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RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC Dossier : 056-03-01-01 Décision : 9061 Date : 8 août 2008 Président : René Cormier Régisseurs : Benoît Harvey Louise Cobetto _______________________________________________________________________ OBJET : Demande de faire enquête et d’émettre certaines ordonnances en vertu des articles 43, 109 et suivants de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche _______________________________________________________________________ MONSIEUR JEAN GOBEIL, ès qualité d’administrateur du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec Maison de l’UPA 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 500 Longueuil (Québec) J4H 3Y9 SYNDICAT DES PROPRIÉTAIRES FORESTIERS DU SUD-OUEST DU QUÉBEC Maison de l’UPA 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 500 Longueuil (Québec) J4H 3Y9 Demandeurs ET GINSBERG, GINGRAS & ASSOCIÉS INC., ès qualité de Syndic de faillite du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides 450, rue Laviolette Saint-Jérôme (Québec) J7Y 2T7 Intimée ET CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DU CŒUR-DES-VALLÉES 63, chemin Montréal Est Gatineau (Québec) J8M 1K7 FÉDÉRATION DES CAISSES DESJARDINS DU QUÉBEC 100, avenue des Commandeurs Lévis (Québec) G6V 7N5

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RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC

Dossier : 056-03-01-01 Décision : 9061 Date : 8 août 2008 Président : René Cormier Régisseurs : Benoît Harvey Louise Cobetto _______________________________________________________________________ OBJET : Demande de faire enquête et d’émettre certaines ordonnances en vertu

des articles 43, 109 et suivants de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche

_______________________________________________________________________ MONSIEUR JEAN GOBEIL, ès qualité d’administrateur du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec Maison de l’UPA 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 500 Longueuil (Québec) J4H 3Y9 SYNDICAT DES PROPRIÉTAIRES FORESTIERS DU SUD-OUEST DU QUÉBEC Maison de l’UPA 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 500 Longueuil (Québec) J4H 3Y9 Demandeurs ET GINSBERG, GINGRAS & ASSOCIÉS INC., ès qualité de Syndic de faillite du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides 450, rue Laviolette Saint-Jérôme (Québec) J7Y 2T7 Intimée ET CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DU CŒUR-DES-VALLÉES 63, chemin Montréal Est Gatineau (Québec) J8M 1K7 FÉDÉRATION DES CAISSES DESJARDINS DU QUÉBEC 100, avenue des Commandeurs Lévis (Québec) G6V 7N5

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RMAAQ Décision 9061 MINISTÈRE DES FINANCES, BUREAU DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS 8, rue Cook, 2e étage Québec (Québec) G1R 5P4 Mis en cause ET MM. PALMA MOLLOY, ALAIN BRAZEAU, MICHEL DEMERS ET YVES BENOÎT, producteurs Personnes intéressées _______________________________________________________________________

DÉCISION

_______________________________________________________________________ DEMANDES

[1] Le 27 août 2007, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec reçoit de Jean Gobeil, ès qualité d’administrateur du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec (Gobeil) et du Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec (Syndicat demandeur) une demande d’ordonnance ré-amendée et de retrait d’un dépôt fait en vertu de la Loi sur les dépôts et consignations.

[2] Cette demande vise Ginsberg, Gingras & associés inc., ès qualité de Syndic de faillite du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides (Syndic). Elle met en cause la Caisse populaire Desjardins du Cœur-des-Vallées, la Fédération des caisses Desjardins et le ministère des Finances, Bureau des dépôts et consignations.

[3] Les conclusions recherchées par les demandeurs se lisent comme suit :

« ACCUEILLIR la demande d’ordonnance; DÉCLARER ET CONSTATER que les sommes déposées dans les comptes de banque 15367, 90377 et 16077, soit au total 189 450,84 $, sont des actifs se rapportant à l’application du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec et, en conséquence, doivent être remises à son administrateur, le Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec, demandeur dans la présente instance; AUTORISER le demandeur, Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec, à toucher du ministre des Finances du Québec (Bureau des dépôts et consignations) la somme de 189 450,84 $ déposée le 3 avril 2006 par la Caisse populaire du Cœur-des-Vallées, conformément à l’article 19 de la Loi sur les dépôts et consignations;

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RMAAQ Décision 9061

DÉCLARER ET CONSTATER que les biens achetés les 10 février 1984 et 5 novembre 1998 étaient des actifs se rapportant à l’application du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides; DÉCLARER ET CONSTATER que le solde du prix de vente de ces biens achetés les 10 février 1984 et 5 novembre 1998 doit être transféré à l’administrateur du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec, le Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec, demandeur dans la présente affaire; ORDONNER au syndic intimé de remettre le solde du prix de la vente effectuée le 24 octobre 2006 au Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec dans les cinq jours de l’ordonnance de la Régie. ».

[4] Le 5 février 2008, la Régie reçoit la réponse du Syndic à la demande d’ordonnance ré-amendée. Celui-ci lui demande :

« ACCUEILLIR la présente opposition; DÉCLARER et CONSTATER que les biens achetés le 10 février 1984 et le 5 décembre 1998 étaient des actifs non du plan conjoint administré par le Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides mais un actif propre audit syndicat; DÉCLARER et CONSTATER que le solde de prix de vente de ces biens soit sous la saisine de l’intimée Ginsberg, Gingras & associés inc. comme étant un actif à la faillite du Syndicat des propriétaires forestiers Outaouais-Laurentides; DÉCLARER et CONSTATER que la réclamation de la Fédération des producteurs de bois du Québec constitue une réclamation à l’encontre du plan conjoint administré par les demandeurs. ».

SÉANCE PUBLIQUE

[5] Le 11 janvier 2008, la Régie informe les personnes intéressées par la demande qu’elle recevra leurs observations lors d’une séance publique qu’elle tient les 7 et 8 février 2008, à compter de 10 h, à Gatineau.

[6] Gobeil et le Syndicat demandeur sont représentés par Me Claude Régnier, avocat.

[7] Le Syndic est représenté par Me Pierre Leduc, avocat.

[8] MM. Palma Molloy, Alain Brazeau, Michel Demers et Yves Benoît, producteurs membres du Conseil d’administration du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides (Syndicat failli), sont représentés par Me Normand Carrière, avocat.

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RMAAQ Décision 9061 [9] La Fédération des caisses Desjardins et la Caisse populaire Desjardins du Cœur-des-Vallées ont avisé la Régie, respectivement les 29 mars et 20 avril 2007, de leur intention de ne pas faire de représentations. Elles ne sont ni présentes ni représentées.

[10] Le ministère des Finances, Bureau des dépôts et consignations, n’est ni présent ni représenté.

CADRE JURIDIQUE

Cadre législatif

[11] Les articles 26, 39, 43, 66, 89, 109, 128 et 132 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche (L.R.Q. c. M-35.1) (la Loi) trouvent notamment application :

26. La Régie peut résoudre les différends qui surviennent dans le cadre de l’application d’un plan conjoint ou du fonctionnement d’une chambre de coordination et de développement.

39. La Régie peut prendre possession des actifs, livres et documents servant à l’application d’un plan ou d’un règlement pour en assurer la conservation et la garde ou les remettre à la personne ou l’organisme chargé de leur application en vertu de l’article 38.

43. La Régie peut, de son propre chef ou à la demande d’une personne intéressée, ordonner à un office ou à une personne engagée dans la production ou la mise en marché d’un produit visé par un plan, d’accomplir ou de ne pas accomplir un acte déterminé si elle constate que l’omission ou l’action risque d’entraver l’application de ce plan, d’un règlement, d’une convention homologuée ou d’une sentence arbitrale.

Toute décision prise par la Régie en application du premier alinéa peut être homologuée par la Cour supérieure sur requête de la Régie ou d’une personne intéressée et devient, après homologation, exécutoire comme un jugement de cette cour.

66. Un organisme désigné conformément à l’article 50 pour appliquer un plan est investi sous son nom corporatif des pouvoirs, devoirs et attributions d’un office; il les exerce par son conseil d’administration sauf ceux réservés à l’assemblée générale des producteurs. Il doit tenir une comptabilité distincte pour l’administration de ce plan. Cet organisme peut demander à la Régie de l’exempter de l’obligation de tenir une comptabilité distincte s’il n’exerce aucune autre activité que l’administration de ce plan.

89. Ne peut occuper la charge d’administrateur d’un office, celui dont les intérêts commerciaux sont incompatibles avec la mission de l’office.

109. L’office résultant de la fusion des plans jouit de tous les droits et pouvoirs, est saisi de tous les biens et assume toutes les obligations des offices appliquant les plans ainsi fusionnés et les instances où ils sont en cause peuvent être continuées par ou contre lui sans reprise d’instance.

Les règlements pris et les conventions conclues par les offices appliquant les plans fusionnés sont réputés l’avoir été par l’office résultant de cette fusion et demeurent en vigueur.

Les actifs se rapportant à l’administration des plans fusionnés sont transférés à l’office chargé de l’application du nouveau plan dès sont entrée en vigueur.

Dans les trois mois de l’entrée en vigueur du nouveau plan, l’office transmet à la Régie un rapport du transfert des actifs.

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RMAAQ Décision 9061

128. Un office ne peut, de quelque façon que ce soit, utiliser les contributions perçues des producteurs en vertu d’une disposition d’un plan ou d’un règlement pour financer la mise en place ou le fonctionnement d’une entreprise commerciale ni détenir du capital-actions ou toute autre forme de capital dans une telle entreprise.

L’office qui le 12 septembre 1990, a utilisé les contributions décrites au premier alinéa doit présenter et faire approuver par la Régie, dans les trois mois de cette date, un programme de récupération de ces contributions. À défaut, il devra appliquer le programme déterminé par la Régie.

132. Un producteur lié par un plan et membre d’un syndicat professionnel qui l’applique n’est pas tenu de verser la cotisation annuelle à ce titre l’année où il paye sa contribution exigible pour l’application de ce plan.

Le premier alinéa s’applique également si ce syndicat fait partie d’une union ou d’une fédération de syndicats professionnels qui applique ce plan et malgré les dispositions des articles 2 et 3 de la Loi sur les syndicats professionnels (chapitre S-40).

[12] L’article 30 de la Loi sur les producteurs agricoles (L.R.Q. c. P-28) trouve également application :

30. Sous réserve de l'article 17, les dépenses de l'association accréditée sont défrayées au moyen de cotisations des producteurs et de contributions des fédérations et des fédérations spécialisées ainsi que de contributions des syndicats spécialisés qui ne sont pas membres de fédérations spécialisées; les contributions peuvent être acquittées à même les deniers perçus par les offices en vertu du chapitre IX du titre III de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche ( chapitre M-35.1).

OBSERVATIONS

Les faits

[13] La Régie fait d’abord un rappel des principaux événements et faits pertinents.

[14] Le 8 octobre 2004, la Régie publie sa décision 8130 approuvant le Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec. Ce plan entre en vigueur le 1er janvier 2005 et l’administration en est confiée au Syndicat demandeur. Il résulte, en application de l’article 108 de la Loi, de la fusion du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides et du Plan conjoint des producteurs de bois de la région de Montréal. L’article 109 de la Loi prévoit que les actifs se rapportant à l’administration des plans fusionnés sont transférés à l’office chargé de l’application du nouveau plan dès son entrée en vigueur.

[15] Le Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides est administré par le Syndicat failli jusqu’au 31 décembre 2004. Ce dernier conteste la fusion et refuse de remettre au Syndicat demandeur les actifs se rapportant à l’administration de ce plan.

[16] Les Rapports financiers annuels du Syndicat failli sont préparés par le vérificateur externe Bilodeau Daigle, c.a. (le Vérificateur) qui y fait une répartition des résultats et des actifs entre le Syndicat failli et le plan.

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RMAAQ Décision 9061 [17] Pour l’année se terminant le 31 décembre 2004, le Rapport financier du vérificateur est divisé en 4 sections : les sections plan conjoint, fonds de recherche et mise en marché visent l’application du plan et la section syndicat vise les activités propres au Syndicat failli. Il contient les données suivantes :

− le bilan de la section plan conjoint fait état d’un avoir net déficitaire de 8 332 $ et ceux des fonds de recherche et de mise en marché d’avoirs nets nuls. Le bilan de la section syndicat, par ailleurs, présente un avoir net de 82 182 $, somme qui correspond essentiellement à un placement de 5 261 $ dans Planfor inc. et à une valeur des immobilisations de 76 614 $. La valeur des immobilisations est pour les actifs suivants :

Ameublement – statut de producteur 468 $ Ameublement et équipement 2 630 $ Matériel et équipement de projet 62 $ Terrain 34 950 $ Bâtisse 14 114 $ Enseigne 151 $ Ordinateur 6 516 $ Logiciel 17 723 $

Total 76 614 $

− le Vérificateur attribue au Syndicat failli des frais de gestion du plan. À la section syndicat, les produits incluent des frais de gestion du plan de 11 614 $ et des frais d’opération du plan de 387 142 $;

− les contributions reçues des producteurs, inscrites dans les produits du plan, sont au montant de 417 423 $. Les dépenses incluent des frais de gestion du Syndicat failli de 11 614 $. Les dépenses attribuées au plan, pour un montant de 387 142 $, comprennent notamment les salaires, l’allocation du président, les jetons de présences au conseil d’administration et à divers comités, les frais de déplacements des employés, les contributions à la Fédération des producteurs de bois du Québec, les taxes foncières, les coûts d’électricité, d’entretien et de chauffage, les coûts de formation pour abattage, les mauvaises créances ainsi que les frais de location d’équipements et de papeterie;

− le Vérificateur attribue au syndicat des revenus de 408 272 $. En excluant les frais d’opération et les frais de gestion du plan, les revenus sont de 9 116 $. De ce montant, 7 375 $ sont pour une disposition d’actifs et 1 800 $ pour loyer et gestion de projet. Quant aux dépenses propres au syndicat, elles sont de 11 979 $ et correspondent à 5 éléments : dépenses du Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec, honoraires professionnels, formation, amortissement des immobilisations et déficit net pour statut du producteur.

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RMAAQ Décision 9061

[18] Le 19 mai 2005, le Vérificateur signe et transmet au Syndicat demandeur un Rapport financier intérimaire au 30 avril 2005. Il y établit un bilan d’ouverture, au 1er janvier 2005, pour les deux plans fusionnés et les deux syndicats les ayant administrés. Pour le plan administré par le Syndicat failli, le bilan de la section plan conjoint fait état d’un avoir net déficitaire de 8 332 $ et le bilan de la section Syndicat d’un avoir net positif de 82 182 $, ce qui inclut le terrain et la bâtisse. Il reproduit la même répartition entre le plan et le Syndicat failli que celle qu’il a faite dans le Rapport financier annuel 2004.

[19] Le 30 août 2005, la Régie, à la demande du tuteur qu’elle a nommé pour administrer le Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec, confie à sa Direction des analyses et des opérations le mandat de faire enquête afin de déterminer les actifs appartenant au Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides et ceux appartenant au Syndicat failli ainsi que la provenance des fonds qui ont permis de les acquérir.

[20] Le 14 octobre 2005, la Régie, par sa décision 8432, nomme M. Jean Gobeil administrateur du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec.

[21] Le 9 décembre 2005, les enquêteurs de la Régie déposent leur rapport. Ils annexent à leur rapport un tableau récapitulatif de la répartition des actifs, entre le Syndicat failli et le plan, faite par les vérificateurs externes au cours des années 1984 à 2004. Pour les années 1984, 1985 et 1991 à 2001, les actifs sont attribués au plan et, pour les années 1986 à 1990 et 2002 à 2004, ils sont attribués au Syndicat failli.

[22] Les enquêteurs de la Régie concluent :

− qu’il y a eu plusieurs transferts de sommes entre les fonds et entre les comptes bancaires ainsi qu’entre le Syndicat failli et le plan;

− que les montants au solde des comptes 15367 et 16077, au 18 octobre 2005, proviennent de contributions payées par les producteurs en vertu des règlements pris en application du plan;

− que les montants au solde du compte 90377, au 18 octobre 2005, proviennent de sommes versées par les acheteurs de bois en vertu des règlements pris en application du plan;

− que les sommes au compte 15962 identifié pour le syndicat, au 18 octobre 2005, proviennent de transferts du compte 15367, de la location d’espace de bureau et de revenus de la réalisation d’activités syndicales non précisées;

− que le compte 90813, identifié « statut de producteurs » et le compte 900845, identifié « projets », sont inactifs au 18 octobre 2005;

− que le terrain vacant acheté le 5 novembre 1998 a été payé avec des argents tirés du fonds de recherche, compte 16077. Pour l’année 2004, les frais inhérents au terrain sont payés à même les fonds du compte 15367 utilisé pour l’administration du plan;

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RMAAQ Décision 9061

− que l’immeuble acheté le 20 février 1984 l’a été avec un prêt de 25 000 $ du

Syndicat failli et que les États financiers au 31 décembre 1986 font état d’un remboursement de ce prêt;

− que les fonds pour acquérir les ordinateurs et logiciels proviennent des comptes 15962 et 16077;

− que deux avances ont été faites par le plan au Syndicat failli et qu’une avance a été faite par le Syndicat failli au plan, pour une avance nette au Syndicat failli de 14 409,00 $;

[23] Le 28 mars 2006, la Caisse populaire du Cœur-des-Vallées se prévaut de l’article 19 de la Loi sur les dépôts et consignations (L.R.Q. c. D-5) et remet au ministre des Finances, Bureau des dépôts et consignations, le solde des 3 comptes détenus au nom du Syndicat failli :

Compte n0 15367 Compte n0 90377 Compte n0 16077

TOTAL

33 242,73 $ 46 374, 83 $ 109 833,28 $

189 450,84 $

[24] Le 26 mai 2006, à la demande de Gobeil, la Régie tient une séance publique visant à déterminer les biens ayant servi à l’application du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides. À la suite d’une demande de report présentée par le Syndicat failli, il est convenu de reprendre la séance le 20 juin 2006.

[25] Le 19 juin 2006, Ginsberg, Gingras & associés inc. est nommée syndic de l’actif du Syndicat failli qui a déposé une cession en vertu de l’article 49 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. La séance du 20 juin est reportée.

[26] La nomination de Ginsberg, Gingras & associés inc. ne met pas fin au différend.

[27] Le 5 juillet 2006, la Fédération des producteurs de bois du Québec réclame au Syndic une créance non garantie au montant de 85 737,76 $. La créance correspond à des contributions dues à la Fédération et devant être versées à l’Union des producteurs agricoles (UPA).

[28] Le ou vers le 3 octobre 2006, Gobeil, le Syndic et les personnes détenant une hypothèque sur les immeubles s’entendent pour leur vente. Les détenteurs de l’hypothèque s’engagent à donner mainlevée sous réserve de faire valoir leur droit sur le solde net.

[29] Le 24 octobre 2006, le Syndic vend les immeubles. Le solde du prix de vente de 87 927,58 $ est conservé dans un compte en fidéicommis jusqu’à ce qu’un jugement final ou un règlement hors cour mette fin à tous les litiges.

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RMAAQ Décision 9061 [30] Le 31 octobre 2006, l’honorable Louis-Philippe Landry, j.c.s. autorise Gobeil à poursuivre les procédures déjà engagées devant la Régie. Dans son jugement, le juge Landry indique1 : « ci la difficulté repose dans le fait qu’un immeuble aurait été acheté avec les argents du Plan administré par le failli mais dont le titre de propriété a été enregistré au nom du failli. La Régie est certes habilitée à faire enquête quant à l’utilisation des fonds du Plan et à déterminer si selon les règles applicables en la matière l’immeuble fait partie des biens du Plan. La décision sur cette question est donc dans les circonstances du ressort de la Régie. ».

Le différend

[31] La Régie est appelée à définir les actifs détenus au nom du Syndicat failli au 31 décembre 2004 qui devaient, à compter du 1er janvier 2005, être transférés au Syndicat demandeur, conformément à la Loi et aux décisions 8432 du 14 octobre 2004 et 8433 du 17 octobre 2004. Plus précisément, elle doit décider lesquels servaient à l’application du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides.

[32] L’exactitude des chiffres contenus aux rapports financiers annuels vérifiés du Syndicat failli et au rapport d’enquête de la Régie n’est pas remise en question.

Jean Gobeil et Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec

[33] Me Claude Régnier fait témoigner M. Jean-Pierre Jasmin, enquêteur de la Régie. Ce dernier, accompagné de MM. Robert Pelletier et Normand Roy qui l’ont assisté dans l’enquête, explique le processus suivi, présente le rapport d’enquête et répond aux questions des intervenants et de la Régie. Ces enquêteurs ne formulent pas de jugement sur les états financiers vérifiés, ni dans leur rapport ni dans leur témoignage. Leur travail, bien que l’enquête fasse état des montants aux comptes bancaires au 18 octobre 2005, ne porte pas sur les états financiers intérimaires de 2005 ou sur le bilan d’ouverture au 1er janvier 2005 préparé par le Vérificateur.

[34] Me Régnier fait témoigner M. Yves Benoît, administrateur du Syndicat failli. Ce dernier indique que tous les états financiers qu’il a vus, depuis le début des années 1990, étaient vérifiés. Il précise que toutes les sommes provenant des acheteurs étaient d’abord déposées dans le compte 90377 pour le fonds de mise en marché. Ces sommes étaient ensuite transférées ou distribuées dans les comptes utilisés par le Syndicat failli pour le paiement des dépenses, incluant les contributions retenues par les acheteurs.

[35] Il fait témoigner M. Sébastien Iannitello, comptable agréé et syndic, à titre de témoin expert. Ce dernier indique qu’il exerce en juricomptabilité et qu’il n’a pas agi à titre de vérificateur comptable depuis 1976. Il considère que le présent dossier est un cas de litige. Il n’a pas fait, dans ce dossier, de vérification au sens du Manuel de l’Institut canadien des comptables agréés.

1 Décision no 550-11-009331-068, Cour supérieure, 31 octobre 2006, paragraphe 14.

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RMAAQ Décision 9061 [36] Essentiellement, le mandat de M. Iannitello consistait à prendre connaissance du rapport d’enquête et de conclure sur ses résultats pour ainsi assister la Régie qui doit déterminer qui est le propriétaire des sommes d’argent déposées par la Caisse populaire au Bureau des dépôts et consignations et des immeubles achetés en février 1984 et novembre 1998.

[37] M. Iannitello a examiné l’évolution des 3 comptes bancaires jusqu’au 3 août 2005, date où la Caisse populaire a décidé de les bloquer. Il souscrit aux conclusions des enquêteurs voulant que les fonds proviennent des opérations touchant l’application du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides et conclut que les fonds sont la propriété du plan. Quant aux immeubles, il conclut que le travail des enquêteurs a été fait correctement et souscrit également à leurs conclusions.

[38] Me Régnier fait témoigner Mme Jocelyne Gunville qui a été, pour le Syndicat failli, responsable de la gestion quotidienne des comptes. Elle indique, en réponse à Me Leduc, n’avoir jamais pris connaissance d’entente de location entre le Syndicat failli et le plan.

[39] Il fait également témoigner MM. Jean Gobeil et Armand Plourde. Le premier explique comment il a administré le Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec et le deuxième répond aux questions sur le transfert des actifs du Plan conjoint des producteurs de bois de la région de Montréal au nouveau plan. Il précise que le transfert de ces actifs incluait les passifs.

[40] Me Régnier appuie ses conclusions essentiellement sur le rapport d’enquête de la Régie et les articles 66 et 109 de la Loi.

[41] Conformément à l’article 66, l’organisme désigné pour appliquer un plan est investi des pouvoirs, devoirs et attributions d’un office. Ainsi, pour l’administration du plan, lorsque l’on lit « syndicat », il faut comprendre « office » aux fins de la Loi.

[42] La Loi prévoit, article 109, que l’office résultant d’une fusion de plans est saisi de tous les biens et actifs se rapportant à l’application des plans fusionnés et qu’ils lui sont transférés dès l’entrée en vigueur du nouveau plan. Ainsi, de par l’effet de la Loi, les actifs du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides ont été transférés au Syndicat demandeur à compter du 1er janvier 2005.

[43] Me Régnier, soulignant que la Loi ne définit pas ce qu’est un actif se rapportant à l’application d’un plan et qu’il n’y a pas de jurisprudence de la Régie à cet effet, indique qu’il faut s’en remettre au sens courant. L’office, personne morale créée en vertu de l’article 64 de la Loi, acquiert des actifs avec les contributions des producteurs, seules sources de revenus. Il en est de même lorsqu’un syndicat est chargé de l’application d’un plan pour les biens acquis avec les contributions des producteurs.

[44] L’article 66 de la Loi exige que l’organisme ou syndicat tienne une comptabilité distincte pour l’administration du plan et seuls les actifs se rapportant à l’administration du plan doivent être transférés.

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RMAAQ Décision 9061 [45] L’article 122 de la Loi prévoit que les dépenses d’application du plan sont payées par les producteurs visés au moyen de contributions. Les actifs acquis au moyen des contributions le sont aux fins du plan. Les contributions ne peuvent servir qu’à l’application du plan et l’achat d’actifs ne peut profiter qu’aux seuls producteurs visés par le plan.

[46] Le rapport des enquêteurs de la Régie fait état que les actifs du plan sont constitués de 4 éléments : le solde du compte 15367 où sont versées les contributions, le solde du compte 16077 pour le fonds de recherche, le solde du compte 90377 pour les sommes versées par les acheteurs pour le bois des producteurs et pour les ajustements de prix.

[47] Il reconnaît que certains actifs peuvent ne pas servir à l’application du plan, notamment les programmes de formation, d’aménagement et de statut de producteurs.

[48] Me Régnier, relativement à l’argument voulant que les états financiers vérifiés aient valeur probante, souligne que la répartition des actifs entre le Syndicat failli et le plan ont varié au cours des années en passant de l’un à l’autre. Quant à la demande de soustraire le passif des soldes bancaires, il indique que ces sommes sont dues aux producteurs.

[49] Concernant la créance de la Fédération des producteurs de bois du Québec, il estime qu’elle est de nature strictement syndicale. Les contributions du Syndicat failli à la Fédération sont imposées en vertu de l’article 30 de la Loi sur les producteurs agricoles.

[50] Pour tous ces motifs, Me Régnier demande à la Régie d’accueillir les conclusions de Gobeil et du Syndicat demandeur.

Ginsberg, Gingras & associés inc.

[51] Me Pierre Leduc appuie ses conclusions essentiellement sur l’article 109 de la Loi et sur la valeur probante qu’il faut accorder à des États financiers vérifiés par des experts comptables selon les normes du Manuel de l’Institut canadien des comptables agréés.

[52] Il souligne que l’article 109, section II du Chapitre V de la Loi, réfère à une fusion de plans et non à une fusion d’offices, ce qui est prévu à la section I. Dans ce dossier, les offices n’ont pas été fusionnés. Il importe, dès le départ, de faire cette distinction. Me Leduc reconnaît que la Régie n’a pas eu, jusqu’à maintenant, à se pencher sur l’interprétation de cet article aux fins de définir les actifs se rapportant à l’administration d’un plan.

[53] Il attire l’attention de la Régie sur un jugement de la Cour d’appel rendu dans une affaire de proposition concordataire faite par la Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec2. Dans ce dossier, la Fédération agit à la fois à titre d’office de producteurs et de syndicat professionnel. La Cour indique que l’office n’est pas une personne morale distincte de la Fédération. Le jugement enseigne qu’une telle personne doit se décrire office ou syndicat lorsqu’elle fait une transaction. C’est à ce moment qu’opère la distinction entre les deux. La distinction est importante pour les tiers, notamment lors d’une transaction immobilière avec emprunt hypothécaire.

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RMAAQ Décision 9061 [54] Cette distinction est prise en compte dans les rapports financiers qui ont été vérifiés selon les normes du Manuel de l’Institut canadien des comptables agréés. Ces rapports ont valeur de force probante. À cet égard, Me Leduc cite une décision de la Cour supérieure3 appelée à se prononcer sur la responsabilité professionnelle des comptables agréés dans le cadre de mandats annuels de préparation et de présentation d’états financiers vérifiés. La Cour rappelle qu’il faut donner une force probante aux états financiers vérifiés selon les normes du Manuel de l’Institut canadien des comptables agréés, manuel qui prévoit des normes d’enquête et de vérification.

[55] Ainsi, pour décider de la répartition des actifs, la Régie doit partir du bilan vérifié au 31 décembre 2004, bilan qui répartit clairement les actifs entre le plan et le Syndicat failli.

[56] La preuve a démontré que les vérificateurs externes Bilodeau Daigle sont les vérificateurs du Syndicat failli depuis 1991 et que personne n’a attaqué les états financiers. Ce même vérificateur a préparé, pour le compte du Syndicat demandeur, un bilan d’ouverture au 1er janvier 2005 des plans fusionnés. C’est à la section « Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec » que l’on retrouve les immobilisations antérieurement attribuées au Syndicat failli et non à celle du plan. Ces immobilisations ont une valeur nette de 76 614 $.

[57] Dans ce rapport financier intérimaire, les actifs du Syndicat failli sont les mêmes que ceux du bilan vérifié au 31 décembre 2004. De par la confection de ce bilan d’ouverture, le Syndicat demandeur admet que les immobilisations mentionnées à sa demande ré-amendée, constituent des biens propres au Syndicat failli. C’est un aveu que ce ne sont pas des actifs aux termes de l’article 109 de la Loi et se rapportant à l’administration du plan. Il réfère la Régie à une décision de la Cour du Québec dans une affaire où un contribuable conteste une cotisation du sous-ministre du Revenu du Québec4. Le juge y indique que les états financiers et registres comptables, présentés par un partie et allant à l’encontre de sa demande, constituent un aveu. Dans le présent dossier, le bilan d’ouverture préparé à la demande du demandeur constitue un aveu que les immobilisations sont des actifs du Syndicat failli.

[58] Il fait également valoir que ce sont les actifs nets qui doivent être transférés. Il cite une autre affaire5 impliquant le Sous-ministre du revenu où la Cour d’appel se penche sur la valeur probante des états financiers vérifiés et indique que seul le solde net, après compensation, correspond à la définition d’un actif ou d’un passif au sens comptable. Ce qui doit être transféré, c’est l’actif net après compensation. La Régie ne peut déclarer que les soldes bancaires sont des actifs du plan sans d’abord y soustraire tous les comptes payables au 31 décembre 2004, incluant la soustraction de la réclamation de la Fédération des producteurs de bois du Québec inscrite à titre de créance du plan.

2 Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec et Richard Constantineau et als C.A. 500-09-000168-955, juges Rousseau-Houle, Delisle, Chamberland, 11 janvier 1999. 3 R.M.A. Restaurant Management Ltd c. Ronald E. Gallay et als., C.S. 500-05-002324-927, juge Claude Larouche, 19 janvier 1996. 4 Nicole Desjardins c. Sous-ministre du Revenu du Québec, C.Q. 500-02-087790-007, juge Jean-Pierre-Borduas, 11 novembre 2003. 5 Le sous-ministre du Revenu du Québec c. Les Produits Fraco Ltée, C.A. 500-09-016736-068, juges René Dussault, Pierrette Rayle et Nicole Duval Hessler, 24 janvier 2008.

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RMAAQ Décision 9061 [59] En ce qui concerne l’immeuble, la preuve a démontré que la bâtisse et le terrain ont été achetés par le Syndicat failli avec des résolutions autorisant l’achat.

[60] Me Leduc conclut que la preuve prépondérante est à l’effet que les actifs propriété du Syndicat failli sont ceux inscrits aux états financiers vérifiés. Il termine en attirant l’attention de la Régie sur le fait que l’immeuble est grevé d’une hypothèque, ce qui est reconnu par les parties dans l’accord intervenu aux fins d’en permettre la vente.

MM. Palma Molloy, Alain Brazeau, Michel Demers et Yves Benoît

[61] Me Normand Carrière fait d’abord valoir que tous s’entendent pour dire que l’office et le Syndicat failli sont des personnalités juridiques distinctes.

[62] L’application de l’article 109 de la Loi ne lui apparaît pas comporter de difficultés. Lors de la fusion de plans conjoints, on procède en prenant les argents, en payant les dettes et en transférant ce qui reste. On ne peut transférer la partie actif et laisser derrière la partie passif.

[63] La Régie ne peut retenir, pour la répartition entre le Syndicat failli et le plan, l’approche des demandeurs voulant que les actifs se rapportant à l’administration du plan sont ceux payés avec les sommes provenant du plan, peu importe les contrats et états financiers.

[64] Il souligne que les producteurs forestiers qui étaient visés par le Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides sont également visés par le nouveau plan et représentés au conseil d’administration du Syndicat demandeur. Ces producteurs ont approuvé en assemblée générale, année après année, les états financiers vérifiés que l’on tente aujourd’hui de mettre de côté. Ils ont accepté que les immobilisations soient la propriété du Syndicat failli. Ces mêmes producteurs se disent maintenant en désaccord et tentent d’utiliser des bribes d’information pour modifier, en retournant en arrière, des états financiers approuvés par les assemblées générales des producteurs.

[65] Il conclut que la Régie doit utiliser les états financiers vérifiés pour décider en application de l’article 109 et plus particulièrement que les immeubles sont la propriété du Syndicat failli.

ANALYSE ET DÉCISION

Le différend

[66] Le différend que la Régie est appelée à trancher porte sur la détermination des actifs détenus au nom du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides au 31 décembre 2004 et qui ont servi à l’application du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides, plus particulièrement :

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RMAAQ Décision 9061

− les soldes des comptes 15367, 16077 et 90377 détenus à Caisse populaire du Cœur-des-Vallées et remis par celle-ci au ministre des Finances, ès qualité Bureau des dépôts et consignations;

− un immeuble acheté le 20 février 1984; − un terrain acheté le 5 novembre 1998; − une créance de la Fédération des producteurs de bois du Québec.

[67] Les états financiers préparés par le vérificateur Bilodeau Daigle c.a, établissent une répartition des actifs entre le plan et le Syndicat failli. Le Syndic et les personnes intéressées font valoir que la Régie doit s’en tenir à cette répartition.

[68] Gobeil et le Syndicat demandeur, pour leur part, s’appuient sur le Rapport d’enquête de la Régie pour réclamer la propriété d’actifs tout en refusant la créance de la Fédération des producteurs de bois du Québec qu’ils estiment être une dépense syndicale.

La compétence de la Régie

[69] La Cour supérieure a reconnu que la Régie avait compétence pour statuer sur la répartition des actifs entre le Syndicat gestionnaire à la fois de ses activités syndicales et de celles relevant de l’application d’un plan. La compétence de la Régie n’est pas contestée par le Syndic et les personnes intéressées.

La force probante des états financiers vérifiés

[70] Le recours à des vérificateurs externes, avec application des normes de vérification généralement reconnues au Canada, vise à assurer que les états financiers donnent une image fidèle de la situation financière d’un organisme et à une protection des tiers. Les vérificateurs ne sont cependant pas des personnes habilitées à trancher les différends portant sur la propriété des biens ou pour interpréter la Loi.

Les dispositions de la Loi

[71] L’article 66 de la Loi prévoit qu’un organisme désigné pour appliquer un plan est investi des pouvoirs, devoirs et attributions d’un office et qu’il les exerce par son conseil d’administration. Le conseil d’administration du Syndicat failli a agi ainsi en recevant et en disposant des argents des producteurs et des acheteurs reçus en application d’un règlement pris dans le cadre du plan ou d’une convention de mise en marché. Les argents reçus par le Syndicat failli l’ont été en raison de sa qualité d’office. Leur gestion était de la seule responsabilité du conseil d’administration du Syndicat failli, sous réserve des pouvoirs accordés par la Loi à l’assemblée générale des producteurs visés par le plan.

[72] L’article 128 de la Loi prévoit qu’un office ne peut, de quelque façon que ce soit, utiliser les contributions perçues des producteurs en vertu d’une disposition d’un plan ou d’un règlement pour financer la mise en place ou le fonctionnement d’une entreprise commerciale ni détenir du capital-actions ou toute autre forme de capital dans une telle entreprise.

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RMAAQ Décision 9061 [73] Le conseil d’administration appliquant le plan ne pouvait, en raison des articles 66 et 128 de la Loi, confier au Syndicat failli la gestion du plan et lui attribuer des frais de gestion. Les contributions perçues des producteurs en application du plan ne pouvaient servir à financer l’achat d’actifs par le Syndicat failli. Les contributions des producteurs devaient être utilisées au profit de tous les producteurs visés par le plan et non au profit des seuls membres du Syndicat failli.

La répartition des actifs

[74] La Régie estime que les actifs se rapportant à l’administration du plan sont ceux acquis avec les contributions et sommes perçues en application du plan.

[75] Le rapport des enquêteurs de la Régie démontre clairement que les sommes d’argents retrouvées dans les 3 comptes détenus par la caisse proviennent des producteurs, en application de la réglementation sur les contributions, ou des acheteurs en application des conventions. Ces sommes sont des actifs servant à l’application du plan.

[76] Le rapport d’enquête fait état que l’immeuble acheté en 1984 le fut avec des sommes empruntées du Syndicat et remboursées par la suite. Cet immeuble est un actif acquis par le plan et ayant servi à son application.

[77] Le terrain acheté en 1998 est identifié comme actif du plan aux états financiers des années 1998 à 2001 et a été payé à même les fonds du plan. Ce terrain est également un actif acquis avec les fonds du plan et ayant servi à son application.

[78] L’article 132 de la Loi prévoit qu’un producteur lié par un plan et membre d’un syndicat professionnel qui l’applique n’est pas tenu de verser la cotisation annuelle l’année ou il paie sa contribution exigible par le plan. Le rapport financier annuel au 31 décembre 2004 ne fait pas état de revenus provenant de contributions volontaires de ses membres,

[79] Me Régnier, à bon droit, a fait valoir que le Syndicat failli pouvait avoir des activités qui lui soient propres. Il n’a cependant pas été clairement démontré que des actifs étaient liés à de telles activités. Les états financiers font état de dépenses de formation des producteurs sans indiquer la source des revenus pour la financer. La Loi n’exclut pas que ce soit une activité du plan. Enfin, une lecture des états financiers ne permet pas d’identifier de revenus et d’activités qui n’entrent pas dans le cadre de l’application de ce plan.

La créance de la Fédération des producteurs de bois du Québec

[80] La créance de la Fédération des producteurs de bois du Québec correspond, tel que démontré par la documentation déposée par Gobeil et le Syndicat demandeur, au paiement de contributions imposées par l’UPA en vertu des articles 31 et 35 de la Loi sur les producteurs agricoles. Le Règlement sur les contributions des fédérations et des syndicats spécialisés à l’Union des producteurs agricoles6 prévoit une contribution de la Fédération des producteurs de bois.

6 Décision 6657, 1997, G.O. 2, 4713

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RMAAQ Décision 9061 - [81] L’article 30 de cette loi stipule que les dépenses de l’association accréditée, ici l’UPA, sont payées par des contributions des fédérations spécialisées et de contributions de syndicats spécialisés qui ne sont pas membres de fédérations spécialisées.

L’ordonnance

[82] L’article 30 stipule également que les contributions des fédérations et syndicats spécialisés peuvent être acquittées à même les deniers perçus par les offices. Le Syndicat failli avait autorité pour payer les contributions imposées par l’UPA à la Fédération à même les contributions imposées aux producteurs.

[83] Gobeil et le Syndicat demandeur requièrent que la Régie ordonne au Syndic de lui remettre le solde du prix de vente des immeubles. Le pouvoir d’ordonnance prévu à l’article 43 de la Loi vise un office ou une personne engagée dans la production ou la mise en marché d’un produit visé par un plan et requiert que l’action ou l’omission risque d’entraver l’application de ce plan. Il n’a pas été démontré que l’omission de l’acte demandé risquait d’entraver l’application du plan. De plus, la preuve ne démontre pas que le Syndic se qualifie à titre de personne engagée dans la production ou la mise en marché du produit visé par le plan.

PAR CES MOTIFS, LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC: ACCUEILLE partiellement la demande de Jean Gobeil, ès qualité d’administrateur du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec (Gobeil) et du Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec;

DÉCLARE que les sommes déposées dans les comptes de banque 15367, 90377 et 16077, soit au total 189 450,84 $, plus les intérêts courus le cas échéant, sont des actifs se rapportant à l’application du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec et, en conséquence, doivent être remises à son administrateur, le Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec;

AUTORISE le Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec à toucher du ministre des Finances du Québec, Bureau des dépôts et consignations, la somme de 189 450,84 $, plus les intérêts courus le cas échéant, déposée le 3 avril 2006 par la Caisse populaire du Cœur-des-Vallées, conformément à l’article 19 de la Loi sur les dépôts et consignations;

DÉCLARE que les immeubles achetés les 10 février 1984 et 5 novembre 1998 sont des actifs se rapportant à l’application du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides;

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RMAAQ Décision 9061

DÉCLARE que le solde du prix de vente des immeubles achetés les 10 février 1984 et 5 novembre 1998, plus les intérêts courus le cas échéant, doit être transféré à l’administrateur du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec, le Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec;

ACCUEILLE partiellement la demande de Ginsberg, Gingras & associés inc. ès qualité de Syndic de faillite du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides;

DÉCLARE que la créance de la Fédération des producteurs de bois du Québec réclamée à Ginsberg, Gingras & associés inc. ès qualité de Syndic de faillite du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides constitue une créance à l’encontre du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides, créance légalement transférée au Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec;

DÉCLARE que tous les autres actifs et passifs, plus les intérêts courus le cas échéant, inscrits au Rapport financier annuel au 31 décembre 2004, sont des actifs et passifs ayant servi à l’application du Plan conjoint des producteurs de bois Outaouais-Laurentides et doivent être transférés au Syndicat des propriétaires forestiers du Sud-Ouest du Québec à titre d’organisme chargé de l’administration du Plan conjoint des producteurs forestiers du Sud-Ouest du Québec. _______________________________ _______________________________ René Cormier Benoît Harvey _______________________________ Louise Cobetto