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SECONDE PARTIE Réinterpréter et valoriser les héritages culturels dans l’urbanisme et l’architecture

Réinterpréter et valoriser les héritages culturels dans l ... · PDF fileont commencé à voir le jour pour préserver ce qui reste de l’histoire de la ville. 1 Chargée de cours

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sEcondE partiE

Réinterpréter et valoriser les héritages culturels dans l’urbanisme et l’architecture

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reconstruire, réhabiliter

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espaces urbains à l’aube du xxi e siècle • pups • 2010

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lEs coupolEs d’algEr, élémEnts d’émErgEncEs dans lE paYsagE urbain dE la médina maghrébinE

EntrE hiEr Et auJourd’hui

N. K. Driouèche 1

le patrimoine architectural constitue la mémoire collective de toute nation témoignant ainsi de son passé historique à travers les siècles. ainsi, les architectes, les archéologues et les historiens ont, de tout temps, veillé à la prise en charge des monuments et des sites historiques aux seules fins de les préserver de toutes détériorations éventuelles engendrées aussi bien par les phénomènes naturels que par l’homme. le patrimoine architectural algérien s’inscrit dans une sphère patrimoniale plus importante englobant tout le maghreb, définissant des caractéristiques communes. ceci s’explique par un héritage historique faisant partie d’une même aire géographique 2. mais l’évolution de la notion du patrimoine en algérie est en décalage par rapport aux deux pays voisins à savoir le maroc et la tunisie, dont les médina ont connu depuis plus longtemps des opérations de mise en valeur du patrimoine bâti matériel et même immatériel défini comme « les pratiques, les représentations et expressions, les connaissances et les savoir faire que les communautés et les groupes, reconnaissent comme partie intégrante de leur patrimoine culturel » 3. ce dernier assure la survie du patrimoine bâti qui le rend riche de sens et aussi d’usage. la casbah d’alger, qui représentait autrefois la capitale du maghreb El-awsat, représente un des joyaux architectural de l’algérie mais n’a été classée au patrimoine national qu’en 1991 et au patrimoine mondial de l’unEsco que depuis 1992 4. c’est à partir de ce moment-là que des opérations de sauvegarde et de mise en valeur ont commencé à voir le jour pour préserver ce qui reste de l’histoire de la ville.

1 Chargéedecours,Écolepolytechniqued’architectureetd’urbanismed’Alger.2 ActesdeladeuxièmerencontreinternationalesurlePatrimoinearchitecturalméditerranéen,

RIPAM2le26,27,28octobre2007.3 AbdulBoulghallat,Le Patrimoine immatériel,projetdethèse,consultéle4mai2008,

<www.fsp.maghreb‑france.msh‑paris.fr/Projet%20Boulghallat2.rtf>.4 AliMebtouche,Casbah d’Alger ma bien aimée,recueildelafondationCasbah,1998,p.7.

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nore propos se concentre sur l’évolution de la notion de patrimoine en algérie à partir de l’étude de l’élément architectural clef de la coupole 5, afin de nous éclairer sur l’intégration – ou la réinterprétation – et le rejet des éléments de l’héritage culturel et historique dans les projets architecturaux algériens.

il convient de présenter, dans un premier temps, l’évolution de ces coupoles à chaque période historique en précisant leur importance sur le plan urbain et architectural pour analyser ensuite les différents aspects physico-formel ainsi que décoratif de ces éléments afin d’identifier des éléments communs mais aussi les différences qui les caractérisent, ce qui permettra, à l’avenir, leur intégration dans les projets architecturaux et urbains.

La caSbah D’aLger, éLémentS De permanence

la médina d’alger, ville millénaire, a connu différentes occupations dont la plus importante est celle ottomane entre le xvie et le xixe siècle qui a défini la forme définitive de la ville. au xviie siècle, celle-ci a connu une prospérité économique, qui s’est traduite sur le plan urbain et architectural, par la construction de plusieurs édifices publics monumentaux, en particulier les édifices religieux les plus importants 6.

les potentialités esthétiques du site, dues à une topographie exceptionnelle, ont défini une forme urbaine caractéristique ceinturée de murailles, avec des maisons à terrasses de forme cubiques qui s’entassaient en une pyramide. l’ensemble des lithographies de la ville d’alger, nous indiquent clairement la structure urbaine de la ville à cette époque. Elle présente en premier plan la jetée appelée plus tard Kheir-Eddine, avec ces forts et batteries, dont le penon à l’angle, et une batterie de forme carrée recouverte d’une coupole.

En dehors de l’enceinte de la médina, on aperçoit les terrains de campagne « Fahs » comprenant de grands jardins potagers aux luxueuses villas (pl. XLVIII), mais tout autour des murailles se dressent les forts protégeant la ville de l’intérieur, et différents tombeaux funéraires.

5 L’étudedescoupolesfaitpartiedenotrerecherchedoctoraledontlethèmeportesur«Lescoupolesalgéroisesdel’époqueottomane».

6 F.Cresti,Contribution à l’histoire d’Alger. Préservation et mise en valeur des sites et monuments historiques,Roma,CentroAnalisiSocialeProgetti,1994,p.13.

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dans cette masse compacte de construction, émergent des éléments signalétiques, d’appel et d’orientation que l’on peut apercevoir sur toutes les gravures illustrant la ville à cette époque : il s’agit des dômes des grandes mosquées.

ces éléments rivalisent avec les autres formes d’émergence et marquent le paysage urbain de leurs puissances emblématiques 7, lui procurant une skyline particulière, et une identité propre à El-djezair. Elles sont regroupées surtout dans la partie basse de la ville, et concentrées notamment sur les grandes rues commerçantes bâb El-oued, bâb azoun et bâb El-djazira, qui définissent le centre économique, politique et religieux.

ces coupoles jouent aussi un rôle important à l’échelle architecturale, en affirmant un geste de domination par leur verticalité, qui confère grâce à leur intériorité une signification plus subtile à l’espace couvert 8. d’un point de vue spirituel et expressif, leurs formes en hauteur se rattachent à la signification symbolique de la souveraineté de dieu 9, d’un point de vue structurel, elles permettaient de couvrir de grands espaces carrés sans point de supports intermédiaires 10. Elles développent aussi un volume d’air important limitant de ce fait la température intérieure de l’espace participant au confort thermique. dans les édifices religieux, ces formes de couverture viennent mettre en évidence l’espace central qui est le plus souvent entouré de galeries tout autour à coupolettes ; ce type d’organisation spatiale est fortement influencé par l’architecture ottomane de sinan. nous retrouvons ces coupoles dans d’autres édifices à savoir les mausolées ou marabouts, les bains publics, les grandes demeures qu’elles soient intra ou extra muros, les fontaines publiques, et certaines constructions particulières comme la maison du cuivre ou fonderie. au plan des unités d’habitation qu’elles soient intra muros ou extra muros, ces formes architecturales appelées par les algériens « Kouba » représentaient des couvertures de certains espaces importants. Elles se situent au-dessus des alcôves des pièces oblongues, dans les pièces chaudes des bains, dans les paliers intermédiaires des cages d’escalier et au-dessus des pavillons dans les jardins des villas de campagne. on peut constater au niveau de la villa

7 J.‑J.Terrin,Coupoles,Paris,Hazan,2006,p.131.8 Ibid.9 E.Diez,Histoire de l’art. L’art de l’Islam,Paris,Payot,p.8.10 L’avantagedecesformesétantlacouvertured’espacesauxdimensionsimportantesen

utilisantdesmatériauxrésistantàlacompressionetdefaiblerésistanceàlaflexiontelsquelabrique,lapierre.

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d’abdellatif, restaurée récemment et qui devra abriter le centre national pour les recherches dans les arts plastiques.

ces coupoles définissaient durant cette période plusieurs typologies, la plus représentative est celle octogonale à huit pans avec quatre ou huit ouvertures. ce sont des voûtes composées, définies géométriquement par l’intersection de quatre voûtes en berceau, dont le résultat représenterait une voûte en arc de cloître à huit voûtains 11.

Elles sont montées sur plan carré, soit sur des murs plein soit sur piliers de dimensions importantes, posées par l’intermédiaire de pendentifs ou trompes, et ne comportent pas de tambour. leur procédé constructif est défini par des briques posées en assises horizontales, en surplomb les unes sur les autres, réalisé par des artisans qualifiés selon un procédé local ingénieux basé sur le principe de l’homogénéité et de l’équilibre, maîtrisant le matériau jusqu’à ses limites, en créant des formes qui répondent aux mêmes critères géométriques mais véhiculant chacune ses propres caractéristiques.

concernant cette première typologie, nous citerons la mosquée de bitchin sur la rue bâb El-oued, dont la coupole prend naissance au-dessus d’arceaux en ogives supportés par quatre gros piliers en maçonnerie placés aux angles de la nef (pl. XLIII). celle-ci entourée sur trois côtés de galeries recouvertes par une vingtaine de petits dômes 12. les pans étant tous percés d’une ouverture en arcade. En l’an 2000, le projet de restauration de la mosquée a été lancé, dont l’objectif était la restitution de l’édifice de l’époque ottomane. à cet effet, des changements considérables ont été opérés, à savoir la destruction de la coupole à quatre pans réalisée durant l’époque française. le minaret qui a subi beaucoup de dommage a été également restitué.

la décoration de la grande coupole est très intéressante, répondant au répertoire stylistique arabo-islamique. la combinaison du motif rectiligne et curviligne définit des panneaux de plâtre dont le tracé géométrique de base comprend le polygone étoilé. les arêtes du polygone sont marquées par des carreaux de céramique, entre lesquelles se dressent des ouvertures ajourées.

11 A.Muttori,L’Art des structures, une introduction au fonctionnement des structures en architecture,Lausanne,Pressespolytechniquesetuniversitairesromandes,2004,p.90.

12 A.Devoulx,Les Édifices religieux de l’ancien Alger,Alger,Bastide,1870,p.56.

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dans cette même typologie de coupole, nous citons le mausolée sidi abderrahmane, connu à l’échelle de tout le maghreb. le tombeau occupe une position stratégique sur les hauteurs, autrefois en dehors des fortifications. il domine toute la ville par un dôme imposant, entouré de plusieurs autres tombeaux de saints. la salle funéraire fait office de salle de prière comportant même un mihrab. la particularité de sa grande coupole, c’est que chacun des pans étant percé par trois petites fenêtres allongées se rapprochant de la silhouette de l’arcade trilobée.

une autre typologie de coupoles concerne celle de la mosquée de la pêcherie située sur la rue de la marine. son organisation spatiale très particulière définit autour d’une centralité surmontée d’une coupole ovoïde avec une pointe nettement accusée, des petits espaces carrés recouverts par de petites coupoles octogonales sur pendentifs ; entre ces coupoles s’élèvent de grands berceaux qui couvrent l’espace allongé de la mosquée créant ainsi un dispositif en croix latine contrebuté par des coupolettes d’angle. c’est une solution que l’on retrouve à constantinople notamment à Kilisse djami 13. la mosquée a été restaurée en 1999, des fouilles ont été effectuées et ont permis de découvrir l’ancienne porte qui menait à la mer – bâb El-bahr – enfouie sous les voûtes de réalisation française. la coupole centrale prend une ornementation assez intéressante, utilisant le plâtre ajouré et les carreaux de céramique de différents motifs. ces panneaux décoratifs s’inscrivent dans des arcs en ogive tout le long du tambour circulaire, les pendentifs sont également recouverts de carreaux de faïence.

La viLLe européenne et L’introDuction De nouveaux référentS

la seconde époque historique est celle française à partir de 1830. des changements considérables ont été opérés, notamment la destruction de la quasi totalité de la partie basse de la ville. l’objectif était la création d’une grande place, la place du gouvernement, l’élargissement des anciennes rues principales et la création de nouvelles voies de desserte dans le sens transversal. la médina d’alger a perdu toute sa structure urbaine au profit d’une nouvelle ville définie par de grands boulevards, des places publiques, des squares et des

13 G.Marcais,Manuel d’art musulman. L’architecture :Tunisie, Algérie, Maroc, Espagne, Sicile,GGA,directiondel’Intérieuretdesbeaux‑arts,antiquitésetmonumentshistoriques,Paris,ÉditionArtsetmétiersgraphiques,1954,p.792.

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jardins. les premières extensions de la ville caractérisées par le refus de cette architecture vernaculaire, ont défini un style dit colonial dont les bâtiments publics se caractérisent par un éclectisme de style historique : le néo-classique, néo-grec, etc. Quelques années plus tard, une prise de conscience de la perte de cet héritage historique légué par une population autochtone, véhiculant des traditions culturelles et sociales, conduit, à partir de 1903, le gouverneur charles célestin Jonnart à imposer le style néo-mauresque aux constructions publiques 14.

En effet, l’objectif de ce style architectural nouveau dans les colonies maghrébines était la reprise des éléments de l’architecture locale et régionale arabo-islamique imprégnée d’influences ottomanes, andalouses et même orientales, afin de réaliser un rapprochement d’ordre culturel et religieux avec les algériens. ceci s’inscrit dans une volonté du gouvernement général de l’algérie visant la construction d’une identité qui se distingue de la métropole, par le recours au registre vernaculaire pour exalter, contre l’uniformisation 15. on assiste alors à l’introduction d’un style réconciliant des traditions constructives européenne et musulmane, empruntant à cette dernière les éléments les plus significatifs qui ont été reproduits dans les nouveaux édifices d’alger.

la madrasa taalibia, école coranique édifiée en 1904 par l’architecte henri petit 16 sur les hauteurs de la casbah, et qu’on aperçoit de l’esplanade du quartier de bâb El-oued, est la première construction édifiée dans ce style aux tendances orientalistes. cette construction est d’une grande hardiesse, monumentale, d’un équilibre extraordinaire, avec ses quatre coupoles octogonales d’angle, et celle du centre de type ovoïde comme celle de la mosquée de la pêcherie. différentes influences architecturales sont présentes dans cet exemple et son plan se réfère à celui de la mosquée de la pêcherie décrite plus haut. mais un spécialiste de l’histoire de l’architecture lirait facilement d’autres influences, à savoir maghrébine, marocaine en particulier dans le traitement décoratif du portail d’entrée. une seconde influence appartiendrait à l’égypte fatimide, au niveau de la structure du dôme, ovoïde, surhaussé, percé de fenêtres, avec des trompes en dégradé.

14 Surlestylenéo‑mauresque,voir<www.algeria.com/forum/history‑histoire/16077‑lagrande‑poste‑dalger.html>(consultéle21mai2008).

15 N.Oulebsir,Les Usages du patrimoine : monuments, musées et politique coloniale en Algérie (1830‑1930),Paris,ÉditionsdelaMSH,2004,p.233.

16 K.Semar,Contribution à la connaissance de l’architecture néo‑mauresque à Alger : cas de la grande Poste,mémoiredemagister,Écolepolytechniqued’architectureetd’urbanismed’Alger,2004,p.312.

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la décoration intérieure de la coupole centrale est très intéressante, utilisant plusieurs motifs avec des bandeaux épigraphiques à la base, ainsi qu’une série de stalactites au-dessus des trompes d’angle. le plâtre ajouré est amplement utilisé au niveau des pans des coupoles, les arêtes du polygone étant mise en évidence par ce traitement.

un autre exemple mérite d’être cité : il s’agit du palais de la grande poste d’alger, réalisée par les architectes Voinot et tondoire, qui représentait le cœur de la nouvelle ville européenne (pl. XLV). un chef-d’œuvre architectural marqué par sa grande coupole et deux autres aux angles superposés sur deux faux minarets (il est à noter que l’édifice fut construit essentiellement par une main d’œuvre algérienne et marocaine).

En effet, ce qui frappe le plus dans ce monument, c’est le décor extravagant de la grande coupole du hall central, utilisant l’entrelacs géométrique et une polygonie exquise avec enchevêtrement 17 : la base de la composition étant représentée par des stalactites. « à l’extérieur, cette coupole est divisée à intervalles réguliers, par la saillie de nervures méridiennes, convergeant vers son sommet. les nervures découpent la coupole en huit pans » 18.

L’introDuction D’un vocabuLaire contextuaLiSé

La contribution de fernand pouillon

la période post-indépendante fut marquée par deux grands architectes. le premier, de nationalité française, F. pouillon, dont la carrière a connu les deux moments, colonial et post-indépendant 19, a suivi, dans ses projets – notamment touristiques – cette tendance à la réinterprétation des éléments de l’architecture traditionnelle. les références dans ses projets sont frappantes. « sa démarche […] insiste à rechercher dans le milieu historique la source de son inspiration, et à dresser avec un vocabulaire architectural d’imprégnation locale, le nouveau décor urbain » 20. ses projets, conscrits dans une démarche historiciste, qui sillonnent le littoral algérois, marquent ainsi toute la baie de leur empreinte.

17 H.Klein,Les Feuillets d’El Djezair,Alger,ImprimerieorientaleFontanafrèresetCie,1910,p.28.18 K.Semar, Contribution à la connaissance de l’architecture néo‑mauresque à Alger : cas de la

grande Poste,op. cit.,p.296.19 N.Oulebsir,Les Usages du patrimoine, monuments, musées et politique coloniale en Algérie

(1830‑1930),op. cit.,p.312.20 J.‑J.Deluz,L’Urbanisme et l’architecture d’Alger, Aperçu critique,Liège,Mardaga,1988.

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le village artisanal à sidi Fredj est un véritable ensemble réalisé en briques, constitué de plusieurs entités dont un bain, un café maure, regroupés autour de plusieurs patios. les références à la casbah d’alger sont très imposantes avec l’utilisation des arcades, des voûtes d’arêtes, des planchers en solives et notamment des revêtements en carreaux de céramique. les coupoles sont amplement utilisées couvrant des espaces importants dans ces projets. Elles sont réalisées dans différents matériaux notamment en briques pleines ou en béton. les deux formes qu’il a réalisées sont celles hémisphérique et octogonale avec ou sans ouvertures. nous pouvons le constater au niveau du quartier des corsaires à sidi Fredj, dans les complexes de tipaza et de Zéralda où elles viennent couvrir des entrées, des alcôves ainsi que des espaces centraux.

La contribution d’abderrahmane bouchama

le second architecte marquant cette période est abderrahmane bouchama, le premier architecte algérien à s’être fortement intéressé à l’architecture algérienne, mais également à celle arabo-islamique, surtout andalouse, faisant particulièrement référence dans ses projets à l’alhambra de grenade. plusieurs de ses projets à caractère institutionnel ont reproduit ce style architectural avec une ingéniosité et un savoir-faire sans égal, travaillant minutieusement tous les détails décoratifs de ces œuvres : « l’art arabo-islamique […] est appelé à reconquérir sa place, dans une répercussion harmonieuse infinie qui enchantera l’âme des générations futures » 21.

nous citerons deux exemples représentatifs de ses projets à alger, le premier est l’université des sciences islamiques au caroubier, qui représente un immense complexe universitaire, imposant par sa longue façade et ses minarets très hauts. l’architecte a concilié les différents éléments du style mauresque par l’utilisation de galeries aux arcs plein cintre, des voûtes en berceaux et des coupoles. ces dernières surplombent les espaces de transition et marquent leur centralité par des volumes hémisphériques matérialisés par des formes octogonales surhaussées, dont chaque pan est percé par une ouverture en arcade, posées sur tambour carré, le tout marqué au sommet par un lanterneau.

le second étant un centre culturel à ben aknoun d’une composition architecturale très simple utilisant des volumes cubiques marqués d’arcs plein cintre surhaussés par des arcs brisés, le centre de la composition étant matérialisé

21 A.Bouchama,«L’architecturealgérienne»,Techniques et architecture,no329,mars1980.

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par une grande coupole octogonale surbaissée, qui a une particularité au niveau du lanterneau qui a pris du volume en se développant en une toute petite coupole surhaussée percée de quatre ouvertures. abderrahmane bouchama, en mettant en évidence cette architecture traditionnelle, a voulu la rehausser à un style national identitaire d’une histoire de plus de mille ans.

d’autre projets réalisés durant ces deux dernières décennies ont suivi cette tendance en l’occurrence celui du ministère des affaires étrangères et celui du conseil constitutionnel à alger qui définissent des espaces centraux surmontés de coupoles de type hémisphérique qui ne se réfèrent pas à celles identifiées à travers les différentes périodes historiques.

il faut noter qu’en parallèle, il y a eu un renoncement aux formes de l’architecture traditionnelle au profit de conceptions nouvelles faisant davantage référence aux nouvelles tendances européennes et universelles. ce n’est qu’à partir de ces dernières années, que certains esprits scientifiques se sont retournés vers les références historiques porteuses de symboles significatifs, incluant même l’héritage architectural colonial français dans le patrimoine algérois. nous citons dans ce cadre le grand projet urbain engagé par le gouvernorat du grand alger en l’an 2000 qui à travers la célébration du millénaire d’alger s’est fixé comme objectif de mener une politique patrimoniale qui prendrait en charge le cadre bâti ancien et récent dit moderne. « les traces du passé français ne sont plus appréhendées comme les témoins d’une période révolue, celle de la colonisation, mais sous le revers de la modernité architecturale et urbaine les caractérisant » 22. le patrimoine algérien englobe de ce fait toutes les périodes historiques du passé permettant aux intervenants de capitaliser toutes les expériences dans les nouveaux projets d’architecture et d’urbanisme.

depuis l’époque ottomane, l’évolution des coupoles algéroises met en évidence l’enjeu identitaire de certains éléments architecturaux. il s’agit de la forme octogonale de la coupole ainsi que des ouvertures en arcades qui la surplombent. ce tracé géométrique permet de reconnaître la coupole algéroise arabo-islamique d’influence ottomane et andalouse. aussi faut-il mettre l’accent sur l’espace à couvrir, sachant que la coupole se définit par rapport au volume spatial qu’elle contient dans l’édifice. En effet, ces couvertures viennent se poser sur des lieux

22 N.Oulebsir,Les Usages du patrimoine, monuments, musées et politique coloniale en Algérie (1830‑1930),op. cit.,p.315.

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significatifs, voire les plus importants dans l’édifice, à savoir les salles de trône dans les palais, l’espace central dans les lieux de culte (mosquées, zaouïas ou mausolées), etc. ceci permettra à l’avenir de situer ces éléments de permanence, afin de les intégrer et de les réinterpréter dans les projets d’architecture, tout en utilisant des matériaux nouveaux, qui assurent des portées considérables. c’est le cas par exemple des dômes géodésiques utilisant le principe de la triangulation, un procédé très stable qui permet de franchir des distances très importantes, conciliant tout type de forme, en l’occurrence celle octogonale algéroise. il faut noter par ailleurs, qu’il y a eu des apports nouveaux durant chaque période historique : premièrement, l’élancement, dont la flèche prend différente hauteur variant du plein cintre à la forme brisée ; deuxièmement, la décoration qui change avec l’évolution des matériaux et des techniques adoptées ; troisièmement, les matériaux de construction passant de la brique pleine, à la brique creuse, au béton, et au verre et l’acier ; et finalement, au niveau des zones de transition qui sont représentées tantôt par des pendentifs, tantôt par des trompes de différente forme et d’influence diverse.

cette analyse permet de définir à travers ces éléments de permanence et ces variantes la démarche à suivre à l’avenir, afin d’intégrer la coupole utilisée depuis très longtemps par l’homme dans de nouveaux projets d’architecture, prenant comme référence le style arabo-islamique algérois.

c’est ici l’un des volets d’une investigation plus importante sur les éléments de notre patrimoine bâti, qui a pour objectif d’investir le domaine de l’architecture vernaculaire et des savoir-faire locaux dans un souci contemporain de réinterprétation-réintégration. l’idée étant d’analyser rigoureusement l’ensemble des dimensions (physique mais aussi sociale et technique) de certains éléments de notre patrimoine. En effet, nous restons convaincu que la réinterprétation ne se restreint pas à un acte de « reproduction », aussi complexe soit-il, mais consiste en un processus de construction-innovation basé sur des éléments de permanence clairement identifiés, répertoriés et classifiés par rapport à l’ensemble de leurs potentialités mais aussi à des contraintes rattachées à leur réalisation.

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