L'UNION SP1RIÏE BORDELAISE - International Association ... · PDF fileont laissé d'écrit concernant les tables divinatoires. II ... déjà les oracles les plus célèbres, les plus

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  • L'UNION SP1RIE BORDELAISEREVUE 1)E L'ENSEIGNEMENT DES ESPRITS

    Premire anne N 39. 15 Mars 1866.

    I

    peine la connaissance dos curieux phnomnes des tablestournantes qui, alors, s'appelaient tables dansantes, fut-elleparvenue d'Amrique en Europe, que dj, et ds le prin-cipe, la chose parut incroyable; puis, quand de nombreusessocits en eurent, dans tous les pays, constat la vrit, oun'entendit plus parler, pendant quelque temps, que de lanouveaut du fait, et tous voulurent voir, tous vou-lurent exprimenter. Beaucoup russirent, plusieurs ten-trent inutilement les expriences, et l'on vit, alors,surgir cette mer de discussions entre ceux qui, tmoinsdu phnomne, affirmaient avec tnacit, et ceux qui, s'ap-puya.nl galement- sur leur propre exprience, niaient avecobstination. Il tait alors impossible de porter un jugementquitable. Aprs un combat inutile, la curiosit des expri-mentateurs de salon qui n'avaient vu qu'un jeu dans lephnomne, se lassa compltement, les tables furent misesde ct et l'on n'eu entendit plus parler.Or, parmi les curieux, il y en eut toutefois quelques-uns

    qui, guids par un louable amour d'investigation, s'apemi-TOME IV. 39

  • 50 mit que les mouvements de la table taient plutt gouver-nes par une intelligence saerte que par le hasard; ils ob-tinrent d'abord des rponses vraies; puis les tables, soumisesaux. expriences, obirent un s'inple acte de leui' volont,sans avoir besoin de prononcer une parole, et pendant que,ni les exprimentateurs, ni aucune autre personne n'avaientles mains sur la table. Je me rappelle avoir lu des exemplesde pareils (ails dans .la Chronique du magnlixnie animalqui se publiait Milan, sous la direction du docteur Terzaghi.Je dois dire qu'il ne m'est jamais arriv moi-mme d'enl'aire l'exprience (1).Puisqu'on ne savait pas expliquer les lois de ces phno-

    mnes, u'ta'n-il pas au inoins naturel de commencer rechercher si, dans les temps passs, on trouvait quelquechose d'analogue^ Il arriva alors que, vrification faite dec irlains textes dos anciens crivains, on s'aperut que l'an-tiquit n'avait pa-i compltement ignor les rponses par lemoyen des tables, (pie j'appellerais Oracles lyi)Lologiques.Certaines personnes qui, dans toute chose extraordinaire,

    voient, je ne sais par quelle vertu sympathique, les cornes etla queue de Belzebub, tinrent pour article de foi que les ta-bles amricaines n'taient autre qu'un renouvellement desoracles dos Gentils, un moyen trouve par le Diable pour nousramener bel et bien la religion paenne.(1) J'ai vu dans plusieurs passages de ce journal (Milan, Pirotta, 1853

    et 18S'

  • 51 Au point o en sont maintenant rendues les tudes spirites,

    nous avons tout sujet de croire que les oracles ne furent pastoujours l'oeuvre de l'imposture des prtres, comme l'cri-vait Yau Date dans son savant ouvrage : Le Qraculis Eth-nicormn, suivi aveuglment par Fontenelle dans son His-toire des Oracles. Il nous parait aujourd'hui certain quebon nombre sont dus l'intervention d'Esprits bons oumauvais, comme il arrive assez frquemment chez nous. Laseule diffrence entre les anciens et nous c'est que ceux-ciavaient rig ces rponses en un systme absolu de religion,sans examiner la source d'o elles sortaient, et que nous, aucontraire, pesons avec beaucoup de soin chaque parole, cha-que conseil donn par les invisibles, ayant toujours soin deles confronter avec les lois ternelles du juste et de l'hon-nte, du vrai et de la morale ; nous tenons pour fanatiqueou obsd quiconque agit autrement.Les anciens n'taient pas aussi privs de bon sens que

    nous voulons bien le faire supposer, nous, orgueilleux (ilsdu XIX" sicle, en croyant qu'ils ne doutaient pas quelque-fois de l'origine cleste des oracles et qu'ils ne souponnaientpas l'imposture. Mais que voulait donc dire Dmosthnesquand, dans une harangue contre Philippe qui l'oracle deDelphes ordonnait de confier le commandement de la guerresacre, il se mil dire hautement : Pige de Philippe? Pour-tant Delphes tait le sanctuaire le plus vnr de toute laGrce. Mais cela n'empcha pas le grand orateur de dmas-quer, sous l'oracle ou l'imposturede prtres vendus,ouquelquemauvais Gnie du peuple athnien qui, dans la circonstance,avait envahi la pythonisse. Aurait-il risqu ces paroles enprsence d'un peuple lger, turbulent, superstitieux commele peuple d'Athnes, et au risque de faire la fin de Socrate,s'il n'avait, eu pour lui l'opinion d'un grand nombre de sesconcitoyens!'Que voulait, lire le romain Claudius Pulcher

  • 52 quand, l'augure qui disait qu'il ne pourrait y avoir decombat, .parce que les poulets sacrs ne voulaient pasmanger,il rpondit : S'ils n'ontpas faim ils auront soif, et ordonnade les jeter la nier? Il voulait dire, ou qu'il ne fai-sait aucun cas des auspices, ou qu'il les jugeait compl-tement faux, soit par l'imposture des augures, soit parl'oeuvre de Gnies malfaisants. Les anciens avaient donc,comme nous, des yeux pour voir, des mains pour toucher,et du bon sens pour juger ; et si les oracles gouvernrent lemonde pendant tant de sicles et de tant de manires di-verses, cela ne fut pas d seulement aux ruses des prtres.D'une autre part, presque tous les grands hommes de l'anti-quit crurent l'intervention dans les choses humainesd'une puissance invisible qu'ils appelaient Gnies ; Socrate,rput l'homme le plus sage de la Grce, parlait ouverte-ment de son Gnie ou de son Dmon familier, comme d'unami qui n'abandonnait jamais son ct. Qu'on se donne la :peine de lire Plutarque, et l'on verra combien de ces faitsappels habituellement surnaturels sont rapports par lui.

    iSi nous le considrons comme une autorit dans tout le reste 'de son rcit, pourquoi voudrions-nous qu'il fut, dans cessortes de narrations, un crdule ou un imposteur?Aprs ces prliminaires voyons ce que les anciens nous j.

    ont laiss d'crit concernant les tables divinatoires.

    II

    Autant qu'il est ma connaissance, il me semble que isauf Pausanias, Tertullien et Ammien Marcellin qui bril- '*laient dans les premiers sicles de l're vulgaire, nul autre .?crivain n'a trait ce sujet avant eux. Pausanias vivait vers j175,Tertullien au commencementdu troisime sicle, Ammien 'iMarcellin dans le quatrime. De ce que nous ne trouvons pas ";

  • 53 d'autres crivains qui aient, avant ceux-ci, parl des tables,telles que nous les comprenons, ne pourrait-on par aven-ture juger qu'on commena les mettre en usage, au mo-ment mme o le po'ythisme tait sur son dclin ; quanddj les oracles les plus clbres, les plus renomms,tels queDodone, Delphes, Epidaure avaient fait silence? Quand lemonothisme juif, qui se mlait par l'aide du juif Philon,avec les divinits de l'Olympe, et le principe chrtien, quise propageait parmi les Gkmtils, semaient le doute dans lesmes, ne fallait-il pas des moyens plus nouveaux, pour lesconvaincre et les retenir dans la croyance qui s'teignait?Alors, la secte no-platonicienne avait acquis une grandeautorit ; Plotin, Porphyre, Jamlflique et, en dernier lieu,Proclus rpandaient par le inonde une nouvelle thurgie.C'est cette poque, probablement, que furent inventes, oudu moins ramenes un usage plus gnral, toutes les pra-tiques de la magie blmes par Tertullien. Certes, le mou-vement des tables, toutes prcautions prises contre le jeu etl'adresse de la main, est un intermdiaire que le scepticismede bonne foi ne peut nier, soit qu'il fasse, soit qu'il dise.Pausanias en dcrivant YAchae dans son Voyage en

    Grce, dit : En descendant de Bura, comme pour- aller la plage, on trouve un cours d'eau nomm Buriaque, et dansun antre, une statue peu leve d'Hercule, qu'on appelleHercule Buriaque. On peut consulter l l'oracle sur unetalile, au moyen de ds. Le consultant prie devant la statue ;la prire acheve, il prend des ds (qui ne manquent jamaisprs de la statue d'Hercule), et il en jette quatre sur latable. Les ligures marques sur chaque d ont sur la tableune explication mystrieuse (1) approprie la figure qui est

    .

    sortie du jet. (1) J ai suivi la traductioo du savant Sbastien Ciampi qui, au mot

    explication, fait remarquer que le mot grec Exgu'etis signifie ici : ex-plication d'une chose mystrieuse.

  • 54 Cette description circonstancie de la manire d'avoir des

    prdictions d'Hercule Buriaque, fait croire qu'il ne s'agissaitd'une chose ni bien remarquable, ni bien ancienne ; autre-ment Pausanias, comme il l'a fait dans d'autres passages deson Voyage, se serait content de l'aire remarquer seule-mont (iue, dans cet endroit, se trouvaient l'antre et l'oracled'Hercule Buriaque.Ecoutons maintenant Tertullien. Voici ce qu'on- lit dans

    son Apologtique des Chrtiens : De plus, si les magiciensvoquent des fantmes et appellent les mes des dfunts,s'ils forcent les enfants rendre des oracles, s'ils font desmiracles l'aide du charlatanisme, s'ils provoquent dessonges en appelant leur-aide le pouvoir des anges et desdmons par la vertu desquels les chvres et les tables ontl'habitude de prophtiser; plus forte raison, etc (1) Icidonc, on ne parle plus ni des prtres, ni des oracles propre-ment dits, mais des magiciens et de vritables enchante-ments qui se faisaient par le pouvoir des anges et des d-mons, n'est--dire des bons et des mauvais Esprits. Les bons.Esprits ne sont donc pas exclus, comme le prtendent inexo-rablement les dinonologues ; Tertullien, on le sait, naquitdans le paganisme, et fut d'abord un dtracteur acharn deschrtiens ; puis mu par la constance des martyrs qui con-fessaient la foi nouvelle, il se convertit au christianisme etcrivit ce beau travail apologtique. Il connaissait certaine-

    (1) Porro si et raagi phiintasmata eiunt, et jam defuaelorum incla-matit animas : si pueros iu rloquium elidunt, si multa miracula circula-toriis prcesligiis ludunt ; si et somnia immittunt, habentes semel invi-tatorura angelorum et demonum assistentem sibi potesiaiera, perquos et caproe et mensoe diyiuare consueverunt ; quanto magis,