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Revue Dräger La technologie pour la vie 2018 Revue Dräger 18 2 ème numéro 2018 L’avenir du travail Comment la numérisation transforme notre vie Jusqu’où aller ? Mise en réseau Bénéfices et risques du Big Data p. 62 Bergen La protection incendie dans la ville hanséatique norvégienne p. 30 Informer Qu’est-ce qu’une « bonne naissance » pour les futures mères ? p. 16 #18

Revue Dräger #18 - Draeger

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Revue Dräger La technologie pour la vie 2018

Revue D

räger 18

2èm

e numéro 2018

L’avenir du travail

Comment la numérisation transforme notre vie

Jusqu’où aller ?

Mise en réseauBénéfices et risques

du Big Data p. 62

BergenLa protection incendie dans la

ville hanséatique norvégienne p. 30

InformerQu’est-ce qu’une « bonne naissance »

pour les futures mères ? p. 16

#18

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2 REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

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Sommaire 18

6 LE NOUVEAU TRAVAIL

La numérisation est le moteur de la quatrième révolution

industrielle – nous y sommes déjà. Elle transforme aussi notre

travail et la conception que nous en avons. Comment façonner

activement l’avenir ?

16 L’EXPÉRIENCE DES LIMITES

Toutes les futures mères en rêvent : une « bonne naissance ». Mais qu’est-ce que c’est, au juste ? Avant tout, un accompagne-ment permanent ainsi qu’une meilleure information sur ce qui va se passer. Que faire lorsque ce rêve est brisé ?

30 PROTÉGER LA VIEILLE VILLE

La ville portuaire de Bergen est vieille de près de 1 000 ans. De nombreuses richesses historiques s’y sont accumulées au fil des siècles. Surtout dans la vieille ville à l’architecture serrée dont le style hanséatique et classique lui a valu d’être inscrite depuis 1979 au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO. Protéger les hommes et les biens culturels dans cet espace très restreint, telle est la mission des sapeurs-pompiers de cette ville.

Chez Dräger à Lübeck, on a accès à 700 000 normes du monde entier – en lire plus à partir de la page 58.

Page 3: Revue Dräger #18 - Draeger

3REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

Les articles de la Revue Dräger informent sur les produits et leurs possibilités d’application en général. Ils n’ont pas pour objet de garantir certaines propriétés des produits ou leur aptitude pour une utilisation concrète. Il est demandé à tous les spécialistes d’appliquer exclusive-ment les connaissances acquises dans le cadre de formations ainsi

que leurs expériences pratiques. Les opinions, avis et pro-pos des personnes citées nommément et des auteurs ex-ternes, exprimés dans la présente revue, ne correspondent pas nécessairement à l’opinion de Drägerwerk AG & Co. KGaA. KGaA. Il s’agit uniquement de l’avis des personnes concernées.

© Drägerwerk AG & Co. KGaA, 2018. Tous droits réservés. Cette publication ne doit être reproduite, mémorisée dans un système de données ou être cédée sous quelque forme que ce soit, ni électroniquement, ni mécaniquement, par photocopies, reproductions ou autres, entièrement ou en partie, sans l’autorisation préalable de la Drägerwerk AG & Co. KGaA.

Tous les produits, cités dans la présente revue, ne sont pas disponibles partout dans le monde. Les confi gurations d’équipements peuvent varier selon les pays. Sous réserve de modifi cation des produits. Votre interlocuteur Dräger vous fournira les informations actualisées.

Perseus A500, Oxylog VE300 – Classe des dispositifs médi-caux : IIb – Organisme notifi é : TÜV SÜD Product Services GmbH. PulmoVista 500 – Classe du dispositif médical : IIa – Organisme notifi é : TÜV SÜD Product Services GmbH

La société Dräger Safety AG & Co. KGaA, Lübeck, est le fabricant du X-pid (p. 26 et suivantes), du CPS 7900 (p. 33), du PSS BG4 plus (p. 33), du X-am 8000 (p. 40 et suivantes) ainsi que du Polytron 8000 (p. 41). La société Drägerwerk AG & Co. KGaA, Lübeck, est le fabricant du Perseus A500 (p. 36), du PulmoVista 500, des logiciels SmartPilot View,

É D I T E U R : Drägerwerk AG & Co. KGaA,Corporate Communications A D R E S S E D E L A R É D A C T I O N : Moislinger Allee 53–55, 23558 Lübeck, [email protected]

R É D A C T I O N E N C H E F : Björn Wölke, Tél. +49 451 882 2009, Fax +49 451 882 2080 C O N S E I L R É D A C T I O N N E L : Nils Schiffhauer D I R E C T I O N A R T I S T I Q U E , P H O T O S , M A Q U E T T E E T C O O R D I N A T I O N :Redaktion 4 GmbHT R A D U C T I O N : Lektornet GmbHI M P R E S S I O N : Dräger+Wullenwever print+media LübeckGmbH & Co. KG I S S N : 1869-7275R É F É R E N C E : 90 70 444

www.draeger.com

MENTIONS LÉGALES4Des gens qui nous touchentCaroline Berthet dirige un hôpital dans le sud de la France, Weronica Tunes est sapeur-pompier dans le sud de la Norvège.

6Le Moi désorientéComment travaillerons-nous demain ? La réponse n’a jamais été aussi floue qu’aujourd’hui.

16Comment changer ?Une « bonne naissance » nécessite que l’on change les mentalités. Les mères attendent un traitement d’égal à égal.

22Une fois raffiné,le pétrole brut vaut plus que de l’or. Les raffineries le transforment en carburant, mais aussi en beaucoup d’autres produits.

30Sauver. Éteindre. Retrouver. Les pompiers professionnels de Bergen ne mènent pas leurs opérations seule-ment avec des équipements modernes, aussi avec des idées originales.

36Anti-HackerLa protection informatique n’est pas un élément qu’on rajoute après coup. Elle doit faire partie intégrante du système. Un aperçu sur des scénarios et des concepts de protection.

38Les oxydes d’azoteCes polluants contenus dans les gaz d’échappement sont au coeur du débat public. Depuis longtemps, la protection du travail prend leurs dangers très au sérieux.

42Les cellules souchesDes « cellules à tout faire » ou presque, qui ont un grand potentiel : état actuel de la science en matière de recherche et d’applications.

48Inquiétude avant la tempêteLes cyclones mettent en danger la vie des hommes et provoquent des milliards de dégâts. Aux États-Unis, la saison cyclo-nique reprend officiellement le 1er juin.

54Désinfection efficace !Des mesures simples suffisent déjàà réduire le risque de contamination par des germes nosocomiaux.

58L’ordre des chosesIl existe des normes en Allemagne depuis plus de 100 ans. Elles sont synonymes de sécurité, de facilité d’utilisation et sont en quelque sorte les rouages bien huilés du commerce international.

62Mise en réseau nécessaireLes données ne sont rien sans une mise en réseau pertinente. L’avenir est là aussi, pas seulement dans la médecine.

67En un coup d’oeilLes produits Dräger évoqués dans ce numéro.

68Oxylog VE 300Ce ventilateur d’urgence et de transport est le fruit de 110 ans d’expérience.

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EXPÉRIENCES NOUVELLES DU MONDE

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Des gensqui

nous touchent

Caroline Berthet, 44 ans, directrice ajointe d’une clinique privée à Aubagne/France

« Je dirige cette clinique depuis six ans. Le travail n’est, bien entendu, pas tou-jours facile ; par exemple lorsque des jeunes sont gravement malades. Je me réjouis toujours de recevoir des lettres de remerciement de patients, car elles témoignent des efforts que fait notre personnel au quotidien. La Casamance emploie environ 400 personnes et 150 médecins. Chaque année, nous soignons environ 24 000 patients hospitalisés, 16 000 autres au service des urgences.

En 2017, nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 42 millions d’euros. À l’école, je voulais toujours savoir com-ment les choses sont reliées entre elles et comment les personnes interagissent entre elles. Je me pose aussi de telles questions dans le domaine de la gestion. Un hôpital est une entreprise spéciale. Pour chaque décision, on doit considérer l’incidence sur le patient qui se voit de plus en plus comme un client. Lorsque quelqu’un vient nous voir pour une opé-ration, il pose aussi des questions sur sa chambre et la nourriture. Pour nous en tant que Français, la qualité des repas est particulièrement importante. Malheu-

reusement, nous rencontrons aussi des patients agressifs. Certains houspillent notre personnel, car ils doivent attendre. Je pense que ceci est actuellement un problème fondamental dans notre société. La sécurité informatique est pour nous un sujet important. Nous faisons tout pour protéger les systèmes contre les cyberattaques (voir aussi Revue Dräger 16, pages 6 et suivantes). Pour l’avenir, je souhaite que les hôpi-taux ressemblent davantage à un hôtel, avec des zones dans lesquelles on peut converser ou se détendre lorsque l’on doit attendre. Cela redonnerait un peu le sourire à de nombreux patients. »

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5REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

Weronica Tunes, 45 ans, pompier au corps des sapeurs-pompiers professionnel de Bergen/Norvège

« Il y a 18 ans, j’étais, avec une collègue, l’une des premières femmes à travailler chez les sapeurs-pompiers de Bergen.À vrai dire, cela n’avait pour moi rien d’exceptionnel. J’ai suivi une formation d’in-génieure en génie mécanique et j’ai travaillé ensuite pendant cinq ans pour l’armée. Pendant cette période, j’ai aussi été en Bosnie, à Tuzla en 1995. Je n’ai jamais vou-lu faire un travail de bureau, mais être sur le terrain et travailler avec mes mains. J’adore mon métier actuel. Ce qui me plaît vraiment, c’est l’esprit d’équipe. La solidarité, l’estimemutuelle, la tolérance et le respect sont quelques-unes des valeurs à la clé de notre réussite. La tâche est très diversifiée, riche en défis et d’une grande responsabilité. Ce que je préfère, c’est être tout en haut, sur la plate-forme élévatrice. Maintenant je laisse la priorité aux jeunes collègues, il faut bien qu’ils le fassent aussi. Ce serait bien si davantage de femmes rejoignaient le corps de sapeurs-pompiers, mais il faudrait aussi que ce soit les bonnes. Ce n’est pas fait pour tout le monde, et la force seule ne suf-fit pas. On a aussi besoin de compréhension pratique, parfois de talent d’improvisation, car lors des interventions, on ne sait géné-ralement pas à quoi s’attendre. C’est un avantage appréciable d’avoir la possibilité, et également l’obligation, d’entretenir sa forme physique pendant les heures de travail. »

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FOCUS MONDE DU TRAVAIL

Comment travaille-rons-nous demain ?

La réponse n’a jamais été aussi floue qu’au-jourd’hui. L’avantage :

nous pouvons la façonner nous-même.

Texte : Tobias Hürter Illustrations :Kristian Hammerstad/ByHands.no

Le Moi

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incertain

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8 REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

FOCUS MONDE DU TRAVAIL

Nous passons (encore) la moitié de notre vie éveillée à travailler

Pourquoi nous infligeons-nous cela ? Pourquoi se faire tirer du sommeil chaque matin par le réveil, bousculer avec plein d’autres gens aux heures de pointe pour aller au travail, y trimer jusqu’au soir au lieu de dormir tout son content et remplir ses journées d'aventures plus savoureuses les unes que les autres ? Question bête, pourrait-on penser ? Il faut bien que nous vivions de quelque chose. Mais chacun sait bien que cela ne peut pas être toute la réponse. Une personne qui est heureuse dans son travail ne tra-vaille pas seulement pour l’argent. Elle travaille aussi pour créer quelque chose et développer ses compétences. En conclusion, les questions sont tout aussi importantes que les réponses. En les explorant plus avant, on se trouve face à un paradoxe. Lorsque des personnes professionnellement actives doivent dire dans des sondages ce qu’elles apprécient dans leur travail, l’argent ne vient pas en tête. À la première place figure généralement la sécuri-té que procure le travail, puis vient ensuite le plaisir. La récom-pense matérielle ne vient qu’après. Il pourrait sembler au premier abord que le travail joue un vrai rôle dans la vie de nombreuses personnes. Cependant la grande majorité ont un travail qu’on ne peut qualifier autrement que de monotone ou démoralisant. Pour-quoi devons-nous parfois nous battre pour avoir le droit de le faire, et même pour ne pas être remplacés par des machines ? Dans les centres d’appels, les usines et les entreprises d’emballage, on tra-vaille aujourd’hui exclusivement pour l’argent. « Il n’y a proba-blement aucune autre raison terrestre d’y travailler », affirme le théoricien social américain Barry Schwartz.

Il est donc facilement compréhensible que les gens n'aient parfois pas vraiment un rapport intime avec leur activité. L’Insti-tut de sondage américain Gallup observe depuis des dizaines d’an-nées la satisfaction des travailleurs dans le monde entier. Pour ce faire, il interroge régulièrement des centaines de milliers d’em-ployés à temps complet et à temps partiel et constate encore et toujours qu’une grande partie d’entre eux ne s’identifient pas à leur travail. Ils le font comme une corvée, voire le détestent. Selon un rapport Gallup de 2013, à peine 13 % des travailleurs ont une bonne relation (« engaged ») avec leur travail. « Près de 90 % des les adultes passent la moitié de leur vie éveillée avec des choses

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qu’ils préféreraient ne pas faire, dans des endroits où ils préfére-raient ne pas être », ajoute Schwartz. Le travail ne semble vrai-ment plus jouer son vrai rôle. Mais comment peut-on y remédier ?

Est-ce le commencement de la fin du travail ?Si ce n’était qu’une question de travail, on ne devrait quasiment pas être encore obligé de travailler. En 1930 déjà, l’économiste britannique John Maynard Keynes prédisait dans son essai « Eco-nomic Possibilities for our Grandchildren » (Perspectives écono-miques pour nos petits-enfants) qu’un siècle plus tard, donc en 2030, les hommes ne devraient plus travailler que 15 heures par semaine pour pouvoir bien vivre, tellement la productivité aug-menterait. Une croissance de la productivité que Keynes a même encore sous-estimée. Il ne pouvait imaginer les profonds change-ment apportés par la numérisation. Au milieu des années 1990, le sociologue et économiste américain Jeremy Rifkin a même pro-phétisé « la fin du travail » et voyait venir un « tiers-secteur », celui de l’économie sociale et solidaire, dans lequel les hommes libérés de leur gagne-pain s’engageraient à titre bénévole, et qui serait financé par une TVA plus élevée et une réduction des budgets mili-taires. L’année 2030 est maintenant assez proche, mais il n’y a guère de signes annonciateurs de la réalisation des prédictions de Keynes et de Rifkin. Il existe certes des esprits non-conformistes, tel l’entrepreneur américain Timothy Ferriss qui propage l’idée de la semaine de quatre heures, mais ce sont des marginaux. La grande majorité de la population active continue de passer envi-ron la moitié de sa vie éveillée au travail. Alors d’où vient le pro-blème ? Pour comprendre ce qu’est le travail aujourd’hui et ce qu’il sera demain, il faut d’abord comprendre ce qu’il était hier. Le travail est l’un de ces grands concepts qui ont toujours existé. Son étymologie est révélatrice. L’origine latine de travail serait le latin populaire « tripalium », qui désignait un instrument fait de trois pieux, servant à attacher les animaux ou les esclaves. tri-palium renvoie donc à la notion de contrainte et souffrance. Tra-vailler pour survivre. Du point de vue des civilisations antiques, c’était de la barbarie. Dans la Grèce antique, le travail empê-chait les hommes d’accéder à l’ Eudaimonia (le bonheur), but ultime de la vie. Le travail était quelque chose pour les esclaves

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9REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

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LE TRAVAIL EN CHIFFRESChaque personne a un rapport très personnel à son travail. Cela va du plein accomplissement

à la désaffection totale. Les études statistiques ne peuvent donner qu'une idée globale de ce que signifie le travail et ce qu’il suscite : des aperçus.

milliards de personnes de plus de 15 ans travaillent dans le monde. Cela représente 58,5 % de la population mondiale (de plus de 15 ans). Le temps de travail

hebdomadaire moyen se situe entre 32 heures (Pays-Bas) et 53 heures (Émirats Arabes Unis). Dans les pays industrialisés, il tourne autour de 38 heures hebdomadaires.

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¼jusqu’à 1/3 du temps de travail moyen était nécessaire en 2016 par rapport

à 1970 pour l’achat de produits alimentaires comme par exemple :1 litre de lait (1970 : 9 min. / 2016 :

3 min.) ou 1 kg de côtelettes de porc (1970 : 96 min. / 2016 : 21 min.)

3,3

L’épuisement par le travail a fortement augmenté en Europe entre 2007 et 2016 – mesuré sur le fait que la population active ne se sent plus en forme au moins quelques jours par mois pour

accomplir les tâches ménagères après le travail. En Allemagne de 39 % à 48 %, en France de 47 %

à 64 %, en Grande-Bretagne de 52 % à 66 %.

des infirmières aux États-Unis rapportent

des effets aigus et chroniques du stress et

du surmenage.

Agriculture

Prestations de services

Industrie des employés en Allemagne travaillaient dans le secteur tertiaire en 2017. Cela n’a pas toujours été ainsi. L’évolution entre 1950 et 2017 montre que : ce sont les

progrès de la productivité dans l’industrie et l’agriculture qui ont permis cette montée en flèche du secteur tertiaire.

68,9 %des personnes dans les sociétés à

faibles revenus travaillent dans l’agriculture. Dans les sociétés à revenus élevés, 74,2 % travaillent

dans le secteur des services.

48 %75 %

+44

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75 %

32 h

53 h

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MONDE DU TRAVAIL FOCUS

11REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

Documentation chronophage : le temps de travail réel est trop court

qui n'avaient pas le loisir permettant de s’adonner à la politique, l’art ou la philosophie. Le christianisme renversa ensuite cette vision des choses. Le travail serait la conséquence du péché, du bannissement du paradis. « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain », dit l’Ancien Testament. « Prie et travaille » était la règle de vie des Bénédictins. Le capitalisme qui a imprégné le monde du travail pendant les 150 dernières années a exploité cette notion. Il a donné naissance à la forme de travail aujourd’hui dominante : le travail salarié.

Mais le capitalisme est en pleine crise. L’économiste français Thomas Piketty décrit dans son livre (« Le Capital au XXIe siècle ») un système qui, structurellement, mène à l’inégalité. Les revenus des placements de capitaux augmentent plus vite que ceux du propre travail. Le travail et la rémunération sont dissociés. Selon le diagnostic de Piketty, l’État doit compenser la divergence entre les revenus et la richesse. Mais il est probable que l’État ne soit pas assez fort sur le long terme. C’est pourquoi Piketty prédit une nou-velle ère de faible croissance et d’inégalités extrêmes : un monde dans lequel la richesse est transmise principalement par héritage d’une génération à l’autre. En bref, ceux qui travailleront encore sont soit des fous, soit de pauvres diables, comme à l’époque pré-industrielle. L’auteur britannique Paul Mason considère que l’hu-manité est déjà arrivée à l’ère du post-capitalisme. Sans croissance et sans conquête incessante de nouveaux marchés, le capitalisme ne fonctionne plus. Mais il devient de plus en plus difficile de pro-duire de la croissance. Selon la thèse de Mason, la technologie de l’information est la fossoyeuse du capitalisme. À l’apogée du capi-talisme, tout tournait encore autour de la propriété et du contrôle des moyens physiques de production. Aujourd’hui, ceux-ci passent au second plan. Les imprimantes 3D montrent bien comment des algorithmes peuvent remplacer les professions classiques, même pour construire des maisons.

Il ne reste guère d'activités à l'analogiqueCe bouleversement a touché de nombreux secteurs. Dans leur étude « The Future of Employment » (2013), les économistes de l’Université d’Oxford estiment que sur 702 professions actuelles, près de la moitié auront disparu dans les 20 prochaines années en

raison de la numérisation. Les arbitres professionnels, les chauf-feurs de taxi et les conseillers fiscaux seraient particulièrement menacés. En revanche, selon les économistes d’Oxford, les pro-fessions médicales sont encore relativement sûres. La numérisa-tion fait partie de la tendance à l’automatisation qui date de plus de 150 ans. L’introduction de la machine à vapeur, de l’électrici-té, du moteur à combustion et de la chaîne de montage ont jadis ébranlé le monde du travail, éveillé des angoisses et brisé des vies. Et pourtant la numérisation a une autre qualité, celle de péné-trer dans presque tous les endroits. Quasiment aucune activité ne devrait à l’avenir se cantonner uniquement à l’analogique. Cela ne signifie pas que l’analogique disparaît(ra). Analogique et numé-rique peuvent se gêner ou se dynamiser mutuellement. En méde-cine par exemple, les analyses automatiques de mammographies, les robots chirurgicaux et les dossiers numériques des patients peuvent améliorer la qualité et l’efficacité des soins aux patients.

Il arrive que des médecins se plaignent que la technique leur met des bâtons dans les roues. Selon une enquête initiée par le Dr Dominik Pförringer, chirurgien en traumatologie et expert munichois en numérisation à l’hôpital Rechts der Isar, avec des collègues, les médecins passent aujourd’hui presque la moitié de leur temps de travail à la documentation administrative. Du fait que les patients sont souvent traités par plusieurs praticiens de différentes disciplines et que la fusion des données n’est guère réglementée, il arrive fréquemment que des données soient sai-sies en double, ou disparaissent inexplicablement. Pour gagner du temps, un certain nombre de médecins se sont mis à écrire sur l’ordinateur directement pendant les entretiens avec les patients. « La technique s’interpose littéralement entre le médecin et le patient », déclare Pförringer.

La norme « 9 à 17 heures » en pleine dissolutionCependant la technologie a le potentiel d’orienter l’analogique et le numérique dans une bonne direction. Il y a aussi les aspects analogiques et humains que le patient apprécie chez le person-nel hospitalier et qui contribuent à la guérison : compréhension, confiance, empathie. C’est ce qui rend les professions médicales irremplaçables face à la mutation numérique. L’avenir appar-tient donc à une technologie qui favorise ces points forts et crée plus d’espace pour l’aspect humaniste. Lorsque la couverture

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FOCUS MONDE DU TRAVAIL

Les horaires de travail deviennent flexibles – du moins là où c’est possible

Certains les appellent la génération Y, d’autres les « Millennials » De nombreux clichés sont liés à ces expressions qui se rapportent à une nouvelle génération de jeunes qui arrivent maintenant dans le monde du travail avec leurs souhaits, leurs valeurs et leur modes de pensée. Cela s’applique aussi à la médecine. « Y ? » – « Why ? » – « Pourquoi ? » telle est la question qui donne son nom à cette génération. En effet, on peut observer que les jeunes médecins remettent plus les choses en question que leurs prédéces-seurs : « Pourquoi dois-je travailler 24 heures d’affilée ? » « Pourquoi faut-il que j’apprenne par cœur pendant mes études les effets secondaires de préparations qui, plus tard, ne seront peut-être même plus sur le marché ? » « Pourquoi dois-je documenter la médication d’un patient bien que plusieurs médecins traitants l’aient déjà fait avant moi ? »

De nombreux jeunes médecins savent exactement ce qui les attend dans leur profession. Souvent ils suivent un modèle familial. Pour Dominik Pförringer, 38 ans, orthopédiste et chirurgien traumatologue à l’hôpital de Munich Rechts der Isar, c’est le cas depuis déjà 1749. Pförringer est médecin depuis la huitième généra-

tion. Il sait que son métier n’est au-jourd’hui plus le même qu’au temps de ses ancêtres. « Aujourd’hui les médecins sont des prestataires de service. », dit-il. Le service doit satisfaire, en somme comme au restaurant, sauf qu’il s’agit ici de santé. Pour lui, cela signifie aussi qu’il doit adapter ses horaires de travail aux besoins de ses patients. « Lorsque je suis appelé, je réponds presque toujours présent – peu importe quand, et peu importe où je suis. » Il souhaite que d’autres aussi soient plus centrés sur le bien-être des patients. « En outre, que la répartition des moyens soit plus juste – moins pour l’entreprise, plus pour les patients. » Un premier pas dans cette direction pourrait être l’introduction d’une rémunération basée sur les résultats, dont la hauteur serait en fonction de la satisfaction des patients. Veronika Goethe, 27 ans, urologue à l’hôpital Rechts der Isar, a « hérité » elle aussi de sa profession. Sa mère est médecin. À cela s’ajoutaient un penchant précoce pour les sciences de la vie et le désir d’aider les autres, ainsi que l’aptitude et la dose de chance nécessaire pour décrocher une place à l’université. Veronika Goethe peut partager son

temps entre la recherche et le traitement des patients. La moitié du temps, elle travaille comme médecin chercheur pour l’étude PROBASE sur le dépistage du cancer de la prostate, l’autre moitié, elle traite des patients dans le service d’urologie. Contrairement à ce qu'elle imaginait lorsqu’elle était étudiante, elle apprécie maintenant le large spectre d'activité et le potentiel d'évolution qui s'offrent à elle dans un grand établisse-ment. En général, les jeunes médecins sont nettement moins pressés que les anciennes générations de quitter le plus vite possible l'hôpital pour ouvrir leur propre cabinet. Le stress et l’insécurité du travail indépendant sont dissuasifs pour bon nombre d’entre eux. Ils préfèrent un salaire fixe et des horaires de travail fixes. Un autre problème pointé par les jeunes médecins est le manque de communica-tion entre médecins de divers établisse-ments ou diverses spécialités. Ils savent qu’en cette époque de spécialisation et de rationalisation, la clef d’un bon travail est la qualité de la communication. Et ils découvrent que les structures actuelles et les moyens techniques ne facilitent pas toujours cette communica-tion, bien qu’ils en aient le potentiel.

Les « poseurs de questions » arrivent

médicale des régions peu peuplées est tellement insuffisante qu’il est nécessaire d’attirer des médecins par des garanties de reve-nus, la télémédecine peut amener les médecins jusqu’au patient. Lorsque des disciplines telles que la chirurgie manquent de relève en raison de la forte sollicitation physique, les robots chirurgicaux les rendent plus attractives pour les jeunes médecins. Face à l’éco-nomisation de la médecine, les nouvelles technologies peuvent créer de l’espace pour ce que les patients attendent des méde-cins et ce qui a jadis motivé les médecins à choisir leur métier : l’aide et la compréhension.

Un autre développement de la numérisation est l’individua-lisation, celle du travail aussi. La norme « 9 à 17 heures » est en voie de disparition. Il semblerait que de nombreux salariés pré-fèrent aménager individuellement leurs heures de travail. La toute dernière convention salariale dans l’industrie métallur-gique qui laisse aux employés le choix entre l’argent et le loisir

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FOCUS MONDE DU TRAVAIL

14 REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

La « Fatigue d’être soi » ne devrait pas avoir d’avenir

Kristian HammerstadIl se pourrait bien qu’il concrétise déjà l’avenir d’un travail en « Flow » (Mihály Csíkszent-mi-hályi, 1975) – autonome, créatif et et d’une passion imaginative : Kristian Hammerstad, né en 1980 à Oslo, se consacre corps et âme à l’illustration. Pour ce faire, il extrait la quintes-sence de ses objets et la transpose dans des

illustrations de BD – une approche qui se prête parfaitement aux thèmes abstraits, tel que notamment l’avenir du travail. C’est ainsi que l’artiste suscite l’enthousiasme des lecteurs, du New Yorker au journal Le Monde et au New York Times. Des emprunts formels aux « comics » américains des années 1950 sont indéniables : ils résonnent comme de véritables échoson-dages de la société.

constitue une avancée dans cette direction. Naturellement, le meilleur modèle de travail ne dépend bien entendu pas unique-ment du modèle de vie d’une personne et du modèle d’activité de l’employeur concerné, mais aussi de la branche. Dans l’indus-trie minière, les emplois à temps partiel à horaires flexibles sont quasi impraticables, la caserne de pompiers d’une grande ville ne peut guère fonctionner seulement avec des « free lance », et un chirurgien traumatologue continuera toujours de quitter une soirée familiale en cas d’urgence.

Mais une flexibilité plus grande des entreprises et des employés a aussi ses inconvénients, car la liberté peut aussi être astreignante. Ce n’est pas par hasard que le philosophe et socio-psychologue Erich Fromm (1900–1980) parle de la « peur de la liberté ». L’idée sous-jacente est l’opposition de la liberté et de la sécurité. On ne peut pas avoir totalement les deux. La liberté devient une charge quand elle est vécue comme étant arbitraire, aléatoire et imprévisible. Elle peut perdre sa principale fonction, à savoir : apporter la sécurité. Sécurité signifie bien plus que la seule protection financière. Le travail ancre les hommes dans la société, il leur procure la reconnaissance sociale et une place dans la société, des besoins fondamentaux insuffisamment pris en compte dans les rapports de travail actuels. Ces considérations font également partie d’un monde du travail qui ne devrait pas se limiter au rapport « salaire contre performance ». Dans de mau-vaises conditions de vie professionnelle, les hommes n’ont le choix qu’entre deux maux : la frustration dans le travail ou la frustra-tion du chômage. Lorsque les hommes ne trouvent plus ce dont ils ont besoin dans le travail, ils commencent à souffrir. Ils sont en quête de reconnaissance. Cela finit souvent par la frustration, la démission intérieure, le burn-out ou le karoshi, la mort par sur-menage. Dans son livre « La fatigue d’être soi », le sociologue fran-çais Alain Ehrenberg décrit un Moi humilié, frustré, incertain.

Le travail : un concept en évolutionC’est le travail qui fait de l’homme ce qu’il est. Il constitue une part essentielle de la réponse à la question : Qui es-tu ? Le travail donne à un homme une place dans la société. Mais la numérisa-tion et les gains de productivité exigent aussi que nous réfléchis-sions à ce que nous voulons entendre à l’avenir par « travail ». La fameuse étude Marienthal, dans laquelle des sociologues se sont

penchés dans les années 1930 sur les conséquences du chômage dans l’industrie textile, a montré que : le problème des gens qui n’ont pas de travail n’est pas tant le fait qu’ils n’ont pas d’argent, mais plutôt qu’il leur manque des raisons de faire quelque chose. Pourquoi aller au parc s’il n’y a rien dont il faille se reposer ? Pour-quoi manger abondamment s’il n’y a rien qui nécessite qu’on prenne des forces ? Une société qui manque de travail manque de cohésion. L'appartenance sociale se dissout. Mais de plus en plus, ce qu’on entend par travail n’est plus la seule activité pro-fessionnelle : aujourd’hui, une personne peut acquérir l’estime de soi et la reconnaissance sociale en soignant un proche atteint de démence ou en transmettant son expérience en étant entraî-neur de l’équipe junior d’une association sportive. Certains s’épa-nouissent dans une activité indépendante, d’autres seraient déses-pérément dépassés par une micro-entreprise unipersonnelle. Une société pour laquelle la liberté est une valeur fondamentale devrait laisser à l’individu la liberté d’aménager lui-même son travail. Peut-être par l’introduction de nouveaux modèles de travail, par l’encouragement d’activités bénévoles, peut-être même par un revenu de base inconditionnel, comme on en discute désormais dans tout l’éventail politique. Cela ne dévaloriserait pas le travail. Toutes les personnes concernées devraient se poser la question : Quel type de travail et donc de futur voulons-nous contribuer à créer ? Le travail ne serait plus tellement un moyen d’atteindre un but, mais le but en soi. Un bon travail nous donne des raisons de faire quelque chose. Il motive, il nous garde vivants. Un bon travail se reconnaît au fait qu’il n’est plus besoin de nous deman-der pourquoi nous nous levons le matin.

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Revue Dräger : Dr Ahlers, la numéri-sation du monde du travail est-elle un phénomène nouveau ou plutôt la continuation d’un ancien ?Dr Elke Ahlers: Elle est en partie une continuation amplifiée de quelque chose qui existait déjà auparavant – une flexi-bilisation du monde du travail. De nom-breuses questions ont déjà été discutées il y a dix ans lorsque le concept de la numé-risation n’occupait pas encore le devant de la scène. Hier comme aujourd’hui, les sujets abordés étaient l’évolution démo-graphique, la rationalisation des postes de travail, une structure « svelte » des organisations, le renforcement de l’orien-tation client ou les conséquences pour les conditions de travail. Il s’agissait aussi du décloisonnement du temps de travail, d’un meilleur équilibre travail/vie privée et d’horaires de travail adaptés.

En quoi consiste le changement ?

Aujourd’hui, le travail est fondamenta-lement différent dans de nombreux sec-teurs. Dans le secteur tertiaire notam-ment, on travaille souvent à des projets, auto-initiés avec des objectifs et des délais, en déplacement ou depuis chez soi. Le traitement de ces exigences était à l’ordre du jour dès avant l’ère de la numéri-sation. Autant de sujets qui sont passés à l’arrière-plan avec la numérisation. Ensuite, il a été décrété que nous ne pou-vions plus gérer ces tâches dépassées et que nous devions désormais nous préoc-cuper de la grande vague de la numérisa-tion, entre autres pour rester concurren-tiels à l’échelle internationale.

Mais cela n’est pas une pure invention. Il y a dix ans, nous travaillions de manière très différente d’aujourd’hui et cette mutation est aussi induite par la technologie.

« Cela renforce les évolutions »La sociologue Dr. Elke Ahlers dirige depuis 2013 l’unité « Qualité du travail » de la fondation Hans-Böckler. Elle y étudie aussi les conséquences de la numérisation

C’est vrai. On travaille aujourd’hui beaucoup en réseau et de manière accé-lérée via Internet. La numérisation accentue encore les évolutions d’au-trefois. Le fait de pouvoir travailler tou-jours et de partout est un moteur pour une plus grande flexibilisation et un décloisonnement accru du travail.

Vous avez interrogé 2000 comités d’entre-prises dans toute l’Allemagne sur la numé-risation. Qu'en est-il ressorti ?Les réactions sont très partagées. Une grande partie des comités, environ 40 %, s’y montre favorable. Une petite partie voit la numérisation d’un œil cri-tique. Et un bon nombre n’a pas encore d’avis sur la question.

Dans quel secteur se montre-t-on le plus critique envers la numérisation ?Les réponses des comités d’entre-prise des banques et des assurances se démarquent. Selon nos données, c’est dans ce secteur que la numérisation a eu le plus de conséquences négatives.

Pourquoi justement là ?Dans le domaine financier, on procède à une forte algorithmisation des proces-sus de travail, notamment des proposi-tions d’assurance ou du traitement des crédits. Une tâche souvent prise en charge par les ordinateurs. Les employés voient alors que leur travail devient superflu. Cela donne lieu à des restructurations et des licenciements. Mais l’intensification du travail du personnel ou le contrôle des performances dictées par la technologie sont aussi un enjeu. Dans cette branche, les exigences en matière de travail étaient autrefois déjà fortement liées au chiffre d'affaires. La numérisation s’avère être un amplificateur de cette tendance.

Où la numérisation est-elle favorablement accueillie ?Les entreprises de technologie de l’infor-mation et de la communication sont les moins critiques. Les comités d’entreprises de ce secteur jugent la numérisation plu-tôt positive. Les employés de ce secteur pratiquent plus le télétravail à domicile, ce qui permet de concilier plus facilement famille et vie professionnelle. Mais ces modèles sont ici déjà une tradition.

Un travail à domicile peut aussi effa-cer les frontières entre travail et famille. Les comités d’entreprise se mobilisent-ils sur ce point ?Oui, nous observons qu’avec de bonnes conventions d’entreprise, il est possible de résoudre les problèmes de l’accessibi-lité constante.

D’où provient cette pression liée à l’accessibilité constante ?Bon nombre d’employés travaillent en auto-organisation. L’employeur n’est pas le seul responsable de la pression due au fait de devoir être accessible en permanence ; elle est aussi souvent liée à l’organisation du travail et aux structures du projet.

Le nouveau gouvernement fédéral a fait de la numérisation l’une de ses principales préoccupations. Quelle mission lui donneriez-vous ?Lorsque les politiciens parlent de numé-risation, il s’agit souvent du déploie-ment de réseaux à large bande et de l’adaptation à une compétitivité inter-nationale. Mais il devrait aussi s’agir d’un bon travail à l’ère du change-ment numérique, de la protection des employés contre l’autoexploitation et de plus de droits de codécison en matière d’organisation du travail.

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Expérience limite

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Les mères qui mettent leur enfant au monde bien avant la date de naissance prévue, ne s’inquiètent pas seulement du bien-être de leur bébé – elles doivent aussi gérer le choc occasionné par la FIN ABRUPTE DE LEUR GROSSESSE. Que faire lorsque le rêve d’une bonne grossesse est brisé ?

Texte : Dr Hildegard Kaulen

« Nooon ! » Ce cri silencieux retentit dans la tête de Paula lorsqu’elle sentit les eaux couler le long de la face interne de ses cuisses. À cet instant, Paula M. était à la fin de la 26ème semaine de gros-sesse et ne s’était pas encore vraiment préoccupée de l’accouchement. « Non, il faut que l’enfant reste où il est ! Main-tenant je ferme les yeux, et le cauchemar va passer » Mais il ne passa pas. La rup-ture de la poche des eaux avant terme, un début d’infection et les irrégulari-tés du rythme cardiaque fœtal ne lais-saient aucun choix à Paula. Son fils dut être mis au monde par césarienne bien avant la date de naissance estimée. Le poids de naissance de Léon était d’en-viron 900 grammes. En le voyant pour la première fois, Paula fut bouleversée : comment être confiante en la capacité de ce petit être minuscule, immature et vulnérable à affronter la vie ? Y réussira-t-il tout seul ?

Ces questions et bien d’autres préoc-cupent toutes les mères de prématurés. Plus le bébé est immature, plus le choc est profond. Cela, le Prof. Christian Poets, titu-laire de la chaire de néonatologie à l’Uni-versité de Tübingen, le sait bien. « Les mères ont du mal à comprendre cette fin brutale de leur grossesse », dit-il. « Elles croient avoir échoué parce qu’elles n’ont pas gardé leur enfant en elles jusqu’à la fin des 40 semaines. Et ensuite, elles vivent une situation où d’autres personnes leur enlèvent leur mission première, celle de prendre soin de leur enfant nouveau-né. Ce choc est profond », poursuit Poets. « Mais le programme NIDCAP peut aider à surmonter ce traumatisme. » NIDCAP est l’abréviation de Newborn Individua-lized Developmental Care and Assessment Program : un programme de soins per-sonnalisés destinés aux prématurés, qui a été développé dans les années 1980 par la psychologue d’origine allemande, Hei-delise Als. Elle travaille depuis 40 ans au Boston Children’s Hospital qui fait par-tie de la Harvard Medical School. Le pro-gramme conçu au départ pour les soi-gnants intègre aujourd’hui également les parents. Le programme NIDCAP s’appuie sur une évaluation individuelle appelée Assessment : chaque prématuré doit rece-

Les prématurés aimeraient poursuivre leur développement à l’abri dans le ventre maternel et non dans une unité de soins intensifs. L’idéal est une aide individualisée

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voir exactement les soins et le soutien dont il a besoin. Pour cela, il faut comprendre le comportement de l’enfant, donc recon-naître ce qu’il veut exprimer par ses réac-tions, ses sons et les changements de sa peau. L’Assessment s’effectue au moyen d’observations systématiques du com-portement qui sont consignées dans un protocole d’examen standardisé, à partir duquel un suivi personnalisé est ensuite élaboré. Ce ne sont pas seulementquelques adaptationsSur quelles hypothèses se fonde le NIDCAP ? Les enfants bénéficient de sti-muli appliqués à des moments propices et d’une complexité adaptée. Les enfants plus matures supportent plus de stimu-li que les enfants immatures. Le pro-gramme part du principe que même les enfants très immatures réagissent aux sti-

grimaces, pâleurs, hyper-extension ou hoquet. Les signes de détente sont par exemple l’enroulement du corps, une mimique de satisfaction, les bras et les jambes en flexion, le fait de porter la main à la bouche. Tout ceci est enregistré soi-gneusement par le NIDCAP.

Le Professeur Heidelise Als a large-ment décrit les concepts de biologie du développement qui sous-tendent le pro-gramme NIDCAP. À savoir que le préma-turé est censé vivre l’étape la plus critique de son développement cérébral à l’abri du sein maternel, qu’il peut s’orienter d’après les frontières de la poche amnio-tique et que sa journée est structurée par le rythme veille/sommeil de la mère. Au lieu de cela, il est confronté aux condi-tions régnant dans une unité de soins intensifs et à des parents déconcertés. Il a de ce fait besoin d’une aide indivi-duelle pour maîtriser son développe-ment cérébral dans ces conditions tout autres. La psychologue Als justifie donc bon nombre de recommandations en invoquant le système encore immature du prématuré. Elle parle notamment du système autonome pour toutes les fonc-tions vitales telles que la respiration, le rythme cardiaque et la digestion, du sys-tème moteur pour toutes les activités motrices, du système pour la veille et de la somnolence, l’attention et l’interaction sociale ainsi que du système pour l’inté-gration de ces fonctions. Les prématurés très immatures ont des difficultés à réa-gir aux stimuli sociaux lors de la tétée. Ils ne peuvent pas simultanément téter, ava-ler, respirer et en même temps réagir aux paroles des parents ou du personnel soi-gnant. Cela dépasse la force d’intégration

muli en utilisant leurs forces individuelles et en exprimant leur propre volonté. Ces réactions doivent être bien comprises afin de pouvoir y répondre par un suivi per-sonnalisé. « Mais NIDCAP, c’est beaucoup plus que de la lumière tamisée, un faible niveau sonore et un contact corporel », explique le Professeur Poets. « C’est une école de la perception qui nous apprend à entendre et à voir ce que le prématuré peut, veut et ce dont il a besoin. L’enfant donne le rythme, il détermine ce qui est à faire et à quel moment il faut le faire. Qu’il s’agisse de l’alimenter, de donner des soins, d’intervenir médicalement ou de faire des câlins. Grâce à NIDCAP, les parents aussi apprennent à mieux perce-voir et à améliorer leur compétence d’ac-tion et leur autonomisation. Des indica-teurs de stress très clairs indiquent aux parents et aux soignants comment l’en-fant se sent : par exemple tremblements,

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La pionnière du programme NIDCAP le Professeur Heidelise Als (à gauche) en conversation avec le Professeur Christian Poets de l’Université de Tübingen

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Une école de la perception qui aide à mieux comprendre le prématuré

Le contact corporel renforce le lien entre la mère et l’enfant et lui assure protection

et sécurité

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Des bras en extension et une posture tendue sont des signes de stress

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de leur système encore immature. C’est pourquoi les experts NIDCAP conseillent aux parents et aux soignants de donner la têtée dans le calme et sans lui parler.

Un seul centre de formation en Allemagne C’est en 1994 que le Professeur Poets découvre le NIDCAP. Mais il n’introduit ce programme que 14 ans plus tard. Des négociations de maintien de poste après une offre de chaire à la Charité de Ber-lin lui procurent l’espace financier néces-saire à Tübingen. Il reçoit aussi une aide financière supplémentaire des associa-tions de parents qui soutiennent le pro-gramme. Aujourd’hui, six experts NIDCAP travaillent dans son équipe, ainsi que deux formatrices. La néonatalogie de Tübin-gen est aussi le seul centre de formation NIDCAP de l’espace germanophone. Le Professeur Heidelise Als a même aidé per-sonnellement son collègue Poets pour sa mise sur pied. NIDCAP est aujourd’hui bien ancré dans de nombreux pays. Tou-tefois les centres de néonatalogie ren-contrent encore des difficultés en Alle-magne. La mise en place demande du temps et de l’argent, et requiert en outre une autre manière de penser. Celui qui identifie et représente le mieux les inté-

rêts du prématuré est la personne de référence, et non pas celle qui a l’auto-rité hiérarchique. Quelles difficultés a rencontrées la mise en œuvre ? « Cela requiert un changement dans la façon de penser, mais avec le temps, on déve-loppe une plus grande sensibilité à ce que le prématuré veut exprimer », explique le Prof. Poets qui ne propose toutefois le NIDCAP que pour les prématurés très immatures. Il aurait aussi été aidé par une prescription du GBA (Comité fédé-ral conjoint) qui impose désormais la pré-sence d’au moins un(e) infirmier(ère) en pédiatrie ou un(e) soignant(e) par préma-turé nécessitant des soins intensifs. Cette prescription aurait entraîné une augmen-tation du ratio d’encadrement dans les unités de soins intensifs. « Nous avons de ce fait plus de temps pour des observa-tions approfondies », ajoute le chef de cli-nique.

Faire des parents des expertsComment le programme NIDCAP devrait-il évoluer ? Poets répond sans hésitation. « Vers une compétence encore plus grande des parents », dit-il. « Même s’ils sont aujourd’hui très fortement impliqués, NIDCAP reste encore un programme axé sur l’expertise. Les spécialistes donnent

Chaque enfant a ses forces individuelles et sa volonté propre

Les bras fléchis et les mains jointes sont des signes de détente

L’expression du visage et la respiration montrent également comment va le prématuré

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Mettre un enfant au monde est le privilège bien spécifique de la femme. Mais c’est en même temps une expérience limite à laquelle elle ne peut se préparer complètement et dont on ne parle guère ouvertement. Mais sur les forums Internet, on trouve de plus en plus de récits d’accouchements. Ils montrent que beaucoup de mères n’ont pas un très bon souvenir de la naissance de leur enfant. Le nombre de celles qui parlent d’un évènement traumatisant est en augmentation – même si l’enfant est venu au monde en bonne santé et à terme. Le Dr Cecilia Colloseus, anthropologue culturelle de l’université de Tübingen a évalué dans le cadre de sa thèse 44 récits d’accouchement et a ainsi fait entrer le point de vue des femmes enceintes sur la naissance dans la recherche scientifique. Cela a montré qu’à l’évidence, la médecine n’accorde pas un intérêt suffisant au thème de la naissance comme expérience limite. On demande rarement aux femmes ce qui est important pour elles et ce dont elles ont besoin pour une bonne naissance. Beaucoup vivent apparemment l’arrivée de leur enfant non pas comme une mise au monde active, mais comme un accou-chement subi. Cette passivité est en contradiction avec la prise de décision participative de plus en plus exigée (voir aussi la Revue Dräger 16, pages 22 et suivantes). Il faut entendre par là la décision commune, d’égal à égal, concernant les interventions médicales.

Qu’est-ce qui est important pour les futures mères ? « Les femmes souhaitent un accompagnement meilleur et permanent , ainsi qu’une meilleure information », explique le Dr Colloseus en se référant aux conclusions de la science maïeutique. « Nombre de femmes, surtout des primipares, ne sont toutefois en mesure de formuler ce vœu qu’après l’accouchement, car elles sont parties d’autres hypothèses. » Elles s’attendent à qu’une sage-femme soit présente à chaque instant. Mais ce n’est pas le cas dans la plupart des maternités en raison des contraintes de personnel. Les femmes sont souvent laissées toutes seules pendant des heures. Cela effraye bon nombre d’entre elles. Lorsque la naissance est imminente, il arrive souvent que des mesures soient prises sans qu’elles aient explicitement donné leur accord. Beaucoup vivent alors une perte de contrôle. Elles perçoivent les interventions médicales à la naissance comme portant atteinte à leur liberté, voire comme violentes, lorsqu’elles sont effectuées sans être annoncées ou sans égards », explique Colloseus. « De ce fait, la naissance est pour beaucoup un traumatisme. » Mais l’anthropologue culturelle est fermement convaincue qu’il serait à tous égards profitable de mieux se concentrer sur le vécu physique et psychique des parturientes. Investir dans un meilleur équipement en personnel des salles de travail ne déchargerait pas seulement les sages-femmes et les médecins, mais éviterait aussi des expériences pénibles aux parturientes. L’argent qui devrait être investi à cet effet pourrait être économisé par ailleurs, par ex. en évitant des traitements d’états de stress post-traumatiques ou de lésions obstétricales.

le ton. J’aimerais aider les parents à être eux-mêmes des experts pour leur enfant. » Le néonatologue a découvert ce dévelop-pement au Canada et il est enthousias-mé. « J’aimerais impliquer les parents dès le début dans toutes les manipula-tions et les décisions. Ils doivent deve-nir les interprètes de leur bébé prématu-ré. En outre, ils doivent être en mesure de prendre déjà en charge (en partie) les soins de leur enfant à l’hôpital. » Actuel-lement les parents sont souvent encore très hésitants. On le remarque surtout lorsque le jour de la sortie approche. Ils se posent alors des questions comme : Réus-sirons-nous à nous en sortir seuls avec notre enfant ? Saurons-nous reconnaître avec certitude ce qu’il veut et ce dont il a besoin ? Pourrons-nous assumer cette responsabilité ? Si les parents étaient dès le début des experts, ils n’auraient plus à se poser ces questions. C’est pourquoi j’aimerais les rendre compétents. Mais en quoi une « bonne naissance » est-elle importante ? Le professeur n’hésite pas un instant à répondre. « Elle renforce le lien entre la mère et l’enfant et favorise l’auto-compétence et l’auto-efficacité des mères. » C’est pourquoi Poets pense que chaque nouvelle compétence aidera les mamans de prématurés à mieux gérer le traumatisme de la naissance.

Léon a aujourd’hui six ans. Malgré tout, Paula M. reste encore profondément marquée par le choc de la naissance pré-maturée. Elle n’a pas pu jusqu’à mainte-nant se décider à avoir une deuxième gros-sesse. Elle sait qu’elle doit travailler sur ce problème si elle veut être encore une fois enceinte et ne plus continuer à voir en son fils seulement le prématuré. En dépit de son âge et de l’assurance dont il fait preuve.

Qu’est-ce qu’une « bonne naissance» ? Le Dr Cecilia Colloseus de l’université de Tübingen au sud de l’Allemagne s’est penchée dans sa thèse sur des récits d’accouchement.

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ÉCONOMIE INDUSTRIE PÉTROCHIMIQUE

Carburantspour le futur

Les raffineries ne transforment pas seulement le pétrole en essence ou en gazole, mais également en un large palette d’autres produits. Pour cette seule raison, leurs compétences seront nécessaires dans la future ère de l’ÉLECTROMOBILITÉ. Cela vaut aussi pour la plus grande raffinerie de pétrole d’Allemagne.

Texte : Peter Thomas

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CCette gigantesque structure évolue

continuellement. La Rheinland Raffinerie, située entre Cologne et Bonn, est comme un être vivant de brique et d’acier, de béton et de vapeur. Ses veines sont constituées d’un réseau de 6 500 kilomètres de tuyau-terie, et ses organes sont d’immenses cra-queurs et colonnes de distillation. Les routes, les rails, les ports et les installations de contrôle en sont le système nerveux. Cette raffinerie se développe jour après

jour, car il s’y déroule toujours quelque part des travaux de soudure ou de nettoyage de modernisation et d’entretien, le transport des matières premières est optimisé.

Construite en 1937 pour la production de carburant synthétique par hydrogéna-tion de la lignite, la raffinerie de Rheinland est aujourd’hui la plus grande installation de traitement du pétrole du pays. Le site de 4,4 kilomètres carrés se compose de deux usines : Wesseling au sud (avec une capaci-té de 7,3 millions de tonnes de pétrole brut par an) et Godorf au nord (9,3 millions de tonnes) – un total de 16,6 millions de tonnes,

soit un peu moins d’un sixième de la capa-cité totale de raffinage en Allemagne. Celle-ci a augmenté fortement depuis les années 50, pour atteindre presque 180 millions de tonnes à la fin des années 70. Cependant, elle a subi une baisse significative dans les années qui ont suivi, puis une consolida-tion à 100 millions de tonnes, qui est restée stable depuis 2010. Selon la Mineralölwirts-chaftsverband (association des industries pétrolières), il y a actuellement 15 usines en activité en Allemagne, dans douze sites de raffinerie, dont 90 % des capacités de production des installations sont utili-

L’usine nord de la Rheinland Raffinerie

a été inaugurée en 1960 dans le quartier de Godorf à Cologne. Actuellement,

9,3 tonnes de pétrole y sont traitées

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Un plein d’essence sur neuf vient d’ici

sées. L’activité pétrolière n’est-elle pas un modèle obsolète, compte tenu de la transi-tion énergétique et du développement de l’électromobilité ? Il est impossible de pré-voir vraiment ce que les raffineries produi-ront dans 20 à 30 ans, et en quelle quan-tité. Mais Jan Zeese, porte-parole du site, est certain que les compétences seront tou-jours nécessaires à l’avenir. D’une part, il y aura toujours besoin de carburant et de fuel malgré les sources d’énergie diversi-fiées. D’autre part, les raffineries peuvent aussi produire de nouveaux carburants. Le secteur pense tout particulièrement aux véhicules à piles à combustible. Ces poids lourds, utilitaires et trains propres tirent leur énergie de l’hydrogène. Les raffine-ries l’extraient depuis longtemps déjà du

à quelques kilomètres, avait déjà été fondée par Shell en 1960.

26 000 heures de formation en douze moisLes raffineries sont des nœuds importants dans le réseau énergétique qui permet à un pays de continuer à travailler et donc de vivre. C’est pourquoi il font partie des « infrastructures critiques pour l’approvi-sionnement de la population », tout comme les terminaux pétroliers, les réseaux de sta-tions-service et les oléoducs. Cela corres-pond à l’ordonnance allemande de 2016 pour la détermination des infrastructures critiques (BSI-KritisV). C’est avec la plus grande raffinerie de la République fédé-rale que l’on se rend le mieux compte de l’importance de ces installations pour la vie quotidienne : la raffinerie de Rhein-

Le dialogue pour plus de sécurité : Matthias

Stuckstedte (deuxième à partir de la gauche), coordinateur

de projet de Dräger pour la raffinerie de Rheinland,

s’entretient régulièrement avec son client et avec

son équipe

ÉCONOMIE INDUSTRIE PÉTROCHIMIQUE

gaz naturel dans des reformeurs à vapeur. La prochaine étape, la production d’hydro-gène gazeux (par électrolyse d’eau avec de l’électricité verte) comme source d’éner-gie, est proche. L’innovation est pour l’in-dustrie chimique le carburant de son propre avenir ; et se renouveler continuelle-ment fait partie de l’histoire de la raffinerie de Rheinland. Au cours de ses premières années d’existence, à partir de 1937, l’usine de Wesseling traitait de la lignite provenant du bassin rhénan voisin. Elle produisait du carburant synthétique par le procédé Ber-gius (hydrogénation du charbon). Fermée en 1944, suite à d’importants dommages dus à des bombardements, l’usine a après la guerre tout d’abord produit du métha-nol et de l’ammoniac pour l’industrie des engrais. L’activité moderne de raffinage basée sur les huiles minérales commença quatre ans plus tard. Shell racheta en 2002 le site de Wesseling à la Deutschen Erdöl AG (DEA). L’installation de Godorf, située P

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land fournit, purement arithmétique-ment parlant, un plein d’essence sur neuf de toutes les voitures allemandes à moteur à combustion. Mais d’autres secteurs, tels que l’industrie des matières plastiques, en dépendent également. C’est pourquoi la devise de la Rheinland Raffinerie est « Soit ça marche de façon sûre, soit pas du tout. » « Cela comprend depuis 2014 éga-lement un centre de formation à la sécu-rité du travail », explique Claus-Christoph Hoppe, directeur du service sécurité et protection de l’environnement. Cette idée est d’origine néerlandaise. Pour travailler dans l’usine, il fallait avant suivre un cur-sus de sécurité avec des scénarios stan-dards et réussir un examen. Les presque 3 000 employés (environ 1 600 de Shell ain-si qu’en moyenne 1 300 d’entreprises par-tenaires) qui travaillent dans les deux par-ties du site en profitent. Rien qu’en 2015, 26 000 heures de formation ont été dispen-sées dans le Safety Center.

Tout cela demande un suivi actif dans l’entreprise, avec des postes de sécurité et des appareils de mesure des gaz. Shell se repose pour cela sur l’expertise de Dräger. 50 employés de l’entreprise de Lübeck tra-vaillent tous les jours sur les deux sites. Avec leurs casques de protection argent,

La mise en pratique de la culture de sécurité est indispensable au fonc-tionnement d’une raffinerie complexe. Les postes de sécurité en font partie

Une stratégie de sécurité signifie également que toute intervention sur le site de la raffinerie doit préalablement être approuvée

160 ans d’exploitation du pétrole en Allemagne Aujourd’hui, 2,4 millions de tonnes du pétrole brut transformé en Allemagne proviennent de la production nationale – cela représente un peu plus de 2,5 % des quantités traitées par les raffineries allemandes. Par le passé, la production nationale de pétrole a été plus importante. L’extraction à l’échelle industrielle commença en 1858 avec un forage à Wietze, en Basse-Saxe. Les agriculteurs y exploitaient déjà depuis le 17ème siècle des sables bitumineux, et vendaient le pétrole qu’ils en extrayaient entre autres comme lubrifiant. Le forage réalisé par le géologue Georg Hunaeus en 1858 a très certainement été le premier de son genre dans le monde. L’exploitation à grande échelle commença à la fin du 19ème siècle. Durant les deux premières décennies du 20ème siècle, Wietze a été le champ de pétrole le plus productif d’Allemagne.

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Claus-Christoph Hoppe

blancs et verts (pour les postes de sécuri-té, les surveillants et les détecteurs de gaz), ils se sont fait depuis 2016 une réputation dans le domaine de la sécurité du travail. « Les innovations de processus en cours se reflètent également dans le travail quoti-dien de nos employés », déclare Matthias Stuckstedte, coordinateur de projet de Drä-ger Rental & Safety Services pour la raffine-rie de Rheinland. « Plus de chantiers, cela mplique un plus grand besoin de perfor-mance pour la sécurité de travail. » L’ex-pertise de Dräger pour les mesures rapides et précises de concentration de gaz dans l’atmosphère n’est pas seulement un question de mesure dans les zones sur les-quelles des travaux doivent être réalisés. Le partenariat avec la plus grande raffine-rie allemande remonte à plusieurs décen-nies, entre autres avec les tenues de pro-tection respiratoire ainsi que les appareils de mesure de gaz mobiles et fixes. Pour la mise en place de nouvelles réglementa-tions, l’industrie collabore également avec les spécialistes de Lübeck. Par exemple, des essais de mesure du benzène ont lieu dans la raffinerie de Rheinland avec les

Le Dräger X-pid de Dräger est destiné aux mesures de

composés organiques volatiles dangereux dans l’atmos-

phère – cet appareil affiche les concentrations dans la gamme

des milliardièmes

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« Sécurité maximale »Claus-Christophe Hoppe est le chef de la sécurité et de la protection de l’environne-ment dans la raffinerie Rheinland de Shell. Il considère la sécurité au travail comme une mission globale pour l’exploitant de la grande installation pétrochimique.

Revue Dräger : Monsieur Hoppe, y a-t-il dans le Safety Center un poste « housekeeping ». La propreté fait-il partie de la sécurité du travail ?Claus-Christoph Hoppe : L’ordre sur les chantiers participe à l’amélioration de la sécurité au travail. Seul un poste de travail rangé est sécurisé. Cela commence par n’apporter sur un chantier que ce qui y est vraiment nécessaire. Et sur le lieu d’intervention, l’équipement et les matériaux pour les travaux sont rangés dans des boîtes – ce qui réduit les risques d’accident. La sécurisation des équipements lors de travaux en hauteur fait également partie du housekeeping.

Comment le Safety Center dans l’usine y participe-t-il ?Notre centre de sécurité, inauguré en 2014, en est une pierre angulaire. Déjà deux ans après, le renforcement de la sécurité au travail qu’avait apporté cet investissement était évident : nous avons à ce jour déjà formé plus de 22 000 employés. Avec un nombre d’accidents du travail soumis à déclaration de 1,0 pour un million d’heures de travail (jusqu’en septembre 2007), nous sommes parmi les meilleurs de notre métier – y compris par rapport aux autres industries.

Comment les formations se déroulent-t-elles ?Dans le Safety Center, douze situations de travail typiques de la raffinerie sont mises en scène – toutes sont entâchées d’erreurs, que toute personne qui veut travailler chez nous doit identifier. Une évaluation est réalisée à la fin. Ce n’est qu’à l’issue de cette évaluation que l’on obtient un autorisation de travail et que l’on peut travailler sur le site de la raffinerie proprement dit.

Quel rôle la coopération avec les pompiers officiels joue-t-elle ?Cette coopération fonctionne vraiment bien, à tous les niveaux. Nos pompiers de Wesseling s’entraînent par exemple avec les pompiers volontaires sur des scénarios d’intervention dans notre port. De plus, toutes les chaînes d’alerte sont régulièrement vérifiées et ajustées si nécessaire. Avec une procédure à plusieurs niveaux, nous informons toutes les autorités et les pompiers compétents de tous les événements possibles. Le corps de sapeurs-pompiers de la raffinerie possède deux casernes et compte plus de 100 personnels d’intervention professionnels.

Qu’en pensent les riverains ?Les gens qui habitent à proximité de l’une des deux usines veulent que l’exploitation se fasse de manière fiable et sécurisée. Nous sommes convaincus de pouvoir atteindre ce « Goal Zero » ; sans événements imprévus, plaintes ou violations de règles. Informer nos voisins en fait également partie. Nous avons mis en place pour nos deux usines des listes de diffusion de courriels. Il y a de plus un service téléphonique gratuit pour le voisinage, 24 h sur 24.

Quand serez-vous satisfaits du niveau de sécurité de la raffinerie ?À vrai dire, jamais, car la sécurité absolue n’existe pas. C’est pourquoi nous devons toujours travailler à assurer la plus haute sécurité possible – pour nos employés, les entreprises partenaires, le voisinage, les installations et l’environnement. P

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27REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

INDUSTRIE PÉTROCHIMIQUE ÉCONOMIE

nouveaux X-pid (voir aussi Revue Dräger 17, pages 40 et suivantes). Il s’agit d’opti-miser l’utilisation de l’appareil de mesure de gaz pour une large utilisation. Au lieu de prendre des échantillons et de les ana-lyser en laboratoire, comme actuellement, les concentrations de gaz organiques vola-tiles pourront à l’avenir être mesurées de façon mobile dans la nouvelle gamme des faibles concentrations. La sécurité est une chose dont la raffinerie de Rheinland parle ouvertement. « Faire autrement est inimaginable dans un site aussi grand, situé dans une région aussi densement peuplée », déclare Zeese, le porte-parole du site. Et si un incident se produit mal-gré tous les efforts, les connaissances qui en découlent sont intégrées au concept de sécurité. Nous tirerions les leçons des éven-tuels échecs pour nous améliorer à l’ave-nir, ajoute le Dr Thomas Zengerly, direc-teur de la raffinerie (nouveau président de Shell pour l’Allemagne à partir du mois de juillet) lors d’une interview publiée en décembre 2015 dans le journal local de l’usine.

Élément de la sécurité du travailLa sécurité n’a parfois besoin que d’un accueil amical et d’une prise en main rapide du scanner : « Bonjour ! », dit Rebec-ca Schaffrath en prenant un appareil de

mesure monogaz, elle scanne le code barre et donne le nouvel appareil. La coordina-trice sur site de Dräger Rental & Safety Services est responsable de plus de 17 000 appareils, qu’elle tient prêts dans les deux Safety Shops de la raffinerie. « Ce service est proposé depuis 2010 », déclare Volker Schütte, directeur des ventes pour la région est chez Dräger. « Nous faisons partie inté-grante de la sécurité du travail et sommes profondément ancrés dans les processus des clients. » Alors que les postes de sécuri-té, les surveillants et les détecteurs de gaz se trouvent à l’entrée de l’usine, le Safety Shop se trouve au cœur de la raffinerie. Cela explique l’importance du conteneur sans fioritures qui sert de bureau explique Sven Schmellenkamp, responsable grands comptes (Key Account Manager) chez Drä-ger. « Le Safety Shop est la clé de voûte de

la sécurité au travail, tout particulièrement pour toutes les entreprises extérieures qui y sont équipées de moyens de mesure. » Nous tenons plusieurs milliers d’appareils de mesure monogaz ainsi que plusieurs cen-taines d’appareils de mesure multigaz de Dräger à disposition pour cela. « 80 % des appareils prêtés sont des dispositifs d’alerte au sulfure d’hydrogène. »

Le magasin est ouvert du lundi au samedi, la plupart du temps de 6 h 30 à 16 h. En dehors de ces horaires, un robot de prêt prend la relève (voir aussi Revue Dräger 3, pages 32 et suivantes). L’ar-moire bleue en acier contient une sélec-tion complète des appareils les plus impor-tants. Cela inclut les appareils de détection de l’alcool. Ils sont à la disposition des res-ponsables d’équipe, pour le contrôle des chauffeurs dans l’enceinte de l’usine. Cela fait aussi partie de la sécurité – sans elle, rien ne peut fonctionner dans la raffine-rie de Rheinland

La compétence technique comme ici, dans l’une des deux Safety Shops, fait partie des services de Dräger dans la raffinerie de RheinlandP

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Plus de 17 000 appareils en stock

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De la source au produit fini, l’or noir passe par un processus complexe. Dans les raffineries, l’hydrogène prend de plus en plus d’importance.

Le long chemin du

La désulfuration est nécessaire, car la combustion des produits raffinés produirait sinon des oxydes de soufre toxiques. Mais la récupération du soufre ne sert pas uniquement à respecter des valeurs limites strictes. Elle est également la source la plus importante de soufre élémentaire, une matière première de l’industrie chimique.

La distillation a lieu au début du processus de raffinage. Le pétrole brut est chauffé pour séparer les différents composants les uns des autres. Les substances avec de petites molécules s’évaporent à basse température et à pression proche de la pression ambiante (distillation atmosphérique). Les molécules grosses et complexes nécessitent de hautes températures allant jusqu’à 500 °C ainsi qu’une pression réduite (distillation sous vide).

Le coke est produit à partir d’huiles très lourdes, les résidus de la distillation sous vide. Ce coke vert ainsi obtenu contient encore des hy-drocarbures. Ils en sont extraits en les chauffant à très haute température : la calcination.

Les quantités de pétrole brut sont souvent indiquées en barils de 159 litres. Cette unité date du 18ème siècle, lorsque le pétrole était encore transporté dans de vieux barils de harengs.

L’hydrogène est utilisé comme gaz de procédé dans les raffineries. Il sert lors du processus d’hydrotraitement pour l’élimination du soufre des distillats de densité moyenne, ou lors de l’hydrocraquage pour l’obtention de produits de base pour carburants. L’hydrogène est produit dans la raffinerie soit par reformage catalytique, soit par reformage à la vapeur du gaz naturel. Mais l’hydrogène est considéré aussi comme source d’énergie du futur, que les piles à combus-tible transforment en énergie électrique sans émission de CO

2. C’est pourquoi de nombreuses raffineries investissent

dans des installations d’électrolyse pour produire plus d’hydrogène que leur besoin propre. À l’avenir, l’électricité nécessaire à cet effet proviendra principalement d’énergies renouvelables. Ainsi naitra l’« hydrogène vert ».

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Huiles lubrifiantes/Cires

ÈCONOMIE INDUSTRIE PÉTROCHIMIQUE

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300 °C

500 °C

Molécules simples

Molécules complexes

Hydrocraqueur

Vapocraquage

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Kérosène

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Unité de cokéfaction ou viscoréducteur

Reformeur catalytique

Hydrodésulfuration

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Liaisons aromatiques

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Éthylène/Propylène

Matière de base pétrochimique

Butadiène

Benzine

Coke de pétrole

Gaz de pétrole liquéfié (GPL)

Craqueur catalytique en lit fluidisé

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INFOGRAPHIE : PICFOUR (SOURCES : ISTOCK(7), SHUTTERSTOCK(3)) ; SOURCES : BP : STATISTICAL REVIEW OF WORLD ENERGY (JUIN 2017), BUNDESANSTALT FÜR GEOWISSENSCHAFTEN UND ROHSTOFFE (BGR) : ENERGIESTUDIE 2017, MINERALÖLWIRTSCHAFTSVERBAND (MWV) : JAHRESBERICHT 2017, THE LIMITS TO GROWTH. A REPORT FOR THE CLUB OF ROME’S PROJECT ON THE PREDICAMENT OF MANKIND. NEW YORK 1972, THE ECONOMIST, 19 DÉCEMBRE 2017 : THE WORLD IN A BARREL.

Les produits pharmaceutiques dépendent de matières premières dé-rivées du pétrole. Par exemple, près de 90 % des comprimés contiennent de tels dérivés du pétrole.

Les produits pétrochimiques forment un groupe de matières pre-mières chimiques importantes. Il s’agit de l’éthylène (à la base du plastique le plus répandu dans le monde : le polyéthylène – par exemple dans les fibres textiles), du propylène et du butadiène (matière pre-mière pour le caoutchouc synthétique).

Les hydrocarbures aromatiques ont des molécules à cycle hexagonal, leur composé parent est le benzène. Ils servent de solvants (par exemple dans les peintures) et comme matière de base pour la chimie des plastiques (par ex. pour l’aniline, le styrène et le nylon).

Les combustibles marins sont la plupart composés d’un mélange d’huile lourde et de diesel. Mais cette huile lourde riche en soufre est interdite dans de plus en plus d’endroits – comme dans les ports et le long des côtes.

Les bitumes (asphalte) sont utilisés depuis l’antiquité comme produit d’étanchéité. Le bitume produit lors de la distillation sous vide de divers pétroles bruts lourds est principalement utilisé pour la construction de routes et l’étanchéité des toitures.

Amérique du Nord

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2615

7

Amérique du Sud

1851

2552

Péninsule arabique/Iran

5310

9

316

Russie/Asie centrale

2920

2830

Asie/Océanie

156

2613

Afrique

17 17

2911

Europe/Turquie

102 5 5

Quand l’or noir s’épuisera-t-il ? Le Club de Rome avait prédit en 1972 les « limites de la croissance » , ainsi que celles de l’extraction pétrolière : si la pro-duction restait la même, la dernière source se tarirait en l’an 2000, voire dix ans plus tôt si la consommation devait croître. Les scientifiques avaient basé leur prédictions sur les « réserves » : les gisements connus pouvant être exploités de manière économiquement rentable en l’état de la technologie. Et ces mêmes réserves sont aujourd’hui, avec environ 240 milliards de tonnes, près de quatre fois plus importantes que la valeur estimée à l’époque. Cela a été rendu possible grâce au déve-loppement des techniques de forage et d’extraction ainsi que par la découverte de gisements toujours plus nombreux. De nouvelles méthodes d’exploitation comme la fracturation hydraulique ou l’exploitation des sables et schistes bitumineux, ont aussi fait augmenter les prévisions de ressources pétrolières exploitables. Les réserves sont néanmoins taries. Nul ne sait exactement quand le stock accumulé pendant des millions d’années se tarira, seulement que ce moment viendra. Les « ressources », bien plus importantes que les réserves, n’y changeront rien : ce sont des gisements connus dont l’exploi-tation n’est pas encore économiquement rentable. Dans le monde, 4,4 milliards de tonnes de pétrole brut ont été extraites en 2016. Cela correspond à la consommation énergétique de toute l’Allemagne pendant treize ans et demis (Base : 2017).

Huile lourde

Bitumes

Potentiel total de pétrole (2016, en gigatonnes)

Production cumulée Réserves Ressources (non-conventionnelles) Ressources (conventionnelles)

Électrolyse

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30 REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

contre les flammes

Des C’est en forgeant

qu’on devient forgeron : incendie

dans un conteneur maritime aménagé,

simple exercice pour les Røykdykker (« plon-geurs dans la fumée »),

avec l’espoir que les maisons de bois du

centre historique ne prendront jamais feu

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PROTECTION INCENDIE PANORAMA

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Pour Kjell-Ove Christophersen, la prévention incendie fait par-tie des missions primordiales : « C’est pourquoi nous avons récem-ment imaginé autre chose », raconte le commandant de la caserne principale de pompiers de Bergen. La Hovedbrannstasjon est un bâtiment moderne très lumineux, du moins lorsque le soleil brille, dans la deuxième ville de Norvège réputée pour son microclimat pluvieux. Bergen se remplit en automne. Non pas du fait des pas-sagers de la compagnie Hurtigruten, mais avec l’arrivée des étu-diants juste avant le début du semestre. « On y fait beaucoup la fête », poursuit Christophersen. « Nous faisons alors la tournée des clubs et des bars et distribuons des sandwiches. » Les pompiers accompagnent d’un bon conseil le Smørrebrød offert : « Ne vous mettez surtout pas à cuisiner en rentrant à la maison ! » C’est le grand classique : mettre quelque chose sur le feu en étant alcoo-lisé et affamé, et puis s’endormir. « Ils adorent faire cela, et l’ont partagé des tonnes de fois sur différents médias sociaux. »Dans une grande ville, les incendies peuvent vite tourner au

P

smørrebrødLes pompiers professionnels de Bergen ne travaillent pas seulement avec des équipements modernes, mais aussi avec des idées originales. La vieille ville, avec ses rues étroites, nécessite par exemple des véhicules spéciaux.

Texte : Barbara Schaefer Photos : Patrick Ohligschläger

PROTECTION INCENDIE PANORAMA

Voilà comment on construit de nos jours en Norvège : la caserne principale laisse pénétrer beau-coup de lumière à l’intérieur

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PANORAMA PROTECTION INCENDIE

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2,40 mètres de largeur habituels, mais entre 2 et 2,35 mètres. De retour à la caserne, Christophersen montre un autre véhi-

cule spécial, dont le deuxième jeu de roues sans pneus et avec un faible empattement permet de rouler sur des rails de tramway. À Bergen, une ville d’environ 280 000 habitants, 37 des 187 pompiers sont toujours de garde, répartis en quatre équipes et six casernes. Dans les villes de plus de 20 000 habitants, la loi exige en Norvège qu’il y ait une caserne de pompiers professionnels, avec au moins quatre hommes et une échelle par équipe. Au-dessus de 8 000 habi-tants, une brigade de pompiers veille pendant la journée et les pompiers volontaires prennent le relais la nuit. Dans la caserne principale de Bergen, on travaille par gardes de 24 heures, suivies de 48 heures de repos. « Sur quatre semaines, nous travaillons dix jours », précise un des pompiers en souriant. Les pompiers de Ber-

désastre, ils sont très redoutés à Bergen : Un incendie a détruit la moitié de la vieille ville en 1916. Les bâtiments historiques res-tants sont collés les uns aux autres ; comme à Bryggen, le plus vieux quartier de la ville et ancien embarcadère de la Hanse. Lorsque les pompiers de la ville déploient les 42 mètres de leur Bronto Skylift flambant neuf, on voit clairement d’en haut com-bien la situation est sensible. Un paysage de toitures semblable à celles d’un train miniature, des pignons en dent de scie. On dirait même qu’aucune ruelle n’y passe. Les anciens comptoirs sont construits entièrement en bois, sur les toits serpentent des petits tuyaux ressemblant à des paratonnerres ; ce sont des installations d’extinction modernes par sprinkler. Il est impossible de s’imagi-ner à quelle vitesse un feu peut se propager ici. « À l’époque, on construisait à vrai dire partout de manière aussi dense », explique Kjell-Ove Christophersen. Le corps de sapeurs-pompiers d’ici date d’il y a plus de 150 ans, « comme dans toute l’Europe, on étei-gnait les incendies à la main, en se passant des seaux, et on uti-lisait des pompes à main ». On construit de nos jours à nouveau avec du bois, mais en général uniquement pour des façades en applique sur des murs de pierre. Mais cette architecture a aussi un intérêt en matière de technique anti-incendie : des murs ven-tilés entraînent un effet cheminée, ce qui ralentit la propagation des incendies. Le parc de véhicules est aussi doté de véhicules moins larges adaptés à l’étroitesse des rues. Ils ne font pas les

Une architecture intéressante du point de vue des tech-niques anti-incendie

Bryggen vue de hautBryggen, le célèbre quartier commerçant de Bergen, a été classé par l’Unesco au patrimoine culturel de l’humanité. Avec la vue aérienne, on peut voir la construction serrée des maisons en bois du comptoir

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33REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

gen, appelés ici Røykdykker (plongeur en fumée), ne sont pas com-pétents pour les plateformes pétrolières, situées à 15 minutes de vol en hélicoptère, dans les eaux inhospitalières de la Mer du Nord. Chaque caserne est spécialisée dans un domaine. Celle de Lakse-våg, située à environ six kilomètres de Bergen, est équipée de com-binaisons pour les accidents NRBC-E. Mais à Bergen, on est égale-ment bien équipé pour les accidents avec des substances chimiques ou explosives. C’est pourquoi l’on trouve les tenues Hazmat bleues CPS 7900 de Dräger accrochées dans la caserne principale. Com-binées avec l’appareil de protection respiratoire, elles offrent aux Røykdykkern une protection efficace contre les matières dange-reuses. Leurs collègues doivent les en libérer à leur retour d’in-tervention. Les fermetures étanches au gaz ne sont que difficile-ment manipulables sans assistance. Les plongeurs de sauvetage se trouvent à Sandviken ; ils interviennent environ 100 fois par an, également à la suite de collisions de navires ou d’accidents avec des voiliers. Christophersen en a fait partie pendant 18 ans. « La police nous appelle toujours lorsque quelqu’un est porté disparu, et que des indices donnent à penser qu’ils ont pu disparaître en mer ou dans un lac. » S’y ajoutent également les tentatives de suicide. « Lorsque quelqu’un se met debout sur un pont, nous sortons avec le bateau et nous avons un plongeur à bord. » Par exemple, le pont Askøybrücke sur le fjord Byf, un pont suspendu du même style que le Golden Gate, construit en 1992, d’une hauteur de 62 mètres et sous lequel même les navires de croisière peuvent passer.

Incendie sur un ferry de passagers norvégienKjell-Ove Christophersen se rappelle très bien une intervention en 2004 : « Un cargo, qui avait chargé des pierres de la Mer du Nord, était entré en collision avec une falaise et avait sombré en l’espace de deux minutes. L’équipage était enfermé. On a seulement pu remonter les corps. » La plongée de sauvetage se limite hélas sou-vent à remonter des corps. Les plongeurs se considèrent malgré tout comme des sauveteurs, comme les pompiers. « Même si on ne peut que remonter les corps, c’est important pour les familles, pour un adieu, pour une sépulture », complète Christophersen. Lors d’une intervention en 2011 à Ålesund, à environ 400 kilo-

Dernière acquisitionLe Bronto Skylift haut de 42 mètres est l’acquisition la plus récente des pompiers de Bergen

mètres au nord, les pompiers de Bergen avaient également été appelés à la rescousse. Il y avait un incendie sur un navire de la Hurtigruten. Sur la légendaire route postale maritime voyagent de nos jours plus de touristes que d’autotochnes. Les navires font quotidiennement le trajet de Bergen à Kirkenes, tout au nord, à la frontière avec la Russie. Le « Nordlys », lancé en 1993 à Stralsund, faisait route vers Ålesund lorsqu’une explosion se produisit dans la salle des machines. La plupart des passagers furent évacués sur d’autres navires et deux membres d’équipage périrent. La fumée dégagée était si considérable que l’on a dû évacuer le centre-ville d’Ålesund, déclencher l’alerte à la catastrophe et qu’il a fallu faire appel à des forces d’intervention des villes situées le long de la côte. Les montagnes autour de Bergen sont criblées de tunnels ; les incendies qui s’y produisent comptent parmi les missions les plus critiques. « Nous avons pour ces missions huit appareils respi-ratoires à circuit fermé (de type Dräger PSS BG4 plus) », explique Nils Harald Ekerhovd, coordinateur du service responsable des équipements. Ces appareils ont une autonomie de quatre heures en intervention. Dans le domaine du trafic routier, le pays produc-

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PANORAMA PROTECTION INCENDIE

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teur de pétrole se met au vert. Une voiture nouvellement immatri-culée sur trois est déjà électrique. Cela met les pompiers devant de nouveaux défis. En cas d’incendie, il faut tout d’abord s’assu-rer que la voiture n’est pas sous tension, ce n’est qu’après que le feu peut être éteint. Comme l’explique Kjell-Ove Christophersen, on manquait jusqu’ici d’expérience dans ce domaine. À ce jour, seules deux voitures électriques ont brûlé à Bergen. « Il faut énor-mément d’eau pour éteindre une batterie en feu. » Lors de l’une des interventions, il a fallu utiliser 17 000 litres d’eau. « Heureu-sement qu’ici, nous ne souffrons pas de pénurie d’eau », ajoute-t-il. Tout jeune déjà, le commandant de la caserne voulait deve-nir pompier. Ayant grandi au coeur de Bergen, il avait assisté à quelques incendies lorsqu’il était enfant. Bergen n’y a pas joué de rôle particulier, c’est partout pareil : « Nous étions tous couchés à 23 h, presque personne n’avait de téléphone, il n’y avait ni extinc-teurs, ni détecteurs de fumée. Lorsque quelqu’un remarquait un feu, il devait donner l’alerte et attendre les pompiers. » Les incen-dies n’étaient à l’époque pas plus fréquents, « mais de plus grande ampleur ». Les incendies domestiques restent aujourd’hui encore le principal problème. C’est pourquoi les détecteurs de fumée et les extincteurs sont obligatoires dans chaque logement. La population est préparée à l’éventualité d’un incendie, car un entraînement pour un tel scénario est organisé une fois par an sur tous les lieux de travail, même dans les centres commerciaux et les hôpitaux. » Les pompiers font en Norvège le tour de toutes les maisons en

décembre. « Nous vérifions les sorties de secours, les détecteurs de fumée et les extincteurs. » Il ne s’agit pas seulement de choses pratiques, mais aussi de maintenir la vigilance. « En Norvège, on allume plus de bougies par habitant que partout ailleurs dans le monde », affirme le commandant des pompiers. C’est dû au kose-lig, ce qui signifie à peu près « convivialité » et exprime le besoin de ne pas laisser trop de place à l’obscurité hivernale. Des lampes sont présentes sur tous les rebords de fenêtre, et bien sûr les bou-gies. À cela s’ajoutent les poêles-cheminées. « S’ils n’ont pas été utilisés durant les six mois précédents, il arrive que cela se passe mal lors de l’allumage. »

Des drones avec des caméras infrarouges Heureusement, les pompiers norvégiens sont bien équipés aussi bien en personnel que financièrement. « Nous nous efforçons tou-jours de faire appel aux technologies les plus récentes. » Nils Harald Ekerhovd montre comment fonctionnent les caméras infrarouges.

L’eau de meréteint, mais donne du travail

Neige, chimie et pluie :Bergen a rarement besoin de combattre la neige, mais le combat contre les substances chimiques fait partie des missions d’intervention des pompiers de la ville la plus pluvieuse de Norvège

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35REVUE DRÄGER 18 | 2 / 2018

Série de photographies :Dans la deuxième ville de Norvège, les missions d’intervention diversifiées rendent le travail quotidien des pompiers passionnant et varié.www.draeger.com/18-35

Bryggen et la ligue hanséatique

À Bergen, il y avait du poisson séché en abondance. La ligue hanséatique y établit en 1343 un comptoir commercial qui dépendait de la ville hanséatique de Lübeck. Le comptoir hanséatique, appelé « Deutsche

Brücke » (pont allemand), était composé de 20 cours mitoyennes. Les marchands et artisans allemands représentaient environ un quart de la population de la ville. Après la seconde guerre mondiale, le nom Deutsche Brücke devint Bryggen. Depuis 1979, il fait partie avec ses 60 bâtiments de la liste du patrimoine culturel de l’huma-nité de l’UNESCO. Au cours des plus de 1000 ans d’histoire de la ville, Bergen n’a pas été épargnée par les incendies. Lors d’un grand incendie en 1702, presque tous les bâtiments en bois furent détruits, mais ils furent reconstruits. Ce fut particulièrement dramatique en janvier 1916 : 380 bâtiments furent la proie des flammes, provoquant 2 700 sans-abris. En 1955, un grand incendie ravagea le quartier portuaire, neuf entrepôts en bois furent intégralement détruits.

Il pose brièvement sa main sur une table métallique puis dirige la caméra thermique dessus. L’empreinte de la main est claire-ment reconnaissable. « Cela permet dans des pièces enfumées, où il fait parfois noir comme dans un four, de trouver des sources de chaleur, qu’il s’agisse de braises ou de personnes gisant au sol. Un des drones en est également équipé. Les drones sont utilisés lors de feux de forêt ou pour trouver des personnes disparues. Ces moyens techniques sont l’avenir », dit Ekerhovd.

Ekerhovd et son équipe vérifient l’ensemble de l’équipement après chaque intervention. Par exemple, les combinaisons Haz-mat sont nettoyées. « Si le type m’est sympathique, il a le droit d’ôter la tenue avant. Sinon, je l’arrose avec », plaisante Ekerhovd. « Lorsqu’on a éteint un incendie avec de l’eau de mer, le nettoyage du matériel est particulièrement laborieux. » L’équipe doit pou-voir être certaine que tout fonctionnera ensuite à nouveau parfai-tement. Est-ce que cette responsabilité lui cause parfois du soucis ? Ekerhovd réfléchit. « Si un collègue me dit après une intervention que quelque chose n’a pas fonctionné correctement, il est certain que je rumine la question. Ici, nous nettoyons et testons tout très en détail, mais la sécurité à 100 % n’existe tout simplement pas. » Son collègue Leif Erik Gjesdal ajoute qu’il n’est cependant encore jamais rien arrivé de grave.

Il y a peu, il y a eu une intervention sur une Hytte, élément incontournable de la vie en Norvège. La cabane, au bord du lac ou dans les montagnes, se transmet de génération en génération. On y passe des semaines, été comme hiver. Un automobiliste avait signalé un incendie. Un voisin leur avait donné le numéro de télé-phone portable. « Comme personne ne répondait, nous avions peur qu’il y ait encore quelqu’un dans la cabane », raconte Christopher-sen, le commandant de la caserne. L’équipe y est entrée équipée de pied en cape, mais la cabane était vide. « Nous n’avons pas pu déterminer quelle avait été la cause du sinistre. Ce genre d’en-quête fait partie des missions de la police. Nous nous contentons d’éteindre. » La section d’intervention est équipée d’un centre de commandement mobile qui dispose du WiFi. Il permet de visua-liser et d’imprimer les plans urbains du lieu d’intervention, avec toutes les bouches d’incendie et les sorties de secours. « Nous plasti-fions les impressions directement dans le véhicule », raconte Chris-tophersen. « Il arrive qu’il pleuve beaucoup. » Lorsque l’on travaille

chez les pompiers depuis aussi longtemps, est-ce que cela change le comportement dans la vie privée ? « Oui, automatiquement », confirme le commandant des pompiers. « Dans des bâtiments que je ne connais pas, je suis toujours très vigilant et je compte le nombre de pas jusqu’à la sortie de secours. » La mémorisation visuelle ne suffit pas. En cas d’alarme, les portes coupe-feu se fer-ment automatiquement et tout semble d’un seul coup très diffé-rent. Il le fait également sur les navires et les ferries. « En situa-tion d’urgence, on ne peut compter que sur soi. C’est au cours des premières minutes que les chances de survie sont les plus impor-tantes. C’est vrai pour toutes les situations d’urgence. » Égale-ment en cas d’incendie ou, comme le précise Christophersen : « Des flammes devenues incontrôlables » pourraient être éteintes facilement dans les premiers instants. « Une fois ce moment pas-sé, c’est difficile, voire dangereux. » Il a vécu cela une fois à son propre domicile. « À Noël. J’ai vu du coin de l’œil qu’une bougie vacillait bizarrement – quelques instants plus tard, le feu avait pris partout autour. » Il avait pu éteindre le feu rapidement avec une couverture. « Mais ma famille a été impressionnée de voir à quelle vitesse des flammes se sont transformées en incendie. »

Gardien des équipements : Harald Ekerhovd garde toujours un œil sur l’état impeccable des équipements

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HÔPITAL SÉCURITÉ INFORMATIQUE

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Les USB-Killer sont un sujet sensible pour les experts en sécurité informa-tique. Le port USB est à vrai dire prévu pour transférer des données vers un ordi-nateur. Mais par ce biais, il est possible aussi de détruire toute l’électronique d’or-dinateurs portables. Pour ce faire, des clés USB sont transformées en Taser, capables de générer de hautes tensions, puis de les projeter instantanément sur l’ordinateur. « Nous avons également testé ces USB-Killers sur nos appareils d’anesthésie », explique Hannes Molsen, Product Securi-ty Manager chez Dräger. « L’interface était ensuite effectivement inutilisable. Sinon, l’appareil fonctionnait quand même par-faitement. » Dans la pratique clinique, cela n’entraînerait aucune mise en dan-ger de patients, car l’interface USB ne sert qu’à l’exportation de données statistiques, comme le journal.

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Pour protéger les dispositifs médicaux des hackers, il est possible de compliquer la tâche aux assaillants de multiples manières. Le savoir-faire technique joue alors un rôle important, le souci constant de la sécurité également, y compris en provoquant le hasard.

Texte : Frank Grünberg

LES INCONNUES

Sécurité des produits : Comment cet appareil d’anesthésie (de type

Perseus A500) peut-il être protégé des cyber attaques ?

Cette question et bien d’autres ont fait l’objet de

discussions chez Dräger, à Lübeck, en début d’année

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l’analyse des risques. Exemple : le logiciel d’extorsion « WannaCry », qui a attaqué de nombreux hôpitaux (voir aussi Revue Drä-ger 16, pages 6 et suivantes). Ici, les experts de Dräger furent en mesure en mai 2017 de mettre fin à l’alerte pour nos appareils en moins de 48 heures. Quelques établis-sements hospitaliers ont cependant payé pour que les hackers libèrent les PC et réseaux informatiques, ainsi que les don-nées importantes des patients – pris en otage. Les dispositifs médicaux du Groupe lübeckois n’ont quant à eux pas été infec-tés à cette même époque. La technologie seule n’apporte cependant qu’une aide limitée aux problèmes de sécurité. Car la plus grande faille de sécurité est et reste-ra l’humain. Par ignorance ou négligence, il ouvre aux assaillants des portes qui sont normalement fermées. « La sécurité n’est pas un produit qu’on peut acheter une fois pour toutes », précise Molsen. Elle est plu-tôt la résultante d’un processus sans fin, toujours sujet à des améliorations. « Il y a urgence à informer » déclare-t-il.

Molsen et ses collègues ont pour cela choisi divers moyens. Ils ont invité non seulement des hackers professionnels qui ont parlé de leur activité, mais ils ont aus-si demandé à des collègues de s’y essayer eux-mêmes. La tâche consistait à prendre le contrôle complet à distance d’un système sous Windows XP – en 15 minutes seule-ment. Conclusion : avec une bonne notice, ce n’est pas un problème, même pour des profanes.

Les tests de sécurité USB furent l’un des temps forts de la « semaine pour la sécu-rité des produits », organisée pour la pre-mière fois par Dräger en début d’année sur son site de Lübeck. Des experts en sécu-rité, développeurs logiciels et ingénieurs en développement de l’entreprise ont dis-cuté pendant cinq jours de la manière de protéger les produits contre tous types d’attaque. Il n’y avait pas d’ordre du jour arrrêté. Les tests et expérimentations furent menés dans une ambiance créa-tive. « Cette semaine a été un grand suc-cès » se souvient Molsen, organisateur de cette première. « Nous avons non seule-ment beaucoup appris les uns des autres, mais également découvert de nouvelles approches pour identifier des « inconnues inconnues ». »

Les « inconnues inconnues » sont l’un des plus grand défis des chercheurs en sécurité. Elles sont responsables du fait qu’il n’existe pas de sécurité abso-lue. Un risque résiduel existe toujours, aussi petit soit-il. Il est plus facile de se protéger des « connaissances connues ». On connaît l’existence de ces facteurs de risque, et dans quelles conditions ils sur-viennent. Il est possible de prendre des mesures contre eux. La protection contre les « inconnues connues » est plus diffi-cile. Certes leur existence est connue, mais leur comportement ne l’est pas. En ce qui concerne les « inconnues incon-nues », ni leur existence ni leur nature ne sont certaines. Aucune théorie n’aide à les identifier, c’est le plus souvent l’œuvre du hasard. Molsen et ses collègues ont donné un coup de pouce à ce hasard, en intensi-fiant plus que jamais leurs tests de sécuri-

té. Bien qu’ils fassent partie intégrante de tout cycle de développement, les tests de sécurité ne sont cependant que ponctuels sur des prototypes uniques. En revanche, lors de la semaine pour la sécurité des pro-duits, les contacts intensifs entre hommes et appareils ont permis aux testeurs d’éco-nomiser les temps de mise en route fas-tidieux et de consacrer ainsi du temps à des expériences exceptionnelles. Les par-ticipants ont par exemple élaboré des don-nées et des séries de tests à première vue dénuées de sens, qu’ils ont massivement utilisées sur des respirateurs et appareils d’anesthésie. Et effectivement, des failles de sécurité non prévisibles sont appa-rues. « Nous avons découvert tout cela bien avant la mise sur le marché », pré-cise Molsen. « Personne ne peut dire si ces failles auraient un jour causé des dom-mages. » Une seule chose est sûre : depuis lors, il y a chez Dräger quelques « incon-nues inconnues » de moins.

Dix commandements pour la sécurité des produitsCe gain de sécurité s’appuie sur des tra-vaux de préparation systématiques. Le constructeur a documenté les directives à suivre lors du développement des nou-veaux appareils dans les « Dix commande-ments pour la sécurité des produits ». On peut notamment y lire qu’un logiciel ne doit pas comporter de « portes dérobées » ou de « données d’accès codées en dur ». Les systèmes d’exploitation doivent en outre tourner avec les « plus petits droits d’accès possibles ». Ce qui n’est pas uti-lisé doit être désactivé. Une architecture minimale offre la plus petite surface d’at-taque et donc la plus grande protection. C’est comme pour un vélo : ce qui n’est pas installé ne peut pas casser. La trans-parence ainsi gagnée accélère par ailleurs

Page 38: Revue Dräger #18 - Draeger

Toujoursprésents

Tout le monde sait que les OXYDES D’AZOTE sont dangereux dans l’air urbain, mais ils jouent également un rôle important dans la sécurité au travail. Afin de pouvoir contrôler le respect de valeurs limites strictes, une technologie de mesure des gaz ultra sensible et fiable est nécessaire.

Texte : Peter Thomas

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Sous la métropole finan-cière de Francfort serpente le tunnel du S-Bahn inauguré en 1978. Son nouveau poste d’aiguillage a été mis en service en Août 2018

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MATIÈRES DANGEREUSES ENVIRONNEMENT

Des menaces d’interdiction de cir-culer dans les centres villes d’Allemagne jusqu’aux systèmes de commande tru-qués des moteurs de véhicules diesel : les oxydes d’azote n’en finissent pas de faire les gros titres de la presse. Quand on voit des photos de bouchons en centre ville aux heures de pointe, les débats sur la mise en danger de la santé humaine et de l’environnement par les gaz de monoxyde d’azote (NO) et de dioxyde d’azote (NO2) sont dans tous les esprits. Les moteurs à combustion ne sont cependant que l’une des sources émettant des oxydes d’azote. Des oxydes d’azote se forment partout où l’on brûle du pétrole, du bois, du char-bon ou du gaz, et aussi lors du travail des métaux, comme la soudure. Diverses branches sont touchées, comme la filière énergétique, l’industrie minière et métal-lurgique ou la production d’engrais.

Le sujet n’est pas nouveau. La toxici-té des oxydes d’azote (formule : NOX) est depuis longtemps connue. Le NO2 est considéré comme la substance la plus dangereuse. Il irrite les voies respiratoires et les yeux, endommage les muqueuses et peut entraîner des maladies cardio-vasculaires chroniques en cas d’exposi-tion prolongée. L’environnement souffre également des oxydes d’azote hautement

réactifs, qui contribuent à la formation d’ozone tropo sphérique. Cela avait déjà mis ces deux gaz sous la lumière des pro-jecteurs dans les années 1990. Les oxydes d’azote ne sont pas seulement étroitement surveillés au niveau de l’intense trafic rou-tier, mais également en profondeur dans le sous-sol. Comment y arrive-t-il ? La réponse nous vient d’une locomotive jaune surgis-sant brusquement de l’obscurité d’un tun-nel ferroviaire. Le monstre siffle et grince le long des rails en acier étincelants. Ce sont de gigantesques moteurs diesel qui donnent à cette machine de construc-tion de voies ferrées sa puissance. Cette machine travaille dans le réseau S-Bahn souterrain de Francfort-sur-le-Main, qui doit être doté de nouveaux équipements de contrôle-commande et de sécurité dans le cadre du projet de rénovation du siècle. Après de nombreux travaux préliminaires, le projet proprement dit a commencé en 2015. Il doit s’achever cette année avec la mise en service d’un poste d’aiguillage informatique (PAI) de dernière génération.

Une protection au travail exigeante « La protection au travail de tous les person-nels passe avant tout », déclare Ralf-Ulrich Michalski. L’ingénieur s’est vu confier par DB Netz, une filiale de la Deutsche Bahn, la mission de planifier le système d’aéra-tion des chantiers souterrains pour éva-cuer de manière ciblée les émissions des moteurs ainsi que des travaux sur les voies ferrées et les rails. Sont visés non seulement les poussières, mais aussi les oxydes d’azote qui jouent un rôle important en matière de

sécurité du travail. Le respect des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) est particulièrement difficile, depuis qu’en mai 2016, les règles techniques concer-nant les substances dangereuses (« valeurs limites » ; TRGS 900) ont imposé de nou-veaux seuils jusqu’à dix fois plus stricts pour les deux gaz. Dans sa version la plus récente du 31 janvier 2018, le TRGS 900 fixe les limites supérieures à 2,5 milligrammes par mètre cube d’air pour le NO, et 0,95 mil-ligramme pour le NO2. Les adultes devraient pouvoir s’exposer jusqu’à huit heures à de telles concentrations sur leur lieu de tra-vail sans effets néfastes sur la santé. Dans l’unité de concentration usuelle, parties par million (ppm), cela donne 2 ppm (NO) et 0,5 ppm (NO2). Ces valeurs sont conformes aux recommandations du Comité scienti-fique en matière de limites d’exposition professionnelle (CSLEP) de la Commis-sion européenne, ainsi qu’à la directive européenne 2017/164 qui en a découlé en janvier 2017. « Ce sujet a depuis vraiment gagné en importance, tant du point de vue de la stratégie de respect des valeurs limites, que de celui de la fiabilité de leur mesure », explique Christoph Feyerabend. Cet ingé-nieur travaille chez Dräger dans la division industrie minière. Concernant le NOX, il existe des points communs entre l’exploi-tation minière, les travaux de construction dans les installations de transport souter-raines et les nouveaux tunnels, explique

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De la lumière au cœur du tunnel : Des travaux sur le

tronçon de voie ferrée le plus fré-quenté d’Allemagne, le tunnel du S-Bahn de Francfort-sur-le-Main

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ENVIRONNEMENT MATIÈRES DANGEREUSES

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Ventilation comme dans une mine

Feyerabend. Les stratégies pour le respect des valeurs seuils ont par exemple conduit dans le cas de l’exploitation minière à des concepts tels que les mines électrifiées. Cela consiste à faire fonctionner autant de groupes que possible avec de l’électricité au lieu de moteurs à combustion. Cela réduit également l’émission de dioxyde de carbone et a des avantages en matière d’exigences environnementales. Une deuxième source d’émissions doit être maîtrisée notamment par le creusement de tunnels : ce sont les fumées d’explosion. Elles aussi contiennent un forte concentration de NOX. Le Sympo-sium sur les produits dangereux « Schlema IX » de l’Association professionnelle de l’in-dustrie des matières premières et des pro-duits chimiques (BG RCI) a montré que ce sujet est très actuel. Il y a été question de concepts pour la gestion des oxydes d’azote dans l’industrie minière et de nouvelles technologies de mesure. Les infrastruc-tures de transport souterraines montrent depuis longtemps que les oxydes d’azote ne sont pas nécessairement un problème. Lors de l’exploitation continue de tunnels ferro-viaires électrifiés, les émissions de NOX ne jouent par exemple quasiment aucun rôle.

Les ingénieurs britanniques exploitaient déjà cet avantage des moteurs électriques propres lorsqu’ils ont construit – longtemps avant les premières valeurs limites d’expo-sition professionnelle – le réseau souter-rain profond du métro de Londres, mis en service en 1890. Les installations des tun-nels n’auraient jamais pu être exploitées avec des locomotives à vapeur du fait des émissions toxiques. Pourtant ce sont bien elles qui tiraient les wagons durant les pre-mières années du plus ancien métro du monde, après l’ouverture en 1863 du pre-mier tronçon proche de la surface doté de nombreuses ouvertures de ventilation. Le S-Bahn moderne de la région Rhin-Main est bien sûr très loin de l’âge de la vapeur, mais dans les phases de travaux intensifs, les émissions des équipements tels que les locomotives diesel et les visseuses à moteur pour les traverses de chemin de fer consti-tuent un défi. Et il a augmenté au cours des dernières années, explique l’ingénieur Michalski : « D’une part, les valeurs limites sont devenues plus strictes, d’autre part les performances des machines ont beau-coup augmenté – et avec elles les quantités d’émissions. C’est pourquoi une stratégie sophistiquée est nécessaire pour la ventila-tion technique. »

Le nec plus ultra de la ventilationLes solutions utilisées dans le métro de Francfort n’ont pas que le nom en commun avec l’aérage aspirant et l’aérage soufflant

des mines. Elles n’ont pas à rougir non plus de leur complexité en comparaison avec les installations d’extraction et de transport du charbon, des minerais et du sel. Car le tun-nel du métro inauguré en 1978 qui passe sous la métropole financière sur le Main se compose d’un réseau ramifié de tronçons et de stations, d’inter-connexions, de croi-sements, d’intersections et de sorties de secours. « Comparé à un tunnel ferroviaire normal, qui n’a que deux entrées et le tube entre les deux, c’est le nec plus ultra », pour-suit Michalski. Au plus fort des travaux pro-duisant le plus d’émissions, on n’utilisait pas seulement des tuyaux étanches pour la ventilation, mais également des grand ven-tilateurs rotatifs mobiles de 200 kilowatts de puissance chacun. Mais évacuer des émis-sions de façon sûre et contrôlée est une chose. Contrôler les effets des substances sur les hommes – les immissions – en est une autre. « Dans le plan d’urgence interne d’entreprise ainsi que dans les consignes d’exploitation et de travaux, un concept de mesure a été développé pour les travaux par-ticulièrement polluants », explique Chris-tian Ludwig, ingénieur de projet pour la construction du nouveau PAI. DB Netz a pour cela mis en œuvre des appareils fixes et mobiles. Les installations à poste fixe mesurent outre les deux oxydes d’azote, éga-lement les monoxyde et dioxyde de carbone, l’oxygène, l’hygrométrie ainsi que la direc-tion et la force des mouvements de l’air. Les équipes travaillant à proximité des sources d’émission ont de plus été équipées d’appa-reils de mesure de gaz mobiles. Le concept a fait ses preuves, déclare Ludwig. Mais aus-

Des grandes souffleries sont utilisées lors de travaux sur des infrastructures de transport souter-raines, afin d’évacuer les émissions des machines de manière ciblée

Les appareils de mesure de gazportables tels que le

Dräger X-am 8000 sont autant utilisés que

les appareils fixes sur les chantiers du tunnel,

selon les besoins

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si parce que toutes les entreprises travaillant pour le compte de la Deutsche Bahn ont res-pecté les règles de sécurité au travail. « Que de tels processus soient utilisés est au moins aussi important que les mesures elles-mêmes. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut réa-gir de manière appropriée à des événements critiques », déclare Gero Sagasser, chef de produit pour la technologie à poste fixe de mesure des gaz chez Dräger. Le chantier pluriannuel sur le tronçon S-Bahn souter-rain le plus long d’Allemagne est certes très complexe, mais ce n’est pas un cas unique. Au contraire, le nombre de projets pour la construction ou la modernisation d’in-frastructures de transport souterraines est en augmentation, poursuit Sagasser. Cela vaut aussi bien pour les grands projets fer-roviaires, tel le Tunnel de base du Bren-ner, que pour les infrastructures de tun-nels urbains. Qu’il s’agisse de chantiers ou de mines, la question du NOX est toujours présente du fait des valeurs limites toujours plus strictes.

Mesures à partir de 0,04 ppmLe Canada tend à avoir des VLEP encore plus faibles qu’en Europe. Certaines pro-vinces prescrivent déjà des valeurs limites d’exposition professionnelle d’au plus 0,2 ppm pour le gaz toxique NO2. Il y a encore dix ans, il était presque impossible de détecter de manière fiable de telles quan-tités au-delà de la technologie de mesure analytique. « Mais aujourd’hui, nous propo-sons des capteurs pour des concentrations extrêmement faibles, avec de nouvelles techniques d’électrodes à base de nano-tubes de carbone », dit Christoph Feier-abend. « Nous pouvons les utiliser tant dans nos détecteurs de gaz courants mobiles que dans les fixes. » Les capteurs LC de NO2 sont disponibles depuis env. sept ans pour les détecteurs portables et depuis 2013 pour les détecteurs fixes. Ils mesurent le NO2 à partir de concentrations de 0,04 ppm pour les appareils mobiles (par exemple de type Dräger X-am 8000) et 0,05 ppm pour les fixes (Dräger Polytron 8000). Les techno-logies de mesure modernes permettent de contrôler de manière fiable des VLEP tou-jours plus strictes.

Oxydes d’azote : Stations de me sure de Sylt jusqu’à la Zugspitze Les oxydes d’azote sont depuis longtemps une préoccupation également en matière de protection de l’environnement. Cela va des polémiques sur les pluies acides aux débats actuels sur les émissions des moteurs de véhicules, en passant par la pollution par l’ozone. Pour que le débat soit scientifiquement fondé, il est indispensable d’avoir des données de mesure fiables des concentrations atmosphériques de NOX

. L’Office fédéral allemand de l’environnement (UBA) collecte de telles mesures sur toute l’Allemagne – et procède lui-même à des mesures depuis sa fondation en 1974 : par ex. les concentrations en NO2

dans l’atmosphère. Des méthodes toujours différentes, continues et discontinues, ont été mises en œuvre à cet effet. « Les techniques utilisées se sont considérablement développées depuis », confie le Dr Axel Eggert de l’UBA. Le rythme de l’innovation a nettement augmenté au cours des cinq dernière années. Les scientifiques utilisaient par exemple au début la mé thode de Saltzman. Cela consiste à faire passer de l’air à travers des flacons de lavage contenant une solution qui se colore en rouge au contact du NO2

. Jusqu’en 2017, des frittes de verre étaient également utilisées : des verres cellulaires avec une grande surface de contact, imprégnés d’iodure de sodium et d’hydroxyde de sodium. Lorsque l’air passe au travers de ces frittes, le NO2

réagit avec les surfaces imprégnées. L’UBA utilise toutefois depuis longtemps des méthodes photométriques telles que la chimioluminescence et la Spectroscopie par Amplification Résonnante d’Absorption. L’un des priorités de l’Office fédéral allemand de l’environnement sont les mesures de fond. Elles ne consistent pas à mesurer la pollution locale en des points où les émissions sont très élevées, mais le transport à longue distance des polluants. C’est pourquoi les sept stations de mesure ont été placées délibérément hors des agglomérations et loin des industries ou des centrales électriques. La plus au nord se trouve sur l’île de Sylt, et la plus au sud au sommet de la Zugspitze.

Cette carte de l’Office fédéral allemand de l’environnement illustre les valeurs moyennes annuelles d’immission de NO2

en Allemagne. Elle a été réalisée à partir de données de stations de mesure locales

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SCIENCE MÉDECINE

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Les cellules souches sont difficiles à identifier au microscope pour le profane – ici une interprétation artistique

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Lorsqu’il y a 60 ans John Gurdon (*1933) étudia des œufs de grenouilles à l’université d’Oxford, il ne pouvait ima-giner qu’il entrerait dans les livres d’his-toire de la médecine, avec un prix Nobel au bout. Gurdon irradia les œufs avec des rayons UV pour détruire leur matériel géné-tique. Puis, à l’aide d’une pipette, il préle-va le noyau d’une cellule de grenouille adulte, y compris son matériel génétique, et injecta l’ADN dans l’œuf ainsi préparé. En quelques jours, il en résulta une grenouille vivante. Sans le vouloir, Gurdon avait pour la première fois produit un clone d’un ani-mal adulte, c’est à dire une copie génétique-ment parfaite d’un être vivant. Le doctorant d’alors se posait plutôt la question de savoir si toutes les cellules avaient le même maté-riel génétique, ou s’il différait entre elles. Comment serait-il sinon possible qu’il existe autant de tissus et d’organes différents dans un corps. Les cellules rénales filtrent le sang, les neurones conduisent les signaux nerveux. Les cellules musculaires font bou-ger le corps, qui abrite plus de 100 types de tissus, et pompent le sang. Comment expli-

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sque tout faire »LES CELLULES SOUCHES ont longtemps promis une révolution de la médecine – comme kit universel de réparation des organes défectueux. Puis les chercheurs ont constaté qu’il n’était pas si facile d’exploiter les vertus thérapeutiques des cellules universelles. Après quelques difficultés, on entrevoit désormais des approches prometteuses.

Texte : Hanno Charisius

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quer cette diversité si toutes les cellules dis-posent du même matériel génétique ? Car c’est bien cela qu’avait démontré le clone de grenouille : que toute cellule d’un être vivant contient l’ensemble des gènes néces-saires pour qu’un ovocyte fécondé se déve-loppe en un organisme. L’expérience de Gurdon a en outre montré qu’il existe à l’inverse des moyens de transformer une cellule adulte en cellule universelle, à par-tir de laquelle toute la diversité d’un orga-nisme peut être engendrée.

Rêve d’un kit de réparationC’est précisément cette reprogrammation qui se produit chez les clones : l’ovocyte effectue une sorte de retour en arrière, effaçant en quelques heures le dévelop-pement de la cellule adulte ayant servi de donneur. C’est comme une fontaine de jouvence pour cellules. Si on les met dans cet état identique à celui présent chez les très jeunes embryons, elles se transforment en « cellules à presque tout faire ». Elles ne permettent pas de pro-duire un être humain, mais presque tous les types de cellules. Depuis la découverte

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SCIENCE MÉDECINE

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Recommencement : Des cellules somatiques adultes peuvent retrouver un état initial

des cellules souches embryonnaires, les médecins rêvent qu’elles deviennent une sorte de kit de réparation universel pour le corps. Elles devraient permettre de répa-rer les tissus endommagés, c’est l’idée de la médecine régénérative. En 1998, le bio-logiste cellulaire James Thomson rapporta comment il avait réussi à produire des cel-lules souches embryonnaires. L’objectif de pouvoir traiter des maladies graves, telles que le diabète, Alzheimer et Parkinson, ou les suites de blessures graves ou infarc-tus, semblait à portée de main. Il n’y avait qu’un problème : pour obtenir les cellules, il fallait d’abord créer un fœtus. Quelques jours après la fusion de l’ovocyte et du sper-matozoïde se forme un blastocyste, une cel-lule non différenciée de forme vésiculée, composée d’une enveloppe et d’une masse cellulaire interne. Celle-ci abrite les cel-

lules pluripotentes pouvant se transformer en quasiment tout type de tissu. Si l’on vou-lait produire des cellules souches pour un patient, il faudrait faire appel à un procé-dé similaire à celui déjà utilisé par Gur-don : Retirer le matériel génétique de l’ovo-cyte, l’injecter dans une cellule du patient et attendre que se développe un embryon avec des cellules du type voulu.

Championnes de la métamorphoseMais pour pouvoir utiliser ces cellules, il faut cependant détruire le jeune embryon. Cela pose de tels problèmes éthiques fon-damentaux que la production de cellules souches embryonnaires humaines fut tout de suite totalement interdite en Allemagne. Et la recherche sur des cellules souches embryonnaires importées n’est autorisée

que de manière limitée. Une découverte du chercheur japonais Shin’ya Yamana-ka en 2007 a permis de balayer pratique-ment toutes ces réserves. Il a trouvé le moyen de ramener des cellules d’un être humain adulte à l’état embryonnaire par voie chimique. Après un traitement spé-cifique avec diverses substances, les cel-lules expriment des gènes qui ne sont nor-malement actifs que dans les embryons et sont inactivés par la suite. Ainsi des cellules souches embryonnaires peuvent être pro-duites à partir de cellules épithéliales. Elles sont pluripotentes et peuvent se transfor-mer en de nombreux types de tissus, mais justement pas en un être humain. Yamana-ka a transformé, avec cette méthode, des cellules épithéliales de souris, désignées sous le nom de cellules souches pluripo-tentes induites (CSPi). Il a obtenu en 2012 le prix Nobel de médecine pour sa décou-verte. Il l’a partagéavec John Gurdon, qui a posé les bases sur lesquelles s’appuient les travaux de Yamanaka, en observant que des cellules matures pouvaient être « réinitiali-sées » – dans une sorte d’état primitif dans lequel toutes les voies de développement biologique leur étaient à nouveau ouvertes. Tout comme le dieu Protée de la mythologie grecque, maître des métamorphoses, qui pouvait prendre n’importe quelle forme.

Les scientifiques de l’institut améri-cain Whitehead ont démontré dès 2012 le potentiel de ces cellules dans le cadre d’expérimentations animales. Ils ont rap-porté dans une publication comment ils avaient pu guérir des souris souffrant d’anémie falciforme. Dans cette maladie, le corps produit, à cause d’un gène défec-tueux, des globules rouges déformés pou-vant détruire les organes. Les chercheurs

Les cellules souches sont pré-cieuses. C‘est pour-quoi les chercheurs ne manipulent toujours que d’infimes quanti-tés en laboratoire

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prélevèrent quelques cellules épithéliales sur des souris, les transformèrent en cel-lules CSPi par le procédé chimique Pro-teus, puis à leur tour en cellules progé-nitrices du sang. Ils réparèrent le gène défectueux par modification génétique, puis injectèrent les cellules progénitrices aux animaux malades, où elles se dévelop-pèrent en cellules sanguines saines. Selon les chercheurs, les symptômes des ani-maux disparurent presque complètement.

Peu d’études sur l’hommeDepuis, la qualité de cette première étude sur les cellules CSPi a été mise en doute par divers experts. Il existe certes de nom-breuses recherches confirmant le prin-cipe de ce concept, mais encore peu de comptes rendus d’essais thérapeutiques sur l’homme avec ces cellules miracu-leuses. En 2014, l’ophtalmologue Masayo Takahashi du Riken Center for Develop-mental Biology de Kobe a été la première à expérimenter les CSPi sur une patiente. La patiente, âgée de plus de 70 ans, souf-frait d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge provoquant la dégénérescence progressive de la couche pigmentaire de la rétine. Lorsqu’elle lui implanta dans l’œil un minuscule fragment de tissu pig-mentaire cultivé, le Dr Takahashi souli-gna que ce premier essai n’avait comme unique objectif que de vérifier la sûreté de la méthode, et non pas de restaurer com-plètement l’acuité visuelle. Elle publia les résultats près de trois ans plus tard. Aucune réaction de rejet ou autre effet secondaire ne s’étaient produits. Bien que la patiente ne voie toujours pas mieux, la thérapie expérimentale avait néanmoins stoppé la maladie. Il ne faut en aucun cas confondre

ces expériences strictement contrôlées avec d’obscures tentatives de guérison, comme les traitements à base de cellules souches proposés par certaines cliniques commerciales. Les scientifiques ont mis l’an dernier en garde contre ces pratiques, dans le même numéro de la revue spécia-lisée que celui où Takahashi a publié ses résultats. Un tragique fait divers en a été la cause : trois américaines sont devenues aveugles après que des médecins leur ont injecté des cellules obtenues à partir de leur tissu adipeux.

Dans le cas de Takahashi, on peut voir au contraire combien les procédures suivies par les scientifiques sont rigou-reuses. L’ophtalmologue s’est abstenue d’utiliser ces cellules souches sur mesure sur un deuxième patient, car de trop nom-

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Reprogrammer des cellulesDivers facteurs biochimiques permettent de « réinitialiser » des cellules différentiées à leur état initial – à partir duquel elles peuvent se transformer en tous les types de tissus.

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breuses erreurs s’étaient introduites dans le code génétique lors de leur production en laboratoire. Cela augmentait le risque de complications, telle que l’apparition d’un cancer. C’est le risque principal des cellules souches, car elles peuvent non seulement évoluer vers le type de tissu voulu, mais également en tumeurs. Un groupe de chercheurs américain a mon-tré en 2011 à quel point les modifications génétiques importantes étaient largement répandues, non seulement dans les cel-lules embryonnaires, mais également dans les cellules CSPi qui étaient jusque- là porteuses d’espoir pour la médecine régénérative. Les chercheurs ont trouvé dans les cellules souches embryonnaires de très nombreuses séquences géné-tiques dupliquées, alors que dans les cel-lules CSPi de nombreuses informations génétiques manquaient. L’une des plus pressantes questions reste aujourd’hui de savoir si cela constitue un problème pour de futures applications thérapeutiques. Les médecins ont accumulé beaucoup plus d’expérience avec les cellules souches adultes qui se trouvent dans les tissus de chaque être humain. Elles aussi peuvent se multiplier de manière illimitée, mais

elles sont déjà spécialisées dans un type de tissu ou un organe, elles sont en quelque sorte les équipes de réparation du corps. Elles assurent aussi la disponibilité de cel-lules de remplacement lorsque les cellules âgées meurent. Selon les organes, l’espé-rance de vie des cellules va de quelques jours à de nombreuses années. Les glo-bules rouges vivent environ trois mois, les cellules de surface du colon se renou-vellent presque en permanence. Bien que les cellules de ce type ne soient pas aus-si polyvalentes que leurs cousines pluri-potentes provenant d’embryons ou des cellules CSPi après leur cure de jouvence chimique, elles connaissent déjà très bien leur future tâche car elles font déjà partie du tissu spécialisé.

Peau génétiquement modifiéeLa thérapie cellulaire la plus connue est celle contre la leucémie. Elle consiste à transplanter à un patient leucémique des cellules souches sanguines provenant d’un donneur sain et génétiquement compatible. Lors du don classique de moelle osseuse, un litre à un litre et demi de moelle osseuse est prélevé sur l’os iliaque d’un donneur sous anesthésie générale. Lors de cette opéra-

Masayo Takahashi est l’ophtalmologue qui a pour la première fois traité des patients avec des cellules souches repro-grammées chimiquement

Atteint deleucémie

Sain

Leucémie : Il existe des formes très variées de leucé-mies, la plupart ont leur origine dans la moelle osseuse et entraînent la production d’un nombre extrêmement élevé de globules blancs et de cellules progénitrices (orange). Le nombre de globules rouges, transportant l’oxygène, et de thrombocytes (bleu) servant à la coagulation à la coagulation en cas de blessure, ne change quasiment pas

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MÉDECINE SCIENCE

Cellules souches :Ces cellules presque universellesaident aussi au développement de nouveaux médicaments.www.draeger.com/18-47

Les cellules souches se prêtent également à la remobilisation d’articulations usées

tion simple, qui dure environ une heure, le médecin aspire des cellules souches à l’aide d’une seringue. Le donneur peut nor-malement quitter l’hôpital le jour même. Les risques sont très faibles. Il ne faut que quelques semaines pour que la moelle osseuse se régénère. La transplantation sur le patient se fait tout simplement par transfusion. Les cellules souches sanguines se fraient leur chemin seules dans la voie sanguine jusqu’aux os où elles se fixent. Ces cellules souches mésenchymateuses qui cir-culent dans la moelle osseuse sont égale-ment indiquées pour redonner de la mobi-lité aux articulations usées – ou régénérer les cartilages usés.

Des cellules souches provenant de divers tissus ont déjà été testées pour ren-forcer les muscles cardiaques endomma-gés après un infarctus. Mais il n’y a pas eu jusqu’à ce jour de succès retentissant dans ce domaine, bien que la thérapie cel-lulaire ait déjà été testée sur le cœur chez plusieurs centaines de patients. On ne sait pas encore si les cellules souches s’in-tègrent dans les muscles endommagés et s’y adaptent à leur nouvelle tâche – ou si elles sécrètent seulement des substances sémiochimiques aidant le cœur à s’aider lui-même. Quand il s’agit non seulement de remplacer des organes ou tissus usés, mais également de soigner des maladies congénitales, les médecins doivent com-biner les capacités des cellules souches avec les possibilités de l’ingénierie géné-tique. Une équipe germano-italienne a pour la première fois réussi à sauver un jeune homme atteint d’une maladie mor-telle de la peau. L’épidermolyse bulleuse (Epidermolysis bullosa), une maladie d’ori-gine génétique, avait détruit environ 80 %

de son épiderme. Tous les médicaments connus restaient sans effet, c’est pourquoi les médecins tentèrent une expérience en2015 : ils prélevèrent sur le jeune homme un morceau de peau encore intact, mul-tiplièrent les cellules souches qu’il conte-nait et y ont introduit une version intacte du gène défectueux. À la fin de l’an passé, les médecins ont rapporté dans la revue scientifique Nature que le patient allait si bien – deux ans après la transplantation de presque un mètre carré de peau génétique-ment modifiée – qu’il pouvait à nouveau mener une vie presque normale.

Lorsque John Gurdon a commencé (début 1958) ses expériences sur l’iden-tité génétique des cellules, ce dévelop-

pement était encore inimaginable. Pour lui, c’est l’une des surprises spéciales que réserve la science. Dans son discours lors de la remise du prix Nobel (2012), il décla-ra que c’était pour lui un plaisir tout par-ticulier qu’une recherche fondamentale initialement guidée par la pure curiosité, et ensuite par la découverte de Yamanaka, « devienne quelque chose qui profite à la santé humaine ». On ne peut vraiment pas en dire autant de toutes les recherches sur les œufs de grenouille.

Glossaire Les cellules souches adultes constituent la réserve dans les tissus et les organes ; elles servent à remplacer les cellules endommagées ou devenues trop vieilles. Elles ne sont pas aussi polyvalentes que les cellules souches embryonnaires.

Les cellules souches embryonnaires peuvent se transformer en presque tous types de tissus corporels ; c’est pourquoi elles sont dites pluripotentes. Ces « cellules à presque tout faire » sont encore présentes dans les très jeunes embryons de quelques jours. Mais elles aussi ont déjà perdu de leur potentiel de développement – elles ne permettent plus d’obtenir un être humain, sinon elles seraient totipotentes. La repro-grammation est un terme plus communément associé aux ordinateurs. Mais même le code qui dit à une cellule si elle appartient à un rein, au cerveau ou au sang, peut être réinterprété. Cela se fait à l’aide de marqueurs chimiques sur les gènes, appelés marqueurs épigénétiques. Chaque cellule d’un être vivant contient l’ensemble de ses gènes.

Les marquages épigénétiques contrôlent exactement quels gènes sont utilisés, où et quand.

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PANORAMA CATASTROPHES NATURELLES

L’année passée a été catastrophique – etce n’est sans doute qu’un début : malgré de meilleurs modèles de prévision, les USA et

d’autres parties du monde doivent s’attendre à l’avenir à des catastrophes naturelles toujours plus

nombreuses. L’accroissement de population aux mauvais endroits et le changement climatique

devraient encore aggraver le problème.

Texte : Steffan Heuer

LE TRIO DE CYCLONES TROPICAUX KATIA, IRMA ET

JOSE, LE 8 SEPTEMBRE 2017 AU-DESSUS DE L’ATLANTIQUE.

BILAN : AU MINIMUM 68 MILLIARDS DE $. DOMMAGES MATÉRIELS

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Plusieurs centaines de morts, des dizaines de milliers de sans abris, des maisons détruites, des voitures et des usines submer-gées. Des régions entières toujours privées d’électricité plusieurs mois après. La saison cyclonique 2017 a établi un triste nouveau record aux USA en ce qui concerne les dégâts occasionnés par les vents, les pluies et les inondations.

Selon le bilan provisoire, le trio de cyclones Harvey, Irma et Mario a coûté près de 207 milliards de dollars américains lorsqu’il a ravagé la mégapole de Houston ainsi que diverses îles des Caraïbes (y compris le territoire de Puerto Rico). Le mon-tant des dommages a dépassé celui de la série d’ouragans de 2005, lorsque Katrina, Rita, Dennis et Wilma traversèrent le pays en causant 151 milliards de dollars de dommages. Mais même sans cela, l’année dernière a été historique. Les météorologues et les scientifiques du climat ont relevé au total 17 grandes tem-pêtes, dont six de catégorie 3 ou supérieure, c’est-à-dire avec des vents dépassant les 178 kilomètres par heure. L’on n’avait plus connu une saison aussi mauvaise depuis 1893. Le pouvoir des-tructeur de la nature, diffusé en direct à la télévision et sur les

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réseaux sociaux, a effrayé autant les scientifiques que les ser-vices de secours du monde entier. Plusieurs questions les ont agités avant même le début officiel de la saison cette année, le 1er juin : leurs modèles disposent-ils de suffisamment de densi-té de données et de puissance d’analyse pour permettre de pré-dire les prochains cyclones avec précision et plus longtemps à l’avance ? Comment les habitants des zones côtières peuvent-ils mieux se préparer aux dévastations ? Et à quel point la progres-sion du changement climatique aggrave-t-elle les tempêtes ain-si que leur effets cataclysmiques ?

John Cangialosi travaille au National Hurricane Center (NHC), dans le sud de la Floride. Avec ses neuf collègues, il suit jour après jour les cyclones pour prévoir leur intensité et leur trajectoire, ain-si que pour mener à bien des campagnes préventives de sensibili-sation. Médias, communes et organisations de secours se reposent chaque année sur les prévisions détaillées et les conseils du NHC, qui doivent les aider à décider si et quand une zone doit être éva-cuée. « Presque tous ceux dont le métier touche aux cyclones ont été fascinés par eux dès l’enfance, c’est mon cas », se rappelle Can-gialosi. Il a grandi du côté de New York et connaissait surtout les

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PANORAMA CATASTROPHES NATURELLES

blizzards givrants et la neige. « Cependant », corrige aimablement Cangialosi, « les gens du métier n’utilisent pas le terme d’ouragan mais celui de cyclone tropical. » Quelque soit le nom qu’on leur donne : « Les cyclones ont toujours besoin des mêmes conditions pour devenir gros et dangereux. » La température de surface des océans doit tout d’abord osciller entre 26 et 26,5 degrés Celsius, et il faut de plus que l’air soit très humide pour qu’un cyclone se forme et qu’il gagne en puissance. Il a ensuite besoin qu’il y ait aus-si peu de turbulences verticales ou de fortes bourrasques que pos-sible. Moins la vitesse et la direction du vent diffèrent entre diffé-rents points de la colonne d’air au-dessus de la mer, plus le cyclone peut développer sa puissance. Pour finir, une tornade est un tout autre phénomène météorologique, qui ne se forme qu’au-dessus de la terre ferme, qui est très compact avec un diamètre d’au plus 1 kilomètre et qui a une préférence pour une colonne composée d’air chaud et d’air froid. « Comme pour toute recherche, ce n’est pas de la science exacte. De nombreux facteurs entrent en jeu, qui s’influencent les uns les autres », confie Cangialosi. Le phé-nomène El Niño fait partie de ce puzzle dynamique. Il entraîne une augmentation des températures du pacifique équatorial en hiver et exerce également une influence sur le climat atlantique. El Niño, plus froid, a l’effet exactement inverse et peut entraîner une augmentation de l’activité cyclonique.

Si les chercheurs sont en mesure de déterminer à quel endroit la prochaine tempête menace de se former, et où elle pourrait

atteindre le continent, ils le doivent à un système de mesure dévelop-pé au fil des décennies ainsi qu’au progrès des simulations informa-tiques. Les données les plus importantes proviennent sans conteste des satellites, qui peuvent mesurer l’intensité et la vitesse des vents à la surface de l’eau. Leurs mesures sont complétées par les flux de données réguliers fournis par les aéroports, les avions, les navires et les ballons météo. « Les mesures dans l’océan par des bouées et des navires sont très précieuses mais aussi très clairsemées au regard de la surface énorme », explique Phil Klotzbach, expert en oura-gans à la Colorado State University de Fort Collins. Son groupe de recherche publie depuis 34 ans des prévisions mondialement répu-tées, mises à jour trois fois par an (début avril, début juin et début août) afin de mieux évaluer les activités auxquelles il faut s’attendre jusqu’à la fin novembre. « Plus nous nous rapprochons de la haute saison, plus nous disposons de données, et meilleures sont les pré-visions », explique Klotzbach. Le Hurricane Center de Floride s’oc-cupe au contraire plutôt de prévisions à plus court terme, en calcu-lant le déroulement d’une tempête jusqu’à cinq jours à l’avance.

Des ordinateurs très performants alimentent avec toutes les mesures et données historiques des modèles dans lesquels l’at-mosphère terrestre est divisée en cubes tridimensionnels d’envi-ron 40 kilomètres. Il n’existe par ailleurs pas qu’un seul modèle, mais un grand nombre, développés par les administrations aux USA, en Europe et au Japon, par l’armée ainsi que des universi-tés – comme celle de Boulder – et enfin par des institutions privées dont bien entendu les assurances. « Tous ont accès aux mêmes don-nées brutes, mais la marge de manœuvre est suffisamment impor-tante, en ce qui concerne leur interprétation », poursuit Cangialo-si, expert du NHC. Même la catégorisation d’une tempête diffère au niveau international. La catégorisation la plus connue (niveaux 1–5) est due à deux fonctionnaires américains qui ont développé dans les années 1970 l’échelle Saffir-Simpson qui porte leurs noms.

Trois modèles fournissent les meilleures prévisionsParmi les modèles informatiques, trois d’entre eux sont considé-rés comme les plus fiables : le Global Forecast Service du National Weather Service américain, le modèle du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme ainsi que le modèle UKMET britannique. Le modèle européen est celui qui fonctionne le mieux depuis des années, notamment en ce qui concerne la tra- P

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En berne :Les États améri-cains le long du Golfe du Mexique (ici : la Floride)forment un couloir propice pour les cyclones

L’OURAGAN « HARVEY » APPROCHE DE LA MÉTROPOLE TEXANE DE HOUSTON :

LES EXPERTS ESTIMENT QU’UNE TELLE TORNADE NE SURVIENT QU’UNE FOIS TOUS LES 500 ANS.

60 CENTIMÈTRES D’EAU S’ABATTIRENT EN 24 HEURES,LES RUES SE TRANSFORMÈRENT EN FLEUVES DÈCHAÎNÉS

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Onde de tempête dans la province de Guangdong, dans le sud de la Chine : des tempêtes catastrophiques se forment également au-dessus des eaux chaudes du Pacifique. En 2013, le typhon Usagi a ravagé les Philippines, le Japon et la Chine

jectoire d’un cyclone. Les experts américains avaient par exemple prédit que l’ouragan Sandy de 2012 déferlerait sur la côte est, alors que les chercheurs européens en météorologie avaient correcte-ment averti que la tempête se dirigeait directement vers New York. « Les prévisions se sont améliorées et ont déjà permis de sauver de nombreuses vies. Mais nous avons encore besoin d’un réseau plus serré de points d’observation et de modèles informatiques avec une résolution plus élevée. Les Européens ont par le passé inves-ti de manière plus importante que les USA », explique Katharine Hayhoe, directrice du Climate Science Center de la Texas Tech Uni-versity. Cette Canadienne de naissance est de ceux qui lancent les mises en garde les plus insistantes sur le changement climatique. Selon Hayhoe, diverses corrélations permettent de mettre en évi-dence l’interaction funeste entre le réchauffement climatique et les cyclones. « Il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas », dit-elle, « mais il existe au moins cinq risques en relation avec les cyclones qui sont amplifiés par le changement climatique et qui sont, à des niveaux différents, prouvés scientifiquement. » C’est tout d’abord la montée du niveau de la mer à cause du réchauffe-ment de l’eau et de la fonte des glaces. Cela alimente les tempêtes avec une plus grande quantité d’eau à précipiter sur la terre ferme. Le changement climatique génère en outre plus de vapeur d’eau, qu’une atmosphère plus chaude peut davantage absorber. Un océan chaud est une réservoir inépuisable pour des pluies diluviennes. Des équipes de recherche internationales ont publié fin 2017 deux études qui sont arrivées à la même conclusion : c’est exactement pour cette raison qu’Harvey a déversé entre 15 et 38 % de précipita-tions additionnelles sur Houston. De plus, un ouragan peut extraire plus d’énergie d’un océan chaud. Les données satellite de 1986 à 2010 montrent que c’est pour cette même raison que les tempêtes se transforment de plus en plus rapidement en cyclones tropicaux. En raison du réchauffement climatique, ils mettent en moyenne neuf heures de moins pour passer de tempête à ouragan de catégorie 3. Enfin, d’après Hayhoe, le changement climatique n’entraîne pas nécessairement plus de tempêtes, mais très vraisemblablement de grosses et fortes tempêtes de catégorie 4 et 5. Et même si la surve-nue d’un cyclone est plus rare dans l’Atlantique, il est très possible que les tempêtes beaucoup plus terribles du Pacifique plus chaud se multiplient et dévastent l’Asie, même si les yeux du public occi-dental restent toujours rivés sur l’Atlantique.

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PANORAMA CATASTROPHES NATURELLES

Même si le lien précis avec le changement climatique n’est tou-jours pas connu, Phil Klotzbach, chercheur spécialiste des oura-gans, a identifié un problème tout autre, que l’homme aggrave par sa stupidité et son inconscience. « Les ouragans sont de plus en plus catastrophiques parce que nous construisons toujours plus de choses sur leur route – pour la plupart dans des zones sujettes à de forts vents et des ondes de tempête », explique Klotzbach. Avec trois collègues, il a récemment évalué tous les cyclones ayant atteint le territoire des USA depuis 1900. Leur conclusion : les dommages matériels croissants s’expliquent par l’augmentation de la popula-tion et de leurs propriétés toujours plus onéreuses dans des lieux exposés. Selon le chercheur, « les ouragans n’ont statistiquement pas augmenté de façon significative in intensité ou en fréquence aux USA depuis 1900 ».

De plus en plus de villas en bord de mer sur des sites exposésMais rien que le long de la côte Atlantique et du Golfe du Mexique, environ 34 millions de nouvelles maisons ont été construites depuis 1970. « Autrefois c’était de modestes maisonnettes de plage, désor-mais ce sont d’immenses villas d’une superficie moyenne de 245 mètres carrés habitables », poursuit Klotzbach. Puis quand une onde de tempête de trois mètres de haut frappe la villa avec vue sur la mer, même les prescriptions de construction les plus modernes ne sont d’aucune aide. « La tendance à l’augmentation des dommages matériels va continuer », avertit Klotzbach. « Aussi longtemps que nous irons nous établir à des endroits où nous ne le devrions pas. » Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU a résumé le dilemme sur un diagramme. Selon celui-ci, un cyclone a besoin des conditions suivantes pour devenir désastreux : une météo extrême, une « exposition » des infrastruc-tures destructibles ainsi qu’une vulnérabilité de populations de plus en plus mal préparées. Il s’est avéré à Houston que des dizaines de milliers de citoyens habitaient dans des zones de faible élévation, où des maisons avaient été construites contre tout bon sens et où de

trop grandes surfaces avaient été bétonnées ou asphaltées, ce qui avait rendu impossible l’absorption des fortes précipitations. Pour éviter que des digues importantes ne cèdent, les autorités ont dû en ouvrir d’autres pour délester. Dans le cas d’énormes tempêtes comme Harvey, les mauvaises décisions de planification se transfor-ment exponentiellement en problèmes aigüs imprévus. C’est pour-quoi les services de secours devraient si possible simuler tous les scénarios au moins une fois avant. Ils sont confrontés à des calculs compliqués pour chaque tempête, selon qu’il faille s’attendre à de forts vents ou précipitations ou à des ondes de tempête. Alors qu’il est possible de se barricader contre les rafales de vent, il faut fuir devant les masses d’eau.

« Cette partie du Texas est un immense marécage. Celui qui y habite, doit se préparer au fait que ce ne sera pas une guerre éclair, mais une guerre de tranchée », déclare de manière martiale Joseph Leonard. Leonard a fait partie pendant trente ans des gardes-côtes et il est actuellement conseiller pour l’entreprise CTEH, qui prépare les entreprises et les communes à l’éventualité de catas-trophes. « Depuis 1950, nous avons une catastrophe naturelle tous les neufs mois. J’ai moi-même dû être évacué six fois depuis 1990. » Cela procure par la force des choses beaucoup d’expérience pra-tique en termes de protection des personnes, des installations indus-trielles et autres infrastructures critiques. Les plateformes de forage ont mis au point un procédé sophistiqué qui arrête les systèmes quelques jours à l’avance. C’est pourquoi elles subissent rarement

« La tendance à une augmentation des dommages matérielsva se poursuivre »Phil Klotzbach, expert en ouragans

Les Caraïbes détruites : la tempête

Irma a dévasté des paradis tropicaux tels

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Toujours prêts !Se préparer à la prochaine tempête peut devenir une activité à plein temps.www.draeger.com/18f-53

des dommages importants. Les usines chimiques et autres instal-lations industrielles sur le continent ont également développé des protocoles leur permettant de cesser l’activité temporairement. Et elles se sont préparées à des inondations avec des groupes électro-gènes de secours sur pilotis ainsi que d’autres mesures de protec-tion – tant que les tempêtes ne battent pas des records historiques comme Harvey.

Mais tout n’est pas prévisibleLors des travaux de déblaiement, des produits Dräger sont égale-ment utilisés, par exemple pour déterminer si des substances dan-gereuses tels que des gaz se sont échappées. Des appareils respi-ratoires à circuit fermé ainsi que des combinaisons de protection chimique permettent de plus aux sauveteurs de manipuler rapide-ment et sans danger des matières dangereuses et de sauver des vies humaines. Malgré l’expérience et les plans d’action, il est impos-sible de tout prévoir. Lorsque Harvey inonda Houston, non seule-ment l’internet des Coast Guard fut coupé, mais aussi le système de vidéoconférence permettant la coordination des équipes de sau-vetage et le système d’appel d’urgence de la mégapole. « C’est ain-si que tout à coup tous les appels au secours atterrirent chez les gardes-côtes. Nous avons dû improviser avec des téléphones por-tables personnels et demander à nos femmes et nos enfants de répondre aux appels », se rappelle Leonard. « Je n’avais jamais envi-sagé une triple défaillance dans les exercices. On apprend toujours quelque chose, on a une meilleure vision de toutes les ressources disponibles et on peut continuer d’améliorer la coopération des équipes de sauvetage. » Avant que les prochaines tempêtes n’at-teignent le continent, les communes et les organisations de secours devraient réglementer certaines choses fondamentales, argumen-tent les climatologues comme Hayhoe. Cela ne concerne pas uni-quement les questions de savoir qui a le droit de construire où et selon quelles normes, mais aussi les initiatives pour mettre à dis-position suffisamment de zones vertes et de réservoirs permettant d’absorber un déluge. « Si nous ne prenons pas en compte le chan-gement climatique dans nos planifications à long terme en matière d’infrastructures, d’eau, d’énergie et de l’ensemble de l’économie nationale, cela revient à préprogrammer plus de détresse et de souf-france », avertit Hayhoe. « C’est malheureusement plus facile de jouer le sauveteur héroïque que d’être la nounou prévoyante qui s’adresse à la conscience des gens avant la tempête. »

La communauté des spécialistes a depuis longtemps pris ses distances par rapport à l’idée de pouvoir diriger les tempêtes à l’aide de produits chimiques ou d’autres moyens. « Malgré des moyens très importants, de telles expérimentations n’ont jamais montré de résultats probants », conclut Klotzbach. « Le temps est quelque chose qui nous dépasse, nous, les hommes. »

Les chasseurs d’ouragans décollent avec un WC-130J Super Hercules (en haut) afin de pouvoir étudier de l’intérieur et suivre le puissant vortex nuageux

Dans l’œil de la tempêteL’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) fait faire aux pilotes ce qu’ils devraient au contraire éviter : voler au cœur de la tourmente. Ces employés de la NOAA, surnommés « Hurricane Hunters » tentent ainsi de rassembler des données sur les cyclones, de les analyser et de prévoir la suite de leur trajectoire. Les équipes sont formées de pilotes, de scientifiques et de météorologues. Ils pénètrent à une altitude de 3 000 mètres directement dans l’œil de la tempête et recueillent des données à partir de trois sources : des détecteurs de bord, des données indirectes de la surface de la mer ainsi que des mesures ponctuelles à l’aide de sondes à usage unique qui sont lancées dans la tempête. L’armée de l’air américaine dispose de dix de ces avions spéciaux, deux sont attribués à la NOAA et ils ont réalisé 500 heures de vols au

cours de l’année écoulée. Les satellites collectent naturellement aussi des informations sur les cyclones, mais il n’ont pas accès à leur intérieur. « Les meilleures données sur une tempête se cachent en fait à l’intérieur de la tempête elle-même »,déclare l’un des pilotes.

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99, Que l’on soit médecin, soignant, patient ou visiteur à l’hôpital – ou quiconque voulant sauver une vie – la priorité est la même : SE DÉSINFECTER LES MAINS. Et cela n’a rien d’une banalité.

Texte : Sascha Karberg

Le problème des

L’effet disco : Le désinfectant fluorescent montre sous lumière UV si toute la surface des mains a été désinfectée et donc aseptisée. Partout où la désinfection n’a pas été suffisante, le liquide fluorescent n’a pas pu être réparti. Des germes peuvent donc être présents à ces endroits

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HYGIÈNE HÔPITAL

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999 % La ville de Ratisbonne a décroché l’or. Il ne s’agit pas ici d’une médaille olympique, mais d’une récompense qui sauve quotidiennement des vies. Le CHU de Ratisbonne a reçu la cer-tification Or pour la « Campagne Mains propres » 2018/2019 qui, depuis dix ans, est soutenue entre autres par le Ministère fédé-ral de la Santé. « La désinfection des mains est dans les hôpi-taux en particulier l’une des principale mesures empêchant la propagation de germes dangereux », explique Wulf Scchneider, professeur d’hygiène hospitalière à l’université de Ratisbonne. Schneider travaille depuis 1999 à l’hôpital (UKR), il a repris la direction de l’hygiène hospitalière en 2010 et il est en outre professeur d’hygiène hospitalière depuis 2017. Et tout comme un entraîneur prépare des athlètes à remporter des médailles, Schneider a lancé l’action « UKR goes for Gold ». « Un concours tel que « l’Action Mains propres » contribue à motiver les méde-cins et le personnel soignant à dépasser les règles d’hygiène usuelles et à améliorer et sécuriser encore plus leurs procé-dures de travail quotidiennes », poursuit Schneider. Le besoin d’action est réel. On estime que 500 000 personnes contractent chaque année une infection dans les hôpitaux allemands, envi-ron 10 000 patients en meurent. Car les agents pathogènes sont de plus en plus résistants à un ou plusieurs antibiotiques de sorte que les médecins ne parviennent à traiter que difficilement ou trop tard les plaies infectées ou les septicémies. La prévention des infections joue un rôle d’autant plus important.

Tâches à accomplir pour accéder au GoldstandardIl appartient donc au médecin et à son équipe de préparer les hôpitaux à un futur proche où les médecins ne pourront plus stopper un nombre croissant d’infections avec les antibiotiques usuels. Ce n’est pas avec des formations et séminaires où l’on se borne à s’exercer aux règles d’hygiène pour le changement des pansements ou le maniement des cathéters que l’on y parvien-dra. « C’est une goutte dans l’océan », déclare Schneider. Il vau-drait mieux observer le quotidien et les interventions dans les services et faire directement un bilan de ce qui peut être encore optimisé. « Car à quoi sert la meilleure des formations si la rou-tine quotidienne ne change pas ? » Les formations dans lesquelles on montre aux médecins à l’aide de la lumière UV les endroits des mains mal désinfectés, « c’est bien gentil, mais c’est loin de suffire si l’on veut passer de l’hygiène 1.0 à 4.0. »

Pour accéder au Goldstandard, il faut satisfaire à des critères précis, par exemple l’utilisation de désinfectants certifiés qui réduisent de 99,999 % le nombre de germes sur la peau ou sur

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HÔPITAL HYGIÈNE

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une surface. « Avec du savon, on arrive au mieux à 90 à 99 % », ajoute Schneider. « L’une des pierres angulaires de l’hygiène hos-pitalière est la désinfection régulière de toutes les surfaces qui peuvent transmettre des agents pathogènes sur la main et de la main aux muqueuses ou blessures. » La part de responsabilité des surfaces favorisant la propagation des agents pathogènes, résistants ou non, est toutefois controversée. Pour qu’ils puissent se propa-ger, il faut finalement que les germes passent d’abord de cette sur-face vers le corps. Ce qui nous ramène une fois encore à la désin-fection des mains. « Si le personnel se désinfecte minutieusement les mains avant et après le contact avec le patient, au moins 30 secondes, peu importe en fait ce qui est présent sur la surface. » Les nouvelles infections par des virus grippaux au sein de l’hôpital montrent bien que des efforts en matière d’hygiène en valent la peine et ne sont pas un but en soi. En Allemagne, leur chiffre s’élève à environ 17 %, il est nettement inférieur dans les hôpitaux certifiés « Or ». Même si de grands efforts sont faits à l’échelle nationale pour améliorer le niveau d’hygiène, les Pays-Bas sont par comparaison directe largement en tête. « C’est en lien avec l’organisation du système de santé », précise Schneider. Compte tenu de la taille de la population, les Pays-Bas ne disposeraient que de la moitié des lits d’hôpitaux existants en Alle-magne. De ce fait, il existe moins d’hôpitaux dispo-sant de plus de ressources permettant de satisfaire aux normes de qualité élevées auxquelles les éta-blissements se sont astreints – sans qu’il existe de directives des autorités de surveillance à ce sujet. « Aux Pays-Bas, dans une unité de soins intensifs, un patient est pris en charge par un soignant dans l’équipe », ajoute Schneider. « Rien que cela suf-fit déjà à rendre l’application des règles d’hygiène plus facile que chez nous où un soignant s’occupe de plusieurs patients en même temps. » Dans une prise de position « Zum Verhältnis von Medizin und Ökonomie im deutschen Gesundheitssystem » (De la relation entre la médecine et l’économie dans le système de santé allemand), la Leopoldi-na, l’Académie nationale des sciences allemande

recommande pour cette raison une redistribution des ressources ainsi qu’une réduction des quelque 1900 hôpitaux allemands à 500 maximum. Les hôpitaux restants pourraient alors s’offrir leur propre service de microbiologie, ce qui est depuis longtemps la norme aux Pays-Bas dans les établissements dotés d’une unité de soins intensifs. « Quand je propose cela lors de mes consultations en matière d’hygiène hospitalière, les directeurs demandent dans quelle directive cela figure », raconte l’hygiéniste. « Et lorsque je dis que cela ne figure nulle part, mais que c’est un critère de qualité librement choisi par l’hôpital, la réponse est généralement qu’ils n’en ont pas les moyens. » Pourtant il serait important justement pour le diagnostic et la lutte contre les germes résistants d’avoir sur place des microbiologistes, non seulement à des fins de tests rapides, mais aussi de conseil et de planification en matière d’uti-lisation des antibiotiques.

La désinfection des mains reste la principale mesureCela serait faisable en Allemagne aussi, mais autrement que par le dépistage des germes résistants chez les nouveaux patients. Aux Pays-Bas, les patients sont d’abord mis en quarantaine avant qu’il ne soit procédé à un prélèvement et vérifié s’il existe une colonisa-tion par des germes problématiques. On recherche la présence de germes SARM, des staphylocoques résistant à l’antibiotique Méthi-cilline. Seul un résultat négatif autorise l’accueil du patient dans le service. « En Allemagne, ce ne serait pas faisable : trop de tests trop coûteux. Mais on peut de surcroît s’interroger sur le bien fon-dé d’un tel dépistage de masse », estime Schneider. Car même si un patient est porteur de germes dangereux, la mesure principale pour lutter contre leur propagation est et reste la désinfection des mains. En outre il n’existe pas de tests appropriés à grande échelle pour tous les germes problématiques. Pour les bactéries de type VRE (entérocoques résistants à la Vancomycine ) qui passent dans l’intestin via la production animale et l’alimentation, il existe tout aussi peu de critères de dépistage que pour les bactéries bâtonnets à Gram négatif multirésistantes (GNMR). « Les Néerlandais ont eux aussi un problème avec elles, en dépit de tout. »

La Commission pour l’hygiène hospitalière et la prévention des infections (KRISCO) de l’Institut Robert Koch à Berlin est partisan de l’information avant les tests. Ainsi pour un établissement hos-pitalier, c’est une caractéristique de qualité de commencer par

Beaucoup d’infections nosocomiales sont inévi-tables

Se désinfecter les mains, mais correctement : Le personnel hospitalier doit se désinfecter soigneusement les mains après le contact avec les patients. Ce mode d’emploi en huit étapes montre comment procéder efficacement. L’important est que la quantité de désinfectant soit suffisante pour la taille de main concernée. Environ 30 secondes sont néces-saires pour les étapes 1 à 8

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Vrai ou faux ? Quelques mythes sur l’hygiène hospitalière sont plus tenaces que bien des germes. L’expert en hygiène Wulf Schneider informe.www.draeger.com/18-57

demander au patient si au cours des mois précédents, il a été trai-té par antibiotiques, s’il a subi la pose d’un cathéter, s’il a reçu des soins médicaux à l’étranger ou travaille dans l’agriculture. « Si de tels critères de risques sont remplis, un test SARM est effectué », poursuit l’hygiéniste. Quant à savoir quand un agent pathogène est un germe hospitalier ou est considéré comme importé, c’est une question de définition. Si le test bactériologique est positif dans les 72 heures après hospitalisation, les germes sont considérés par définition comme « importés dans l’hôpital ». Cela représente env. 90 % des cas, du moins concernant la détection de SARM. Les don-nées ne sont suffisantes que pour ce type de germe. Quant aux 10 % restants de patients dont l’infection n’a été diagnostiquée qu’après 72 heures, Schneider reste dubitatif sur le fait qu’ils n’ont été réel-lement contaminés qu’à l’hôpital. « La bonne nouvelle est donc que les taux de transmission à l’intérieur de l’hôpital – par rap-port à la quantité – sont négligeables. »

Mais cela n’est-il pas en contradiction avec le mythe selon lequel une infection hospitalière sur trois provient d’un autre patient et a été transmise par les médecins et le personnel soi-gnant ? « Il n’existe pas de données qui le prouvent », rétorque Schneider. Les études montrent que la plupart des infections proviennent de la propre flore du patient et non de l’environne-ment, pas plus que du personnel ou du patient voisin. « Une sur trois, ce serait un cauchemar. » La transmission de personne à personne peut être évitée non seulement par les médecins et les soignants, mais aussi par les patients, leurs proches et les autres visiteurs. Par exemple, Dräger forme régulièrement ses commer-ciaux aux questions de l’hygiène, parfois jusqu’à la qualification VHD. La KRINKO invite désormais les hôpitaux à mieux informer aussi les visiteurs sur les règles d’hygiène, notamment la désin-fection des mains avant de pénétrer dans l’hôpital, mais aussi en le quittant. « Ce ne sera sans doute pas le miracle, mais l’hy-giène des mains peut s’avérer utile là aussi », Schneider en est sûr. Si, dans les hôpitaux, les mains doivent être désinfectées, leur lavage est en général très suffisant dans la vie quotidienne. Mais lavage ne veut pas dire ici passer ses mains deux secondes sous l’eau. « il faut mouiller les mains, les savonner pendant 10 à 15 secondes et les rincer ensuite soigneusement », explique Schneider. « Tout le reste est de l’hygiène mentale. » L’expert tempère l’espoir souvent exprimé qu’une hygiène parfaite per-

mette d’éviter un tiers des infections contractées à l’hôpital. « Ce chiffre provient d’une étude datant des années 1970 dans laquelle deux hôpitaux furent comparés entre eux. » Dans l’un, le personnel fut formé à une méthode de travail hygiénique, l’autre continua de fonctionner comme avant. Après quelques années, on dénombra 30 % d’infections de moins qu’au début dans l’hôpital où l’hygiène avait été encouragée. « Aujourd’hui, l’écart serait moindre, car les normes d’hygiène se sont amé-liorées partout depuis les années 1970 », ajoute Schneider. « En outre, il nous faut accepter le fait que la plupart des infections nosocomiales ne sont pas évitables même en respectant la meil-leure hygiène. » La raison en est qu’aucune personne n’est sté-rile, mais que tout son corps est colonisé par des bactéries. Il est certes possible de décontaminer la peau avant une opération, mais non de la stériliser. « Le risque est grand que des patients s’infectent avec leurs propres germes, par exemple des staphylo-coques provenant du nez. » Même si des médecins et soignants font de leur mieux pour atteindre le standard Or, le risque d’in-fection ne tombera jamais à zéro dans les hôpitaux.

Le Prof. Wulf Schneider fait de la

recherche, enseigne et dispense des conseils à

l’Institut de microbiologie clinique et d’hygiène de

l’Hôpital universitaire de Ratisbonne au sud de

l’Allemagne

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INDUSTRIE NORMES

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S’il n’existait pas de STANDARDS INTERNATIONAUX, il faudrait les inventer au plus vite. Car sans ces normes contraignantes, non seulement le quotidien serait plus compliqué, mais il manquerait à l’industrie un outil de production efficace.

Texte : Nils Schiffhauer

Parfois tout semble tellement normé que rien n’est compatible avec rien : la prise Schuko allemande ne va pas avec la prise électrique de la salle de conférences à Shangaï, le chargeur de la collègue n’est pas compatible avec votre smartphone. Quant aux robinets de douche des hôtels à travers le monde, on dirait que les ingé-nieurs et designers se sont souvent ligués contre le simple bon sens.

Mais une fois l’énervement passé, on remarque d’autant mieux les bénédic-tions de la vie quotidiennne où comme par miracle beaucoup de choses fonctionnent bien ensemble : « Aussi longtemps que l’Em-

pire allemand existera, les vis tourneront à droite » disait une devise mnémotech-nique dont nous avons aujourd’hui aussi peu besoin que de nous de rappeler l’ordre vertical rouge, jaune, vert des feux trico-lores, ou de nous étonner à chaque fois à quel point une feuille DIN A4 correcte-ment pliée rentre bien dans une enveloppe à fenêtre. C’est justement ce format qui est la plus connue des normes industrielles allemandes. Celles-ci sont apparues il y a 100 ans avec la fondation, le 22 décembre 1917, du Normenausschuss der deutschen Industrie (Comité des normes de l’indus-trie allemande). Depuis 1975, cette organi-sation porte le nom Deutsches Institut für Normung (DIN) – en français Institut alle-mand de normalisation – sis à Berlin. Près de 34 000 normes s’immiscent maintenant dans notre quotidien ; elles facilitent beau-coup de choses sans qu’on ne soupçonne les longues années de travail que les com-missions leur ont souvent consacrées. Tho-mas von Högen se consacre par exemple depuis de longues années, sur mandat de Dräger, à la normalisation d’équipements de protection chimique. « Dans cette com-mission siègent principalement les repré-

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du commerce Le lubrifiant

sentants des fabricants, des utilisateurs, des instituts de contrôle et des associations pro-fessionnelles », explique le physicien. « Leur objectif commun est de rendre le quotidien du travail plus sûr. » Pendant longtemps, ce sujet n’a guère attiré les jeunes diplô-més universitaires. « Lorsque j’ai commen-cé à participer à l’une de ces commissions, il y a des années de cela », se souvient von Högen, « il s’agissait plutôt de réunions de vieux messieurs auxquelles les entreprises envoyaient leurs responsables du dévelop-pement à l’aube de la retraite. »

Accès à 700 000 standardsLes choses ont changé. Pour les collègues de von Högen, comme Carola Mentrup, Klaus-Michael Rück et Matthias Marzin-ko, le travail de normalisation est un par-cours de carrière tout à fait passionnant qui permet d’accomplir beaucoup de choses. Ils font partie des 32 000 experts qui, rien qu’en Allemagne, mettent leur expertise au service du processus de la normalisation et des douzaines de collaborateurs du monde entier qui travaillent pour Dräger dans des commissions externes de normalisation. Pas toujours à plein temps, mais toujours

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avec un plein engagement. « On est souvent en déplacement, on prend aussi l’avion le week-end pour des villes attractives dont ne voit toutefois que les salles de conférences – il faut aimer ça », raconte Matthias Marzin-ko. Justement il aime cela, et dans l’entre-prise lübeckoise, il est le responsable de l’International Standards Management (ISM) dans le domaine de la technologie médicale. « Dans nos banques de données, nous pouvons chercher parmi environ 700 000 normes, dont nous ne pouvons utili-ser que quelques milliers, car il faut en effet les acheter. » Cet ingénieur, qui commen-ça d’abord des études de médecine avant de découvrir sa passion pour la technique, aborde ici le sujet de l’investissement et des bénéfices. Qu’est-ce qui motive des entre-prises à envoyer leurs collaborateurs dans des commissions qui investissent plusieurs années-personnes pour développer ou pro-mouvoir une norme que l’entreprise devra ensuite elle-même acheter ? Une circulaire rédigée à la main par Bernard Dräger à Süt-terlin fournit un premier indice. Il y repro-chait à ses concurrents la « diversité stupé-fiante » des filetages de leurs robinets sur les bouteilles de dioxyde de carbone, qu’il qua-

Norme DIN 477 : Le filetage normalisé proposé par Bernhard

Dräger en 1895 reste jusqu’à aujourd’hui une standard industriel

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lifiait de « cancer pour toute l’industrie du dioxyde de carbone ». Dans sa lettre du 12 novembre 1895, le fils du fondateur de l’en-treprise avait déjà trouvé une solution toute prête. Il étudia d’abord « les rapports de pro-portion des filetages les plus courants » et développa à partir de là son « filetage normé pour dioxyde de carbone ». Il invita le Profes-seur Reuleaux de Berlin, en tant qu’autorité dans ce domaine, à donner son avis d’expert sur cette proposition de norme.

Goupille conique : la première normeLe Professeur Franz Reuleaux fut le pion-nier de ce qu’il appela « Austauschbau » (pièces détachées). On parle aujourd’hui de technique modulaire. Bernhard Dräger le connaissait depuis qu’il avait suivi avec enthousiasme ses cours en tant qu’auditeur libre. Peu de semaines après cette initiative, le Professeur Reulaux donna sa bénédiction au raccord fileté normalisé « W 21,8 mm x 1/14 à droite » par la publication d’une « évaluation d’experts » dans une revue spécialisée. En 1920, après la création de la norme DIN, il fut adopté en tant que DIN 477, et perdure jusqu’à aujourd’hui. Ces pionniers furent de toute évidence les prin-cipaux moteurs de la normalisation. Grâce aux normes, un marché plus grand s’ouvre à l’industrie. Elle doit elle-même prendre les choses en main avec professionnalisme : elle doit trouver d’une part un consen-sus entre toutes les parties intéressées, et d’autre part un organisme reconnu de tous, qui certifie et publie ces résultats comme un notaire. Nul n’a par ailleurs l’obligation de s’y conformer. L’application des normes est par principe volontaire. Mais les bénéfices économiques qu’elles génèrent, environ 15 à 20 milliards d’euros par an (rien que pour

l’Allemagne) suffisent à rendre l’application des normes très attractive. Mais surtout, elles offrent la sécurité, car elles traduisent l’état de l’art, requis dans de nombreuses lois, en caractéristiques concrètes et véri-fiables. Cela sert non seulement à la pro-tection des hommes, mais aussi à ouvrir des marchés, dans le monde entier.

Les normes sont à vrai dire nées de la première guerre mondiale. Elles devinrent inéluctables, par exemple pour fabriquer la légendaire mitrailleuse MG 08/15 de manière absolument identique et en grand nombre dans les diverses usines d’arme-ment du Reich allemand. La première DIN du 1er mars 1918 spécifiait les matériaux et les dimensions des goupilles coniques, des

éléments de fixation de forme conique qui étaient introduits dans des alésages corres-pondants pour tenir ensemble les pièces d’une machine. On ne sait plus exactement pourquoi la première norme a porté juste-ment là-dessus. Dans la mesure où les gou-pilles coniques ne sont pas adaptées à des fixations exposées à des vibrations ou des chocs, un rapport de cette première norme avec la mitrailleuse MG 08/15 n’est que peu vraisemblable et aucunement attes-té. Aujourd’hui les normes sont des instru-ments de paix efficaces : pour la sécurité, la protection des personnes et les échanges mondiaux. Selon Matthias Marzinko de Dräger « elles sont formulées de manière à exiger d’une part la sécurité maximale

En 1895, à Sütterlin, Bernhard Dräger fit une proposition de filetage standardisé pour dioxyde de carbone. L’argumentation présentée du reste avec humour fut fructueuse

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NORMES INDUSTRIE

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Le travail des commissions est beaucoup centré sur les personnes. L’objectif est une extrême sécurité dans le consensus

en fonction de l’état de la technique, mais d’autre part à ne pas se référer si possible à un brevet et à offrir ainsi une marge de manœuvre suffisante aux fabricants. » Son collègue Thomas von Högen ajoute : « Ainsi la DIN EN 443:2008 prescrit qu’un casque de sapeur-pompier, après une exposition de plusieurs minutes à la chaleur, doit résis-ter 10 secondes à des températures d’au moins 900 °C, mais ne stipule pas en quelle matière ni de quelle forme ou de quelle couleur il doit être. » Mais le travail rela-tif aux détails techniques n’est qu’une par-tie de l’activité des organismes de normali-sation. En tant qu’ancien secrétaire de la commission de normalisation DIN Équipe-ment de Protection Individuelle (EPI), Tho-mas von Högen est bien placé pour le savoir : « Mon activité était très focalisée sur les per-sonnes .» L’objectif des discussions était et reste encore aujourd’hui le consensus, avec une sécurité maximale des produits. » Il arrivait bien sûr qu’elles soient aussi plus terre à terre. Par exemple lorsqu’une entre-prise voudrait faire entrer dans une norme une technologie qu’elle a développée, ou lorsqu’une entreprise de contrôle souhaite-rait que le pourcentage d’échantillons d’es-sai d’une série soit multiplié. Il faut ici faire preuve de doigté, et pas seulement du point de vue des frontières géographiques.

L’objectif : des normes valables dans le monde entierAu-delà de cela, on reconnaît la force de la normalisation et on la promeut là où elle n’est pas encore utilisée, comme l’ob-serve Matthias Marzinko : « L’Inde fournit actuellement de gros efforts pour dévelop-per son travail de normalisation, la Chine évidemment aussi. » Les deux pays savent que sinon, ils se dissocient du marché mon-

dial, aussi bien à l’importation qu’à l’ex-portation. Les normes sont en quelque sorte le lubrifiant du commerce mondial. C’est pourquoi elles deviennent de plus en plus internationales. En Europe, l’harmo-nisation avance à grands pas : elle vise à développer à partir des différentes normes nationales, une norme européenne com-mune. La numérisation (voir aussi pages 6 et suivantes) et les télécommunications réduisent le monde des normes à un village, pour Internet le même protocole est appli-cable partout, et l’ère des standards diffé-rents du téléphone portable appartient au passé. Le nouveau standard 5G exige des investissements si importants en termes de développement et d’infrastructures qu’ils ne sont rentables que pour un marché d’un milliard de clients.

Ainsi le progrès fait avancer la nor-malisation. Thomas von Högen ne cesse d’en faire l’expérience, notamment avec les équipements de protection chimique : « Par exemple lorsque de nouvelles subs-tances arrivent sur le marché, que les valeurs limites pour la protection du travail changent ou que certaines substances dis-paraissent du marché. » Le but de tous les efforts : des normes valides dans le monde entier. Elles vont de soi dans les secteurs de la technologie médicale et des techniques de sécurité, car la protection des personnes devrait elle aussi être universelle. « Mais il continue toujours d’y avoir des exigences spécifiques à chaque pays », ajoute von Högen. « Elles ont souvent une certaine logique, comme par exemple la sécuri-té renforcée contre les séismes au Japon. Mais elles ont parfois aussi un caractère protectionniste. » Dräger développe d’em-blée ses produits de manière prévoyante avec une vue à 360 degrés sur toutes les

normes du monde de façon à ce que les appareils les respectent ou les dépassent là où elles sont pertinentes dans leur marché cible. Depuis peu, ajoute son collègue Mat-thias Marzinko, Dräger est aussi représen-tée dans ces organismes de normalisation qui débattent de la manière adéquate de développer et commercialiser les normes. « Même aujourd’hui, il n’y a pratiquement pas de standard qui soit tel que nous aime-rions qu’il soit – un peu comme le sont les tailles X, M et L. C’est pourquoi nous devons continuer à tout d’abord diviser une série de normes en spécifications individuelles, afin de pouvoir les intégrer numérique-ment de manière structurée dans le déve-loppement de produits. » Sans parler des recommandations dans les langues natio-nales à la traduction techniquement cor-recte auxquelles les collègues locaux contri-buent.

C’est encore une affaire de chefAu cours de leur cents ans d’histoire, les normes qui étaient initialement de la paperasse impopulaire sont devenue une affaire de chef. Parfois même au sens lit-téral, comme lorsque quelqu’un comme Stefan Dräger, Directeur général de la Dräger werk Verwaltungs AG, est aussi membre de la présidence du DIN. Et il a aussi une réponse à la question de savoir si les normes rendent ses propres produits remplaçables : « Ce n’est pas pour autant que nous serons remplacés en tant que fournisseurs. Si nous mettons à profit et développons encore notre actuelle proxi-mité avec la clientèle, en fournissant de plus en plus de systèmes complexes, nous pourrons continuer sur la voie de la réus-site, et rester ou devenir le premier choix des clients. »

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Tout le monde parle de la numérisation, qui tire sa vraie force de l’analyse et de la mise en relation de données.

Texte : Frank Grünberg

BIG DATA– La mise en

réseau est nécessaire

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LECTURE DE DONNÉES SCIENCE

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LLes prévisions régissent notre vie quo-

tidienne. Bien des barbecues ne sont pla-nifiés qu’après un coup d’œil sur l’appli-cation météo. Les pilotes aussi s’appuient sur les bulletins météorologiques. Les prévi-sions se sont nettement améliorées au cours des 50 dernières années (voir pages 48 et suivantes). Leur fiabilité se limitait initia-lement à trois jours, elle a aujourd’hui plus que triplé. Là aussi, le mérite en revient au Big Data. Les satellites et les stations au sol mesurent désormais régulièrement les températures, la force des vents, la pluvio-métrie et les heures d’ensoleillement dans le monde entier. Des centres de calcul ras-semblent toutes ces données en temps réel pour les analyser et les consolider. Du fait de l’augmentation du volume des données, les bulletins météorologiques sont toujours plus précis. Cette évolution est aujourd’hui aussi soutenue par les systèmes informa-tiques d’apprentissage automatique. Ce qui est déterminant, ce sont les données d’en-trée. C’est pourquoi la stratégie Big Data de l’entreprise EUMETSAT prévoit d’augmen-ter le nombre de satellites pour que ceux-ci soient en mesure d’envoyer 99 % des don-nées météo directement de l’espace à la terre. EUMETSAT est financée par 30 pays membres de l’union européenne. Seul 1 % des données devrait à l’avenir provenir des stations de mesure et de surveillance au sol. Lors de la mise en place de cette infrastruc-ture, l’organisation est favorisée par l’utili-sation de standards ouverts. L’Organisation météorologique mondiale (OMM), une ins-

titution spécialisée des Nations unies, défi-nit les interfaces numériques permettant les échanges rapides de données météorolo-giques. La base technologique est Internet.

Le Big Data a aussi un potentiel promet-teur dans le domaine de la santé publique : pour de meilleurs résultats, diagnostics et thérapies. En associant des données cli-niques, épidémiologiques, de génétique moléculaire et économiques, il est possible de générer un nouveau savoir sur l’appa-rition, la prévention et le traitement de maladies. À l’aide de données de comparai-son statistiques pertinentes, il est possible d’identifier les risques à un stade précoce. Comme dans le domaine de la météorolo-gie, les stations de mesure sont nombreuses et réparties sur tout le territoire : cela va des cabinets médicaux et des hôpitaux jusqu’aux patients qui mesurent de plus en plus eux-mêmes leur données (fréquence cardiaque, tension artérielle etc.).

Les bases sont déjà làLa mise en réseau des données de santé déjà disponibles reste cependant à la traîne, sur-tout en raison de préoccupations de protec-tion de données ainsi que de l’absence de standard pour la mise en réseau de tous les dispositifs médicaux. La protection des don-nées personnelles est un bien juridique fon-damental. Pour éviter tout abus, nul autre que les personnes concernées ne doit pou-voir accéder aux données relatives à leur identité. De nombreuses personnes mettent désormais volontairement leurs données médicales à la disposition de groupes inter-nationaux sur Internet, sans savoir com-ment elles seront utilisées. Cependant ce développement pourrait à long terme entraî-ner une privatisation de la science. Car alors que les hôpitaux universitaires et autres institutions publiques ne peuvent utiliser le potentiel du Big Data que de façon très limitée pour des raisons de confidentialité, la concurrence privée alimente ses modèles

de diagnostic avec une quantité croissante de nouvelles données afin de maximiser peu à peu leurs performances. C’est ainsi que leur avance augmente jour après jour. D’où la nécessité de nouvelles approches qui faci-litent l’accès à des données anonymisées des patients à des fins de recherche. Indépen-damment de cela, la mise en réseau tech-nique de tous les équipements est une tâche que le secteur de la santé ne peut réaliser que de façon commune. Mais comment ras-sembler des données d’origine hétérogène, provenant des respirateurs, des dossiers de patients et des services de santé sans que cela ne nécessite des retouchages chrono-phages ? Les initiatives de standardisation, telles celles menées par le Fast Healthcare Interoperability Resources (FHIR) sont une étape importante, bien qu’elles n’en soient qu’à leurs balbutiements. L’échange de don-nées entre hôpitaux ou même entre pays reste toujours une exception.

Mais si l’on veut donner vie au Big Data dans le domaine de la santé publique, il n’est pas possible de faire cavalier seul. Cette vision échouerait si toutes les parties prenantes faisaient chacune leur petite cui-sine. La numérisation vit de transparence et de partenariat. Et cela commence déjà avec la collecte, la mise en réseau et l’ana-lyse des données.P

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La glycémie via un capteur : De plus en plus de données vitales sont aujourd’hui acquises et rassemblées, souvent sans contact, via des capteurs électroniques

SCIENCE LECTURE DE DONNÉES

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L’évolution au cours des dernières années a été fulgurante

Un simple bracelet de fitness peut déjà sus-citer des sentiments mitigés chez les auto-rités chargées de la protection des données et les médecins. Selon l’étude CHARISH-MA publiée par le gouvernement fédéral allemand en 2016, les applications de san-té, qui suivent pas à pas autant les sportifs extrêmes que ceux de loisir, peuvent être une aide précieuse pour de nombreuses personnes. Mais avec plus de 100 000 appli-cations, il est très difficile de distinguer les bonnes des mauvaises offres. « Des stan-dards de qualité et de sécurité clairs sont nécessaires pour les patients, les person-nels médicaux et les éditeurs d’applica-tions », tel est le conseil des experts. C’est pourquoi la tendance ne s’inversera pas. Car le contrôle continu de son propre corps ouvre de nouvelles possibilités à la santé préventive, sans aiguille ni bistouri.

Taux de glycémie dans l’applicationIl n’y a pas si longtemps, il n’était pas pos-sible de se passer d’une prise de sang. Pour les tests de lactatémie, qui permettent aux sportifs de déterminer leur résistance, la

piqure dans le lobe de l’oreille reste la règle. Dans d’autres domaines, il existe de plus en plus d’alternatives électro-niques. Les capteurs et les logiciels évitent de devoir introduire des appareils médi-caux sous la peau et permettent d’obtenir des mesures en temps réel. L’innovation n’est pas que numérique mais également mobile et non-invasive. L’évolution a été fulgurante au cours des dernières années. Il existe désormais des alternatives à la piqûre au doigt pour les diabétiques. Des appareils d’analyse permettant d’obtenir le taux de glycémie via des capteurs sont disponibles depuis cinq ans. Le capteur entre en contact avec une sonde de mesure implantée sous la peau à l’aide d’un dis-positif d’insertion. Il est désormais même possible d’obtenir les valeurs directement avec une application sur son smartphone.

Durée de séjour réduiteDans le domaine des soins intensifs, la tendance à des méthodes d’examen non-invasives est également perceptible. Des technologies telles que la tomographie par impédance électrique (TIE) contri-buent à réduire le nombre de tomoden-sitométries (TDM), même si une TIE ne remplace pas une TMD (voir aussi Revue Dräger 17 pages 26 et suivantes). Un cou-plage étroit entre technologies biomédi-cales et informatiques n’est pas unique-ment souhaitable du point de vue médical. Sur le plan économique, de nombreux arguments plaident aussi en faveur d’une assistance numérique accrue. Car le nombre de patients augmente alors que le nombre de personnels diminue. Selon les statistiques officielles des hôpitaux alle-mands, en 2015, le taux d’hospitalisation

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Le suivi du séjour hospitalier des patients est aujourd’hui informatisé, leurs données personnelles et médicales sont systémati-quement saisies et rassemblées. Mais les données n’apportent cependant un béné-fice thérapeutique que si elles peuvent être préparées en fonction de la situation et de manière facilement compréhensible.

Avec SmartPilot View (SPV), Dräger a mis sur le marché en 2010 un logiciel qui affiche sur le moniteur d’une station d’anesthésie les paramètres pertinents pour la conduite de l’anesthésie. Il fournit par exemple des informations sur l’évolu-tion dans le temps de l’effet des médica-ments administrés ainsi que sur leur effet combiné. Il permet de plus de visualiser la profondeur de l’anesthésie à l’aide d’une valeur numérique, sur la base de modèles d’interaction entre substances narcotiques et analgésiques. Une étude réalisée par une équipe de chercheurs du CHU d’An-gers en France montre les bénéfices de SmartPilot pour le travail en salle d’opéra-tion. Presque 100 personnes ont participé à l’étude et les résultats ont été publiés en novembre 2017. Les patients dont l’opéra-tion de la hanche a été réalisée avec l’as-sistance de SmartPilot View ont été en moyenne plus stables après l’anesthésie que le groupe de contrôle qui a été traité de manière conventionnelle. Les patients SmartPilot View ont en outre pu quitter l’hôpital nettement plus tôt ; et durant les 30 jours ayant suivi l’opération, il y a eu chez eux moins de complications. Pulmo-Vista 500 a suivi en 2011 : un moniteur de la fonction pulmonaire permettant une éva-luation de la distribution régionale de la ventilation dans les poumons. Les méde-cins et les soignants peuvent suivre direc-tement l’effet des mesures thérapeutiques qui sont contrôlées via le respirateur, et les

La tomographie par impédance électrique permet d’obtenir une vue en temps réel des

poumons. Là encore, on obtient de nombreuses données qui peuvent être évaluées, stockées

et retransmises

Des assistants actifsAu bloc opératoire et en soins intensifs, de grandes quantités de données ne sont bien exploitables que si elles sont intégrées dans les processus de travail. Préparées de manière appropriées, elles peuvent apporter au personnel hospitalier une aide à la décision et même alléger leur charge de travail. Les évolutions possibles sont visibles dans le portefeuille de produits de Dräger.

corriger si nécessaire. Le Pulmo Vista 500 repose sur la tomographie par impédance électrique (TIE), qui mesure la résistance électrique (impédance), permettant ainsi de déduire des informations sur les pro-cessus dans les poumons. Pour les me-sures, il suffit de poser une sangle de poi-trine au patient.

Avec SmartSonar Sepsis, Dräger a mis sur le marché en 2014 un nouveau système permettant de détecter une septi-cémie à un stade précoce. En tant qu’ex-tension fonctionnelle de l’Integrated Care Manager (ICM), ce logiciel évalue en temps réel les données vitales d’un patient sur la base de lignes directrices recon-nues, et affiche le résultat de manière in-tuitive. Il aide ainsi le personnel hospitalier à mettre en œuvre à temps les mesures adéquates. Avec le Smart Ventilation Sys-tem (SVC), Dräger s’est doté en 2016 de son premier système d’assistance pour la ventilation au bloc opératoire. Sur le poste de travail de l’anesthésiste, le SVC peut être combiné sur l’appareil d’anesthésie Zeus IE avec le SmartPilot View et avec le SmartSonar Sepsis. Le SVC adapte le contrôle de la ventilation de manière auto-nome en suivant les directives de l’anes-thésiste. Il suffit pour cela que celui-ci in-dique l’objectif de ventilation souhaité. Si la ventilation doit être modifiée, en passant par exemple d’une ventilation contrôlée à une respiration spontanée, il suffit d’ap-puyer sur une touche. Smart Ventilation Control contrôle la ventilation pour la rap-procher constamment de cet objectif.

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L’électronique organique offre la possibilité de coller tout simplement sur la peau une multitude de cap-teurs – comme ce pansement – permettant de relever des données sur des fonctions vitales très diverses

SCIENCE LECTURE DE DONNÉES

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a été de 2 355 pour 10 000 habitants, soit en moyenne 29 % de plus qu’il y a 25 ans. Le nombre de journées d’hospitalisation a cependant baissé, car la durée moyenne de séjour a été divisée par deux avec 7,3 jours. C’est la raison pour laquelle les hôpi-taux n’ont pas augmenté leur personnel. Le nombre de médecins et de soignants à temps plein en Allemagne est resté stable entre 1991 et 2015 avec environ 880 000 personnels.

Roulé, courbé ou pliéLes durées réduites de séjour ont conduit les experts à de nouvelles procédures médi-cales, mais également à la mise en place de forfaits individuels. La question de savoir de combien il est encore possible de réduire les durées de séjour se pose. Un jour ou l’autre, un effet de porte tournante menace, les patients qui seront libérés trop tôt revien-dront vite. La question du taux d’encadre-ment se pose aussi du fait de la transition démographique. Comme on devient de plus en plus vieux, le nombre d’hôpitaux devrait également augmenter à l’avenir. La géné-ration des baby boomers approche en outre de l’âge de la retraite. Au milieu des années

1960, le nombre des naissances dépassait les 1,3 millions d’enfants par an ; près d’un tiers de plus qu’en 2016. Les technologies de l’information peuvent aider à atténuer le problème démographique et à soulager les personnels hospitaliers de tâches de routine.

Le prochain progrès de l’automati-sation des processus devrait être apporté par l’électronique organique. Elle permet d’imprimer des composants électroniques à partir de longues chaînes de molécules (polymères), au lieu de les graver sur du silicium. Ces composants sont beaucoup plus légers que les composants informa-tiques traditionnels, et ils peuvent être rou-lés, courbés ou pliés. Le pansement électro-nique pourrait être l’une des premières applications. Pour monitorer les fonctions vitales d’un patient, des capteurs plats et élastiques sont directement collés sur la peau. Il y mesurent les fréquences car-diaques et respiratoires et transmettent les données directement à une centrale médi-cale. Les premiers systèmes pilotes ont déjà été présentés. À l’été 2017, des chercheurs japonais ont même présenté au public un concept selon lequel les capteurs sont imprimés directement sur la peau. Contrai-rement aux pansements adhésifs, ils sont censés ne pas pouvoir se détacher et ainsi ne pas fausser les mesures. Pour ce faire, un réseau de fils d’or ultra fins est tres-sé, qui s’adapte de manière flexible à tous les mouvements. Les premiers tests avec la peau électronique respirante et biocom-patible auraient été un succès. Les parti-cipants ne l’auraient même pas sentie. Si cette technologie devait passer de vision à réalité, les patients n’auraient peut-être à l’avenir même plus besoin d’aller à l’hôpi-tal pour changer leurs pansements.

Les panse-ments électroniques devraient bientôt être capables de monitorer la fréquence cardiaque et l’activité respiratoire

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En un coup d’œilSur cette page, vous trouverez quelques PRODUITS DRÄGER de ce numéro regroupés dans l’ordre d’apparition dans la revue. Chaque produit porte un code QR que vous pourrez scanner avec votre smartphone ou votre tablette pour afficher la page correspondant au produit. Vous avez encore des questions concernant un produit ou la Revue Dräger ? Alors envoyez-nous un courriel avec le code à :[email protected]

X-pid 9000/9500 Cette combinaison de l’appareil de détection de gaz (à gauche) et de l’unité de commande mesure les substances dangereuses volatiles présentes dans l’air ambiant et affiche leur concentration à l’échelle du milliardième.Page 26

Série CPS Combinaison de protection contre les produits chimiques, qui protège contre les produits chimiques industriels, les agents biologiques, et autres substances toxiques.Page 33

PSS BG4 plus Cet appareil respiratoire à circuit fermé fournit à son utilisateur jusqu’à 4 heures d’air respiratoire, même dans des atmosphères toxiques.Page 33

Perseus A500 Appareil d’anesthésie pour des procédures optimisées au bloc opératoire. Page 36

X-am 8000 Ce détecteur de gaz mesure jusqu’à sept types de gaz et vapeurs toxiques et inflammables ainsi que l’oxygène, en mode Pompe comme en mode Diffusion.Page 40

PulmoVista 500 Tomographe par impédance électrique pour une évaluation non-invasive de la distribution régionale de la ventilation.Page 65

Smart Ventilation Control (ventilation contrôlée intelligente) Système d’assistance pour le contrôle de la ventilation pendant tout le déroulement de l’opération.Page 65

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REGARDS SUR LA MÉDECINE D’URGENCE

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Depuis l’invention du Pulmotor en 1907 par le fondateur de l’entreprise Johann Heinrich Dräger, la ventilation méca-nique est une compétence clé de la mai-son. La tradition continue avec l’Oxylog VE300, un nouvel appareil destiné à la ventilation d’urgence et de transport. Le grand défi de ce développement était de rendre son maniement aussi simple que possible. Les discussions avec des utilisa-teurs avaient montré que seul un appa-reil léger et facile à manipuler pourrait vraiment être transporté immédiate-ment au douzième étage. Il dispose bien sûr de toutes les formes de ventilation à volume contrôlé, de l’assistance de la ventilation spontanée, ainsi qu’avec l’op-tion « Plus », de la ventilation à pression contrôlée. Ce sont ces détails qui per-mettent de tenir réellement la promesse d’une utilisation simple. L’Oxylog VE300 pèse environ 1,5 kg de moins que son prédécesseur, ce qui est rendu possible

grâce à l’utilisation de matériaux de haute qualité et résistants. Les arceaux de protection 1 , qui étaient autrefois en métal, ont été remplacés par du plas-tique. Dans la variante avec système de transport, la bouteille d’oxygène est rac-cordée 2 rapidement au détendeur à l’aide 3 d’une charnière 4 rabat-table. L’appareil est multipositionnable sur la paroi de l’ambulance et raccordé automatiquement au courant de bord via le support du système de transport5 afi n de charger les batteries internes

longue durée. Grâce au branchement par raccord rapide, il suffi t d’une seule main pour raccorder l’Oxylog VE300 à l’alimentation de gaz centrale 6 et le débrancher. Sa forme mince et équili-brée permet de porter l’appareil confor-tablement et près du corps à l’aide de la poignée en caoutchouc 7 . L’appareil est prêt à fonctionner quelques secondes 8 après la mise en marche. Il suffi t de

Sûr, léger et maniable :Ce ventilateur d’urgence et de transport

est le fruit de 110 ans d’expérience, celle de Dräger ainsi que celle des utilisateurs

du monde entier

sélectionner « adulte » ou « enfant » sur l’écran tactile couleur 9 ainsi que le type de ventilation souhaité, et la ventilation peut tout de suite commencer. D’autres fonctions et affi -chages sont disponibles via l’écran ainsi qu’à l’aide 10 du bouton rotatif. L’ affi chage peut pivoter à 180 degrés et est bien visible de différentes positions. Toutes les données pertinentes pour la ventilation sont documentées automati-quement et peuvent être lues sans fi l (via Bluetooth) ou par clé USB 11 .

Air respiratoiresalvateur

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