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INFOS 11 e numéro – sept/déc. 2011 Actualité juridique, économique, fiscale et sociale des activités économiques d’Afrique Jurifis Info est une publication de la Société d’Avocats JURIFIS CONSULT • Tel:(+223) 20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 / Télécopie : (+223) 20.22.40.22 Site web: www.jurifis.com / E-mail: [email protected] SOMMAIRE Jurifis Info est une publication de la Société d’Avocats JURIFIS CONSULT • Tel:(+223) 20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 / Télécopie : (+223) 20.22.40.22 Site web: www.jurifis.com / E-mail: [email protected] SOMMAIRE ACTUALITES Les arbitres et avocats africains face à l’arbi- trage international Me Mamadou KONATE Deux ou trois mots au sujet de la révision de la constitution malienne de 1992 Me Mamadou KONATE ETUDES L’action de priorité dans l’OHADA Dr Bérenger MEUKE Observations sur la gouvernance des S.A avec Conseil d’administration en OHADA : Moniste ou dualiste ? Dr Bérenger MEUKE & Me Mamadou KONATE CHRONIQUES Le principe compétence-compétence en ma- tière d’arbitrage OHADA (Note sous Arrêt Ass Plénière de la CCJA du 31 janv 2011 (Planor Afrique c/ Atlantique TELECOM) Dr Bakary DIALLO La répartition des compétences dans un litige où s’entrechoquent et se mêlent les matières ju- ridiques harmonisées et les matières juridiques non harmonisées (Note Arrêt C.Cass Sénégal n° 36 (Jamel SALEH c/ Sté ULMAN sa) et n° 37 (Alioune BABOU c/ Mbacké DRAME) du 19/01/2005 Dr Bakary DIALLO INFORMATIONS PRATIQUES Le silence du Conseil d’Administration après l’augmentation par le Directeur Général d’une SA de l’espace OHADA, de sa rémunération vaut-il approbation de la mesure prise? Brèves réflexions sur la garantie des crédits ac- cordés par les établissements financiers aux collectivités locales en zone OHADA Dr Bérenger MEUKE La procédure de data room en OHADA LU POUR VOUS La répression des crimes contre l’humanité en Afrique Me François SERRES Chers Lecteurs, V ous êtes toujours encore plus nombreux à nous lire et à nous exprimer vos vifs encouragements et félicitations pour l’initiative de créer une Revue et surtout, pour la qualité des informations que nous vous communiquons à travers notre Revue d’informa- tions juridiques internes. Vos encouragements nous permettent de nous améliorer sans cesse et de poursuivre cette initiative de la Revue que nous partageons désormais avec vous tous. C’est pour cette raison et pour servir d’avantage que nous avons décidé de faire peau neuve en cette fin d’année. Vous remarquerez, sans doute pour vous en réjouir que, aussi bien la forme de la Revue, que le design et le contenu de la Revue changent. Vous remarquerez et ap- précierez le logo reformé du Cabinet. Le tout ne visant d’autre objectif que celui d’évoluer vers plus de visibilité, de vivacité, de modernité et d’esprit d’ouverture vers le savoir et les expériences des autres. Pour vous servir, l’équipe de la Revue, sous la direction de Mamadou KONATE du Mali, continuera avec le Camerounais Bérenger MEUKE, le Sénégalais Bakary DIALLO, et bien d’autres personnes encore à animer les rubriques « Actualités », « Etudes », « Chroniques » et « Informations Pratiques » de votre Revue qui paraitra désormais bimestriellement, ce, à compter de janvier 2012. Puissent ces nouvelles initiatives traduire au mieux notre volonté et notre ambition de faire de Jurifis Info, un véritable outil d’information et de communication du droit et de la pratique du droit. Nous restons convaincus de ce que notre démarche est la bonne, tant la moderni- sation du cadre juridique des activités économiques en Afrique n’est pas simple- ment une question de réglementation législative. Dans ce nouveau numéro, la Revue traite de différents sujets dont celui de la problé- matique des Arbitres et Avocats africains dans le contexte de l’arbitrage international. Dans le cadre d’une communication faite à l’occasion d’un séminaire à Paris où il était invité, Maitre Mamadou Ismaila KONATE a estimé qu’« au delà de sa mission classique, l’avocat africain doit jouer sa partition dans la promotion de l’arbitrage international à travers, d’une part, l’assistance qu’il offre dans la mise en place de la convention d’arbitrage et celle de la procédure arbitrale, et d’autre part, à travers sa fonction même d’arbitre. ». Pour lui, « si les dispositions de la loi relative à l’ar- bitrage laissent aux parties la liberté de choix quant à la désignation de leurs arbi- tres, les avocats peuvent remplir cette mission d’arbitrage. » Dans un premier temps, un commentaire d’un arrêt rendue par l’Assemblée plé- nière de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) relatif au principe « compétence-compétence » le Docteur Bakary DIALLO, par ailleurs Avocat, estime qu’« en plaçant sa motivation sur le terrain de la violation de l’ordre public inter- national en ce que les arbitres auraient méconnu l’arrêt de la Cour d’appel de Oua- gadougou ayant acquis la force de chose jugée, le juge supranational donne une mauvaise perception du rôle de l’arbitre dans l’appréciation de sa propre compé- tence au regard du principe compétence-compétence ». Enfin, au moment même où des experts travaillent à relire l’Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales, la Revue Jurifis Info s’est interrogée sur la question de savoir si dans le cadre de la gouvernance des Sociétés Anonymes en OHADA, il fallait voir dans le choix des actionnaires pour le mode moniste avec PDG l’expression d’un échec de la gouvernance, dissocié en mode dual avec PCA et DG ? Pour le Docteur Bérenger MEUKE également Avocat et Maitre Mamadou Ismaïla KONATE, « autant la gouvernance duale peut permettre une dissociation des pouvoirs de direction, autant elle peut aboutir de part les rapports de force qui naissent très souvent entre le Directeur Général et l’actionnariat, à une paralysie de la gestion sociale et partant à la chute de l’entreprise. » Toute l’équipe de Jurifis Info vous présente leurs vœux pour l’année 2012. Le Comité de Rédaction

REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

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INFOS

11e numéro – sept/déc. 2011

Actualité juridique, économique, fiscale et socialedes activités économiques d’Afrique

Jurifis Info est une publication de la Société d’Avocats JURIFIS CONSULT • Tel:(+223) 20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 / Télécopie : (+223) 20.22.40.22Site web: www.jurifis.com / E-mail: [email protected]

SOMMAIRE

Jurifis Info est une publication de la Société d’Avocats JURIFIS CONSULT • Tel:(+223) 20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 / Télécopie : (+223) 20.22.40.22Site web: www.jurifis.com / E-mail: [email protected]

SOMMAIRE

≥ACTUALITES

Les arbitres et avocats africains face à l’arbi-trage internationalMe Mamadou KONATE

Deux ou trois mots au sujet de la révision de laconstitution malienne de 1992 Me Mamadou KONATE

≥ETUDES

L’action de priorité dans l’OHADADr Bérenger MEUKE

Observations sur la gouvernance des S.A avecConseil d’administration en OHADA : Monisteou dualiste ?Dr Bérenger MEUKE & Me Mamadou KONATE

≥CHRONIQUES

Le principe compétence-compétence en ma-tière d’arbitrage OHADA (Note sous Arrêt AssPlénière de la CCJA du 31 janv 2011 (PlanorAfrique c/ Atlantique TELECOM)Dr Bakary DIALLO

La répartition des compétences dans un litigeoù s’entrechoquent et se mêlent les matières ju-ridiques harmonisées et les matières juridiquesnon harmonisées (Note Arrêt C.Cass Sénégal n°36 (Jamel SALEH c/ Sté ULMAN sa) et n° 37(Alioune BABOU c/ Mbacké DRAME) du19/01/2005Dr Bakary DIALLO

≥INFORMATIONS PRATIQUES

Le silence du Conseil d’Administration aprèsl’augmentation par le Directeur Général d’uneSA de l’espace OHADA, de sa rémunérationvaut-il approbation de la mesure prise?

Brèves réflexions sur la garantie des crédits ac-cordés par les établissements financiers auxcollectivités locales en zone OHADADr Bérenger MEUKE

La procédure de data room en OHADA

≥LU POUR VOUS

La répression des crimes contre l’humanité enAfriqueMe François SERRES

Chers Lecteurs,

Vous êtes toujours encore plus nombreux à nouslire et à nous exprimer vos vifs encouragementset félicitations pour l’initiative de créer une Revue

et surtout, pour la qualité des informations que nousvous communiquons à travers notre Revue d’informa-tions juridiques internes.

Vos encouragements nous permettent de nous améliorersans cesse et de poursuivre cette initiative de la Revueque nous partageons désormais avec vous tous.

C’est pour cette raison et pour servir d’avantage que nous avons décidé de fairepeau neuve en cette fin d’année.

Vous remarquerez, sans doute pour vous en réjouir que, aussi bien la forme de laRevue, que le design et le contenu de la Revue changent. Vous remarquerez et ap-précierez le logo reformé du Cabinet. Le tout ne visant d’autre objectif que celuid’évoluer vers plus de visibilité, de vivacité, de modernité et d’esprit d’ouverturevers le savoir et les expériences des autres.

Pour vous servir, l’équipe de la Revue, sous la direction de Mamadou KONATE duMali, continuera avec le Camerounais Bérenger MEUKE, le Sénégalais BakaryDIALLO, et bien d’autres personnes encore à animer les rubriques « Actualités »,« Etudes », « Chroniques » et « Informations Pratiques » de votre Revue qui paraitradésormais bimestriellement, ce, à compter de janvier 2012.

Puissent ces nouvelles initiatives traduire au mieux notre volonté et notre ambitionde faire de Jurifis Info, un véritable outil d’information et de communication dudroit et de la pratique du droit.

Nous restons convaincus de ce que notre démarche est la bonne, tant la moderni-sation du cadre juridique des activités économiques en Afrique n’est pas simple-ment une question de réglementation législative.

Dans ce nouveau numéro, la Revue traite de différents sujets dont celui de la problé-matique des Arbitres et Avocats africains dans le contexte de l’arbitrage international.

Dans le cadre d’une communication faite à l’occasion d’un séminaire à Paris où ilétait invité, Maitre Mamadou Ismaila KONATE a estimé qu’« au delà de sa missionclassique, l’avocat africain doit jouer sa partition dans la promotion de l’arbitrageinternational à travers, d’une part, l’assistance qu’il offre dans la mise en place dela convention d’arbitrage et celle de la procédure arbitrale, et d’autre part, à traverssa fonction même d’arbitre. ». Pour lui, « si les dispositions de la loi relative à l’ar-bitrage laissent aux parties la liberté de choix quant à la désignation de leurs arbi-tres, les avocats peuvent remplir cette mission d’arbitrage. »

Dans un premier temps, un commentaire d’un arrêt rendue par l’Assemblée plé-nière de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) relatif au principe« compétence-compétence » le Docteur Bakary DIALLO, par ailleurs Avocat, estimequ’« en plaçant sa motivation sur le terrain de la violation de l’ordre public inter-national en ce que les arbitres auraient méconnu l’arrêt de la Cour d’appel de Oua-gadougou ayant acquis la force de chose jugée, le juge supranational donne unemauvaise perception du rôle de l’arbitre dans l’appréciation de sa propre compé-tence au regard du principe compétence-compétence ».

Enfin, au moment même où des experts travaillent à relire l’Acte Uniforme relatifau Droit des Sociétés Commerciales, la Revue Jurifis Info s’est interrogée sur laquestion de savoir si dans le cadre de la gouvernance des Sociétés Anonymes enOHADA, il fallait voir dans le choix des actionnaires pour le mode moniste avecPDG l’expression d’un échec de la gouvernance, dissocié en mode dual avec PCAet DG ? Pour le Docteur Bérenger MEUKE également Avocat et Maitre MamadouIsmaïla KONATE, « autant la gouvernance duale peut permettre une dissociationdes pouvoirs de direction, autant elle peut aboutir de part les rapports de force quinaissent très souvent entre le Directeur Général et l’actionnariat, à une paralysiede la gestion sociale et partant à la chute de l’entreprise. »

Toute l’équipe de Jurifis Info vous présente leurs vœux pour l’année 2012.

Le Comité de Rédaction

Page 2: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

ACTUALITÉ

L’arbitrage International « n’a pastoujours bénéficié d’une récep-tion aussi unanime  : selon les

époques et les pays, il a été parfoisignoré, contesté dans sa vocation, res-treint dans ses effets avant d’entrerdans une phase d’expansion crois-sante…»1;

En effet, le développement du com-merce international, phénomène quidécoule de la croissance de l’écono-mie mondiale et de l’internationalisa-tion progressive des économiesnationales, a également contribué àaccentuer l’importance de l’arbitrageinternational aussi bien sur le plan in-ternational que dans le continent afri-cain.

L’institution de la Cour Commune deJustice et d’Arbitrage (CCJA) et la miseen place progressive de divers centresnationaux dédiés à l’arbitrage dansbon nombre d’Etats du continent afri-cain témoigne de la place de choixque devrait bientôt occuper ce modede règlement de litige.

Or, la mis en place et le fonctionne-ment d’une telle institution dans lepaysage africain passe avant tout parune parfaite maîtrise du rôle de ses ac-teurs principaux que sont les arbitreseux mêmes. Il se trouve le plus souventque les avocats africains sont le plussouvent dédiés à cette mission, sansdoute en raison de formations de baseet de l’esprit d’indépendance dont ilsfont preuve dans le cadre de l’exercicede leurs missions.

Dans un contexte de plus en plus do-miné par le commerce transfrontalieret le cortège de litiges qui l’accom-pagne et qui implique nombre d’inté-rêts situés dans le continent africain, sepose la question de la place des arbi-tres africains dans l’arbitrage interna-tional (I) et le rôle spécifique desavocats africains voire africanistes dans

la promotion de l’arbitrage et la miseen œuvre des procédures arbitrales.

I- L’Arbitre africain dans le contextede l’arbitrage international :

Si l’arbitrage n’est pas un phénomènenouveau en Afrique, la place et lacontribution des arbitres africains dansl’arbitrage international méritentquelques réflexions.

I.1 Place des arbitres africains dansl’arbitrage international :

Confrontés, jadis, au nombre très li-mité d’africains ayant la formation re-quise et l’expérience nécessaire pourrésoudre les différends soumis à arbi-trage, les parties africaines ont le plussouvent placé leur confiance dans l’in-tégrité et l’impartialité des arbitresd’origine non africaine dans le règle-ment des différends concernant l’arbi-trage international en raison de leursgrandes expériences.

Ainsi, dans l’arbitrage CIRDI, les par-ties africaines recouraient fréquem-ment aux arbitres occidentaux enfonction de leur compétence et indé-pendamment de leur nationalité pourrégler leurs différends. Il en est ainsi :

– Du Maroc qui a désigné un arbitrefrançais dans l’affaire qui l’opposaità Holiday Inns en 1972  (AffaireCIRDI N° ARB/72/1, Rapport an-nuel 1980/1981.p.30 ;

– De la Côte d’Ivoire qui a nommé unarbitre suisse dans l’affaire qui l’op-posait à la société Adriano GardellaSPA (Affaire CIRDI N° ARB/74/1;

– Du Gabon qui a désigné un arbitrebelge dans l’affaire qui l’opposait àla société Serete SA (Affaire CIRDIN° ARB/76/1;

– Du Nigéria qui a désigné un arbitre

allemand dans le différend qui l’op-posait à Guadalupe Gas Product Af-faire CIRDI N° ARB/78/1 ;

Cette liste est loin d’être exhaustive etplusieurs autres pays africains commele Cameroun, le Libéria, le Ghana, laGuinée, la Tunisie, l’Egypte et la Tan-zanie ont également procédé de lamême manière en désignant des arbi-tres occidentaux et américains.(Source Revue Camerounaise de l’Ar-bitrage n°13, Avril- Mai- Juin 2001,p.3)2,

Dans sa publication connue égalementsous le nom « Affaires du CIRDI - Sta-tistiques » en son numéro 2011-1, leCentre nous renseigne que les arbitres,conciliateurs et membres de comitésad hoc nommés dans les affaires CIRDIsont de l’ordre de 2% pour l’Afriquesubsaharienne contre 48% pour l’Eu-rope Occidentale et 23% pour l’Amé-rique du Nord (Source « Affaires duCIRDI-Statistiques n° 2011-1, p.16))1.

Outre le manque d’expertise, ce re-cours aux arbitres étrangers pourraitégalement être justifié en partie parl’absence en Afrique en son temps decentres d’arbitrage à vocation univer-selle et de législations adéquates appli-cables.

Cette tendance qui a dominé pendantlongtemps l’arbitrage international enAfrique s’est déclinée peu à peu nonseulement avec l’émergence d’unenouvelle génération des juristes origi-naires des pays africains, dont l’expé-rience en matière d’arbitrage n’est plussujette à caution mais également avecl’institution de la CCJA et la mise enplace progressive des centres natio-naux d’arbitrage.

Ainsi, dans au moins sept cas, la partiedéfenderesse africaine ou le Présidentdu Conseil Administratif ont désignéun ou deux arbitres africains dans l’ar-

2 Jurifis Infos – 11e numéro – sept/déc. 2011

LES ARBITRES ET AVOCATSAFRICAINS FACE À L’ARBITRAGEINTERNATIONAL

Mamadou KONATEAvocat AssociéJURIFIS CONSULT

1 Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain

Par Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU, Docteur en Droit Public Chargé de Cours à l’Université de Yaoundé II2 Message de François Mitterrand au Parlement, 8 avril 1986

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ACTUALITÉ

bitrage CIRDI dans les différends quiopposaient des Etats africains aux en-treprises occidentales.

Il est même arrivé à certains Etats afri-cains de nommer leurs propres ci-toyens comme arbitres. C’est le cas deSOABI contre Sénégal  ; SPP contreEgypte ; Société d’Etudes des Travauxet de gestion SETIMEG Sa contreGabon…(Source Revue Camerounaisede l’Arbitrage n°13, Avril- Mai- Juin2001, p.8)2.

Cette nouvelle tendance s’est par lasuite élargie dans le cadre de l’arbi-trage commercial international avec lamise en place de la CCJA qui joue lafonction du Centre d’arbitrage à voca-tion universelle et les autres centresnationaux.

Cependant, en dépit de la ratificationdes différents instruments juridiquesinternationaux par la quasi totalité desEtats africains, de l’institution de laCCJA et de la mise en place progres-sive des centres nationaux d’arbitragequi ont fait naitre tant d’espoirs auprèsdes opérateurs économiques quin’avaient jusque là que la seule justiceétatique pour gérer leurs différends denature commerciale, force est de rele-ver que la participation des arbitresafricains à l’arbitrage internationalreste encore timide.

Dix ans après l’entrée en vigueur del’Acte Uniforme de l’OHADA relatif àl’arbitrage, la faible sollicitation deces différents centres, suscitequelques interrogations sur l’effica-cité de l’arbitrage. Plusieurs raisonsont été avancées pour expliquer untel décalage :

– La méconnaissance de ce mode derèglement des différends par les di-rigeants et les juristes qui les assis-tent dans la gestion des risquesjuridiques ;

– La non conversion des opérateurséconomiques nationaux à l’esprit deconvivialité et d’apaisement qui pa-rait gouverner les transactions com-merciales à travers le monde.

– Le manque d’ouverture des conseilsdes entreprises et des services juri-diques de celles-ci à la maîtrise dudroit de l’arbitrage.

– Les insuffisances de certains jugesdans le cadre de l’arbitrage ad hoc

ou de celles relevées auprès des ins-tances connaissant les recours enannulation, insuffisances qui portentatteinte à la célérité et à l’efficacitétant attendue de l’arbitrage et jettentdu coup un doute sur la crédibilitéde l’ensemble de la justice :

– Le préjugé des coûts élevés prati-qués dans le domaine de l’arbitrage.

Ce sont là, autant de défis à relever parles juristes africains dont l’apport et lacontribution sont essentiels pour lapromotion de l’arbitrage international.

I.2- Apports et contributions des arbi-tres africains :

L’arbitre, écrit CH.JAROSSON, est« un juge choisi »3. Ce choix est unemarque de confiance des parties etsuppose une prise en compte de laqualité, de la connaissance, de l’in-dépendance, de l’impartialité et dela grande expérience qu’incarnel’arbitre.

Ce choix reste primordial d’autant plusque le succès ou l’échec d’un arbi-trage dépens dans une large mesure dela qualité des arbitres désignés et deleurs familiarités aux affaires, objet dulitige.

Or, les facteurs ci-dessus évoquéspourraient constituer des obstaclespour les arbitres africains à jouer plei-nement leur partition dans l’arbitrageinternational.

Les défis à relever sont nombreux ettiennent entre autres à :

– L’impératif de formation des arbi-tres ;

– La sensibilisation pour la mise enplace effective des comités natio-naux (dont la plupart des pays afri-cains n’en ont pas encore) capablesde proposer la nomination des arbi-tres dans le cadre l’arbitrage CCI ;

– L’incitation des Etats africains à four-nir la liste des arbitres dans le cadrede l’arbitrage CIRDI  (certains Etatsn’ont pas encore déposé leurs listesauprès du Centre);

– La sensibilisation des entreprises pri-vées à privilégier l’arbitrage commemode de résolution des différends.

La redynamisation et la mise en placeeffective des centres nationaux d’arbi-tres.

C’est seulement à ce prix que les arbi-tres africains pourront pleinement par-ticiper à l’arbitrage international.

II- L’Avocat africain dans les procé-dures arbitrales :

La profession d’avocat a subi de pro-fondes mutations ces dernières annéesdans nombre de pays ressortissants ducontinent. Les conséquences de cesmutations sont diversement ressentiesdans.

3La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

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ACTUALITÉ

Longtemps confiné dans son rôle deplaideur, de conseil et considéré parles entreprises comme un mal néces-saire qu’il faudrait se garder de consul-ter le moins possible, l’avocat apparaîtaujourd’hui comme le principal« conseiller, assistant et mandataire »,l’un des professionnels quasi incon-tournable pour assurer le bon fonction-nement des entreprises face aurèglement de leurs litiges.

Face aux mutations économiques,technologiques et sociales auxquellesles entreprises sont confrontées ; faceaux exigences de la mondialisation,des mutations normatives et institu-tionnelles du droit de l’arbitrage etcelles liées à l’internationalisation dumécanisme de règlement des diffé-rends, l’avocat devient plus que jamaisle partenaire juridique privilégié, capa-ble d’offrir aux entreprises, les garan-ties indispensables de confidentialité,de compétence requise, d’indépen-dance et de responsabilité.

A ce titre, au delà de sa mission clas-sique, l’avocat africain doit jouer sapartition dans la promotion de l’arbi-trage international à travers, d’une part,l’assistance qu’il offre dans la mise enplace de la convention d’arbitrage etcelle de la procédure arbitrale, et d’au-tre part, à travers sa fonction mêmed’arbitre.

II.1 L’intervention de l’avocat dans lamise en place de la convention d’arbi-trage :

L’arbitrage est une matière qui ne laisseaucune place à l’improvisation. La cé-lérité de ce mode de règlement, outrel’impartialité et l’expertise des arbitres,requiert la présence de véritables spé-cialistes.

Les attentes des dirigeants des entre-prises à l’égard de leurs conseils ontconsidérablement accrues en raisondes exigences liées aux profondes mu-tations des normes, à l’émergence denouvelles disciplines et à la com-plexité des dossiers à traiter.

Dans un tel contexte, le rôle de l’avo-cat n’est plus à démontrer dans l’assis-tance des entreprises à l’occasiond’arbitrages internationaux qu’ilssoient ad hoc ou institutionnels.A ce titre, il assiste les entreprises àtous les stages de l’arbitrage et princi-palement dans :

– La négociation, la rédaction et la va-lidation des clauses compromis-soires et des compromis d’arbitrage ;

– La validation du choix du règlementd’arbitrage ou des règles de procé-dures stipulées dans les clauses adhoc ;

– La préparation de la mise en œuvred’une convention d’arbitrage et labonne articulation avec les clausesde médiation ou conciliationconventionnelle ;

– Le choix et la mise en œuvre de lastratégie précontentieuse ;

Le contrôle de la désignation et de l’in-dépendance des arbitres ;

II.2 Rôle de l’avocat dans la mise enœuvre de la procédure arbitrale :

Outre, son intervention dans la miseen œuvre de la clause arbitrale, l’avo-cat joue un rôle éminent dans laconduite de la procédure arbitrale. Acette phase, la mission de l’avocatconsiste essentiellement à préparer :

La mise en œuvre d’instance judiciairepréalable ou parallèle à la procédurearbitrale aux fins des mesures conser-vatoires (saisies), de mesures d’instruc-tions ‘experts, constats) ;

L’assistance dans la constitution du tri-bunal arbitral ;

La détermination et la mise en œuvrede la stratégie contentieuse généraledans les arbitrages complexes ;

La préparation et la rédaction des do-cuments (requêtes, mémoires etpièces).

Face au défi des mutations du droit desaffaires en général et de l’émergencedu droit de l’arbitrage en particulierdans l’espace OHADA, l’avocat doitconstamment mettre à jour l’ensemblede ses connaissances pour être à lahauteur des missions qui lui serontconfiées.

II.3 La fonction d’avocat-arbitre

Si les dispositions de la loi relative àl’arbitrage laissent aux parties la libertéde choix quant à la désignation deleurs arbitres, les avocats peuvent rem-plir cette mission d’arbitrage. Déjà, auXIXème siècle on considérait que « lesfonctions d’arbitre (…) élèvent enquelques sorte un avocat à la hauteurde la magistrature et (…) lui imposentcertainement tous les devoirs. » 1

Cependant, les activités d’arbitres nedoivent nullement avoir d’interactionavec des litiges connus par l’avocatdans sa pratique.

4 Jurifis Infos – 11e numéro – sept/déc. 2011

«Au delà de sa mis-sion classique, l’avo-cat africain doit jouersa partition dans lapromotion de l’arbi-trage international àtravers, d’une part,

l’assistance qu’il offredans la mise en place

de la conventiond’arbitrage et celle

de la procédure arbi-trale, et d’autre part,à travers sa fonction

même d’arbitre.»

Page 5: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

ACTUALITÉ

Le paradoxe d’une consultation ré-férendaire réside dans le fait quele citoyen électeur dispose, en

définitive, de très peu de marge de ma-nœuvre pour exprimer son opinion,réelle et complète, face à la questionqui lui est soumise. Une telle situationpeut, dans une certaine mesure,constituer une tare, un manque et unevéritable défaillance, même dans uncontexte dit de démocratie. Par exem-ple, en matière de révision de texteconstitutionnel, comme ce sera le casbientôt dans notre pays, le citoyenélecteur n’aura aucune autre possibi-lité que de répondre «  OUI  » ou« NON » ! A l’exception sans doutedes plus téméraires et irrédentistes ma-liens, plus déterminés à aller au-delàdu « OUI » et du « NON». Ceux-làvoudront opter pour un troisièmegeste, le boycott total ! Ce faisant, ilsvoudront manifester leurs désapproba-tions en refusant de prendre part etmême de répondre à la questionposée, à savoir : « Etes-vous « pour »ou « contre » la révision de la Consti-tution de 1992 telle que proposée auréférendum par Monsieur le Présidentde la République et votée par les Dé-putés » ?

Pour ne pas répondre à cette question,les plus déterminés décideront de fairela grève des urnes. Ceux-là auront-ilssuffisamment tort ou raison ? La ré-ponse à une telle interrogation est in-dividuelle. Il s’agit de questions etd’attitudes qui relèvent en définitive dela responsabilité de chaque citoyenélecteur, mis face à son « libre arbitre »et par rapport à l’objectif que chaqueindividu citoyen se fixe vis à vis dudestin national.

Dans un tel décor, le plus dur pour lesinitiateurs de la consultation référen-daire malienne à venir n’est pas tantde la réussir et de voir ainsi un campgagner contre un autre. Il est clair quedans une consultation comme celle-ci,

ce sera toujours un camp qui va ga-gner contre un autre. Mais dans lecontexte malien de l’heure, gagner ouperdre importe peu finalement. Seulela manière de gagner ou de perdre de-vrait compter. Et, cette manière enl’occurrence sera appréciée et mesu-rée en tenant compte du niveau réelde participation des citoyens électeursà cette consultation référendaire ; ensecond, cette consultation sera aussimesurée en tenant compte des scoresqui seront réalisés par les tenants du« OUI » et ceux du « NON ». Ce quiest clair, c’est que deux camps de ma-liens seront bientôt opposés dans une« conflagration politique » du « pour »ou du « contre » dans le cadre de larévision « ATT-DABA » de la constitu-tion de 1992.

La constitution «  ATT-DABA  » estcelle-là qui a été voulue par le Prési-dent de la République Amadou Tou-mani TOURE. Celui-ci n’a-t-il pas faitla preuve absolue de sa déterminationà faire passer le texte de « sa » consti-tution, celle de 1992, révisée par sessoins, sous les éclairages d’une com-mission technique d’experts désignés,avec à sa tête, Daba DIAWARA, de-venu depuis Ministre.

Voilà pour ce qui est des péripéties decette révision constitutionnelle. Celles-ci sont passées pas des phases tech-niques jusqu’aux étapes pluspolitiques. Tout le long, de nom-breuses personnes et personnalités,spécialistes ou non du droit et de laconstitution, politiques et syndicalesse sont exprimées. Toutes ont laisséentendre des voix dissonantes decelles officielles exprimées. Des voixde discordance qui traduisent deréelles résistances contre la révision.Ces résistances ne sont pas des moin-dres. Il en a fallu peu, pour que dansun autre contexte et à une autreépoque, on ait songé à déclencher laprocédure de la seconde lecture au

parlement. Tout de même, l’on ne sau-rait pas pendant longtemps encore,venir confondre un texte de natureconstitutionnelle, donc de niveau « loifondamentale » et celui applicable auxpersonnes et à la famille dit « code despersonnes et de la famille ». Ne com-mettons aucun sacrilège ! Ce derniertexte, il est vrai, est d’une portée hau-tement plus sociale et nettement plussensible dans notre pays qu’un dispo-sitif constitutionnel. Malgré tout, lesincidences et les implications d’unerévision constitutionnelle sont telle-ment nombreuses et énormes au pointde pousser à une seconde lecture.

Qu’à cela ne tienne ! Lorsque dans unmême pays et à propos du même texteconstitutionnel, deux centrales syndi-cales de travailleurs : l’UNTM et leCSTM, une fédération entière d’asso-ciations et de groupements de sociétécivile réunie, une association de dé-fense des droits de l’Homme,quelques partis politiques, un syndicatde magistrats, le SYLIMA, des associa-tions de femmes et bien d’autres cor-porations se lèvent, pour s’exprimer etexprimer en chœur leur totale désap-probation par rapport à l’initiativemême de la révision, il y a comme unmalaise dans le pays. S’entêter pour nepas voir et ne pas reconnaître un telmalaise, aller en avant, en « enjam-bant  » les oppositions ne serait pasconvenable. Aucune mécanique devote ou de validation de scrutin nesaurait venir donner suffisamment rai-son ou tort à un camp ou à un autredans un processus de révision du textefondamental. Même pas la mise enœuvre d’une imparfaite mécaniquede vote (51 % pour et 49 % contre).Une fin de mandat d’une durée totalede dix années devrait se préoccuperde cela.

C’est pourquoi le cri des maliens quise sont exprimés contre ce texte de ré-vision constitutionnelle devra être en-

5La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

DEUX OU TROIS MOTS AU SUJET DELA REVISION DE LA CONSTITUTIONMALIENNE DE 1992

Mamadou KONATEAvocat AssociéJURIFIS CONSULT

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tendu : s’il faut pour cela, envisagerd’aller jusqu’à une seconde lecture dutexte de révision de la constitution de1992 ? La réponse est : Pourquoi pas !Si le « consensus », nécessaire à pro-pos d’une telle question se trouve aubout. Pour la circonstance, il vautmieux d’ailleurs ne pas avoir de révi-sion de la constitution que d’avoir uneconstitution mal révisée, dans la-quelle, des maliens ne se reconnai-traient pas ou très peu, voire pas dutout. Prenons garde qu’il ne soit re-tenu de l’histoire politique de notrejeune Etat, qu’une constitution, cellede 1992, révisée, est celle-là qui ren-ferme des dispositions erronées etmanquant de base ou comportant desdispositions incohérentes et inconsis-tantes.

D’ailleurs, ce n’est pas plus le principede la révision de la constitution de1992 qui est en cause que la manièredont on s’est pris à réformer certainspoints cruciaux de la constitution. Ilssont finalement nombreux ces maliensà dire ou à reconnaître au Président dela République son « pouvoir » de révi-sion. Peu importe le moment où ilexerce ce pouvoir, pourvu qu’ill’exerce durant son mandat. Point desuspicion lorsque le Président de laRépublique a assigné lui- même unobjectif précis de cette révision, à sa-voir : « Améliorer le processus démo-cratique...adapter l’outil à l’objet, lalettre à la pratique pour mieux avan-cer dans la construction d’un systèmedémocratique performant ».

Nous sommes de ceux qui pensentque vingt années de vie politique etinstitutionnelle sont suffisantes dansnotre pays et constituent un réel motifet une occasion suffisante de s’interro-ger sur le devenir de ses institutions,sur sa pratique politique, sur son sys-tème démocratique et sur son deveniren tant qu’Etat et Nation simplement.Mais en disant cela, nous pensons éga-lement qu’une révision constitution-nelle devrait également être l’occasionde réunir le plus grand nombre de ma-liens, comme en 1992, au-delà deleurs obédiences et de leurs clivages,pour leur donner le moyen d’exprimerleurs engagements forts pour le Mali etpour la construction nationale. Pournous, les choix et les options des unspeuvent sans doute diverger descroyances et des convictions des au-tres. Mais jamais, jamais le débat derévision constitutionnelle entre les te-nants de telle ou telle position par rap-

port à telle ou telle autre ne doit êtresi vif au point de disloquer et de rom-pre le précaire équilibre entre les ci-toyens d’une même nation. «  Unerévision constitutionnelle peut parfai-tement s’effectuer dans la droite lignede la légalité la plus pure et se révélerillégitime. La légitimité doit être priseici dans le sens de la conscience dumoment »1. La situation que vit notrepays n’est pas unique.

La France, « pour la première fois » deson histoire politique, a vu en 1986 lamajorité parlementaire basculer. Denouvelles « tendances politiques diffé-rentes de celles qui s’étaient rassem-blées lors de l’élection présidentielle  »venaient de voir le jour. Nombreuxétaient ces observateurs et analystes po-litiques qui ont laissé planer de sérieuxdoutes quant à la capacité des acteurspolitiques à assurer le fonctionnementrégulier des pouvoirs publics.

François MITTERAND, alors Présidentde la République, affirmait que la ré-ponse « La seule possible, la seule rai-sonnable, la seule conforme auxintérêts de la nation  » était : «  laConstitution, rien que la Constitution,toute la Constitution ». Il poursuivaiten rappelant sa conviction que laconstitution en tant que « loi fonda-mentale » était la seule et qu’ « il n’ya pas, en la matière, d’autre source dudroit »2. François MITTERAND deve-nait ainsi le premier chef de l’Etatfrançais à vivre la « cohabitation » età l’affronter. Dans un tel contexte, ila invité ses adversaires politiques endes termes aussi clairs que précis aurespect de la Constitution : « Tenons-nous en à cette règle »3 avait-il lâché.

Au sujet de la révision de la constitu-tion de 1992, les réponses apportées àdeux ou trois questions mal poséesviennent rompre l’équilibre de la dé-marche de révision. Par exemple :

• au sujet de l’amendement N°28 duprojet de réforme constitutionnelle,il est proposé un article 106 ainsi ré-digé : « La présente loi constitution-nelle n’emporte pas novation4 derépublique ». Pour soutenir cetamendement, il est précisé quecelui-ci vise à éviter toute autre in-terprétation de la portée exacte dela révision constitutionnelle. Celle-ci ne devrait pas être analysée enune « création » d’une « quatrièmerépublique ». Si l’on peut bien com-prendre et même accepter une tellemotivation « politique », il nous est

apparu assez difficile, au plan dudroit constitutionnel, d’accepter lamaladroite rédaction proposée dansla disposition formant désormaisl’article 106. A y lire de près, l’utili-sation du mot « novation » n’est passans poser de difficultés. Strictosensu, le terme novation, bienqu’étant un concept de droit, nesemble pas très approprié en ma-tière constitutionnelle. Au détour dequelques lectures, nous avons re-trouvé ce mot de la bouche de Fran-çois MITTERAND. Evoquantl’ampleur de la défaite de la gaucheaux élections législatives de 1986qui a entrainé la naissance de lapremière cohabitation, il a indiquéà ce sujet que «  la novation quivient de se produire requiert depart et d’autre une pratique nou-velle »5.

En cherchant plus en avant, l’on serend compte que le concept de «no-vation» est un concept plutôt dedroit civil qui vise et s’applique àdes « obligations ». La «novation»est l’effet qu’opère la substitution àun lien de droit qui s’éteint, laconclusion d’une relation contrac-tuelle nouvelle. Elle a lieu soit parsuite du changement de dettesentre les mêmes contractants, soitpar suite du changement de créan-cier ou par l’effet du changementde débiteur6. On applique égale-ment ce mot pour désigner la subs-titution de nouvelles conditionscontractuelles à celles que les par-ties avaient précédemment arrêtées.Allons-nous introduire en droitconstitutionnel un concept propreau droit civil mais impropre en droitconstitutionnel, pour introduire plusqu’une confusion, une impréci-sion constitutionnelle ?

• Ensuite, l’amendement N° 1 pro-pose de modifier le préambule de laconstitution en se référant aux «principes et valeurs énoncés dans laCharte adoptée en 1236 à Kuru kanFugua » ; la malheureuse référenceaux principes seulement « compati-bles » avec la démocratie et la répu-blique vient apporter la preuveévidente que cette Charte comportebien d’autres principes, probable-ment moins « démocratiques et ré-publicains ». En cela, la référence àcette Charte dite du Mandé est gê-nante. Elle l’est également au regarddes « disputes » qui ont cours quantà son origine, son contenu et même

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son époque. Ces « disputes » sontloin d’être closes7. Ensuite, parlantde la Charte, l’évocation des« gens » porte sur deux textes : l’unplus long que l’autre. Cette Chartefait référence à une organisation so-ciale spécifique. Probablement queles KEITA étaient plus « aptes » à ac-céder au «  trône  » que n’importequel autre COULIBALY, TOURE etne parlons pas des SAMAKE. Les si-tuations de la femme et de l’esclave,loin d’être des exemples à l’époque,ne constitueront pas de nos jours debonnes références « républicaines etdémocratiques » pour nos constitu-tions contemporaines. En définitive,le grand mérite de nos ancêtres neréside-t-il pas dans leur capacité àavoir su, en 1236, définir et par« écrit » les règles essentielles de« gouvernement » et de « dévolu-tion » du pouvoir, en même tempsqu’ils ont affirmé les « principes »devant régir l’organisation et le fonc-tionnement social ;

• Les alinéas huit et neuf de l’article25 de la Constitution proposée à larévision indiquent que « les languesnationales et le français sont leslangues d’expression officielle  »dans notre pays. L’allusion et la ré-férence sont une première. Leslangues nationales sont aussilangues officielles, quelle nouvellesource de sacrée confusion ! La dé-marche politique confond ici l’ob-jectif majeur d’affirmer l’existencedes langues nationales et leur carac-

tère « officiel » pour leur assurer unefausse suprématie. Les langues na-tionales ne sont pas officielles. Ellesne peuvent d’ailleurs l’être au regardde leur nombre, de leur caractèrepour la plupart, non écrits et leursdiversités. Une langue officielle estavant tout une langue de communi-cation, surtout avec l’extérieur8.Elle s’impose à tous les services of-ficiels de l’Etat (organes de gouver-nement, administrations, tribunaux,registres publics, documents admi-nistratifs, etc.), ainsi qu’à tous lesétablissements privés qui s’adres-sent au public9. Imaginons la situa-tion cocasse d’un «  touareg  » enconflit avec un « bobo », tous lesdeux devant comparaître par-devantle juge qui lui ne parle, en plus dufrançais, que « minianka ». Il lui fau-dra sans doute au juge des inter-prètes. Mais des interprètes danschacune des langues présentes : lasienne, nationale devenue officiellemais aussi celles des protagonistesdont il devra entendre les dires avantde juger des faits qui lui sont sou-mis. Au total, trois langues natio-nales et officielles se feront face.Dans notre pays, on a déjà assez demal à trouver un seul interprète dansces circonstances-là, mais s’il enfaut trois désormais voire plusieurs,les difficultés « administratives » etde bonne distribution de la missionde « service public » ne vont qu’ens’accroissant. Ce qui est dit là vautégalement pour toutes les situationsqui naissent devant les administra-

tions en général. Elles n’étaient pasfaciles déjà mais avec une telle évo-lution linguistique constitutionnelle,elles vont se compliquer davantage.Alors, simple question : Avions-nousbesoin tant d’officialiser nos si belleslangues nationales pour mieux com-muniquer entre nous et nous appe-ler « Mali » voire nous sentir plus« maliens » qu’auparavant ? Non !

• l’incongruité de l’allusion à la natio-nalité originellement malienne quiviendrait, dans le cadre d’une can-didature à la magistrature suprêmedans notre pays, chasser toute autre.Une telle démarche d’exclusionn’est pas sans reproche dans un payscomme le nôtre avec ses traditionsde tolérance et ses sept frontièresnationales10. Il est dit que «  Toutcandidat aux fonctions de Présidentde la République doit être de natio-nalité malienne d’origine, jouir deses droits civiques et politiques  et,avoir renoncé à toute autre natio-nalité ». Du coup, tous ceux quisont nés autrement que maliens sontdésormais exclus de la magistraturesuprême. Même les maliens d’ori-gine, à la différence de ceux de« circonstance » ou d’ «emprunt »ne doivent plus avoir aucune uneautre nationalité, à moins d’y re-noncer au profit de la seule ma-lienne. Ils devront pour êtrecandidats à la magistrature suprême,renoncer à leur nationalité de trop.Il s’ouvre alors dans notre pays uncontexte de suspicion qui donne la

7La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

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possibilité à tous tiers de mettre encause « l’originalité » voire « l’au-thenticité  » de la nationalité ma-lienne d’un candidat à lamagistrature suprême de notrepays, y compris au moyen de la sus-picion et de la délation. Pas loin dechez nous, ce sont des chosescomme celles-ci qui ont « fâché » lepeuple et qui ont été à l’origine deconflits à forte connotation socialeet politique insupportable11. Deplus, lorsqu’apparaît ce type de dif-ficultés et dans de telles circons-tances, c’est toujours à un œilextérieur qu’il est demandé d’inter-venir pour trancher : Le juge ! C’estlui qui est le plus souvent sollicitéquand il ne s’agit pas de « média-teur ». C’est le juge qui va dire si ouiou non le candidat est malien, d’ori-gine, authentique ou non. Mais enplus, c’est lui qui indique que lecandidat, lorsqu’il est suspecté, pos-sède ou non une autre nationalitéou une autre que la malienne. Or,un œil extérieur, même celui dujuge est toujours mal venu dans unearène politique.

• la seconde chambre du parlementn’incite pas plus de commentaire, sice n’est de relever à son sujet quel’objectif qui le sous-tend bien quepolitique, est tout de même flou etmal agencé. Les députés qui com-posent la seule et unique chambreactuelle du parlement malien neparticipent même pas encore audixième du « processus législatif ».

Ce manque et cette défaillance s’ex-pliquent par le fait que les députéssont très mal lotis dans ce domaine,beaucoup moins nantis que les ca-binets ministériels qui regorgent de« cadres » et de « techniciens » ad-ministratifs pour assurer la prépara-tion de la «  loi ». Le doublementdans ces conditions de la chambreau niveau du parlement va permet-tre simplement d’adjoindre un nom-bre équivalent de sénateurs auxdéputés actuels dans un parlementbicaméral. La conséquence sera, àn’en pas douter, le rallongementinutile du travail parlementaire etsa complication évidente avec tousles risques que comporte le systèmede la « navette »12.

• la désignation par le seul Présidentde la République des trois membresdu Conseil constitutionnel, y com-pris son Président, est une atteintegrave à la transparence nécessaire àtoute institution démocratiquecomme la justice constitutionnelle.Il apparaît comme si le Président dela République met en place son«Président du Conseil constitution-nel» durant ces deux mandatspuisque le Président de cette insti-tution est lui même mis en placepour une durée de neuf ans.

Bien d’autres points me viennent àl’esprit que je ne pourrais pas tout évo-quer dans le cadre de cette chronique.La place et le rôle de la justice dansnotre pays ; l’exception d’inconstitu-

tionnalité ; le statut pénal du Présidentde la République et des membres dugouvernement…Par finir, on est plutôtmal à l’aise lorsque l’on a été tenté,aux premières heures de l’annonce parle Président de la République des ré-formes, de dire « oui » au principe decette réforme, dans le seul but de ren-forcer et de consolider la démocratieet que l’on se voit contraint de dire« non » par et pour la suite, au regardde ce que l’on tente de faire de cetteréforme, quel DOMMAGE !

1 Les révisions constitutionnelles dans le nouveauconstitutionnalisme africainPar Jean-Louis ATANGANA AMOUGOUDocteur en Droit Public Chargé de Cours à l’Uni-versité de Yaoundé II2 Message de François Mitterrand au Parlement, 8avril 19863 Idem4 Souligné par nous5 Idem6 http://www.dictionnaire-juridique.com/defini-tion/novation.php7 http://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_du_Manden8 http://fr.wikipedia.org/wiki/Langue_officielle9 Idem10 La République du Mali partage sept frontièresavec la Mauritanie et l’Algérie au nord, le Nigerà l’est, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ausud, la Guinée Conakry au sud-ouest et le Séné-gal à l’ouest. 11

http://www.jeuneafrique.com/Article/LIN02023lefonemrofa0/Actualite-Afrique—le-fond-et-la-forme.html12 http://www.senat.fr/role/fiche/navette.html

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Encore appelée action privilégiée,l’action de priorité est celle quiprocure à son titulaire des droits

que n’accorde pas l’action ordinaire.

Même si on a estimé pendant long-temps que la possibilité d’émettre desactions privilégiées heurtait le principefondamental en droit des sociétés del’ « égalité entre actionnaires »1, desdistinctions ont toujours été faites àtravers l’histoire, par les législationsétrangères entre les actionnaires, enfonction de la nature ou de l’étendu deleur contribution dans la société2.

Le droit anglais par exemple a toujoursdistingué nettement les actions ordi-naires (ordinary shares, equities ouequity shares) des actions privilégiées(preference shares)3. Aux Etats-Unis,les actions de préférence (preferredshares ou preferred stock) sont utili-sées fréquemment dans les sociétéscotées4. L’Allemagne, la Hollande,l’Italie, la Suisse ou encore la Francedifférencient depuis plusieurs annéesdans leur législation les actions privi-légiées des actions ordinaires5.

C’est donc tout naturellement que lelégislateur de l’OHADA en emboîtantle pas à ses homologues étrangers,consacre avec l’article 755 de l’ActeUniforme sur les sociétés commer-ciales, la validité de l’action de prioritéqui jouit d’avantages par rapport àtoutes les autres actions.

En réalité, le contraire aurait été sur-prenant. Mieux que la sécurisation ju-ridique et judiciaire des activitéséconomiques, l’objectif affiché du lé-gislateur de l’OHADA est la relancedes investissements dans le continentafricain.

Or tout l’intérêt pratique de l’action depriorité est d’attirer ou au moins d’en-courager les investisseurs.

A la constitution de la société, l’émis-

sion de ces actions peut permettre dedonner la préférence à une catégoried’actionnaires6.

Au cours de la vie sociale, elle peut fa-voriser de nouveaux investissements eten cas de difficulté, les avantagesconsentis compenseront les risquespris par le nouvel investisseur.

Sur un plan strictement comptable etfinancier, lors d’une fusion entre unesociété prospère et une société quil’est moins, l’action de priorité peutêtre un instrument de protection desactionnaires de la société en positionde force, les avantages peuvent eneffet conduire ces actionnaires à ac-cepter plus facilement l’opération.

D’ailleurs, il a même été démontréque l’action de priorité pouvait facili-ter la transmission d’entreprise7.

Les investisseurs déterminants pourl’avenir d’une société peuvent ainsiaccompagner leur intervention en uti-lisant l’action de priorité comme me-sure de sécurité.

Tout en participant à favoriser la re-lance des investissements, l’action depriorité de l’OHADA s’inscrit aussi,dans un mouvement de diversificationdes valeurs mobilières8. Son utilité doitcontribuer à lui donner une place dé-terminée parmi les titres susceptiblesd’être émis par les sociétés del’OHADA.

Aux termes des dispositions de l’article755, «…, lors de la constitution de lasociété ou au cours de son existence,il peut être créé des actions de prioritéjouissant d’avantages par rapport àtoutes les autres actions. Ces avantagespeuvent notamment être une part su-périeure dans les bénéfices ou le bonide liquidation, un droit de prioritédans les bénéfices, des dividendes cu-mulatifs ».

S’il ressort de ce texte que l’action depriorité bénéficie de préférences di-verses, toute la problématique restecelle des règles qui doivent alors gou-verner son organisation9.

La présentation de ces règles peut s’ef-fectuer par une description de sa créa-tion, par une étude des différentsavantages qu’elle peut conférer et parune analyse des modalités de sa dispa-rition.

I- L’EMISSION DE L’ACTION DEPRIORITE

L’article 755 est inséré dans le titre 2du livre 4 de l’Acte uniforme consacréà la société anonyme, on peut imagi-ner que l’action de priorité ne pourraêtre mise en œuvre que dans le cadrede cette forme sociale.

A- Création d’actions de prioritéau moment de la constitution de lasociété

En principe, la création de l’action depriorité au moment de la constitutionde la société ne devrait pas poser dedifficultés majeures. En effet, de ma-nière assez classique, les associés fon-dateurs peuvent prévoir dans le pactesocial, des clauses précisant la créa-tion de catégories d’actions diffé-rentes, certaines actions étantordinaires et d’autres privilégiées.

Si la société ne fait pas appel public àl’épargne, le régime prévu pour les ac-tions de priorité ainsi que leur créationdoivent être décrits dans le pacte so-cial qui selon l’article 10, est adopté àl’unanimité et signé par tous les asso-ciés.

Si la société fait appel public àl’épargne, les fondateurs publientavant le début des opérations de sous-cription des actions, une notice dansles journaux d’annonces légales. Cettenotice prévue à l’article 825 doit pré-

9La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

L’ACTION DE PRIORITEDANS L’OHADA

Bérenger MEUKE

Dr en Droit des Affaires

Avocat

ÉTUDES

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ÉTUDES

ciser entre autre, la création d’actionsde priorité. Le pacte social qui doitêtre signé par les associés fondateursdevra ensuite être approuvé par l’en-semble des souscripteurs réunis lors del’assemblée générale consultative.

Avantages particuliers et actions depriorité – Il ressort de l’article 399 quela société anonyme peut faire bénéfi-cier certains associés, d’avantages par-ticuliers.

Si le législateur ne donne aucune dé-finition de « l’avantage particulier », onpeut tout de même le comprendrecomme toute faveur, généralement denature pécuniaire, consentie à titrepersonnel à un associé, entraînant unerupture d’égalité entre actionnaires10.

Le législateur a prévu dans ce cas, uneprocédure de vérification de ces avan-tages au cours de la constitution de lasociété. Conduite par un commissaireaux apports, ce dernier apprécie soussa responsabilité la valeur des avan-tages qu’il inscrit dans un rapport dé-posé trois jours au moins avant la datede l’assemblée constitutive au siègesocial de la société et mis à la disposi-tion des souscripteurs11.

La question qui peut dès lors se poserest de savoir si l’action de priorité peutêtre considérée comme un avantageparticulier et se voir dans l’affirmative,appliquée la procédure de vérificationprécédemment évoquée.

Il convient de souligner la distinctionselon laquelle, la notion « d’avantageparticulier  » relève de l’ordre desdroits personnels alors que le méca-nisme de l’action de priorité impliquequ’un privilège soit accordé non pas àune personne, mais à une catégoried’actions12.

Il semblerait alors qu’on puisse dé-duire de cette distinction que le critèrepermettant de reconnaître un avantageparticulier est le caractère non trans-missible des actions détenues par lapersonne favorisée13.

Dans ces conditions, il faut distinguerentre plusieurs situations :

Si les actions de priorité sont réservéesà tous les actionnaires en proportionde leur participation au capital social,aucun avantage n’est conféré à titrepersonnel, et la procédure de vérifica-tion imposée par l’article 400 n’a pas

lieu d’être.

Si les actions de priorité sont accor-dées seulement à certains action-naires, il semble qu’il faille accomplirles formalités relatives aux avantagesparticuliers conformément aux dispo-sitions de l’Acte Uniforme.

En revanche, il est possible de créerdes actions de priorité réservées à uninvestisseur déterminé. Or le privilègeest attaché à l’action et non à la per-sonne de l’investisseur. Dans ce cas,sauf clause contraire du pacte social,la transmission des titres impliqueratransfert des privilèges qui y sont atta-chés.

Faut-il alors considérer qu’il y a là at-tribution d’avantages particuliers et parconséquent, application de la procé-dure de vérification ?

La majorité de la doctrine française14

considère qu’il y a bien attributiond’avantages particuliers et préconisel’application de la procédure de véri-fication. Pour d’autres auteurs15,compte tenu de la distinction qui peutêtre faite entre l’action de priorité etl’avantage particulier, la procédure devérification ne se justifierait pas.

A notre avis, étant donné que le mé-canisme de l’action de priorité n’ex-clut pas l’octroi d’avantagesparticuliers, il semble qu’il faille ap-précier l’application de la vérificationen fonction des modalités de l’émis-sion en cause.

Sauf à rappeler que, s’agissant d’ap-prouver l’octroi d’avantages particu-liers, l’article 408 précise que, lesactions du bénéficiaire ne sont pasprises en compte pour le calcul duquorum et de la majorité, le bénéfi-ciaire n’ayant voix délibérative ni pourlui-même, ni comme mandataire.

B- Création d’actions de priorité aucours de la vie sociale

Augmentation de capital – La créationd’actions de priorité au cours de la viesociale se fait généralement à l’occa-sion d’une augmentation de capital.En effet, il s’agit pour la société quisouhaite accroître ses fonds propres,d’inciter les investisseurs à devenir ac-tionnaire en leur consentant des privi-lèges et des avantages substantiels.

L’assemblée générale extraordinaire

normalement seule compétented’après les dispositions de l’article564, doit à cette occasion, procéder àla suppression du droit préférentiel desouscription instauré par l’article 573.

Il faut ensuite que le prix d’émissionou les conditions de sa fixation soientdéterminées par la même assembléegénérale d’après les rapports duconseil d’administration ou de l’admi-nistrateur général selon les cas, et ducommissaire aux comptes16.

Quant aux avantages particuliers, laprocédure de vérification visée aux ar-ticles 619 et suivants doit s’appliquer,même en cas d’augmentation de capi-tal par appel public à l’épargne réali-sée moins de deux ans après laconstitution de la société sans appelpublic à l’épargne.

En revanche, l’émission par appel pu-blic à l’épargne sans droit préférentielde souscription d’actions nouvelles neconférant pas à leurs titulaires lesmêmes droits que les actions an-ciennes, doit se faire dans les condi-tions fixées par l’article 838, soit dansun délai de deux ans à compter del’assemblée générale qui l’a autorisée.

Conversion d’actions – La créationd’actions de priorité peut aussi s’effec-tuer par conversion d’actions ordi-naires. Mais cet autre procédé nepermettant pas d’accroître les fondspropres, il ne sera pas surprenant qu’ilsoit plus rare dans les sociétés.

En effet, l’opération répondra surtout àd’autres objectifs. Il peut arriver queles actionnaires en place souhaitentprofiter de l’entrée d’un tiers dans lasociété à des conditions privilégiéespour céder une partie de leurs titres enempochant une plus-value consé-quente.

II- AVANTAGES CONFERES PARL’ACTION DE PRIORITE

S’il est généralement attribué aux ac-tions de priorité, des avantages finan-ciers, des privilèges à caractère nonfinanciers peuvent également leur êtreoctroyés.

A- Les avantages financiers

Il ressort de l’Acte Uniforme en son ar-ticle 755, que ces avantages peuventnotamment être une part supérieuredans les bénéfices ou le boni de liqui-

10 Jurifis Infos – 11e numéro – sept/déc. 2011

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dation, un droit de priorité dans les bé-néfices, des dividendes cumulatifs.Les articles 53 et 54 prévoient que ledroit de chaque associé sur les béné-fices réalisés par la société est déter-miné à proportion de son apport dansle capital social, sauf clause contrairedu pacte social. Les statuts peuventdonc envisager une répartition inégaleen présence d’apports égaux.

Il est possible d’attribuer à certainesactions une part supérieure ou un droitde priorité dans les bénéfices. Si unetelle décision est prise, elle devra sur-tout s’articuler avec les modalités dedistribution du bénéfice aux action-naires ordinaires17.

Les associés pouvant aménager assezlibrement la répartition des bénéfices,on peut même prévoir l’attribution auxactionnaires ordinaires d’un premierdividende18 statutaire qui leur seraversé obligatoirement après l’exercicedu droit de priorité.

Le droit à une part supérieure dans lesbénéfices – Pour déterminer l’assiettede la part supérieure de bénéfice à ac-corder à l’action de priorité, on peutprendre en compte le prix de souscrip-tion des actions de priorité, leur valeurnominale ou tout autre montant dèslors qu’il est déterminé.

Cette assiette peut aussi être d’unmontant aléatoire et / ou variable.Dans ce cas, son calcul est fonction dubénéfice distribuable, du chiffre d’af-faires ou de tout autre élément prévuà l’avance et pouvant même dépendrede la situation ou de l’activité de l’en-treprise.

Par exemple, une entreprise de tech-nologie qui vend des licences de bre-vet peut créer des actions de prioritédont l’assiette de la part supérieure debénéfice sera calculée au regard descessions ou concessions de licencesencaissées au cours de l’exercice19.

Le droit à une part supérieure dans leboni de liquidation – Cette prérogativede l’actionnaire joue au moment de laliquidation de l’entreprise. Les dettesont été honorées, les apports ont étéremboursés et la caisse de la sociétén’est toujours pas vide, le solde repré-sente le boni de liquidation.

Ce boni de liquidation est reparti entreles actionnaires, en proportion de leurquote-part du capital social. Cepen-

dant, les statuts peuvent prévoir unmode de répartition reconnaissant unepart plus importante aux titulairesd’actions de priorité.

Dans la pratique, chaque fois qu’undroit de priorité ou une part supé-rieure dans les bénéfices est attribuéà une action, un privilège sur le bonide liquidation est également prévu encas de dissolution ou de liquidationamiable.

Cependant, on ne peut considérer unetelle priorité comme un avantage réelque dans la mesure où la liquidationde la société interviendra dans un futurproche. Il en est ainsi par exemple dessociétés d’investissement ayant pourobjectif l’acquisition et la revente desparticipations en réalisant une plus-value importante. Ces entreprises ontune durée d’existence limitée avecpour vocation de faire des bénéficesplus importants à la fin de leur vie. Leprivilège sur le boni de liquidation fa-vorise ainsi les actionnaires qui en bé-néficient.

Le droit de priorité sur les bénéfices –Cette possibilité donne droit à un bé-néfice prioritaire ou préciputaire sur lebénéfice distribuable20. Ce droit sur lebénéfice s’exercerait avant toute autreaffectation, soit avant la constitutionde toute réserve autre que la réservelégale, serait-elle de nature fiscalecomme la réserve spéciale des plus-values à long terme, ce qui peut poserune difficulté lorsque les bénéfices etréserves disponibles sont insuffisantspour doter celle-ci et assurer le béné-fice prioritaire.

Si le bénéfice prioritaire ne peut êtreintégralement versé en raison de l’in-suffisance du bénéfice distribuable,celui-ci doit être reparti à due concur-rence entre les titulaires d’action depriorité. Le droit au paiement du béné-fice prioritaire non intégralement versédoit alors être reporté sur l’exercicesuivant et, s’il y a lieu, sur les deuxexercices ultérieurs ou encore, si lepacte social le prévoit, sur les exer-cices ultérieurs sans limitation dedurée. Ce droit s’exerce en priorité parrapport au paiement du bénéfice prio-ritaire dû au titre de l’exercice, autre-ment dit l’arriéré doit être payé enpremier lieu, et éventuellement, le bé-néfice prioritaire de l’exercice ne serapas servi si le bénéfice distribuable nele permet pas.

Les dividendes cumulatifs – Ces divi-dendes sont ceux qui permettent le re-port du paiement du dividende sur lesexercices suivants en cas d’insuffi-sance des résultats. Ils sont alors pré-levés sur les bénéfices ultérieurs.

L’amortissement du capital social21 –La société anonyme de l’OHADA peutprocéder à un amortissement du capi-tal. L’opération consiste pour la sociétéà rembourser aux actionnaires tout oupartie du montant nominal de leurs ac-tions, à titre d’avance sur le produit dela liquidation future.

On pourrait dès lors envisager dans lecadre d’une pareille opération, en ap-plication des articles 651 et suivants,la création d’actions qui seront amor-ties en priorité avant les actions ordi-naires, ceci pouvant constituer unavantage supplémentaire.

En effet, l’alinéa 1er de l’article 655prévoit que l’amortissement est réaliséau moyen de sommes prélevées sur lesbénéfices ou sur les réserves non sta-tutaires.

Or, il ressort de l’alinéa 1er de l’article143 que « le bénéfice distribuable estle résultat de l’exercice, augmenté dureport bénéficiaire et diminué despertes antérieures ainsi que dessommes portées en réserve en applica-tion de la loi ou des statuts ».

La combinaison de ces deux textespermet de penser que, les réserves fa-cultatives n’étant pas exclues, il n’estpas impossible de les verser pouramortir les actions de priorité, mêmesi elles ont été constituées avant leurcréation22.

Un remboursement prioritaire –D’ailleurs, on pourrait aussi imaginerla possibilité de faire bénéficier à cesactions privilégiées, un rembourse-ment prioritaire, ceci apparaissantcomme une technique de sortie inté-ressante pour les actionnaires minori-taires d’une société qui ne fait pasappel public à l’épargne23.

Réduction du capital social24 – Il estégalement envisageable de prévoirqu’en cas de réduction de capital mo-tivée par des pertes25, les actions depriorité passent après les actions ordi-naires. La conséquence étant la modi-fication de la répartition du capital,celle-ci peut dans certains cas fairechanger la majorité. L’opération pourra

11La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

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ainsi permettre d’éviter que les action-naires prioritaires, qui sont très sou-vent minoritaires soient lourdementpénalisés en cas de perte, mais ausside sanctionner la gestion déficitairedes majoritaires.

Augmentation du capital social – Demême, dans le cadre d’une augmenta-tion du capital et dans la perspectivede mieux protéger les titulaires d’ac-tions de priorité, on peut prévoir quela part de capital représentant les ac-tions de priorité soit maintenue. Ce quise traduira par l’émission d’actions demême catégorie sur lesquelles les pro-priétaires d’actions de priorité aurontnaturellement un droit de souscription.

Plusieurs possibilités sont donc envi-sageables, une assez grande libertéétant laissée aux acteurs sociaux pouraménager les droits financiers de cer-tains actionnaires en fonction des rap-ports de force existants et des besoins.

B- Les privilèges non financiers

Même si le législateur de l’OHADA nevise dans les dispositions de l’article755 que des avantages financiers, rienne semble s’opposer à ce que soit ac-cordé aux actions de priorité, des pri-vilèges non financiers.

Très souvent, les actionnaires recher-chent pour leurs titres un bon rapport.S’ils sont minoritaires, leur souhait esttrès souvent de ne pas être complète-ment écartés du processus de déci-sion.

Là encore l’action de priorité pourraitbien conférer à son titulaire des droitspermettant d’avoir une meilleure infor-mation sur la vie sociale, de participerau pouvoir de décision ou d’intervenirdans les opérations de cessions d’ac-tions.

Le droit à l’information – Le législa-teur de l’OHADA a renforcé les droitsd’informations des actionnaires quibénéficient désormais d’une informa-tion minimale leur permettant norma-lement de suivre la vie sociale. Maiscette information reste néanmoins in-suffisante pour se faire une idée pré-cise et immédiate de la gestionsociale26. La complexité sans cessecroissante des techniques comptablesa entraîné la nécessité d’avoir en sapossession le plus de données possi-bles pour procéder à une analyse fi-nancière fiable27.

Les articles 525 et 526 prévoient undroit de communication permanent aubénéfice des actionnaires. Cependant,il apparaît que pour suivre l’évolutionet les résultats sociaux, il peut se révé-ler efficace de bénéficier de possibili-tés d’information accrues etspécifiques, nonobstant les disposi-tions de l’article 159 sur la possibilitéde demander une expertise de ges-tion28.

Les titulaires d’actions de priorité peu-vent dans cette optique et dans le res-pect du secret des affaires29, se voirattribuer des avantages tels que lacommunication de documents comp-tables et financiers plus fréquemmentque ne l’a prévu le législateur30, àcondition que ceux-ci soient décritsavec précision dans le pacte socialpour que la société prenne en chargeleur coût financier plus facilement.

L’accès à une bonne connaissance dela vie sociale rendra plus efficace laparticipation à la décision des titu-laires d’actions de priorité.

Le droit de participer au pouvoir dedécision – L’article 424 précise que siles modalités de l’élection des mem-bres du conseil d’administration sontfixées librement par les statuts, ceux-ci peuvent prévoir une répartition dessièges en fonction des catégories d’ac-tion.

Les clauses statutaires aménageant lareprésentation des titulaires d’actionsde priorité seraient donc valides, àcondition qu’elles ne portent pas at-teinte à la liberté de choix de l’assem-blée générale des actionnaires31.

Pour ne pas être éloigné du centre dedécisions, les minoritaires souhaitantfaire partie du conseil d’administrationpeuvent donc se voir accorder lors dela création des actions de priorité, uncertain nombre de sièges.

L’intervention dans les opérations decession – L’article 765-2 prévoit qu’enmatière de cession d’actions, les sta-tuts peuvent prévoir le mécanisme del’agrément. L’exemption statutaired’une telle clause peut constituer unavantage pour une catégorie d’actions.

Il peut arriver que des investisseurs en-trent dans la société en restant minori-taires, dans le seul but de soutenir ledéveloppement et l’expansion de l’en-treprise sans avoir forcement l’inten-

tion de demeurer actionnaires sur unlong terme.

Leur souhait serait alors de pouvoir seretirer facilement de la société en cé-dant leurs titres au prix du marché32. Asupposer qu’une clause d’agrémentexiste pour l’ensemble des actions, cesinvestisseurs, titulaires d’actions depriorité devront en être exemptés.

Tout comme la clause d’agrément, laclause de préemption33 peut aussi per-mettre aux bénéficiaires d’actions depriorité d’acquérir par priorité les ac-tions de la société si elles sont misesen vente34.

D’ailleurs, il n’est pas impossible qu’àl’intérieur de la catégorie des actionsde priorité, lorsqu’un propriétaire d’undes titres veut les céder, qu’il les pro-pose au préalable aux actionnaires decette catégorie en vertu de la clause depréemption.

Pareille clause peut de même existerau bénéfice d’actionnaires d’unemême catégorie mais concernant latransmission de titres de catégories dif-férentes.

Plusieurs mécanismes peuvent ainsiêtre mis en place pour accorder unprivilège aux titulaires d’actions depriorité, la seule limite à ces aménage-ments étant le respect de l’égalité entreactionnaire d’une même catégorie.

Une assemblée de titulaires d’actionsde priorité – L’alinéa 1er de l’article555 pose le principe selon lequel« l’assemblée spéciale réunit les titu-laires d’actions d’une catégorie déter-minée ».

Même si le législateur de l’OHADA neprécise pas ce qu’il faut entendre parcatégorie d’actions35, il semblerait queles actions de priorité en constituent etpeuvent permettre à leurs titulaires dese réunir en assemblées spéciales.

Ce texte précise par ailleurs que l’as-semblée spéciale se réunit lorsqu’il estquestion de modifier les droits relatifsà une catégorie d’actions. Cette réu-nion sera indispensable lorsqu’ils’agira de réduire les droits financiersattachés aux actions de priorité ou en-core de créer de nouvelles actions depriorité

Les privilèges non financiers accordésaux bénéficiaires d’actions de priorité

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pourront aussi encourager ces derniersà investir.

III- LA DISPARITION DES ACTIONSDE PRIORITE

Hormis dans le cadre de la liquidationde la société, aspect que nous avonsenvisagé précédemment, les actionsde priorité peuvent disparaître par lasuppression des avantages qui y sontattachés ou par leur rachat par la so-ciété émettrice.

A- La suppression des avantages

La suppression des avantages attachésaux actions de priorité revient toutsimplement à convertir ces dernièresen actions ordinaires.

La décision de supprimer ces avan-tages devra être prise par l’assembléegénérale extraordinaire et ratifiée en-suite par l’assemblée spéciale des titu-laires d’actions de prioritéconformément aux dispositions des ar-ticles 555 et 556.

On peut surtout prévoir que cette sup-pression soit programmée et qu’elle in-tervienne de plein droit si le pactesocial a déterminé des éléments objec-tifs qui auront pour conséquence au-tomatique, la transformation de cesactions en actions ordinaires.

B- Le rachat des actions par la so-ciété émettrice

L’article 639 pose le principe selon le-quel la souscription ou l’achat par lasociété de ses propres actions est in-terdite.

Dans l’optique de faciliter la gestion fi-nancière du capital social36, l’alinéa 2

de ce même texte précise que « l’as-semblée générale extraordinaire qui adécidé une réduction du capital nonmotivée par les pertes peut autoriser leconseil d’administration ou l’adminis-trateur général, selon le cas, à acquérirun nombre déterminé d’actions pourles annuler ».

Rien ne s’opposerait à ce qu’on metteen place dans le cadre d’une réductiondu capital non motivée par les pertes,une suppression des actions de prioritéen les faisant racheter par la société37.Il s’agit là d’une hypothèse de retraitforcé de l’actionnaire qui doit être pré-vue par le pacte social au moment del’émission des titres38.

Dans pareil cas, les actions achetéesdoivent être annulées et le législateura prévu une procédure précise afin depréserver l’égalité entre les action-naires. Ainsi, il est prévu à l’article 643que la société sera tenue de faire uneoffre d’achat à tous les actionnaires. Acette fin, elle doit insérer un avis dansun journal habilité à recevoir les an-nonces légales. Cet avis devra contenirdes renseignements relatifs à l’identitéde l’entreprise, au nombre d’actionsdont l’achat est envisagé, au prix offertpar action, au mode de paiement, audélai pendant lequel l’offre sera main-tenue et au lieu où l’offre peut être ac-ceptée.

Le commissaire aux comptes devra aupréalable, donner son avis sur l’oppor-tunité et les modalités de l’achat d’ac-tions envisagé, conformément auxdispositions de l’alinéa 3 de l’article647.En l’absence de précision par le légis-lateur quant à la fixation du prixd’achat des actions par la société elle-même, la valeur des actions pourra

être déterminée au jour de la cessiond’un commun accord entre la sociétéet l’assemblée spéciale, tout désaccordsur le prix entraînant la désignationd’un expert en application des dispo-sitions de l’article 5939.

Protection des créanciers – il faut ce-pendant préciser qu’en cas de conver-sion d’actions de priorité aboutissant àune réduction de capital social, l’ActeUniforme prévoit au bénéfice descréanciers de la société, dont lacréance est antérieure au dépôt augreffe du Tribunal du procès-verbal dela délibération de l’assemblée géné-rale qui a autorisé la réduction du ca-pital, la possibilité de s’opposer à cetteréduction si celle-ci n’est pas motivéepar des pertes, dans un délai de trentejours à compter de la date de dépôt augreffe du procès-verbal de délibéra-tion40.

En définitive, il sera tout de même pré-férable de déterminer au préalabledans le pacte social et avec précision,les mécanismes qui gouverneront l’or-ganisation de l’action de priorité car,c’est aussi à cette condition que cetoutil juridique et financier atteindral’objectif que le législateur lui a assi-gné ; encourager, faciliter et sécuriserl’investissement.

En attendant que le juge africain seprononce sur cet outil, dont l’émissionet le fonctionnement ne pose aucunedifficulté majeure au regard des prin-cipes fondamentaux du droit des so-ciétés OHADA, les spécialistes del’ingénierie juridique et les acteurs so-ciaux ne doivent pas hésiter à en faireusage. Si le principe de sa validité aété consacré par le législateur, c’estqu’il présente un intérêt pratique etune utilité certaine.

13La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

1 CORDONNIER « L’égalité entre actionnaires » ; Thèse Paris 1924 / P. Bissara, P. Didier et P. Misserey, « L’égalité des actionnaires : mythe ou réalité ? » ; Cah. dr. entr. n° 5, 1994. 18 s

/ J. Mestre « L’égalité en droit des sociétés (aspects de droit privé) » ; Rev. sociétés 1989. 400 / Or L’égalité doit se mesurer, en réalité, au sein d’une même catégorie d’actions. Etant

donné qu’il n’est pas de l’essence de la société anonyme de donner des droits identiques, il devient possible d’accorder des droits différents à des actions différentes (Cass. 3e civ.,

24 mars 1971 : Bull. civ. III. n° 210) / Vr aussi G. Ripert et Roblot par M. Germain, Traité de droit commercial, t. 1, LGDJ 1996. 8462 A. Lefebvre Teillard « La société anonyme au XIXe siècle », PUF 1985. 166 et s / H. Lévy-Bruhl « Histoire juridique des sociétés de commerce en France aux XVIIe et XVIIIe siècles »

Domat Montchrestien 1938, p. 209 s.

Cass. req., 20 déc. 1882 ; D. 1883, 1. 301 / CA Paris, 28 mai 1884 ; D. 1886, 2. 1773 A. TUNC « Le droit anglais des sociétés anonymes » ; D 1987. 1494 R.H. Folsom et A.A. Levasseur « Pratique du droit des affaires aux Etats-Unis » ; Précis Dalloz 1995. 2555 Oeniger « Les actions de priorité en droit suisse, allemand et français » ; Thèse Lausanne 19286 C. FERRY, R. Cannard, M. Cretté « Les actions de priorité » ; Dr. sociétés, Actes pratiques, 1993, n° 11. 27 V. R. Gaudet « Paiement des dividendes en actions de priorité : un outil de transmission d’entreprise progressif et efficace » ; Dr. et patrimoine, juin 1997. 358 Th. Bonneau « La diversification des valeurs mobilières ses implications en droit des sociétés » ; RTD com. 1988. 5359 Vr Thierry GRANIER « L’action de priorité » ; Jurisclasseur sociétés

ÉTUDES

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ÉTUDES

10 R. PERCEROU « La notion d’avantage particulier », in Dix ans de conférences d’agrégation, Études de droit commercial offertes à J. HAMEL ; Dalloz 1961. 17111 Articles 400 et suivants de l’Acte Uniforme12 J.-J. DAIGRE, F. MONOD, F. BADESVANT « Les actions à privilèges financiers » ; Dr. Sociétés, Actes Pratiques, 1997, n° 32. 413 P. ENGEL et P. TROUSSIERE « Création de catégories d’actions et stipulations d’avantages particuliers » ; JCP E 1996, I, 58514 P. ENGEL et P. TROUSSIERE « Création de catégories d’actions et stipulations d’avantages particuliers » ; Précité / F.-D. POITRINAL « Clauses statutaires de répartition des bénéfices » ;

Dr. et patrimoine, avr. 1998. 39 / P. MERLE, Droit commercial, sociétés commerciales, Précis Dalloz 1998. 307 / Y. GUYON, Traité des contrats les sociétés, LGDJ 1997. 174 / G. RIPERT

et ROBLOT par M. GRMAIN, Traité de droit commercial, t. 1, LGDJ 1996. 84015 M. JEANTIN « La notion de catégorie d’actions » ; Précité / J.-J. DAIGRE, F. MONOD, F. BASDEVANT «  Les actions à privilèges non financiers » ; Précité16 Vr Article 588 de l’Acte Uniforme17 F. Monod « Droits financiers attachés aux actions privilégiées » ; Dr. sociétés 1995, chron. 318 Article 145 de l’Acte Uniforme « les statuts peuvent prévoir l’attribution d’un premier dividende qui est versé aux titres sociaux dans la mesure où l’assemblée constate l’existence de

bénéfices distribuables et à condition que ces bénéfices soient suffisants pour en permettre le paiement… »

19 Exemple cité par F. Monod « Droits financiers attachés aux actions privilégiées » ; Précité20 Qui est selon les dispositions de l’article 143 de l’Acte Uniforme, le résultat de l’exercice, augmenté du report bénéficiaire et diminué des pertes antérieures ainsi que des sommes

portées à la réserve légale ou aux réserves statutaires.21 Vr Articles 651 et suivants de l’Acte Uniforme22 C. Ferry « Les nouveaux rôles des actions de priorité amortissables » ; Dr. et patrimoine, mars 1994. 2923 F. Monod « Droits financiers attachés aux actions privilégiées » ; Dr. sociétés 1995, chron. 324 L’article 628 prévoit que si la réduction du capital doit porter atteinte à l’égalité des actionnaires, c’est avec le consentement exprès des actionnaires défavorisés.25 S. Dana-Demaret ; Rép. Sociétés Dalloz, V° Capital social. n° 21226 Vr M. Germain « Transparence et information » ; Petites affiches 19 nov. 1997, p. 1627 G. Berlioz « Comptabilité et ingénierie juridico-financière » ; RD compt. 1996, p. 10328 Vr notre article « L’information des actionnaires minoritaires dans l’OHADA : Réflexion sur l’expertise de gestion » ; Ohadata D-05-56 (www.ohada.com)29 G. J. Virassamy « Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise » ; RTD com. 1988, p. 17930 On peut par exemple envisager l’envoi chaque trimestre d’un rapport d’activité31 Vr F.-D. Poitrinal « Les limites des droits non financiers attachés aux actions de priorité » ; Banque 1998, n° 589, p. 5032 Vr F. Monod « Les actions privilégiées : un levier pour l’investisseur minoritaire » ; Banque 1994, n° 549, p. 5833 M. Jeantin « Les clauses de préemption statutaires entre actionnaires » ; JCP E 1991, I. 4934 J.-P. Bouère « Quelques remarques sur les clauses de préemption statutaires réservées à une catégorie déterminée d’actionnaires » ; Bull. Joly 1992. 37635 Vr M. Jeantin « La notion de catégorie d’actions » ; D. 1995. 8836 Vr A. Couret « Le rachat par une société de ses propres actions comme technique de gestion financière » ; Banque et droit 1997, n° 53. 337 Vr A. Couret « Le rachat par la société de leurs propres actions » : Brèves observations sur le rapport Esambert ; Dr. Sociétés, mars 1998, chron. 338 Vr I. Krimmer « La clause de rachat » ; JCP E 1993, I, 22339 Vr notre article « Expertise et prix des titres sociaux dans l’OHADA, Etude de l’article 59 de l’AUSCGIE » ; Ohadata D-05-58 (www.ohada.com)40 Articles 633 et 634 de l’Acte Uniforme

14 Jurifis Infos – 11e numéro – sept/déc. 2011

Page 15: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

Répartir d’une façon plus claire etéquitable les pouvoirs entre lesdifférents organes de gestion et

d’administration de la société ano-nyme (sa) est un objectif majeur qui aété pris en compte par lelégislateur OHADA.

Ce dernier a précisé dansles dispositions pertinentesde l’article 415 de l’ActeUniforme de l’OHADA re-latif au Droit des SociétésCommerciales  que : « Lasociété anonyme avecconseil d’administrationest dirigée soit par un pré-sident-directeur-général,soit par un président duconseil d’administration etun directeur général ».

Une société anonyme avecConseil d’Administration en OHADApeut donc opter entre deux modes degestion et d’administration :

• la formule avec Président DirecteurGénéral (mode moniste),

• ou la dissociation des fonctions deDirecteur Général et de ceux de Pré-sident du Conseil d’administration(mode dual).

Dans le premier mode de direction, lePrésident du Conseil d’Administrationcumule ses fonctions avec celles deDirecteur Général : c’est « la gouver-nance réunie ». Il détient donc, à côtéde ses fonctions de Président duConseil d’administration, les pouvoirset les responsabilités du Directeur Gé-néral. C’est la raison pour laquelle lelégislateur aurait d’ailleurs conservél’appellation de «Président DirecteurGénéral».

Dans le second mode de direction, ladirection générale de la société (la ges-tion quotidienne) est confiée au Direc-teur Général, tout en conservant un

contrepoids dans la personne du Pré-sident du Conseil d’Administration quireprésente les actionnaires : c’est « lagouvernance dissociée ».

Contrairement au premier mode de di-rection, dans le second, le DirecteurGénéral est le véritable chef d'entre-prise. A ce titre, il est investi des pou-voirs les plus étendus pour agir entoute circonstance au nom de la so-ciété en même temps qu’il dispose dupouvoir de décision et d'action pour lecompte de la société, dans la limite deson objet social. Ce dernier représentela société notamment dans ses rap-ports avec les tiers et en est donc le re-présentant légal. D’un point de vuepratique, la société peut même êtreengagée par ses actes qui ne relèventpas de l'objet social conformémentaux dispositions de l’article 488 del’Acte Uniforme de l’OHADA relatifau Droit des Sociétés Commerciales.

Dans le même temps, les pouvoirs duPrésident du Conseil d’Administrationsont limités en ce qu’il représente leConseil d’Administration, organise etdirige les travaux de celui-ci. Il a doncsimplement un rôle de représentationet d’organisation du Conseil d’Admi-nistration, et ne représente pas la so-

ciété dans ses rapports avec les tiers.

Si à la réalité, plusieurs raisons ontamené certaines entreprises opérantdans les territoires OHADA à faire le

choix d’une gouvernancedu mode dual (I), force estde constater que ce choixest à l’origine de dissen-sions qui surviennent deplus en plus entre les par-ties prenantes à la chosesociale (stakeholders), cequi pourrait finir paraboutir à une restaurationde la gouvernance parmode moniste (II).

DES RAISONS DUCHOIX DE LA FOR-MULE DUALE(PCA et DG)

La formule de gouvernance avec Pré-sident Directeur Général est générale-ment critiquée pour sa concentrationdes pouvoirs dans l’entreprise entre lesmains d’une seule et même personne: le directeur général. C’est lui qui gèrela société au quotidien et préside enmême temps le Conseil d’Administra-tion chargé lui aussi de contrôler defaçon collégiale cette gestion.

C’est pour cette unique raison que lelégislateur de l’OHADA a introduitune seconde formule de gouvernancequi dissocie les fonctions de DirecteurGénéral et celles de Président duConseil d’Administration.

Mais à la réalité, le législateur del’OHADA n’a fait que suivre presqueautomatiquement celui français de1966.

Il est aujourd’hui avéré, ce, même enFrance aujourd’hui que, l’adoption fré-quente d’une formule duale (PCA etDG) n’est que très souvent conjonctu-relle.

15La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

OBSERVATIONS SUR LA GOUVERNANCEDES SOCIETES ANONYMES AVECCONSEIL D’ADMINISTRATION ENOHADA : Moniste ou dualiste ?Mamadou KONATE

Avocat AssociéJURIFIS CONSULT

Bérenger MEUKE

Dr en Droit des Affaires

Avocat

ÉTUDES

Page 16: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

ÉTUDES

Elle ne s’explique presque exclusive-ment que par la possibilité offerte auPDG de se retirer de manière progres-sive et en deux temps, d’abord de laseule direction générale, puis,quelques années ensuite, de la prési-dence du Conseil d’Administration.

Le choix de cette formule duale netrouve alors de justifications que dansla possibilité qu’il offre d’assurer unebien meilleure préparation de la suc-cession du PDG.

Ce mode de gouvernance à deux têtesqui à la réalité n’est que structurel nese compte même en France que dansdes cas assez limités et on peut citerpar exemple :

– Les entreprises particulières du CAC40 ou les sociétés transnationalesqui ont fait le choix de relever dudroit néerlandais en implantant leursiège aux Pays-Bas où ce mode degouvernance est obligatoire, c’estpar exemple le cas de EADS ou deST Microelectronics.

– Les entreprises issues de fusions bi-nationales qui ont fait également lechoix de cette formule duale en cequ’elle leur permet un partage despouvoirs (le PCA relevant d’un payset le DG de l’autre), c’est par exem-ple le cas de Dexia aujourd’hui endifficulté ou encore de Unibail-Ro-damco.

– Les entreprises sous contrôle familialou mutualiste où la direction estconfiée à des managers sous la sur-veillance des héritiers comme Peu-geot SA ou Publicis ou à descoopérateurs dans le cas du CréditAgricole.

DE LA RESTAURATION DE LA FOR-MULE MONISTE (PDG)

Le Choix de la formule duale sus évo-quée (PCA et DG) ne s’explique doncque par l’arrivée de plusieurs succes-sions (généralement familiales) endeux temps à leur terme à la tête desgrandes entreprises.

D’ailleurs, la solution de plus en plusadoptée même en France est celled’une re-concentration des pouvoirsde direction au profit du Directeur Gé-néral en place qui est de plus en pluspromu PDG.

Ce fût le cas chez Air liquide, AXA, La-

farge, Mc Donald’s, BP, Renault, Saint-Gobain ou Total.

D’ailleurs, dans d’autres entreprisescomme BNP-Paribas, L’Oréal ouSchneider Electric, des évolutionssemblables sont à prévoir.

Il ne se trouve donc pas beaucoupd’entreprises même à l’échelle interna-tionale où, en dehors des cas particu-liers mentionnés plus haut (succession,restructuration), le système dual se se-rait imposé durablement.

Dans les sociétés anonymes avecconseil d’administration de l’espaceOHADA, l’on rencontre de plus enplus des situations de mésintelligence,grave, entre mandataires sociaux dansle cadre de la gouvernance duale, les-quelles finissent par mettre en péril lasurvie même de l’entreprise, de l’ex-ploitation voire de l’activité écono-mique.

Formule moniste ou duale ?

Telle qu’elle est prévue par l’Acte Uni-forme de l’OHADA relatif au Droit desSociétés Commerciales, notammenten ses articles 477 et suivants, la gou-vernance en mode dual a l’avantagede déconcentrer la direction de la so-ciété en répartissant tous les pouvoirsentre le Conseil d’Administration, lePrésident du Conseil d’Administrationet le Directeur Général. Cette formuleprésente l’inconvénient majeur décriéde plus en plus, de disperser les or-ganes de prise de décisions en créantau passage une confusion des rôlesentre ces trois organes pourtant biendifférents.

Même s’il est avéré que le législateurde l’OHADA a pris bon soin de déter-miner les pouvoirs respectifs de cha-cun de ces organes, force est deconstater que dans la pratique, plu-sieurs difficultés surviennent générale-ment en raison notamment de lafrontière, en définitive, très peu tenueentre les rôles et missions de chacund’eux.

A titre d’exemple, en précisant à sonarticle 480 que le Président du Conseild’Administration a pour mission prin-cipale de veiller à ce que le Conseild’Administration assume le contrôlede la gestion sociale confiée au Direc-teur Général, l’Acte Uniforme susvisén’établit pas avec netteté les pouvoirsdévolus à chacun de ces trois organes.

S’il est constant que la gestion socialeest confiée au Directeur Général, oncomprend de façon malaisée le rôledu Président du Conseil d’Administra-tion qui, à la réalité, pour assurer samission de contrôle de la gestion faitepar le premier organe, pourrait empié-ter sur les pouvoirs dévolus à ce der-nier.

Mieux, dans ce mode de gouvernance,le Directeur Général, même s’il est unmandataire social, n’est, le plus sou-vent pas un actionnaire de la société,mais simplement un manager, un diri-geant qui tient ses pouvoirs non pasdes actionnaires mais de la loi, toutechose qui n’est pas de nature à faciliterses rapports avec l’actionnariat.

La doctrine actuelle est d’ailleursconfrontée à un sérieux   problèmepour classer ou déterminer le statut ju-ridique du Directeur Général. Ce der-nier n’a pas la qualité de commerçantmême s’il est assujetti à certains effetsqui découlent de cette qualité. Est-ilsalarié de la société ? La réponse est,qu’il ne l’est pas dans la mesure où ilne bénéficie d’aucune mesure de pro-tection et peut selon les dispositionsde l’article 492 de l’Acte Uniformesusvisé être révoqué à tout moment,ad nutum par le Conseil d’Administra-tion.

16 Jurifis Infos – 11e numéro – sept/déc. 2011

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Le Directeur Général est donc un or-gane de la société, pour la simple rai-son que ses pouvoirs relèveraient de laloi et non d’un mandat conféré par lesactionnaires. Cette qualification estsans doute discutable puisque l’exis-tence d’une réglementation d’ordrepublic ne suffit pas à exclure la quali-fication de contrat.

S’agissant en revanche des relations duDirecteur Général avec les action-naires, on continue de le qualifier demandataire social pour justifier sa ré-vocabilité et sa responsabilité à leurégard.

Dès lors, l’on peut conclure qu’avec lalégislation issue de l’OHADA, le statutjuridique du Directeur Général estplus qu’incertain. Il est d’autant plusmitigé qu’il est en proie à des confu-sions volontaires ou involontaires, lesprérogatives dévolues au Président duConseil d’Administration et à ceuxtoujours reconnues au Conseil d’Ad-ministration.

L’une des solutions à ces difficultés dusystème de gouvernance dissocié se-rait le choix de l’option de la gouver-

nance réunie prévue à l’article 462 del’Acte Uniforme susvisé.

En effet, le cumul des fonctions res-sortissant de la gouvernance en modemoniste sur la tête du seul PrésidentDirecteur Général, permet à ce der-nier de disposer des pouvoirs les plusétendus : en sa qualité de directeur gé-néral pour assurer la direction opéra-tionnelle de la société en même tempsqu’en sa qualité de Président duConseil d'Administration, il supervisel'établissement des grandes orienta-tions dans la direction de la société etconserve le pouvoir d'engager la so-ciété vis-à-vis des tiers dans l'intérêt dela société et dans la limite de l'objetsocial.

Cette seconde formule a donc l’avan-tage de rassurer l’actionnariat et lestiers en ce qu’elle permet d’éviter laconfusion des prérogatives qui pour-raient exister en cas de multiplicationsd’organes de direction comme c’est lecas avec la gouvernance en modedual.

Le législateur OHADA devrait interve-nir pour, au nom de l’intérêt social,

mettre plus ou moins fin à cette libertécontractuelle dans le choix des modesde gouvernance, en fixant les condi-tions qui devraient précéder l’optionmoniste et l’option duale ? Certes, lespratiques erratiques adoptées par lesentreprises font un peu désordre...Faut-il voir dans cette restauration desPDG l’expression d’un échec de lagouvernance dissociée ?

À vrai dire, la supériorité formelle dela gouvernance duale reste à démon-trer, tout dépend des rapports de forceinternes.

Autant la gouvernance duale peut per-mettre une dissociation des pouvoirsde direction, autant elle peut aboutirde par les rapports de force qui nais-sent très souvent entre le DirecteurGénéral et l’actionnariat, à une para-lysie de la gestion sociale et partant àla chute de l’entreprise.

Au-delà de ces « petits arrangementsentre amis », c’est aussi la vaste ques-tion du contrôle social de la sociétépar l’ensemble de ses parties pre-nantes (stakeholders) qui est posée.

17La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

ÉTUDES

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CHRONIQUES

L’intérêt principal de l’arrêt du 31janvier 2011, ici rapporté, résidedans l’imbrication d’une procé-

dure d’arbitrage et d’une procédure ju-diciaire dans la même cause entre lesmêmes parties posant nécessairementet naturellement la question du conflitde juridiction ou de compétence pos-sible entre juges étatiques et arbitres.

Or conceptuellement, on ne peutconcevoir que s’élève entre juges et ar-bitres un tel conflit de juridiction ou decompétence en raison du principecompétence-compétence fixé par lesarticles 11 et 13 de l’Acte uniforme re-latif à l’arbitrage.

Ce principe théorisé par la jurispru-dence et consacré par le législateurOHADA fixe un ordre de priorité chro-nologique en vertu duquel, il appar-tient d’abord aux arbitres de seprononcer leur compétence, même sil’existence ou la validité de la conven-tion d’arbitrage est contestée devanteux; mais encore de « statuer les pre-miers » sur cette question, sans obliga-tion de leur part de sursoir à statuer encas de saisine parallèle d’un juge éta-tique. De même, lorsqu’un juge éta-tique est saisi d’une question qui faitl’objet d’une convention d’arbitrage, ildoit se déclarer incompétent si l’unedes parties en fait la demande.

A quel point ces affirmations sont ellesvérifiables ?L’arrêt ici rapporté, rendu en Assem-blée plénière qui fait présumer de sonimportance, est assez édifiant à cetégard.

La CCJA siégeant en tant que juge del’annulation avait à se prononcer surdes griefs formulés à l’encontre d’unesentence rendue en dépit d’une procé-dure judiciaire ayant déjà abouti à unedécision passée en force de chosejugée.L’identité de la cause et des partiesdans deux procédures différentesaboutissant à des décisions contradic-

toires posait fatalement un certainnombre de questions légitimes aux-quelles, le juge supranational n’a pasrépondu, à notre sens, d’une manièresuffisamment satisfaisante.

A travers un amas de montages juri-diques entre de groupes de sociétésassez complexes concernant des ces-sions et acquisitions d’actions suiviesde demandes d’exclusion pure et sim-ple du capital social, de rachat forcé,le problème juridique était véritable-ment assez simple.

En la circonstance, après avoirconvenu d’un pacte d’actionnaires as-sorti d’une clause compromissoireavec les sociétés SOYAF COMMUNI-CATION et WEST AFRICA GROUTHFUND (WAGF), la société ATLAN-TIQUE TELECOM a cédé une partie deses actions à la société PLANORAFRIQUE.L’acte de cession renfermaitune clause attributive de compétenceau profit du tribunal de première ins-tance de Ouagadougou.

Les deux parties ont convenu un peuplus tard d’une convention dite « Ac-cord group Atlantique et Planor sur lecontenu des missions de contrôle deTELESEL Faso à intégrer au pacte d’ac-tionnaires signé entre ATLANTIQUETELECOM et WEST AFRICA GROUTHFUND ( WAGF) le 10 février 2004 ».

Mais cette collaboration va vite se dé-tériorer puisqu’une mésentente surgitrapidement entre les nouveaux parte-naires à propos de la gestion dugroupe. Il s’ensuit une longue procé-dure intentée devant les juridictionsétatiques burkinabé aux fins, notam-ment, de nomination d’un administra-teur judiciaire à la société TELECELFASO, d’annulation d’une augmenta-tion du capital de la même société, decession forcée, au profit de PLANORAFRIQUE, des actions détenues parATLANTIQUE TELECOM.

Parallèlement à ces procédures judi-

ciaires initiales, ATLANTIQUE TELE-COM engage une procédure d’arbi-trage qui a abouti à une sentencearbitrale en date du 05 août 2009, la-quelle a pu bénéficier de l’exequaturdu président de la CCJA le 19 août2009.

C’est cette sentence arbitrale qui a faitl’objet d’un recours en contestation devalidité et d’une requête en oppositionà exequatur de la part de PLANORAFRIQUE auprès du haut juge commu-nautaire.

La demanderesse estimait que cettesentence était contraire à l’ordre publicinternational en ce qu’elle heurte unarrêt de la cour d’appel de Ouagadou-gou rendu antérieurement dans lamême cause le 19 juin 2009, ayant faitl’objet d’un pourvoi de rejet et passéen cela, en force de chose jugée.

Par ailleurs, dans un moyen prélimi-naire, PLANOR AFRIQUE soutenaitune opposition a exequatur de la sen-tence en développant l’idée que l’or-donnance d’exequatur rendue par leprésident de la CCJA la privait de sondroit légitime et fondamental d’intro-duire un recours en contestation de va-lidité.

Constatant la connexité entre le re-cours en contestation de validité etl’opposition à exequatur, la juridictionsupranationale a procédé à la jonctiondes deux procédure et y a statué parune seule et même décision.

Après avoir favorablement accueilli lerecours en contestation de validité endéclarant la sentence contraire à l’or-dre public international, le juge supra-national déclare que la requête enopposition à exequatur était devenupar seul sans objet.

Si on partagera assez volontiers la so-lution donnée à l’espèce, tant elle sem-ble être dictée par un certain bon sens,on ne pourra en revanche que manifes-

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LE PRINCIPE COMPETENCE-COMPTEENCEEN MATIERE D’ARBITRAGE OHADA(Notes sous Arrêts Assemblée Plénière de la CCJA du 31 janvier 2011Planor Afrique c/ Atlantique TELECOM)

Bakary DIALLO

Docteur en Droit des Affaires

Avocat

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ter une certaine circonspection quantà la motivation donnée par un arrêtaussi solennelle que celui de l’Assem-blée plénière de la CCJA.

En plaçant sa motivation sur le terrainde la violation de l’ordre public inter-national en ce que les arbitres auraientméconnu l’arrêt de la Cour d’appel deOuagadougou ayant acquis la force dechose jugée, le juge supranationaldonne une mauvaise perception durôle de l’arbitre dans l’appréciation desa propre compétence au regard duprincipe compétence-compétence.

Au cœur de la controverse bruissaitune foule de questions :Que signifie pour l’arbitre le fait de re-tenir sa compétence ou de la décliner ?Quelle est la position de l’arbitre parrapport à une procédure judiciaire déjàentamée voire achevée ? Quels sont lespouvoirs respectifs du juge étatique etl’arbitre ? Quelle est la position des tri-bunaux étatiques face aux pouvoirs del’arbitre ?

Contrairement à ce que pourrait fairepenser une lecture rapide de cet arrêt,le but principal de la controversen’était pas de discuter du principe dela chose jugée, mais de détermineravec clarté la séparabilité du principecompétence-compétence reconnu àl’arbitre et de la compétence généraleet de droit commun du juge nationalétatique.

Expression du principe procéduralselon lequel il appartient à tout juge destatuer sur sa compétence, le principecompétence-compétence qui n’exclutpas le contrôle éventuel de la compé-tence de l’arbitre par la CCJA , assurepleinement l’efficacité procédurale dela clause d’arbitrage.

La fonction juridictionnelle n’est pasréservée aux organes du pouvoir del’ordre judiciaire elle s’étend égale-ment aux arbitres. La répartition descompétences entre le tribunal arbitralet les tribunaux étatiques en ce quiconcerne l’examen des clauses d’arbi-trage est parfois mal comprise. Il n’estpas certain que l’arrêt rapporté qui au-rait dû y remédier y soit parvenu. Ilnous a donc semblé utile de prendre leparti d’aborder pleinement cette ques-tion.

LE PRINCIPE DE LA COMPETENCE-COMPETENCE DE L’ARBITRE

L’Article 11 alinéa 1er de l’AUDA posele principe de la compétence-compé-tence des arbitres : le tribunal arbitralest compétent pour statuer sur sa pro-pre compétence si elle est soulevée parl’une des parties. Il dispose égalementque le tribunal arbitral est aussi com-pétent pour statuer « sur toutes lesquestions relatives à l’existence et à lavalidité de la convention d’arbitrage ».Les arbitres sont donc les seuls juges deleur compétence.

L’article 13 AUDA renforce le principede la compétence-compétence en luiadjoignant un principe de priorité envertu duquel lorsqu’un juge étatiqueest saisi d’une question qui a déjà faitl’objet d’une convention d’arbitrage, ildoit se déclarer incompétent si l’unedes parties en fait la demande. Le prin-cipe de compétence-compétence setraduit par deux effets, l’un positif etl’autre négatif.

L’effet positif du principe compétence-compétence

Le principe compétence-compétencedes articles 11 et 13 de l’AUDA est unerègle fondamentale qui permet aux ar-bitres de poursuivre leur mission,même si l’existence ou la validité de laconvention d’arbitrage est contestéedevant eux, mais encore de « statuerprioritairement sur leur compétence »,sans obligation de leur part de sursoirà statuer en cas de saisine parallèled’un juge étatique.

Dans son effet positif, le principe decompétence-compétence s’adresseaux arbitres. Il permet aux arbitres dontla compétence est mise en doute de seprononcer sur le fondement de leur in-vestiture sans se voir opposer la contra-diction consistant, pour un organe dontla compétence n’est pas encore éta-blie, à entreprendre un raisonnementquelconque, fût-il sur le sujet même decette compétence.

Mieux, il permet aux arbitres qui esti-ment qu’il n’existe pas de conventiond’arbitrage valable entre les parties, ouà tout le moins de convention couvrantla matière litigieuse, de rendre une sen-tence en ce sens. En l’espèce, PLANOR AFRIQUE avaitsoulevé devant le tribunal arbitralconstitué, une fin de non recevoir tiréede l’autorité de chose jugée et des ex-

ceptions d’incompétence, de litispen-dance, de connexité.

En l’absence du principe compétence-compétence, il aurait été impossibleaux arbitres de se prononcer. La justifi-cation de l’effet positif de ce principeest à ce niveau. Il est essentiellementpragmatique.

Les arbitres ne pourraient en effet dansle même temps nier leur compétencedans le dispositif de la sentence et l’af-firmer en établissant eux-mêmes unetelle sentence. L’acte se trouverait dansce cas contredit par son proprecontenu. On voit donc dans les cir-constances de l’arrêt rapporté, laconséquence ultime du principe decompétence-compétence. Celui-ci nes’analyse pas en un simple effet de laconvention d’arbitrage ou même del’apparence de convention d’arbitrage. La convention d’arbitrage suffit à justi-fier que des arbitres saisis sur le fonde-ment d’un titre apparent puissent envérifier la validité jusqu’à ce qu’ilssoient en mesure d’affirmer celle-ci parune sentence constatant, cette fois sanscontradiction aucune, son existence etsa validité.

I1 s’agit surtout de ne pas permettre àla partie qui ne souhaite pas voir l’ar-bitrage se dérouler normalement desoulever non seulement un incident surl’existence ou la validité de la conven-tion d’arbitrage mais encore d’en tirerargument pour tenter de faire suspen-dre l’arbitrage jusqu’à ce que les juri-dictions étatiques se soient prononcéessur ce point.

Ainsi, la compétence donnée aux arbi-tres de trancher la question permet defaire échec à d’éventuelles manœuvresdilatoires, sans pour autant sacrifier lesintérêts de la partie qui pourrait se trou-ver confrontée à une demande d’arbi-trage sur le fondement d’uneconvention inexistante, nulle ou necouvrant pas la matière litigieuse. En l’occurrence, c’est ce qui a permisaux arbitres, en effet, de se prononcerdans la sentence sur ces vices et derendre leur décision malgré les vicessoulevés par PLANOR AFRIQUE.

Mais le principe compétence-compé-tence ne doit pas être réduit dans sonaspect positif. Il conduit aussi le jugeétatique à décliner sa compétence.C’est précisément sur l'aspect négatifdu principe que l'arrêt du 31 janvier2011 de l’Assemblé plénière de la

19La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

CHRONIQUES

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CHRONIQUES

CCJA est important. Dès l'instant oùl'une des parties fait état d'une clausecompromissoire et n'entend pas y re-noncer, le juge étatique doit refuser sacompétence. L'affaire appartient à l'ar-bitre. Il lui appartient de se prononcerpar priorité sur sa compétence. L’effet négatif du principe compé-tence-compétence

L’effet négatif du principe compétence-compétence veut que «les arbitres doi-vent avoir l’occasion de se prononcer etde se prononcer les premiers sur lesquestions relatives à leur compétence,sous le contrôle ultérieur des juridictionsétatiques» (Fouchard,Gaillard, Goldman,Traité de l’arbitrage commercial interna-tional, Litec, 1996, page 415).

L’arbitre a donc une priorité chronolo-gique pour statuer sur sa propre com-pétence. L’article 13 alinéa 1 del’AUDA est la traduction légale de ceprincipe quand il retient que«lorsqu’un litige, dont un tribunal arbi-tral est saisi en vertu d’une conventionarbitrale, est porté devant une juridic-tion étatique, celle-ci doit, si l’une desparties en fait la demande, se déclarerincompétente»; et que l’alinéa 2 dumême article ajoute «si le tribunal arbi-tral n’est pas encore saisi, la juridictionétatique doit également se déclarer in-compétente à moins que la conventiond’arbitrage ne soit manifestementnulle».

Il convient de souligner que l’effet né-gatif du principe de compétence-com-pétence d’une clause d’arbitrage,même ambiguë, interdit en général àtout tribunal étatique de se déclarercompétent, à moins que la clause nesoit frappée d’une pathologie qui ex-clut tout recours à l’arbitrage.

Selon l’interprétation de l’article 13 del’Acte uniforme, il revient aux arbitresdésignés en l’espèce, par les parties :ATLANTIQUE TELECOM et PLANORAFRIQUE, la tâche d’instruire le litigeet d’établir l’existence, la validité ou laportée de la clause d’arbitrage. En règlegénérale, les arbitres usent en pratiquede cette faculté avec prudence avantde refuser de mettre en œuvre une pro-cédure.Dans le cas spécifique du droit uni-forme de l’OHADA, une conventiond’arbitrage qui viserait par exempleune matière manifestement inarbitrableau regard de la loi qui la régit, seraitmanifestement nulle.

Dans l’espèce qui nous occupe et objetde nos commentaires, nous sommespleinement dans le cadre fixé par l’ali-néa 2 de l’article 13 de l’AUDApuisque le tribunal de Ouagadougou aété saisi au préalable.

Plusieurs décisions judiciaires ont étérendues dans le sens de la priorité ac-cordée à l’instance arbitrale quelquesoit le moment de sa saisine. C’est ainsique la Cour d’appel d’Abidjan a af-firmé que « la clause compromissoireinterdit toute compétence des juridic-tions de l’ordre judiciaire» (Abidjan,n° 1032, 30 juillet 2002). Dans unarrêt important en date du 24 février2005, la CCJA a désavoué la Courd’appel d’Abidjan qui, dans deux arrêtsdu 30 juillet 1999 et du 18 février 2000avait infirmé un jugement du tribunalde première instance d’Abidjan quis’était déclaré incompétent du fait del’existence d’une clause arbitrale(CCJA, n° 012/2005, février 2005).

Dans le même sens, il a été décidéqu’en présence d’une clause dans laconvention des parties prévoyant quela juridiction compétente pour connaî-tre de tout litige ou contestation pou-vant provenir de l’application ou del’interprétation du Protocole d’accordet de son annexe ne peut être qu’unejuridiction arbitrale constituée sousl’égide de la Chambre de CommerceInternationale et devant fonctionnerselon le Règlement d’arbitrage de cettedernière, et en application de l’article13 alinéa 1 et 2 de l’AUA, toute juri-diction étatique saisie d’un tel litigedoit se déclarer incompétente. Enconséquence, c’est en violation desdispositions énoncées ci-dessus qu’unecour d’appel s’est déclarée compétentepour se prononcer sur le fond du litigenonobstant l’existence de la claused’arbitrage et ses décisions encourentla cassation (CCJA, 1ère ch., n° 12, 24-2-2005  : Sté MACACI c/ M.  Jean-Pierre, Juris Ohada, n° 2/2005, p. 9. -Recueil de jurisprudence de la CCJA,n° 5, janvier-juin 2005, volume 2, p.27, ohada.com, Ohadata J-05-357).C’est encore dans le même sens qu’untribunal des Etats-Unis, confronté à uncontrat contenant deux clauses d’attri-bution de compétence, l’une donnantcompétence à l’arbitre et l’autre aujuge, est allé jusqu’à faire prévaloir lapremière sur la seconde (United StatesDistrict Court N.D.California, 11 dé-cembre 1995, Lapine Technology corp

c/ Kyocera corp, Les Petites Affiches, 31janvier 1997.8, note A.Levasseur). LaCour de cassation française a égéle-ment jugé en ce sens, (Cass.civ.2e , 18décembre 2003, Société La Chartreuse,somm.in Rev.arb., 2004.442),Toutefois, l’incompétence est toujoursrelative car « en tout état de cause, lajuridiction étatique ne peut releverd’office son incompétence», l’initiativerelevant de la volonté d’une partie. Enl’espèce, il s’agit de savoir si ATLAN-TIQUE TELECOM qui faisait valoir laclause compromissoire avait soulevécette exception auprès des juridictionsétatiques burkinabé. Les faits tels quisont rapportés dans l’arrêt ne permet-tent toutefois pas de répondre directe-ment à cette question.

Si tel était le cas les juges judiciairesauraient dû décliner leur compétenceen attendant que le tribunal arbitral soitsaisi et se prononce sur sa compé-tence.

LE CONTROLE A POSTERIORI DELA COMPETENCE DE L’ARBITREPAR LA CCJA

Sans doute parce qu’il défie la logiqueformelle, le principe compétence-com-pétence à quelque peine à être com-pris et s’imposer. Si on pousse leraisonnement jusqu’au bout on peut sedemander pourquoi la CCJA voit en lasentence une violation de l’ordre pu-blic international.

Sur la violation de l’ordre publicinternational

S’il est possible de faire confiance auxarbitres à travers le principe légal com-pétence-compétence fixé par les article11 et 13 de l’AUDA dans son doubleaspect positif et négatif, principe quileur donne ordre de priorité dans laconnaissance du litige, il y a une cer-taine incohérence pour la CCJA defaire le lien entre l’autorité de chose etviolation d’un ordre public internatio-nal.

En effet, on peut s’étonner de la moti-vation de la CCJA qui relève que «  At-tendu qu’en tout état de cause, mêmesi cet arrêt a effectivement fait l’objetd’un pourvoi en cassation comme l’afait remarquer à juste raison la défen-deresse à la présente, il n’en demeuraitpas moins au moment du prononcé dela sentence une décision définitive bé-néficiant de l’autorité et de la force dechose jugée aussi longtemps qu’il n’est

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CHRONIQUES

pas annulé (……) qu’en conséquence,en statuant à nouveau sur la demandede cession forcée des mêmes actions,la sentence du tribunal arbitral, quiporte ainsi atteinte à l’ordre public in-ternational, doit être annulée  (…) »

Au regard des articles 11 et 13 del’AUDA, cette motivation pose pro-blème. A partir du moment, où le tri-bunal s’est constitué avant que ladécision ne devienne définitive, bienplus à partir du moment où l’une desparties fait état de l’existence d’uneconvention d’arbitrage devant une ins-tance judiciaire avant toute décision aufond, il revenait aux juges étatiques desursoir à statuer jusqu’à ce que les ar-bitres se prononcent sur leur compé-tence ou la validité de laditeconvention.

La motivation de la CCJA sur ce pointnous paraît assez discutable. Les effetspositif et négatif combinés du principecompétence-compétence sont radica-lement antinomique avec une éven-tuelle violation de l’ordre publicinternational fondée sur le moyend’une décision judiciaire ayant acquisforce de chose jugée. Il y a là une cer-taine incohérence qui défie cette lo-gique.

Qu’en serait-il d’un éventuel pourvoiintroduit par ATLANTIQUE TELECOMsur le moyen fondé sur la violation desarticles 11et 13 de l’AUDA ?

En cas de décision de compétence, lasentence arbitrale est naturellement at-taquable devant la CCJA par voie d’an-nulation en contestation de validité. Le rôle de la CCJA dans l’examen del’existence ou de la validité de conven-tion d’arbitrage n’est pas seulement li-mité au simple constat de l’existenceou de l’absence d’une clause liant lesparties. Au stade du recours en annu-lation ce rôle passe à la déterminationde la mise en œuvre de la procédure.

Mais le motif d’annulation fondé sur laviolation d’un ordre public internatio-nal en raison d’une contrariété d’unedécision judiciaire passée en force dechose jugée nous semble mal fondé.Apprécier l’efficacité de la conventiond’arbitrage, à l’égard des tribunaux éta-tiques, pour le juge de l’annulationqu’est la CCJA, c’est vérifier que cetteconvention réunit les éléments etconditions nécessaires pour que lacompétence des tribunaux soit consi-dérée comme écartée.

L’opportunité de consacrer le principede compétence-compétence tourneautour de trois considérations de na-ture très différente: la réalisation d’éco-nomie de moyens, le souci de déjouerles manœuvres dilatoires et celui de nepas perturber les règles d’organisationdes compétences judiciaires mises enplace, dans un nombre croissant desystèmes juridiques, en matière d’arbi-trage.

D’abord, le fait de soumettre la ques-tion préalablement à des juridictionsétatiques, dont les décisions peuventsouvent faire l’objet d’un appel, puisparfois d’un recours devant la juridic-tion supranationale, n’est pas de natureà accélérer le processus si les juridic-tions étatiques finissent par admettrel’existence et la validité de la conven-tion d’arbitrage.

Le choix entre toutes les considérationscontradictoires dépend donc large-ment, en définitive, du degré deconfiance accordé par le législateurOHADA à l’arbitrage comme procédéde règlement des différends.

Si les arbitres reçoivent en toute hypo-thèse le pouvoir de statuer sur le mêmesujet en vertu de l’effet positif du prin-cipe de compétence-compétence, laseule question demeurant ouverte estde savoir si comme dans le cas en es-pèce, l’ouverture de deux fronts paral-lèles portant sur le même contentieuxréalise une véritable économie. I1 estpermis de penser que tel n’est pas lecas et que cette dualité de compétenceest plus perturbatrice qu’utile.

Ensuite, l’argument tiré du souci de dé-jouer les manœuvres dilatoires se situedans le prolongement du précédent. I1justifie cependant de manière plus

nette l’effet négatif de la compétence-compétence. Même si les arbitres re-çoivent également le pouvoir de seprononcer sur ces questions en vertude l’effet positif du principe de compé-tence-compétence, l’existence d’uncontentieux parallèle devant les juri-dictions étatiques sur la validité ou laportée de la convention d’arbitrage nepeut que perturber le déroulement del’arbitrage.

Cette dualité de compétence jointe àl’idée que la décision des juridictionsétatiques l’emportera en toute hypo-thèse-comme le laisse malheureuse-ment entendre la motivation de laCCJA dans l’arrêt du 31 janvier 2011,ici rapporté,- n’est pas de nature à don-ner aux arbitres le sentiment que leurdécision aura une utilité quelconque.Les parties elles-mêmes, connaissantl’importance de la décision des juridic-tions étatiques, y consacreront l’essen-tiel de leurs efforts. En d’autres termes,s’il ne s’applique qu’aux arbitres et nonaux juridictions étatiques, le principede compétence-compétence n’est pasde nature à faire véritablement obsta-cle aux manœuvres dilatoires qu’ilétait censé déjouer.

Enfin, plus fondamentalement, l’effetnégatif de la compétence-compétencerepose sur l’idée qu’il est possible defaire confiance aux arbitres, au moinsdans un premier temps, pour se pro-noncer prioritairement sur les ques-tions parfois délicates de validité et deportée de la convention d’arbitrage.Cette philosophie est très exactementcelle qui sous-tend la conception largede l’arbitrabilité du litige.

En définitive, de par l’importance deséconomies qu’il est susceptible de faireréaliser dans les Etats, l’effet négatif du

21La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

«S’il est possible de faire confiance aux arbitres àtravers le principe légal compétence-compétencefixé par les article 11 et 13 de l’AUDA dans sondouble aspect positif et négatif, principe qui leur

donne ordre de priorité dans la connaissance du li-tige, il y a une certaine incohérence pour la CCJAde faire le lien entre l’autorité de chose et violation

d’un ordre public international.»

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CHRONIQUES

principe de compétence-compétenceconstitue sans doute aujourd’hui l’undes indicateurs essentiels de laconfiance réelle que les différents or-dres juridiques font à l’arbitrage.

Sur la validité de la clausecompromissoire

Comme toute convention en générale,la validité d’une convention d’arbitrageest susceptible d’être mise en cause,notamment à raison des vices deconsentement. Cependant, si dans unpremier temps il revient aux arbitres enapplication de l’article 13 d’en appré-cier l’applicabilité, il appartient austade ultime à la CCJA d’en d’apprécierla validité, dès lors qu’elle est saisie àcet effet.

C’est la logique du principe compé-tence-compétence décrit plus haut. La

convention d’arbitrage est un contrat.Elle ne produit donc effet obligatoirequ’à l’égard de celui qui l’a signé. Enconséquence, un tiers qui n’y a pasconsenti ne peut être contraint à inter-venir dans l’instance : toute extensionà son égard aurait pour conséquencepar cela seul d’élargir la mission del’arbitre.

En l’espèce, PLANOR AFRIQUE quis’opposait dès le départ à l’arbitrage,soutenait qu’elle n’était pas partie aupacte d’actionnaires qui contenait laclause compromissoire ayant servi debase à l’ouverture de la procédure d’ar-bitrage. Or, c’est dans cette mêmeclause compromissoire que se trouvaitla renonciation à la contestation de va-lidité qu’invoquait ATLANTIQUE TELE-COM au soutien de sa prétentiond’irrecevabilité du recours en contes-tation de validité de la sentence arbi-trale.

La juge de l’annulation avait à trancherdeux questions :

– il y a-t-il eu renonciation à la contes-tation de validité ?

– la convention d’arbitrage était-elleopposable à PLANOR AFRIQUE ?

En réalité, les deux questions étaientétroitement liées répondre à la secondec’est résoudre la première.

La CCJA relève simplement à cet effetqu’ «un examen sommaire dudit pacted’actionnaires révèle que la sociétéPLANOR AFRIQUE n’en est pas for-mellement signataire pour que cette ré-férence puisse justifier à elle seulel’irrecevabilité du recours en contesta-tion de validité».

Cette décision est à rapprochée d’unautre arrêt de la CCJA en date du 10juin 2010 rendu sur la même questionentre les mêmes parties, le juge supra-national avait retenu  : «  (…)attenduqu’il est de principe qu’en matière d’ar-bitrage international, la clause compro-missoire par référence écrite à undocument qui la contient est valable, àdéfaut de mention dans la conventionprincipale , lorsque la partie à laquellela clause est opposée a eu connais-sance de la teneur de ce document aumoment de la conclusion du contrat etqu’elle a accepté l’incorporation dudocument au contrat ; qu’en l’espèce,la Cour d’appel de Ouagadougou,après avoir examiné les diverses trans-

actions intervenues entre les parties, a, souverainement relevé, par une déci-sion motivée, que la clause d’arbitragecontenue dans le pacte d’actionnairesdu 10 février 2004 n’est pas opposableà PLANOR AFRIQUE parce qu’il neressort nulle part du dossier qu’elle aiteu connaissance de ladite clause etqu’elle ait manifesté la volonté d’êtreliée par la convention d’arbitrage ».

Selon l’interprétation que fait la CCJAde l’espèce  , l’acceptation de laconvention d’arbitrage est exigée pourqu’elle lui soit opposable. En exigeantune acceptation expresse pour l’oppo-sabilité de la convention, la CCJA ap-plique strictement la règle de droitcontractuel.

Le juge de l’annulation considère quePLANOR AFRIQUE n’est pas directe-ment désignée dans la convention etn’en est pas signataire. Elle est donc untiers étranger à cette clause compro-missoire. Dans cette logique l’interven-tion d’un tiers ne peut donc seconcevoir que s’il adhère librement àla convention à laquelle il devient parcela partie.

Le caractère consensuel de l’arbitragemet ainsi un obstacle à l’extension dela convention d’arbitrage à des tiers.Selon le juge supranational pour êtreopposable à PLANOR AFRIQUE, laclause compromissoire insérée dans lepacte d’actionnaires devait être portéeà sa connaissance et avoir été acceptéeexpressément par elle. La juridictionsupranationale exige donc une accep-tation spéciale de la part de PLANORAFRIQUE.

Il faut dire que l’effet relatif de la clausecompromissoire interdit à priori d’enétendre le champ d’application rationapersonae à une personne qui n’y a pasconsenti. L’arbitrage repose, en prin-cipe, sur la volonté des litigants de sou-mettre leur litige à un arbitre.

Cependant, si cette solution paraîtclaire et logique, elle ne manque pasde soulever quelques remarques au re-gard de la spécificité des solutions clas-siquement données en matièred’arbitrage tant l’opposabilité desclauses de compétence engendre desinterprétations différentes. L’incertitudede la règle de droit dans ce domaineest incontestablement fonction des cir-constances de chaque espèce et des ar-gumentations soulevées par les parties.

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«Il faut dire quel’effet relatif de la

clause compromis-soire interdit à

priori d’en étendrele champ d’appli-cation rationa per-

sonae à unepersonne qui n’y apas consenti. L’ar-bitrage repose, enprincipe, sur la vo-lonté des litigantsde soumettre leurlitige à un arbitre.»

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ACTUALITÉ

23La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

Par cet arrêt, la CCJA semble prendreson parti dans la querelle qui a long-temps opposé la chambre commer-ciale à la chambre civile de la cour decassation française sur l’extension dela clause compromissoire. Sur cettequestion, la chambre commerciale etla première chambre civile avaient desjurisprudences divergentes et la doc-trine avait souhaité une harmonisation.Cette divergence est désormais aplaniedans le sens de la position de la cham-bre civile de la cour de cassation fran-çaise. Par un arrêt de principe du 21février 2006 (Cass.com., 21 février2006, n°04-11.030, Navire Pella, StéBelmaire et a.c/ Sté Trident MarineAgency Inc. Et a. : Juris-Data n°2006-0 3 2 3 0 0 . R e v. a r b . 2 0 0 6 , p . 3 7 9 ,rapp.A.Potocki, note Ph.Delebecque ),la chambre commerciale de la cour decassation a fini d’aligner sa jurispru-dence sur celle de la première cham-bre civile.

Dans sa jurisprudence antérieure, lachambre commerciale s’était exprimaitpar l’arrêt de principe du 29 novembre1994, Stolt Osprey (Cass. Com ., 29nov .1994, n° 92-14.920,CDF ChimieNorth America et a. c/Tolt Nielsen eta. : Juris-Data n° 1994-002296 ; DMF1995,p.218,obs Y.Tassel).

Il déclarait dans cet arrêt : « Pour êtreopposable au destinataire, une clausecompromissoire insérée dans uncontrat [de transport] doit avoir été por-tée à sa connaissance et avoir été ac-ceptée par lui  », la chambrecommerciale exigeait donc - comme laCCJA dans l’arrêt du 31 janvier 2011,ici rapporté,- une acceptation spécialede la part du destinataire ( V.encoreCass.com., 8 oct.2003,navire M/VJehum, Borsha Shipping Ltd et. c/ AxaCorporate Solutions et a. : Juris –Datan°2003-020465 ; DMF 2004, p.339,rappo.G.de Monteynard)

Puis, la première chambre civile de lacour de cassation française est venueadopter une jurisprudence opposée.D’abord par un arrêt en date du 16mars 2004, Avlis (Cass. 1er civ.,22nov.2005, n°03-10.087, Sté Axa Corp.Et a. :Juris-Data n°2005-030841; DMF2006, II, 10046, note C.Humann). En-suite, elle a fermement confirmé sa po-sition par un arrêt de principe du 22novembre 2005, Lindos ( Cass. 1erciv.,22 nov.2005, n° 03-10.087, StéAxa Corp Colutions et a. : Juris-Data n°2005-030841 ; DMF 2006, p.16,noteP.Bonassies).

La première chambre civile de la courde cassation procède par un tout autreraisonnement. Tandis que la chambrecommerciale, tout comme la CCJAdans l’arrêt ici rapporté, raisonnait surle terrain de la théorie générale ducontrat ; le destinataire ne pouvait êtreengagé par la clause compromissoireque s’il l’avait accepté «  spéciale-ment », la chambre commerciale toutcomme la CCJA exigeant en quelquesorte que cela soit vérifié in concreto,la première chambre civile, elle, rai-sonne dans le cadre de l’arbitragestricto sensu.

Elle fait une application rigide du prin-cipe compétence-compétence, en lequalifiant ce principe de règle « maté-rielle du droit du droit de l’arbitrage »et considère que la recherche d’uneacceptation spéciale, comme l’exigeaitla chambre commerciale et commel’exige la CCJA dans le présent arrêt, dudestinataire n’est pas nécessaire « dèslors qu’il est habituel qu’une claused’arbitrage international soit inséréedans un contrat de transport internatio-nal ». Par l’arrêt Pella ci-dessus cité, lachambre commerciale de la cour decassation française s’est finalement ali-gnée sur cette position. Une impor-tante partie de la doctrine a approuvécet alignement. Mais une autre partiel’a déploré et a expliqué qu’il aurait étésouhaitable que cet alignement se fîtau profit de la chambre commerciale.

Il leur paraît en effet, excessif de per-mettre, par application « mécanique »du principe de compétence-compé-tence, d’imposer l’arbitrage à un desti-nataire qui ne l’a pas accepté. La CCJApar l’arrêt rapporté semble se rangersur cette position. Et nous approuvonssans réserve ce positionnement. Cartirer l’argument d’une interprétation« extensive » du principe compétence-compétence pour contraindre une par-tie qui ne l’a pas souhaité à unarbitrage est un argument pour lemoins malhabile et retors. L’arbitragerepose sur un accord de volonté et cetaccord doit-selon nous- être prouvéqu’il soit au demeurant expresse ou ta-cite.

Cette brève analyse comparative faitclairement ressortir l’enjeu de cet arrêtqui est bien plus important que ne lelaisse transparaitre une première lec-ture.

En amont, l’arrêt du 31 janvier 2011conduit à s’interroger sur la jurispru-

dence qui, au nom de l’effet négatif duprincipe compétence-compétence im-pose au juge saisi d’un litige en pré-sence d’une clause d’arbitrage de sedéclarer incompétent et de renvoyerles parties à l’arbitrage quel que soit lemoment de sa saisine, même lorsquela compétence de l’arbitre est contes-tée comme c’est le cas dans l’espèce.

En aval, cet arrêt de l’Assemblée plé-nière de la CCJA risque d’avoir un im-pact négatif sur l’étendue du contrôleopéré par le juge de l’annulation surune sentence arbitrale rendue sur labase d’une convention d’arbitragecontestée. Il appelle en tous les cas, àun nécessaire rééquilibrage entre leprincipe compétence-compétence, labonne administration de justice et l’or-dre public international tel que dé-fendu en l’espèce.

On s’interrogera peut être sur la perti-nence de la motivation de cet arrêtmais on l’approuvera in fine dans lefond. Car si on souscrit à la solution del’espèce, en ce que l’on peut considé-rer avec la CCJA que la clause d’arbi-trage ne pouvait engager PLANORAFRIQUE, le motif tiré de la violationde l’ordre public international fondésur la contrariété de la sentence arbi-trale avec une décision judiciaire pas-sée en force de chose jugée dans unlitige où deux procédures parallèlessont engagées entre les mêmes partiespour la même cause, est discutable etpour le moins, à notre sens, excessif.Il faut prendre conscience de ce quel’arrêt atteste sur ce point précis : unevision étroite du principe de compé-tence-compétence et un droit étriqué àl’égard de l’arbitrage. Or les textes del’OHADA à travers l’Acte uniformeportant sur l’arbitrage (article 13) et duRèglement d’arbitrage de la CCJA (ar-ticle 10) disent exactement lecontraire. Selon ces textes c’est l’arbi-trage qui doit primer. C’est le législa-teur qui le dit.

Le juge de l’annulation aurait dû se li-miter, à notre sens, au simple constatde l’inapplicabilité ou de l’inopposabi-lité de la convention d’arbitrage pouraccueillir favorablement le recours encontestation de validité de la sentencearbitrale introduite par PLANORAFRIQUE. Cela aurait suffit.

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CHRONIQUES

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Les deux arrêts rapportés du 19janvier 2005 (arrêts d’incompé-tence partielle rendus par la

deuxième chambre civile et commer-ciale qui sont l’un et l’autre inédits),sont de ceux susceptibles de faireavancer la réflexion et d’apporterquelques éléments de solution à desquestions jusque là timidement débat-tues en droit OHADA.

La cour de cassation sénégalaise ap-porte effectivement, une contributiondans le débat qui se noue autour de laquestion de la répartition des compé-tences dans un litige où s’entrecho-quent et se mêlent les matièresjuridiques harmonisées et les matièresjuridiques non harmonisées.

Révélons rapidement les circons-tances des deux controverses. Dans la première espèce, un commer-çant (Alioune BABOU) preneur d’unbail commercial donné par un autrecommerçant (Mbacké DRAME) avaitété assigné en expulsion, par ce der-nier, devant le tribunal régional deDakar. Le juge des référés du Tribunalrégional puis la cour d’appel avaientfacilement accédé à cette demande enordonnant l’expulsion.

Ayant succombé devant les juges dufond, le commerçant sollicite de lacour de cassation sénégalaise la cen-sure de l’arrêt en invoquant au soutiende sa demande, trois moyens de cas-sation basés respectivement sur la vio-lation des articles 101 de l’ActeUniforme portant sur le droit commer-cial général et de l’article 32 du Codede procédure civile sénégalais, et enfinde l’insuffisance de motifs et de la vio-lation des droits de la défense.

Dans la deuxième espèce, l’auteur dupourvoi Mr Jamal SALEH cherchaitégalement à échapper à un jugementdéfavorable du même Tribunal régio-nal de Dakar, confirmé en appel, le

condamnant au paiement de sommesd’argent à la société ULMAN. A cettefin, le commerçant présentait deuxmoyens de cassation tirés d’une partde la violation des articles 30 et 264du COCC sénégalais et de l’article 202de l’Acte Uniforme portant sur le droitcommercial général.

Les deux espèces rendues à la mêmedate ne manquent pas de proximités.Dans les deux cas le litige porte à lafois sur le droit national et le droit har-monisé. Il s’agit donc d’affaires mixtes.

Sollicitée par la voie d’un recours encassation la haute juridiction nationalesénégalaise s’est contentée de souli-gner son incompétence pour lesmoyens soulevant des questions rela-tives à l’application d’un Acte uni-forme et a décidé de surseoir à statuerpour les autres moyens ayant trait audroit interne non harmonisé et à ren-voyer l’affaire devant la Cour Com-mune de Justice et d’Arbitrage sous levisa des articles 14, 15 et 16 du Traitéde l’OHADA. Cette décision procèdedonc d’une démarche volontaire endirection de l’ordre juridique OHADAtel qu’il a été voulu par le législateurcommunautaire.

Mais, que doit- on penser de cette so-lution ? La saisine sur renvoi de laCCJA dans un litige portant à la fois surle droit interne et le droit uniformeconstitue t-elle une obligation ou unefaculté pour une juridiction suprêmenationale ?En première lecture, les arrêts com-mentés reposent donc sur une impla-cable logique et semble imperméableà toute critique.

Pourtant, à y regarder d’un peu plusprès, la solution retenue par ladeuxième chambre civile et commer-ciale ne s’impose pas avec la force del’évidence. Elle révèle surtout un videjuridique inquiétant dans les rapports

entre les juridictions nationales de cas-sation et la CCJA. Vide juridique quifait le lit d’une insécurité juridique etjudiciaire dont les premières victimessont les plaideurs.

Il est vrai qu’en matière de recours encassation dirigés contre les Actes uni-formes, le juge de cassation sénégalaisréaffirme sans réelle surprise la com-pétence exclusive, voire d’ordre publicde la CCJA. Mais les juridictions natio-nales restent souveraines pour connaî-tre tous les pourvois visant la censuredu droit interne non harmonisé.

Il consacre donc le partage de compé-tences avec la CCJA dans les litigesprésents élevés à sa connaissance (I).Mais, si la solution adoptée est simplesa portée juridique est plus difficile àsaisir (II)

LE PARTAGE DE COMPETENCEENTRE LA CCJA ET LA COUR DE CASSATION NATIONALE.

Tout litige dans lequel l’invocabilité dudroit OHADA est effective doit être di-rectement tranché en cas de cassationpar la CCJA. C’est une compétence ex-clusive (A). Mais la CCJA n’est pascompétente pour intervenir dans lesmatières hors OHADA (B).

A- L’exclusivité de compétence de laCCJA dans le contentieux des Actesuniformes.

Le contentieux relatif aux Actes uni-formes issus du Traité OHADA est gou-verné par deux principes essentiels.

D’ abord, le contentieux est réglé enpremière instance et en appel par lesjuridictions des Etats parties (art. 13 duTraité OHADA). Ainsi, dans les casparticuliers rapportés les litiges ont puêtre portés devant le Tribunal régionalde Dakar puis devant la cour d’appel

LA REPARTITION DES COMPETENCES DANS UN LITIGEOU S’ENTRECHOQUENT ET SE MELENT LES MATIERES JURIDIQUESHARMONISEES ET LES MATIERES JURIDIQUES NON HARMONISEES(Notes sous Arrêts C. Cass Sénégal du 19/01/2005, n° 36 Jamel SALEH c/ Sté ULMAN Saet n° 37 Alioune BABOU c/ Mbacké DRAME)

Bakary DIALLO

Docteur en Droit des Affaires

Avocat

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ACTUALITÉ

25La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

les litiges avant de s’adresser à la Courde cassation sénégalaise.

Ensuite, la CCJA assure dans les Etatsparties l’interprétation et l’applicationcommunes du Traité, des règlementspris pour son application et des Actesuniformes 1 .

Dès sa conception, la CCJA a été ainsidotée de la fonction de juger, sans lemoindre partage. Elle a été chargéed’unifier et de régulariser l’interpréta-tion de la règle de droit dans tout l’es-pace géographique OHADA et àl’égard de tous les justiciables, quelque soit le pays où se situe le tribunal,la profession des parties, lorsque le li-tige porte sur le droit harmonisé.

Telle demeure fondamentalement saraison d’être. Sa création a été enquelque sorte imposée comme le co-rollaire du principe de l’unité de laCommunauté juridique, pour coifferun corps de juridictions préexistantes.

Le législateur communautaire a vouluainsi éviter l’éparpillement de l’inter-prétation du droit harmonisé, parl’émergence de jurisprudences quipeuvent être selon les juridictions ter-ritoriales saisies  : nationales, franco-phones, lusophones, hispanophonesou bientôt anglophones. La CCJA estchargée de préserver la sécurité juri-dique dans ce qu’elle a de plus de plusexigeant et de plus immédiat : la pré-visibilité du droit et son évolution.

Tant il est vrai, que la loi ne peut avoirqu’un sens à l’intention du législateur ;« … les autres sens qu’on veut lui at-tribuer sont nécessairement faux. S’il ya plusieurs autorités chargées deconnaître de la violation des lois, ellespourraient être interprétées en diverssens… »2 La promotion de l’unité et de la sécu-rité ne tolère pas la diversité de l’ex-pression. Lorsque l’on est en présencede concepts mal maîtrisés, de notionsmal définies ou de solutions confuses,la CCJA doit se révéler un guide pré-cieux pour le juge ordinaire.

En un mot, le souci majeur et exclusifest de sauvegarder l’unité jurispruden-tielle.

Toutefois, la compétence de la CCJAest une compétence spéciale. C’est-à-dire que celle-ci est exclusive mais cir-conscrite à l’application etl’interprétation des Actes uniformes

du traité de Port Louis de 1993. LaCCJA est incompétente dans les ma-tières non encore harmonisées. Pourtoutes les matières hors OHADA lesjuridictions de cassation nationalesrecouvrent leur pleine souveraineté.

La substitution de la CCJA aux juridic-tions nationales dans le contentieuxdes Actes Uniformes.

Les juridictions suprêmes nationales sevoient évincées de leurs compétencestraditionnelles dans toute matièreayant été l’objet d’un Acte uniforme.

Et lorsque le litige renferme, commec’est le cas dans les espèces que nousrapportons, des matières juridiquesharmonisées et des matières juridiquesnon harmonisées, un partage des com-pétences s’impose entre la CCJA quin’est compétente que pour l’applica-tion des Actes uniformes et la juridic-tion suprême nationale qui restesouveraine dans le contentieux dudroit commun.

Dans les arrêts présents arrêts du 19janvier 2005 les matières juridiquesnon harmonisées invoquées dans lespourvois concernent le code de Procé-dure civile à travers son article 32 etles articles 30 et 264 du code des obli-gations civiles et commerciales du Sé-négal. L’invocation de ces articlesjustifie pleinement la compétence dela cour de cassation du Sénégal. Aussi,cette dernière semble tenir pour lo-gique le morcellement du litige endeux parties nettement distinctes.Cette position peut être approuvée.Car, la cour de cassation ne doitconnaître même de façon indirecte lecontentieux des Actes uniformes. In-versement, en bonne logique lorsque,la CCJA est saisie dans les mêmesconditions, elle devra décliner sa com-pétence sur les matières non harmoni-sées.

Cependant, la coexistence de diversescompétences dans un même litige estsusceptible d’engendrer une insécuritéjudiciaire handicapante surtout pourles plaideurs.

Doit- on former deux pourvois en cas-sation pour une même décision entreles mêmes parties, l’un porté devant lajuridiction nationale et l’autre devantla CCJA ?

Doit – on toujours obliger les partiesà former un seul pourvoi avec des

moyens destinés à deux juridictionsdifférentes ?

Doit - on faire bénéficier à la CCJAune sorte de priorité chronologiquedans l’examen du pourvoi ? Ou doit –on, au contraire réserver cette prioritéà la juridiction de cassation nationale ?

Cette foule de questions révèle defaçon manifeste qu’entre les juridic-tions nationales de cassation et laCCJA les rapports sont loin d’être clairset apaisés. En la matière chaque juri-diction nationale de cassation se faitsa propre doctrine.

Si de prime abord la solution du ren-voi partiel adoptée par la juridiction decassation sénégalaise, semble la plussimple et la plus logique sa portéeexacte est plus difficile à mesurer.

II - LA PORTEE DE LA DECISION DERENVOI AUPRES DE LA CCJA.

La réunion de moyens fondés sur desnormes juridiques différentes dans lesespèces qui nous occupent n’est pasvéritablement un cas exceptionnelle,au contraire la cour suprême du Nigera déjà eu à statuer sur la question (A).En vérité si la position de la cour su-prême du Niger a essuyé les critiquesdes commentateurs celle de la cour decassation sénégalaise a le mérite desouligner le vide juridique qui règneen la matière (B).

Le critère de la prépondérance prô-née par la cour suprême du Niger.

De nombreux arrêts témoignent de ceque les juridictions suprêmes natio-nales cherchent désespérément às’émanciper des règles maximalistesfixées par le traité OHADA en ce quiconcerne la procédure du pourvoi encassation. Un cap marquant de cemouvement avait été franchi par laCour suprême du Niger le 16 août20013.Cet arrêt a été aussi le premier à met-tre l’accent sur la difficile répartitionde compétences dans un litige renfer-mant des moyens fondés à la fois surle droit uniforme et le droit communnon concerné par l’harmonisation dudroit des affaires.

L’espèce était relative à l’ouverture ducapital de la Société nigérienne d’as-surance et de réassurance (SNARLEYMA) au groupe HIMA SOULEYlors d’une opération de recapitalisa-

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CHRONIQUES

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tion de la société d’assurance. Legroupe HIMA SOULEY se prévalaitd’une ordonnance rendue sur requêtele 20 avril 2001 par le Président du tri-bunal de Niamey, qui autorisait la no-mination d’un administrateurjudiciaire chargé de convoquer uneassemblée générale des actionnairesde la SNAR LEYMA qui serait chargéede constater la libération des actionssouscrites par le groupe HIMA SOU-LEY et sa qualité d’actionnaire. Solli-citée, la cour d’appel avait confirmél’ordonnance le 23 mai 2001.

Mécontente, de cet arrêt, la société ni-gérienne d’assurance s’était pourvueen cassation en invoquant la violationdes dispositions du code de procédurecivile, du code civil et du code CIMA.

La défenderesse -le groupe HIMASOULEY- opposa une exception d’in-compétence et une fin de non rece-voir. L’exception d’incompétencemettait en exergue la compétence ex-clusive de la CCJA pour statuer surl’application des Actes uniformes del’OHADA. Dans le cas particulierl’Acte uniforme en cause était celui re-latif au droit des sociétés commer-ciales et du groupement d’intérêtéconomique.

Au final les moyens du pourvoi por-taient à la fois sur la violation du codede procédure civile nigérien, les dis-positions du code CIMA (à noter queces dispositions n’ont pas étaient pré-cisées dans le pourvoi) le code civil etle droit OHADA.

Pour résoudre la controverse la coursuprême nigérienne procède à un rai-sonnement assez surprenant.

D’ une part, elle procède à une relec-ture de l’article 18 du traité invoquépar le groupe HIMA SOULEY auxtermes duquel « une partie qui, aprèsavoir soulevé l’incompétence d’une ju-ridiction nationale de cassation estimeque cette juridiction a, dans un litige,méconnu la compétence de la CCJA,peut saisir cette dernière, dans un délaide deux mois à compter de la notifica-tion de la décision attaquée.. » qui si-gnifie selon elle que la compétence dela CCJA n’est pas exclusive de celledes juridictions nationales.

Et d’autre part, elle estime que la CCJAn’étant compétente que pour l’inter-prétation et l’application des Actes

uniformes, la cour suprême nationalen’a pas à renvoyer le pourvoi devant laCCJA si cette voie de recours estfondé, de façon prépondérante, nonsur la violation d’un Acte uniforme,mais, sur celles du droit interne nonharmonisé.

Il est vrai que la solution, ramenée àl’espèce considérée pouvait paraîtreséduisante et satisfaisante. Car le litigeportait pour l’essentiel sur la violationdes règles du code civil et du codeCIMA. Mais, elle était fragile sur leplan des principes du droit OHADA.

Car à supposer que ce critère de pré-pondérance puisse triompher, qui seracompétent pour son appréciation ? Lacour suprême nationale elle-même oula CCJA ?

Et en cas de divergences d’interpréta-tion sur une question considéréecomme mineure par la juridiction na-tionale de cassation, mais prépondé-rante pour la CCJA, quelle opiniondevrait prévaloir sur le litige ?

On est loin du principe de sécuritéqui ne tolère pas l’expression plurielleau stade suprême.

En réalité, dans bien de controverses,il est difficile de privilégier un ordre ju-ridique au détriment d’un autre. D’au-tant plus que les occasions d’unenchevêtrement de compétences oude normes multiples dans un même li-tige ne manquent pas. La coexistencede règles substantielles différentespour régir une situation juridique pré-cise, se rencontre souvent dans les re-lations commerciales transnationales.De ce fait, le conflit entre l’OHADA etles autres ordres juridiques internatio-naux qu’il s’agisse d’organisations in-ternationales à compétence matériellesectorielle ou générale, qu’elles soientrégionales ou sous- régionales (CEA,CEDEAO, OAPI, CIMA, OHADA, CI-PRES)4 est inéluctable.

Or, aucun système juridique, qu’il soitinterne, ou communautaire ne détientla clé de la répartition des compé-tences entre normes en concurrence.En effet, aucun ordre juridique ne peuts’arroger le pouvoir de cette réparti-tion.

Certes, il appartient à l’ordre juridiqueOHADA de fixer sa sphère d’applica-bilité matérielle et spatiale qui s’im-pose aux ordres juridiques internes des

Etats parties. Mais, il ne revient pasaux autorités de l’OHADA notammentla CCJA de traiter ou d’interpréter parexemple une norme juridiqueUEMOA ou CEDEAO dans un litigedonné.

En dernière analyse, le vide juridiquequi persiste dans les rapports entre lesjuridictions nationales de cassation etla CCJA est préoccupant. L’incertitudenourrit l’insécurité juridique et judi-ciaire.

C’est sans nul doute, instruite parl’abondance des critiques que laconstruction théorique de l’arrêt de lacour suprême du Niger a suscité5 quela juridiction de cassation sénégalaisea voulu s’inscrire dans une autre lo-gique qui est celle du renvoi partiel.

La solution du renvoi partiel consa-crée par la cour de cassation sénéga-laise.

Dans les cas particuliers qui nous oc-cupent, le juge de cassation sénégalaisa contrairement au juge suprême ni-gérien opté pour une solution de ren-voi partiel. Concrètement, il a décidéde surseoir à statuer sur les moyenssoulevant des questions relatives audroit interne non harmonisé et de ren-voyer l’affaire sur les moyens ayanttrait au droit OHADA.

Or si la solution adoptée peut paraîtreplus satisfaisante relativement au prin-cipe de supranationalité du traitéOHADA que celle prônée par la coursuprême nigérienne, son fondementthéorique encore incertain est diffi-cile à défendre.

En effet, c’est sous le visa des articles14,15 et 16 combinés que la cour decassation sénégalaise a rendu les pré-sentes décisions. Or, si l’interprétationde ces articles conduit bien au renvoidevant la Cour Commune des moyensfondés sur la violation du droit uni-forme. Elle ne justifie en rien selonnous la décision de surseoir à statuersur les autres moyens tirés de la viola-tion du droit interne ordinaire.

Formellement, les articles 14, 15 et 16ici invoqués par la cour de cassationsénégalaise visent l’application desActes uniformes. On peut donc douterque la décision du juge suprême na-tional de surseoir à statuer sur lesmoyens tirés de la violation du droitinterne non harmonisé entre dans ce

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ACTUALITÉ

27La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

cadre. C’est dire que la décision desurseoir à statuer ne revêt pas un ca-ractère d’impératif absolu.

La procédure empruntée par la hautejuridiction sénégalaise se veut un vé-ritable décalque de la procédure derecours préjudiciel en interprétation.Or, une telle procédure n’a pas été or-ganisée par le législateur OHADA. Lerecours consultatif qui pourrait s’y ap-parenter n’est possible qu’au profitdes juridictions du fond. C’est le sensqu’il faut donner aux articles 13 et14.alinéa 2 du traité OHADA. L’article13 vise uniquement l’application dudroit uniforme par les juridictions dufond en première instance et en appeltandis que l’article 14 alinéa 2 vise lasaisine de la CCJA pour avis consultatif« par les juridictions nationales saisiesen vertu de l’article 13 » ce qui exclutexpressément les juridictions natio-nales de cassation.La seule voie que semble aménager lelégislateur communautaire pour lesjuridictions suprêmes nationales est ledessaisissement total.En effet, l’article 51 du Règlement deprocédure de la CCJA dispose que« Lorsque la cour est saisie conformé-ment aux articles 14 et 15 du traité parune juridiction nationale statuant encassation qui lui renvoie le soin dejuger une affaire soulevant des ques-tions relatives à l’application des actes

uniformes, cette juridiction est immé-diatement dessaisie ».

Il apparaît donc in fine que le dessai-sissement soit l’unique voie de re-cours que prévoie le traité pour lesjuridictions nationales de cassation.

Autrement dit, il y a en la matière uneimperméabilité qui ne permet pasd’envisager une navette entre la juri-diction nationale de cassation et laCCJA. Et cette imperméabilité se faitmalheureusement au détriment desplaideurs puisque cela peut aboutir àune sorte de déni de justice pour lesjusticiables6 (dans les deux cas d’es-pèces il s’agit de commerçants locaux)qui n’ont pas forcément les moyens fi-nanciers de supporter la lourdeur decette procédure.

Par ailleurs, tenir pour principe lemorcellement du litige selon les com-pétences judiciaires en jeu, n’est pasde bonne méthode. C’est, en effet,consacrer une interprétation tronquéedes termes du litige puisque le juge su-prême (national ou communautaire)se prononce finalement sur une partiedu litige décontextualisée.

C’est admettre la diversité des sens etdes méthodes dans un raisonnementjudiciaire qui perd de sa cohérence etde son homogénéité. C’est empêcher

l’immersion du juge dans la réalitéconcrète et complète de chaque af-faire. C’est enlever à la décision judi-ciaire sa vertu pédagogique vis-à-visdes plaideurs.

Au final, la seule solution satisfaisantepasse immanquablement selon- nouspar une réforme du traité del’OHADA. Celle -ci consisterait enune coopération loyale entre juridic-tions nationales de cassation et laCCJA. Elle conduit à la mise en placede la technique du renvoi préjudicielutilisée au sein de l’Union euro-péenne7 ou de l’UEMOA8 . Contraire-ment à la situation actuelle qui estpotentiellement conflictuelle pour lesjuridictions nationales de cassation etla CCJA, la procédure du recours à laquestion préjudicielle instaurerait unclimat de confiance de complémenta-rité et de collaboration entre ces juri-dictions. La procédure se dérouleraiten trois temps :

– Le juge national décide de surseoirà statuer et de renvoyer la questiond’interprétation à la CCJA ;

– Saisie de la question la CCJA, quigarde sa compétence exclusive ditle droit ;

– Le juge national en fait applicationau litige et rend une décision quiéteint le contentieux.

1 Article 14. alinéa 1 du Traité de l’OHADA. 2 Rapport présenté au Congrès National le 20 janvier 1831 par RAIKEM, publié in V. HUYTTENS, Discussions du Congrès National de Belgique 1830-1831, Bruxelles ,1844, t. IV, pp. 92-102, n° 59, spéc.3 In www.ohada com., OHADA D-02-29 4 J. ISSA- SAYEGH, La fonction juridictionnelle de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, in ohada.com D-02- 16. Voir également P. MEYER, Les conflitsde juridictions dans les espaces OHADA, UEMOA et CEDEAO, (Communication au colloque organisé par l’Agence intergouvernementale de la francophonie (A. I .F) encollaboration avec l’UEMOA sur « La sensibilisation au droit communautaire de l’ UEMOA », Ouagadougou, 6- 10 octobre 2003).

5 Cour Suprême du Niger, 16 août 2001, R .B . D. 2002, p. 121 et s. et obs. D. ABARCHI. A .KANTE, La détermination de la juridiction compétente pour statuer sur unpourvoi contre une décision rendue en dernier ressort en application des Actes uniformes (observations sur l’arrêt de la Cour suprême du Niger du 16 août 2001). 6 Nos travaux de recherche à la cour de cassation de Dakar nous ont conduit à constater que ces deux arrêts n’étaient pas les seuls arrêts d’incompétence et de renvoirendus par la cour. De 2002 à 2005 la cour de cassation sénégalaise a rendu au total 7 arrêts d’incompétence suivis de renvoi. Or aucun de ces arrêts n’est parvenu augreffe de la CCJA. Les autorités judiciaires de la cour de cassation soutiennent pour leur part qu’aucun budget ne leur a été alloué pour couvrir les frais de transfertdes dossiers. De sorte, que tous ces dossiers « dorment » dans les tiroirs du greffe de la cour de cassation. On aboutit finalement pour les parties à une sorte de déni dejustice.

7 Le recours à la procédure préjudicielle est fondé sur l’article 177 du traité CE, aux termes duquel « la Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :sur l’interprétation du présent traité ;sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté ;sur l’interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, lorsque ces statuts le prévoient. »

8 La Cour de Justice dispose d’une compétence lui permettant de statuer à titre « préjudiciel » sur l’interprétation du traité, des actes des organes de l’Union et sur lesstatuts des organismes créés par le Conseil, de même que sur la légalité des actes des organes. Mais, c’est improprement que le traité emploie le terme « préjudicionnel »qui en droit n’a pas de sens (Protocole n° 1 au traité de l’UEMOA, article 12).Les juridictions et les autorités nationales dotées d’une fonction juridictionnelle peuvent donc poser une telle question à la Cour en vue de les éclairer dans l’approched’un litige dont elles ont à connaître. Si elles statuent en dernier ressort, elles sont tenues de poser cette question.

Page 28: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

INFOS PRATIQUES

En l’espèce, Monsieur X s’est vuconfié en date du 2 janvier 2008,le poste de Directeur Général de

la Société Anonyme de Lomé, respon-sabilité qu’il a assumé jusqu’en février2010.

Entre 2008 et 2009, Monsieur X a pro-cédé à la constitution de provision decharges de personnel pour ce quiconcerne le poste de Directeur Géné-ral le tout répertorié dans les comptesde la société.

Le Conseil d’Administration de la So-ciété Anonyme de Lomé envisaged’annuler lesdites charges, se fondanten cela sur le fait que Monsieur X aagit sans se référer à lui et sans aucuneautorisation ni en amont ni en aval dela décision prise.

Il est de principe de reconnaitre qu’ilest du ressort du Conseil d’Administra-tion de déterminer les modalités et lemontant de la rémunération du Direc-teur Général dans le cadre des sociétésanonymes.

L’Acte Uniforme relatif aux sociétéscommerciales et du GIE précise et af-firme ce principe sans aucune ambi-güité en son article 490.

C’est donc à raison que le Conseild’Administration de la Société Ano-nyme de Lomé pourra solliciter l’an-nulation de la constitution deprovisions de charges du DirecteurGénéral sans son autorisation préala-ble.

Cependant, la solution n’est en réalitépas si évidente qu’elle le parait.

Le Conseil d’Administration d’une SAde l’espace OHADA peut-il solliciteren 2010, l’annulation de décisionsprises par le Directeur Général entre2008 et 2009 et dont il est censé avoireu connaissance ?

Le rapport de gestion, présenté lors desassemblées générales annuelles toutcomme les procédures de contrôle in-terne, rendent généralement comptede la gestion de la société et surtoutdes rémunérations totales et des avan-tages de toute nature versés durantl’exercice social à chaque mandatairede la société et aux dirigeants sociaux.

Le Conseil d’Administration de la So-ciété Anonyme de Lomé aurait doncnormalement eu connaissance de ladécision prise par le Directeur Généralquant à la rémunération en cause, desorte que son silence pendant deuxannées vaudrait approbation.

Le silence du Conseil d’Administra-tion ne peut-il pas s’analyser commeune réunion d’approbation tacite et àpostériori de la décision d’ « auto-ré-munération » du Directeur Général ?

L’Acte Uniforme sur les sociétés com-merciales se contente de préciser quec’est au Conseil d’Administration dedéterminer la rémunération du Direc-teur Général et la jurisprudence del’espace OHADA n’apporte pas plusde précision sur la question.

En revanche, en se référant à une ju-risprudence française constante etbien établie, le Conseil d’Administra-tion d’une société anonyme a unecompétence exclusive pour détermi-ner la rémunération du Directeur Gé-néral et ne peut ratifier la décision dudirigeant social qui, sans obtenir préa-lablement une décision du conseil,s’est alloué une rémunération.

Cass. Com 30 nov 2004, N° Pourvoi01-13216Cass. Com 4 juil 1995, N° Pourvoi 93-17969C. E 6 avril 2001, N° 198233

Il en ressort que, la compétence du

Conseil d’Administration est exclusiveet préalable de sorte qu’aucune ratifi-cation expresse ou tacite n’est possibleà posteriori.

Cass. Com 15 déc 1987, Bull Joly1988 P. 80

D’ailleurs, le juge fiscal français dansdes circonstances de faits similaires aucas de notre espèce, avait pris encompte le fait que la rémunération duPrésident n’ait pas été régulièrementapprouvée par le Conseil d’Adminis-tration pour en refuser la déductibilitéà la société versante.

C. Appel Bordeaux 10 avr 2001, RJF8-9/2001 n° 1046

A la lumière de la jurisprudence fran-çaise, le silence observé par le Conseild’Administration de la Société Ano-nyme de Lomé ne pourrait donc s’ana-lyser que très difficilement comme uneratification tacite et à postériori de ladécision prise par Monsieur X, quipour être valide, devrait nécessaire-ment être approuvée au préalable etde façon exclusive par le Conseil.

28 Jurifis Infos – 11e numéro – sept/déc. 2011

LE SILENCE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION APRES L’AUGMENTATION PAR LE DIRECTEUR GENERAL D’UNE S.A DE L’ESPACE OHADA,

DE SA REMUNERATION VAUT-IL APPROBATION DE LA MESURE PRISE

Bérenger MEUKE

Dr en Droit des Affaires

Avocat

Page 29: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

INFOS PRATIQUES

Les collectivités locales et territo-riales sont assimilables à des gou-vernements locaux.

A ce titre, elles détiennent des pou-voirs qui leur ont été concédés par lepouvoir exécutif central.

L’exercice par les collectivités territo-riales des compétences à elles transfé-rées se réalise néanmoins sous lecontrôle de l’État, dont le seul souci estnon pas de tenir ces collectivités enbride, mais de s’assurer que celles-cigèrent lesdites compétences, dans lestrict respect des lois, règlements,normes et procédures en vigueur et aumieux des intérêts de leurs popula-tions1.

Généralement, l’octroi de crédit parles organismes prêteur ne peut se fairequ’à la condition que l’emprunteur sa-tisfasse à certaines exigences parmilesquels on peut citer ; la viabilité et lapertinence du projet ou de l’investis-sement objet de la demande de finan-cement, la capacité deremboursement de l’emprunteur etsurtout les garanties qui peuvent êtreaccordées à l’organisme de finance-ment.

De ces trois exigences, seule la troi-sième mérite que l’on s’y attarde dansle cadre de cette brève analyse.En effet, chaque fois qu’il est questionde financer les collectivités locales, ladifficulté trouve son origine dans lesgaranties de remboursement que peu-vent accorder ces emprunteurs assezparticuliers.

C’est toute la problématique de la ges-tion des risques significatifs inhérentsau financement des collectivités lo-cales.La sécurité pour le créancier est  eneffet éventuellement renforcée par lesgaranties qu’il aura obtenues et qui se-

ront consenties ou présentées par ledébiteur. 

Or, le financement des collectivités lo-cales implique ce qui est qualifié au-jourd’hui de «risque quasi-souverain»,par distinction avec le «risque souve-rain» qui est celui des empruntscontractés par les Etats.

Le risque souverain ou quasi-sou-verain correspond au risque attaché àl’emprunt de l’Etat, des Administra-tions Publiques et des Collectivités Lo-cales d’un pays donné et à leurcapacité à rembourser leurs crédits età pouvoir faire face à leurs engage-ments.

La difficulté est donc celle des possi-bilités et potentialités réelles des Col-lectivités Locales bénéficiaires desemprunts, à faire face à leurs engage-ments dans le cadre de financementen « sous-souverain », donc sans ga-rantie aucune de l’Etat.

Si à l’analyse de la législation du Bur-kina-Faso par exemple, il ressort del’article 119 de la loi n° 055-2004 por-tant Code des collectivités territoriales,

que l’Etat peut garantir les empruntsd’investissement faits aux collectivitéslocales, pareille précision n’est aucu-nement faite dans les législations duNiger, du Mali, du Sénégal, du Béninou encore du Togo, qui précisent toutsimplement que les collectivités lo-cales peuvent avoir recours aux em-prunts sans prévoir la possibilité pourl’Etat d’en être garant.

En revanche, à notre sens et en l’étatactuel de notre réflexion, il sembleque rien ne s’opposerait à ce que lesEtats de l’espace OHADA garantissentles prêts accordés à leurs CollectivitésLocales et ce, nonobstant l’absence deprécision en ce sens dans leurs diffé-rentes législations nationales.

Cependant, en l’absence de garantieofferte par l’Etat, les systèmes de ga-ranties classiques étant quant à euxinappropriés, le prêteur devra sansdoute avec la Collectivité Locale finan-cée, trouver des mécanismes multicri-tères appropriés pour couvrir le risquedu défaut de remboursement. Onpourrait par exemple penser au finan-cement sans recours2, au financementde projet, au financement d’actifs3, au

29La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

BREVES REFLEXIONS SUR LA GARANTIE DES CREDITS ACCORDES PAR LES ETABLISSEMENTS FINANCIERS AUX COLLECTIVITES LOCALES

EN ZONE OHADA

Bérenger MEUKE

Dr en Droit des Affaires

Avocat

Page 30: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

INFOS PRATIQUES

prêt direct4 ou encore au crédit bail5

pour ne citer que ceux là.

La recherche de solutions envisagea-bles dans un tel contexte pourrait éga-lement passer par la distinction qu’il ya lieu d’opérer entre :

– les projets de financement d’équi-pements dits marchands (marché,gare routière, auberge municipale,abattoir, sale de fête, unité de trans-formation, stade communal, lotisse-ment, infrastructures sportives et deloisirs et autres infrastructures géné-ratrices de revenus) et,

– les projets de financement d’équi-pements non marchands (travauxhydrauliques et énergétiques, tra-vaux de voirie, aménagements ur-bains, écoles, centre de santé,électrification rurale, travaux d’as-sainissement et accès à l’eau pota-ble, éclairage public, aménagementdes espaces verts, propreté et pro-tection de l’environnement, équipe-ment ruraux.

– L’hypothèse du financement d’équi-pements dits marchands constitueune base réelle de réflexion si le prêtà la Collectivité Locale est effective-ment envisageable avec une contre-partie suffisamment solide de sorteque ;

– le montant des annuités de rem-boursement pourrait être couvert parle biais des recettes générées parl’exploitation de l’équipement pourpréserver quasi intégralement, la ca-

pacité d’emprunt de la collectivitélocale,

– le remboursement de chaque finan-cement pourrait être également ef-fectué au moyen d’annuité etconstitué pour la collectivité localeemprunteuse, une dépense obliga-toire qu’elle doit inscrire dans sonbudget.

– le prêteur pourrait tout aussi et ce,en fonction de l’équipement fi-nancé, exigé toute autre garantie.

Les échéances de remboursement de-vraient dépendre de la nature deséquipements à financer et de la capa-cité des emprunteurs, avec cependantune durée maximale à ne point dépas-ser et un différé d’amortissement pré-fixé.

Il serait donc judicieux de déterminer :– les secteurs et projets pouvant béné-

ficier de financement (le projet doitpar exemple répondre à un besoinprioritaire pour la collectivité),

– les critères d’éligibilité des collecti-vités locales emprunteuses (le seulcritère de la taille de la collectivitéen termes de nombre d’habitantsétant certainement nécessaire maisinsuffisant), avec les questions enrapport avec le taux d’endettementde l’emprunteur, son épargne etmême sa participation au finance-ment du projet,

– les critères d’éligibilité des projets(bancabilité du projet, justificationéconomique et sociale, viabilité fi-nancière et gestion),

– les garanties indispensables au fi-nancement,

– la durée du prêt, le taux d’intérêt, lesmodes et montants de rembourse-ment.

Plusieurs exemples pourraient permet-tre d’illustrer les mécanismes déjà uti-lisés dans certain Etats de l’espaceOHADA :

– Après l’incendie d’un marché auBurkina-Faso, la municipalité deOuagadougou avait obtenu del’Agence Française de Développe-ment (AFD), un financement en« sous-souverain » d’un montant de1.3 milliards de F CFA sur 20 ans àun taux concessionnel avec un dif-féré de 5 ans, la redevance verséechaque année par l’exploitant dumarché étant équivalente auxéchéances annuelles de rembourse-ment du prêt ;

– Avec l’appui de l’Agence de Finan-cement des Collectivités Locales auBénin (AFICOL), la municipalité deParakou a monté un dossier d’em-prunt obligataire sur le marché del’UEMOA ;

– Au Cameroun, le Fonds spéciald’Equipement et d’Intervention In-tercommunale (FEICOM) qui est uneinstitution financière spécialisée adéjà permis à 331 communes came-rounaises d’emprunter pour financerplus de 592 projets pour un montanttotal de 35 milliards de F CFA.

30 Jurifis Infos – 11e numéro – sept/déc. 2011

«Le financement descollectivités localesimplique ce qui estqualifié aujourd’hui

de «risque quasi-souverain», par dis-

tinction avec le«risque souverain»

qui est celui des em-prunts contractés

par les Etats.»

Page 31: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

La mise en place d’une procédurede data room par une société cé-dante d’actifs intervient dans l’es-

pace OHADA dans de nombreux casde figure tels que des cessions d’actifsou des fusions.

Cette procédure qui intervient très gé-néralement à la quatrième étape de laphase dite d’ « auction bid » ou en-chères privées ouvrent à un ou plu-sieurs acquéreurs potentiels l’accès àune somme assez considérable de do-cuments contenant des informationsde toute nature sur la société ou les ac-tions à céder.

Or, certaines informations sont proté-gées par des secrets notamment le se-cret industriel (brevets) et commercial(clients), d’autres sont sensibles, c’est-à-dire susceptibles d’avoir une in-fluence sur la valeur de l’actif(comptes non encore publiés, étatsprévisionnels, plan de développement,négociations en cours…).

En raison du caractère confidentiel desinformations ainsi communiquées,pour les besoins exclusifs d'une trans-action entre tiers, et de l’accès privilé-gié qui y est réservé, la procédure dedata room doit être sécurisée pour pré-server les intérêts des actionnaires et le

respect des principes fondamentauxque sont l'égalité d’accès à l’informa-tion des investisseurs et l’interdictiond’exploiter des informations privilé-giées.

En effet, à notre connaissance, pourl’ouverture d’un data room, nombrede législation des Etats membre del’OHADA n’ont prévu aucun forma-lisme juridique.

Dès lors, c’est l’entreprise cible qui,sur les recommandations générale-ment de ses conseils et parfois mêmeà la demandes des candidats poten-tiels cessionnaires, décide des élé-ments qu’elle tiendra à disposition.

Très souvent, ceux-ci s’articulent au-tour de 5 axes (les informations finan-cières et fiscales, les informationssociales, les informations commer-ciales, les informations juridiques, lesinformations réglementaires et envi-ronnementales).

Une fois ces éléments listés, un indexprécisant notamment la date des do-cuments est élaboré et communiquéaux acquéreurs potentiels, accompa-gné du règlement de la data room.

La principale règle réside dans l’inter-

diction d’emporter ou de reproduireles informations, même si la recopieou la saisie sur un ordinateur portableest acceptée.

A notre avis, la data room doit être or-ganisée avec professionnalisme,loyauté et respect de l'intérêt des dif-férents candidats.

Par ailleurs, le respect des principesfondamentaux qui régissent le droitdes sociétés en OHADA veut que l’In-formation au sein de la data room soitsoumis à un engagement de confiden-tialité avec une égalité de traitementdes candidats.

La mise en place d'engagements deconfidentialité destinés à prévenir ladivulgation et l'exploitation d'informa-tions privilégiées est nécessaire etmême indispensable.

Il faut également proscrire tous les casd'utilisation ou de transmission de cesinformations à d'autres fins que pourles besoins de l'opération projetée, et,d'autre part, que les candidats s'enga-gent à ne pas utiliser ultérieurementces informations dans l'hypothèse oùl'opération n'aurait pas lieu et ce, tantque lesdites informations ne sont pasrendues publiques.

1 Image issue de www. kwanzaamillenium.wordpress.com

2 Le financement sans recours est un financement qui est fait sur la seule base d’un

projet ou d’un actif. Le remboursement de la dette contractée est assuré par les

seuls revenus générés par le projet ou l’actif (pour un bien tel qu’un avion, un na-

vire ou un satellite).

3 Lorsqu’un actif a une valeur unitaire importante, il peut faire l’objet d’un crédit

spécifique qualifié de «financement d’actif» («asset based financing«). Le crédit

est fondé sur les garanties pouvant être prises sur le bien. Les sûretés doivent en

effet porter sur un  bien, notion juridique alors que l’actif est une notion écono-

mique. Dans un financement d’actif les prêts sont un financement sans recours,

les prêteurs renonçant à tout recours sur le patrimoine du promoteur de l’opération.

Le financement d’actif peut être utilisé par les entreprises, mais aussi par les col-

lectivités locales. Les actifs pouvant être financés sont  par exemple des avions,

des navires, des trains, des équipements de télécommunications, un équipement

d’infrastructure à péage… Ils peuvent être financés par des crédits à moyen ou à

long terme, par des crédits fournisseurs ou par des crédits acheteurs. Les finance-

ments peuvent prendre la forme de location financière, si la durée de la location

est inférieure à la durée d’amortissement de l’actif, de leasing ou crédit bail.

4 Le prêt direct est consenti à une collectivité afin de financer un investissement

précis ou dans le cadre d’un financement global de son budget d’investissement.

5 Le crédit-bail ne peut pas financer n’importe quel investissement. C’est une tech-

nique de financement d’une immobilisation par laquelle une banque ou une so-

ciété financière acquiert un bien meuble ou immeuble pour le louer à une

entreprise, cette dernière ayant la possibilité de racheter le bien loué pour une va-

leur résiduelle généralement faible en fin de contrat. Ce type de financement est

réservé aux biens standards.

31La revue juridique du cabinet d’avocats Jurifis Consult

LA PROCEDURE DE DATA ROOM EN OHADA

Société d’Avocat

JURIFIS CONSULT

INFOS PRATIQUES

Page 32: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

LU POUR VOUS

La question posée est tellementdifficile. Je vois tant de visages, etentends tant de voix discor-

dantes. Comment tenter une conver-gence ? Car la question des crimescontre l’humanité interroge directe-ment notre humanité. Comment lespenser, comment les dire, commentles défendre et comment vivre avec ?Et puis, la question de la répressiondes crimes contre l’humanité ne peutne pas interpeller directement chacund’entre nous dans ce qui constitue lecœur de notre mission d’avocat. La ré-pression des crimes contre l’humanité,quels enjeux?

Le périmètre est si large. Cette ques-tion se décline dès l’antiquité jusqu’àBenghazi aujourd’hui, car les crimescontre l’humanité ont un passé, lepassé des esclaves dont les échos re-tentissent encore aujourd’hui depuisles chambres de la mort désertées deZanzibar à Gorée. C’est bien évidem-ment aussi le passé de la colonisationet des guerres d’indépendance qui ontsuivies. Mais j’entends simplement iciferrailler avec le présent, marquer en-core la difficulté de parler de cescrimes. Alors comment ne pas se lais-ser tenter par quelques images fortes ?

Et, tout d’abord la figure tutélaire deDesmond Tutu, les mains cachant sonvisage déversant sur les victimescomme sur les crimes eux-mêmes unesource de douleur et de larmes dansun geste d’une immense humanité.

Et puis celle d’Albie Sachs, croisé dansles couloirs de l’International Bar As-sociations qui, dans son étrange alchi-mie de la vie et du droit, raconte leparcours d’un jeune avocat blanc duCap, compagnon de route de l’ANC,torturé, exilé, enseignant le droit enAngleterre, frappé dans sa chair auMozambique par les mercenaires del’Apartheid et qui depuis son siège dela première Cour constitutionnelled’Afrique du Sud libre développera sa

théorie de la « soft vengeance » où leregard des victimes se pose sur celuides accusés qui ont redécouvert ledroit de plaider non coupable.

Et enfin, une dernière image, celle duprésident Kagame, droit dans sesbottes, et celle d’une petite fille dontl’image dans cette chambre au bas dela colline dans le mémorial des vic-times raconte le sourire de l’enfance,celle pour qui la nourriture aimée seconfond avec les œufs et les frites,celle pour qui le jeu favori s’appellemarelle, celle pour qui la plus grandedes amitiés se retrouve dans la mainserrée d’une grande sœur et cesimages contrastées se croisent avec lalecture de « Carnages » de Pierre Péanoù l’on me parle d’un ou de deux gé-nocides, où l’on me plonge dans unecomptabilité macabre dite « révision-niste », où l’on me parle de l’est duCongo où de prétendus rebelles pom-pent le cœur d’un pays pour qu’un se-cond brille comme un diamant.

Dans le flou de ces images, nous ten-tons de percevoir quelques lignes defractures car la question de la répres-sion des crimes contre l’humanité nesaurait nous faire oublier, à nous avo-cats, celle de la nécessaire indépen-dance de la justice et de l’égalité desarmes dans le procès, comme sur leterrain d’ailleurs.

Des armes, car l’emploi d’une force lé-gitime s’inscrit nécessairement dansl’expression du droit à la résistance.Comment oublier Franz Fanon, com-ment oublier que l’arme d’un combat-tant, c’est aussi son humanité. Ceuxqui hier ont pris le chemin de Londres,D’Alger, de Ramallah sont aujourd’huibien sûr à Benghazi et non à Tripoli etpuis j’entrevois une deuxième ligne defracture : comment les défendre ?

L’homme que je défends et qui s’ap-pelle Hissein Habré m’apporte une ré-ponse claire : c’est la thématique du

droit international des droits del’homme contre le droit pénal interna-tional.

Voilà un ancien chef d’état poursuivipour un crime contre l’humanité dontle dossier, par la grâce du présidentWade se retrouvera sur la table desChefs d’Etat de l’Union Africaine quiinstruira le Sénégal d’ouvrir un nou-veau dossier à son encontre.

En s’appuyant sur la Charte africainedes droits de l’homme dans le cadredes poursuites pour crime contre l’hu-manité, la défense d’Hissein Habréfrappa au cœur la procédure poursui-vie en saisissant la Cour de la CE-DEAO pour violation du principe de lanon rétroactivité du droit pénal, viola-tion de l’autorité de la chose jugée etviolation du principe d’égalité desarmes.

On entrevoit ici tour à tour le position-nement du Tchad : que dire d’un telprocès, où le numéro deux du régimeHabré, le président Déby, créera unecommission aux ordres pour dresserun rapport à charge contre le présidentHabré, fera voter une loi d’immunitéqui empêchera toute poursuite à l’en-contre des anciens du régime, sauf en-vers Hissein Habré. Idriss Deby,financier du procès Habré et qui vou-drait jusqu’à se constituer partie civileau nom de l’Etat tchadien pour proté-ger le prétendu intérêt de son peuple.

Comment ne pas rappeler égalementle positionnement du Sénégal, égale-ment financier du procès, délimitant lechamp des poursuites en dehors detoute garantie judiciaire par un comitéde fonctionnaires aux ordres désignantdes juges d’instruction avant mêmequ’ils ne soient saisis d’un réquisitoireet pour instruire un procès ad homi-nem où la seule et unique personned’Hissein Habré sera visée. Commentne pas dénoncer la nature politique deces procès et se faire l’écho des propos

32 Jurifis Infos – 11e numéro – sept/déc. 2011

LA REPRESSION DES CRIMESCONTRE L’HUMANITE

François SERRES

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Avocat près la Cour Pénale Internationale

Page 33: REVUE JURIFIS INFO N° 11 - OHADA.com

LU POUR VOUS

du procureur du tribunal pour la SierraLeone qui à la faveur des évènementsen cours en Libye a déclaré qu’iln’avait pas demandé l’inculpation ducolonel Kadhafi parce que les puis-sances qui financent le tribunal au-raient refusé.

Au terme d’une procédure particuliè-rement remarquable, la Cour de la CE-DEAO a condamné le Sénégal ensoutenant que l’Union Africaine -puisque l’on parlait du dossier del’Union Africaine - n’était pas une couret encore moins une cour internatio-nale, que la décision sénégalaise ren-due en faveur du président Habré avaitautorité de la chose jugée. Plus encorevoilà que cette cour ordonne au Séné-gal de respecter le principe de non ré-troactivité !

Voilà donc des principes fondamen-taux qui seront développés par la juri-diction communautaire et qui sontdonc d’une grande utilité dans la dé-fense de ceux qui sont accusés devantles juridictions internationales.

Puisque aussi bien, cette cour peut

être saisie sans que ne soient épuiséesles voies de recours nationales, avantmême une mise en examen, et qu’ellepourra examiner un préjudice poten-tiel résultant d’une simple modifica-tion constitutionnelle ou législativeaffectant les droits d’une personne…..la cour fera le choix des droits del’homme et affirmera sa priorité sur untexte constitutionnel…..

A travers cette décision s’affirme uneligne de partage entre les juridictionsnationales et les juridictions internatio-nales permettant d’affirmer pour lespremières nommées des droits particu-lièrement significatifs en faveur des ac-cusés. Quel sera le sort de ceux quicomparaitront devant des tribunauxhybrides, de ces tribunaux qui s’inscri-vent dans un système judicaire natio-nal et devant lesquels, enconséquence, les principes de non ré-troactivité pourraient être défendus.

Je vois enfin une troisième ligne defracture dans cette question de la ré-pression des crimes contre l’humanité;celles qui permettent en amont de ré-fléchir pour adosser le droit du déve-

loppement à la prévention des crimescontre l’humanité. Un sou qui sortd’un marché public, un gramme decuivre qui sort d’une mine vousconduiront directement à la Cour Pé-nale Internationale…….La source descrimes contre l’humanité se nourritdes conflits de pouvoirs et des conflitssur la possession des richesses natio-nales.

Un mot de ces conflits des pouvoirs enCôte d’Ivoire où la question de latransparence des élections, des fraudesconstatées interroge directement leprincipe de gouvernance et du trans-fert constitutionnel du pouvoir. Quipeut dire le droit électoral ? Il est sansdoute trop tard, mais le protocole debonne gouvernance de la CEDEAOcomme la Charte Africaine sur la dé-mocratie ont permis à la Cour de laCEDEAO le 18 mars dernier d’enjoin-dre à l’ensemble des institutions de laCEDEAO, par respect de ces principes,de s’abstenir de tout action susceptibled’aggraver la situation en Côted’Ivoire. A coté de la gouvernance po-litique, évoquons maintenant le déve-loppement économique.

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LU POUR VOUS

La question est celle de l’affectation dubudget de l’Etat ou des ressources d’unpays au développement des biens dupeuple. Ces questions nous renvoientaux droits des marchés publics, despartenariats publics privés, desconcessions et à la gouvernance et àla régulation des secteurs. Les crimescontre l’humanité ne sont ils pas laconséquence de l’explosion d’unebulle humanitaire ? Et ces crimes enSierra Leone, au Rwanda, limités dansle temps, immense dans leur degré de

violence ne sont-il pas la face immer-gée d’un crime permanent……E l’onimagine une scène où dans un théâtreparisien un grand avocat interrogeraità titre posthume Omar Bongo en luidemandant  : qu’avez-vous fait pen-dant tout ce temps?

L’Afrique se meurt de ses biens mal ac-

quis, de ses ressources dispersées ; dela perte de ses richesses, mais aussi deson eau…jusqu’à sa terre. L’idée estsimple  : le droit au développementpour la prévention des crimes contrel’humanité et non pas la responsabilitésociétale ou la gouvernance mais bienla réintroduction des droits écono-miques et sociaux dans la thématiquedu contrat public, du service public àla française. L’eau non plus comme unproduit mais comme un droit… LaCour de la CEDEAO a largement em-prunté ce chemin dans les affairesd’éducation et bientôt de pétrole, celuidéjà défriché par les Cours constitu-tionnelles d’Inde et d’Afrique du Sud,dépassant le cadre strict du caractèreprogressif des droits jusqu’à leur miseen œuvre effective par la surveillancedes gouvernements dans la définitionde leur politique budgétaire.

Quelles solutions alors pour ces tribu-naux ? Beaucoup de cadres ont étéimaginés au niveau institutionnel. Ilsne sont pas exempts de critiques tantsur le rôle du Conseil de sécurité, celuidu procureur que sur le respect duprincipe de l’égalité des armes.

Des progrès doivent être faits en ma-tière de définition des crimes jusqu’àincorporer dans les crimes internatio-naux ceux commis contre l’environne-ment, les faits de grande corruption, etintroduire la possibilité d’incriminer laresponsabilité des personnes morales.

L’Union Africaine doit prendre ses res-ponsabilités et ne pas jeter aux fauvesle président Habré, alors qu’on pro-tège ceux du Soudan, du Kenya, duZimbabwe ou de certains pays arabes.Enfin, il convient de développer la no-tion de « corporate war crimes » duprofesseur James Stewart qui déve-loppe la notion de pillage définicomme crime de guerre selon le statutde Rome permettant de mettre encause la responsabilité des entreprisesimpliquées dans des activités commer-ciales dans des zones de conflits.

Et pour terminer, comment oublier lespropos de Berthe Mwanankabandi« vivre dans les marais, sans rien pen-ser de convenable sur la vie et la mort,à enjamber tous les matins les ancienscadavres et tous les soirs les nouveauxde la journée, ça peuple des souvenirsqui s’allongent sans issue. Ces corpsnus à l’abandon du temps, ceux desvieilles mamans qui avaient été décou-pés, ceux des jeunes filles, ceux de

tout le monde, ils étaient un cauche-mar véridique.

Oui, on peut raconter des morts, onpeut être témoins de leur situation, onpeut donner des détails sur les chasseset les fuites et les cris et les peurs. Maison ne peut pas raconter la mortpuisqu’on lui a échappé. Le rescapé illui manque quelque chose pour ra-conter le génocide, tout ce qu’on a puvoir et entendre, on peut le raconter :les coups, les chutes, les chuchote-ments des derniers instants, les cada-vres gisants.

Toutefois, la mort, on ne peut en té-moigner que de biais. Je peux dire : j’aivu une telle personne toute nue pour-rissant dans la boue, j’ai entendu lesrires des tueurs, les cris de la malchan-ceuse, j’ai même entendu le bruit dufer sur ses muscles. Mais les senti-ments de la malchanceuse devant lamachette, son regard dans les yeux dutueur, ses paroles muettes quand elletombe coupée, ses pensées intimes, sielle est déshabillée ou forcée ; de ça,moi, je ne dois rien dire. Les mortss’en sont allés avec leurs secrets queles cadavres ne laissent que deviner…….».

Et aussi Eugénie Kayierere  : «..Maisnotre maltraitance s’arrête aux portesde la mort. Ce qui est derrière cesportes appartient aux morts. Témoi-gner de la façon dont les morts ont étédéchus, ont été coupés de vilaines ma-nières, c’est déshonorant pour eux  ;Donner des détails sur comment ilsont été déshabillés nus ou raccourcis,comment ils se sont trainés, commentils ont demandé pardon, comment ilsont crié ou gémi ou vomi ou saigné,cela peut être humiliant pour eux. Ilfaut être poli envers les morts, respec-ter leur intimité. Raconter tout cequ’on a vécu soi même, ça va. Mais nepas raconter tout ce qu’ont vécu lesautres, surtout les morts ».

Voilà la parole que ne saurait oublierchaque avocat qui se dressera devantun accusé de crimes contre l’huma-nité  ; Il faut faire ce chemin là, quiconduit aux portes de la mort, d’abordpour soi même, ensuite avec son clientet même s’il s’appelle Khieu Samphan.

1 Extrait du livre de Jean Hatzfeld, la stratégie des an-

tilopes

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