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droit médical revue générale de Les Études Hospitalières Christian Hervé Président de la Société française et francophone d’éthique médicale (SFFEM) Éric Martinent Vice-Président de la Société française et francophone d’éthique médicale (SFFEM), chargé des liens entre Éthique et Droit Matthieu Piccoli Secrétaire général de la Société française et francophone d’éthique médicale (SFFEM) Deux ans d’ARS Conférence de Claude Évin du 13 mars 2012, Université Paris Descartes Rubrique Interactions entre médecine et droit de la santé (Extrait de la RGDM n° 45 et 46, décembre 2012 et mars 2013) exemplaire gratuit, ne peut être vendu.

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Les Études Hospitalières

Christian HervéPrésident de la Société française et francophone d’éthique médicale (SFFEM)

Éric MartinentVice-Président de la Société française et francophone d’éthiquemédicale (SFFEM), chargé des liens entre Éthique et Droit

Matthieu PiccoliSecrétaire général de la Société française et francophoned’éthique médicale (SFFEM)

Deux ans d’ARSConférence de Claude Évin du 13 mars 2012,Université Paris Descartes

RubriqueInteractions entre médecine et droit de la santé(Extrait de la RGDM n° 45 et 46, décembre 2012 et mars 2013)

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Rubrique Interactions entre médecine et droit de la santéChristian HERVÉ

Président de la Société française et francophone d’éthique médicale (SFFEM)

Éric MARTINENTVice-président de la Société française

et francophone d’éthique médicale (SFFEM), Chargé des liens entre Éthique et Droit

Matthieu PICCOLISecrétaire général de la Société française

et francophone d’éthique médicale (SFFEM)

Deux ans d’ARSConférence de Claude Évin du 13 mars 2012

SOMMAIRE

I. – ProPos IntroductIf .....................................................................................4 II. – Verbatim de la conférence ............................................................................7III. – contrIbutIons reçues en réactIon à la conférence .........................................36 1. – Décentralisation, intégration et contractualisation des soins et services de santé : regards croisés entre le Québec et la France (par Mélanie Bourassa Forcier et Anne-Marie Savard) ........................ 36 2. – Napoléon au pays du New Public Management. Les ARS : agences ou administrations déconcentrées de l’État ? (par Frédéric Pierru et Christine Rolland) ............................................................................. 39 3. – Les agences régionales de santé au milieu de gué (par Jean-Michel Lemoyne de Forges) .......................................................................... 45 4. – Les agences régionales de santé véhicules de la santé étatisée ? (par Jean-Marie Clément) ................................................................. 47 5. – La dualité fonctionnelle du directeur général de l’ARS (par Benoît Apollis) ............................................................................................. 48 6. – En écho aux propos de Claude Évin (par Michel Laforcade) ............. 54 7. – Les agences régionales de santé : un bilan mitigé selon Claude Évin (par Jean-Noël Cabanis) ................................................................... 55

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I. – PROPOS INTRODUCTIF

Le verbatim issu de la conférence d’Hippocrate que nous donnons à lire fut prononcé par Claude Évin (directeur général de l’agence régionale de santé d’Île-de-France) et Mireille Faugère (directrice générale de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris) le 13 mars 2012 et avait pour titre : « Deux ans d’agence régionale de santé »1.

L’auteur du rapport sur le droit de la personne malade2 participe à l’œuvre com-mune de la doctrine juridique en construisant l’idée d’une conception maté-rielle étendue du service public soucieuse de l’intérêt général : « Les moyens mis en œuvre quant à l’organisation du système tendent de plus en plus à s’affirmer comme étant des règles de service public. Le service public s’est longtemps réduit à l’hospitalisation publique. L’installation de l’ensemble des établisse-ments de santé publics et privés est soumise à une réglementation commune. De fait, les obligations de service public – accessibilité, continuité, adaptabilité – s’imposent à tous les professionnels et aux établissements de santé »3. Il dit ici que la régulation est un aspect essentiel conditionnant les droits effectifs et exigibles de la personne malade et que ces deux expressions du droit de la santé ne s’excluent aucunement l’une l’autre.

L’un des directeurs de thèse de Claude Évin, le professeur André Demichel4, avait sur la question des conceptions du service public de la santé deux regards.

Le premier regard était de l’ordre d’un constat pessimiste : avec sa théorie du « self service public », il énonce que « ce n’est plus le service qui doit s’adap-ter aux besoins des usagers ; ce sont les usagers qui doivent restreindre leurs besoins en fonction des moyens du service »5. Plus loin, il écrit que « la logique du système » s’applique « jusqu’à la conception […] selon laquelle le service public n’est en somme qu’une entreprise comme une autre, soumise à la loi du marché, de la rentabilité et du profit »6. Cet auteur constate que la notion de gestion privée se développe au cœur même des établissements publics admi-nistratifs dans « la double acception du terme de gestion privée : il y a gestion privée du service public et il y a gestion privée dans le service public »7. Qu’en est-il sur ce point de la politique des ARS aujourd’hui ?

1 Ce verbatim est établi par M. Matthieu Piccoli, doctorant en éthique médicale, faculté de méde-cine Paris-Descartes, qu’il en soit ici remercié.2 conseIl économIque et socIal, « Les droits de la personne malade », JORF, 1996.3 évIn (C.), Les droits des usagers du système de santé, Berger-Levrault, « Les indispensables », 2002, p. 513.4 Le professeur Demichel, décédé en août 2000, sera remplacé en tant que directeur de thèse de Claude Évin par le professeur Jean-Marie Clément.5 demIchel (A.), « Vers le self-service public », D., 1970, chron. XVI, p. 80.6 Ibid.7 Ibid., p. 78.

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Le second regard était de l’ordre du projet, stratégique et optimiste : il y affirme que « le service public de l’avenir, c’est le sanitariat dont l’objectif n’est pas uniquement l’élimination de la maladie, mais la bonne gestion sanitaire de la collectivité »8.

Le droit de la santé entretient des liens ténus avec le et la politique. C’est ainsi que dans le cadre du projet régional de santé, c’est toute une conception poli-tique de la santé à l’échelon régional qui se dessine avec Claude Évin. Dans un contexte d’inflation législative et organisationnelle, où le système de santé en sa double figure sanitaire et sociale est une administration vivante, dans un climat d’accroissement du paupérisme dans l’accès aux soins et d’inégalité de santé, dans un défi des mutations démographiques à venir, l’agence régionale de santé d’Île-de-France, en tant que personne morale de droit public, s’engage à relever trois enjeux :

- celui d’assurer à chaque Francilien un parcours de santé lisible, accessible et sécurisé ;

- celui d’améliorer la qualité et l’efficience du système de santé ;

- celui de conduire une politique de santé partagée avec tous les acteurs au plus près de la réalité des territoires9.

Les orateurs de cette conférence d’Hippocrate, par leurs évaluations critiques des dispositifs mis en place, trouvent un écho dans les préoccupations poli-tiques contemporaines qui seront formalisées pour devenir le droit de la régula-tion du « service public de santé ».

En effet, la philosophie politique de la santé portée par l’alternance fait que certains aménagements techniques vont fortement impacter les outils de régu-lation des ARS et le « jeu » des acteurs du système de santé. Cela se fait déjà ressentir par l’affirmation selon laquelle « la santé n’est pas un marché » et qu’il convient de sortir de « la gestion comptable d’un hôpital entreprise » pour que soient mieux considérées les missions « de l’hôpital » public10. Quelques élé-ments se trouvent déjà dans les travaux législatifs autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Ce projet revient sur la suppression de la notion de service public hospitalier dans les lois n° 2009-879 du 21 juillet 2009 et n° 2011-940 Hôpital, patients, santé et territoires. Il comporte des mesures tendant à sécuriser l’accès des hôpitaux au crédit. Il supprime l’idéologie de la convergence tarifaire entre le public et le privé et propose, en attendant la remise du rapport Couty, que les budgets des mis-

8 demIchel (A.), Droit médical, Berger-Levrault, 1983, p. 176.9 évIn (Claude), Projet régional de santé d’Île-de-France, ARS, 2012, p. 3.10 touraIne (Marisol), « Un pacte de confiance pour l’hôpital », discours de Madame le Ministre des Affaires sociales et de la Santé, 7 septembre 2012.

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sions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation soient augmentés. Il vise de même à restructurer l’offre de soins de proximité en instaurant une rémunération forfaitaire du travail en équipes (notamment) au sein de parcours de santé pour les personnes âgées en perte d’autonomie et en expérimentant de nouvelles tech-niques de décloisonnement entre médecine de ville et médecine hospitalière11.

Pour lutter contre les inégalités territoriales en matière d’offre libérale de méde-cins, un guichet administratif devrait être instauré dans les ARS aux fins de sim-plifier les procédures pour les jeunes médecins.D’autres mesures incitatives sont présentées à l’instar de la création d’une nouvelle aide financière à l’installation, mais aussi par le financement d’équipes territorialiées et par la mise en place de postes de praticiens locaux de médecine générale12.

Les débats parlementaires sont aussi relatifs à la fongibilité des enveloppes bud-gétaires, pour que les Agences puissent mettre en œuvre des expérimentations dans le cadre des fonds d’intervention régionaux, mais cela ouvre un débat plus vaste pour que soit instaurés des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie13.

Alors que les dépassements d’honoraires des praticiens dans le secteur privé ont fait l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux au profit de ces der-niers, il est proposé d’offrir un nouveau pouvoir de police au directeur de l’ARS concernant les dépassements des praticiens des établissements de santé (au sens générique du terme) lui permettant de retirer l’autorisation d’exercer en libéral en cas d’abus14.

Seule la question de la création d’une Agence nationale de santé ici évoquée, qui concerne l’articulation entre les pilotages national et régionaux des poli-tiques de santé, n’est pas encore à l’ordre du jour des réflexions législatives et de la politique gouvernementale15.

C’est dire si cette conférence demeure en son contenu actuelle et est un élé-ment de réflexion concernant les techniques de régulation du système de santé qui sont autant d’expressions de figures de justice de et dans l’accès aux soins16.

11 Propos de Marisol Touraine ; baPt (Gérard), Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, AN, 17 octobre 2012, n° 287, p. 46.12 baPt (Gérard), op. cit., p. 53 ; À noter la proposition de loi n° 553, déposée devant l’Assemblée nationale le 19 octobre 2012, admettant une obligation d’installation des jeunes médecins dans des zones où il existe une insuffisance d’offre de l’accès aux soins dont le non-respect serait sanctionné par un report de celle-ci.13 martIn-lalande (Patrice), Proposition de loi organique créant des objectifs régionaux de dépense d’assurance maladie, AN, 27 juin 2012, n° 13.14 Proposition de loi de M. Paul, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, AN, 23 octobre 2012, n° 787.15 courrèges (Cécile), loPez (Alain), « L’Agence nationale de santé : le défi d’un pilotage unifié, refusant technocratie et centralisation », Santé publique, vol. 24, 2012, n° 3, p. 229.16 Dans l’attente de la grande loi sur l’accès aux soins promise par Madame la Ministre en 2013.

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II. – VERBATIM DE LA CONFÉRENCE

Introduction du Doyen Pr Patrick Berche

Merci d’être venus. J’ai le grand honneur d’accueillir aujourd’hui M. Claude Évin, directeur de l’ARS d’Île-de-France, qui a accepté de nous faire une inter-vention sur « Deux ans d’ARS », et Mireille Faugère, qui également prendra la parole. Je pense que cela va être un débat extrêmement riche quand je vois l’as-semblée qui est ici présente, et je voudrais d’abord donner la parole au maître de cérémonie, le Pr Christian Hervé, pour expliquer ce débat.

Introduction du Pr Christian Hervé

Vous connaissez tout à fait bien les Rencontres d’Hippocrate. C’est une ou-verture de la faculté de médecine Paris-Descartes sur la Cité, sur une idée du Doyen, qui pensait qu’il était important que de tels débats existent, entre les enseignants, certes, les chercheurs, bien entendu, puisque c’est la raison de la faculté de médecine, l’enseignement et la recherche, mais aussi les étudiants, et à ce propos-là, les étudiants sont représentés, les élus sont présents. De plus, les Rencontres d’Hippocrate essayent d’aborder des sujets particulièrement d’actualité, c’est ainsi que « la médecine humanitaire » ou « les innovations en médecine » ont été abordées précédemment, de manière à ce que les savoirs soient bien connus, et qu’une certaine vulgarisation scientifique de bon niveau permette des débats argumentés, et que nous n’en restions pas à des préjugés ou des représentations qui ne sont souvent pas vérifiées lorsque l’on approfon-dit un peu la connaissance. Ce soir, nous avons plus particulièrement désiré faire se rencontrer un certain nombre d’interlocuteurs, à propos de la structu-ration de l’Île-de-France dans l’accès aux soins, dans la recherche, et ces élé-ments-là vont être abordés par les personnes que nous avons contactées. Nous avons bien sûr demandé à celui qui dirige l’agence régionale de santé, Claude Évin, de venir nous faire un bilan, au bout de deux ans de fonctionnement de cette institution, dont on sait à la fois la complexité mais aussi la nécessité. Je me rappelle du temps de l’ARH, où on se posait des problèmes vis-à-vis d’un certain nombre de structures qui ne correspondaient pas aux demandes qui provenaient du terrain, et maintenant, nous sommes au bout de deux ans, au moment de voir comment les réponses ont pu être données par ces nouvelles structurations. Nous avons demandé aussi à Mme Mireille Faugère, ici présente, directrice générale de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, l’hôpital parti-culièrement important, déjà au niveau universitaire de notre région, mais au-de-là de cela, centre hospitalier référent, au niveau français voire européen. Et nous avons également demandé à deux autres personnes, qui malheureusement n’ont pas pu pour des raisons de calendrier électoral, il faut le dire. Nous avions demandé à Jean-Marie Le Guen et aussi à la Région. Jean-Marie Le Guen devait nous rejoindre, mais il est en campagne avec François Hollande, et nous l’avons libéré, en quelque sorte, en disant que nous comprenions très bien, parce que nous sommes dans une période particulièrement difficile. Que ceci ne soit pas

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pris comme étant un handicap, car nous sommes dans un débat et nous nous sommes dits que la plupart d’entre vous allait sûrement avoir beaucoup de questions à poser, puisque l’intérêt est l’interaction des personnes représentant des structures et de vous-mêmes, à la fois les représentants de la faculté, de l’hôpital, et les étudiants eux-mêmes. Donc, voici de quelle manière nous avons construit cette soirée : c’est en premier Claude Évin qui va nous faire le plaisir de nous présenter, à l’aide de quelques diapositives, sa thèse en quelque sorte, c’est-à-dire la réponse qu’il peut nous faire ; ensuite, nous laisserons la parole à Mme Faugère et, à la fin, nous nous ferons un plaisir de leur poser les questions que nous estimons adaptées.

Conférence de Claude Évin

Merci, Monsieur le Doyen, de votre accueil à la faculté Paris-Descartes, et merci Christian de m’avoir sollicité pour cet échange avec vous. Je vous propose effec-tivement, d’abord, de rappeler les missions des agences régionales de santé, de donner quelques éléments sur les enjeux stratégiques que nous avons identifiés et que nous avons notamment publiés dans le plan régional stratégique de santé. Je reviendrai tout à l’heure dessus pour vous dire comment il se situe dans l’élaboration d’une politique de santé au niveau de chacune des régions, don-ner quelques éléments, puisque le sujet était, quasiment, le bilan des agences deux ans après leur création. Je n’aborderai pas l’ensemble des sujets, mais quelques flashs, sur quelques-uns des sujets sur lesquels nous pouvons, effecti-vement, soit dire ce qui a été fait ou en tous les cas tracer les pistes quant aux préoccupations prioritaires de l’agence. Et puis, je terminerai par une ou deux diapositives sur « et maintenant ? », parce que la réforme qui a créé les agences régionales de santé, de mon point de vue, n’est pas terminée, donc je tracerai quelques pistes, ou du moins je poserai quelques interrogations, car je crois en effet que ce qui a été commencé avec cette organisation régionale du pilotage du système de santé nécessité d’être poursuivi. Alors, tout d’abord, quelques éléments sur ce que sont les agences régionales de santé (ARS). Les ARS ont été créées par la loi de juillet 2009. L’idée d’aller vers un regroupement des diffé-rents pilotes qui pouvaient exister au niveau régional, pour créer une autorité unique, était déjà dans l’air depuis plusieurs années. On considère historique-ment, si je puis dire, que l’idée de créer des agences régionales de santé existait déjà en 1994, dans un rapport qui était intitulé « Santé 2010 », et je ne sais pas s’il était totalement prémonitoire dans l’idée des rédacteurs de ce rapport, qui avait notamment comme auteur Raymond Soubie, M. Prieur, qui avait d’ailleurs été directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, dans le cadre du Com-missariat général au plan. C’est donc en 1994 que l’on voit apparaître pour la première fois dans un rapport d’une autorité – puisque le Commissariat général au plan réfléchissait sur l’avenir du système de santé – cette notion d’agence régionale de santé qui, ensuite, dans les différents débats publics qui ont pu se dérouler, quelle que soit d’ailleurs la sensibilité politique qui les a exprimés, l’idée d’aller vers une autorité unique au niveau régional, a vraiment été parta-gée par l’ensemble du champ politique démocratique. Je rappellerai que lors de

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l’élection présidentielle de 2002, aussi bien Jacques Chirac que Lionel Jospin proposaient la création d’agences régionales de santé, donc c’est quelque chose qui était dans le débat public depuis un certain temps. Il pouvait y avoir des divergences sur la manière d’aborder la création de ces agences régionales de santé, mais l’idée même d’aller vers une autorité unique au niveau régional ne faisait pas débat. D’ailleurs, dans le débat préparatoire à la loi de juillet 2009, ça n’a pas fait réellement débat, il y a pu avoir des divergences sur la manière de construire cette entité. Que regroupent les agences régionales de santé ? Une partie des services déconcentrés de l’État qui existaient, aussi bien au niveau des directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) que des directions régionales (DRASS) ; schématiquement, cela représente environ 70 % des effectifs des services déconcentrés de l’État, les 30 % restants sont allés créer une direction nouvelle, qui est la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. À cela, s’ajoutent les services de l’Assurance Maladie représentés au niveau régional, c’est-à-dire dans les caisses régionales d’assurance maladie (CRAM) qui d’ailleurs, à l’occasion de la loi de juillet 2009, ont perdu leur titre de CRAM, à l’exception de l’Île-de-France, parce que les missions essentielles des CRAM étaient plutôt sur la vieillesse et sur les accidents du travail, maladies professionnelles, donc les services qui, dans les CRAM, sui-vaient les établissements de santé, les établissements médico-sociaux, sont pas-sés aux agences régionales de santé, ainsi qu’une partie du service médical ré-gional (DRSM) et l’URCAM, qui avait été créé dans une loi de 2004, une partie des caisses du régime social des indépendants (RSI) et de la mutuelle sociale agricole (MSA). S’y ajoutent encore trois agences, qui étaient citées tout à l’heure, l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH), qui existait depuis 1997, et le groupement régional de santé publique (GRSP), qui résultait d’une loi de santé publique et qui, sous l’autorité du préfet, était chargé des missions de prévention, et puis les missions régionales de santé (MRS), qui furent créées dans une autre loi de 2004 et qui répondaient aussi à une amorce de création des agences régionales de santé. Donc, dans les 26 régions, ce sont ces institu-tions qui préexistaient à la création des agences régionales de santé qui se sont rassemblées et qui ont assumé les responsabilités que le législateur leur avait confiées à la date du 1er avril 2010. Alors, les compétences sont très larges, puisque cela va de la veille et de la sécurité sanitaires, qui étaient des compé-tences assurées par les services de l’État, et qui continuent d’être assurées par les services de l’ARS pour le compte du préfet qui a gardé en matière de santé-environnement un certain nombre de compétences, les services de l’agence préparent les décisions de l’autorité régalienne de l’état, le préfet. Les actions de prévention, les actions d’organisation des soins, actions qui, auparavant étaient assumées par l’ARH, ainsi que le champ de compétence lié au médico-social, qui était assuré par les services de l’État et qui continue de l’être par les ARS, en lien avec les conseils généraux, puisque, comme vous le savez, aussi bien les établissements hébergeant des personnes âgées que des personnes handica-pées sont sous la double compétence de l’État – Assurance Maladie, donc, au-jourd’hui, ARS, et d’autre part des conseils généraux, notamment en ce qui

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concerne l’hébergement, une partie de la prise en charge de l’autonomie. Et puis, un certain nombre de sujets transversaux, comme la permanence des soins, notamment. Deux grandes missions, donc, pour les ARS. Le pilotage de la santé publique, c’est-à-dire toutes les questions liées à la sécurité sanitaire et l’observation de la santé, l’organisation de la veille et de la sécurité sanitaires, la préparation de la gestion de crise sanitaire et la gestion de crise en lien avec les préfets, puisque dans le cas d’une crise sanitaire, ou dans le cas d’une crise qui doit mobiliser un certain nombre d’acteurs du système de santé, le personnel de l’agence passe sous l’autorité du préfet qui est le pilote au niveau du départe-ment ou au niveau de la zone de défense puisque c’est aussi un autre élément de référence dans l’organisation et la réponse de crise, les personnels de l’agence passent à ce moment-là sous l’autorité du préfet. Le pilotage de la santé pu-blique aussi, en ce qui concerne les actions de prévention et de promotion de la santé. J’y reviendrai avec quelques illustrations tout à l’heure. Et puis, d’autre part, une autre mission, une mission de régulation de l’offre de santé, aussi bien dans le secteur hospitalier que dans le secteur médico-social, mais y compris dans l’offre de soins ambulatoires, en insistant bien sur le fait que pour l’offre de soins ambulatoires, il s’agit d’aider à l’installation des professionnels libéraux, ou sous différentes formes, de maisons de santé pluriprofessionnelles ou de centres de santé, notamment, il ne vous a pas échappé qu’un des éléments – et c’est peut-être éventuellement un élément de réflexion à porter pour l’avenir, j’y re-viendrais à la fin de l’exposé –, que l’un des déterminants de l’offre ambulatoire se situe dans le cadre de la convention médicale, et que la convention médicale reste de la responsabilité des caisses d’Assurance Maladie, de l’UNCAM, notam-ment, et que les possibilités d’intervention des ARS pour pouvoir contractualiser avec les professionnels libéraux sont relativement limitées, elles existent un peu avec la loi HPST, mais elles sont relativement limitées. Donc, une régulation de l’offre aussi bien sur le plan territorial, à travers les schémas d’organisation des soins notamment, et l’organisation de la coopération entre les différents acteurs susceptibles d’offrir différents services à la population, que dans sa dimension économique, puisque le législateur a fixé comme objectif aux ARS de maîtriser l’évolution de l’ONDAM (objectif national des dépenses de l’Assurance Mala-die).

Quelques éléments sur les enjeux stratégiques en Île-de-France.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’élaboration d’une politique de santé, jusqu’à la loi de 2009, il y avait une politique de santé qui était élaborée par plusieurs morceaux qui n’étaient pas reliés nécessairement les uns aux autres, le docu-ment principal d’organisation des soins, c’était le SROS, le schéma régional d’organisation des soins, qui avait une histoire puisqu’il existe depuis la loi hos-pitalière de 1991. C’est là que nous sommes sortis d’un schéma de planification, essentiellement quantitative, avec un schéma qui calculait le rapport entre les lits et la population, à une démarche qui s’est affinée progressivement, puisque nous sommes maintenant à préparer la 4e génération d’un projet régional de santé, qui comprend plusieurs documents, dont un plan stratégique régional de

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santé (PSRS) qui était le schéma régional de l’organisation des soins précédent, au centre du dispositif, mais aussi deux autres documents que le législateur a souhaités : un schéma régional de prévention et un schéma régional médico-social. Petit clin d’œil pour montrer parfois que la réforme a encore besoin d’évoluer, c’est que la création des agences conduit à avoir une démarche de plus en plus transversale, or, le législateur est resté dans un fonctionnement relativement cloisonné encore du système, puisqu’en imaginant trois schémas qu’il nous faut préparer, qui trouvent leur place, naturellement, dans le projet régional de santé, on a encore ce cloisonnement entre la prévention d’un côté, l’organisation des soins de l’autre et le médico-social par ailleurs. Ceci étant, concernant le médico-social, c’est quand même intéressant de noter qu’il y avait essentiellement jusqu’à maintenant des documents qui étaient plutôt liés à la programmation des besoins et de la réponse aux besoins des personnes âgées ou des personnes handicapées, traités chacun au niveau des départements et que là, pour la première fois, on a une démarche régionale, ce qui dans une région comme celle de l’Île-de-France est intéressant, dans la mesure où, dans le médico-social, dans la région Île-de-France, nous avons une insuffisance de réponses et d’équipements au centre de la région, pour des raisons diverses et notamment liées au coût du foncier, alors que nous avons dans certains dépar-tements une sur-offre à la périphérie, avec des solutions qui sont justement recherchées par la population du centre de la région à la périphérie, y compris en excluant de la région des personnes qui sont obligées d’aller chercher des so-lutions ailleurs, quand ce n’est pas à l’étranger pour les personnes handicapées, puisque la région Île-de-France est malheureusement une des régions qui a ses personnes handicapées qui sont placées en Belgique. Ce PRS, ce projet régional de santé comprend aussi les programmes de mise en œuvre des schémas régio-naux. Alors, le plan stratégique régional, le PSRS, qui est le premier document, le premier étage de la fusée, si je puis dire, qui définit les grandes orientations, nous l’avons publié à la mi-octobre, il est sur le site de l’agence régionale de santé, et si vous voulez en prendre connaissance, vous pouvez le trouver. C’est un document qui est plutôt littéraire, qui donne les orientations, et j’ai repris ici quelques éléments qui définissent la stratégie que nous souhaitons mettre en œuvre à partir de l’observation que nous avons faite des besoins de santé de la population. Ces besoins de santé qui se situent d’abord dans un contexte épidé-miologique, qui fait que notre santé doit changer pour s’adapter à une montée très importante des maladies chroniques : 1 Francilien sur 5, au moins 2,5 mil-lions de personnes aujourd’hui sont touchées par les maladies chroniques, dans le cadre d’une affection de longue durée, un vieillissement important de la population, et donc la nécessité de passer d’un mode d’organisation en soins aigus à un autre type de réponse qui va devoir s’organiser tout au long de la vie : la prise en charge n’est plus seulement un épisode complètement déconnecté d’autres modalités de prise en charge, mais cela nécessitera que nous ayons une organisation qui doit faire le lien entre le domicile, le passage en établisse-ments de santé, l’éducation thérapeutique, éventuellement une prise en charge médico-sociale à un moment, cette prise en charge nécessitant la création d’un

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parcours de santé qu’il nous faut effectivement construire dans un système qui, malheureusement, continue encore d’être relativement cloisonné.

Deuxième élément du contexte, ce sont les attentes importantes de la part des usagers, de plus en plus présents dans le débat, d’abord autour des objectifs de santé, et y compris dans les avis à rendre à l’ARS et la nécessité d’avoir par ailleurs à destination de l’ensemble de la population un certain nombre d’outils d’information en matière de santé pour répondre à cette demande, et des nou-velles attentes qui demandent donc une réponse transparente. Des inégalités sociales et territoriales en santé, je mets quelques éléments ici, c’est effective-ment un des éléments de paradoxe dans la région Île-de-France, la question des inégalités sociales et territoriales est un sujet d’ailleurs que l’on peut observer sur l’ensemble du territoire national, mais particulièrement en Île-de-France, où nous avons la chance d’avoir les meilleurs indicateurs de l’état de santé global, comparativement aux autres régions. Ici, j’ai mis quelques indicateurs : les hommes meurent deux ans plus tôt dans le département des Hauts-de-Seine (92) qu’en Seine-Saint-Denis (93), et encore dans les Hauts-de-Seine, on pourrait encore aller regarder, si on rentrait plus dans les détails, dans certains territoires des Hauts-de-Seine, on verrait qu’effectivement, il y a des différences entre le nord et le sud des Hauts-de-Seine, Le Monde en a d’ailleurs fait un article lorsque nous avons publié le PSRS, sur la ligne 13 du métro, il y a 4 années de différence d’espérance de vie entre la banlieue nord en passant par le centre de paris jusqu’à la banlieue sud. Voilà des indications qui ne manquent pas de nous interroger, concernant les réponses que nous pouvons apporter, et on voit, y compris dans des territoires relativement proches, parce que là, je cite la situa-tion à Trappes par rapport à Voisins-le-Bretonneux, parce qu’il s’avère qu’ils sont dans la même communauté d’agglomérations et donc, on voit bien la question des inégalités liées à l’état de santé de la population, mais on a également des inégalités d’offre de soins, et je l’évoquerai d’ailleurs tout à l’heure.

Par ailleurs, un élément de contexte qui doit aussi être pris en considération est la crise économique dans laquelle nous nous situons, et si l’on veut maintenir un système de solidarité nationale auquel nous sommes tous attachés, il est nécessaire que nous prenions en compte cette réalité économique, et il nous faut en tirer un certain nombre d’éléments quant aux choix que nous sommes amenés à faire.

Les objectifs stratégiques que nous avons affichés à partir de ce constat et dont vous retrouverez un développement de ces têtes de chapitre dans le PSRS sont :

- Assurer des parcours de santé lisibles, accessibles et sécurisés, en organisant des parcours de santé et pas seulement de soins, en y intégrant la préven-tion, notamment un parcours de vie, et c’est particulièrement important pour les personnes âgées ou les personnes handicapées, avec la nécessité d’apporter des réponses en matière de premier recours, notamment en matière d’accessibilité géographique, ce qui va avoir des implications sur

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l’installation des professionnels sur l’ensemble du territoire, l’organisation de la permanence des soins et la prise en compte des droits des personnes.

- Améliorer la qualité et l’efficience du système de santé, les deux objectifs vont de pair, et j’ai eu l’occasion de l’exprimer bien avant d’assumer cette respon-sabilité que je prends aujourd’hui, c’est-à-dire que la question de l’efficience qu’on doit se poser, qui est de savoir pourquoi et comment on utilise chaque euro que l’on dépense et qui est le fruit de la solidarité nationale, n’est pas contradictoire avec l’amélioration de la qualité. Je pense même d’ailleurs, quand on regarde l’histoire d’un certain nombre de décisions prises, qu’on a commencé à se poser la question en santé de la qualité lorsqu’on a été confronté de manière plus prégnante à la réalité économique.

Donc, la nécessité pour améliorer l’efficience est de développer la perfor-mance de chacun des acteurs, la coopération entre les différents acteurs à travers la question de la compétence des professionnels, le développement d’outils tels que la télésanté, des protocoles de coopération entre les profes-sionnels et entre établissements de santé.

- Conduire une politique de santé partagée avec tous les acteurs, la réduction des inégalités de santé que j’évoquais tout à l’heure, ne peut pas trouver sa réponse uniquement dans l’organisation de l’offre de soins : ce sont toutes les politiques publiques qui sont impactées et qui impactent les inégalités de santé et donc la démarche de l’agence consiste aussi à interpeller l’ensemble des acteurs de politiques publiques au niveau des territoires sur l’implication des choix qu’ils font sur la santé de la population qu’ils représentent ou pour laquelle ils sont amenés à mettre en place un certain nombre de services, de politiques publiques.

Cette démarche implique une démarche territoriale, qui se traduit notam-ment par la signature de contrats locaux de santé, avec les collectivités ter-ritoriales, nous en avons déjà signé une trentaine et nous avons une pers-pective de signer 70 contrats locaux de santé et faire vivre les instances de démocratie sanitaire, que ce soit la conférence régionale santé et autono-mie, qui est « le parlement de la santé », au niveau régional, ainsi que les conférences de territoire.

Passons à quelques éléments de bilan en Île-de-France, de la politique que nous avons commencé à conduire, tout d’abord sur la question de l’offre de premier recours, cette offre nécessitant que nous puissions veiller à ce que les profes-sionnels de santé s’installent sur l’ensemble du territoire. Nous connaissons en Île-de-France ce que l’on appelle des « déserts médicaux », aussi bien dans des territoires ruraux – je pense à des territoires de la Seine-et-Marne (77) – que dans des territoires urbains, pour des raisons naturellement différentes, avec des problèmes d’installation de médecins, d’infirmières, de kinésithérapeutes, qui naturellement posent des problèmes si on veut garantir une offre de soins de premier recours et notamment apporter des réponses de maintien à domicile des personnes âgées et de prise en charge de personnes handicapées.

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Donc, c’est avec les professionnels eux-mêmes que l’on peut établir ces acti-vités, nous avons notamment établi un partenariat avec l’union régionale des professionnels de santé Médecins (URPS Médecins), qui représente l’ensemble des professionnels de santé, pas seulement les médecins, car il y avait aupara-vant les URML, unions régionales des Médecins libéraux, qui ont été transfor-mées en URPS. Et puis au-delà de l’URPS Médecins, l’ensemble des profession-nels libéraux sont représentés dans le cadre de ces unions régionales et sont des partenaires avec lesquels nous conduisons un certain nombre d’actions, notam-ment l’aide à l’installation, par des diagnostics territoriaux, avec les collectivités locales, pour la création, notamment, de maisons de santé pluridisciplinaires. D’autres éléments que j’ai cités ici, sur l’aide à l’installation, l’organisation de permanences locales, le travail avec les doyens pour informer les étudiants et organiser la formation, c’est une des responsabilités que nous partageons, sur l’ensemble du territoire régional, et nous avons aussi, sur la question de l’accès financier aux soins, mis en place un observatoire de l’accès aux soins des popu-lations pour pouvoir sensibiliser l’ensemble des professionnels à cet objectif de solidarité.

Autre action que nous sommes en train de conduire, c’est l’organisation du par-cours de santé. Je prends ici l’exemple d’un travail que nous sommes en train de conduire à titre expérimental sur les 9e, 10e et 19e arrondissements de Paris sur le parcours de santé de la personne âgée. Je ne vais pas le développer dans son ensemble, mais nous sommes partis dans un travail, avec un cabinet de consultants, de 3 000 dossiers de personnes âgées, pour constater que la moitié d’entre elles, dans une prise en charge différente en amont, aurait pu éviter une hospitalisation, inadaptée à leur situation, et quand on sait qu’effectivement une hospitalisation inadéquate peut être préjudiciable pour une personne âgée, tout ce travail sur l’organisation du parcours, avec une prise en charge en ville qui soit organisée différemment, dans un territoire complexe de ce point de vue, puisque la démographie des professionnels libéraux dans le nord-est de Paris, est particulièrement déficitaire, donc travail avec les professionnels pour pouvoir effectivement aider à l’installation et, d’autre part, les appuyer dans l’identification des pathologies particulières que peuvent rencontrer les per-sonnes âgées, intervention avec les professionnels, pour éviter l’arrivée aux ur-gences et les hospitalisations, avec le développement de stratégies alternatives, l’organisation avec les établissements de santé de filières courtes pour éviter que les personnes restent embolisées au service des urgences, avec l’impossibilité de trouver des solutions immédiates, et, d’autre part, l’organisation de l’aval de l’hospitalisation.

C’est un travail qui, pour le moment, a un caractère expérimental, on pourra y revenir si vous le souhaitez, parce qu’un des éléments qui ne permet pas d’exploiter au mieux ce type de démarche, c’est également le cloisonnement, y compris des financements, par l’Assurance Maladie, qui reste encore très lié à tel ou tel type d’acteurs, dans la loi de finances pour la sécurité sociale de 2012, il y a un article, l’article 70, qui permet de financer ce type de parcours à titre

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expérimental. C’est vraisemblablement un des sujets sur lesquels nous devrons avancer dans les années à venir.

Les inégalités sociales de santé au niveau des territoires, c’est aussi une priorité transversale au niveau du plan stratégique, et la réponse se trouve à travers les contrats locaux de santé, je l’ai déjà évoqué tout à l’heure, il n’y en a pas tout à fait 71 qui sont signés, mais ceux qui ne sont pas signés sont en train d’être soumis au niveau des conférences de territoire, ce sont des contrats tri-partites entre les collectivités territoriales, en général des communes, mais il y a aussi des communautés d’agglomérations, l’ARS et la préfecture, puisque ces contrats doivent aussi mobiliser d’autres services, concernant par exemple la politique de la ville, c’est souvent des communes d’ailleurs qui étaient inscrites dans des politiques de contrats urbains de cohésion sociale ou d’ateliers santé-ville, qui ont été choisies pour pouvoir signer ces contrats qui mobilisent les acteurs locaux autour d’objectifs de santé, que ça soit des objectifs de préven-tion ou d’organisation de l’offre de soins.

Mettre la santé dans toutes les politiques, c’est ce que j’ai indiqué tout à l’heure, le travail que nous faisons est de sensibiliser chaque acteur local sur l’impact que sa politique a sur la santé de la population.

Autre élément que nous avons là aussi amélioré, c’est la question de la veille et de la sécurité sanitaires. Nous avons, comme toutes les ARS, créé une plate-forme régionale de recueil des signaux et alertes, ce qui fait que tout signal concernant soit un événement grave, soit une infection nosocomiale, soit une maladie à déclaration obligatoire, doit faire l’objet d’une déclaration sur un numéro unique, joignable 24 h/24 (0825 811 411), et cette plate-forme de re-cueil des signaux et alertes gére la traçabilité des signaux avec l’ensemble des acteurs. Ce point focal unique a traité, en 2011, 4 400 signalements, et encore, comme nous étions en phase de déploiement de ce dispositif, je pense que nous aurons de plus en plus de signalements sur cette plate-forme. 67 % de ces signalements touchaient des maladies infectieuses, 8 % des infections nosoco-miales et 11 % des événements indésirables dans des établissements de santé ou des établissements médico-sociaux, notamment.

En ce qui concerne le vieillissement, j’attire votre attention sur un des pro-blèmes auquel nous serons de plus en plus confrontés, c’est l’évolution du taux d’équipement en hébergement complet, dans le secteur médico-social, pour les personnes âgées en EHPAD (établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes) et en USLD (unité de soins de longue durée), compte tenu de l’évolution de la démographie. On constate une baisse prévisible de ce taux entre 2007 et 2020. Quand on aborde la question de l’équipement en héber-gement complet ou en SSIAD (service de soins infirmiers à domicile), l’évolution de la démographie fait qu’il va nous falloir trouver des réponses, qui ne sont pas d’ailleurs nécessairement des réponses institutionnelles, et donc, la nécessité de laisser la priorité au domicile dans le domaine médico-social, l’objectif étant d’apporter des réponses à l’ensemble des populations, en regard d’un besoin

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et d’un désir des personnes âgées elles-mêmes de rester le plus longtemps pos-sible à domicile, mais aussi parce que nous aurons des difficultés à pouvoir faire face à un besoin qui augmentera de plus en plus, et l’institutionnalisation ne pourra pas être la réponse à l’ensemble des besoins qui s’expriment. Donc, aussi bien par des places d’EHPAD, il est nécessaire que nous puissions en créer, avec différentes formes d’hébergement, mais aussi des réponses en termes d’accom-pagnement, par exemple, pour la maladie d’Alzheimer, nous venons de lancer un certain nombre d’appels à projets concernant des équipes spécialisées dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer, nous allons d’ailleurs relancer un appel à projet dans le courant du premier semestre de cette année, le soutien aux aidants.

J’ai pris volontairement des exemples qui ne sont pas les exemples tradition-nels que l’on a effectivement en tête lorsqu’on pense aux missions des ARS. Le secteur médico-social – je l’ai indiqué tout à l’heure – est un des sujets d’impor-tance pour l’agence, et à l’intérieur de ce grand secteur médico-social, en lien avec les départements, la réponse de la prise en charge des personnes au domi-cile est pour nous une priorité.

L’organisation territoriale de l’offre de soins, avec des projets de coopération hos-pitalière entre les établissements de santé, mais nous avons quelques exemples de coopération, comme un travail sur Paris, avec un projet de création de com-munauté hospitalière de territoire en psychiatrie, la coopération entre le CASH (centre d’accueil et de soins hospitaliers) à Nanterre et l’hôpital Louis Mourier de Colombes (APHP), mais aussi des rapprochements public/privé, parce que dans un certain nombre de territoires – je pense notamment au sud de la Seine-et-Marne – la taille des établissements concernés et la taille des villes concernées font que, si nous voulons maintenir une offre de soins de qualité dans ces terri-toires et y compris organiser, ce que nous avons fait récemment, la permanence de soins des établissements de santé, il est nécessaire que nous ayons des pla-teformes dans lesquelles la démographie médicale nous conduit aujourd’hui à être obligés de rassembler des équipes publiques et des équipes privées, avec un partage d’activités mais aussi une complémentarité de ces activités.

Autre sujet de préoccupation, c’est la performance des établissements et la ré-duction du déficit des hôpitaux, ce déficit devant être réduit, ne serait-ce que pour permettre aux établissements de se redonner des marges de manœuvre, par exemple pour envisager l’investissement. Je prends l’exemple du déficit de l’Assistance publique (APHP), et je voudrais saluer l’effort qui a été fait, en pré-sence du président de la CME, de praticiens et de la directrice générale, pour réduire ce déficit de 115 à 90 millions d’euros, avec une amélioration de la situation budgétaire de l’établissement entre 2010 et 2011. Il y a aussi les ESPIC (établissements de santé privés d’intérêt collectif, anciens établissements PSPH, établissements privés participant au service public hospitalier, ex Dotation glo-bale), qui ont également considérablement réduit leur déficit, passant 40 à 30 millions d’euros sur la même période. Concernant les établissements publics non-APHP, la situation est restée stable à 63 millions d’euros de déficit, mais il y

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a eu un très gros effort qui a été fait entre 2009 et 2010 (103 millions d’euros) alors que l’objectif fixé par le ministère dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens, passé par l’agence régionale de santé avec le ministère, avec des objectifs, dont celui-ci, il y en a une vingtaine d’autres, mais il était à 60 millions d’euros de déficit pour ces mêmes établissements publics. Vous voyez qu’il y a encore des efforts à faire pour que je puisse répondre à l’objectif du ministère.

La démocratie sanitaire, quelques éléments qui ont été créés : la CRSA (confé-rence régionale Santé et Autonomie) qui s’est réunie 43 fois. Cela mérite d’être explicité : la CRSA, c’est une représentation des usagers, des professionnels, des établissements de santé, des établissements médico-sociaux, des élus, d’un cer-tain nombre d’administrations concernées par les questions de santé, c’est une instance réunissant 100 membres. Ils ne se sont pas réunis à 100, 43 fois, il y a bien entendu des commissions permanentes, et puis il y a des commissions de la CRSA, dont un certain nombre s’expriment ou sont consultées, notamment dans l’organisation de l’offre de soins ou les autorisations d’activités ou d’équi-pements, qui sont soumises à autorisation d’une des commissions de la CRSA.

Les conférences de territoire, qui se réunissent dans chacun des départements, et puis les conférences régionales, dont l’agence a pris l’initiative, puisque la CRSA et les conférences de territoire sont prévues dans la loi, ces conférences-là (les États généraux du VIH en décembre 2010, le Forum Santé Citoyen en jan-vier 2012, le Forum Santé mentale en février 2012) sont à l’initiative de l’ARS Île-de-France et ce sont des moments d’échanges, d’élaboration de la politique régionale et de dialogue entre les différents acteurs.

La question du respect des droits des usagers fait aussi partie des missions que nous avons à remplir : 350 rapports de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC), rédigés par chaque éta-blissement de santé – nous allons d’ailleurs publier la synthèse de ces rapports des CRUQPC dans les prochaines semaines –, les agréments d’associations ou les réclamations, dont près de 1 500 ont été traitées.

Autre sujet de préoccupation sur lequel nous travaillons, le Grand Paris, car effectivement, on ne peut pas envisager une évolution de l’offre de soins in-dépendamment des réflexions qui sont conduites actuellement sur l’évolution démographique et l’évolution urbaine. J’aurais pu en parler à un autre moment, mais je réévoque sous une autre forme le rôle que joue l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Il est évident que l’APHP, qui est le CHU de l’Île-de-France, a une responsabilité particulière en ce qui concerne la formation et aussi la coopération avec les autres forces de soins, c’est une volonté partagée par l’ARS et l’APHP, et j’évoquais tout à l’heure la relation avec les doyens sur l’enjeu de formation sur l’ensemble de la région, et les questions auxquelles nous sommes en train de répondre, comme « comment promouvoir la santé dans une métro-pole multipolaire ? ». C’est évident que la population, à échéance des 20 ou 30 années qui viennent, ne sera pas positionnée de la même façon sur le terri-toire francilien et qu’il est nécessaire d’anticiper ces évolutions, aussi bien quant

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à un certain nombre d’organisations urbaines en matière de transport et de logement, qu’en ce qui concerne des questions d’environnement en général, avec un outil, dans la cadre de la démarche « Grand Paris », qui est le contrat de développement territorial, dans lequel nous essayons d’instiller, en lien avec le préfet et les services de l’État, la prise en compte des problèmes de santé.

Quelques questions : « Et maintenant ? », dirais-je.

La création des ARS a commencé à faire changer la démarche d’un certain nombre d’acteurs, en ce qui concerne au moins les services de l’État et de l’As-surance Maladie. Cela a mis en évidence la nécessité d’avoir une transversalité beaucoup plus forte, parce que nous étions auparavant dans un système qui était cloisonné. Je n’aurais pas la naïveté de vous dire qu’en créant les ARS, on a réglé tous les problèmes de transversalité, loin de là, mais en tous les cas, on a une instance dans lequel l’ensemble de la démarche peut être pris en compte, de la prévention à l’organisation des soins, donc ce décloisonnement qui a commencé pour répondre à un certain nombre d’attentes sociales nécessitera d’être prolongé.

Quelques idées, du moins quelques questions, pour bien montrer que le débat est ouvert. Je crois qu’on a mis en place une gouvernance nouvelle qui en effet était nécessaire, toutefois il y a encore à assurer, par exemple, un décloisonne-ment du financement des actions conduites par l’ARS : dans la loi de finance-ment de la sécurité sociale pour 2012, il est créé un fonds d’intervention régio-nal, le FIR. C’est une première étape, simplement ce n’est qu’une étape, parce que le FIR rassemble des fonds qui étaient auparavant dispersés et qui sont dorénavant rassemblés sous un même vocable, dans une même enveloppe, mais ça reste quand même relativement limité. Est-ce qu’il faudra aller plus loin, vers les ORDAM (objectifs régionaux de dépenses de l’Assurance Maladie) ? OR-DAM qui donneraient aux agences la totalité, pour l’Île-de-France, du pilotage de 31 milliards d’euros, puisque c’est le montant de la dépense de l’Assurance Maladie en Île-de-France ? C’est un sujet qui est en débat. Je ne me prononce pas ici, je laisse se dérouler le débat démocratique que nous aurons dans les semaines et les mois qui viennent.

Autre outil de contractualisation avec les acteurs de santé, je vous ai dit tout à l’heure, par exemple, que concernant les professionnels libéraux, les agences avaient des outils relativement limités. On a la possibilité de passer des contrats d’amélioration de la qualité mais sur des financements, qui sont d’ailleurs pré-vus dans le FIR, et je vous ai dit tout à l’heure que les financements du FIR sont relativement limités, ce qui ne donne pas énormément de possibilités de contractualisation. Est-ce qu’il ne faudrait pas aller vers un volet régional de la convention médicale, et ainsi donner aux ARS la possibilité de négocier avec des professionnels sur des objectifs répondant aux missions de l’agence ? Il n’est pas question de donner – du moins, dans la question que je pose ici, même si vous avez bien compris qu’en posant ces questions, j’ai quand même quelques idées derrière la tête – aux ARS la totalité de la convention médicale et de reve-

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nir à une convention régionale voire départementale, comme à une certaine époque, mais un volet régional de la convention médicale pourrait à mon avis s’envisager.

Réforme également du pilotage au niveau national, parce qu’on a créé effecti-vement une instance nouvelle, les ARS sont des établissements publics adminis-tratifs, et puis au niveau national le débat récurrent autour des ARS avait conduit certains à demander la création d’une Agence nationale de santé, le débat peut encore être ouvert. À titre personnel, je pense qu’avant de se poser la question d’une Agence nationale de santé, il y a de toute façon à se poser la question des relations entre les administrations centrales, aussi bien du ministère de la Santé que de l’Assurance Maladie, et le niveau régional. Le législateur a mis en place dans la loi de 2009 un Conseil national de pilotage des ARS, c’est-à-dire une instance présidée, théoriquement du moins, par les ministres, et qui regroupe l’ensemble des directions des administrations centrales du ministère et des organismes d’Assurance Maladie ainsi que la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), il faudra certainement aller plus loin dans le rôle des uns et des autres au niveau régional, qui devra évoluer, à mon avis, vers une déconcentration des missions vers le niveau régional.

Voilà quelques pistes que je voulais lancer pour montrer le fait que nous avons encore des efforts à faire pour prolonger le mouvement qui a été commencé avec la création des agences régionales de santé. Je vous remercie. Merci beau-coup.

Intervention de Mme Mireille Faugère, directrice générale de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris

Merci beaucoup.

Après la présentation par Claude Évin de deux ans d’ARS, j’avais envie, en contrepoint, de vous raconter deux ans d’Assistance publique – Hôpitaux de Paris avec l’ARS, puisque nous sommes aussi jeunes que l’ARS dans le change-ment de gouvernance vers le système qui est le nôtre aujourd’hui.

Avant de parler de gouvernance, puisque c’est ce dont j’ai choisi de parler dans mon propos, je voulais, pour ceux qui ne connaissent pas très bien l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, vous rappeler quelques chiffres, qui nous sommes : nous sommes le plus gros employeur de l’Île-de-France, plus de 90 000 per-sonnes ; nous avons un budget de 7 milliards d’euros – ce n’est pas bien de dire un budget, disons un niveau d’activités, pas encore complètement à l’équilibre comme l’a dit Claude Évin –, 90 millions d’euros de résultats négatifs sur le compte principal, 80 millions sur le compte global – pas tout à fait, mais on y est presque.

7 millions de patients par an – là aussi, je fais très grossier –, ce sont 5 mil-lions de patients qui viennent en consultation, plus d’un million de patients qui viennent en médecine, chirurgie, obstétrique et plus d’un million de patients qui viennent aux urgences, une urgence toutes les 30 secondes.

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Nous représentons 10 % de l’hospitalisation française, 50 % de la recherche. J’y tiens beaucoup. Nous sommes un CHU avec un U majuscule, et dans nos missions de soins, enseignement et recherche, nous essayons, à chaque mo-ment, d’être bien équilibrés sur ce trépied auquel nous tenons, parce que si les patients viennent à l’APHP, c’est parce qu’on y soigne bien, et si on y soigne bien, c’est parce qu’on y prépare la médecine de demain, et cela, c’est grâce au caractère universitaire de l’enseignement et de la recherche. Je suis heureuse de tenir ces propos dans un amphithéâtre de la faculté de médecine.

Quand je disais, un peu sous forme de plaisanterie, que nous aussi nous sommes très jeunes, puisque nous aussi cela fait deux ans que nous avons adopté une nouvelle gouvernance, c’est sérieux, parce qu’en fait il y a eu deux grandes réformes, deux grandes lois, qui nous ont beaucoup touché dans notre pilo-tage à l’Assistance publique. Évidemment, il y a la loi hôpital, patients, santé et territoires, qui a fait que nous avons maintenant comme organisme de tutelle l’agence régionale de santé, et non plus ce que nous avions auparavant, c’est-à-dire un conseil de tutelle, avec la DGOS et l’organisation des soins qui était faite avec l’ARH. On dit que ce n’était pas une vraie tutelle, je ne l’ai pas connue. On dit en tout cas que la loi HPST – les médecins le disent –, a voulu nous faire rentrer dans le rang. Quelque part, il y a de cela : rentrer dans le rang. Enlever le caractère exceptionnel de ce CHU qui est traité en dehors des règles com-munes, mais là, maintenant, avec l’organisation telle qu’elle est, avec l’ARS, nous sommes sous la tutelle de l’ARS, comme les autres établissements, mais cette loi HPST est venue dans notre organisation dans le même temps que la fin de la dotation globale et la mise en place de la tarification à l’activité qui a été une réforme tout à fait considérable dans la façon de gérer les établissements de santé, et aujourd’hui, nous avons dans notre mode de modernisation de l’offre de soins un énorme sujet qui est de trouver des tailles critiques, de trouver de la lisibilité sur notre offre de soins, pour pouvoir investir durablement dans la qualité à laquelle je faisais référence, et donc, nous devons avoir solidarité et effet de synergie, c’est ce que nous cherchons dans notre modernisation de l’offre de soins.

Dans le même temps, il y a eu la loi LRU (loi de responsabilité des universités), très importante pour nous, puisque nous avons 7 universités qui sont nos par-tenaires, c’est extrêmement important. Mais la loi LRU a fait un peu l’inverse, c’est-à-dire elle a donné beaucoup d’emphase au côté de grande visibilité, concurrence des universités au plan international, et donc des universités un peu entre elles. Et donc, nous avons à la fois cet esprit de concurrence entre les universités, et donc, la partie universitaire de l’Assistance publique, et puis, ce souhait de synergie qui est l’autre incitation que nous avons, et quelques fois, on a l’impression que ça tiraille, pas de manière complètement synergique sur ce sujet, et c’est un vécu que nous avons très souvent.

La nouvelle gouvernance, pour nous aussi, c’est qu’il n’y a plus de conseil d’ad-ministration, mais un conseil de surveillance et un directoire, qui est essen-

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tiellement médical, et un conseil de surveillance qui est plus resserré que le conseil d’administration précédent, mais nous avons surtout beaucoup réformé l’organisation de l’Assistance publique, puisque nous sommes maintenant orga-nisés en 12 groupes hospitaliers, ça c’est très important, parce que les groupes hospitaliers sont, grosso modo, de la taille d’un CHU de province, et c’est une organisation, avec un directeur d’hôpital à sa tête et ses communautés médi-cales, très importantes, parce que notre objectif c’est d’organiser l’offre de soins sur un territoire qui est celui du groupe hospitalier, et c’est ce que nous avons indiqué dans notre plan stratégique.

Dans ce que nous avons mis en place, et dans notre vécu depuis deux ans avec l’ARS, nous nous sommes bien organisés dans les travaux, et ces travaux marchent bien. Nous avons des réunions techniques qui sont de qualité, avec des responsables de chacun des côtés, des comités stratégiques et des conseils de tutelle réguliers, au niveau de Claude Évin et de moi-même, pour décider d’un certain nombre de sujets en commun et pour trancher, de la part de Claude Évin, sur les orientations majeures.

Cette organisation fonctionne bien, mais c’est vrai que nous avons quelques fois des difficultés, parce que l’organisation de la démocratie sanitaire et du débat sur les territoires a été choisie d’un point de vue départemental. C’est un choix que Claude Évin a dû faire, il a eu plein de suggestions différentes, il a dû trancher.

Évidemment, à l’APHP, nous n’étions pas favorables à l’organisation départe-mentale, parce que nous ne sommes pas du tout organisés par département. Nous, nos groupes hospitaliers ont été calés sur une dimension universitaire, et nous, ce qui nous est naturel, c’est un territoire universitaire et nous avons des groupes hospitaliers qui sont à cheval entre Paris intra-muros et la banlieue.

Donc, le département, ce n’est pas très naturel pour nous. Évidemment, on participe complètement à ces conférences-là, mais il faut que nous trouvions les moyens d’avancer, on le fait bien évidemment là dessus, mais cela fait partie des sujets qui sont un peu de guingois. C’est naturel, mais ce n’est pas toujours aidant.

Et nous devons moderniser l’offre de soins sur les territoires, et à la fois organi-ser les soins, les spécialités et le recours, puisque comme je vous le disais, nous avons ces 3 niveaux.

Ce que je dirais, c’est que nous souffrons vraiment sur le fait que nous ne sommes pas connus, probablement à cause de la gouvernance précédente, et que, au fond, l’APHP est assez peu connue des partenaires parce qu’ayant cer-tainement assez peu travaillé de manière aussi ouverte que nous voulons le faire maintenant, on est assez peu connus, ce qui fait que l’appui naturel sur le CHU de l’Île-de-France de la part de l’ARS est peut-être moins naturel qu’en province, de s’appuyer sur le CHRU, qui était beaucoup mieux connu et des ARH, et des instances de tutelle.

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Je le signale comme étant quelque chose que je note, c’est-à-dire que construire la confiance, c’est aussi partager la connaissance et savoir dans quel état d’esprit les uns et les autres travaillent, et que ça soit avec nos partenaires, les autres hô-pitaux, que ça soit avec des partenaires privés ou avec les élus, je sens bien que nous avons un énorme travail à faire d’ouverture, d’explications et de confiance à installer, je sens que c’est un défi qui est complètement nécessaire parce que si on doit faire tout ce que nous avons à faire, c’est de notre intérêt de nous ouvrir, de nous faire connaître, parce qu’on a besoin d’être supportés, au sens anglo-saxon du terme, parce que tous les objectifs qui nous sont donnés ne sont pas si faciles, on ne peut pas être les uns contre les autres, mais on a besoin d’être aidés dans notre transformation.

Comme Claude Évin le signalait, nous sommes à la manœuvre dans un certain nombre de partenariats, il y a des tas de filières qui ont été organisées depuis très longtemps et qui sont très actives. Des partenariats, du style le CASH de Nanterre avec Louis Mourier – qui d’ailleurs n’avance que parce que l’ARS est autour de la table pour le faire avancer, il faut bien le dire –, un autre entre Henri Mondor et le CHIC où très naturellement nous devons nous rapprocher, des tas de partenariats qui ont déjà été construits dans le 93 où nous avons un vrai sujet de l’offre de soins autour de beaux hôpitaux comme Avicenne, autour du cancer… Donc vous voyez, tout cela est en marche, mais moi, je ressens qu’on a beaucoup de choses à prouver et dire que quand on travaille avec l’Assistance publique, ce n’est pas qu’on va être mangé par l’Assistance publique, mais qu’on va faire des partenariats équilibrés, c’est un vrai défi.

On a organisé, vendredi dernier, avec la FHF Île-de-France, une réunion de tra-vail, Loïc Capron était là, sur un certain nombre de thèmes, sur lesquels on disait travaillons-les ensemble, ce sont des thèmes de l’Île-de-France, et on avait choisi la biologie, la maladie chronique, la formation, comme étant des thèmes sur lesquels on devait travailler, c’était très intéressant, très bien travaillé, on a des pistes très opérationnelles, mais on voit qu’on vient de loin, incontestablement.

Il y a un sujet contre lequel ce n’est pas si facile de s’organiser, c’est la vision de l’hospitalo-centré. Quand on parle de l’Assistance publique, on nous dit, de toute façon, vous êtes hospitalo-centré, vous ne réfléchissez ou ne réagis-sez que tournés vers l’hôpital. Là aussi, d’abord ce n’est pas ce qui nous est demandé, c’est un vrai défi, et toutes les pistes que Claude Évin a présentées, notamment sur la version consolidée des parcours cliniques, et notamment des financements, aideront sur le sujet, mais nous ne sommes pas hospitalo-centrés, et nous avons fait des offres de services à l’ARS, sur les expérimentations dont l’ARS a l’initiative, mais aussi à la CNAM, où j’ai vraiment dit à Frédéric Van Roekeghem (directeur général de la CNAM) que quand on était sur des sujets d’expérimentations qui l’intéressaient, moi, ça m’intéressait de le faire.

Je constate que l’on ne commence jamais avec des hôpitaux de l’APHP quand on veut tenter quelque chose. Et c’est quand même dommage, d’abord parce que je pense qu’on est bien organisés, qu’on a des savoir-faire pour le faire, et

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j’aurais envie que ces réflexes changent. C’est en tout cas un souhait et une nécessité pour nous.

Et je terminerais, pour ne pas être longue, pour dire, un peu comme a dit Claude Évin, « et maintenant ? ».

Sur cette partie, j’aurais envie de dire trois choses. Je pense qu’il est vraiment nécessaire de se donner les moyens, de réfléchir, consolider, si on veut vraiment passer du soin à la santé, il faut aller jusqu’au bout et vraiment avoir des budgets qui soient pensés ensemble. Ce n’est pas le cas, c’est dommage, et tant que ce n’est pas fait, je pense qu’on aura du mal à avancer de manière significative sur tous les sujets qu’on a évoqués tout à l’heure. Ce que je souhaiterais vraiment, en termes d’organisation des parties prenantes – je parlais de confiance, je n’ai vraiment pas l’impression quand on parle des établissements de santé et surtout quand on parle de l’Assistance publique –, c’est que les tutelles au-dessus de moi nous fassent vraiment confiance. Parce que moi, je rêverais de n’avoir que l’ARS comme interlocuteur pour parler des budgets. Malheureusement, nous sommes encore restés exceptionnels, nous sommes restés le seul CHU à avoir un contrôleur financier. Ce qui fait que moi, sur tous les sujets, j’ai la direction du Budget qui est là, un contrôleur financier qui est là, qui fait du micro-mana-gement, et quand on veut montrer qu’on est aux affaires, qu’on va être pilotés par les résultats, c’est difficile. Je trouve que l’exemple ne vient pas d’en haut, sur la confiance, de la même manière que je suis challengée en interne sur la confiance que je montrais aux directeurs de groupes hospitaliers, pour un peu lâcher sur la décentralisation des choses, mais j’insiste là dessus, nous avons gardé une exception qui n’est quand même pas facile, et j’ai plein d’anecdotes sur le sujet.

Dans le « et maintenant ? », je voudrais signaler une évolution universitaire qui est extrêmement intéressante pour nous, c’est que, je disais qu’il y avait 7 uni-versités, qu’il y a déjà des PRES qui sont en place, et que, maintenant qu’il y a des investissements d’avenir, il y a des IDEX, et là, je vois avec un très grand intérêt que l’on puisse avoir en face de nous des universités moins nombreuses, plus rassemblées, avec moins l’effet de dispersion que je citais tout à l’heure, parce qu’une APHP qui réussit, c’est un CHU qui reste le CHU numéro 1 en Eu-rope, qui garde un rayonnement international, et qui donc est musclé du point de vue de l’allocation des ressources, et pour cela, c’est important d’avoir des universités fortes et qui allouent des ressources de manière tout à fait cohérente avec les ressources hospitalières. C’est pour cela que je trouve que PRES et IDEX, cela va absolument dans le bon sens. Donc tout cela, c’est le progrès, mais vous voyez, moi aussi, j’ai fait des vœux pour aller encore plus loin.

Débat avec le public

Intervention du Pr Yves de Prost : Il y a une chose qui me frappe, et qui est manquante par rapport à pas mal de choses qui ont été dites : nous, en tant que médecins, on voit très bien comment on est utiles aux autres, et ce que

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l’on a tout le temps, c’est : « J’ai ma nièce qui a une pyélonéphrite, je suis à tel endroit, il est 22 h, où est-ce que je l’envoie ? » C’est ce qu’on appelle la régula-tion. Cette régulation, elle est bien faite pour le SAMU, elle est assez bien faite pour les urgences cardiologiques, mais pour le reste, on ne peut pas s’imaginer à quel point elle est mal faite, et moi, je m’étais dit, quand j’étais au cabinet, que ce serait au niveau de l’ARS de faire cela. On pourrait faire des régulations de type SAMU, je pense que vous y avez déjà pensé, mais ça me paraît fonda-mental, avec des pathologies qui ne sont pas nécessairement lourdes. Je vous ai donné un exemple en uro-néphrologie, mais il y en a plein à décliner, et cela me paraîtrait extrêmement important dans le circuit du patient, à une époque, en plus, où il va y avoir des problèmes en termes de démographie médicale, no-tamment au niveau des médecines les plus pointues, l’ARS a un rôle majeur, elle connaît tout le territoire, elle peut voir, sur cette nuit-là, où adresser le patient.

Le mode de rémunération des médecins est également un problème. Il a été esquissé pendant la conférence, mais on voit à quel point c’est aussi un pro-blème majeur. J’ai bien conscience qu’il n’est pas qu’au niveau de l’ARS, mais l’ARS a un rôle majeur à jouer quand même.

Intervention du Pr Claude Huriet : Un petit rappel historique, qui vient en complément de l’introduction de M. Évin, qui vient montrer l’utilité des rap-ports qui ont été faits dans le cadre du commissariat au plan. Parce qu’en fait, le premier rapport sur la décentralisation des services dans la santé doit dater des années 1980-1985, et qu’il faisait déjà apparaître le niveau régional comme le niveau opportun, un peu avant le rapport Soubie.

Une remarque cependant, concernant le signalement, j’étais un peu inquiet de voir les fonctions de signalement de l’ARS, car le signalement était, dans le fonctionnement de la sécurité sanitaire et du renforcement de la veille, une des prérogatives de l’INVS (Institut national de veille sanitaire) dont malgré le malaise qu’on prête aux agences, on ne parle plus. Or, l’INVS avait principale-ment ce rôle d’observatoire, à condition que toutes les informations, y compris celles dont tu as parlé tout à l’heure, remontent en ligne directe, si possible vers cette structure. On en est maintenant loin, parce qu’il y a aujourd’hui les ARS, il y a les agences, en particulier ce que je continue d’appeler l’AFSSAPS (nou-vellement renommée ANSM, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), et en multipliant ces niveaux, quand il y a une réaction qui doit tendre à être immédiate, l’information va pouvoir apparaître au bon niveau, surtout en ce qui concerne la régionalisation.

Je crois qu’il y a là, du fait même de la transformation des ARH en ARS, l’affirma-tion d’une volonté, mais on est restés en cours de route.

Tu as évoqué à l’instant, dans le dernier propos d’ailleurs, l’utilité de déconcen-trer les missions des administrations centrales vers le niveau régional. Je suis stu-péfait, parce que je croyais que c’était une des idées essentielles de la création même des ARS.

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Alors, il semble que, si tu l’envisages comme étant pour demain, ça ne soit pas encore le cas aujourd’hui.

(Remarque de Claude Évin : Mireille Faugère a dit des choses à ce sujet.)

Les ARS sont des structures de déconcentration et non pas de délocalisation, avec l’extrême difficulté d’établir des responsabilités au niveau régional.

Enfin, et surtout, le directeur général de l’ARS d’Alsace a dans sa compétence territoriale l’Alsace, et non pas l’Alsace-Moselle, je n’en suis pas certain, mais pourquoi je pose la question ? Parce que, par rapport à ce qu’on appelle une politique régionale, on doit s’inspirer du modèle Alsace-Moselle, qui fait que depuis des années, depuis Bismarck, le système d’Assurance Maladie fonctionne correctement, il coûte moins cher, au point qu’il y a des prestations complé-mentaires, sauf s’il s’agit de rumeurs malveillantes, et qu’en plus, depuis des années, c’est le système d’Alsace-Moselle qui abonde le déficit du régime gé-néral. Autrement dit, est-ce qu’on retrouve dans le système de l’ARS d’Alsace cette comparaison d’expérience entre un système Moselle-Meurthe-et-Moselle-Vosges-Meuse et le système Alsace, avec tout ce qui pourrait t’inspirer, à titre d’exemple.

Intervention du Pr Alain Sobel : Trois toutes petites questions pour Claude Évin : dans la première partie de votre exposé, il y avait peut-être une petite ambiguïté sur l’ambulatoire, que vous avez assimilé au libéral, peut-être, et je voulais savoir si les hôpitaux, et par exemple l’APHP qui a 5 millions de consulta-tions annuelles, comme l’a rappelé Mireille Faugère, n’ont plus de rôle dans les consultations, dans l’accueil ambulatoire, ou est-ce que c’est une direction que l’on prend, notamment dans les pathologies chroniques, dans la prévention secondaire et la prise en charge des comorbidités, cette activité est finalement assez défavorisée par la nomenclature de la tarification à l’activité, et finale-ment, est-ce que cette situation est volontaire, ou doit-on y remédier ?

Deuxième question, dans les partenariats publics/privés, c’était par rapport à l’exemple de Melun, je me demandais si la présentation que vous avez faite ne laissait pas transparaître un risque de privatisation du service public, c’est une question qui est notamment posée, notamment à cause de Melun, et j’aurais bien aimé que vous puissiez y répondre.

Dernière remarque, par rapport à votre conclusion, j’ai cru comprendre que vous n’étiez pas favorable à la création d’une Agence nationale de santé, mais à ce moment-là, je ne vois plus pourquoi il y aurait un ministre, si j’ai bien com-pris, les hauts fonctionnaires remplaceraient les politiques. Cela m’étonnerait de vous que les politiques disparaissent…

Intervention du Dr Dinah Vernant : Nous sommes ici dans le cadre des Ren-contres d’Hippocrate, et à vous écouter, Monsieur Évin, Monsieur le Ministre, Madame la Directrice, je me suis demandé où était Hippocrate. Je suis simple médecin, une bipède, comme nous appelle élégamment votre directeur finan-cier, Madame la Directrice, et nous nous sentons, nous médecins, écrasés par

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vos discours. Nous sommes peut-être tout en bas de l’échelle, mais c’est peut-être nous qui sommes les plus proches des patients. Qui savons ce qu’est être face à un malade, quelqu’un qui souffre, à une famille à laquelle il faut répondre, et dans vos discours, que ce soit vous, Madame la Directrice, ou vous, Monsieur le Ministre, je vous ai senti très loin et nous écrasant, et c’est le sentiment que nous avons, d’être écrasés par cette énorme administration, qui arrive comme un rouleau compresseur, et nous ne savons plus où nous sommes.

Je vais dire juste un mot de l’Hôtel-dieu, car vous savez que c’est une préoc-cupation et qu’il s’agit d’une priorité, me semble-t-il, vous avez dit, Madame la Directrice, qu’il serait bon qu’il y ait des expériences. Je vous propose que l’Hôtel-dieu soit une expérience. Une expérience tout à fait nouvelle, comme au cours des âges, cet hôpital l’a souvent été. Un hôpital expérimental. Quand la loi sur l’APHP s’est faite, c’était en 1850, je crois, il y avait un hôpital qui ser-vait d’expérience, pour savoir si cette loi pouvait être appliquée à l’ensemble des hôpitaux. Sans développer ce que serait cet hôpital expérimental, et qui ne ressemble pas, Madame la Directrice, vous le savez très bien, au projet que vous nous en avez fait, mais nous vous proposons un nouvel Hôtel-dieu.

Réponses de Claude Évin : Je vous remercie, Madame Vernant, d’avoir fait votre intervention, parce que j’entends ce que vous dites sur le sentiment d’être écrasés, sur l’éloignement. Je crois qu’il faut qu’on sorte de ce dialogue, ou de cette absence de dialogue d’ailleurs, qui laisserait à penser qu’il y a ceux qui ont la préoccupation humaine, parce qu’ils rencontrent des patients tous les jours, et c’est la mission que vous assurez, et d’autres qui seraient très éloignés et qui n’auraient jamais cette préoccupation.

Sur les sujets que je vais reprendre, à chaque fois, soyez assurée que, person-nellement, comme l’ensemble de mes collaborateurs (l’ARS, ce sont 1 250 per-sonnes qui, si elles viennent du secteur sanitaire et social, si elles viennent d’une administration qui n’est pas une administration qui a été glorifiée dans l’histoire de la République, le ministère de la Santé et des Affaires sociales, s’ils viennent de la sécurité sociale, si ce sont des médecins, parce que j’ai aussi beaucoup de médecins à l’Agence), nous sommes animés de la même préoccupation. Nous ne sommes pas effectivement au même endroit dans la réponse que nous devons apporter aux patients qui se confient au système. Nous ne sommes pas tous au même endroit. Et c’est peut-être aussi ce qui explique le fait que nous ayons, parfois, des difficultés à dialoguer. Mais je peux vous assurer que l’ensemble des décisions que j’essaye de prendre, ou en tout cas celles que nous préparons, nous le faisons avec la préoccupation de chacun des citoyens concernés, de chacun des patients concernés.

On ne peut pas imaginer un système dans lequel il n’y aurait que cette relation individuelle, personnelle, entre un médecin et un patient, s’il n’y avait pas une organisation.

Je vais prendre des exemples très concrets : Yves de Prost a commencé par la ques-tion de la régulation, et notamment dans la réponse de la permanence des soins.

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Je n’ai pas repris, dans les éléments de bilan que j’ai présentés, la question de l’organisation de la permanence des soins hospitaliers, des établissements de santé. Le débat a commencé un peu maladroitement, dans un climat de polé-mique, dans la mesure où il s’agissait pour l’ARS d’organiser la permanence de soins en nuit profonde, quand je dis la permanence de soins, c’est-à-dire la prise en charge de patients qui ne sont pas hospitalisés, et qui ont besoin d’une prise en charge chirurgicale entre minuit et 8 h du matin. La démarche que nous avons engagée, c’est une démarche de qualité de la prise en charge, à partir de témoignages, en particulier des SAMU qui m’ont expliqué qu’ils n’amenaient pas un patient dans tel ou tel service hospitalier – et en vous disant cela, j’en ai quelques-uns en tête – qui n’était pas en capacité d’accueillir le patient, alors qu’il affichait qu’il était en garde, parce qu’ils savaient très bien que le chirur-gien ne se levait pas la nuit, d’après le témoignage d’un médecin responsable de SAMU en Île-de-France.

Donc, organiser, c’est de la responsabilité de l’ARS. Passer de 81 établissements qui affichaient une garde en nuit profonde en chirurgie orthopédique et viscé-rale à 31, puisque c’est le nombre d’établissements qui sont aujourd’hui retenus – on verra après une évaluation s’il faut bouger le nombre et voir comment on organise –, c’est répondre concrètement à un objectif de sécurité de la prise en charge des patients. Et donc, c’est dans une responsabilité différente de la vôtre. Mais c’est avec la même préoccupation. Et on ne peut pas être dans un système dans lequel il y aurait une réponse individuelle, qui a toutes ses qualités et toute sa valeur, mais qui ne peut pas suffire à avoir une bonne organisation, y compris de la qualité de la prise en charge.

Nous sommes en train de travailler aujourd’hui sur la permanence de soins ambulatoires, en lien avec les médecins libéraux, parce qu’on sait très bien qu’on ne peut pas organiser une permanence de soins uniquement à travers les SAMU et les centre 15, qui jouent le rôle de régulation, mais il faut que nous ayons des effecteurs qui soient répartis sur l’ensemble de la région, ce sont des modes d’organisation qui nécessitent qu’il y ait des décisions qui soient prises, et qu’il y ait une autorité qui tranche, un débat qui peut aussi durer des mois et des mois, et qui n’est pas nécessairement bénéfique dans l’organisation du système, là aussi dans l’intérêt des patients.

Sur la question du signalement, que Claude Huriet a évoquée tout à l’heure, il ne s’agit pas de se substituer à l’INVS. Tu l’as rappelé toi-même, il joue un rôle d’observatoire, d’ailleurs, je rappelle qu’il y a des représentants de l’INVS à l’intérieur de l’ARS, dans le cadre de ce qu’on appelle les SIR, donc il y a un travail épidémiologique qui est fait dans l’analyse de ces signaux, par contre le fait d’avoir une plate-forme unique qui rassemble tous les signaux est, je crois, une amélioration dans l’organisation du suivi de ces alertes sanitaires. En ce qui concerne les vigilances, on y travaille, ce n’est pas encore opérationnel, tu évoquais les relations avec l’AFSSAPS – ANSM, il y aura certainement une évo-lution des circuits de recueil des signaux, en lien avec les agences nationales et notamment avec l’ANSM dans les mois à venir.

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Sur les questions d’Alain Sobel : je crois que les hôpitaux ont un rôle important à jouer. Et il faut qu’on sorte d’un clivage entre la médecine libérale et la méde-cine hospitalière, avec des statuts différents. C’est vraiment en complémenta-rité, j’aurai l’occasion d’y revenir, notamment à propos de la question précise que vous m’avez posée sur Melun. Ceci étant, je ne crois pas non plus qu’on demande à l’hôpital de tout faire. L’hôpital le dit lui-même, dans l’organisation de la permanence des soins ambulatoires, essentiellement les soirs et les week-ends, c’est la définition de la permanence des soins, il ne faut pas que l’hôpital soit le seul réceptacle de l’ensemble des demandes qui peuvent s’exprimer, l’hôpital ne pourra pas tout faire, il n’est pas organisé pour cela, et ce n’est pas une bonne réponse à des besoins d’une population. Il est donc nécessaire qu’il y ait effectivement, une répartition des rôles. Ceci étant, moi je crois que l’hôpital – mais c’est une réflexion qui est portée par un certain nombre d’établissements de santé – a un rôle à jouer y compris dans l’organisation de la permanence de soins ambulatoires.

La loi HPST a notamment permis que les hôpitaux puissent créer des centres de santé, et que de ce point de vue, il peut y avoir des initiatives qui sont prises en la matière. Je souhaite qu’il y ait des initiatives, je sais que l’hôpital d’Aulnay est en train de travailler sur un projet de ce type, ce n’est pas nécessairement adapté à toutes les situations territoriales, mais il y a là certainement des expé-riences à partager.

Sur le partage public/privé, vous avez évoqué le cas de Melun. C’est un exemple très intéressant. On a un hôpital public, qui a vu, comme c’est malheureuse-ment souvent le cas dans des villes de cette taille, son activité de chirurgie pro-gressivement diminuer. Et désormais, la chirurgie à Melun, ce n’est plus à l’hôpi-tal qu’elle se fait. Il y a une situation où il y a trois cliniques privées à Melun, et un hôpital public, les uns et les autres devant d’ailleurs être reconstruits. Au moment où je prends la responsabilité de l’ARS, les deux cliniques s’étaient déjà regroupées et envisageaient de s’implanter à 10-15 minutes de Melun. On était dans une situation où il fallait reconstruire l’hôpital, qui devait le faire avec la troisième clinique, et puis un pôle privé qui allait s’implanter à 15 minutes, en se rapprochant du sud-francilien, ce qui allait poser des problèmes à un autre hôpi-tal public. Une situation à Melun qui était incapable d’organiser une offre de soins sécurisée avec une permanence des soins dans le sud de la Seine-et-Marne 24 h/24. Si on veut réellement qu’à Melun, chef-lieu de département de Seine-et-Marne, bassin de population important sur le sud de la Seine-et-Marne, il y ait un pôle qui assure la permanence des soins, cela nécessite qu’il y ait un rap-prochement des équipes entre le public et le privé. Chacun garde sa spécificité, y compris juridique, mais il y a rapprochement des équipes, il y a des engage-ments qui ont été pris, y compris de la part des équipes chirurgicales de Melun.

On a une histoire, l’histoire de l’hospitalisation française, à la différence d’autres pays européens, où on a un hôpital public et des cliniques privées. Tout cela est financé par la solidarité nationale, par la sécurité sociale. Donc, la question qui nous est posée, y compris au regard de l’évolution de la démographie médicale,

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c’est comment on maintient un certain nombre d’objectifs d’accès, notamment financiers – d’ailleurs de ce point de vue à Melun, il y a des engagements qui ont été pris –, comment on permet réellement d’apporter un service à la popu-lation. Le fait que l’hôpital public ait perdu, en l’occurrence, une activité de chirurgie, cela s’inscrit dans une histoire. Moi, je suis désolé, c’est la situation que je constate au moment où je prends mes responsabilités. Est-ce que je vais me battre en disant qu’il faut redonner à l’hôpital public la possibilité de faire de la chirurgie, quand les chirurgiens n’y viennent pas ? Comment je fais, par rapport à cela ? Voilà des situations très concrètes qu’il faut regarder. Et avec la préoccupation d’améliorer la qualité de la prise en charge et de respecter un certain nombre de principes dans l’organisation de la permanence des soins, en l’occurrence, là, dans le cadre d’un groupement de coopération sanitaire, il y a des engagements qui ont été pris.

Alors, l’Agence nationale de santé, je pense que ça peut rester un objectif, on peut préciser que ce serait présidé par le ministre, on n’en est pas là, le pro-blème c’est plutôt comment on unifie et on prolonge la démarche qu’on a commencé à mettre en œuvre au niveau régional. Il y a différents systèmes, ça peut être l’Agence nationale de santé, c’est plutôt en termes de missions qu’il faudrait apporter des réponses qu’en termes strictement institutionnel. Voilà, je pense avoir répondu à vos questions, mais croyez bien que sans avoir prêté le serment d’Hippocrate, je suis animé des mêmes valeurs.

Intervention du Pr Jean-François Moreau : J’interviens en tant que porteur d’une polypathologie très lourde, qui fait que je suis hospitalisé 3 mois par an, aussi bien dans le privé que dans le public, aussi bien à l’APHP qu’ailleurs. Je fête cette année mon jubilé, de deux situations : j’ai commencé ma vie parisienne et mes fonctions d’externe en 1962. J’étais en 1965 externe chez M. Bernier à Saint-Lazare, et j’ai assisté à la création du centre médical de Forcilles, qui avait été créé pour suivre la pathologie très lourde des suites opératoires de la chirur-gie digestive extensive. Je ne peux plus soigner mon diabète correctement à l’Assistance publique. Je suis donc soigné par les diabétologues de Forcilles. Il y a deux ans, j’ai été hospitalisé, et j’ai trouvé le personnel extrêmement nerveux, sans en comprendre la signification. En fait, c’était très simple, quelques jours plus tard, un tribunal devait faire appliquer une décision de fermeture brutale du centre médical de Forcilles. Je suis scandalisé par une chose pareille, car c’est un centre qui est un vrai joyau de l’Île-de-France, si ce n’est de la nation fran-çaise en entier. J’ai fondé l’Association des patients de Forcilles, de façon à ce que nous puissions faire une action musclée, si jamais j’apprenais que ce centre allait fermer.

Intervention d’Olivier Duranteau : Nous avons une revendication, au niveau des étudiants en médecine, d’avoir un interlocuteur unique pour le paiement de nos indemnités. C’est-à-dire, plutôt que d’avoir chaque établissement de santé qui soit obligé de le faire, ce qui peut poser des problèmes, notamment quand on fait des stages ambulatoires, ce serait à l’ARS de chapeauter le paie-ment de nos indemnités.

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(Cette proposition, nommée « Externe-Sac-à-dos », reçoit un accueil favorable du Pr Patrick Berche, qui la juge utile pour fluidifier les stages des étudiants.)

Intervention de Laurent Lantieri : Ne pensez-vous pas qu’il y a un défaut dans la loi HPST, quand on voit qu’à chaque fois que vous demandez une modifica-tion, c’est par rapport à des seuils d’activités, essentiellement, et ce n’est pas prévu dans la loi, et on vous rétorque autre chose, alors que si c’était prévu dans la loi, qu’il y ait un seuil d’activité, peut-être qu’on pourrait aller plus loin ? Ne pensez-vous pas qu’il faudrait simplement modifier ce caractère-là de la loi et qu’on puisse le voir spécifiquement ? Je suis favorable à leur mise en place, en tout cas.

Réponses de Claude Évin : Sur la question de Forcilles, tout d’abord. C’est un établissement qui remplit une mission spécifique et importante dans l’Île-de-France, il reçoit des patients en aval de l’Assistance publique, mais pas seule-ment, il a été créé par des praticiens de l’Assistance publique, c’est un établis-sement qui a un statut de droit privé, qui est administré par une association de loi 1901 et qui a été beaucoup aidé par l’ARH puis, après elle, par l’ARS. C’est un établissement qui connaît des difficultés budgétaires importantes, et il y a un travail important qui est fait pour voir comment il est possible de consolider la situation de cet établissement. Ce travail est fait d’ailleurs en lien avec la FEHAP, Fédération des établissements privés sans but lucratif, et il y a un travail qui est fait pour maintenir l’activité de cet établissement, dans un dialogue avec le conseil d’administration de cet établissement.

Sur la question des jeunes, sur la formation des jeunes, il y a des actions menées par les professionnels libéraux, et les représentants des étudiants sont des par-tenaires de l’ARS, mais il reste encore un travail d’information à faire sur les modalités d’installation, sur les possibilités diverses d’exercice et il est nécessaire de mettre en place des modes d’exercice qui incitent réellement les jeunes à s’engager dans une activité professionnelle de proximité avec la population, et ça nécessite un certain nombre de mesures.

Sur la question des externes sacs à dos, nous travaillons avec les doyens des 7 facultés d’île-de-France, et je crois qu’on a là, sur l’ensemble des questions qui pourraient faciliter les stages d’externat et d’internat, un gros travail à faire, y compris conduire, sur le plan des indemnités, à ce qu’on puisse trouver des solutions beaucoup plus faciles et beaucoup plus fluides.

Sur la question des seuils d’activité, en fait, cela y est. Vous deviez faire allusion à des activités particulières, mais il y a dans le Code de la santé publique un cer-tain nombre de dispositions qui sont plutôt précisées dans les textes réglemen-taires, mais ils s’appuient naturellement sur des textes législatifs qui fixent des seuils. Les seuils d’activités, historiquement, sont apparus avec comme premiers seuils ceux de la maternité : le nombre de naissances est un des éléments qui sert à définir réglementairement les niveaux (1, 2 et 3) des maternités, indépen-damment du fait que, lié au chiffre d’activité, il y a un certain nombre d’obliga-tions concernant les conditions d’accueil et de prise en charge. Donc, il y a des

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critères de niveaux d’activité, et notamment en chirurgie carcinologique, définis après le travail de l’INCa.

Cette réglementation n’existe probablement pas sur tous les types d’activités, et il y a certainement des propositions à formuler, et les communautés scienti-fiques peuvent travailler sur le sujet, en lien avec la HAS, et c’est principalement pour des objectifs de qualité que ces objectifs ont été fixés.

Question : comment les ARS s’impliquent dans la formation continue des pro-fessionnels de santé, s’il y a des budgets dédiés dans le cadre du fonds d’inter-vention dont vous parliez, et s’il y a des thèmes considérés comme prioritaires. Si oui, comment sont-ils sélectionnés ?

Intervention de M. Christian Prieur : Je voudrais rappeler que notre système de santé est bon, quand on le voit de l’étranger, qu’à l’heure actuelle, il est financé à 78 % par l’Assurance Maladie obligatoire, mais qui présente un déficit de 5 à 6 milliards d’euros par an. C’est une situation qui ne peut plus durer. Du reste, on nous a enlevé le AAA, et on a enlevé le AAA à la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale). Donc, il faut réguler le système de santé. Réguler est un terme ambigu, mais cela veut dire appliquer à notre système de santé, dans toutes ses dimensions, une contrainte, ça on oublie de le dire, à celle qu’il supporterait, s’il était soit nationalisé, nous n’en voulons pas, soit livré au jeu du marché, et pour le moment, nous n’en voulons pas non plus. Donc, pour faire cette régulation, on a inventé les ARS. J’étais à la création des ARH, et je demanderais à M. Évin, parce que je suis partisan de l’Agence nationale de santé, parce que je considère que le grand risque des ARS, comme cela a été le risque dans lequel sont tombées les ARH, c’est que vous deveniez, malgré le titre de directeur général de patron des ARS, des sous-chefs de bureau des directions des administrations centrales.

Quand je vois que pour élaborer le PRS – Dieu merci, à Paris –, vous avez pris un peu de vitesse, mais le ministère a envoyé une circulaire de 25 pages pour vous dire comment il fallait faire. Je pense que vous l’avez ignorée. Donc, je dis bonne chance aux ARS, mais je ne suis pas sûr que la régulation puisse être faite par des organismes régionaux sans direction nationale un peu ferme.

Intervention de Laurence Mauduit (Quotidien du Médecin) : Pour M. Évin : Vous n’avez pas été insensible au fait que l’APHP propose des expérimenta-tions au sein de ses hôpitaux pour la gouvernance ou d’autres sujets. Madame Faugère, vous êtes allée voir la CNAM, vous l’avez confié tout à l’heure, est-ce que l’ARS aurait des sujets de prédilection à expérimenter dans les hôpitaux de l’APHP ?

Pour Mme Faugère : Il a été question aussi tout à l’heure du déficit de l’APHP, il y a quelques semaines, un rapport de la Cour des comptes insistait sur le patri-moine immobilier des hôpitaux non dédié aux soins, j’aimerais savoir quelle lecture vous avez fait de ce document et si vous comptez vous en servir pour réduire le déficit de l’APHP.

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Intervention du Pr Antoine Lazarus : Ce soir, sont réunis l’ARS et l’APHP, c’est vrai qu’une partie des questions traite de la responsabilité des ARS.

Comment depuis les établissements de santé peut-on envisager des activités de prévention qui ne soient pas seulement la prise en charge de la file active des patients, c’est-à-dire avec, en gros, le suivi et un peu d’accompagnement ? Si on suppose que la prévention, dans une région, c’est faire que les gens qui vont à peu près bien puissent continuer à aller à peu près bien, ce n’est pas seule-ment du dépistage et ce n’est pas du suivi de soins. Ce d’autant qu’en écoutant votre souhait, Mme Faugère, de mettre fin à l’hospitalo-centrisme, mais égale-ment pour nous, professionnels de santé, de changer la peur, très grande dès lors qu’ils travaillent avec un hôpital public, et notamment l’APHP, en sachant dès qu’il y a un projet, ils s’en font soit déposséder, soit ce n’est pas eux qui le dirigent, comment peut-on imaginer une stratégie avec des tonalités de préven-tion, sachant qu’il n’y a pratiquement pas d’argent dédié aux actions en termes de prévention, et qui serait, entre l’ARS et l’APHP, une sorte de prototype à défi-nir dans les années à venir, et qui serait autre chose que dépister un peu mieux ou faire tous les plans que nous avons, qui concernent un peu l’environnement.

Très concrètement, peut-on imaginer, notamment, quel est soit le personnage, soit la structure d’interface, qui peut être entendu en même temps à l’APHP et au niveau des partenaires, qui aurait une capacité d’écoute réciproque, de confiance, voire éventuellement de décision ?

Réponses de Mireille Faugère : Sur les sujets d’expérimentations de prévention, je disais que nous étions preneurs d’expérimentations. Nous en avons déjà avec l’ARS. Nous en avons deux, notamment une sur les parcours de soins en géria-trie, que nous travaillons autour des filières de Fernand Widal, dans le 10e arron-dissement. Dans ce même groupe hospitalier, nous regardons ce que serait une maison de santé, on l’évoquait tout à l’heure, les hôpitaux peuvent créer des centres de santé, et dans les questions que nous avons, au niveau des urgences, que ça soit Saint-Louis ou Lariboisière, nous nous sommes dits que l’on pourrait imaginer une évolution qui laisserait de la surface disponible à Saint-Louis et qui pourrait permettre d’expérimenter une maison de santé. Donc, quand on est sur ces sujets-là, il n’y a pas que l’APHP qui est partie prenante, mais le global, et on trouve que c’est très intéressant d’avoir une approche opérationnelle sur ces sujets, c’est-à-dire oser faire l’expérimentation et savoir qui est le modèle. À la fois par rapport au patient, par rapport au territoire, et le modèle économique qui s’y rapporte.

De la même manière, je parlais d’expérimentations vis-à-vis de la CNAM. Je suis allée dire que nous avions beaucoup de maternités à l’APHP, et par rapport à l’orientation de la CNAM sur les sages-femmes libérales qui organisent le suivi à domicile, là aussi, on pourrait regarder comment nous pouvons être tête de pont sur un sujet de cette nature, d’ailleurs, le département de l’hospitalisation à domicile le fait largement déjà aujourd’hui, mais dans le cadre de cette expé-rimentation le faire dans des établissements de l’APHP.

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Sur la question de la prévention, qui est une question tout à fait stratégique, on parlait tout à l’heure de l’Hôtel-dieu et des projets innovants qu’il pourrait y avoir à l’Hôtel-dieu, il pourrait y avoir une piste, que nous sommes en train de travailler, autour de la médecine étudiante, à la fois à la demande des univer-sités, c’est un groupe de travail qui est piloté par Jean-François Girard, qui est de dire, finalement, sur ce sujet il y a un besoin, peut-on l’étudier, par qui et comment il serait porté et comment on pourrait être un lieu pertinent à l’Hôtel-dieu pour faire ça.

Mais à la fois on peut être force de proposition sur un sujet de cette nature et à la fois interlocuteur pour travailler ces sujets.

Je suis d’accord avec vous que c’est un peu un sujet qui est entre les deux, mais d’une certaine manière, il faut mettre la problématique et regarder qui autour de la table la prend en compte et travailler le sujet globalement.

Sur la question du patrimoine privé, bien sûr que nous nous sommes sentis concernés, car, quand il y a un rapport de la Cour des comptes, il y a un travail très approfondi qui est fait, des heures et des heures passées à raconter ce que nous faisons, à répondre aux questions, à faire des remarques, je regrette tou-jours que ces remarques ne soient pas intégrées au rapport, mais dans les an-nexes, ce qui fait que personne ne les lit, et d’ailleurs, vous n’avez pas entendu les remarques très argumentées que nous avons sur le sujet.

Quand on parle du patrimoine immobilier privé non affecté aux soins, c’est toujours le résultat de legs que nous avons eu historiquement, et nous avons à la fois des immeubles, qui ont été traités sous forme de baux emphytéotiques, et quand nous reprenons la propriété, nous la reprenons avec les locataires qui sont dedans, et ce sont des baux qui sont tout à fait recevables et qui protègent ces biens.

Toute la politique que nous avons consiste déjà à bien connaître notre patri-moine de manière précise, parce qu’on était auparavant en retard, et avoir de manière déterminée une politique de récupérer ce patrimoine pour le mettre au bénéfice des salariés de l’APHP ou alors de le vendre lorsqu’il s’agit de biens qui se trouvent dans des endroits qui ne nous permettent pas de faire une politique sociale. Cette politique est déterminée au long cours.

Par ailleurs, sur des lieux qui sont emblématiques de l’Assistance publique, nous avons une politique de cession, on parlait tout à l’heure du musée de l’Assis-tance publique, c’est que nous avons décidé de vendre l’hôtel Miramion, et le produit de cette vente nous permettra d’investir dans la modernisation des hôpitaux, puisque notre objectif principal est de moderniser les hôpitaux pour que l’offre de soins soit la meilleure pour les patients.

C’est un exemple, il y en a d’autres, c’est vrai que je me suis exprimée dans le projet du futur Hôtel-dieu de consacrer une des ailes au siège de l’APHP, ce qui permettrait de valoriser le siège de Victoria et de Saint-Martin. Ce sont deux exemples de notre politique de gestion active du patrimoine immobilier de

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l’APHP, qui n’a qu’un seul objectif, c’est de pouvoir récupérer des ressources pour investir dans la modernisation des hôpitaux.

Réponses de Claude Évin : Sur la formation continue des professionnels, l’ARS n’assure pas le financement de cette formation, mais nous sommes amenés à intervenir dans le DPC (développement personnel continu), puisque nous agréons les protocoles en la matière.

Ceci étant, la formation continue doit être prise en charge par des financements de type ONDAM par ailleurs, mais ce n’est pas directement dans le budget de l’ARS que ces recettes sont trouvées.

En ce qui concerne les expérimentations que vous avez évoquées, Mme Fau-gère a donné un certain nombre d’exemples, j’aurais pris exactement les mêmes, puisque nous travaillons sur ces expérimentations, avec les difficultés que j’évoquais dans mon intervention, c’est-à-dire que nous avons besoin que les modalités de financement évoluent, c’est-à-dire qu’on est dans un système dans lequel le cloisonnement est encore la règle, la partie essentielle du finance-ment répond à la consommation d’actes, et cela pourrait également permettre d’apporter des éléments au Pr Antoine Lazarus sur la question de la prévention, c’est-à-dire qu’on a un système qui est encore fondé sur de l’activité de soins, et où la prévention n’apparaît pas de manière explicite dans la prise en charge.

Je dis bien de manière explicite, ce qui est beaucoup plus compliqué, car il y a quand même des financements de prévention, qui existent à travers les mis-sions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation des établissements de santé (MIGAC), qui sont hors tarification à l’activité.

Je pense que nous aurions intérêt, et cela fait partie du dialogue que nous avons avec les établissements de santé, APHP y compris, puisque c’est une source de financements importante, je souhaite demander aux établissements de faire la transparence sur l’utilisation qu’ils font de ces MIGAC, qui restent des finance-ments en dotation globale, qui répondent à des objectifs qui sont définis d’ail-leurs dans le Code de la santé publique, mais qui nécessitent que l’on puisse bien identifier à quoi cela sert, et on retrouvera d’ailleurs qu’il y a des actions de prévention et d’éducation thérapeutique qui sont financées de cette manière, et donc, la séparation est souvent difficile à faire.

Pour revenir à la question des expérimentations, et notamment de l’organisa-tion du parcours de soin des personnes âgées, dans la création d’une maison gé-rontologique, pour pouvoir apporter des réponses dans le 18e arrondissement, il y a là des expérimentations qui sont conduites avec des établissements de l’APHP, et sur lesquelles je souhaite qu’on puisse les développer et les dupliquer ailleurs, mais cela nécessitera en effet qu’il y ait des évolutions, je l’ai dit tout à l’heure, en ce qui concerne le financement. Je faisais allusion tout à l’heure à un des articles de la loi de financement de la sécurité sociale qui permettrait, du moins je le souhaite, que nous allions vers des financements différents, mais il y a encore du chemin à faire.

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Je voudrais terminer sur l’intervention de Christian Prieur, d’abord parce que cela me permettra de revenir sur un certain nombre de sujets qui ont été évo-qués. Tout d’abord, est-ce que les directeurs des ARS ont un risque de devenir des chefs de bureau du ministère ? Il y a un risque, et Mireille Faugère l’a bien exprimé en ce qui concerne ce qu’elle vit comme directrice générale de l’APHP, c’est vrai qu’il y a une tentation : les directions des administrations centrales n’ont pas encore fait leur mutation. Et c’est un sujet de débat permanent que les 26 directeurs généraux d’agence, nous avons avec l’administration centrale. Je suis tout à fait convaincu qu’il faudra qu’il y ait des évolutions de ce point de vue dans l’organisation de l’administration centrale, sinon le risque, on le voit à travers différentes anecdotes ou décisions prises, il y a une tentation à considé-rer que d’en haut doivent descendre un certain nombre de recommandations qui deviennent quasiment des injonctions dans la mise en œuvre des actions. Donc, c’est vrai qu’il y a une mutation à faire.

Je voudrais terminer avec la question de la régulation.

Nous avons un rôle de régulation, non pas la régulation pour la régulation, mais nous avons un système qui est fondé sur la solidarité nationale, vous l’avez évo-qué. Cette solidarité nationale, elle n’est pas totalement parfaite. Il y a encore des gens qui sont exclus du système de soins, il y a des prises en charge qui ne sont pas assurées. Il y a des réponses qui ne sont pas apportées. Il y a des populations qui n’ont pas accès aux actions de prévention. Aujourd’hui, quand on débat du système, on débat d’une organisation de riches. Et je vois, en Île-de-France, des situations qui attendent des réponses que nous ne sommes pas en capacité de donner aujourd’hui, car nous n’en avons pas nécessairement les moyens financiers. Et pourtant, nous dépensons un niveau de dépenses par rapport au PIB qui reste très élevé en comparaison à d’autres pays industrialisés.

Si nous voulons maintenir ce système de santé, il est nécessaire qu’il y ait une instance de régulation. Soit c’est le marché. On voit ce que ça donne, quand les assurances sont complètement privées. Cette régulation se fait, plus ou moins bien d’ailleurs, et cela ne limite pas la progression de la dépense. Ou il y a une régulation très étatique, ou une régulation de dialogue, qui est celle que nous essayons de faire. Et nous devons, face à des professionnels qui nous inter-pellent, avec leur légitimité et à juste titre, faire en sorte que chacun comprenne bien qu’on ne peut pas avoir un système dans lequel on ne se poserait pas la question de savoir comment il est financé, comment on assure d’apporter des réponses à des populations qui n’en ont pas aujourd’hui. C’est cette démarche que nous essayons de construire au niveau de l’ARS.

Parfois, comme le disait le Pr Lantieri tout à l’heure, ça choque et puis, il y a des pesanteurs qui parfois ont du mal à bouger. Je l’entends, je le comprends, je suis d’ailleurs prêt à respecter des rythmes, mais il y a des moments où il faut déci-der. Quand je vois toutes les réponses auxquelles je ne peux pas donner satis-faction aujourd’hui, je me dis qu’il y a des choix à faire. Et je suis prêt à assumer ces choix, dans un débat public, au regard de principes de service public. C’est

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ce que j’essaye de faire depuis deux ans maintenant que je dirige maintenant cette agence régionale de santé d’Île-de-France.

Conclusion du Pr Christian Hervé : Je tiens à te remercier, parce que si tous les directeurs généraux des institutions, qu’elles soient sanitaires ou autres, ve-naient se présenter, tous les deux ans, devant leurs mandants, de manière à leur faire un bilan, je crois que le débat démocratique, comme tu l’appelles d’ailleurs là, et je crois que ton exemple sera donné.

Déjà, l’année dernière, c’était un des membres de l’ARS qui était venu très cou-rageusement, et nous voyons que l’ARS a beaucoup de courage et que nous pouvons compter sur elle pour avoir une réflexion éthique, c’est-à-dire sur com-ment doit être son avenir et en quoi ses différentes missions sont résolues dans une politique de travail sur les inégalités de santé, qui est peut-être le problème fondamental.

III. – CONTRIBUTIONS REÇUES EN RÉACTION À LA CONFÉRENCE

1. – Décentralisation, intégration et contractualisation des soins et services de santé : regards croisés entre le Québec et la France

par Mélanie Bourassa Forcier17 et Anne-Marie Savard18

Si des pays comme le Danemark, la Finlande et la Suède se caractérisent depuis déjà quelques décennies par des structures très décentralisées19 au sein de leurs systèmes de santé, l’on ne peut pas en dire autant de la France ni du Québec. En effet, bien que ces deux sociétés diffèrent à plusieurs points de vue, notam-ment quant à la superficie territoriale, la démographie et les principes sous-tendant leurs systèmes de santé respectifs20, il faut cependant leur reconnaître une volonté commune et récente de décentraliser ceux-ci. La conférence de M. Claude Évin, Deux ans d’ARS, ainsi que les propos de Mme Mireille Faugère y étant relatifs ramènent les juristes québécoises que nous sommes aux discus-sions ayant entouré deux réformes importantes du système de santé québécois, réformes intervenues en 1991 et à l’aube des années 2000.

17 Professeure et directrice des programmes de droit et politiques de la santé à la faculté de droit de l’université de Sherbrooke.18 Professeure, faculté de droit de l’université de Sherbrooke.19 Pour les fins de ce texte, nous utilisons le terme « décentralisation » dans une acception large et tel que défini par D. Polton, soit « l’accroissement des attributions et de l’autonomie d’acteurs périphériques par rapport au niveau central ». Polton (D.), « Décentralisation des systèmes de santé : un éclairage international », Revue française des affaires sociales, 2004, 4, 267.20 Pour les fins de ce court article, précisons simplement que le système de santé québécois est considéré comme étant entièrement public, c’est-à-dire que les soins et services de santé médi-calement requis sont tous couverts par le régime public, sans possibilité de frais modérateurs, par exemple, alors que le système de santé français peut être considéré comme mixte.

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La réforme de 1991, caractérisée par l’adoption d’une nouvelle loi sur les ser-vices de santé et services sociaux21 (LSSSS), a complètement réorganisé le système de santé au Québec, en se tournant vers une décentralisation adminis-trative, que l’on appelle également déconcentration. Principal véhicule créé à cette fin : les régies régionales de la santé. Par la décentralisation de l’organisa-tion des soins, la réforme de 1991 visait notamment à établir une plus grande équité entre les personnes et les groupes sociaux par rapport à l’accès aux soins et services de santé. L’usager était aussi placé au centre du système de santé québécois alors qu’un régime de traitement des plaintes était notamment mis en place. Enfin, une grande partie de la réforme visait l’implantation du « virage ambulatoire », devant réduire le recours à l’hospitalisation et favoriser une pres-tation de soins et services plus efficiente et mieux adaptée aux besoins des patients dans leur environnement naturel.

L’ensemble de ces objectifs n’est d’ailleurs pas sans rappeler des segments im-portants de la conférence présentée par M. Claude Évin, dont ce passage : « Les objectifs stratégiques que nous avons affichés à partir de ce constat et dont vous retrouverez un développement de ces têtes de chapitre dans le PSRS (plan stratégique régional de santé) sont : assurer des parcours de santé lisibles, acces-sibles et sécurisés […] avec la nécessité d’apporter des réponses […] notamment en matière d’accessibilité géographique […] ; améliorer la qualité et l’efficience du système de santé […] ; conduire une politique de santé partagée avec tous les acteurs, la réduction des inégalités de santé ».

Deux éléments sur lesquels insiste toutefois M. Évin sont la pertinence de la col-laboration entre acteurs et l’importance de la contractualisation. Ces éléments sont ceux qui ont particulièrement fait défaut lors de la réforme du système de santé québécois de 1991. En effet, malgré l’importance de cette réforme et son idéal de soins aux patients, ses retombées positives ont été limitées par l’ab-sence d’initiatives quant à ce que M. Évin appelle l’organisation du parcours de santé. En effet, à la suite de cette réforme, l’usager ayant besoin de soins et services de santé se retrouvait encore pris dans les méandres d’un système cloisonné et non organisé, n’assurant pas une véritable prise en charge de l’état de santé dans le cadre de soins et services continus et accessibles.

Il faut attendre la publication du rapport d’une commission d’étude sur les ser-vices de santé et les services sociaux, la commission Clair, en 2001, ayant posé un diagnostic très lourd sur le système, pour que des transformations substan-tielles soient proposées et finalement – au moins partiellement – mises en place. L’approche populationnelle, la revalorisation de la gestion et le rapprochement des lieux de décision des populations touchées furent autant de principes sous-tendant les recommandations du rapport Clair en matière de gouverne. Ce qui n’est pas sans rappeler ceux des ARS en France. C’est en grande partie par

21 Loi sur les services de santé et les services sociaux, LQ, 1991, c. 42.

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l’introduction des réseaux locaux de santé et de services sociaux au sein du système, dont l’objectif principal est le suivant, que le gouvernement mettra en pratique ces principes : « La mise en place d’un réseau local de services de santé et de services sociaux vise à responsabiliser tous les intervenants de ce réseau afin qu’ils assurent de façon continue, à la population du territoire de ce réseau, l’accès à une large gamme de services de santé et de services sociaux généraux, spécialisés et surspécialisés »22.

Au cœur du réseau local, se trouve le centre de santé et de services sociaux (CSSS)23. Ce dernier constitue l’assise d’une offre de soins et services intégrée, puisqu’il doit conclure des ententes avec les producteurs de soins et services de son territoire, notamment les établissements offrant des services spécialisés ou sur-spécialisés, les médecins du territoire, les organismes communautaires, les entreprises d’économie sociale (comme les coopératives de santé) et les res-sources privées. L’objectif de ces ententes est bien sûr d’améliorer l’accès et le suivi médical des patients et la continuité des services en renforçant le lien avec différents professionnels de la santé ou d’autres producteurs de services sur le territoire du réseau local. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, le but de cette organisation est en effet « de partager collectivement une res-ponsabilité envers la population d’un territoire »24. Il s’agit donc de l’introduc-tion d’un « modèle de structure de soins de proximité » intégré (en réseau), où les normes en matière de soins de première ligne prennent désormais leur origine non plus que d’en haut, de l’État, mais résultent plutôt d’ententes négo-ciées entre le CSSS et les différents producteurs de soins d’un territoire donné. Contrairement au modèle de l’État providence, celui-ci est davantage décentra-lisé, sur le plan opérationnel du moins, puisqu’il confie à de nouveaux acteurs la responsabilité de l’accès et de la continuité des soins et services de santé auprès d’une population territoriale.

Nous constatons donc des similarités importantes entre la France et le Qué-bec. Si les deux États semblent reconnaître les avantages de la décentralisa-tion, notamment en ce que les acteurs de la base ont accès à une information beaucoup plus riche sur les besoins et le contexte de la prestation de services, la timidité avec laquelle ils le font, d’une part, et l’absence de décloisonnement du financement, d’autre part, tendent à faire des objectifs des vœux pieux. De plus, comme en France, la contractualisation est apparue comme un moyen de gouvernance efficace permettant de s’adapter aux besoins d’une popula-tion donnée. Toutefois, comme en France, cet outil n’est pas utilisé à son plein

22 Art. 99.3 LSSS.23 Le CSSS est un établissement multi-vocationnel exploitant notamment un centre local de ser-vices communautaires, un centre d’hébergement et de soins de longue durée et, le cas échéant, un centre hospitalier de soins généraux et spécialisés. L’on compte actuellement 95 CSSS au Québec (pour autant de réseaux locaux).24 mInIstère de la santé et des servIces socIaux, En bref : le système de santé et de services sociaux au Québec, Gouvernement du Québec, 2008, p. 4.

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potentiel, pour des raisons diverses. Au Québec, il est sous et mal exploité : (1) sous-exploité en raison d’une autonomie des CSSS limitée par les instances supérieures, de budgets cloisonnés et aussi en raison de l’autonomie des méde-cins du Québec, qui ne sont pas des salariés, mais des travailleurs autonomes payés par le gouvernement du Québec, cette situation rend non seulement dif-ficile la contractualisation et l’intégration de soins ambulatoires mais également le suivi de la qualité de ces soins d’un point de vue régional ; (2) mal exploité parce que l’offre de contrats ne s’accompagne d’aucun suivi transparent quant à leurs retombées en termes d’offres de soins et d’économies.

Pour conclure, nous notons que, malgré les efforts et les avancées respectives des systèmes de santé, en France et au Québec, des difficultés demeurent. Cha-cune de ces juridictions reconnaît l’importance d’entrevoir, dans un futur rap-proché, un système de santé où l’hôpital a un rôle secondaire (mais néanmoins essentiel) et où la ressource primaire, les soins ambulatoires et communautaires, permettent une prise en charge des patients atteints de maladies chroniques. En raison de la complexité de ces maladies, requérant l’intervention de profes-sionnels de la santé variés, il faudra tôt ou tard trouver un moyen d’optimiser la collaboration entre ces derniers afin de créer de véritables réseaux de soins intégrés. Les modes de contractualisation doivent ainsi se développer et encou-rager une plus grande imputabilité de ces acteurs. Une plus grande autonomie doit aussi être conférée aux instances régionales et locales. Toutefois, pour se faire (nous reprenons ici un passage de la conférence de Mme Faugère), « il est vraiment nécessaire de se donner les moyens, de réfléchir, consolider, si on veut vraiment passer du soin à la santé, il faut aller jusqu’au bout et vraiment avoir des budgets qui soient pensés ensemble ».

2. – Napoléon au pays du New Public Management Les ARS : agences ou administrations déconcentrées de l’État ?

par Frédéric Pierru25 et Christine Rolland26

Les agences régionales de santé ont fêté leurs deux années d’existence le 1er avril 2012. Sous bien des rapports, leur création, à la faveur de ce moment singulier du processus de réforme de l’État qu’a été la révision générale des politiques publiques (RGPP)27, a constitué la réforme la plus ambitieuse de l’administration de la santé depuis des décennies. Rappelons que si la santé constitue un géant financier – l’ONDAM 2013 se monte à 175 milliards d’euros –, elle a longtemps été un « nain administratif ». Administration relativement jeune (elle se consti-tue laborieusement à partir des années 1930), concurrencée par les services de l’assurance-maladie, confrontée à des groupes d’intérêt puissants (profes-sion médicale, industrie pharmaceutique, élus locaux, etc.), elle a été structu-rellement sous-dotée en moyens humains, matériels et d’expertise. Last but not

25 CNRS-CERAPS, UMR 8026 – université Lille 2.26 LISST, UMR 5193 CNRS – université Toulouse 2 Le Mirail.27 bezès (Philippe), Réinventer l’État, Paris, PUF, 2009.

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least, cette faiblesse était aggravée par son éparpillement. De fait, au milieu des années 1980, la santé apparaissait, aux yeux des experts et des respon-sables politiques et administratifs, gravement « sous-administrée »28. Ce (relatif) dénuement a été cruellement mis en lumière par deux faits.

D’une part, la santé publique a subi de graves « défaites »29 face au retour des maladies infectieuses et transmissibles dont l’hybris de la biomédecine moderne pensait avoir définitivement triomphé. Ainsi, lorsque survient l’épidémie de Sida au début des années 1980, seules deux personnes surveillent les maladies à dé-claration obligatoire au sein d’un bureau de la Direction générale de la santé ! Et en matière de ce que l’on a convenu d’appeler depuis la veille et la sécurité sani-taires, tout était à construire. La multiplication des scandales de santé publique au cours des décennies 1980 et 1990 a, sous l’aiguillon de quelques entrepre-neurs administratifs clairvoyants, comme Didier Tabuteau, incité les acteurs politiques à dégager les moyens financiers pour bâtir le chapelet d’agences sanitaires indispensables à l’accomplissement de l’une des principales missions régaliennes de l’État : la protection de la santé des populations. Par exemple, en ce qui concerne la veille sanitaire, l’Institut du même nom, établissement public créé en 1998 en remplacement du Réseau national de santé publique, lui-même créé en 1992, employait, en 2007, quelque 381 personnes, majori-tairement épidémiologistes, pour un budget de 51,5 millions d’euros. Qu’il est loin, et pourtant chronologiquement si proche, le temps du famélique Bureau de surveillance des maladies à déclaration obligatoire de la DGS !

D’autre part, la chronicisation des « déficits » de l’assurance-maladie a jeté une lumière crue sur la sous-administration de la santé. Lorsque la manne finan-cière offerte par la forte croissance économique s’est tarie, l’agenda de l’ad-ministration de la santé s’en est trouvé révolutionné : il ne s’agissait plus de favoriser l’expansion de l’offre de soins mais, au contraire, de « réguler » (le terme apparaît à l’époque) les dépenses de santé. Or, l’administration de la santé s’est trouvée fort dépourvue quand la bise du ralentissement économique fut venue, d’autant plus que les partenaires sociaux rechignaient à faire ce bien impopulaire travail ! De plus, les instruments de la planification n’étaient guère adaptés à un tel objectif et, surtout, les systèmes d’information étaient, quant à eux, indigents. De surcroît, la fragmentation de l’administration déconcentrée de l’État, la faiblesse de l’administration centrale et, dès lors, l’omniprésence des cabinets ministériels permettaient aux acteurs locaux du système de san-té, surtout quand ils avaient des relais politiques nationaux, de contourner la contrainte affichée par les ministres de la Santé et des Affaires sociales. La politi-sation des décisions favorisait les injustices territoriales et les arrangements bud-gétaires comme elle entretenait la faible légitimité de l’administration sanitaire. Plusieurs rapports du Commissariat général au plan se sont inquiétés de cette

28 « La santé sous-administrée », Revue française d’administration publique, n° 43, 1987.29 morelle (Aquilino), La défaite de la santé publique, Paris, Flammarion, 1998 ; tabuteau (Didier), morelle (Aquilino), La santé publique, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2010.

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faillite administrative à compter de la fin des années 1990. Le plus retentissant d’entre eux fut, ainsi que le rappelle Claude Évin, le rapport Santé 2010 issu des réflexions de la commission présidée par Raymond Soubie30. C’est alors que la refonte de la « gouvernance » du système de santé s’est imposée sur l’agenda politique, avec pour thématiques très controversées : clarifier les rôles respectifs de l’assurance-maladie de l’État, afin d’éviter le jeu du mistigri des décisions impopulaires de redressement des comptes sociaux ; déconcentrer au niveau régional le maximum de décisions, ainsi confiées à des agences régionales de santé fusionnant les services régionaux de l’assurance-maladie et ceux de l’ad-ministration déconcentrée de l’Etat ; se doter d’une contrainte budgétaire légi-timée par le Parlement et régionalisée sous la forme d’ORDAM… Les auteurs du plan Juppé puiseront abondamment dans ce « répertoire réformateur ». Cepen-dant, comme toujours, les contraintes politiques et institutionnelles sont venues limiter les ambitions réformatrices. Ainsi, par exemple, pour ne pas heurter da-vantage des partenaires sociaux, déjà fort fâchés par la création du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) et de l’ONDAM, la naissance des ARS a été retardée au profit d’un format administratif beaucoup plus souple (groupement d’intérêt public) et étroitement centré sur l’hôpital : les agences régionales de l’hospitalisation (ARH). Pour autant, l’idée des ARS a continué de cheminer et de mûrir au sein de l’administration et, surtout, parmi les acteurs politiques. Comme le rappelle Claude Évin, le consensus politique était acquis, dès le début des années 2000, autour de l’acronyme ARS, même si, comme tout consensus, il était ambigu : tout le monde ne mettait pas la même chose derrière le « A », le « R » et le « S ».

C’est lors du passage à l’acte que l’ambiguïté doit être levée ; les conflits, jusque-là larvés, se manifestent au grand jour. Claude Évin souligne, à plusieurs reprises au cours de son intervention, que la réforme n’est pas terminée. C’est tout à fait exact. Les ARS sont au milieu du gué. Toutefois, cet inachèvement est souvent mis au compte de la « jeunesse » de ces nouveaux établissements publics administratifs. Cette explication contient une petite part de vérité. Mais l’essentiel est ailleurs. Si la réforme fut d’inspiration « girondine », c’est parce que les promoteurs des ARS se sont heurtés à des oppositions fortes au sein de l’assurance-maladie, d’une partie de l’appareil d’État et d’une fraction de par-lementaires, de sénateurs en particulier31. Deux projets se sont opposés : l’un, défendu par la ministre de la Santé et son directeur de cabinet, fut explicité par la mission Ritter, connectée à la RGPP ; l’autre, promu par le député Yves Bur, relayait les vues de l’assurance-maladie. L’enjeu du débat n’était pas mince : fal-

30 bras (Pierre-Louis), tabuteau (Didier), « Santé 2010, un rapport de référence pour les politiques de santé », Les tribunes de la santé, n° 25, 2009, p. 1-16.31 Sur le processus d’élaboration des ARS, nous nous permettons de renvoyer à deux de nos articles : PIerru (Frédéric), « Le difficile accouchement des ARS au forceps institutionnel », in cas-taIng (Cécile), dir., La territorialisation des politiques de santé, Bordeaux, Les Études Hospitalières, 2012, p. 77-108, et « Le mandarin, le gestionnaire et le consultant. Le tournant néolibéral de la politique hospitalière », in Actes de la recherche en sciences sociales, n° 194, Seuil, 2012, p. 32-51.

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lait-il faire le « match retour » de la réforme de l’assurance-maladie de 2004 et donner à l’État tous les leviers de décision ou, au contraire, poursuivre le mou-vement de délégation de gestion à une CNAMTS qui avait, selon ses partisans, fait ses preuves en matière de « gestion du risque santé » ? Ce fut la première option qui l’emporta. Les ressources politiques offertes par la RGPP permirent à la ministre de la Santé d’emporter les arbitrages, non seulement contre la puissante coalition emmenée par la CNAMTS mais aussi contre le ministère de l’Intérieur, les préfets souhaitant récupérer les missions afférentes à la veille et à la sécurité sanitaires. Pour autant, ce ne fut qu’un demi-succès car la fusion, acquise au niveau régional, ne concernait pas le niveau national. En lieu et place d’une Agence nationale de santé, fut donc créé un « Conseil national de pilotage » censé filtrer et coordonner les instructions données par les quatorze donneurs d’ordre nationaux qui demeuraient organisés en « tuyaux d’orgue ». Tout fut fait pour en limiter le rôle. De fait, le CNP n’est qu’un « fair broker » fonctionnant au consensus, incapable, au final, d’être le relais d’une véritable politique nationale de santé. Nous allons le voir, le quasi statu quo au niveau national a des répercussions importantes dans le fonctionnement quotidien des ARS. Par ailleurs, le directeur général de l’assurance-maladie a réussi à préserver son monopole de la négociation de la convention médicale qui reste nationale. Dès lors, ainsi que Claude Évin le souligne dans son intervention, les ARS ne disposent que de peu de leviers en matière de réorganisation de l’offre de soins de ville et de « gestion du risque ». Il en est de même pour le médico-social puisqu’elles doivent composer avec les compétences des conseils généraux, ce qui tend à augmenter la tension du processus de régionalisation que doivent impulser les ARS.

Compte tenu de ce contexte que nous venons d’esquisser à grandes lignes, on peine à imaginer l’ampleur de la tâche effectuée par les « préfigurateurs » et leurs équipes : il a fallu bâtir, à partir de rien, des « maisons communes » dans un temps très court – à peine six mois – et alors que se manifestaient, à des degrés variables selon les régions, des oppositions de la part des directions de services ou de structures appelées à fusionner. Au-delà des ambitions indi-viduelles contrariées (ici, tel directeur d’ARH se rêvait en DG ARS, là c’était le directeur de la CRAM, etc.), ces oppositions étaient, en partie, la déclinaison régionale des débats nationaux. Il n’est pas facile de réunir sous la houlette d’un établissement public administratif des services qui sont historiquement rivaux et structurés autour d’identités très différentes. Les 80 % de personnels d’État ne se reconnaissaient a priori que très peu dans l’identité managériale des 20 % des personnels issus de l’assurance-maladie. Ce « choc des cultures », parfois plus symbolique que réel, a été alimenté par le fait que la fusion a été réalisée à statuts constants. Aussi trivial que cela puisse sembler, les rémunérations et les avantages attachés à la convention de l’assurance-maladie ont pu être mal vécus par certains fonctionnaires estimant qu’à un travail identique doivent cor-respondre des rémunérations et des avantages identiques. Plus fondamentale-ment, la fusion a été l’occasion d’une « lutte des places » au sein des nouvelles entités de la part des personnels fusionnés. Certains qui nourrissaient des aspira-

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tions professionnelles légitimes et/ou qui occupaient des postes décisionnaires (directeurs de DDASS, MISP, IASS, par exemple) se sont finalement retrouvés enfouis dans ce que certains appellent le « mille-feuille » bureaucratique. Ils ont pu en nourrir un certain ressentiment. Par ailleurs, la centralisation, variable selon les agences, des principales décisions au niveau des DG et de leur COMEX a pu favoriser un sentiment de déclassement au sein des nouvelles délégations territoriales départementales (DTD) aux effectifs revus à la baisse et souvent pri-vés de leur latitude décisionnelle. L’« animation territoriale » qui leur incombe reste à ce jour un métier encore flou. C’est dans ce calendrier resserré et dans ce contexte délicat de définition des organigrammes que les nouvelles directions ont dû élaborer et négocier ce document phare qu’est le PRS dont Claude Évin souligne à la fois la lourdeur et la portée novatrice.

Une enquête menée dans trois régions du Nord et du Sud de la France, dans trois ARS de tailles différentes32, tend à montrer que les Jacobins sont en train de prendre leur revanche sur les Girondins33. Elle souligne à quel point le format de l’« agence », si prisé par le New Public Management (NPM), a fait l’objet d’une acclimatation à la tradition étatique française. Dans les pays anglo-saxons, les réformes administratives inspirées du NPM ont tendu à faire « exploser » les grandes bureaucraties publiques traditionnelles en agences autonomes pilotées à distance à l’aide d’indicateurs de performance et de contrats d’objectifs et de moyens. En France, les mêmes mots cachent une réalité tout autre. D’abord, notons que, à l’inverse du mouvement centrifuge observé dans d’autres pays, les agences régionales de santé sont au service d’une logique centripète : il s’agit de fusionner des services jusqu’alors peu hiérarchisés et fragmentés. Surtout, l’autonomie des agences françaises semble être de papier. Dans les faits, les ARS tendent à fonctionner davantage comme des services déconcentrés tradition-nels. Il n’existe nul mystère à cet atavisme administratif. Mireille Faugère donne une première explication : la Direction du budget, très présente dans la RGPP, rechigne à la « délégation de gestion » qui devrait accompagner l’introduction des outils du NPM (contrats, indicateurs de performance, etc.), de peur de perdre la main sur une administration réputée spontanément dispendieuse… Le contrôle financier reste centralisé, les nouveaux directeurs financiers étant choi-sis par et relèvent d’abord de l’autorité de Bercy. Les enveloppes de l’ONDAM, qui demeurent cloisonnées, sont, par construction, nationales. La création du FIR est une avancée, certes, mais finalement très modeste en ce qui concerne les marges de manœuvre financières régionales. L’idée de l’ORDAM, déjà avancée au début des années 1990, commence à refaire surface. Mais il n’est pas certain

32 À cet égard, la situation de l’ARS Ile-de-France et de l’AP-HP est singulière étant donné l’impor-tance de la région et la taille du plus grand CHU de France dont Mireille Faugère rappelle les contraintes administratives et politiques spécifiques.33 Pour plus de détails, cf. rolland (Christine), PIerru (Frédéric), « Les ARS, deux ans après : la victoire des Jacobins sur les Girondins ? La quadrature du cercle de la “territorialisation” des poli-tiques de santé », à paraître en 2013.

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qu’elle soit politiquement viable tant la France reste un pays historiquement méfiant à l’égard de l’affirmation de pouvoirs périphériques trop forts. Cette méfiance est encore plus forte dans le secteur de la santé, où la tolérance aux inégalités d’accès aux soins est faible (à l’inverse des inégalités sociales de santé qui sont, hélas, quant à elles, beaucoup mieux acceptées).

Il existe d’autres explications à la faible latitude dont disposent les ARS. En ma-tière de gestion des ressources humaines, les directions générales doivent com-poser avec les règles régissant le recrutement et les mutations dans la fonction publique, en particulier avec les pouvoirs de la Commission administrative pari-taire (CAP). Par ailleurs, l’activité des ARS est gouvernée à distance par quantité d’outils nationaux, comme, par exemple, les indicateurs de pilotage hospita-liers. Cette emprise de l’échelon national est aggravée par le fait que ce dernier continue à fonctionner en « tuyaux d’orgue ». Chaque tutelle nationale tend à reconstituer son propre réseau d’interlocuteurs en région. Ce que l’on pour-rait appeler une « centralisation segmentée » hypothèque la réalisation de cet objectif majeur qu’est le dépassement du cloisonnement historique du système de santé français en faveur d’une organisation plus transversale et intégrée. Comme nous l’a confié un directeur général adjoint, « nous restons organisés en compartiments car c’est la meilleure façon pour nous de réceptionner ce qui doit l’être ». Si la transversalité est, selon un mot qui est revenu plusieurs fois dans la bouche de nos interlocuteurs, un « combat » contre les routines et certains intérêts professionnels des agents des ARS, elle est d’autant moins assurée que ces routines et intérêts peuvent prendre appui sur des règles du jeu nationales qui lui sont défavorables…

On le voit, le vocable d’« agence » et l’adjectif « régionale » traduisent assez mal le vécu des agents des ARS. Ceux-ci ont souvent l’impression qu’ils « sont autonomes quand cela arrange le ministère ». L’autonomie, très faible, est alors davantage vécue comme un fardeau plutôt que comme une opportunité à sai-sir. Les ARS doivent, en effet, assumer des compétences élargies alors que leurs moyens sont en baisse. La fusion a certes permis de rationaliser les fonctions support et de mutualiser avantageusement un certain nombre de compétences rares. Mais si l’union fait la force, elle ne peut compenser des moyens histori-quement limités. Selon l’un des principaux concepteurs des ARS, celles-ci sont « des belles voitures dans lesquelles on n’a pas mis d’essence ». Une fusion, dans le monde de l’entreprise ou de l’administration, reste une opération dé-licate à mener, qui suppose de consentir quelques investissements afin d’en graisser les rouages. La naissance des ARS a eu lieu sous de mauvais auspices budgétaires. La fusion s’est réalisée sans grain à moudre, que ce soit en interne ou en externe. Au contraire, elle a été conçue comme le moyen de réaliser dans le court terme des économies de moyens. L’on peut comprendre les réticences et même les crispations qui ont accompagné la construction de ces « maisons communes ».

Pour autant, plus personne ne songe, deux ans après, à remettre en cause ce nouveau format administratif. Le nécessaire décloisonnement de l’offre de

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soins et l’indispensable « territorialisation » des politiques de santé le rendent incontournable. Il reste à en exploiter toutes les potentialités. L’unification des tutelles nationales, la régionalisation de l’ONDAM et de la convention médicale, l’apprentissage de la confiance des acteurs nationaux à l’égard des acteurs ré-gionaux mais aussi l’approfondissement d’une « démocratie sanitaire » encore bien maigrichonne sont des pistes à explorer pour faire en sorte que le milieu du gué dans lequel se trouvent aujourd’hui les ARS ne devienne pas, en définitive, une ornière.

3. – Les agences régionales de santé au milieu de gué par Jean-Michel Lemoyne de Forges34

L’intérêt principal de l’exposé de Claude Évin aux Rencontres d’Hippocrate sur « deux ans d’ARS » est sans aucun doute le choix délibéré du directeur général de l’ARS d’Ile-de-France de donner une vision aussi concrète que possible de l’activité et des réalisations de cette jeune institution, notamment en choisissant ses exemples dans des domaines dont le public, même éclairé, ne mesure pas bien la nouveauté et l’ambition, le médico-social (en particulier la probléma-tique des personnes âgées) et l’ambulatoire.

À visée nettement didactique, ce choix présente l’intérêt de mettre en évi-dence à la fois la portée de la régionalisation du pilotage et de la régulation de l’ensemble du système de santé et la difficulté de coordonner les projets et les réalisations d’une multitude d’acteurs aux fonctions et aux statuts variés, depuis l’infirmière libérale de quartier jusqu’aux établissements de l’AP-HP. Il présente cependant, en contrepartie, l’inconvénient d’occulter quelque peu le caractère bureaucratique des ARS. Comme le précise lui-même M. Évin dans son exposé, il dirige une structure de 1 250 agents, toutes catégories confon-dues. Par rapport aux anciennes ARH, conçues comme des « administrations de mission » légères, il y a là un changement de nature institutionnelle souvent mal ressentie par les personnels du terrain, en particulier les médecins (ainsi qu’en témoignent certaines des questions posées à l’orateur). À cet égard, l’exposé de M. Évin ne permet guère d’imaginer le temps et l’énergie consacrés à la gestion administrative (et humaine…) d’un ensemble aussi vaste et disparate.

Outre la personnalité de l’orateur, le choix de solliciter le directeur général de l’ARS d’Ile-de-France pour la présentation d’un premier bilan des ARS ne permet peut-être pas de généraliser à l’ensemble des régions les conclusions, même provisoires, d’une expérience unique en son genre. À bien des égards, les ARS sont toutes différentes, par leurs effectifs, par leurs structures et par les pro-blèmes qu’elles ont à résoudre ; c’est d’ailleurs tout l’intérêt de la régionalisation de l’administration de la santé. Il n’en demeure pas moins que l’Ile-de-France présente des caractères spécifiques sur lesquels il n’est guère besoin d’insister

34 Professeur émérite de l’université Panthéon-Assas (Paris II), président d’honneur de l’Associa-tion française de droit de la santé.

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(population, structure démographique, organisation administrative, transports etc.) dont l’un des plus visibles est la place de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Sur ce point, faire intervenir la directrice générale de l’AP-HP à la suite du directeur général de l’ARS était sans doute aussi nécessaire que révélateur de cette spécificité francilienne ; du reste, si Mme Mireille Faugère a tenté de montrer que l’AP-HP avait perdu une grande part de son originalité adminis-trative pour « rentrer dans le rang », on peine à être convaincu que son poids spécifique considérable n’affecte pas ses relations avec l’ARS ; même si certains CHU de province sont eux-mêmes en situation d’exercer une grande influence de fait sur les choix stratégiques arrêtés au niveau régional.

Sur le fond, il n’est pas contestable que la loi HPST de 2009 et l’institution des ARS permettent une vision prospective globale du système de santé dans le cadre régional. On peut donc légitimement en attendre une amélioration sen-sible de l’articulation et de la coordination de l’offre de soins en général, et plus particulièrement entre le sanitaire et le médico-social, maillon faible d’une orga-nisation qui s’est développée en deux branches trop nettement séparées depuis la loi hospitalière de 1970 et la loi sociale de 1975. Comme l’explique à juste titre M. Évin, l’évolution démographique générale, la démographie médicale et la situation économique et financière du pays se sont conjuguées pour rendre inévitable – au moins dans son esprit – la réforme de 2009.

La tâche est cependant rude et de longue haleine. Rude parce que, pour des raisons économiques évidentes, les ARS ont une sorte d’obligation de résul-tat quant à une rationalisation rapide de l’offre de soins ; de longue haleine cependant, à la fois parce que les résistances corporatives sont fortes, souvent confortées par la population ou les élus locaux, et parce que les principes de la médecine libérale obligent les agences à des opérations de contournement qui débouchent sur des montages complexes (à base plus ou moins contractuelle) plus ou moins fiables sur le plan juridique. On comprend que le défi à relever est de conjuguer une inévitable approche technocratique (fondée sur la multi-plication des « expertises ») avec la dimension de « démocratie sanitaire » mise en relief par M. Évin ; organiser et susciter l’adhésion des acteurs d’un système économique ou social autour d’un projet pluriannuel plus ou moins contrai-gnant est d’ailleurs certainement le défi majeur des sociétés modernes où les arguments d’autorité et d’expertise ne suffisent plus.

Lorsqu’il s’agit des « objectifs stratégiques » des plans régionaux de santé, que l’on retrouve presque à l’identique dans tous les PSRS (améliorer la qualité et l’efficience du système de santé, réduire les inégalités, garantir l’accessibilité…), le consensus est facile à trouver ; en revanche, dès qu’il s’agit de décliner ces ob-jectifs en opérations particulières sur un territoire de santé donné, il devient plus difficile de convaincre de la justesse des choix retenus par l’ARS… La lecture des documents de planification sanitaire établis sous l’égide des ARS est à cet égard fort instructive : la description de l’état de santé des populations et des faiblesses de l’organisation actuelle de l’offre de soins y est en général remarquable ; les principes de modernisation et de rationalisation qui y figurent (par exemple, la

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coopération entre les services de distribution des soins) sont de moins en moins contestés ; mais ces documents se donnent rarement la peine de justifier par « les besoins de santé de la population » les conséquences concrètes qu’ils en tirent quant à la redistribution territoriale de l’offre de soins. Peut-être faudrait-il songer à être moins exhaustif sur la partie descriptive et plus pédagogique sur les choix de terrain retenus par les agences.

Enfin, dans son exposé, M. Évin s’est interrogé sur l’avenir du système des ARS, et plus généralement de la régionalisation de l’administration sanitaire : enve-loppes financières de l’assurance-maladie entièrement régionalisées (et maîtri-sées par les ARS) ? Régionalisation partielle de la convention médicale ? Créa-tion d’une Agence nationale de santé ? Le débat est ouvert sur tous ces points, qui pourraient être perçus comme l’expression d’une tentation technocratique revêtue du costume de la « démocratie sanitaire ». On se permettra donc seule-ment ici de rappeler une évidence, qui est aussi une exigence : si la politique de santé doit être, au moins en grande partie, mise en œuvre au niveau régional, elle ne peut être définie qu’au niveau national et par des autorités politiquement responsables. Ainsi, quels que soient les mérites de la « démocratie sanitaire », celle-ci ne saurait remplacer la démocratie tout court.

4. – Les agences régionales de santé véhicules de la santé étatisée ? par Jean-Marie Clément35

La génèse des ARS date bien de 1994 avec la publication d’un rapport de l’IGAS sur l’évaluation de l’expérience des DRISS (directions régionales interdéparte-mentales de la santé et de la solidarité) dans les trois régions où elles avaient été créées deux ans auparavant, soit en Midi-Pyrénées, Haute-Normandie et Auvergne.

Le rapport de l’IGAS concluait à la généralisation de ces DRISS, mais sous la contrainte du ministère de l’Intérieur, cela fut abandonné. Or, l’idée de mettre fin au mille-feuille des circonscriptions administratives de l’État en matière de santé a fait son chemin pour aboutir à l’ordonnance du 24 avril 1996 qui crée les ARH. Celles-ci, ayant la forme juridique de groupement d’intérêt public (GIP), ne sont que des « administrations de mission ». Or, de nombreuses voix recommandaient à l’époque l’élargissement des compétences des ARH pour donner naissance aux ARS, créées par la loi HPST du 24 juillet 2009. Est-ce le point d’orgue de la politique sanitaire et médico-sociale que l’État développe pour le moins depuis le début de la Ve République ?

L’État veut tout contrôler en matière sanitaire (voir mon livre publié en janvier 2012 aux Études Hospitalières : La santé étatisée, triomphe ou échec ?), au risque d’être victime d’une véritable thrombose. N’est-ce pas le moment de réfléchir à une désétatisation, voire une dépublitisation de la santé et du médico-social ?

35 Co-directeur de la rédaction de la Revue générale de droit médical, professeur de droit hospitalier et médical.

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Certes, l’étatisation s’est accomplie sous couvert d’une plus grande égalité, mais peut-on réellement imaginer que l’on mette fin à celle-ci en salariant, voire fonctionnarisant tous les acteurs sanitaires et médico-sociaux ?

La volonté du législateur de « droite » (2009) de coordonner la permanence des soins, jusqu’alors de la responsabilité de l’Ordre des médecins pour les méde-cins libéraux, correspond au programme de la « gauche » (2012).

La loi HPST remise en cause à la marge, par la nouvelle majorité de « gauche » de 2012, confirme le rôle de « préfet sanitaire et médico-social » du directeur général de l’ARS. Les premières remontées de cette mise en œuvre des ARS, qui furent réellement installées dès le 1er avril 2010, après une période de 6 mois de pré-figurisation, ne sont guère concluantes.

N’est-ce pas le moment des économies substantielles sur les dépenses de l’État et de ses établissements publics ? Des économies s’imposent d’évidence, tout comme de redéfinir le rôle de l’État dans le pilotage et sur la gestion, directe ou indirecte, des acteurs sanitaires et médico-sociaux ?

L’État ne pourvoira pas, par sa seule action, fut-elle exemplaire, à juguler les inégalités, qui tiennent plus de l’économie devenue atone, faute d’un nouvel élan sociétal s’appuyant sur l’innovation décentralisée des acteurs de terrain du monde entrepreneurial.

Pour avoir étudié le GOSPLAN soviétique à la fin des années 1960, j’ai le senti-ment que le principe d’égalité qui nous taraude, périodiquement depuis 1789, pour aussi généreux qu’il soit, ne peut être développé au détriment de la perte de liberté des acteurs sociétaux.

Comme toujours, c’est dans l’équilibre, ou si l’on préfère dans la modération que se situe la bonne politique.

Les politiques publiques seraient plus fondées à inciter et encourager plutôt que de piloter voire s’immiscer dans la gestion. Cela va avec une réflexion sur l’am-pleur du secteur public hospitalier et les mesures que l’État doit prendre pour à la fois conserver le haut degré de recherche médicale et maintenir des hôpitaux de proximité : si l’un ne va pas sans l’autre, c’est qu’il y a pour les souder l’ensei-gnement médical au lit du malade, y compris dans les petits hôpitaux, ou beau-coup de futurs médecins découvriront la vraie nature de l’humanisme médical.

5. – La dualité fonctionnelle du directeur général de l’ARS par Benoît Apollis36

Une coïncidence remarquable a voulu qu’au moment où les responsables de la présente rubrique sollicitaient quelques auteurs afin de brièvement réagir aux conférences portant sur le thème « Deux ans d’ARS », deux arrêts du Conseil d’État viennent précisément éclairer la condition juridique des agences régio-

36 Maître de conférences à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense.

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nales de santé (ARS) – et plus spécifiquement encore celle de leurs directeurs généraux. Il faut dire que leur situation institutionnelle n’est pas des plus faciles à appréhender. Elle a d’ailleurs fait l’objet de très nombreux commentaires de-puis la remise en janvier 2008 du rapport de M. Philippe Ritter « sur la création des agences régionales de santé », lequel a fortement inspiré Gouvernement et Parlement dans l’élaboration et l’adoption de la réforme. On le sait, et les conférences prononcées par M. Claude Évin et de Mme Mireille Faugère en témoignent, la plupart desdits commentaires aboutissent souvent aux mêmes conclusions : verticalité de l’organisation (Conseil national de pilotage, ARS, of-freurs de soins), « étatisation » du système (disparition, au profit des ARS, d’or-ganismes qui incarnaient davantage un partenariat avec les services de l’État), primat du modèle de l’agence37 (induisant la vision, par trop restrictive, d’une simple extension des prérogatives des anciennes agences régionales de l’hospi-talisation).

C’est ainsi que se dégage, après examen des textes régissant les ARS (CSP, art. L.1432-1 et s. et art. D.1432-1 et s.), une impression d’architecture baroque, laquelle a de quoi interroger (les ARS sont-elles ou non l’État ? Et comment concilier une réponse qu’on perçoit comme affirmative avec leur nature juri-dique d’établissement public ?). Il importait par conséquent que le Conseil d’État, saisi en ce sens de deux requêtes différentes, puisse livrer son interpré-tation du droit applicable. Il l’a donc fait à travers deux arrêts rendus le même jour, le 12 décembre 201238. Il ressort de leur lecture que le directeur général de l’ARS constitue un exemple de ce que l’on dénomme souvent par l’expression dualité fonctionnelle. Le directeur général de l’ARS agit en effet tantôt en tant qu’autorité de l’État (d’où le sentiment d’une « étatisation », qui se traduit en réalité par une déconcentration), tantôt comme chef d’un service décentralisé, l’« établissement public-ARS », distinct de l’État. Ainsi, à l’instar du maire39, le directeur général de l’ARS personnalise une sorte de duplicité institutionnelle : il exerce ses compétences parfois au nom de l’État, parfois en tant qu’organe d’un établissement public.

Le directeur général de l’ARS, agent de l’État

Dans la première affaire, le Syndicat national des établissements et résidences privés pour les personnes âgées (SYNERPA) demandait au Conseil d’État

37 Phénomène qui dépasse largement le secteur sanitaire, même s’il est reconnu que les ARS (notamment en ce qu’elles sont plusieurs) forment une catégorie d’agences originale. Voir par exemple : conseIl d’état, Les agences : une nouvelle gestion publique ?, EDCE, 2012 ; IGF, L’État et ses agences, rapp. n° 2011-M-044-01, mars 2012.38 CE, 12 décembre 2012, Syndicat national des établissements et résidences privés pour les per-sonnes âgées, n° 350479 ; CE, 12 décembre 2012, Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique, n° 354635, JCP A, 2013, 2022, note V. Vioujas.39 Voir par exemple : cassIa (P.), « Le maire, agent de l’État », AJDA, 2004, p. 245 et s. ; brouant (J.-P.), Le maire au nom de l’État : contribution à l’étude du dédoublement fonctionnel, La Documentation française, coll. « Travaux du centre d’études et de prospective », 2005.

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d’annuler pour excès de pouvoir la circulaire interministérielle n° DGCS/5C/DSS/1A/2011/160 du 29 avril 2011 relative aux orientations de l’exercice 2011 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux ac-cueillant des personnes handicapées et des personnes âgées. Parmi les moyens soulevés par le syndicat se trouvait l’argument selon lequel cette circulaire à destination des directeurs généraux d’ARS avait été prise incompétemment, les ministres signataires (le ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale et le ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l’État) ne disposant pas d’un pouvoir hiérarchique sur les ARS. Apparemment audacieuse, cette interprétation pouvait en réalité se réclamer de solides références théoriques. Les ARS étant effectivement dotées de la per-sonnalité morale, le pouvoir hiérarchique des ministres ne saurait en principe s’exercer à leur égard. Car « le pouvoir hiérarchique se déploie au sein d’une personne morale unique »40 ; la personne publique en est le siège et le pouvoir hiérarchique son vecteur d’unité41. Il ne peut donc exister d’expression du pou-voir hiérarchique, telles les instructions que le supérieur donne à ses subordon-nés42, dès lors que le premier appartient à une personne morale différente de celle dans laquelle se trouvent les seconds. Dans ce dernier cas, qui caractérise la décentralisation, une autre notion intervient pour régir les relations entre les personnes publiques, celle de tutelle43. Or, la tutelle ne pouvant exister sans texte, ni au-delà de lui, la question pouvait se poser de savoir si les ministres étaient compétents pour adresser des instructions aux directeurs généraux d’ARS, prérogative caractéristique du supérieur hiérarchique.

À cette question, le Conseil d’État apporta la réponse suivante : « Si les agences régionales de santé sont, aux termes de l’article L.1432-1 du Code de la santé publique, des établissements publics distincts de l’État, les compétences qui leur sont confiées par l’article L.1431-2 du Code de la santé publique sont, en vertu de l’article L.1432-2 du même code, exercées par leurs directeurs géné-raux au nom de l’État, sauf lorsqu’elles ont été attribuées à une autre autorité au sein de ces agences ; que, par suite, en l’absence de dispositions contraires, les directeurs généraux des agences régionales de santé sont, en tant qu’autorités agissant au nom de l’État, soumis au pouvoir hiérarchique des ministres com-pétents ; qu’à ce titre, les ministres peuvent, dans le cadre de leurs attributions

40 vedel (G.), delvolvé (P.), Droit administratif, 12e éd., PUF, 1992, t. II, p. 403.41 Sur cette thèse, voir : chauvet (C.), Le pouvoir hiérarchique, préf. Y. Gaudemet, LGDJ, coll. « Bi-bliothèque de droit public », à paraître.42 Et que ces derniers sont dans l’obligation d’exécuter. Cf. CE, 10 novembre 1944, Langneur, Rec. CE, p. 288 ; D., 1945, J. 87, concl. B. Chenot.43 chaPus (R.), Droit administratif général, 15e éd., Montchrestien, coll. « Domat », 2001, p. 389 : « Alors que l’autorité déconcentrée est sous la dépendance d’un supérieur hiérarchique aux ins-tructions duquel elle doit obéissance et qui détient de plein droit le pouvoir d’annuler ses déci-sions, l’autorité décentralisée n’a pas de supérieur hiérarchique […] elle dispose d’un pouvoir de décision autonome qu’elle exerce sous la simple surveillance d’un représentant de l’État, l’autorité de tutelle ».

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respectives, leur adresser des instructions pour toutes les compétences qu’ils exercent au nom de l’État ».

Ainsi, pour reprendre le raisonnement des juges du Palais Royal, les ARS sont des établissements publics, mais les compétences qui leur ont été attribuées sont exercées par leur directeur général, lequel les exerce lui-même au nom de l’État. Partant, lorsque le directeur général agit au nom de l’État, il agit en tant qu’organe de l’État, et non pas comme autorité décentralisée, de sorte que les ministres en sont bien les supérieurs hiérarchiques, titulaires en ce sens d’un pouvoir d’instruction à son endroit.

À dire vrai, nombre d’indices laissaient présager une telle solution. D’abord, parmi les nombreuses circulaires et instructions prises par les ministères compé-tents et adressées aux directeurs généraux d’ARS, certaines exprimaient assez clairement la dualité fonctionnelle44. Ensuite, depuis qu’elle existe, c’est-à-dire depuis l’instauration des agences régionales de l’hospitalisation (ARH) en 199645, cette hypothèse de dualité fonctionnelle transparaissait aussi de certaines dis-positions du Code de la santé publique. Par exemple, s’agissant des actes de la planification sanitaire (schémas et autorisations), il a toujours été prévu à leur encontre la possibilité (autrefois même l’obligation) d’un recours hiérarchique auprès du ministre en charge de la santé. Du reste, aujourd’hui que le pouvoir hiérarchique des ministres est pleinement reconnu, rien ne semble empêcher de considérer que tous les actes pris par le directeur général d’ARS au nom de l’État sont susceptibles d’un recours hiérarchique auprès du ministre, dans la mesure où il est traditionnel d’envisager le pouvoir de correction du supérieur hiérarchique (annulation et réformation des actes du subordonné) comme une prérogative qu’il détient même sans texte46. Enfin, restant sur le terrain conten-tieux, la jurisprudence administrative admettait bien avant les arrêts du Conseil d’État du 12 décembre 2012 que la responsabilité de l’État, et non celle de l’agence régionale, était engagée en cas de refus illégal par cette dernière d’une autorisation sanitaire47.

44 Voir par exemple : Instruction DAJ/CTX n° 2011-182 du 17 juin 2011 relative au traitement des contentieux relevant des compétences transférées des services de l’État aux agences régionales de santé par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 : « Les agences régionales de santé se sont substituées à compter du 1er avril 2010 aux agences régionales de l’hospitalisation, aux groupe-ments régionaux de santé publique et, en partie, aux directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales. Elles prennent depuis cette date de nombreuses décisions, soit au nom de l’État, soit au titre de leur compétence de gestion propre ».45 Avec des différences bien sûr entre ARS et ARH, lesquelles tiennent à la nature juridique et à l’organisation différenciée des deux types d’agences régionales. Par exemple, les ARH étaient des groupements d’intérêt public et comportaient une commission exécutive, organe délibérant dé-tenant, aux termes de l’ancien article L.6115-4, les compétences les plus importantes de l’agence.46 CE, sect., 30 juin 1950, Quéralt, Rec. CE, p. 413 ; DS, 1951, p. 246, concl. J. Delvolvé.47 Voir par exemple : CAA Douai, 17 mai 2000, Cts Villette, RDSS, 2001, p. 749, obs. M. Cor-mier ; CAA Paris, 10 mai 2006, Ministre de la Santé, Revue Droit & Santé, 2007, p. 248, concl. B. Folscheid.

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Il n’en demeure pas moins que la solution rendue par le Conseil d’État peut éga-lement faire surgir un certain embarras, en ce sens que l’autonomie des ARS, en tant qu’établissements publics, en ressort réduite à la portion congrue. Bien sûr, le Conseil prend soin d’inclure dans la hiérarchie administrative les seules com-pétences des directeurs généraux d’ARS agissant au nom de l’État et d’exclure celles « attribuées à une autre autorité au sein de ces agences ». Toutefois, cela ne paraît devoir désigner que le conseil de surveillance de l’ARS, qui détient des prérogatives plus que limitées (CSP, art. L.1432-23) au regard de celles dont disposait la commission exécutive des ARH. Que reste-t-il donc de l’autonomie des ARS après un tel arrêt ? La réponse se situe en fait dans la solution de l’autre arrêt rendu le même jour par le Conseil d’État.

Le directeur général de l’ARS, chef de service

Dans cette seconde affaire, un autre syndicat, le Syndicat des médecins inspec-teurs de santé publique (SMISP), demandait au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° DRH/DRH2B/2011/242 du 22 juin 2011 relative à la gestion des astreintes effectuées par les personnels des agences régionales de santé. Aussi, le juge administratif était interrogé sur le point de savoir si le pouvoir hiérarchique des ministres (ici le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé et le ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale) sur les ARS s’éten-dait jusqu’à l’organisation de leurs propres services, en fixant notamment plu-sieurs règles d’organisation des astreintes au sein des agences (catégories de per-sonnels concernées, nombre maximal d’astreintes par an pour un agent, etc.).

Cette fois-ci, le Conseil d’Etat, inversant les termes de sa première solution, conclut que la personnalité morale conférée aux ARS empêchait les ministres d’agir de la sorte : « Si les compétences qui sont confiées aux agences régionales de santé par l’article L.1431-2 du Code de la santé publique sont, en vertu de l’article L.1432-2 du même code, exercées par leurs directeurs généraux au nom de l’État, sauf lorsqu’elles ont été attribuées à une autre autorité au sein de ces agences, et si, par suite, en l’absence de dispositions contraires, ces directeurs généraux sont, en tant qu’autorités agissant au nom de l’État, soumis au pouvoir hiérarchique des ministres compétents, les agences régionales de santé sont, aux termes de l’article L.1432-1 du Code de la santé publique, des établissements publics distincts de l’État ; qu’il ne résulte ni de ces dispositions ni d’aucune autre que les ministres détiennent un pouvoir d’organisation des services de ces agences ; qu’un tel pouvoir relève, au sein de chaque agence, du seul directeur général, en tant que chef de service, sans qu’il puisse, à ce titre, recevoir d’ins-tructions de la part des ministres ; que, dès lors, les ministres signataires de la circulaire attaquée n’étaient pas compétents pour fixer les règles d’organisation des astreintes au sein des agences régionales de santé ; que les dispositions cor-respondantes de la circulaire attaquée doivent, par suite, être annulées ».

En somme, l’ARS, comme tout établissement public, est dotée d’une certaine autonomie de gestion et d’organisation, que ne peuvent modifier les ministres en tant que supérieurs hiérarchiques de son directeur général. Cela paraît tout à

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fait conforme à la théorie de la dualité fonctionnelle qui implique ici, aux termes de l’article L.1432-2 du Code de la santé publique, que seul le directeur général de l’ARS doit être considéré comme une autorité de l’État lorsqu’il agit en son nom. Cela met également en relief la distinction, pas toujours évidente à for-muler, qui existe entre supérieur hiérarchique et chef de service. Si la plupart du temps les deux se confondent (comme le confirme d’ailleurs le cas du directeur général à l’intérieur de l’ARS, à la fois chef du service et supérieur hiérarchique), il importe de faire le départ entre les attributions qui relèvent de l’un et l’autre. En l’absence de texte spécial, seul le chef de service dispose, au sens de l’arrêt Jamart48, d’un pouvoir d’organisation du service, le supérieur hiérarchique ne trouvant de compétences (instruction, correction) que pour l’exécution du ser-vice49. Or, la décentralisation, certes technique, mais bien réelle, qui a présidé à la création des ARS contribue à dissocier les fonctions de supérieur hiérarchique de celles de chef de service (les services déconcentrés autrefois compétents, DDASS et DRASS, ayant disparu). Cela permet de rappeler enfin qu’en tant que service décentralisé les ARS sont soumises à une tutelle ministérielle (CSP, art. L.1432-1) à la fois plurielle et resserrée. C’est ainsi que les ministres chargés de la santé, de l’assurance-maladie, des personnes âgées et des personnes handi-capées président le Conseil national de pilotage des ARS (CSP, art. L.1433-1) et signent avec elles des contrats d’objectifs et de moyens (CSP, art. L.1433-2). En outre, le directeur général exerçant ses compétences au nom de l’État, le rôle des préfets n’est pas non plus à négliger et pose parfois problème50.

En dernier lieu, l’on fera remarquer que la formule de la solution des deux arrêts du Conseil d’État semble impliquer que l’article L.1431-2 contient l’ensemble des compétences des ARS. Toutefois, certaines compétences des ARS peuvent figurer dans d’autres dispositions du Code de la santé publique sans être expres-sément répertoriées dans la liste de l’article L.1431-2. Tel est par exemple le cas de la conclusion des contrats d’objectifs et de moyens avec chaque titu-laire d’autorisation sanitaire. Le directeur général de l’ARS les signe (CSP, art. L.6114-1), mais pas au nom de l’État, cette compétence ne figurant nulle part dans l’article L.1431-2.

Quoi qu’il en soit, si selon le doyen Hauriou, il n’y a « que deux façons possibles d’être rattaché à un ministère, […] la hiérarchie ou la tutelle »51, force est bien de reconnaître que le directeur général de l’ARS participe autant de l’une que de l’autre. Au contraire de ce qui est souvent avancé à propos de la création des

48 CE, sect., 7 février 1936, Jamart, Rec. CE, p. 172 ; S., 1937, III, 113, note J. Rivero.49 Sur la teneur de cette distinction, voir : chauvet (C.), op. cit., n° 144.50 Voir : aPollIs (B.), « Les préfets et la santé après la loi du 21 juillet 2009 », in cormIer (M.), dir., Le volet hospitalier de la loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoires », n° spécial RGDM, 2011, p. 59 et s. ; cour des comPtes, « La mise en place des agences régionales de santé », in La sécurité sociale – Rapport 2012 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, chapitre VIII, p. 247.51 CE, 10 novembre 1916, Chambre des notaires d’Issoire, S., 1918-1919, III, p. 17, note M. Hau-riou.

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ARS, cette dualité fonctionnelle ne favorise certainement pas la simplification du système de santé. Elle confirme néanmoins qu’en France la santé constitue irrémédiablement une « affaire d’État »52.

6. – En écho aux propos de Claude Évin par Michel Laforcade53

Je voudrais dire en préambule, au-delà de tout propos de circonstance, combien je me retrouve dans la description de ces deux premières années d’ARS par Claude Évin. Cela est d’autant plus frappant que les deux ARS qui me servent de référence – Limousin et Aquitaine – sont fort différentes de l’Ile-de-France, en taille, géogra-phie et démographie. Notre système de santé doit donc présenter des probléma-tiques relativement homogènes sur l’ensemble du territoire national.

Claude Évin appelle de ses vœux quelques évolutions du droit positif auxquelles je souscris mais qui, au final, sont certes stratégiques mais peu nombreuses. Peut-être faut-il y voir un appel implicite à une relative stabilité normative. J’ajouterai cependant une autre piste : autant les ARS ont fédéré plusieurs enti-tés éparses, autant elles ont créé une séparation entre les responsabilités sani-taires et sociales, la question sociale relevant des DRJSCS, DDCS, DDCSPP et des conseils généraux. D’aucuns prônent déjà des ARSS, agences régionales de la santé et du social. Ce débat, quelle qu’en soit l’issue, méritera d’être mené. L’immense majorité des déterminants de santé ne relèvent pas du soin mais au premier chef des conditions de vie culturelles et sociales de la population. En dehors même de toute évolution éventuelle de leurs compétences, les ARS sont confrontées à la question de la santé des plus démunis et en font une priorité notamment autour d’un enjeu fort : comment amener le système de santé à « aller vers » la population en difficultés ou simplement isolée ?

Au-delà même des modifications constatées ou à venir du droit, ces trois pre-mières années des ARS ont montré à quel point des politiques prioritaires s’im-posent à nous. Je n’en citerai que quelques-unes :

- La question de l’efficience d’abord (savoir pourquoi et comment on utilise chaque euro que l’on dépense et qui est le fruit de la solidarité nationale) sera cruciale dans les prochaines années, tant au sein d’une ARS que dans les établissements et services que l’on contrôle ; cela suppose le développement des compétences permettant aux ARS d’entrer dans l’analyse de la « boîte noire » d’un établissement dans toutes ses dimensions : financière, managé-riale, organisationnelle…

- La question de la transversalité qui, en interne comme en externe, va bien au-delà des textes, des outils ou de tel ou tel organigramme. Nous disposons

52 Rappr. sornIn (N.), « La santé, affaire d’État », Le Débat, 2011, n° 167, p. 124 et s.53 Directeur général de l’agence régionale de santé d’Aquitaine. Cette posture de témoin a été demandée à M. Laforcade ; elle s’inscrit dans la tradition des réactions aux verbatims.

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en ARS de beaucoup d’atouts permettant cette transversalité : une compé-tence sur la quasi-totalité des acteurs de santé, le FIR, bel outil de « fongi-bilité asymétrique » et donc de transferts de financement favorisant les par-cours sans rupture, les programmes du projet régional de santé qui presque tous concernent la transversalité dans ces dimensions les plus concrètes (de la télémédecine à la santé des plus démunis par exemple), les projets terri-toriaux de santé et les contrats locaux de santé qui permettent de traiter des parcours de soins pour les malades chroniques, les personnes âgées ou han-dicapées, les plus démunis… Mais au-delà de ces outils, la transversalité est aussi un combat quotidien pour que chaque acteur de santé se vive comme un élément d’un système cohérent.

- Le développement de la prévention, du dépistage et plus globalement de la santé publique sera l’un des critères tangibles de la véritable valeur ajou-tée des ARS ; un excellent système de soins régional ne fait pas pour autant un système de santé de qualité : l’ARS œuvre pour que les établissements de santé, les maisons de santé pluri-professionnelles, les cabinets libéraux soient davantage des lieux de prévention primaire, secondaire et tertiaire, de promotion de la santé, de dépistage… Des outils existent, d’autres seront vraisemblablement nécessaires du côté des nouveaux modes de rémunéra-tion du secteur libéral par exemple.

- La « lutte contre les déserts médicaux », pour reprendre une expression qui a fait florès, devient une préoccupation majeure de la population qui considère ce « service au public » indispensable : l’une des visibilités les plus tangibles de l’action de l’ARS se situe sur le terrain des douze engagements gouvernementaux.

- Enfin, la démocratie sanitaire régionale a progressé grâce à l’affirmation de la place de la conférence régionale de santé et à l’association des représen-tants des usagers au projet régional de santé mais, à l’évidence, les usagers et leurs représentants attendent davantage : les prochaines années seront vraisemblablement celles de leur association à la mise en œuvre des poli-tiques régionales et à leur évaluation ; les usagers ont une expertise, encore faut-il leur reconnaître, ce qui suppose encore quelques évolutions cultu-relles tant au sein d’une ARS qu’à l’extérieur.

7. – Les agences régionales de santé : un bilan mitigé selon Claude Évin

par Jean-Noël Cabanis54

Comment ne pas être en phase avec Claude Évin qui dresse un bilan sévère (ou mitigé) sur l’organisation qu’il dirige ? Mais qui, mieux que lui, pouvait témoi-gner des difficultés de la mise en œuvre d’une réforme qu’il avait approuvé ?

54 Directeur d’hôpital, ancien chef du département stratégie ressources à la Direction de l’hospi-talisation et de l’organisation des soins.

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Deux fois ministre de la Santé, parlementaire, président de la Fédération hos-pitalière de France, docteur en droit, avocat… son parcours et ses différentes responsabilités exercées au plus haut niveau lui confèrent toute légitimité pour ce « retour d’expérience ».

Il est vrai que ses propos concernent une région peu banale : l’Ile-de-France n’est pas la Picardie ni l’Auvergne, le changement de degré devient très vite un changement de nature, avec la responsabilité de la protection de 15 % de la population française. Il faut ajouter à cela que l’ARS d’Ile-de-France est une très lourde « machine », avec près de 1 300 personnes. Nous sommes loin des 15 personnes de l’organisation précédente, regroupées au sein d’une adminis-tration de mission sous l’appellation d’agence régionale d’hospitalisation (ARH).

Reprenons schématiquement les éléments mis sur la table par Claude Évin, en rappelant que ces propos ont été tenus à la fin de l’année 2011, soit deux ans et plus après l’installation des ARS. Les idées et thèmes développés sont grosso modo les suivants :

- la réforme n’est pas terminée, le rapprochement État – assurance-maladie est un problème récurrent pour notre système, qui permet aux profession-nels de négocier avec l’un ou l’autre selon leurs objectifs ; il en résulte une coupure franche du monde libéral avec les ARS, et des hostilités déclarées parfois ;

- les projets régionaux de santé (PRS) traduisent une vision globale positive de la nouvelle approche territoriale : rassembler le sanitaire, le social et le médicosocial est essentiel mais difficile, en raison de l’implication des collec-tivités territoriales et des nombreuses associations opératrices ; les modes de rémunération des professionnels ne sont pas neutres ;

- les attentes des usagers sont aujourd’hui plus fortes, et leur participation doit être encouragée ;

- la lutte contre les inégalités sociales de santé reste une priorité, notamment dans l’accès aux soins ;

- la question de l’autonomie du pilotage régional se pose déjà, avant même la stabilisation du dispositif, ainsi que le rôle du Conseil national de pilotage (CNP) ; les ARS revendiquent des marges de manœuvre.

On observera tout d’abord que ces propos seront repris en partie dans les re-commandations de la Cour des comptes dans son dernier rapport annuel55. Les faits donnent raison à Claude Évin sur de nombreux points, notamment sur le pilotage chaotique au niveau national et sur le poids des lobbies professionnels, y compris celui des préfets de département et de région. Il est donc important de donner du temps à cette grande réforme.

55 Rapport annuel de la Cour des comptes, chapitre consacré à la montée en charge des ARS.

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Essayons de commenter librement ce verbatim, avec le risque habituel et assu-mé de prêter à Claude Évin des idées qui ne seraient pas les siennes.

La responsabilité du ministre de la Santé est engagée dans le pilotage glo-bal donc dans la réussite ou l’échec des ARS

C’est le ministre de la Santé, et à travers lui la DGOS, qui est en charge de ce pilotage global, avec l’aide des opérateurs nouvellement créés dans le cadre d’une gigantesque réorganisation (débudgétisation) de l’État : pour le monde de l’offre de soins, on mentionnera l’ANAP, l’ATIH, le CNG ; pour le monde plus large de la santé, la DGOS n’est plus seule56, il lui faut compter avec d’autres di-rections centrales du ministère, telles la DGCS (cohésion sociale), la DGS (santé), la DSS (sécurité sociale), sans oublier les services et directions spécialisés comme la DREES, et les services supports autour du secrétariat général (SG) dont le rôle de coordination ne se limite pas aux services de l’administration centrale mais touche aussi et surtout les ARS, ce qui laisse penser que nous sommes encore et pour longtemps dans un État hyper centralisé, faussement girondin.

Comment aussi ne pas remarquer que chaque ministre de la Santé se laisse faci-lement polluer par les questions d’actualité : les drames, les conflits, les grognes diverses, qu’elles émanent des administratifs ou des soignants, ou de certaines catégories impliquées dans le premier recours ? On pense ici aux ambulanciers, taxis, qui détiennent de véritables rentes sur l’assurance-maladie. À l’industrie du médicament, aux fabricants de pilules de « nouvelle génération »… Mais aussi aux kinésithérapeutes, aux pédicures-podologues et autres professionnels qui font « pleurer » la nomenclature des actes professionnels, sans émouvoir l’assurance-maladie. Et cela est d’autant plus tentant que la population de pa-tients chroniques, donc bien vivants, potentiellement récurrents et toujours sol-vables, est en forte croissance.

L’argument de la réponse à la demande – donc au besoin indiscutable parce qu’indiscuté – est donc bien réel, mais doit avoir pour contrepartie une maî-trise globale des enveloppes, soit imposée par l’État, soit négociée par l’assu-rance-maladie. C’est le rôle difficile que joue présentement la DGOS, étranglée par toutes ces pressions contradictoires et injonctions paradoxales. Ce travail est quotidien et particulièrement ingrat, car il s’adresse à des experts qui, par construction, n’ont pas cette vision panoramique indispensable. Et cette res-ponsabilité est trop facilement déléguée aux ARS à travers des instructions trop nombreuses (300 par an), trop lourdes, trop complexes…

On comprend donc que face à cette complexité bien réelle le meilleur choix du politique d’un ministre sera l’indécision. Et que les directeurs d’ARS seront attentifs à ces indécisions, ce qui est assez cocasse.

56 Annie Podeur, ancienne directrice de la DGOS, se considérait comme « l’actionnaire principale du CNP », donc comme le chef de file des directions centrales face aux ARS (2010-2011).

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Celle-ci se traduira par des arbitrages mesquins fondés sur des considérations d’opportunités locales ou amicales, mais rien ne pourra contester le bien-fondé de ces arbitrages dans la mesure où l’évaluation est soit inexistante, soit redon-dante (des rapports de l’IGAS qui s’enchaînent) et dans la mesure aussi où les critères de décision sont improbables et toujours contestés par les protagonistes (l’exemple de la chirurgie cardiaque parisienne est révélateur de ces atermoie-ments).

Le résultat n’est pas forcément positif pour les ARS, qui doivent le plus souvent suivre les instructions mitigées du cabinet du ministre, lorsqu’elles existent. Il en résulte un certain discrédit sur le poids et le pouvoir réel des ARS sur leurs « territoires ». Par ailleurs comment ne pas mentionner ici la faible longévité de certains directeurs généraux, toujours interprétée comme un échec dans le huis clos des responsables ?

La réforme HPST de juillet 2009, ou loi Bachelot, doit bénéficier du concours de tous

Certains ont pu penser que la loi Bachelot était une loi de « gauche » alors qu’elle est tout simplement consensuelle ? Et bien, la loi Fourcade marquera le retour de la « droite », en dépit de la censure partielle du Conseil constitution-nel au mois d’août 2011 ! Comme la loi Touraine devrait marquer le retour de la gauche avec la renaissance de la notion de service public hospitalier (SPH), sans que l’on sache très bien ce que cela signifiera concrètement.

Tous les textes d’application de la loi de 2009, pourtant indispensables, ne sont aujourd’hui pas parus… malgré 135 publications au Journal officiel. Pour la loi Fourcade, ce n’est pas moins de 25 textes d’application qui seraient nécessaires, ce qui laisse rêveur. Et encore les propositions d’Elisabeth Hubert n’ont-elles pas été prises en compte, à son grand dam d’ailleurs !

HPST, c’est en effet le cadre juridique de tous les dispositifs de santé actuels, et il n’est pas question de revisiter les 2 500 pages du Code de la santé publique. Il faut reconnaître au président Larcher et à Roselyne Bachelot le courage d’avoir affronté les lobbies du système. Mais pas assez cependant pour que les choses changent vraiment. Et on l’a vu en juillet 2011 avec le vote de la loi Fourcade. L’année 2013 apportera sans doute quelques surprises après le « pacte de confiance » porté par Édouard Couty.

Les thèmes fondamentaux traités par la loi sont bien connus de tous, même s’ils restent peu commentés (les textes d’application viendront moduler la plupart des dispositifs votés par le Parlement, et les exégètes ne se bousculent pas) ; ils ont fait l’objet de débats, suscité des manifestations, voire des « appels », solida-risé le temps d’un café-crème des hospitalo-universitaires et des hospitaliers de tous grades, pour ceci et contre cela, ni vraiment pour ni définitivement contre, mais surtout, bien au contraire ! On a ainsi vu des professeurs d’université appe-ler à la suppression de certaines dispositions de la loi Bachelot favorisant le

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rapprochement de l’hôpital avec l’entreprise, la marchandisation de la santé, le temps d’un défilé avec la CGT, et retourner ensuite à leurs activités privées57.

Une grande loi qui a besoin de temps

Cette loi est et restera sans doute une grande loi, comme la loi Kouchner de mars 2002, et plus loin de nous les « ordonnances Debré » de 1958 et la « loi Boulin » de 1970. Elle a été concertée et elle réalise des ouvertures que l’on peut qualifier de libérales, témoignant d’une volonté de faire bouger les lignes : gou-vernance, code des marchés publics, regroupements, délégation de tâches, cer-tification des comptes… Elle révise et actualise les ordonnances connues sous le nom de « plan Juppé » et aussi certaines recommandations du Livre blanc sur la santé et l’assurance-maladie, coordonné par Raymond Soubie.

Tous les acteurs sont concernés : directeurs, professionnels, usagers, et les pro-pos de Claude Évin le rappellent à juste titre.

Les usagers, les indicateurs de qualité sont à nouveau inscrits dans les disposi-tifs législatifs. Il faut y voir une certaine constance, la première loi traitant cette question – du moins l’abordant sans la traiter – date de 1983 : obligation était alors faite à la CMC (CME aujourd’hui) de présenter un rapport annuel sur la qualité des soins devant le CA… L’article 5 de la loi établit le lien entre les usa-gers et la qualité, et c’est une excellente nouvelle. On ne traite pas de la qualité en famille, il faut désormais compter avec la HAS et la Conférence nationale de santé, où les représentants des usagers se font entendre, et écouter.

Concernant l’accès aux soins, une tentative de définition du premier recours (article 36 de la loi) retiendra notre attention. Ces dispositions figurent désor-mais dans le Code de la santé publique (art. L.1411-11) et il conviendra d’être vigilants sur l’interprétation que pourra donner le juge administratif (voire judi-ciaire) dans l’hypothèse où des carences ou fautes seraient constatées dans les obligations des professionnels. La proximité est en effet définie par les notions de « distance », de « temps de parcours », de « qualité » et de « sécurité ». C’est une disposition généreuse, mais difficilement applicable en l’état. D’ailleurs, la DGOS bataille ferme avec les libéraux pour faire avancer ce dossier, et semble découvrir que le premier recours c’est aussi « SOS Médecins »58 et les presta-taires de services à domicile (PSAD), sans oublier les services d’hospitalisation à domicile, avec leur présidente Elisabeth Hubert.

D’autres dispositions sont innovantes ou originales, et témoignent en tout cas d’une certaine cohérence ou logique visant à favoriser le meilleur accès aux

57 Dominique Laurent, conseillère d’État, doit rendre un rapport sur l’activité libérale à l’hôpital public début 2013.58 À signaler un événement exceptionnel au moment des fêtes de Noël 2012 : l’annonce par SOS Médecins (association de médecins libéraux) d’un mouvement de « grève », par la voix de son vice-président, Patrick Guérin.

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soins, notamment en contrôlant de manière vague les refus de soins opposés aux patients relevant de la CMU, ou mal couverts ; visant aussi à développer les coopérations entre professionnels, sans que l’on sache si cette disposition répond à des objectifs professionnels ou démographiques, sans doute les deux.

D’autres enfin sont tout à fait spécifiques, de portée générale, comme la créa-tion de l’Ordre des infirmiers, ou particulière, comme la télémédecine, les la-boratoires de biologie, la lutte contre le dopage, la compétence infirmière en matière de contraception, l’attention portée au surpoids et aux psychothéra-peutes (article 91). Le concept d’éducation thérapeutique du patient, qui avait patienté dans l’antichambre des poncifs de santé publique, est dévoilé au grand jour (article 84) : qu’en feront les acteurs concernés ?

Ce n’est d’ailleurs pas le moindre des paradoxes que de constater qu’une majo-rité parlementaire libérale a été conduite à adopter de telles mesures sur les pro-positions de son gouvernement ! L’opposition du moment aurait-elle fait plus ou mieux ?

C’est donc à nos yeux une grande loi, qui reste à écrire cependant, car on ne saurait se satisfaire du débat parlementaire passé. Il est cependant à espérer que les avis de tempête qui s’annoncent au plan des finances publiques ne seront pas exploités au détriment des innovations les plus généreuses de cette loi, comme a pu le faire en 2011 la loi Fourcade.

En guise de conclusion…

Il est possible et même assez facile de mettre en équation la solidarité entre générations, de faire de la prospective sur les déficits, de mesurer l’évolution des comportements et leurs conséquences sur l’assurance-maladie, d’analyser la démographie professionnelle, d’en corriger les insuffisances (avec un impact à 15 ans environ), tout cela est possible, et tout cela se réalise chaque jour. Les travaux engagés par les ARS sur les « zonages » mériteraient sans doute d’être mieux connus du public.

En revanche, il paraît vain de chercher un modèle en oubliant que son applica-tion entraînera immanquablement des conséquences mal évaluées pour cha-cun, d’une part, et surtout des changements radicaux, d’autre part, dans les comportements, qu’ils soient consuméristes ou toxiques.

Il faut donc du courage pour réformer, et accompagner dans la durée des hommes et des femmes qui aiment leur profession. La loi HPST a abordé tous ces sujets, malgré les corporatismes. C’est ce que laisse entendre Claude Évin.

Mais on voit aussi qu’elle a été amendée, voire corrigée, sous la pression de ces mêmes corporatismes… et que ceux-ci sont pérennes.

Chacun, parmi les directeurs généraux d’ARS, s’accorde pour dire : « Laissez-nous du temps, le processus est long ». Ils n’ont pas tort et Claude Évin nous le confirme par ses propos mesurés. Pourtant, le système est très lourd, et son pilotage incertain au niveau national. Les critiques des directeurs généraux sont

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sourdes en privé, mais récurrentes. Il faut en tenir compte. La Cour des comptes les a entendus apparemment, car elle dénonce dans son dernier rapport l’omni-présence de l’État à l’égard des ARS. Cela, Claude Évin ne le dit pas.

Ajoutons à ce tableau les difficultés du financement des comptes sociaux et l’impossible réforme des relations entre l’État et l’assurance-maladie.

Les objectifs régionaux de l’assurance maladie (ORDAM) doivent être construits rapidement afin que les ARS aient entre les mains la totalité des enveloppes aujourd’hui disséminées, crédits fléchés des missions d’intérêt général (il y a environ une centaine de lignes de missions d’intérêt général – MIG – qui corres-pondent à des crédits fléchés de l’ordre de 8,5 milliards destinés essentiellement au secteur public ; on comprend mieux les recours en annulation déposés par une partie de la FHP devant les juridictions européennes), les financements liés aux plans de santé publique… Ce n’est qu’avec l’association de financements aussi disparates cependant que les ARS pourront disposer de financements vrai-ment fongibles, y compris avec le secteur ambulatoire !

La partie n’est donc pas gagnée et le mérite de Claude Évin est d’avoir pointé l’essentiel des défis à relever.

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Matthieu PiccoliSecrétaire général de la Société française et francophoned’éthique médicale (SFFEM)

Deux ans d’ARSConférence de Claude Évin du 13 mars 2012,Université Paris Descartes

RubriqueInteractions entre médecine et droit de la santé(Extrait de la RGDM n° 45 et 46, décembre 2012 et mars 2013)

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