau huppé :2 millions disparus, un déclin de 2% par an enmoyenne. Certaines espèces déclinent moins dans lesnouveaux pays de l’Union européenne, ou y sont encroissance, comme le moineau, mais ces tendancesne peuvent compenser le dramatique déclin global desoiseaux communs des milieux agricoles de l’Union. �Patrick Ladiesse LPO • http://mic.fr/6b

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Cabanes de vignes. Éléments du patrimoine vernaculaire liés à l’histoire duterritoire, les loges de vignes témoignent d’anciennes pratiques de la viticulturechampenoise. Bien qu’elles contribuent à l’identité du paysage, ces cabanes sontmenacées par la rationalisation de la production viticole et les transformationsinduites sous la pression foncière. Face à ce constat, le Parc naturel régional dela montagne de Reims a souhaité valoriser ce patrimoine à travers uneexposition-photos de Siméon Levaillant. � www.parc-montagnedereims.fr

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Aire de répartition de l’ours brun dans les Pyrénées

Page 11: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 11

TOUR D’HORIZONS I TERRITOIRES

CC-BY D. Viet/Collection Grands sites de Midi-Pyrénées -NC-ND

L’IGN vient d’éditer une carte au 1/50000e dans sa collection

«Découverte des parcs de France» en partenariat avec le Parc

naturel régional du massif des Bauges. � La 165e réserve

naturelle nationale est créée. Celle du massif forestier de

Strasbourg-Neuhof/Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin) officialisée

par le décret du 10/7/12. � Participation de détenus à des

chantiers d’entretien avec les équipes du PNR du Pilat. Celui-ci

s’est engagé sur le terrain social avec la création de deux équipes

d’entretien de la nature en insertion professionnelle. � Comptage

des populations de chouette chevêche en Livradois-Forez. Les

résultats font apparaître une baisse des populations de plus de

40% par rapport aux chiffres de l’année 2008. http://mic.fr/6c

� Rhône-Alpes : 1,5 million d’euros en faveur des abeilles.

Le président du conseil régional a signé le Contrat régional

d’objectifs de filière 2012-2015 destiné à l’apiculture. �

TEXTO

> Ortolan.

> Saint-Cirq-Lapopie, PNR des causses du Quercy

CAUSSES DU QUERCY

Le parc développe un site internet mobile

Le Parc naturel régional des causses du Quercy met en ligne un siteinternet mobile accessible depuis les smartphones. Conçu pourfaciliter la découverte du territoire par les habitants et les touristes,

Mobilicausses propose des informations pour préparer des sorties, visiteset activités. Avec une navigation tactile, à partir de la géolocalisation deson téléphone mobile, le public accède à l’agenda des animations « lesCausseries». Il peut accéder à une offre de sentiers de découverte desites emblématiques. D’autres services sont offerts comme une visite enréalité augmentée de Saint-Cirq-Lapopie ou une sélection d’autres visitesà effectuer en famille. Par ailleurs une cartographie interactive signifieles hébergements bénéficiant de la marque Parc. Le contenu de ce siteest en évolution. Accéder au site mobile depuis un smartphone :http://m.parc-causses-du-quercy.org �Contact : Pierrick Navizet - [email protected]

LANGUEDOC-ROUSSILLON/BÉNINRoute de l’eau. Le Parc naturelrégional de la Narbonnaise enMéditerrannée et uneintercommunalité naissante auBénin collaborent autour d’unprojet intitulé «route de l’eau».Le rapprochement entre les deuxterritoires s’explique par desproblématiques voisines(lagunes, préservation desressources halieutiques, qualitéde l’eau…). Le parc est lauréat del’appel à projet lancé par leministère des Affairesétrangères. Au programme:restauration de mangroves,construction de 20 modulessanitaires, valorisationagronomique des déchets,création de 10 forages d’eaupotable. �[email protected]

CORSE

Cormoran pygmée en Corse.Il a été observé le 6 août derniersur l’étang d’Urbinu, au sud deBastia. � [email protected]

LANDESBraconnage d’ortolans. LaLPO, accompagnée de la Sociétéd’ornithologie suédoise, alocalisé et détruit plusieursinstallations de piégeagedestinées à capturer les ortolans.Cette opération était menéecontre le braconnage du bruantortolan, oiseau dont la chasse estinterdite depuis 1999. Chaqueannée à la fin de l’été, 30000ortolans sont capturés. La Suèdea une population nicheuse de 6000 couples, en déclin de 90%sur les vingt dernières années. �

LIMOUSIN

Le parc mobilisé sur lasanté. Le PNR de Millevachesen Limousin lance un projetvisant à répondre aux besoinsdes populations dans le domainede la santé publique. Objectif :faire face aux perspectives debaisse démographique, dediminution sensible de la densitémédicale et paramédicale d’ici2019. � Contact : Juliette Gioux0555679793

CC-BY Daniel Noverraz-NC

Page 12: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

12 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

TOUR D’HORIZONS

les gens

Tourisme durable

Le tourisme durable est un tourisme respectueuxdes principes du développement durable et deses trois piliers, désormais célèbres, écono-

mique, social et environnemental. Seul un bon équi-libre entre ces trois valeurs, a priori fort différentes,peut en garantir l’esprit. Cependant, une jungle d’ad-jectifs gravite autour de ce concept au point d’en ren-dre le sens plus flou. Ainsi, on parle de tourisme équi-table, alternatif, solidaire, responsable, vert ou encorerural, pour aller jusqu’à la notion d’écotourisme, au-jourd’hui fort répandue, mais dont les contours sontencore mal définis.Au tourisme durable, on peut clairement opposer letourisme de masse, lequel repose essentiellementsur des critères économiques. Ce dernier cependant,est incité à rejoindre les fondements du tourisme du-rable, notamment par l’Organisation mondiale du tourisme qui, depuis 2004, a défini le concept et le revendique.Ces différentes qualifications du tourisme s’entre-mêlent donc ; elles peuvent glisser l’une vers l’au-tre selon le niveau atteint dans chaque pilier, commele feraient trois vases communicants.Historiquement, c’est lors de la Conférence mondialedu tourisme durable de Lanzarote en 1995 qu’unecharte en a défini les grands principes. Les parcs eu-ropéens, notamment français, ont alors souhaité l’ap-pliquer sur leurs territoires en se dotant, en 1999 àtravers la fédération Europarc, d’un outil opération-nel : la Charte européenne du tourisme durable dansles espaces protégés.Parallèlement, des agences de voyages ont validéleurs bonnes pratiques grâce à des chartes et des la-bels, parfois auto-attribués, avec le mauvais tra-vers d’un greenwashing répondant plus à un oppor-tunisme commercial qu’à un réel militantismeécoresponsable. Le tourisme étant en évolution per-manente (internet, effets de mode, mondialisation…),ses multiples déclinaisons et définitions associées lesont également.Malgré tout, on note une tendance vers un tourismede plus en plus durable, global, dans lequel chaquemaillon de la chaîne, du client au prestataire enpassant par l’opérateur de voyage, s’engage dansun style de vacances limitant l’impact environnemental,respectant et valorisant la culture et les popula-tions locales, et garantissant un partage équitable desretombées économiques à tous les niveaux. �

DES MOTS POUR LE DIRE I CHRONIQUE

Par Bruno DaversinChargé de mission écotourisme au Parc national des Cévennes

EN SAVOIR PLUS

[email protected]

Élisabeth_Dupont-Kerlan, ingénieuregénérale des ponts, des eaux et des forêts, estnommée directrice générale de l’Officenational de l’eau et des milieux aquatiques• [email protected] (assistante)

Paul_Giacobbi, député de Haute-Corse,devient président du conseil d’administrationde l’Agence des aires marines protégées. Ilsuccède à Jérôme Bignon. •[email protected]

Viviane_Le Dissez est la nouvelleprésidente du Conservatoire du littoral. Éluepour trois ans, elle succède à Jérôme Bignon.Députée des Côtes d’Armor. •[email protected]

Louis_Villaret est élu président du Réseau des Grands sites de France. Il succède à Gérard Voisin. •[email protected]

Émilie_Nahon est chef du bureau desparcs nationaux et des réserves naturelles auministère de l’Écologie. • [email protected]

Albert_Maillet a pris les fonctions dedirecteur de l’environnement et des risquesnaturels à l’ONF. Il remplace Jacques leHéricy. Albert Maillet était précédemmentdirecteur du CRPF Paca. • [email protected]

Odile_Gauthier, ingénieure générale desmines et diplômée de l’École normalesupérieure, prend la direction duConservatoire du littoral en remplacementd’Yves Colcombet. •

Ferdy_Louisy est élu à sa présidencede Parc nationaux de France. Il est égalementprésident du Parc national de Guadeloupe. •[email protected]

Protéger la merC’est possible ?Si la politique d’aires marines protégées fait sonchemin, la protection de la mer combine lesdifficultés. Espace ouvert, mal connu, international,en 3D… Curieusement ce dossier sur le milieu marinouvre des pistes de réflexion aux gestionnaires desmilieux terrestres qui ne manqueront pas de

s’inspirer des expériences d’un jeune réseau de gestionnairesinnovant et fertile. Comment être efficace dans un milieuqu’on connaît mal? Comment travailler ensemble? L’occasionaussi d’y voir clair : de quoi parle-t-on et qui est compétentsur les différents espaces: du littoral, de la mer, de la hautemer? Un dossier d’actualité à l’heure du réchauffementclimatique et de l’acidification des océans. �

LEDOSSIER

NE MANQUEZ PAS EN AVRIL

Page 13: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 13

TOUR D’HORIZONS I L’ENTRETIEN

Biodiversité, chasse et agriculture

“«Un conflit peut en cacher d’autres »

Dans les rapports gestionnaires,chasseurs, agriculteurs, ladiscussion tourne souvent à laconfrontation. Est-ce inévitable?Souvent les confrontations entre cesacteurs sont liées à l’accès auterritoire ou à des positionnementséthiques… En réalité la question clén’est pas celle-là. Il faut voir lesconflits sous un autre œil etcomprendre que la gestion del’habitat est plus fondamentale queles questions liés à la quantité et autype de prélèvements. Que l’ontouche à la gestion des territoires etdes paysages, à l’occupation dessols, d’autres conflits, beaucoup plussilencieux, mais aussi beaucoup plusimportants, apparaissent.

Lesquels?Partons d’un exemple très concret.Celui du sanglier. Il y a presque deuxsiècles, il était considéré commedisparu dans l’Hérault et le Gard.Depuis, la situation s’est totalementinversée. Or, la pression de chassen’a pas diminué. C’est que la raretédu sanglier n’était pas un problèmede chasse et de chasseur mais unproblème d’occupation du sol et degestion du milieu.La surface forestière était deux foiset demie moins importantequ’aujourd’hui et des ressourcesabondantes, comme les glands dechêne, étaient rares du fait de laréduction de la superficie forestière,de la fréquence des coupes de bois,de l’intensité du pâturage.L’homogénéisation des paysages etles changements de pratiquesagricoles, à mettre en parallèle avecle déclin de la faune, montrent que lagestion de l’habitat est, au moins,aussi importante que lesprélèvements d’espèces. Selon lafaçon dont on gère cette question, ilpeut, ou non, y avoir communauté

d’intérêt entre la chasse et laprotection de la nature.

Comment aborder cette question etquelles solutions se dessinent pouraller à l’encontre des conflits?La façon la plus directe et la moinsféconde pour la diversité est deprocéder à des repeuplements avantla période de chasse. En effet, elle apeu d’effet pour le reste de la faunesi ce n’est pour les prédateurs.Une autre façon d’intervenir est degérer les habitats d’une partie del’espace autrefois dévolu àl’agriculture afin de préserver oud’améliorer la biodiversité ditepatrimoniale ; que le site ainsi créésoit ou non chassable.La démarche a été mise en œuvrepar les conservatoires dans desmilieux semi-naturels issus del’activité agricole. Leurs terrainsrentrent dans le droit commun de lachasse chaque fois que c’estpossible. Des synergies peuvent ainsiêtre trouvées avec les fédérations dechasseurs. Elles ne sont pas à sensunique : par exemple, une associationde chasseurs vient adosser saréserve de chasse à un étang duconservatoire fréquenté par desgrues, leur assurant ainsi unemeilleure quiétude.

Soustraire des espaces à laproduction agricole ne peut êtreréalisé que sur une partie del’espace relativement modeste…Il y a alors une troisième voie, la plusdifficile ; elle consiste à rendrel’espace agricole plus hospitalierpour la biodiversité. Cette voiedevient moins utopique que dans ledemi-siècle passé. En effet,l’intensification agricole a trouvé seslimites. De nombreux agriculteurscherchent à mettre en place desformes d’agriculture plus durables.

Retenons cette hypothèse. Desconflits peuvent encore surgirautour des méthodes de gestion?Une gestion trop exclusivementcentrée sur le gibier peut avoir deseffets négatifs sur d’autrescomposantes de la biodiversité. Lasituation reste généralementréversible et il est possible derechercher des compromis. Demanière assez générale, c’est lamono-fonctionnalité, le centrage surun petit groupe d’espèces gibiersvoire d’espèces patrimoniales, quidevrait être évitée.

Où situer le curseur de l’acceptablepour un gestionnaire?La mise en place de la trame verte etbleue ou des schémas régionaux decohérence écologique devraientfaciliter la conciliation des usages etpermettre de prendre en comptel’ensemble des enjeux dont la chassefait évidemment partie. Il s’agit d’untravail considérable qui suppose uneanalyse précise des enjeux, lalisibilité du positionnement des unset des autres, l’analyse des effetsrécurrents des pratiques. Lesconservatoires par exemple,cherchent à définir un objectifcommun avec leurs partenaires, c’estrarement celui qui serait idéal pourle naturaliste.Mais aussi limités que soient lespremiers pas, ils commencent àtracer un chemin que l’on pourra, lecas échéant, emprunter plus tard. Laseule façon de convaincre est derester en situation de dialogue. Lesreprésentations de la nature, lespositionnements éthiques n’ontd’autres intérêts, dans cettedémarche concrète et pragmatique,que de servir de points de repère, dedéfinir un champ des possibles. �EN SAVOIR [email protected]

Jacques LepartVice-président de la Fédération des conservatoires d’espaces naturels

Page 14: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

14 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

TOUR D’HORIZONS I VU AILLEURS

Entre la Franceet l’Allemagne,une coopéra-

tion d’un genre particulier est enmarche. Projet pi-lote, il vise la créa-

tion d’une trame verte et bleuetransfrontalière dont le tracé évo-lue dans la Réserve de biosphèretransfrontalière (RBT) Vosges duNord – Pfälzerwald. Sa déclinaisonconcrète prévoit entre autres lacréation d’écoponts et de passe-relles à gibier.Si les porteurs du projet aiment àsouligner les succès de cette col-laboration mise en place depuis1983, c’est que ce travail constitueun long chemin pavé d’ornières. Lacoopération internationale, «c’estpas toujours de la tarte» avouentles opérateurs. Car malgré la crois-sance des grands défis interna-tionaux, les tâches nationales sonttoujours prioritaires.Ainsi, la grande majorité des lea-ders politiques régionaux, alle-mands ou français, des élus com-munaux, des autorités, des servicespublics, des chargés de mission des

VOSGES DU NORD (FRANCE) - PFÄLZERWALD (ALLEMAGNE)

Depuis trente ans, Allemagne et France collaborent sur des projets transfrontaliers. Depuis 1998,la coopération a pris un nouveau tour avec la mise en place d’une réserve de biosphère.

parcs ne consacrent pas le tempsnécessaire à cultiver une connais-sance profonde de l’autre partenaire.Condition pourtant sine qua non dela réussite. Tant de choses diver-gent: le territoire, la réalité des ac-teurs, de la manière dont évoluent,dans chaque pays, les projets trans-frontaliers.

Investissement. Le fait est que lesacteurs du projet ne sont pas suf-fisamment disposés à apprendre lalangue et la culture de leurs par-tenaires, ajoutant par là à la com-plexité des interactions.Imaginez l’effet produit par la dé-claration d’un représentant d’un mi-nistère allemand lors d’une réunionimportante en France : «Payer uninterprète ne sera pas vraiment né-cessaire. Nos collègues français, quiviennent de l’Alsace et de la Lorraine,comprennent bien l’allemand, n’est-ce pas?»Mauvaises perceptions, malenten-dus et absence de capacité de ré-solution de conflit en découlent.La coopération transfrontalière s’ap-puie sur de nombreuses concerta-tions informelles. A priori, des pro-

cessus simples… or, les choses sontcomplexes du fait des différentescultures administratives. Un chargéde mission allemand, qui dispose dela compétence propre, est trèsétonné de s’entendre dire par unchargé de mission français que cedernier doit en référer à son direc-teur avant de prendre une décision.Par ailleurs, les partenaires ont cha-cun des schémas d’interprétationculturels spécifiques ainsi que desstratégies culturelles de résolutionde conflits différentes.Contrairement à l’Allemagne, les ré-serves de biosphère françaises nedisposent pas d’un statut légal. Cettedifférence induit des conséquencespour le statut du zonage de laRéserve de biosphère transfronta-lière. De même, l’exclusion de sitesde patrimoine culturel des aires cen-trales au Pfälzerwald ne s’accordepas avec le choix des Vosges duNord, où se trouvent, en aire cen-trale, des châteaux forts médiévauxfréquentés par plusieurs milliers detouristes chaque année.Même après une coopérationfranco-allemande de presque trenteans, et malgré tous les efforts dé-ployés pour appliquer le cadre lé-gal, il n’a pas été possible que la RBTacquiert une indépendance juridiqueet une sécurité pécuniaire. Plusieurspostes transfrontaliers et un bud-get à long terme cofinancé par lesdeux partenaires seraient néces-saires. Mais ce n’est pas le cas.Il en résulte des situations rocam-bolesques où, quelquefois, lesmoyens ne permettent pas d’enga-ger les interprètes pourtant indis-pensables. Il est également advenuqu’un voyage d’étude important dedécideurs franco-allemands soit an-nulé faute de moyens pour payer lesfrais de déplacement.

Le gouffre. Il y a un gouffre entreles déclarations d’intentions en fa-veur du transfrontalier et leur mise

«Nous construisons les basesd’une coopération transfrontalière»

L’ensemble des Vosges du Nord (France) et du Pfälzerwald (Allemagne),310000 ha, englobe la plus vaste entité forestière non fragmentéed’Europe occidentale. Reconnue par le programme Man and the

Biosphere de l’Unesco en 1998, cette réserve de biosphère transfrontalière(RBT) était la première de l’Union européenne. Peuplée de 340000 habitantsrépartis sur 250 communes, elle scelle la réussite d’une coopérationtransfrontalière entre le Parc naturel régional des Vosges du Nord et leNaturpark Pfälzerwald, porteurs de la réserve franco-allemande, mise enplace en 1983.Les mesures à prendre afin de protéger et de développer ce patrimoine naturelet culturel partagé sont reflétées dans neuf domaines déterminant les actionsactuelles et futures de la RBT : Protéger la nature, la biodiversité • Développerune agriculture écologique durable et promouvoir les produits régionaux dequalité • Promouvoir une gestion forestière respecteuse de la nature •Contrebalancer les impacts de la transformation démographique • Mettre enplace un tourisme écologique et durable • Éduquer à l’environnement et audéveloppement durable. • Promouvoir des énergies renouvelables • Protégerle patrimoine culturel, notamment bâti • Promouvoir des échangesinterculturels. �

LA RÉSERVE DE BIOSPHÈRE TRANSFRONTALIÈRE�

Syco

parc

Page 15: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 15

qu’en 2012 une journée réunissaitplus de cent experts, biologistes deterrain. Le grand public français etallemand découvrait à cette oc-casion la diversité des espèces ani-males, végétales et fongiques. Àcette date, le projet de réseau éco-logique franco/allemand prenaitun tour nouveau dans la mesure oùil touchait les populations localesen les sensibilisant à la sauvegardede la biodiversité des deux pays.Autre note positive, la Réserve in-tégrale forestière transfrontalièreAdelsberg – Lutzelhardt (qui consti-tue l’aire centrale transfrontalièrede la RBT) est en train de devenirun modèle pour beaucoup d’ex-perts internationaux.

L’avenir ? Les deux pays ont prisl’engagement, vis-à-vis de la com-munauté mondiale, d’assurer la po-sition de la RBT, comme région mo-dèle internationale. Les décideurssont-ils vraiment prêts à assumerles conséquences de cet engage-ment ? Celui-ci induit la créationd’une structure porteuse commune,basée sur une bonne gouvernancetransfrontalière. Cet outil, parexemple, permettrait d’avanceravec l’élaboration d’un zonage com-mun qui agrandit le nombre et lepérimètre des aires centrales, l’éla-boration et la réalisation d’un plande gestion commun et d’un pro-gramme d’actions transfrontalier.Mais va-t-on reconnaître une indé-pendance juridique de la réservede biosphère et avancer dans l’in-

en pratique. Les porteurs de la RBTse sentent relégués au rang de sol-liciteurs, ce qui ne leur facilite pasle travail.Par ailleurs, ils doivent redoublerleurs efforts afin de surmonter lemanque de souplesse des structuresnationales et l’esprit des adminis-trations locales qui les incitent aurepli sur eux-mêmes. Ceci sanscompter la lourdeur bureaucratiquecroissante des programmes del’Union européenne. Le cadre duprogramme Interreg 3A avait per-mis de réaliser treize projets trans-frontaliers. Les barrières du pro-gramme Interreg 4A n’ont permisla conception que d’un seul.Dans les faits, chaque pays a ten-dance à se replier sur lui-même.Aujourd’hui encore, après quinzeans, quelques publications fran-çaises évoquent la Réserve de biosphère des Vosges du Nord, tan-dis qu’en Allemagne on parle de la Réserve de biosphère duPfälzerwald. Depuis 1983, les mi-nistères responsables, à Paris et àMainz, ne se connaissent pas.

Réussite. Le projet avance malgrétout. En 2011, cette réserve de bio-sphère transfrontalière des Nationsunies pour l’éducation, la scienceet la culture, a vu le renouvelle-ment de sa reconnaissance offi-cielle par le programme Man andthe Biosphere (Mab) de l’Unesco.Pour la première fois, une telle ré-serve a passé le cap de la révi-sion périodique. Notons également

“Il y a un gouffre entre la profession de foi des paysen faveur des actions transfrontalières, les déclarationsd’intentions et leur mise en pratique.

La Réserve de biosphère transfrontalière Vosges du Nord - Pfälzerwald est caractérisée par une très grande partie forestière (75%), desrochers et falaises de grès, des cours d’eau et leurs friches humides attenantes, des étangs et des zones tourbeuses, des prairies fleuries,des pelouses, des vergers traditionnels et des vignes. 80000 ha sont classés en zone Natura 2000 (directives Habitats faune flore et Oiseaux).

Faut-il des compétences particulièrespour animer un tel projet ?Je suis éthnoécologue. Cette

formation interdisciplinaire en sciencesnaturelles et en sciences culturelles et socialesme permet de saisir les enjeux transfrontalierset naturalistes. Quant à mes expériencesprofessionnelles dans divers pays d’Europe eten outre-mer, elles m’autorisent une certainecapacité de facilitateur et d’animateur de lacommunication interculturelle. J’ai par exempleété président de groupes d’experts européens(aires protégées transfrontalières, fédérationEuroparc, UICN). J’ai ainsi une bonneconnaissance des approches multilatérales etdes initiatives multinationales de mes collèguesen Europe et en Afrique.Ce bagage me permet de mieux maîtriser lesobstacles d’une coopération franco-allemandepolyvalente, dans un cadre d’interactionscomplexes et avec une diversité d’acteurs.Mon multilinguisme me donne accès aux idées,soucis, propositions et problèmes de mespartenaires. Il me met dans la positionprivilégiée de pouvoir m’exprimer sansl’intervention d’un interprète, en touteconfiance, auprès de mes collègues. Parfois,cette confiance peut équilibrer, en partie, lanon-existence d’un coordinateur français ducôté des Vosges du Nord. �

troduction d’une culture adminis-trative transnationale? Ce projet nepeut fonctionner sans sécurité fi-nancière, sans une indépendanceéconomique à long terme. La priseen compte de ces questions lui permettrait d’accéder plus rapide-ment à ses fins. La période du «dé-brouillez-vous» est révolue. �Roland Stein Réserve de BiosphèrePfälzerwald - Vosges du [email protected]

QUESTION À L’AUTEUR

Sycoparc

Roland SteinCoordinateur de la coopération transfrontalièreet des relations internationalesRéserve de biosphère transfrontalière

Page 16: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

L’HÉRAULT ET SES FORÊTSAvec son regard de forestier, l’auteur livre un

panorama de la constitution des forêts de l’Hérault.Il donne les clefs de compréhension indispensablesaux aménagistes et gestionnaires actuels pour lesguider dans leurs choix à venir. À travers l’histoirede cette forêt, surexploitée jusqu’au XIXe siècle puis

vivant le renouveau grâce aux stratégies et auxacteurs de terrain, il met en perspective le cas del’Hérault avec le contexte national, donnant ainsiune dimension politique aux actions locales desforestiers. Avec le soutien de l’Office national des

forêts et de la Fédération des communesforestières de l’Hérault. � J.L. Roque • 348 pages •

Nouvelles presses du Languedoc • 25 euros

REPLANTER LES CONSCIENCESComment trouver dans notre rapport à la nature

une source d’épanouissement et de discernement?Sabine Rabourdin analyse la rupture du lienHomme/Nature. Certes, elle est historique.

Pourtant, les tendances font espérer une nouvellerelation qui allierait écologie, spiritualité et

décroissance. La réponse est dans le changementcollectif, passant par le changement individuel :

c’est en «se connaissant soi-même» que l’Hommepourra relever les défis écologiques de ce siècle.Pour mettre en cohérence les idées et les actes,l’auteure nous donne des pistes : philosophie,

science, agriculture, sobriété, sagesse… �S. Rabourdin • 248 pages •

Éditions Yves Michel • 19,90 euros

LA PROTECTION JURIDIQUE DES COURS D’EAUPour aborder la protection juridique des cours

d’eau, certains se limitent à la domanialitépublique ou au droit international, d’autres

insistent sur l’histoire ou le statut… Cet ouvrageinterroge toutes les thématiques pour confronter ledroit au fonctionnement des cours d’eau tel qu’ilest décrit par les sciences de la nature. Le coursd’eau est alors appréhendé dans sa globalité : entant qu’anthroposystème, hydrosystème fluvial

mais aussi par l’ensemble des usages dont il est lesiège. � A. Farinetti • 1124 pages •

Éditions Johanet • 96 euros

SUR LE CHEMIN DES PLANTESSAUVAGESCe cahier technique de laFédération des clubs CPN nousinitie avec humour à la botanique.Par des anecdotes sur plus de 10plantes «ordinaires», il aborde lesthèmes de la composition d’unefleur, les stratégies des plantes,les types de tiges, de feuilles, defruits… En complément : 30 fichesoutils, activités ou actions, une cléde détermination des principalesfamilles de fleurs et une planchede détermination des graminées. �Fédération des clubs CPN • 84 pages• 8 euros • www.fcpn.org

IMPLIQUEZ-VOUS !«Qu’est-ce que je peux faire àmon niveau?» En sélectionnant101 actions applicables par tous,l’auteur démontre qu’en dehorsdes grandes décisions politiques,chacun est un acteur duchangement. Le livre contientaussi un agenda d’événementssolidaires et écologiques etrépertorie plus de 600 organismeset services différents permettantde concrétiser ses actions.Premier acte : une partie desdroits d’auteurs est reversée àl’association Le rire médecin.Préface de Pierre Rabhi. �C. Chenebault •232 pages • Éditions Eyrolles • 14,90 euros

GESTION PARTAGÉE D’UN MARAISEN CAMARGUELa Tour du Valat a proposé auxhabitants du hameau du Sambucde s’investir dans la gestionconcertée et l’aménagement d’unmarais du Verdier en Camargue.Ce bilan des premières annéesd’expérience permet d’illustrer leprocessus de concertation localechoisi, d’analyser les premiersrésultats et de formuler quelquesrecommandations. À téléchargerhttp://mic.fr/5g � N. Beck, C. Hermeloup et l’Association desmarais du Verdier • 36 pages • La Tour du Valat • Gratuit

16 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

lireTOUR D’HORIZONS

GESTION

ENJEUX SOCIAUX

JURIDIQUE

ÉDUCATION

SENSIBILISATION

SCIENCE ET GESTION CONCERTÉE

Page 17: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 17

«Lire le monde à travers le kaléidoscope des espaces protégés »

L A P H R A S E

EN LIGNE

Le huitième tome des Cahiers d’habitats vientde paraître. Trois volumes consacrés aux 274 espèces de l’avifaune françaisepermettent d’identifier les oiseaux, leurshabitats et de définir les mesures de gestionpropres à chaque site. • http://mic.fr/64

“Avec la création de cette réserve, ce sont les populations lesplus pauvres qui sont visées, dans une zone écologiquementsensible et très convoitée par les riches.» Les auteurs parlent

ici de la Réserve de biosphère du delta de Paranà en Argentine, et leurmaestria, dans cet Atlas mondial des espaces protégés, n’est pas tantde faire le tour du monde en cartes de ces espaces que de présenterles enjeux, les difficultés et les limites des dispositifs de protection del’environnement. L’ouvrage s’illustre de quatre-vingt-dix cartes etinfographies mais permet surtout de comprendre les liens entresociétés et nature. Tous les thèmes de réflexion portés par lesprofessionnels de la nature sont abordés en leur associant un ouplusieurs exemples d’aires protégées sur tous les continents.On aime: cette dimension éminemment politique où les frontières, si

elles existent, ne sont qu’administratives et ne cloisonnentpas la réalité de la géobiodiversité. On apprécie : le regardporté sur les conflits et les rapports de force. On salue : laprise en compte de la dimension sociale du débat. Et,surtout, on retient : la description de la réalité de cesespaces, qui s’éloignent de leur mission de conservationinitiale pour devenir des outils politiques et économiques. �Atlas mondial des espaces protégés. Les sociétés face à lanature • L. Laslaz, S. Depraz, S. Guyot, S. Héritier • 95 pages •Éditions Autrement • 19 euros

DÉCOUVERTE

Tous les samedis, entre 11h et midi, prèsd’un million et demi d’auditeurs deFrance Inter écoutent l’émission de Jean-

Claude Ameisen : Sur les épaules de Darwin.Lancée il y a deux ans, elle est devenue culte.Durant une heure, Jean-Claude Ameisen nousparle. Du monde, des oiseaux, de la nature, del’évolution… Il nous propose un voyage. À larencontre de nous-mêmes. À la découverte

d’un univers toujours plus riche et mystérieux que nous ne pouvonsle percevoir, un univers qui nous a fait naître et que nous n’auronsjamais fini d’explorer. Un voyage à la rencontre des relationstoujours nouvelles entre la science et l’éthique dont dépend l’avenirdes sociétés que nous construisons. Un exercice si éblouissant quele public s’y précipite, applaudit et ne cesse de demander lapublication des émissions !Voici donc le premier volume qui reprend la série intitulée Lesbattements du temps, commencée en septembre 2011.Médecin, chercheur, professeur d’immunologie à l’université ParisDiderot, Jean-Claude Ameisen est également président du comitéd’éthique de l’Inserm et membre du comité consultatif nationald’éthique. � Sur les épaules de Darwin. Les battements du temps •Jean Claude Ameisen •380 pages • Co-éditions Les liens qui libèrent &France Inter •23 euros

«Darwin»L E M O T

PATRIMOINE

NATURA 2000 EN LORRAINELa Dreal et le CSRPN Lorrainesont à l’origine de cet ouvrage surle patrimoine protégé deLorraine : trois volumes trèsimagés qui recensent les habitatsnaturels, les espèces et les sites.Un ouvrage encyclopédique deréférence. �Dreal Lorraine, CSRPN • 314 pages •À télécharger : http://mic.fr/5i

LES ÉCOUGES, UN ESPACENATUREL DANS LES MONTAGNESDU VERCORSEncadrée de falaises et decanyons, la vallée des Écougesest un lieu secret, où la faunesauvage prospère. Mais c’estaussi un territoire où mille ansde présence humaine ont semédes traces, qu’archéologues ethistoriens étudient. Le conseilgénéral de l’Isère qui protège cesite au titre des Espaces naturelssensibles a édité cet ouvrage. Ilmêle les approches pourrappeler qu’il n’y a qu’un seulpatrimoine, qu’il soit naturel ouculturel. �CG Isère • 160 pages • 15 euros

Page 18: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

18 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

TOUR D’HORIZONS I LE COURRIER

Depuis la loi de Protection de la nature de 1976, desmesures compensatoires doivent accompagner toutprojet d’aménagement générant des pertes

résiduelles de biodiversité. Des composantes essentiellesde biodiversité sont cependant exclues de la pratiqueactuelle de compensation et un cadre méthodologique

pour l’intégration des services écologiques dans lesmesures compensatoires reste à construire.

La réglementation nationale a récemment renforcél’obligation de compensation lorsque des projetsimpactent des espèces protégées ou des habitatsessentiels au bon déroulement de leurs cyclesbiologiques. Mais la biodiversité est bien plus qu’une listed’espèces remarquables. Elle est aussi un ensembled’interactions, de fonctionnalités et offre de nombreuxservices écologiques définis comme les bénéfices que leshumains tirent du fonctionnement des écosystèmes. Dansdes pays comme la France, où les interactions entreprocessus naturels et activités humaines sontpermanentes, l’état des écosystèmes dépend largementdes pratiques de gestion courante. Réciproquement, lesbénéfices des usages de la nature dépendent dufonctionnement des écosystèmes. La compensationréglementaire se préoccupe peu de cette relationhomme/nature pourtant essentielle au bonfonctionnement de l’ensemble. En se focalisant sur labiodiversité remarquable, elle peut à cet égard être malcomprise par les acteurs des territoires : pourquoi tantd’effort pour une espèce protégée?

L’objectif initial d’une action positive pour labiodiversité risque alors d’être masqué par unmessage négatif d’exclusivité ou de cloisonnement. Labiodiversité ne peut évidemment pas être réduite auxseuls intérêts procurés à l’Homme. Cela seraitomettre la multitude des enjeux de conservation sans

valeur d’usage. Inversement, uneévaluation décontextualisée desenjeux sociétaux locaux peutmenacer des équilibres bénéfiquesau maintien de la biodiversité danstoutes ses composantes. Parexemple, les haies sont favorables àde nombreuses espèces protégéesmais procurent également desservices écologiques (voir figure). Sicet habitat est détruit, prendre encompte l’ensemble des pertes dansl’évaluation devrait augmenter lacohérence écologique des mesurescompensatoires, tout en élargissantl’assiette ; la nature ordinaire rendantpresque toujours des services même

quand les enjeux de conservation sont faibles.

Un cadre méthodologique pour l’intégration desservices écologiques pourrait mettre à profit certainsoutils existants. Une partie de l’effort alloué auxinventaires naturalistes pourrait être redirigée vers ledéveloppement d’outils de modélisation prédictive, descénarios, pour explorer la dynamique et lavulnérabilité des espaces pourvoyeurs de services.Une meilleure répartition des financements entreconservation des services écologiques et des espècesmenacées pourrait aussi s’avérer utile, ne serait-ceque pour faire rentrer dans le champ de lacompensation les 70000 ha de nature ordinaireartificialisés chaque année. Il serait enfin nécessairede s’interroger sur l’efficacité d’une approche fondéesur les services écologiques : permettrait-elle cetteévaluation globale d’équivalence écologique entrepertes et gains, bénéfique à l’ensemble de labiodiversité et à un rapprochement entre objectifs dedéveloppement des territoires et objectifs deconservation? �Mélanie Burylo1, Baptiste Regnery1, Romain Julliard1, Brice Quenouille2 [email protected]. Chercheurs au Muséum national d’histoire naturelle • 2. Biositiv

Compenser aussila perte de services écologiques

Bap

tiste

Reg

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Les mesures compensatoires sont-elles adaptées aux réalités et besoins de sauvegarde de lanature? Plusieurs chercheurs se sont penchés sur la question. Ils plaident ici pour ne pas selimiter à prendre en compte la biodiversité et intégrer les services écologiques.

≥ Érosion éolienne

Filtrationdes eaux

Corridor biologique

Habitatpour lafaune

Paysage historique

Productionde bois

Ombragepour lebétail

Structurationdes sols

� rôle pour la biodiversité � services écologiques fournis

Page 19: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Un outil pro pour les pros : l’agenda collabo-ratif mis en place sur la toile par l’Aten! Nombrede colloques, séminaires et autres forums sontorganisés par et pour les gestionnaires d’es-paces naturels et les acteurs de la protectionde la nature. Pour s’y retrouver, organiser sespropres réunions aux dates les plus propices,l’Aten propose donc à ses membres et par-tenaires un agenda dynamique.Deux clics et vous trouverez, sous forme d’uncalendrier, cet outil collaboratif. Après s’être

inscrit sur le site, on signalera un événement en renseignant rapide-ment un formulaire qui apporte les précisions utiles : lieux, thématiques, or-ganisateurs, programme…Pour recevoir l’information en fonction de vos préoccupations, un moteur derecherche est à votre disposition, de même qu’un abonnement via un flux RSSpour se tenir au courant en temps réel. � http://agenda.espaces-naturels.fr

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 19

TOUR D’HORIZONS

GESTION DES RÉCIFS ARTIFICIELS

5 au 8 février - MarseilleCe colloque euro-méditerranéenpermettra de confronter lesméthodologies de gestion et desuivi des zones de récifs AMP,voire d’établir des jumelagestechniques afin de créer dessolidarités entre gestionnairesde [email protected]

ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT

5 au 7 mars - LyonLes Assises nationales del’éducation à l’environnementvers un développement durablepermettent aux différentsacteurs du territoires departiciper à l’élaboration d'unepolitique partagée.www.cceedd-lr.org/assises-eedd2012-2013

FORUM DES GESTIONNAIRES

28 mars - Paris 7e

«Les suivis : quelle contributionà la gestion et à l’évaluation de labiodiversité?» Tel sera le thèmecentral de la 18e édition duforum, coorganisé par la Tour duValat et l’ONCFS, aux côtés del’Aten. L’occasion de faire le pointsur la place des suivis dans lacompréhension et l’analyse desenjeux de conservation de labiodiversité et des processus quicontribuent à son érosion.http://forumdesgestionnaires.espaces-naturels.fr

RÉSERVES NATURELLES DE FRANCE16 au 20 avril - ChaussyRNF organise son 32e congrès.Les collectivités territorialesseront mises à l’honneur avec laprésentation du bilan de dix ansde création de réserves naturellesrégionales, mais aussi avec laprésentation de la thèse portéepar RNF et deux laboratoires sur« l’appropriation d’une réservenaturelle à l’échelle d’unterritoire». Inscriptions jusqu’au28 fé[email protected]

L’EAU DANS LA VILLE

23 au 27 juin - Lyon8e conférence Novatech pourpromouvoir des solutions enfaveur d’une gestion intégrée etdurable des eaux pluviales. Troisthèmes : 1. Aménagement urbain :de la parcelle au grand territoire,quelles stratégies et réalisationsde gestion intégrée des eauxpluviales? 2. Solutionsinnovantes : quelles techniquesalternatives pour construire etgérer des territoires durables? 3. Milieux aquatiques :inondations, érosion, pollution,quelles stratégies globales pourlimiter les [email protected]

l’agenda

Quoi de plus rôdé en apparence que laconduite d’un concours dephotographies? Et pourtant, parfois,

l’affaire peut tourner à la polémique. Ici, lequiproquo est né d’une différence d’usageentre la France et l’Italie.En 2011, le Parc national de la Vanoise futinvité par le Parc national italien du GranParadiso à co-organiser avec trois autresparcs transalpins le 7e concours Fotografareil parco.Peu après l’ouverture du concours, unevolée de critiques nous est parvenue de lapart des milieux photographesprofessionnels français (forums, presse,syndicats…), accusant le parc de la Vanoisede fouler au pied le droit des auteurs etd’exploiter leurs œuvres à bon compte.Notre erreur fut de ne pas avoir mesuré laportée de la clause du règlement attribuantaux organisateurs du concours le droitd’exploiter librement les images reçuesdans le cadre de la compétition, lesquelss’obligent simplement à citer les auteurs, envertu de la Convention de Berne pour laprotection des œuvres littéraires etartistiques. Nous avions laissé reconduirecette clause, qui figurait déjà dans lerèglement du concours depuis l’origine.Nous avions bien signalé à nos confrèresitaliens que, pour nous, il n’était pasquestion d’exploiter des images sanscontractualiser avec les auteurs (le parcmène une politique photographiquerespectueuse de la déontologie et veille aurespect du droit des auteurs).Il nous fallait calmer le jeu : nous avonspublié sur notre site un complémentd’information sur le règlement. Tout estalors rentré dans le calme.Cette année, nous avons reconduit notreparticipation à ce concours selon les mêmestermes et avec la même précaution. �Patrick Folliet Parc national de la [email protected]

L’agenda en ligne

DROIT D’AUTEUR

Polémiqueà la frontière

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Page 20: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

20 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

LE D

Techniques, méthodes et Suivi des populations

Page 21: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 21

DOSSIER

Suivre l’évolution des popula-tions d’espèces est loin d’êtreune nouveauté et certains ré-

seaux de gestionnaires s’y attellentdepuis fort longtemps. C’est le casnotamment des espèces à enjeux cy-négétiques pour lesquelles uneconnaissance fine des populationset de leurs trajectoires conditionnele niveau des prélèvements admis-sibles. Cependant, le suivi des po-pulations d’espèces est-il encore d’ac-tualité à une époque où l’accentest mis sur l’état de conservation deshabitats naturels ? Cette questionquelque peu provocatrice méritenéanmoins d’être posée, notammentsous l’angle du choix des espèces quidoivent faire l’objet d’un suivi. Eneffet, face à la pénurie des moyensdisponibles, il y a lieu de faire deschoix, parfois douloureux.Ces derniers doivent tenir compte denombreux paramètres:• le degré de sensibilité ou de me-naces. C’est le cas par exemple desespèces soumises à plan d’actions.• la nécessité de poursuivre des sé-ries à long terme qui font cruelle-ment défaut pour beaucoup degroupes. Interrompre un tel suivi, neserait-ce qu’une année, peut com-promettre une interprétation fiabledes résultats de la série temporelle.• le caractère « indicateur» des es-pèces suivies. Une part très signifi-cative des espèces faisant l’objet desuivis concerne des vertébrés ou desvégétaux supérieurs. Est-on sûr quel’état de ces espèces soit totalementrévélateur de l’état des écosystèmes?Collemboles, myriapodes et lichensn’auraient-ils pas des enseignements

SOMMAIRE21 Encore d’actualité,

le suivi des populations ?

22 Connaître, oui. Mais pour quoi faire ?

23 Suivi, les 3 questions préalables.

24 L’avis de Patrick Haffner. Ne cédons pas à l’effet de mode.

25 Protocole mal calé, le petit coup de pouce des biostatisticiens.

Combien ça coûte, un suivi ?

26 Méthodologie. Donnez toutes les chances de réussite à votre suivi.

27 Suivre une population sans pouvoir identifier les individus.

28 Quelques programmes…

30 Données naturalistes dans les parcs nationaux. Voici venu le temps de l’harmonisation.

31 Huit erreurs à ne pas commettre.

32 Articuler plan national d’actions et suivis sur site.

34 Quand la recherche s’intéresse aux différentes échelles spatiales et temporelles.

pertinents à nous fournir sur l’étatde la litière forestière, de nos sols, dela qualité de l’air?Dans ce domaine, une clarificationsémantique et fonctionnelle s’im-pose: un suivi n’est pas un inventaire.Un inventaire se matérialise par unedonnée de présence (ou trop peu sou-vent d’absence) d’une espèce sur unterritoire donné. Les plus modernesd’entre eux abordent, à la marge, l’as-pect quantification. Le suivi impliqued’appréhender les relations qui peu-vent exister entre la dynamique de lapopulation d’une espèce et la gestiondu territoire qu’elle occupe. Ceci in-terroge sur l’objectif d’un suivi :quelles questions se posent? Quelsprotocoles permettront le mieux d’yrépondre?Enfin, il y a lieu de réfléchir aux re-lations qui doivent s’établir entre lesopérateurs des suivis, les agents char-gés du traitement des données et lafaçon dont ces informations doiventêtre communiquées aux gestionnairespour qu’ils puissent les traduire dansleurs plans de gestion.Les suivis d’espèces ont de beaux joursdevant eux, notamment par leurcontribution à la documentation desconséquences des changements quiaffectent notre planète. Néanmoins,leur pérennité et leur efficacité pas-sent par un effort de rationalisationet de communication des opérateurset des gestionnaires pour convaincreles décideurs de leur pertinence. �Jean-Philippe SibletDirecteur du servicedu Patrimoine naturelMuséum national d’histoire [email protected]

Encore d’actualité, le suivi des populations?

Sous la direction de John Thompson CNRS,Dossier préparé par Julien Touroult MNHN, Nicolas Debaive RNF, Adeline Destombes CEN, Anne Douard RNF.

perspectives

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DESuivi biologique par les

agents du Conseilsuperieur de la pêched’une frayère àbrochets aménagée auniveau du barrage deJaulnes sur la Seine.

Page 22: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

22 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

LE DOSSIER I SUIVI DES POPULATIONS

Connaître, ouiMais pour quoi faire?

Plusieurs raisons condui-sent le gestionnaire àmener des suivis. Il y

a sans conteste des originesobjectives et d’autres résul-tant de propositions de par-tenaires (la recherche parexemple).En premier lieu, les suivis re-lèvent d’un enjeu de connais-sance. Ils vont permettre auprofessionnel de valider, ounon, ses choix. En effet, le ges-tionnaire voudra évaluer sagestion (ai-je atteint mon ob-jectif ?), qu’elle soit active ourelève de la non-intervention,et pour ce faire, il devra ana-lyser les résultats de suivis.Des suivis qui diffèrent se-lon que l’espace soit géré dansla perspective de conservationd’une espèce ou d’un grouped’espèces à forte valeur patri-moniale ou du rétablissementde grandes fonctions écolo-giques. Ils peuvent alorsconcerner aussi bien des es-pèces très rares, cibles de lagestion, ou plus communesmais indicatrices de l’état deconservation d’un habitat1.Seconde raison pour laquelle

ENJEUX

un gestionnaire doit évaluerses pratiques : la nécessité dejustifier ses choix et leurs ré-sultats auprès de ses parte-naires.• Des partenaires financiers :la gestion a un coût et il fautalléguer de la bonne utilisa-tion de l’argent public.• Des usagers multiples : lesoptions de gestion peuventmodifier ou restreindre cer-tains usages ou perceptionsdu milieu naturel. Il n’est qu’àinterroger des habitants aprèsune opération de déboisementdans l’objectif de restaurer unmilieu ouvert (ou a contrariode non-restauration d’unedigue après tempête) pourpercevoir qu’il faut démon-trer la pertinence de ses choixen relation avec les objectifsde conservation du patri-moine naturel.L’enjeu est à la fois d’asseoirla crédibilité du gestionnairemais aussi de sensibiliser lesdifférents usagers aux pra-tiques mises en place.Souvent un gestionnaire a be-soin de références à d’autreséchelles que celle de son es-

pace d’action pour évaluer sespropres résultats. Le fait estque compiler des résultats deplusieurs sites ou se servir desuivis réalisés à des échellesgéographiques plus vastes(zone de protection spécialeZPS, zone spéciale de conser-vation ZSC, observatoire ré-gional…) alimente les poli-tiques publiques. La guerredes chiffres peut devenir d’au-tant plus aiguë qu’ils touchentà des sujets sociologiquementsensibles (dates de chasse, ef-fectifs des loups…).

Dans ce cas, il est essentiel des’assurer que les résultatssont suffisamment robustes.C’est pourquoi il arrive quel’on fasse intervenir un co-mité d’experts (le Grouped’experts sur les oiseaux etleur chasse par exemple) qui

valide, ou non, les conclu-sions tirées des résultats.L’enjeu d’un suivi peut doncêtre éminemment politique.Une chose est sûre: la mise enplace de suivis ne relève pasdu plaisir ludique du natu-raliste qui aimerait toutconnaître sur l’état et le fonc-tionnement écologique du sitegéré mais découle bien dechoix réfléchis.En revanche, on ne peut pastout suivre. Il est donc néces-saire de se demander à quellequestion on souhaite répon-dre en mettant en place unsuivi. Dans tous les cas, ne pasoublier qu’une réponse fiabledemande du temps. Se jouentalors toute l’importance debien poser la question initialeet le fait d’adopter le protocoleen conséquence. �

Francis MeunierDirecteur adjoint CEN [email protected]

1. On pourra utilement sereporter au dossier paru dansEspaces naturels 40,octobre 2012, traitant de l’étatde conservation.

“L’enjeu d’un suivipeut êtreéminemmentpolitique.

Un suivi ne relève pas du plaisir ludique du naturaliste qui voudrait tout connaître.

Mise en œuvred’un «suiviOrthoptères»(compositionde lacommunautéet abondance).

CEN

Pic

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Page 23: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 23

“Cherchez àidentifier le plusprécisément possibleles processus sous-jacents auxchangementsobservés.

Tout suivi suppose queles informations récol-tées soient suffisam-

ment pertinentes pour per-mettre de comprendre lefonctionnement du systèmeécologique et d’en éclairerla gestion. En pratique, cettemaxime nécessite d’adopter,préalablement à toute action,un petit nombre de principes.

S’intéresser aux fluxComme tout système com-plexe, les systèmes écolo-giques sont instables. Le pre-mier principe suppose dedépasser les patrons descrip-tifs pour chercher plutôt àidentifier le plus précisémentpossible les processus sous-jacents au changement ob-servé ; ainsi que l’ampleur desmodifications attendues sousl’effet des activités humaines.Ceci suppose de s’intéresseraux flux de matière et d’éner-gie pour les écosystèmes (fluxde naissance, de mort, de dis-persion pour les populations)qui régissent la dynamique deces systèmes.La tentation pourrait être des’intéresser uniquement àl’état de l’écosystème. Le re-gard en serait faussé. En ef-fet, deux écosystèmes peuventêtre dans un état d’apparencesimilaire et, en réalité, êtresoumis à des flux différentsqui les amèneront à évoluerdissemblablement.Ce principe peut être illus-tré par la figure 1 qui repré-sente trois baignoires. Avecun niveau équivalent, les bai-gnoires A et B ont un état si-

Comment faire pour que les données récoltées lors d’un suivi soient vraiment pertinentes etpermettent de comprendre le fonctionnement du système écologique? Quels principes de base sontà connaître?

milaire. Leur réalité cepen-dant n’est pas analogue,puisque le flux du robinet estdifférent dans les deux cas.Il sera judicieux d’observerque la dynamique des flux estsimilaire pour les baignoiresA et C qui devront être sou-mises au même type d’inter-vention.Appliqué à la gestion des es-paces naturels et s’agissantpar exemple des populationsde vertébrés, ce principe ren-voie à la nécessité de faire dessuivis combinant estimationdes effectifs et d’individus,(marqués pour apprécier lesflux démographiques1). C’est

ainsi que l’on a pu compren-dre la décroissance rapide despopulations occidentales decigognes blanches hivernantau Sahel : s’agissait-il d’unedégradation des conditionsd’hivernage ou de nidifica-tion? Concernant la popula-tion nichant au Bade-Wurtemberg, une relationentre probabilité annuelle desurvie et pluviométrie dansl’aire d’hivernage sahéliennea permis de modéliser avec

précision les effectifs nicheursde 1957 à 1973 (figure 2). Cequi a permis d’attribuer, dansle patron de décroissance, unrôle prédominant à la sensi-bilité aux épisodes de séche-resse au Sahel.

Évaluer la précision du suividans le temps et l’espaceLe second principe de baseconsiste à bien percevoir queles données constituent unapport d’autant plus consé-

quent qu’elles s’inscriventdans l’espace et dans le temps.Il en est ainsi des cigognes enAlsace. On a pu observer quela pente d’une régression li-néaire entre survie et pluvio-métrie printanière se stabiliseà partir de neuf années dedonnées (figure 3A), mais nedevient significative qu’à par-tir de dix-huit ans (figure 3B).Pour optimiser les suivis, ilconvient donc d’évaluer laprécision attendue dans l’es-

Figure 2 Effectifs nicheurs, observés (X) et modélisés (O),à partir de la relation Probabilité annuelle de survieadulte/Pluviométrie au Sahel, de la population de cigogneblanche du Bade-Wurtemberg.

Figure 1 Le niveau (variable d’état) de la baignoire A estsemblable à celui de la baignoire B, mais les flux(mécanismes) sont semblables à ceux de la baignoire C,impliquant une gestion similaire.

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057 59 61 63 65 67 69 71 73 75

Suivi, les questions préalables3

Page 24: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

24 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

LE DOSSIER I SUIVI DES POPULATIONS

pace et dans le temps pourpouvoir détecter un change-ment considéré comme bio-logiquement signifiant qu’ungestionnaire pourra prendreen compte.

Évaluer les variablesLe troisième principe portesur la mesure des variableselles-mêmes. Lors de comp-tages d’individus ou d’évé-nements, qu’il s’agisse d’esti-mer des effectifs, des taux demortalité, des probabilités defloraison…, la sous-estima-tion est la règle.À titre d’exemple, suite à uneforte sécheresse hivernale, unrecensement des ophrys en

Languedoc au printemps 2012conclurait à la rareté de biendes espèces, les bulbes n’ayantpu produire ni hampes floralesni même rosettes.Pour pallier cette sous-esti-mation, les méthodes de cor-rection de la détectabilité(dont font partie les méthodesde capture-recapture) des po-pulations et communautés devégétaux et animaux sont ac-tuellement en pleine explo-sion. Leur emploi induit en

général une hausse des effec-tifs estimés mais aussi, danscertains cas, une révision à labaisse des capacités de crois-sance des populations, lais-sant inchangée l’appréciationde l’état de conservation.

Les trois questionspréalablesTrois principes qui invitent lesgestionnaires à se poser troistypes de questions :• Comment accompagner lesvariables d’état de donnéesmettant l’accent sur les mé-canismes?• Comment optimiser la por-tée des suivis dans le tempset l’espace ?

• Comment corriger les me-sures de terrain basées sur ladétection d’individus oud’événements ?De quoi organiser, bien enamont, la planification d’unsuivi. �Jean-Dominique [email protected]

1. Notamment par les méthodesde capture-recapture (voir arti-cle p. 25, Cabaret et Besnard).

Figure 3 Relation Survie des cigognes/Pluviométrie au Sahel.La pente de la relation (A) se stabilise à une valeur négative àpartir de 9 ans de données, mais (B) le test la comparant à 0ne devient significatif qu’à partir de 18 ans de données.

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Nombre d’années de données

Valeur seuil du test t(au risque 5 %)

B

Ne cédons pasà l’effet de mode

Pour la faune comme pour la flore, lesprofessionnels de la nature reçoivent desinvitations de plus en plus nombreuses à

participer à des opérations de suivis d’espèces. Effetde mode ou réelle prise de conscience de lapuissance de ces dispositifs en matière deconservation?Je ne parle pas ici des suivis d’individus, ou deprotocoles appliqués par des chercheurs avec unobjectif très ciblé et pour un temps limité. Je veuxparler de ceux visant les populations d’une espèce etqui mobilisent parfois un grand nombred’observateurs à intervalle régulier.Ces suivis ne sont pas nouveaux. Dans un premiertemps, ils ont surtout été appliqués aux vertébrés,d’abord à des fins de gestion cynégétique puis deconservation. Citons, par exemple, le célèbreChristmas Bird Count qui, depuis 1900, permet ledénombrement des oiseaux en hiver aux USA. C’estvenu plus tard en France… On compte, par exemple,les oiseaux hivernants des zones humides depuis lafin des années 1960 ou encore les migrateurs sur lescols pyrénéens depuis 1979.Dans les années 1980, les dispositifs se sontmultipliés : mammifères marins, onguléschassables, chauves-souris, mais aussi papillons ouplantes menacées, pour ne citer que quelquesexemples.Cependant, tout compter est difficile. Et l’obtentionpar échantillonnage d’un indice qui permettra dedéterminer la tendance démographique d’uneespèce est déjà un résultat formidable. Ainsi, unnouveau type de suivis s’est développé. On pense,bien sûr, au célèbre Stoc (Suivi temporel des oiseauxcommuns), un pionnier en la matière en Francepuisque lancé en 1989. D’autres programmes baséssur le même principe ont suivi. Citons par exempleles initiatives prometteuses concernant les plantesmenacées de montagne. Elles vont de pair avec ledéveloppement des observatoires de la biodiversitéet des programmes de sciences participatives. Lesnaturalistes, tant amateurs que professionnels, sontmaintenant très sollicités. Le grand public ne peutêtre mis efficacement à contribution que dans dessituations très particulières.Les suivis sont indispensables. C’est une bonnechose qu’ils se multiplient. Pour ne pas qu’ils setransforment en phénomène de mode, veillons à nelancer de tels programmes que lorsqu’on est assuréque les bénéfices, en termes de sensibilisation etd’acquisition de connaissances, seront à la hauteurdes investissements. � [email protected]

”L’avis dePatrick HaffnerResponsable du Pôle espècesMuséum national d’histoire naturelle

Page 25: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 25

La pie-grièche écorcheur est uneespèce d’intérêt communautaire1.Pour en estimer l’abondance dans

la zone de protection spéciale Forêt, bo-cage, étangs de Thiérache, une étude estentreprise en 2009. Or, une fois le pro-tocole monté et le travail de collecte ef-fectué, le Parc naturel régional del’Avesnois (opérateur) s’aperçoit de soninadéquation. Les résultats ne peu-vent pas être interprétés.L’opérateur a pourtant suivi à la lettreles étapes de la méthode de Distancesampling qu’il a considérée comme étantla plus adaptée. Celle-ci, en effet, mo-dule les résultats en tenant compte dufait que plus l’observateur est loin, moins

il a de chance d’identifier d’oiseaux. Aprèscinquante-sept jours de terrain et deuxagents du parc mobilisés, la banque desdonnées est confiée à un biostatisti-cien du CNRS afin de l’analyser. C’est làque le verdict tombe : l’analyse statis-tique révèle des inexactitudes. Elles sontliées aux contraintes de terrain qui ontconduit à fausser la méthode. La pré-sence des haies notamment, limite la vi-sion de loin et aboutit à une suresti-mation de la densité.Il y a quelques années, ces données au-raient été inexploitables. Heureusement,un lien fort s’est construit entre les ges-tionnaires et les biostatisticiens quiconnaissent bien le panel de méthodes

C’était plutôt mal parti… Les données recueillies sur la pie-grièche écorcheur s’avéraient erronées.S’était-on trompé de protocole? Tout serait donc à jeter… Heureusement, il est parfois possible desauver le suivi en adaptant les méthodes d’analyses, quitte à sacrifier des données.

Combien ça coûte?

Protocole mal calé, le petit coup de pouce des biostatisticiens

disponibles, leur adaptabilité aux don-nées récoltées et les contraintes qu’ellesimposent sur le terrain. Ils savent que,depuis quelques années, de nouvellesméthodes d’analyses existent, dont unenommée Site occupancy récemment éla-borée. Cette dernière peut être utiliséepour le type de données collectées ; àcondition d’accepter de perdre un peud’information. La méthode vise à esti-mer la détection moyenne des individussur l’ensemble d’un secteur pour ensuitecorriger les abondances observées. Ellen’impose plus de travailler avec unebonne visibilité des longues distances.Elle nécessite pour cela de prospecter denombreux secteurs avec plusieurs pas-sages sur les mêmes secteurs; ce qui étaitexactement le cas du protocole déployésur le terrain.Ouf, ont pu murmurer les protagonistes,contents qu’une collaboration originaleleur ait permis d’aboutir. Ils retiendrontqu’en amont des choix concernant leprotocole de suivi et la récolte des don-nées, il est primordial de bien identifierles méthodes d’analyses des données quiseront employées et les contraintes liéesà leur usage. Enfin, il est parfois possi-ble d’interpréter à partir d’un protocolemal calé en utilisant des méthodes d’ana-lyses plus adaptées. �Pauline [email protected]élien [email protected]

1. Elle figure à l’annexe I de la directiveOiseaux et possède un statut vulnérable àl‘échelle du Nord-Pas-de-Calais.

Que faut-il intégrer dans le coût d’un suivi ? La première variable àprendre en compte est l’effort d’échantillonnage qui comprend lenombre de sites à inventorier, leur répartition spatiale, le nombre et

la fréquence des visites envisagées ainsi que les mesures prévues (natureet nombre de taxons, variables environnementales).En pratique, l’évaluation devra comprendre, pour chaque taxon, le matérielnécessaire, le temps de relevé in situ, auquel s’ajoute un temps d’analyseen laboratoire, et le coût du déplacement. Ces estimations varient selonque l’on fait intervenir des spécialistes ou des gestionnaires (tel le suividendrométrique des réserves forestières) ou bien encore des bénévoles(suivi temporel des oiseaux communs, Vigie nature).Enfin, le coût devra intégrer une part d’animation du réseau : organisationde réunions de coordination, d’exercices d’intercalibration desobservateurs, d’une phase de rendu auprès des financeurs et decommunication. Une phase d’analyse statistique peut également êtreenvisagée lorsque le jeu de données s’y prête. � Yoan Paillet Ingénieur de recherche Irstea - [email protected]

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Mâle de pie-grièche écorcheur empalantun orthoptère sur un prunellier.

Page 26: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

26 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

Repères

Un suivi scientifique apour but d’observer un objet(population, communautéd’espèces) ou un paramètreabiotique (salinité, pH…) pourcomprendre sa trajectoire. Lepoint de départ est unequestion bien identifiée :déclin? augmentation?stabilité? Le suivis’accompagne de la définitiond’un protocole adapté à laquestion posée et dont lamise en œuvre pourras’interrompre dès obtentionde la réponse attendue. Lesuivi repose sur des donnéesrépétées dans le temps pourvérifier l’atteinte d’un objectifde gestion ou renseigner unindicateur de dynamique.

La surveillance impliqueles notions d’inspection et devigilance. Elle prend diversesformes : collecte demétriques de base,biologiques ou abiotiques,comme l’observation desparamètres de l’habitat d’uneespèce… On ne part pasforcément d’une question nid’idée préconçue surl’évolution des paramètresmesurés. Les protocoles sontsuffisamment simples pourêtre reconductibles à longterme. �Emmanuel Caillot, John Thompson

Donnez toutes les chances de réussite à votre suivi

Réserves naturelles deFrance a l’expérience !Depuis plus de vingt

ans, l’association développedes protocoles standardisésde suivi d’espèces et d’habi-tats. Des protocoles souventélaborés en partenariat avec

des organismes scientifiqueset qui correspondent à des be-soins identifiés dans les plansde gestion. Tout pourrait doncêtre pour le mieux mais la réa-lité montre que certains sui-vis tombent en dormanceaprès quelques années. Ceconstat met en cause l’ani-mation, la centralisation etle traitement des données. Cesfacteurs essentiels du succèsà long terme sont trop souventnégligés au départ.

Animation. Quelle que soitla complexité de la méthodo-logie proposée, il est essen-tiel d’accompagner les nou-veaux utilisateurs. En ce sens,la rédaction d’une notice sim-ple d’aide à la mise en œuvreest éminemment utile. Les for-mations de terrain sont égale-ment essentielles et permet-tent de rendre le gestionnaireopérationnel et autonome pourconduire le suivi et obtenir desdonnées standardisées et donccomparables. On évite ainsi unessoufflement précoce d’unedynamique et une récolte dedonnées incomplètes. La tenuede formations peut être envi-sagée par le biais de partena-riats ou via l’Aten par la miseen place de formations-actions(ex: initiation à l’identificationd’espèces).

Bancarisation des données.L’absence d’une fiche de ter-rain unique et d’une base dedonnées dédiée est souvent àl’origine de difficultés d’ana-lyse. Le moindre défaut de ca-drage peut en effet inciter les

utilisateurs à modifier le pro-tocole « à leur sauce», ren-dant ensuite compliquéesl’agrégation et l’analyse desdonnées. La centralisation au-tomatisée et la sécurisationdes données doivent égale-ment être assurées par le re-cours à des outils de base dedonnées adaptés et qui peu-vent fonctionner avec d’autresbases existantes ou futures.Ces protocoles peuvent no-tamment venir alimenter demanière ponctuelle des basesde données régionales ou na-tionales (INPN, SINP…).Concernant l’aspect cartogra-phique, outre la mise en placed’une base de données géo-graphique centralisée, un ou-til de gestion des métadonnéesest indispensable pour assu-rer des échanges dans les rè-gles de l’art (dont certainessont réglementaires).

Traitement des données. Sila mise en œuvre du suivi estcoordonnée en partenariat avecun organisme scientifique, ily a de fortes chances pour queles traitements et les analyseslui soient confiés. Lorsquecette stratégie n’est pas prévueau lancement du protocole, lerecours aux stagiaires est sou-vent privilégié (parfois parsouci budgétaire). La qualitédes analyses et la pertinencedes résultats présentés sontalors fortement tributaires descompétences de ces derniersmais surtout de l’encadrementtechnique et scientifique quileur est apporté au sein de lastructure d’accueil. Il est alors

judicieux d’organiser des col-laborations avec des expertslorsque les analyses deviennentcomplexes.

Communicationdes résultats. Il est essentielégalement que chaque ges-tionnaire puisse bénéficierd’un traitement rapide de sesdonnées, notamment lorsquesa participation s’inscrit ausein d’un dispositif nationalou inter-sites. Un retour per-sonnalisé est considéré par leprofessionnel de la naturecomme une reconnaissanceet un juste retour au regarddes efforts humains et finan-ciers consentis. Les résultatsd’un suivi seront d’autant plusvalorisables localement qu’ilspourront être comparés à pluslarge échelle, celle des sitesmis en réseau.L’effort commun devient alorsune plus-value qui précise lesenjeux de chaque réserve na-turelle pour une gestion auplus près des réalités écolo-giques. Enfin, la communi-cation des résultats à pluslarge échelle et adaptée au pu-blic visé (rapports, articles,conférences, etc.) est souventessentielle pour pérenniser ouélargir la mise en réseau dessuivis. Elle doit être réfléchiele plus en amont possible. �Nicolas Debaive RNF nicolas. [email protected]

Alexandre Touzé RNFGestionnaire de BDD/[email protected]

Les suivis inter-sites permettent de mieux comprendre le rôle desréserves et, ainsi, de préciser les enjeux pour une gestion plusefficace. À condition qu’ils ne tombent pas en dormance. Antidote…

MÉTHODOLOGIE

LE DOSSIER I SUIVI DES POPULATIONS

Luca

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es

L’étape du terrain

Page 27: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

La représentation ci-dessus constitue une synthèse visuelle dusuivi aux deux échelles : la parcelle (taux d’occupation del’espace) et la placette (abondance).

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 27

Déclin, augmentation,stabilité… Les suivisdémographiques ont

vocation à identifier les dy-namiques des populations, lescauses de changements ob-servés et les processus sous-jacents. Chez les plantes parexemple, ces études impli-quent de repérer des indivi-dus et d’observer leurs tran-sitions entre différents stadesde vie : de graines à plantulesjusqu’à l’état reproducteur.Hélas, de tels suivis ne sontpossibles que sur quelques es-pèces présentant des stades devie bien différenciés, alors quela plupart des plantes ne seprêtent pas au jeu! Comment,en effet, identifier les indivi-dus d’une graminée annuelledont la densité peut dépas-ser les 500 plantes au m² ou,pour une plante à bulbe, plusde 250 pieds au m² (photos 1et 2)? Comment être sûr quetelle tache appartient à tel in-dividu chez une espèce clonaleà rhizomes souterrains trèsextensifs (photo 3)?Ces problèmes sont classiquespour la flore, et récurrentschez les espèces protégées.Mais tout n’est pas perdu ce-pendant! Il est possible d’éva-luer simplement la dyna-mique d’une population entravaillant conjointement àdeux échelles. Voici un pro-tocole qui permet de le faire.

Déterminer le tauxd’occupation de l’espacepar l’espèceCe suivi s’effectue à l’échellede la parcelle. Pour cela, onfigure une grille au sol. Danschacun des carrés définis parles mailles de la grille, on note

si l’espèce est présente ou non.Ce relevé peut être traduit surune cartographie par des sym-boles marquant, tout simple-ment, la présence ou l’absence.La taille de la maille devra,bien sûr, être adaptée à l’es-pèce. On veillera particulière-ment à optimiser le nombrede mailles en fonction de la di-mension de la population; cecipour consolider l’analyse desdonnées.Cette mesure peut être répé-tée à intervalles réguliers (tousles quatre ou cinq ans). Ellepermet de suivre les change-ments d’occupation globale dela station ou d’un échantillonreprésentatif. Il suffit pour celade comparer les cartographies.

Mesurerl’abondance de l’espèceEn parallèle, on travaille à uneéchelle plus fine, celle de laplacette, afin de mesurer lesvariations d’abondance et d’oc-cupation de l’espace dans lapopulation. Pour ce faire,l’opérateur définit des placettesfixes. Il faut veiller à ce que

C’est possible : suivre une populationsans pouvoir identifier les individusImpossible pour vous d’identifier si deux fleurs appartiennent à deux plantes différentes? Toutn’est pas perdu, des protocoles de suivi des populations existent quand même.

MÉTHODOLOGIE

Populationsuivie

En vert clair :densité faibleEn vert foncé :densité forte

Placettepermanente

CARTOGRAPHIE D’UNE ESPÈCE

leur implantation respecte lagamme de densité des popu-lations : ne pas se focaliser surle lieu où l’espèce est très pré-sente ou a contrario, sous-représentée.Ces placettes sont alors sub-divisées en cellules dans les-quelles on retient (comme àl’échelle de la parcelle) la pré-sence ou l’absence de l’es-pèce ; de plus, on comptera lenombre de fleurs, de tiges, derosettes… pour quantifierl’abondance.

Calculerle taux de changementLa synthèse des deux ap-proches s’effectue entre deuxdates par une analyse des tran-sitions des présences/absencessur la parcelle et de l’abon-dance sur chaque placette.On peut alors calculer un tauxde changement standardisé quivarie de -1 à +1 et permet dedire si une population est enexpansion (valeurs positives)ou plutôt en régression (va-leurs négatives), voire stable.Même sans suivre les indivi-dus, ce protocole et ce typed’analyse standardisés per-mettent de comparer plusieursespèces ou populations sur unmême pas de temps.Pour optimiser le suivi, il suf-fit de l’adapter aux caractéris-tiques biologiques et écolo-giques de l’espèce : échellespatiale, nombre et taille deplacettes, superficie à suivre.On n’identifie pas les indivi-dus… mais on peut suivre lapopulation. �Perrine Gauthier [email protected] Thompson [email protected]

2. Allium chamaemoly

A. R

enau

x

3. Convolvulus lineatus

1. Stipa capensis

N. B

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A. R

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x

Page 28: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

28 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

LE DOSSIER I SUIVI DES POPULATIONS

Quelques programmes…Il pourrait exister autant de protocoles de suivi que de questions posées par le gestionnaire ou le scientifique. Ce tableau n’est

pas exhaustif, loin s’en faut, mais il propose une grille de lecture. On retiendra : dans la perspective de suivi d’espècespatrimoniales, le groupe taxonomique est une entrée évidente (l’espèce en elle-même est le but du suivi). Cependant, d’autres

clés sont tout aussi importantes. Il en est ainsi des moyens et compétences, du public, de l’échelle géographique et des réponsesque l’on souhaite obtenir. Les cinq exemples de suivis papillons montrent qu’il est impossible de trouver un protocole uniquecombinant tous les objectifs et optimisant les contraintes (moyens, compétences…). Les divers objectifs doivent être intégrés dèsla conception (cf. article Steli p. 32). Pour une même question, il est utile d’utiliser le même protocole. Bien que la diversité desméthodes soit justifiée, un travail de qualification et d’harmonisation des protocoles serait souhaitable pour les gestionnaires. �

Grouped’espèces visé

(ou groupefonctionnel)

Protocole Type de milieux Temps consacré Périodicité

Finalités visées* Recherche

écologieEffet

gestionSensibilisation

du publicEspèce

patrimonialeListe

d’espèces

* Finalités visées. Recherche écologie : études avec analyse de données des relations entre espèces et leur milieu. • Gestion : effets de la gestion, enquoi l’évolution des espèces nous renseigne sur l’état du milieu. • Sensibilisation : participation des personnes non spécialistes du domaine. • Espècespatrimoniales : dispositifs qui permettent de suivre des espèces « rares » ou menacées. • Liste d’espèces : capacité du suivi à fournir des informationscomplètes sur les différentes espèces présentes sur le secteur suivi. •

Rhopalocères(papillons de jour)~ 250 espècesen France

Sterf Suivi temporel desrhopalocères de France Milieux ouverts Minimum 4 h par an

et par site +++ + - + +

Propage Protocolepapillon gestionnaire Milieux ouverts Minimum 30 mn par an sur

un site + ++ ++ - +

Protocole RNF de suivides milieux ouverts parles rhopalocères.

Milieux ouverts Minimum 24 h par an surun site + +++ - ++ ++

OPJ Observatoire despapillons des jardins Jardins Le temps consacré est

fonction de l’observateur ++ + +++ - -

Protocole de suivi d’uneespèce cible d’un plande gestion (ex. le fadetdes laîches)

Milieux ouverts

Temps fonction de lasurface d’habitat favorableet de la durée de la périodede vol. Par exemple, 9 h paran pour un petit siterenfermant Coenonymphaoedippus

+ +++ -- +++ ---

Oiseauxlimicoles

Protocole RNFSurveillance continuedes stationnements delimicoles côtiers

Milieux littoraux2 à 4 h (selon la taille desunités fonctionnelles)autour du 15 de chaquemois.

+++ +++ + +++ ++

Florepatrimoniale

Suivi territoire réseauAlpes-Ain deconservation de la flore(RAACF). Protocole desuivi d’espècespatrimoniales à l’échelled’un territoire (Liparisloeselii, Eryngiumalpinum…)

Habitats naturels

La fréquence de suivi varieen fonction de l’espèce(annuel à tous les 5 ans) ;le temps consacré par sitevarie en fonction del’espèce (protocole plus oumoins lourd, espèce plusou moins détectable) et dusite (accessibilité et tailledu site) : de 2h à 24henviron.

- + - +++ +

Tortuesmarines

Suivi des pontes detortues marines auxAntilles françaises

Plages

Autour de 10 000 heures deterrain par an (sanscompter qu’une partie dessuivis se fait à plusieurs)du 1er mars au30 novembre.

+ - ++ +++ +++

Amphibiens Protocole amphibien ONF Milieux humides

5 jours pour le suivi annuelde 5 à 10 mares (variableselon les situations). 5passages d’une journéechacun.

+++ +++ + ++ +++

Page 29: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 29

À quoi veut-on répondre avec ce suivi (non exhaustif) ? Échelle* Modalités

d’observation*Possibilité/limites d’usage pour

le suivi d’un espace naturel ?

Compétencestaxonomiques

nécessairesEn savoir +

• Échelle. Principale échelle visée à l’origine. Il est souvent possible de modifier le plan d’échantillonnage pour répondre à d’autres échelles. Dans lamême idée, des protocoles à visée nationale peuvent apporter des réponses régionales à condition qu’il y ait suffisamment d’échantillons dans la région. •Modalités d’observation. Exemples : point d’écoute, transect, photo, piégeage, prélèvement de substrat.

• Régression/stabilité/augmentation ?• Relation entre l’occupation des sols etles variations observées ? Nationale Transect

Possibilité de réaliser leprotocole dans un espacenaturel mais pas de résultatexploitable à l’échelle du site,sauf modification du pland’échantillonnage

+++http://vigienature.mnhn.fr/page/suivi-temporel-des-rhopaloceres-de-france

• La gestion d’un espace vert favorise-t-elle le maintien de la biodiversité ordinaireen ville?

Site Transect Adapté aux espaces verts enmilieux urbains + http://propage.mnhn.fr/

• Effet des opérations de gestion sur ladynamique des espèces liées aux habitatsciblés par le plan de gestion ?

Site Transect

Plus adapté aux espacesnaturels comportant desformations herbacéesmésophiles à xérophiles

+++

www.reservenaturelle.fr/upload/protocolernf2007.pdf Contact : [email protected]

• Influence de l’urbanisation sur ladiversité des espèces de papillons ? Nationale

Observationdirecte, photospossibles

Non adapté + www.noeconservation.org

• Impact des opérations de gestion misesen place pour améliorer l’état deconservation d’une population à fort enjeupatrimonial ?

Site TransectNon adapté aux espèces liéesaux milieux arbustifs ou arboréset non floricoles

++Contact : [email protected]

• Approche dynamique du rôle du littoralfrançais pour l’accueil et la conservationdes limicoles côtiers : statut et distributiondes taxons observés ; connectivitésécologiques entre les sites ; rôle desAMP…

Site etnationale

Recensementsdirectsconduits àl’échelle del’unitéfonctionnelle

Pertinent pour comprendre lerôle de l’espace naturel (EN)dans la mesure où le suivis’intéresse à l’ensemble del’unité fonctionnelle à laquellel’EN appartient.

+++

www.reserves-naturelles.org/suivi-des-limicoles-cotiersContact : Emmanuel Caillot [email protected]

• La population de l’espèce considérée àl’échelle d’un territoire est-elle stable, enexpansion ou en régression ?

7départem.,échellesupra-régionale

Transectsrépartis àtravers toutela station

Suivi d’espèce plutôt qued’habitat mais l’espècepatrimoniale est généralementindicatrice d’une qualitéd’habitat

++

Site du RAACF :www.tela-botanica.org/page:liste_projets ?id_projet=72Contacts :[email protected]@cbn-alpin.org

• Effet de la protection et des mesures deconservation sur les populations detortues marines.• Indicateur de l’état de santé de lapopulation.

Régionale

Comptage desactivités deponte parespèce surune plagedonnée(moyenne de 8comptages parsite et parmois)

Pas concerné +www.tortuesmarinesguadeloupe.org/downloads/14-Protocole_Ponte_vers2010.pdf

• Impacts de travaux de restauration surle peuplement d’amphibiens ?• Évolution du peuplement de lamare/parcelle/forêt

Site etnationale

Réseau demares (pointd’eau)

Adapté pour le suivi d’EN àcondition d’étudier l’évolutiondu peuplement d’amphibiens etnon les abondances d’espècespour lesquelles il faut beaucoupde données.

+++(vis-à-vis du

dernierpassage où ilfaut identifier

les larves,sinon ++)

Contacts :[email protected]édric Baudran :[email protected]

CC-BY-SA jacme31CC-BY-NC-ND Daniel CC-BY Johan N CC-BY Brocken Inaglory CC-BY HabladorcitoD. Poblas

Page 30: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

IMPORTANCE RELATIVE DES THÉMATIQUES TRAITÉESDANS LES SUIVIS DES PARCS NATIONAUX DE 2005 À 2009

� Activités humaines� Écologie et physiquedu milieu

� Habitats� Flore� Faune

Mammifères •34 %

Autresvertébrés11 % •

• Invertébrés 4 %

• Oiseaux51 %

62%

14%10%

7%

7%

30 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

LE DOSSIER I SUIVI DES POPULATIONS

d’animation pour les équipes de terrain.L’analyse des résultats proprement ditemontre que l’étude des différents taxonsest déséquilibrée et que les suivis privi-légient les grandes espèces embléma-tiques (cf. figure). Cette observationest typique dans les sciences de la conser-vation, autant en France qu’à l’étranger.Ce biais semble avoir des racines histo-riques et sociologiques (espèces chassées,emblématiques, esthétiques…) mais aussiméthodologiques (difficultés techniquesà suivre certains taxons). Ainsi, sur les362 suivis menés au moins une fois en-tre 2005 à 2009, presque les deux tiersconcernent la faune (62%), largementdevant les thématiques flore (14%), ha-bitats (10%), écologie et physique du mi-lieu (7%) et activités humaines (7%).Parmi les protocoles créés au cours descinq dernières années, 45% concernentencore la faune même si ce taux diminueprogressivement depuis 1980 où il étaitde 80%.Parmi les 225 suivis d’espèces animales,les suivis d’oiseaux (51%) et de mam-mifères (34%) se démarquent largement.Avant 1980, la totalité des protocoles créésne concernait que ces deux groupes et cen’est qu’à partir de 1985 que la propor-tion de nouveaux protocoles créés les

Depuis 50 ans, les parcs nationaux collectent des données naturalistes

Voici venu le temps de l’harmonisation

Depuis 1963, chacun des parcs na-tionaux a mis en place un dis-positif d’inventaire et de suivi de

son patrimoine naturel. Ces démarchesrépondent aux besoins de connaissancesutiles pour gérer le territoire protégé et,également, pour communiquer sur sesrichesses. In fine, nous sommes au-jourd’hui en présence d’une abondancede données naturalistes mais égalementdevant une diversité de protocoles.En 2010, Parcs nationaux de France asouhaité y voir clair.L’organisme a missionné le Cefe-CNRSpour réaliser une synthèse de l’ensem-ble des opérations de suivi menées parles sept premiers parcs. L’harmonisationdes données est-elle possible? Elle pour-rait permettre d’augmenter l’efficiencedes suivis. Par ailleurs, ce travail de miseà plat visait à constituer un socle pourhiérarchiser les opérations scientifiquesen cours et pour construire la stratégiescientifique dans laquelle chaque parcest engagé avec son conseil scientifique.

Visées. Le premier objectif ambition-nait de réaliser un état des lieux des pro-grammes menés par chaque établisse-ment. Il s’agissait de garantir unetransmission structurée de la mémoirescientifique de l’institution et de ren-forcer sa démarche qualité.Au niveau inter-parcs, ce travail visaità construire une vision partagée des pro-grammes en cours ; il devait permettred’identifier les opérations nécessitant desrapprochements méthodologiques entreparcs ou dans les réseaux nationaux.Par ce biais, les initiatives innovantespouvaient être révélées, autorisant deconstruire de nouveaux protocoles coor-donnés mais aussi de mettre en relationles données du tableau de bord du pa-trimoine et des usages des parcs avec lesopérations scientifiques qui les ont pro-duites. Enfin, la tâche autorisait à mieuxcommuniquer sur ce travail collectif.

L’ENQUÊTE

Parcs nationaux de France s’est penché sur le contenu des suivis menés sur ses territoires.Au final, un foisonnement d’informations s’est fait jour, qu’il faudrait harmoniser pour gagner enefficacité.

État des lieux. Dans un premier temps,une grille commune de description desopérations scientifiques sur les espèceset les habitats a été définie. Elle visait àimplémenter une base de données.La démarche convoitait également d’ap-porter un appui aux établissements afinqu’ils renseignent cette base de données,analysent son contenu, produisent unesynthèse critique et forment les équipesscientifiques aux techniques d’échan-tillonnage. L’analyse révèle l’importancedes suivis en cours.Sur 525 opérations scientifiques intégréesdans la base de données, 435 ont été me-nées au moins une fois au sein des septparcs au cours des cinq dernières années.Le nombre d’opérations en cours aconstamment augmenté depuis 1960 etplus que triplé depuis 1990. Une pro-gression difficilement soutenable, tant entermes d’identification des priorités que

Sour

ce P

NF

“De fait, on s’aperçoitque les suivisprivilégient lesgrandes espècesemblématiques.

Page 31: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 31

Optimiser l’effort de terrain. Face àl’augmentation considérable du nombred’opérations, comment optimiser cet ef-fort de terrain? Tel est l’objectif des tech-niques d’échantillonnage.En effet, aujourd’hui, une large majo-rité des suivis menés dans les parcs im-plique un plan d’échantillonnage (62%).Seule une minorité vise à compter toute

la population sur l’ensemble du territoiredu parc (38%).L’établissement d’un plan d’échantillon-nage, légèrement majoritaire dans lessuivis dès 1960 (53%), augmente trèsfaiblement jusqu’en 2000, avant deconnaître un réel élan à partir de 2005,sans doute du fait de l’augmentationdu nombre d’opérations mais aussi deleur intégration progressive par leséquipes scientifiques des parcs.Pour qu’un échantillonnage soit perti-nent, les unités suivies doivent être sé-lectionnées aléatoirement. Or (et c’estsouvent le cas lorsqu’on ne maîtrise pastrès bien ces concepts), dans 86% dessuivis statistiques, les échantillons sontsélectionnés de manière subjective (pri-vilégiant les zones de présence connueou de grande densité et excluant les zonestrop difficiles d’accès).Les résultats de ces suivis sont souventgénéralisés à l’ensemble du territoire,même si les sites choisis ne sont pro-bablement pas représentatifs des ten-dances d’évolutions générales.Enfin seuls 20% des 362 suivis menésdans les parcs s’intègrent dans un réseauà large échelle : il s’agit principalementde l’Observatoire des galliformes de mon-tagne, de l’Observatoire national de l’éco-système «Prairie de fauche», du Suivitemporel des oiseaux communs et du ré-seau Grands prédateurs de l’ONCFS.Objet d’une forte participation des ser-vices scientifiques des parcs et accueillichaleureusement par les directions, lesconseils scientifiques, PNF et les agentsdes établissements (devant lesquels ontété organisées des restitutions), ce tra-vail devrait atteindre ses objectifs visantà faciliter la définition de la stratégiescientifique de chaque parc. Dans sadimension interparcs, il devrait permettred’identifier les thèmes communs et decommencer à construire des protocolespartagés. �Gilles [email protected]élien [email protected]

8234

5

678

Vous voulez lancer un suivi ? Voici huit pièges dans lesquels une bonnepréparation doit vous éviter de tomber.

Vouloir absolument suivre des espèces. En effet, il est parfois plussimple et plus informatif de suivre des indicateurs de qualité ou degestion du milieu. L’idéal étant de coupler les deux.

Penser que le protocole idéal existe, qui répond à plusieursquestions et à plusieurs échelles. Sauf à l’intégrer dès le départ,c’est très rarement le cas et il vaut mieux rester modeste et réaliste.

Chercher UN seul bon bioindicateur. Il n’y a jamais un bon indicateur etles groupes varient selon la question étudiée et les contraintestechniques.

Échantillonner en se focalisant sur les sites les plus importants.Ces sites peuvent avoir des tendances différentes de cellesenregistrées sur des sites plus marginaux. La nature étantdynamique, certains sites non occupés peuvent le devenir.L’échantillonnage aléatoire, si besoin avec une stratification, est àprivilégier pour pouvoir généraliser les résultats.

Réfléchir au nombre d’échantillons une fois le protocole lancé. Eneffet, il est impossible de revenir en arrière lors des premièresannées de suivi. Rassurez-vous, il existe des méthodes pour estimerà l’avance le nombre d’échantillons nécessaire selon la variabilité etl’ampleur de l’évolution (cf. article dans Espaces naturels n° 34 p. 41 : « les tests de puissance»).

Définir la méthode d’analyse une fois les données recueillies.L’expérience montre qu’il faut savoir dès le lancement comment et par quiles données vont être analysées, au risque de s’apercevoir après coup qu’on ne peut avoir la réponse à la question principale.

Dépendre d’une compétence rare. Pensez que les gens changent etqu’il faut pouvoir poursuivre l’étude.

Oublier d’intégrer les coûts d’analyses (cf. encadré p.25). �

Julien Touroult Muséum national d’histoire naturelle

1

8 erreurs à ne pas commettre

concernant diminuent progressivement(70% entre 2005 et 2009) au profit desautres vertébrés (amphibiens, reptiles,poissons qui ne représentent que 25 sui-vis soit 11%) et des invertébrés (9 suivissoit 4%).Le même phénomène se reproduit à l’in-térieur des groupes taxonomiques : lesongulés représentent aujourd’hui plusde la moitié des suivis de mammifères,loin devant les carnivores et les chirop-tères. De même, près de la moitié des oi-seaux suivis sont des rapaces et plus de20% sont des galliformes.Ce qui est vrai pour la faune l’est aussipour la flore et les habitats : 85% des sui-vis de végétaux s’intéressent aux sper-matophytes, loin devant les ptéridophytes(12%) et les algues (3%).

“Presque les deux tiers des suivis concernent la faune (62 %),largement devant les thématiques flore (14%), habitats(10 %), écologie et physique du milieu (7 %) et activitéshumaines (7%).

Page 32: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

PARTICIPER AU STELI?http://odonates.pnaopie.fr/contact

LE DOSSIER I SUIVI DES POPULATIONS

Antinomiques, les suivis nationaux et la veille locale? Pas si sûr. Le plan national d’actions desodonates et le suivi temporel des libellules montrent que l’articulation est possible.

CHALLENGE

Articuler plan national d’actionset suivis sur site

L’agrion de Mercure est une petite demoisellestrictement protégée, caractéristique des ruisseletsensoleillés riches en végétation aquatique, pourlaquelle la France possède une importanteresponsabilité de conservation. Elle est d’intérêtcommunautaire et ciblée par le plan nationald’actions en faveur des odonates. Le protocole Stelipermet de suivre ses populations tant à l’échellelocale que nationale.

conservation et améliorer leurprise en compte dans les po-litiques publiques.Son périmètre d’action se dé-ploie dans toutes les régions

Xavi

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d-O

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SFO

De prime abord, un pro-tocole national desuivi ne sert pas for-

cément les objectifs du ges-tionnaire à son échelle d’in-tervention. Faut-il pourautant considérer que les ap-proches sont cloisonnées oubien une adaptation pour ser-vir les objectifs locaux est-elleenvisageable ?Le plan national d’actions enfaveur des odonates (PNA)dont une des actions est leSuivi temporel des libellules(Steli) semble démontrer quel’articulation réciproque estpossible.Le plan national d’actions enfaveur des odonates concernedix-huit espèces menacées surle territoire métropolitain.Il vise l’acquisition de don-nées pour évaluer leur état de

L’aeschne isocèle est une grande libellule, typique des grandsétangs et marais bordés de roselières. Elle est rare etrelativement disséminée en France. Actuellement considéréemenacée et en régression à l’échelle nationale, elle ne disposed’aucun statut réglementaire mais peut localement constituerune priorité de conservation. Le Steli permet d’obtenir destendances sur l’évolution de ses populations.

Xavi

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SFO

32 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

1

2

Page 33: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 33

de la France métropolitaine,chaque Dreal désignant unopérateur régional. Le Steli, action transversale,est une des pierres de cet édi-fice. Son protocole a étéconçu pour répondre à desquestions nationales (quel estl’état de santé globale des po-pulations de libellules ?) etpour servir de protocole debase afin de répondre à desproblématiques locales (lanouvelle gestion de l’étang a-t-elle un impact sur les li-bellules ?). A priori cette double approchepeut sembler illusoire : unprotocole est toujours conçupour répondre à une question.Et pourtant…

le périmètre et le temps deprospection. Les observationspeuvent se faire à vue ou parcapture, les observateurs dé-butants peuvent identifier desgroupes d’espèces et, surtout,la collecte des données est cal-quée sur les habitudes des ob-servateurs de terrain : faireune liste complète des espècesde libellules présentes sur lesite de suivi.

Contraintes statistiques.Ainsi le Steli, dont l’objectifest d’obtenir des tendancesnationales principalementpour les espèces communespourra être compatible avecune veille patrimoniale pourles espèces à enjeu local.Par ailleurs, le protocole a étélonguement réfléchi afin deconcilier les contraintes d’ana-lyses statistiques, la proximitéavec les méthodes d’inven-taires utilisées et la facilité demise en œuvre. La réflexion aété menée avec l’aide de DutchButterfly Conservation, quipilote un suivi odonate depuisdix ans aux Pays-Bas. Aprèsavoir expérimenté un proto-cole très standardisé mais peumobilisateur, ils ont démon-tré qu’un protocole plus sou-ple basé sur des inventairesrépétés pouvait être tout aussiefficace.La principale difficulté des ob-servatoires nationaux étant deréunir un très grand nombrede données, c’est au regard deleur expérience que le pro-tocole Steli a été conçu, en es-pérant mobiliser un maxi-mum d’observateurs. Le Stelia été testé en 2011 dans la ré-gion Nord-Pas-de-Calais, sondéploiement est en cours surle territoire national. �Cédric VanappelghemCEN [email protected] Houard [email protected] GourmandMNHN, CERSP - Vigie [email protected]

“A priori, un protocolene devrait répondrequ’à une seule question. La double approchepeut donc semblerillusoire.

Gouvernance. Les conditionsqui ont rendu possible cettearticulation résident princi-palement dans la gouver-nance mise en place. Ainsi, leSteli a-t-il été développé parun groupe mixte comprenantodonatologues de terrain, sta-tisticiens et gestionnaires.Lors du test du protocoledans le Nord-Pas-de-Calais,les gestionnaires ont réponduprésents. Outre le désir departiciper à un programmenational, ils cherchaient à sai-sir une opportunité afin quele Suivi temporel des libel-lules leur serve de base pourla mise en place d’une sur-veillance de routine, voire dessuivis plus spécialisés sur une espèce comme l’agrionde Mercure (photo 1) ou l’aeschne isocèle (photo 2).En effet, les observateurs sontlibres de choisir leur site et lasaison de suivi, ils définissent

La conservation de la biodiversité ne seraefficace que si nous comprenons comment lespressions, et les solutions, changent avec

l’échelle. En effet, l’impact des activités humainessur la biodiversité dépend nécessairement defacteurs dont les causes se situent à des niveauxdifférents. Qu’il s’agisse de perte ou defragmentation d’habitats, de changementclimatique, de modifications des pratiques agricolesou encore d’invasions d’espèces, force est deconstater que les niveaux de gouvernance et doncles réponses politiques ne prennent passuffisamment en compte les échelles de ladispersion des organismes et du fonctionnementdes écosystèmes.Des programmes comme Scales1 et Eumon2

cherchent à faire progresser nos connaissances surla façon dont les processus naturels et anthropiquesinteragissent et impactent la biodiversité àdifférentes échelles. Ceci afin que les instrumentsde politique s’inscrivent dans un cadre cohérent àdifférentes échelles spatiales et temporelles.L’utilisation des méthodologies rationnelles desuivis des espèces et des habitats, ainsi que leuranalyse statistique, sont au cœur de la démarcheEumon. Dans le programme Scales, plus de vingtpartenaires en Europe avec les chercheurs du CNRSet du MNHN3, visent aussi à optimiser lesméthodologies et analyses des suivis à des échellesdifférentes afin de promouvoir le dialogue entresciences et politique. �

EN SAVOIR PLUS

1. Scales : Securing the conservation of biodiversity acrossadministrative levels and spatial, temporal, and ecologicalscales.http://www.scales-project.net2. Eumon : EU-wide monitoring methods and systems ofsurveillance for species and habitats of Communityinterest. http://eumon.ckff.si/summary.phphttp://eumon.ckff.si/biomat3. Isabelle Le Viol : [email protected] ; Emmanuelle Porcher :[email protected]

Quand la recherche s’intéresseaux différentes échellesspatiales et temporelles

Mesurer l’état de conservation, optimiser lessuivis… ces deux questionnements interpellentles gestionnaires. La lecture des deux derniers

numéros d’Espaces naturels permet d’ailleurs deconstater la complexité du sujet. Elle met en avant lesdifficultés et l’importance de réfléchir en amont de touteintervention. Dans les deux dossiers, certaines questionsont été éludées, d’autres auraient mérité un traitementplus approfondi. Le 28 mars prochain, à Paris 7e, leForum des gestionnaires, qui traitera des suivis, nousfournira l’occasion de poursuivre cette réflexion. �

Affaire à suivreau forum des gestionnaires

LE 28 MARS 2013, PARIS 7E

Page 34: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

34 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

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Vous dites que les Scouts et guidesde France veulent, aujourd’hui, allerplus loin dans le rapport à la nature.Qu’est-ce que cela veut dire ?

Proposer des activités dans la natureest le fondement de la méthodescoute qui éduque filles et garçonsà l’autonomie, à la vie en commu-nauté, à la citoyenneté, à l’enga-gement. Vivre un camp, en groupe,en pleine nature, constitue une pé-dagogie de l’action par le projet.Cependant, la nature est aussi unespace vital pour l’homme. La tran-

«Les scouts vont plus loindans leur rapport à la nature»

sition écologique dans laquelle no-tre société s’engage nécessite obli-gatoirement une action éducativeet la participation active des jeunes.

Vous avez donc décidé d’être desacteurs engagés de cettetransition…

Forts de notre art de vivre dans lanature, nous voulons proposer desprojets porteurs de sens à nos jeunes,volontaires de changement, afinqu’ils apprennent à connaître, à ai-mer, à respecter et à protéger la na-

Mathieu BellayCoordinateur éducation nature Scouts et guides de France

RENCONTRE AVEC

Olivier Ouadah

Page 35: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 35

FORUM PROFESSIONNEL I PÉDAGOGIE ANIMATION

Scouts et guides de FranceMouvement de jeunesse et d’éducationpopulaire en France, les Scouts etguides de France sont agréés par le mi-nistère de la Jeunesse et des sports de-puis cinquante ans. Reconnue d’utilitépublique, l’association est un mouve-ment catholique d’éducation.Elle compte 69000 adhérents, 15 000jeunes bénévoles de moins de 25 anset plus de 800 équipes locales répar-ties sur 62 territoires en France (mé-tropole et outre-mer). �

ture. En juillet 2011, à Cussac FortMédoc, un rassemblement a réuni10000 scouts et guides de France de14 à 17 ans. Il s’appuyait sur un par-tenariat avec le Conservatoire du lit-toral. Je ne vous livrerai pas tous lesdétails de cette expérience hors ducommun, mais sachez qu’à l’issuede cet événement, les jeunes ont écritune Parole citoyenne nationale danslaquelle ils s’adressent aux élus :«Nous voulons un monde où la Terreserait respectée par tous, où chacuns’impliquerait à son échelle, où laprotection de l’environnement se-rait généralisée. Notre société doitfaire le choix de changer ; il ne suf-fit pas de penser, il faut agir, dèsmaintenant, pour demain.»

Pourquoi chercher des partenariatsavec les gestionnaires d’espacesnaturels ? Votre expérience estassez nourrie…

Pour que nos projets soient porteursd’une signification profonde, ils doi-

vent s’inscrire dans une dynamiquesociale et territoriale existante. Nousne pouvons agir seuls, isolés. Lesprojets que nous développons parnous-mêmes restent limités.Les expériences fortes que nousavons vécues ces dernières annéesont déployé tout leur sens dès lorsque nous avons su associer notre ex-périence éducative et l’envie d’agirdes jeunes scouts et guides avec lessavoirs des professionnels de la na-ture et leurs projets.Par ailleurs, ces professionnels ontune connaissance fine du milieu.Nos animateurs sont de jeunesadultes bénévoles qui, même s’ilssont habitués à l’animation en ex-térieur, possèdent un savoir limité.L’éclairage d’experts leur permet demieux comprendre les écosystèmes.

Vous avez travaillé avec plusieurspartenaires, la Ligue de protectiondes oiseaux, le Conservatoire dulittoral ; cette année par exemple,

vous avez conduit un projet avec leParc naturel régional de Loire AnjouTourraine. Qu’attendiez-vous desprofessionnels de la nature dans untel projet ?

Ce projet était animé par un volon-taire en service civique Scouts etguides de France. Sa force était des’inscrire dans une action existantecar nous souhaitons être utiles etactifs dans la société. Ainsi, 340jeunes de 6 à 20 ans ont pu parti-ciper au programme d’inventairedes orchidées du parc, à la sensi-bilisation du public à la nidificationdes sternes ou encore à l’aména-gement d’un site médiéval.

La culture scout et celle desprofessionnels de la nature ne sontpas tout à fait les mêmes. Y a-t-ildes moments où les intérêts dugestionnaire de la nature et celui del’éducateur entrent en conflit ?

Notre pédagogie repose sur le faitde faire du feu, de courir, de grim-per… Un camp scout sans veillée,sans cuisine au feu de bois, perden intérêt. Cela ne nous empêchepas de vivre la découverte de la na-ture dans des milieux plus fragiles,sans faire de feu ni grimper aux ar-bres. La nature « sous cloche» nenous intéresse pas. Plutôt que d’in-terdire, nous cherchons à com-prendre et à expliquer. Mais nousn’avons pas besoin de nous instal-ler dans des endroits particulière-ment sensibles ou dans des lieux fré-quentés par des espèces rares. Nouscherchons simplement à découvrirdes lieux qui ont une âme. Les ges-tionnaires savent nous y aider. Ilssavent aussi sensibiliser nos éduca-teurs à la protection du milieu.Récemment à Saint-Denis-du-Payré,en Vendée, nous avons mis en placedes couloirs d’accès à une zone hu-mide pour canaliser le public. Lechantier était encadré par la LPO.Nous avons alors participé à la sen-sibilisation du public et nous comp-tons réitérer l’expérience.

Que découvrent les professionnelsde la nature à votre contact ?

Ils découvrent notre savoir-faire spé-cifique. Ils peuvent aussi toucher un nouveau public, qui sait ensuitese rendre utile au projet généralet devient ambassadeur des enjeuxécologiques. �[email protected]

Page 36: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

36 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

FORUM PROFESSIONNEL I ÉTUDES RECHERCHES

L’éthique est basée sur le dia-logue et la coopération. Le ré-seau Alpages sentinelles1 a vu

le jour après que des années de sé-cheresse successives aient affecté lesAlpes du sud et conduit à des chan-gements de pratiques pastorales pou-vant mettre en cause les végétations.Devant ce constat, fin 2005, la com-mission Agriculture du Parc nationaldes Écrins a reconnu l’alpage commeun espace de coresponsabilité entreles éleveurs et les gestionnaires duparc. Une posture qui a conduit à l’éla-boration de ce programme dont lemaître-mot est partager.Partager, car le dispositif associe éle-veurs et bergers, techniciens agri-coles et pastoralistes, chercheurs(écologues, agronomes, climato-logues…) et gestionnaires d’espacesprotégés. Partager, car le programmevise la production et l’acquisition deconnaissances et références tech-niques sur les dynamiques et les pro-

Les alpages sentinellesMILIEUX SEMI-NATURELS ET CHANGEMENT CLIMATIQUE

nierie territoriale constitue d’ail-leurs un des aspects les plus origi-naux du réseau Alpages sentinelles.

Un réseau d’actions, pas un observatoire passifPour comprendre et agir à bon es-cient, des analyses croisées sont en-treprises : elles prennent en compteles conditions climatiques, les dy-namiques des milieux semi-natu-rels (en termes de biodiversité et deressource pastorale), les pratiqueset la gestion pastorale de l’alpageainsi que les logiques de fonction-nement des exploitations agricoles.Les indicateurs techniques sontconfrontés aux perceptions et auxsavoirs des éleveurs et des bergers.Notamment par l’organisation derencontres annuelles visant à met-tre en débat les résultats et les hy-pothèses. Dans ce sens, le réseauAlpages sentinelles n’est pas un ob-servatoire (au sens classique du

Pour anticiper l’impact des aléas climatiques et permettre les changements depratiques pastorales tout en gérant durablement les milieux, un réseau Alpagessentinelles a été mis en place. Le dispositif associe éleveurs et bergers, techniciensagricoles et pastoralistes, chercheurs et gestionnaires d’espaces protégés.

“Le réseau Alpagessentinelles est unesource d’innovationsau plan méthodologique.

Marie CabrolConstats partagés sur la végétation.

cessus qui se nouent entre climat,milieux, pratiques pastorales et sys-tèmes d’élevage.Mais il convient également de veil-ler ; d’être «sentinelle». Les acteursdu réseau veulent être capables depercevoir les signaux d’alerte sur desévolutions et des changements af-fectant les alpages et les exploita-tions qui les utilisent. Dans cette op-tique, le programme met en exerguedes points de vigilance. Il développeégalement les moyens d’un ap-prentissage collectif pour faire fonc-tionner un outil d’aide à l’analyse età la décision. Cette forme d’ingé-

Page 37: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

“Il s’agit davantage d’un réseau d’actions que d’unobservatoire. Il est possible d’intervenir si undysfonctionnement pouvant compromettre unegestion durable est détecté.

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 37

FORUM PROFESSIONNEL I ÉTUDES RECHERCHES

le Laboratoire d’écologie alpine deGrenoble vise à s’adapter auxcontraintes de terrain et proposed’estimer rapidement la producti-vité des pelouses d’alpage à partird’une appréciation visuelle des hau-teurs des couverts végétaux.Le suivi des pratiques pastorales estréalisé lors de tournées de fin d’es-tive, en septembre-octobre. À cetteoccasion, les observations sur le ter-rain permettent d’identifier quellesplantes ont été consommées parle troupeau pour déterminer la pres-sion exercée sur la végétation. Desnotes sont attribuées en référenceà des grilles d’évaluation de laconsommation de la ressource, éla-borées par le Cerpam (service pas-toral de la région Paca).Ces grilles, basées sur le degré deconsommation ou de raclage desplantes classées selon leur appétence,sont issues de l’expérience d’éco-logues et des pastoralistes du Cerpamet étalonnées à partir de mesures surles pelouses subalpines. Elles peu-vent être associées à un mode de ges-tion pastorale. Facilement appro-priables et reproductibles surd’autres milieux, elles ont d’ailleursété adaptées en Vanoise et testées defaçon probante dans le Vercors.Cet outil s’avère très intéressantpour partager un constat de terrainpuis discuter de la gestion de l’al-page en concertation avec les diffé-rents acteurs.Autre exemple, le suivi de l’orga-nisation spatiale et temporelle desexploitations est réalisé lors d’en-tretiens annuels avec les éleveurs.L’établissement de calendriers depâturage pour les différents lotsd’animaux, le suivi des déplacementsde ces troupeaux, localisés sur desphotographies aériennes, et la va-lorisation technique des carnetsd’enregistrement remplis par les éle-veurs par obligation administrativeconstituent des supports d’échangesen vue d’évaluer la place de l’alpageet la contribution des différents types

d’espaces utilisés (alpages, parcours,prairies pâturées, prés de fauche) àl’alimentation du troupeau. Tousces supports permettent de com-prendre les logiques des éleveurs,les raisons de leurs pratiques et laflexibilité dont ils disposent par rap-port à l’alpage.

PerspectivesDix-huit alpages sentinelles et vingt-cinq couples alpages/exploitationsont été constitués dans les Écrinset en Vanoise. Quatre ou cinq al-pages du Vercors (situés dans laRéserve naturelle des hauts plateauxou classés en zone Natura 2000) de-vraient rejoindre prochainement ceréseau. Cet objectif, d’une trentainede sites, est sans doute le maximum

gérable avec les moyens actuels touten conservant les principes fonda-teurs des alpages sentinelles.Cela n’exclut pas cependant une ar-ticulation avec d’autres sites et d’au-tres acteurs préoccupés par cette pro-blématique de «gestion durable desmilieux semi-naturels et change-ment climatique», qui pourront bé-néficier des acquis méthodologiquesdu réseau Alpages sentinelles. �Laurent [email protected] Della-VedovaParc national des ÉcrinsJean-Pierre LegeardCentre d’études et de réalisationspastorales Alpes-Méditerranée

EN SAVOIR PLUS

http://www.ecrins-parcnational.fr/component/content/article/51/776-reflexions-partagees-autour-des-alpages-sentinelles.html

terme). Il est en effet possible d’in-tervenir si un dysfonctionnementpouvant compromettre une gestiondurable des milieux pastoraux estdétecté.Mesure d’importance quand on saitl’enjeu représenté par les alpages,patrimoine écologique et culturelexceptionnel, considéré par les ex-perts du Giec comme très vulné-rable au changement climatique.Ces milieux sont aussi la clé de voûtede très nombreux systèmes d’éle-vage des Alpes et de Provence : en-viron le quart du cheptel bovin etles trois quarts des ovins de ces ré-gions montent en alpage.

Protocoles robustes et adaptésaux conditions de terrainLe réseau Alpages sentinelles estsource d’innovations au plan mé-thodologique. Son ambition de sui-vre les évolutions sur le moyen voirele long terme l’a conduit à se doterde protocoles de recueil de donnéesà la fois robustes, adaptés aux condi-tions de terrain et réalisables avecles moyens humains disponibles.Ainsi, par exemple, en complémentdes données de Météo-France, despluviomètres relevés par les bergersont été installés en alpage car lesorages très localisés peuvent en-traîner des conditions très diffé-rentes des mesures effectuées dansles stations météorologiques. La vi-tesse de déneigement, qui influe surla pousse de l’herbe et la phénolo-gie des plantes, est étudiée à par-tir d’un traitement spécifiqued’images satellites Modis disponi-bles gratuitement sur internet.Dérivé d’une méthode validée scien-tifiquement en Australie, et appli-quée à une variété de milieux her-bacés, le protocole mis au point par

1. Ce dispositif, qui repose sur lamotivation et le volontariat despartenaires associés, n’aurait pu sepérenniser sans le soutien du ministèreen charge de l’environnement, la Dataret les régions Rhône-Alpes et Paca.

Claire Gondre

Tournée de fin d’estive sur un alpage des Écrins.

Page 38: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Le grand canyon du Verdon.

Apron.

38 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

Sur près de dix-sept kilomètres,le cours du moyen Verdonabrite un poisson embléma-

tique et menacé, l’apron du Rhône.Cette rivière convoitée est aména-gée avec plusieurs barrages hydro-électriques, aussi les lacs artificielsqui la jalonnent ont conduit au dé-veloppement d’une activité touris-tique. Ainsi, en période estivale, cer-tains secteurs connaissent de fortespressions de fréquentation avec ledéveloppement des activités d’eauvive qui ont un fort impact sur le mi-lieu naturel de reproduction del’apron. Pour prendre en compte lesenjeux de la préservation de l’espèce,plusieurs actions ont été menées parle Parc naturel régional du Verdon.L’une d’entre elles, dans le cadre duSage, a conduit au rehaussement desdébits réservés ; une autre à s’inté-grer dans une opération Grand site.

Toutefois cette logique de pro-grammes ne permettait pas d’ac-céder à une approche globale.

Médiateur. Le contexte de tensionsatteint son paroxysme en 2010 oùles conflits d’usages se couplent auxinquiétudes grandissantes des pro-fessionnels sur le devenir de leursactivités (nouvelles mesures régle-mentaires). Le parc se positionnealors comme médiateur, engageantune démarche de concertation: com-ment mieux préserver ensemble unenvironnement exceptionnel et trèsfragile?Pendant près de deux ans, il s’agis-sait de co-construire un plan de gestion faisant le lien entre les dif-férentes démarches engagées préa-lablement (OGS, Natura 2000, Sage);mais également de réfléchir à la miseen place d’un outil juridique per-

Co-construire un arrêté de protection de biotope pour protéger l’apron du Rhône

CONCERTATION

formant pour protéger l’habitat del’Apron. Sur ce chapitre, le choixd’un outil réglementaire a faitconsensus. Restait à savoir lequel.

L’outil réglementaire. La piste del’arrêté préfectoral de protection debiotope (APB) s’est vite imposée.Celui-ci, relativement souple, per-mettait la co-construction locale duprojet de réglementation. Par ail-leurs, il pouvait être envisagécomme une réglementation des ac-tivités ne s’appuyant pas unique-ment sur des interdictions.L’APB correspond aussi à l’idée d’uneréglementation non figée, pouvantêtre redéfinie dans le temps, en fonc-tion de l’évolution des enjeux et despressions. Par ailleurs, il permet lamise en place d’un comité de suivi.Or, bien que consultatif, ce dernierétait une revendication forte des ac-teurs du territoire.Ajoutons que les critères d’éligibi-lité de l’outil semblaient favorablespuisqu’ils supposent de respecterune égalité de traitement entre lescitoyens (à moins de montrer qu’ily a une réelle différence d’impact surles milieux entre telle et telle acti-vité) et que son application est li-mitée dans l’espace (le périmètre doitêtre dûment justifié). On notera en-core que l’APB peut se mettre enplace en présence (même tempo-raire) d’une seule espèce protégée.La chose peut prendre effet rapide-ment, sans impliquer de trop lourdesdémarches administratives. Toutesles conditions semblaient réunies.

Anne Ferment – PNRV

Guillaume Ruiz – PNRV

Sur le grand canyon du Verdon, diverses activités humaines menacent l’habitat de l’apron. Le parcnaturel régional se positionne en médiateur. Les acteurs co-construisent leur réglementation.

Page 39: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 39

FORUM PROFESSIONNEL I DROIT POLICE DE LA NATURE

Idéal? La réalité s’est révélée moinssimple. En effet la rivière, milieu vi-vant amené à fluctuer dans l’espaceet dans le temps, ne facilitait pas ladéfinition d’un cadre imposé.Cette réglementation « idéale » aalors été confrontée à la réalité despratiques et de l’environnementdu cours d’eau où le contrôle est malaisé voire impossible. La difficulté

d’accès à la rivière a constitué unedifficulté supplémentaire.Sur ce point, les gestionnaires duparc insistent sur la nécessité de nerien improviser: pas d’écriture «théo-rique» sans s’être frotté tant au coursd’eau qu’aux pratiques qu’il abrite.

Dessaisis. La procédure de valida-tion de l’arrêté de protection de bio-tope laisse également un grand blancdans la concertation. À partir du mo-ment où le projet est transmis auxservices de l’État pour instruction,le parc n’a plus d’emprise sur le de-venir potentiel du texte. Dans le casprésent, les acteurs peuvent se sen-tir dessaisis. La question a été par-ticulièrement prégnante lors du pas-sage en commission des sites. «Aprèsdeux ans de travail, il est un peu per-turbant de savoir que votre projet vaêtre examiné en vingt minutes parune commission dont les participantsn’ont pas forcément suivi le dossieret n’en maîtrisent pas les enjeux»,explique le chargé de mission du parc.Par ailleurs, les membres de ces com-missions n’ont pas forcément decompétences en droit et ne connais-sent pas le cadre juridique de tel outel outil réglementaire. «On nousa demandé par exemple d’ajouter deséléments à la rédaction du texte alorsque ce n’est pas possible dans le ca-dre d’un APB. Il est vrai que l’avis descommissions demeure consultatifmais certaines remarques remet-taient en cause le fond de la régle-mentation telle que validée lors de laconcertation», rajoute le chargé demission.Le rôle du parc se limite alors à aler-ter les services de l’État sur ces as-pects et sur l’importance du pro-cessus de confiance toujours fragile.

Efforts. L’arrêté pris, reste à sa-voir s’il est efficace. Sa pertinencereposera, pour beaucoup, plus surun plan de communication renforcéet une animation continue visantà faire perdurer le sens de cette ré-glementation, que sur le texte lui-même, à défaut d’un animateur ter-ritorial qui s’y investisse. C’est là,clairement, une des limites des ou-tils réglementaires.Après deux ans d’animation ren-forcée, les équilibres et compromissont toujours fragiles. L’animationimplique disponibilité (et parfoisépuisement !) pour l’équipe tech-nique. Le temps mobilisé par la di-rection et plusieurs techniciens ausein des commissions tourisme, eauet patrimoine naturel, a représentéplus d’un équivalent temps plein àl’année.Par ailleurs, le fait de travailler surun projet de réglementation néces-site un minimum de compétencesjuridiques.Le parc est mal armé dans ce do-maine, comme certainement bonnombre de parcs naturels régionauxqui n’ont pas les compétences suffi-santes ou mobilisables sur ces aspects.Heureusement, il a pu s’appuyer surle service juridique du ministère del’Écologie. Cet appui a permis au do-cument d’être conforme au champd’application des APB et de ne pascomporter de dispositions illégales.En effet, le service de contrôle de lalégalité au sein des préfectures n’a pasforcément les moyens de se pronon-cer sur ces aspects.On l’aura compris, un APB n’est riensans accompagnement. Une fois l’ar-rêté pris, le travail est loin d’être ter-miné. Cela pose la question des fi-nancements nécessaires à ce type dedispositif, notamment pour ce quiconcerne la signalétique. Au sein duparc, les débats ont été assez révé-lateurs du problème: est-ce au parc,aux communes, d’assurer la chargefinancière d’une protection relevantde la compétence de l’État? Et si leparc n’en prend pas l’initiative, est-ce que ce n’est pas tout simplemententerrer le travail réalisé en amont?Aujourd’hui, le débat est ouvert. �Dominique ChavyChargé de mission Patrimoine naturel Parc naturel régional du Verdon

[email protected]

Repères

Arrêté préfectoralde protection de biotope

L’arrêté préfectoral de protection de biotopea pour objectif la préservation des milieuxnaturels nécessaires aux espèces

protégées par la loi. Un biotope étant une airegéographique bien délimitée, caractérisée pardes conditions particulières (géologiques,hydrologiques, climatiques, sonores…), cetteréglementation vise donc le milieu de vie d’uneespèce et non directement l’espèce elle-même.L’arrêté de protection de biotope estactuellement la procédure réglementaire la plussouple pour préserver des secteurs menacés.Elle est particulièrement adaptée pour faire faceà des situations d’urgence de destruction ou demodification sensible d’une zone.Régis par les articles R.411-15 à R.411-17 du codede l’Environnement, les arrêtés de protection debiotope sont pris par le préfet de département.Sur le domaine public maritime, c’est le ministrechargé des pêches maritimes qui prend ladécision. L’arrêté de protection de biotope n’estpas soumis à enquête publique. Il établit lesmesures d’interdiction ou de réglementation desactivités pouvant porter atteinte au milieu. Il peutinterdire certaines activités, en soumettred’autres à autorisation ou à limitation.Il s’agit d’une mesure de protection qui, par soncaractère déconcentré, peut être rapide à mettreen place. En vertu des textes, seuls deux avissimples doivent être recueillis : celui de lacommission départementale compétente enmatière de nature, de paysages et de sites, etcelui de la chambre d’agriculture. L’avis del’Office national des forêts est également recueillisi le territoire est soumis au régime forestier.Des arrêtés modificatifs peuvent être pris pouradapter la protection à la modification del’environnement, comme l’apparition denouvelles menaces ou l’évolution de l’intérêtbiologique.Le non-respect des prescriptions de l’arrêté estrépréhensible du seul fait que l’habitat d’uneespèce protégée est altéré. Les infractions sontdes contraventions de la quatrième classe,passibles d’une amende maximum de 750 euros(article R.415-1 du code de l’Environnement).Il n’est pas nécessaire, pour emportercondamnation, de démontrer que des spécimensd’espèces protégées ont été détruits. �

Le projet d’APB retenu encadreles pratiques en fonction du débitprésent dans la rivière. L’option estapparue comme la plus pertinentecar c’est la hauteur d’eau quiconditionne le risque depiétinement ou frottement du fondde la rivière lors des différentesactivités. La réglementation a tenucompte de l’hydromorphologiehétérogène du cours d’eau (coursresserré avec des fosses profondes,cours élargi avec des radiers), enprévoyant deux valeurs différentesde débits, suivant les secteurs. �

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40 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

FORUM PROFESSIONNEL I MANAGEMENT MÉTIERS

Technicien de l’imageMétier de l’ombreY a-t-il des photographes professionnels dans nos organisations?Zoom sur un métier en mal de reconnaissance…

“Si une structure gestion-naire d’espace naturelveut acquérir des images,

elle doit adopter une politique spé-cifique, elle doit fournir du maté-riel, former son personnel et aussireconnaître une vraie valeur à lamission photographique.» Par cesmots, Pascal Saulay donne le ton.Cet électronicien passionné de pel-licule a été embauché sur un em-ploi contractuel au Parc national desÉcrins ; il occupe depuis huit ans lesfonctions de « chargé de missionimage et audiovisuel».Il sait sa chance d’être dans un parcqui, dit-il, a une vraie politique dansce domaine et qui reconnaît l’utilitéde son métier même si, regrette-t-il, « la photo n’est pas encore consi-dérée comme une vraie mission,comme peut l’être la surveillancepar exemple. » Patrick Folliet, quiexerce des fonctions similaires auParc national de la Vanoise, ne lecontredit pas. «La photo n’est pas

considérée comme quelque chose detrès sérieux car tout le monde peutappuyer sur le bouton», confesse, unpeu amer, ce photographe chevronné.Critique, il avoue que tout le mondeest content de trouver une photo-thèque qui corresponde aux diffé-rents besoins de l’institution «maispersonne ne semble faire le lien avecla nécessité de reconnaître ce travailde la même manière qu’on reconnaîtles autres.»

Au service de l’établissement.«Ma mission permet à l’établisse-ment d’acquérir de l’indépendanceet d’économiser de l’argent», pour-suit Pascal Saulay. Avec 30 000images classées par thèmes, tech-niquement qualitatives et bien in-dexées, le parc possède aujourd’huiun outil qui lui permet d’assurer sesfonctions de communication et desensibilisation, mais égalementd’établir des partenariats en cédantà sa guise ses propres images. Sans

cela, il faudrait faire appel à des pho-tographes extérieurs et sans cesserenégocier les droits. «Sans comp-ter que certaines images ne peuventêtre faites au moment où le besoinse fait sentir. »

Commander. La technicité et la sen-sibilité du photographe permettentde fixer les événements, les paysages,la faune et la flore. « Il est témoin»,précise Patrick Folliet. On estétonné, après pareil discours, de l’en-tendre expliquer qu’il ne fait jamaisde photos. Pascal Saulay non plus,du reste. Ou très exceptionnelle-ment. Au quotidien, leur tâche estplus organisationnelle. L’un commel’autre gèrent la photothèque. Ilsfont l’inventaire des photos man-quantes ou des thèmes déficitaireset commandent des images auprèsde collègues motivés qui se sont en-gagés à faire des prises de vue dansle cadre de leur travail et à céder lesdroits au parc. Celui-ci ayant mis dumatériel photo professionnel à leurdisposition. Il s’agit d’une vingtainede personnes à la Vanoise, d’unequinzaine aux Écrins.Une grosse partie du travail consistealors à animer ce groupe en sachantfort bien que la photographie ne re-lève pas de leurs priorités. «Je tienscependant à ce que la photo soit pro-fessionnalisée, explique PatrickFolliet. Je tente de former une équipequi a un minimum de réflexes pro-fessionnels. Pour cela, je m’astreinsà faire des commentaires techniquessur toutes les photos qu’on me four-nit. C’est un gros boulot mais c’estla seule façon de faire évoluer les pra-tiques, car nous avons rarement l’oc-casion d’appuyer nos collègues ennous rendant avec eux sur le terrain.»

Former. En plus d’appuis tech-niques sur la focale ou la profondeurde champ, Pascal Saulay tente defaire passer un message sur le sensde l’image: «j’insiste pour que, avantd’appuyer sur le bouton, les col-lègues se posent la question : à quoiva servir cette photo? Est-ce qu’elle

Mémoire photographique duterritoire, le technicien de l’imagetravaille sur une vaste paletteallant du paysage aux archives.

PN Vanoise

Page 41: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 41

FINALITÉ DU MÉTIER

Le métier de photographe a pour finalité de produire des clichés ar-tistiquement parlants et scientifiquement exacts au service de lacommunication institutionnelle et scientifique du site.

MISSIONS ET ACTIVITÉS PRINCIPALES

Réaliser des prises de vues techniquesÉtablit les modalités de réalisation d’une commande

Repère les possibilités de prises de vues et sélectionne les matériels

Procède aux réglages techniques et réalise les prises de vues

Réalise des prises de vues sur le terrain (orthoplans, verticalité…)

Réalise des prises de vues studio d’objets d’arts ou archéologiques

Réaliser des prises de vue sur la vie du siteAnime et évalue ses séances d’animation

Réalise un suivi photographique du site

Met en place et alimente un observatoire photographique du paysage

Réaliser le traitement des fichiers numériquesRéalise les tirages

Recadre et retouche

Gérer la photothèqueRéalise l’inventaire de l’existant

Propose et organise le classement et l’archivage des clichés

Gère une base de données

Recherche des clichés à la demande

Met en place des procédures de diffusion ou de recherche d’images

ACTIVITÉS ANNEXESRéalise des reportages photographiques sur la vie du site

Assure l’entretien du matériel photographique et informatique dédié

Conçoit des expositions, affiches, plaquettes…

Fiche Métier • Photographe

ÉVOLUTIONS LIÉES AU MÉTIERRapprochement du métier vers celui du vidéaste?

CONDITIONS ET MOYENS D’EXERCICE

Métier essentiellement sédentaire, mais nécessitant des déplacements in situ dans des conditions de travailparfois difficiles, notamment lors des prises de vues extérieures. Grande disponibilité, mais aussi grande auto-nomie dans la réalisation de son programme d’activités.

RISQUES PROFESSIONNELSÉvolution en milieu naturel, évolution sur chantier.

CONDITIONS D’ACCÈS AU MÉTIER

Niveaux de diplômes : Métier accessible à partir d’une formation de niveau IV (bac professionnel photographie) ouIII (BTS photographie) ou tout simplement par la production d’un book.

représente mon activité, mon éta-blissement ? » La vraie difficultéétant de limiter les clichés afin dene pas avoir de photos inutilisables.Au risque d’avoir un surplus de tra-vail pour les éliminer, ou de pos-séder une banque de données nonopérationnelle.Car, une fois les photos faites, il fauteffectivement trier, retoucher, in-dexer… En Vanoise, Patrick Follietse charge seul de cette indexation.C’est là une grosse part dans son em-ploi du temps. Il lui faut aller plusloin que la simple légende pour ren-seigner les métadonnées qui per-mettront à tous d’utiliser cette pho-tothèque dont il admet «avoir passésix ans de sa vie à la construire ».

Aujourd’hui, les banques d’imagesde ces parcs sont conséquentes, àceci près, concèdent les deux tech-niciens, que «nous manquons de re-portages humains. Ceux-ci relèventd’une compétence particulière. C’estautre chose que de photographierla faune ou la flore. Il nous faudraitorganiser une formation spéci-fique», ajoutent-ils.

Référent. Leur travail requiert éga-lement des compétences sur le droitde l’image et le droit d’auteur. Lephotographe des Écrins reconnaîtque, sur ce terrain, il faudrait com-bler des manques.Patrick Folliet regrette de ne plusfaire d’images. Cette dimension ar-

tistique lui manque. Mais y a-t-il déjàeu des photographes dans les espacesnaturels ? Comme en écho, PascalSaulay, qui avoue un salaire netmensuel de 2 250 euros, souligneque le référentiel métier des parcsne fait pas mention de sa fonction1.Le technicien de l’image en manquede reconnaissance est cependantconsulté sur tout. Qu’il s’agisse d’unappel d’offres, d’un projet vidéo, d’unsite internet, d’une exposition oud’une publication à paraître, il estaussitôt associé.Paradoxe des métiers en devenir ? �Moune Poli

Cette fiche métierPhotographe estissue du référentielmétier du Réseaudes grands sites deFrance. 2012.Auteur Aten.Nous n’avons pastrouvé de ficheintitulée«Technicien del’image».Patrick Folliet, enVanoise et PascalSaulay aux Écrinsont dû, tous deux,rédiger leur proprefiche de posteavant que celle-cine soit validée parleur direction.

[email protected]@parcnational-vanoise.fr

COMPÉTENCES REQUISES

Connaissances

Techniques de prise de vueArchéologieBase de donnéesDroit de l’imageDroit de la propriété intellectuelleLogiciels de traitement d’imagesPosemètreCaractéristiques des émulsionsColorimétrieOptiqueMacrophotographieMicrophotographieInfographieLecture de paysage,archéologie, biodiversité

Savoir-faire

Montage/présentation de photosCaractéristiques des matériels deprises de vuesÉvaluation des besoins de la clientèleComprendre et analyser une demandeManipulation d’objetsMaintenance de premier niveauTechnologie des matérielsGestion des envois et retours d’imageTechnique de prise de vues studio

Capacités

PatienceMinutieSensibilité artistique

1. En outre, dansle référentielmétier de l’Aten, lamission «gestionde fonds image etde prise de vue»est englobée dansla fiche métier dechargé de com.Preuve que« technicien del’image » n’est pasencore considérécomme un métierà part entière.

Page 42: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Le baguage des oiseaux est uneopération délicate. Il s’agit d’as-surer la capture quelles que

soient les conditions météorologiques.Or celles-ci, très changeantes durantla période automnale, rendent diffi-cilement possible la réalisation d’unbaguage dont les durées soient iden-tiques d’une année sur l’autre.Dans le détroit du Pas-de-Calais, etplus particulièrement le secteur ducap Gris-Nez (un des axes majeurs dela migration), le baguage permet demieux cerner le comportement desoiseaux, de connaître la structureet la dynamique des populations, d’ap-préhender les phénomènes migra-toires. Les bagueurs locaux recher-chaient donc une solution permettantla capture par tout temps.

Technique ancestrale. La réponsea été trouvée dans la mise en placed’une trappe Helgoland.Cette technique de capture millé-naire a été développée à des fins scien-tifiques au début du 20e siècle sur l’îleallemande d’Helgoland. Elle se tra-duit sur le terrain par une forme detunnel en entonnoir de grande taille,en filet ou en grillage, dont l’extré-mité la plus petite permet, au traversd’une «boîte» de capture, de se sai-sir des oiseaux qui se sont aventurésou qui ont été poussés jusque-là.À l’intérieur de la trappe plusieursclapets anti-retour conduisent l’oi-seau jusqu’à cette «boîte» de cap-ture au bout de l’entonnoir.

42 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

Une trappe Helgolandpour capturer les oiseaux

PAS-DE-CALAIS

LA TRAPPE HELGOLAND EN CHIFFRES (2011)

Financement

Investissement 35 000 € HT

Fonctionnement 39 300 € (1 poste ¼)

FinanceursEurope (Feder),Procter & GambleEden 62 (CG62)

Fournitures

Grillages 2325 m2

Tubes de soutènement 114 m linéaires

Câbles d’aciers 3300 m linéaires

Agrafes 100000 unités

Résultats

Capture oiseaux Plus de 2000 oiseaux

Capture espèces 40 espèces

Bagueurs 70 bénévoles

Le projet de trappe Helgoland a vu le jour pour répondre auxdifficultés des bagueurs. Son implantation est définie en fonctionde l’axe migratoire post-nuptial des oiseaux. Particulièrementgrande, avec ses 43 mètres d’ouverture et 80 mètres de long, elleautorise un baguage par tout temps. Des clapets anti-retoursempêchent les oiseaux de ressortir de la partie large del’entonnoir, tandis qu’un système de peignes dans la boîte decapture filtre les oiseaux en fonction de leur taille. �

EN SAVOIR PLUS

http://station-baguage-fortvert.blogspot.fr/

système de clapets

anti-retours

80 m

6 m

43 m

Eden 62 Eden 62

Souc

re: E

den

62

1 2

Page 43: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Ce piège activé de la mi-juilletjusqu’aux environs de la fin novem-bre, nécessite la présence perma-nente d’au moins deux personnes,pour « pousser » les oiseaux dansla trappe efficacement. Par leur agi-tation, elles les amènent à s’en-gouffrer au plus profond dans l’en-tonnoir constitué par la trappe.

Management. En termes de per-sonnel, le projet nécessite l’em-bauche d’un titulaire du permisde baguer. Il est également indis-pensable d’offrir un hébergementgracieux aux bénévoles qui feronttourner la station. Sur le site, unbâtiment permet d’ailleurs cet hé-bergement et l’accueil de l’équipetechnique, ce qui ajoute au coût in-direct du baguage. Les bagueurssont généralement des profession-nels du baguage, bénévoles agréésCRBPO1, qui apprécient de venir auFort-Vert, où les possibilités de ba-guage sont continues et diversifiées.

Sensibilisation. Les partenaires duprojet s’en sont également saisi afind’en faire un outil de formation desbagueurs mais également de sensi-bilisation et de pédagogie tout pu-blic. Un financement de la fondationProcter & Gamble a permis d’ins-taller un équipement accessible auxpersonnes à mobilité réduite venuesen visite ou en formation.Les informations récoltées sonttransmises au Muséum nationald’histoire naturelle.

Implantation. Le syndicat mixteEden 62 et Cap ornis baguage (asso-ciation des bagueurs et aides ba-gueurs régionaux) ont mis leurs com-pétences en commun pour concevoiret étudier la possibilité d’implanterce type d’équipement. En effet, enparallèle de la trappe elle-même, leprojet nécessite une infrastructuresusceptible d’accueillir les bagueurstant pour les opérations de baguageque pour leur hébergement.L’équipement a été implanté sur laDune Noyon au sein de l’espace na-turel sensible des dunes du Fort-Vert.Ce site s’est avéré le plus pertinent :outre le couloir migratoire toutproche, les habitats sont très pri-sés par l’avifaune car le site joue l’ef-fet d’isolat au cœur d’une zone agri-cole. Par ailleurs, le territoireanciennement clos devenu depuis2009 propriété du Conservatoire dulittoral est gardienné en permanence.

Description. Au Fort-Vert, la gueuled’entrée de la trappe Helgolands’étend sur 43m de large sur 6 m dehaut. Elle est orientée à l’est, afin decapter les oiseaux en migration post-nuptiale. À l’extrémité opposée, c’est-à-dire à l’ouest, 80 mètres plus loin,la boîte de capture est constituéed’une série de peignes de plus en plusfins qui permettent de trier les oi-seaux en fonction de leur taille. Unsystème de repasse (système audioreproduisant le chant des oiseaux)est également mis en place pour at-tirer les volatiles.

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 43

FORUM PROFESSIONNEL I MÉTHODES TECHNIQUES

Technique millénaire, la trappe Helgoland a été remise au goût du jour pour améliorer la capacité etl’efficacité de capture des oiseaux. Elle autorise de s’affranchir des aléas des conditions météologiques.Dans le Pas-de-Calais, cette trappe est singulière par sa grande taille.

1 • Gueule d’entrée de la trappe.2 • Le chalet de baguage permet de stocker le matériel de baguage etde pratiquer les opérations en toute sécurité pour les oiseaux. Trèsapprécié aussi par les bénévoles par mauvais temps. L’ensemble,trappe, chalet de baguage et sentier tout public sont l’œuvre duservice aménagement d’Eden62.3 • Épervier d’Europe. Le pochon rouge autour de sa tête permet degarder l’oiseau dans le noir et de le maintenir calme. La trappe,d’ailleurs, réduit notablement le temps de stress des oiseaux.Contrairement au filet, l’oiseau ne se débat pas et n’est pas manipulépour être démaillé, ce qui réduit également le risque de blessure pourl’oiseau. Il est «cueilli » dans la boîte. �

QUESTION À

Le projet a l’ambition de devenir unlieu de recherche scientifique d’ana-lyse des populations d’oiseaux, derang national, voire européen, d’au-tant qu’il est complété par divers dis-positifs de baguage (filets japonaiset canopée, matoles…). �Céline Vidal Chargé d’études Eden [email protected]

La trappe Helgoland nécessite-t-elleun entretien particulier?La trappe nécessite un soutien de son plafondgrâce à l’implantation d’environ 80 pieux de 2 à6m, pour supporter un éventuel épisode neigeux.Avant sa remise en action, une vérification dela tension de tous les câbles est indispensable,car ceux-ci se sont détendus durant les tempêteshivernales. Il faut débroussailler l’intérieur de latrappe et tailler les arbustes pour éviter qu’ilsne crèvent le grillage. Enfin, les systèmes de re-passes (câbles, haut-parleurs, alimentation élec-trique et panneau solaire) sont contrôlés.Nous avons été dans l’obligation de modifier lesvingt derniers mètres de grillage qui mènent àla boîte. Les mailles, trop petites, occasionnaientdes blessures au bec sur quelques oiseaux. Ila été remplacé par du « filet de pêche» (1800€).Nous avons également augmenté les longueursdes rabats de 35 m de chaque côté, ce qui lesporte à 55 m (900€).Dans ce nouveau périmètre, une densification dela végétation a été indispensable. 100 arbustesen conteneurs ont été plantés (1 100€). �

Alexandre DriencourtResponsable du [email protected]

1. Centre derecherchespar lebaguagedespopulationsd’oiseaux.

Eden 62 Adeline Blin-Eden 62

3

Page 44: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

44 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

Schéma de cohérence des boisementsQui a peur de la cartographie?Pour pallier le développement arnarchique, et dommageable pour labiodiversité, des surfaces de boisements, le Parc naturel régional des capset marais d’Opale réunit les acteurs du territoire : «construisons ensembleun schéma de cohérence des boisements, cartographions les zones».C’était sans compter les réticences vis-à-vis de la cartographie.

Bocage dans la Boutonnièredu Boulonnais.

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PAS-DE-CALAIS

François Mulet - PNR des caps et marais d’Opale

Page 45: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

ple, il peut constituer un supportpertinent lors de la mise en œuvred’une réglementation de boisementou d’une démarche de contractua-lisation visant à assurer une gestionraisonnée de l’accueil des boise-ments. Dans sa philosophie, cet ou-til vise à renforcer la biodiversité, àrépondre à une logique de fonc-tionnalité paysagère et économique,sans compromettre l’avenir de l’agri-culture et les paysages identitairesdu territoire.

Mise en œuvre. Le Scob vise desobjectifs très opérationnels. Un sup-port cartographique au 1/25000e de-vait permettre d’identifier trois dif-férentes zones : les zones où leboisement peut mettre en péril leséquilibres (boisement à éviter ir-rémédiablement) ; les zones où les

boisements sont possibles, mais oùdes conditions doivent nécessaire-ment être fixées pour maintenir leséquilibres (maîtrise de la localisa-tion, des surfaces plantées, des typesde boisement, des essences, etc.) ;les zones où les boisements seraientpropices à l’amélioration de la fonc-tionnalité écologique du territoire(continuité entre massifs, protec-tion de la ressource en eau, protec-tion des sols, reconstitution de ri-pisylves…). Objectif ambitieux quede figer sur la carte, à une échelle sifine, des éléments de contraintes !Démarche d’autant plus audacieusequ’elle affichait la volonté de réunirl’ensemble des acteurs concernésavec l’ambition d’apporter cette ré-ponse opérationnelle. Le parc faisaitpar ce biais le pari de la concerta-tion, pour sensibiliser les acteursà la multiplicité des enjeux. Un co-mité technique a été mis en place.En son sein, les partenaires tech-niques et les élus ont reçu très po-sitivement l’initiative. Celle-ci, eneffet, répondait à une réelle attente,notamment des édiles.

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 45

TERRITOIRES EN PROJETS I AMÉNAGEMENT GOUVERNANCE

“Les acteurs ont manifestéune réticence à l’égard dela cartographie.Qu’adviendrait-il si celle-ci devenait opposable?

plus de 800 hectares ont été boisés.Aussi, pour que les futurs projets deboisements soient en cohérence avecles enjeux du territoire, le parc asouhaité offrir un outil innovant per-mettant d’édicter des prescriptions.Il s’est ainsi engagé dans l’élabo-ration d’un schéma de cohérencedes boisements (Scob) visant à dé-finir un cadre pour la constitutionde boisements nouveaux.Scob ! Le terme est une inventionen référence au Scot (schéma de co-hérence territoriale). Et, s’il n’a doncpas de valeur réglementaire, ils’avère être néanmoins un docu-ment de référence. Ainsi, par exem-

Un développement importantde plantations boisées peutcontribuer à un mitage de l’es-

pace, à une banalisation des paysages,à un appauvrissement de milieux re-marquables ouverts. Parfois même,il en résulte un développement anar-chique avec pour conséquence uneréduction significative des espaces àvocation agricole. D’autres fois, enrevanche, les essences et leur lieud’implantation contribuent à ren-forcer une trame écologique.Le Parc naturel régional des caps etmarais d’Opale n’échappe pas à cetteréalité. Un regard sur l’occupationdu sol montre qu’entre 1998 et 2005,

Maxime LemairePNR caps et marais d’Opale

N’avez-vous pas l’impression d’avoir beaucoup perdu en produisant un document exempt de cartographie ?

La cartographie devait permettre d’identifier les zones où lesboisements étaient pertinents en raison de la fonctionnalitéécologique du territoire et intégrant la prise en compte des

dimensions agricoles, paysagères et sociétale… Reconnaissons que nousn’avons pas atteint cet objectif. Cependant, la démarche de concertationvisait la sensibilisation des acteurs aux enjeux des boisements. De cepoint de vue, nous avons bien fait de prendre en compte lesappréhensions de nos partenaires. En effet, la dynamique de concertationa permis de déboucher sur des outils concrets puisque nous avonsmaintenant des clés d’aide à la décision, validées par le comité technique.Ces outils constituent un compromis entre la volonté initiale, l’ambition duconcept de Scob et les réticences liées au zonage. �

QUESTION À L’AUTEUR

Page 46: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

L’accueil, en revanche, a été plusmitigé du côté des membres du co-mité de suivi de l’étude. Ceux-ci ontmanifesté certaines inquiétudesquant à la définition d’un zonaged’une telle précision. Leur crainteprincipale étant que le Scob soitconsidéré comme un document ré-glementaire et qu’il soit utilisécomme tel. D’autres ont mis enavant le risque d’une confusion avecla procédure de réglementation desboisements, du ressort du conseilgénéral. En tout état de cause, lefait de mettre à plat les enjeux liésau boisement et donc d’aborder desquestions liées aux usages du sol età la propriété privée, inquiétait.

Réorienter la démarche. Lesagents du parc ont redoublé d’ef-forts pour mettre en avant la di-mension pédagogique de la dé-marche. Ils ont multiplié échangeset rencontres avec les différents par-tenaires, désamorçant certaines in-quiétudes et laissant le terrain pro-pice à la poursuite du dialogue.Néanmoins, un blocage subsistait.Le principe de cartographier deszones avec précision générait lacrainte que ce document ne soit uti-

lisé à d’autres fins, voire interprétéau-delà des intentions des auteurs.Aussi, face aux inquiétudes forma-lisées et réitérées et afin de ne pascasser cette dynamique partenariale,l’objectif d’aboutir à un zonage a étéabandonné. Le groupe préférants’orienter vers la mise en place d’ou-tils permettant d’appréhender unboisement sous l’angle de la qualitéde l’habitat.Ainsi, deux clefs, de localisation etde détermination d’espaces, ont étéarrêtées. Ces outils d’aide à la dé-cision permettent d’apprécier la per-tinence d’un futur boisement en ana-lysant de façon fine l’ensemble desparamètres à prendre en compte : si-tuation du terrain, nature de l’oc-cupation des sols, environnementimmédiat, présence d’un corridorboisé à conforter…L’ensemble de ces éléments doit per-mettre de préciser, le cas échéant, sile boisement est à favoriser ou, à l’in-verse, ne pas être encouragé. Le toutest accompagné de conseils.De par leur co-construction avec lespartenaires techniques et la volontéde prendre en compte bon nombrede critères, ces outils ont été bien re-çus. Certains partenaires, qui étaient

favorables aux zonages, ont mêmeappuyé pour qu’ils aboutissent.

Expérimental. La démarche d’éla-boration du Scob reste expérimen-tale, avec des adaptations à prévoirau fur et à mesure de la maturationdu projet. Ses initiateurs avaientconscience des difficultés qui les at-tendaient. Par souci d’associer l’en-semble des partenaires techniques,apportant richesse mais générantégalement des obstacles liés à la di-versité des visions et approches, leprojet a nécessité du temps.Le bilan laisse apparaître un travailde concertation, d’écoute, de sen-sibilisation et de négociation. Celui-ci laissera des traces.Et, si les objectifs initiaux n’ont pastotalement été atteints du fait, no-tamment, de la volonté d’aboutirà un outil consensuel (la recherched’un compromis ayant fait loi), uneautre étape est en cours. Elleconsiste à faire vivre cet outil au tra-vers son utilisation par l’ensembledes partenaires techniques et à par-tir d’une animation de proximitésur le territoire. � Maxime LemairePNR des caps et marais d’[email protected]

TERRITOIRES EN PROJETS I AMÉNAGEMENT GOUVERNANCE

* Particulier 35,50 € • Institutionnel 48,50 € • S’abonner? Remplir et retourner le bulletin contenu dans ce magazine : Espaces naturels • Mediaterra • Route Royale • 20600 Bastia • 0495311221 • [email protected]

Espaces naturels est un support d’échanges pour tous les professionnels de la sauvegarde des espaces et du patrimoine naturels, enposte ou en devenir. La revue s’adresse aux acteurs et relais de la gestion des territoires et des paysages. Les auteurs y présentent,évaluent et discutent les expériences et savoir-faire issus des territoires, et portent à la connaissance des intéressés les actualités,recherches, textes et initiatives dans ces domaines.

Éditée par le groupement d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels

1 an4 numéros

à partir de

35,50€

seulement*

www.espaces-naturels.info

Page 47: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Espaces naturels n° 41 janvier 2013 47

TERRITOIRES EN PROJETS I ACCUEIL FRÉQUENTATION

Mou

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oli

Comment évaluer la capacité de charge de son territoire?

L’île de Port-Cros est visitéechaque année par plus de300000 personnes, essentiel-

lement regroupées durant lesquelques mois d’été. La maîtrise decette fréquentation et des impactsqu’elle génère sont au cœur de laréflexion du gestionnaire. Aussi, unepremière exploration opérationnellede la notion de capacité de chargea-t-elle été mise en place au coursdes saisons estivales 2009 et 2010.Ce travail partenarial réalisé par leParc national de Port-Cros et desgéographes de l’université deBretagne occidentale propose d’ex-périmenter une grille d’apprécia-tion de la capacité de charge à par-tir de l’étalonnage de curseursappliqués à un certain nombre d’in-dicateurs de gestion.

Critères. La démarche a nécessitéde faire le choix des critères, indi-cateurs et paramètres pouvant ren-seigner au mieux le gestionnaire.Trois critères ont été retenus: usages

et usagers, sécurité, bien-être.• Usages et les usagers. L’afflux se tra-duit toujours par une augmentationdes quantités de déchets et de laconsommation des ressources en eauque ce critère propose d’observer.• Sécurité. Par sécurité, il faut en-tendre le risque d’insécurité qui peutnaître d’une fréquentation excessived’un espace. Prendre la juste me-sure des risques liés aux feux deforêts ou aux mouvements de pa-nique quand la capacité d’accueil estdépassée.• Bien-être des visiteurs et des ha-bitants. Ce critère intègre le niveaude stress des agents chargés de l’ac-cueil et de la surveillance du terri-toire. L’état de stress est directementlié à la multiplication des tâches.

Indicateurs. Pour chacun de ces cri-tères, des indicateurs ont été rete-nus : déchets, infractions marines,risque incendie… (cf. l’intégralitédes indicateurs dans le tableau 1).Ensuite la graduation de la capacité

de charge est traduite par un codecouleur qui indique la gravité de l’im-pact et donc l’urgence d’action. Elleillustre quatre niveaux de gravitécroissants : vert, orange, rouge etnoir. Le passage de la couleur rougeà la couleur noire sera défini commele seuil maximal supportable.Cette échelle a été fixée parfois ar-bitrairement selon les acquis de l’ex-périence du gestionnaire, les normesréglementaires, les connaissancesscientifiques et les contraintes éco-nomiques connues.

Déchets ménagers. Pour bien com-prendre le fonctionnement de l’ou-til, rentrons dans le détail de trai-tement d’un de ces indicateurs : lacollecte des déchets ménagers. Celle-ci est sous-traitée à une société pri-vée qui dispose d’un agent sur place.L’agent utilise une camionnetteadaptée pour transporter 6 contai-ners de 600 litres. Il effectue 1 à 5ramassages par jour en fonctionde la quantité de déchets à traiter,qui est directement liée au niveaude la fréquentation.L’agent de ramassage estime traiterau maximum 3 tonnes de déchets parjour, ce qui nécessite 4 tournées deramassage quotidiennes lors des picsde fréquentation. Il affirme pouvoirfaire, au maximum, une tournée deramassage supplémentaire, ce qui re-présente un peu moins d’une tonne.Au-delà de 5 tournées de ramassagepar jour, il estime ne plus pouvoircollecter et stocker les déchets seulet dans de bonnes conditions de tra-vail. Lorsque le camion de stockageest plein, il est transporté sur le conti-nent par une barge.La fréquence de transfert du camionsur le continent varie, en fonctionde la quantité de déchets collectés.Le processus est exigeant en tempset en matériel. Il représente un coûtnon négligeable car le passage d’uncamion sur la barge coûte 1000 eu-ros. Toute augmentation du volumede déchets sur Port-Cros entraînedonc des rotations plus nombreuses

La capacité de charge n’est pas une valeur absolue pour un sitedonné. Elle dépend de valeurs et de besoins définis par un objectif degestion et intègre différentes composantes : capacité physique (entermes de sécurité, d’infrastructure, d’accueil), capacité écologique (entermes de dégradations, pollutions, dérangement), capacitépsychologique des visiteurs (qualité de la visite), capacité psychologiquedes locaux (conflits d’usages, identité), auxquelles on pourrait ajouterune capacité économique. �

PORT-CROS

Jusqu’où un territoire peut-il accueillir des visiteurs?

Repères

Page 48: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

48 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

TERRITOIRES EN PROJETS I ACCUEIL FRÉQUENTATION

CRITÈRES INDICATEURS PARAMÈTRESNIVEAU DE LA CAPACITÉ DE CHARGEla limite du seuil supportable est au-delà du rouge

Vert Orange Rouge Noir

Usagesetusagers

Déchets ménagers Nb de tournées de ramassage par jour 1 à 2 3 à 4 5 + de 5Eau potable Nb de dépotages par période de 6 jrs - de 1 1 2 + de 2Faux sentiers Nb de faux sentiers créés par semaine - de 1 2 3 + de 3Infractions marines Nb d’infractions par tournée - de 5 5 à 10 11 à 15 + de 15Évacuations sanitaires Nb d’évacuations et d’interventions réalisées 0 1 2 + de 2Fréquent. sentier plage Nb de visiteurs/jr dans les zones de défend 0 1 2 + de 2Visiteurs au retour Nb de visiteurs sur l’aire d’attente 0 à 300 301 à 500 501 à 800 + 800

Doublement des navettes Nb de bateaux en supplément de charge duquai de pierre au créneau horaire normal 0 1 2 + 2

Fréquentation terre-plein Nb de visiteurs à 16h30 0 à 200 201 à 500 501 à 800 + 800Occupation postesd’amarrage journée

Bateaux en attente de place au port entre12h30 et 13h30 0 1 à 2 3 à 4 + 4

Occupation postesd’amarrage en soirée Taux d’occupation des 118 postes dès 19h 0 à 50% 51 à 99% 100% +100%

Sécurité Risque incendie Couleur de l’application de la carte de lafermeture des massifs de l’arrêté préfectoral jaune orange rouge noire

Capacité de mise ensécurité des visiteurs siincendie

Nb de visiteurs/jour - de 500 501 à 15001500 à2000

+ 2000

Bien-êtrePerception de la foulesur les plages

% de personnes interrogées par QCM gênéespar la foule

0 à 20% 21 à 40% 41 à 50% + 50%

Perception de la foule auvillage

% de personnes interrogées par QCM gênéespar la foule

0 à 20% 21 à 40% 41 à 50% + 50%

des camions et un coût accru.Après discussion avec l’agent de ra-massage, le paramètre retenu pource travail correspond au nombre detournées de collecte effectuéeschaque jour. Le type d’étalonnageest lié à la capacité de l’agent de ra-massage à gérer un volume de dé-chets supportable avant la nécessitéd’un renfort d’un second agent.L’échelle de référence du curseurcomporte 4 niveaux s’étendant de 1à plus de 5 tournées de ramassagedes déchets par jour :• 1 à 2 tournées (vert). L’agent deramassage travaille dans le calme.Le stockage des déchets est aisé.• 3 à 4 tournées (orange). L’agentaugmente son rythme de travailmais gère correctement son plan-ning et le stockage des déchets restecorrect entre deux rotations.• 5 tournées (rouge). Le traitementdes déchets exige plus de rapidité.L’agent est obligé d’augmenter sespassages journaliers dans le localdu port pour éviter le débordementdes containers. Il roule plus rapi-dement pour pouvoir traiter le ra-massage. Il est à la limite supérieurede ses capacités de traitement.• Plus de 5 tournées (noir). L’agentne traite qu’une partie des déchets

et certains containers débordent.L’agent travaille dans l’urgence, iln’est pas satisfait de la situation etdes critiques négatives parviennentau bureau du parc national sur letraitement des déchets.Cet indicateur révèle bien la valeurde la capacité de charge limitée dela collecte des déchets qui sont pro-duits en quantité proportionnelle àla fréquentation de l’île.Il a été défini en concertation avecl’agent, qui a pour habitude d’éva-luer le volume de son travail encomptant le nombre de ramassagesdes déchets par jour et non en esti-mant le tonnage journalier enlevé.Cet indicateur est donc facile à ren-seigner par l’agent.Quatorze autres indicateurs sontégalement construits sur le mêmeschéma (cf. tab. 1) en tenant comptede la législation et des réalités deterrain.

Résultats. Afin de permettre unelecture synthétique des curseurs, untableau de bord de la capacité decharge de Port-Cros a été réalisé (tab. 2). On dispose donc d’une« photographie » de l’état de lacharge. Le travail réalisé n’a pas laprétention de fixer un niveau de fré-

Tableau 1 Critères d’évaluation de la capacité de charge de Port-Cros

quentation maximum, parfaitementprécis et définitif. Il doit être consi-déré comme le début d’une actionde longue durée. De nombreux pa-ramètres ne sont pas pris en compte,tels que les conditions environne-mentales. De la même façon, la ca-pacité de charge écologique n’a pasété abordée et s’avère difficile à éva-luer. Elle relève d’une démarchescientifique pluridisciplinaire et re-quiert la connaissance de nombreuxfacteurs d’influence parfois difficile-ment identifiables et mesurables. �Hervé Bergere, Solenn Le BerreParc national de Port-Cros

[email protected]

JOURS (ANNÉEE 2010) 10/08 11/08 12/08Visiteurs par les navettes 1147 1860 1382

Usagesetusagers

Déchets ménagers 5 5 5Eau 2 2 2Infractions marines 8 9 4

Évacuationssanitaires/intervention 1 1 1

Port mi-journée 6 7 4Port soirée (%) 108 102 84

Sécurité Risque incendie

Bien-êtrePerception foule (plage) 80Perception foule (village) 13

Tableau 2 Tableau de bord quotidiencapacité de charge/Port-Cros

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Espaces naturels n° 41 janvier 2013 49

TERRITOIRES EN PROJET I GESTION PATRIMONIALE

Pommes de reinetteet pommes d’abbaye

Pour préserver un patrimoinefruitier ancestral menacé faceà la standardisation et à l’ho-

mogénéisation des variétés com-mercialisées ; pour assurer la pé-rennité d’un réservoir génétique,l’abbaye de Beauport présente au-jourd’hui un verger conservatoirede trois cents pommiers hautes-tiges, entretenu par pâturage bo-vin/ovin. Mise en place depuis 1997,cette culture préserve la soixantainede variétés exclusives du site. En ef-fet, c’est au 18e siècle que remontela première mention de vergers àl’abbaye de Beauport. Et, lorsqu’en1997 le Conservatoire du littoralet l’Association pour la gestion et larestauration de l’abbaye, respecti-vement propriétaire et gestionnaire,s’intéressent au verger, la centainede pommiers relictuels offre unegrande diversité de fruits et de sa-veurs, en dehors des variétés clas-siques standardisées… Mais aucunearchive ni transmission orale ne permet d’identifier ce patrimoine.

rité, le verger devrait fournir envi-ron quarante tonnes de pommes paran. Des premiers essais à petiteéchelle est né un cidre atypique ap-précié, issu d’un assemblage varié-tal judicieux. À terme, l’implicationd’un professionnel exploitant sem-ble être la seule solution raison-nable pour gérer de tels volumes.Utilisé comme support pédagogiquede sensibilisation à la préservationdu patrimoine fruitier, un vergerconservatoire est aussi un outil pouraborder des notions plus généralesde conservation de la biodiversité.L’expérience du verger conservatoirede l’abbaye de Beauport est unepreuve – s’il en fallait une – que cepatrimoine peut à nouveau être va-lorisé en harmonie avec une qualitépaysagère et biologique dans le res-pect d’une tradition séculaire. �Dominique BeauvaisAssociation pour la gestion et larestauration de l’abbaye de Beauport

[email protected]

Associant les partenaires régionaux,un travail de longue haleine d’iden-tification des variétés débute. La dis-sociation des doublons, la codifi-cation et la cartographie des vergerspermettent finalement de recen-ser une soixantaine de variétés, pourla plupart inconnues en dehors desmurs de l’abbaye. Les caractéris-tiques biologiques et chimiques dechaque variété ont été décrites et uncode permet d’individualiser chaquearbre. Seules quelques variétés ontpu être nommées, pour les autres,ont-elles déjà eu un nom, reste-t-il des « variétés reliques» de la pé-riode monastique? Rien ne permetde le certifier. Afin de sauvegarderce patrimoine variétal, la plantationde porte-greffes et le greffage ontpermis la reconstitution du ver-ger. Pour sécuriser la conservation,chaque variété est représentée parle pied mère et deux jeunes arbres.Le résultat inhérent de ce travailconduit inéluctablement vers uneproduction conséquente. À matu-

À Beauport, un verger conservatoire permet de préserver un patrimoine fruitiermenacé par la standardisation et l’homogénéisation des variétés commercialisées.Mais également d’assurer la pérennité d’un réservoir génétique.

D. Beauvais - Agrab

BEAUPORT

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50 Espaces naturels n° 41 janvier 2013

TERRITOIRES EN PROJETS I GESTION PATRIMONIALE

formes d’urbanisation de la com-mune. En effet, les relations tisséeslors de la création artistique entreenfants de l’école et anciens de l’as-sociation des vieux métiers vivantsont conduit le maire à constater queles nouveaux quartiers fonction-naient indépendamment du centre.Ce qui ne favorisait pas le lien entreles habitants.Comment, alors, mieux les intégrerau reste du bourg?L’instauration d’un CAUE sur leFinistère a constitué une réponse.En effet, les étudiants de l’école d’ar-chitecture de Nantes ont été man-datés pour plancher sur la questionde l’aménagement du bourg.

Plus loin. Dans le cadre de la ges-tion des espaces naturels, le projetQuêteur de gestes et passeur de corpsa permis de mettre en lumière, etdonc de pérenniser, des pratiques an-cestrales de gestion des milieux, peuà peu abandonnées (parfois mêmeoubliées) au profit de la technologie.C’est pourquoi le Parc naturel ré-gional d’Armorique souhaite réin-vestir la mémoire collectée au tra-vers des gestes dans d’autresprogrammes d’actions. Pourquoi pas

sur le thème des paysages ?Le parc participe en effet au projeteuropéen Cordiale2 qui regroupe dif-férents partenaires de part et d’au-tre de la Manche (Cornouailles,Devon, Normandie, Finistère) au-tour des questions liées à la connais-sance et la maîtrise de l’évolutiondes paysages.Dans ce cadre, des recherches sontmenées sur le territoire concernantles paysages historiques ; sur la basedu patrimoine immatériel.La création d’une nouvelle œuvreartistique collective, à partir de lamémoire des acteurs locaux, est ac-tuellement en préparation dans unetroisième commune du parc, àBrennilis, toujours en collaborationavec la structure Teem. Le parc viseà encourager les détenteurs d’un pa-trimoine immatériel à transmet-tre leurs connaissances aux géné-rations qui suivent. �Kevin GuimardParc naturel régional d’[email protected]

1. Territoire de l’écriture enmouvement. Dirigée par P. Le Doaré.2. Cooperation for Rural Developmentthrough Integrated Approach ofLandscape.

«Chacun est porteur en soi d’un geste caché». Le projet Quêteur de gestes et passeurde corps, est un processus de création chorégraphique mené avec les habitants du Parcnaturel régional d’Armorique, à partir de la mémoire et de la transmission du geste.

Comme ailleurs… dans chaquecommune du Parc natureld’Armorique une somme d’at-

titudes et de gestes s’expriment pardes corps au travail et des mouve-ments exécutés par les pêcheurs, os-tréiculteurs, agriculteurs…Comment protéger ce patrimoineculturel immatériel ? En le faisantvivre a répondu le parc qui, en 2011,a demandé à la structure de déve-loppement chorégraphique Teem1

de conduire un projet intituléQuêteur de gestes et passeur decorps.Quêteur de gestes… l’entreprise vi-sait à recueillir la mémoire. Passeurde corps… elle avait l’ambition desymboliser la transmission.Teem a ainsi collecté puis choré-graphié ces gestes, patrimoine im-matériel, afin de faire émerger des« signatures » parfois ancestrales.Porteuse du projet et médiatrice,Maribé Demaille, chorégraphe etdanseuse, a d’abord travaillé avec lesmaires. Elle a mené un minutieuxtravail de collecte dans les com-munes d’Argol et de LogonnaDaoulas. Dans chacune d’elles, uncomité composé d’une dizaine depersonnes a été créé. Témoignages,photos, contacts… l’artiste est en-trée dans l’intimité de la vie de lacommune pour en extraire une mé-moire bien singulière. Celle-ci a servide support à la composition de deuxspectacles originaux.

De la danse à l’urbanisme. Loind’en rester à une représentation fu-gace, l’opération a suscité de sur-prenantes retombées. Sans douteparce qu’au fil du temps, des liensse sont noués au sein des groupesde travail communaux. Les diffé-rentes générations, les anciens etnouveaux habitants ont appris à seconnaître. Et, sur ces dynamiquescollectives, de nouveaux projets, par-fois inattendus, ont pris corps.À Argol par exemple, le travail adonné lieu à une réflexion sur les

ARMORIQUE

Entretenir la mémoire des gestes

TEEM

Le parcencourage lesdétenteurs d’unpatrimoineimmatériel àtransmettreleursconnaissancesaux générationssuivantes.

Page 51: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Nous en avons parlé dans ce numéro

CETTE CARTE, À CHAQUE PARUTION, EST NOTRE, VOTRE, INDICATEUR GÉOGRAPHIQUE : L’OBJECTIF DE LA RÉDACTION EST

DE TRAITER DES SUJETS QUI CONCERNENT TOUS LES TERRITOIRES. À VOUS DE LES PROPOSER.

ÉCRINSLes alpagessentinelles• Page 36

ÉCRINSVANOISETechniciende l’image,métier de l’ombre • Page 40

FRANCELes scoutsvont plus loindans leurrapport à lanature• Page 34

PAS-DE-CALAISUne trappe Helgolandpour capturer lesoiseaux • Page 42

VERDONUn arrêté deprotectionde biotopepour l’aprondu Rhône • Page 38

PORT-CROSComment évaluer

la capacité de charge deson territoire? • Page 47

CAPS ET MARAIS D’OPALESchéma de cohérence desboisements • Page 44

ARMORIQUEEntretenir la mémoire des gestes • Page 50

BEAUPORTPommes de reinetteet pommes d’abbaye• Page 49

ALLEMAGNE-FRANCEConstruire les bases d’unecoopération transfrontalière• Page 14

AVESNOISSuivi despopulations• Page 25

NORD-PAS-DE-CALAISSuivi des populations • Page 32

PICARDIESuivi despopulations• Page 22

Page 52: REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE