Upload
trinhkhue
View
214
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
1
Risques et Erreurs En Médecine
Pr Alexandre Mignon Hôpital Cochin AP-HP
Université René Descartes Paris 5 [email protected]
Objectifs pédagogiques
Décrire l’épidémiologie des risques et des erreurs en médecine
Montrer comment cette prise de conscience est un des moteurs d’une nouvelle démarche médicale et pédagogique
La médecine peut-elle devenir une HRO ?
Quid 5 à 10 ans après « to err is human » ?
2
Intérêts de la simulation dans l’apprentissage
Appren&ssage
Performance
Pa&ents
Zone Grise
Appren&ssage
Performance
Pa&ents Simula&on
www.ilumens.org
3
Primum Non Nocere
Obligation de Moyens
Paternalisme autorité autonomie indépendance
Non questionnement sur le risque d’erreur et les pratiques Les accidents sont le prix à payer pour les inestimables bénéfices attendus des progrès de la médecine
Médecin jusqu’en 1970
Le modèle sous-jacent devient celui de la recherche de responsabilités mettant en cause soit une défaillance technique, soit une faute humaine.
Médecin de 1970 à 2000
4
Transfusion et Maladies
Infections Nosocomiales
Scandale des médicaments (Bayer, Merck, …)
Erreurs Médicales USA National Academy of Sciences Report Les morts dues aux erreurs médicales
8ème cause de mort aux USA
≈ 90000 morts/an aux USA ≈ 45000 par accidents de la route
Médecin en 2010
« To err is human » – Institute of Medicine, 1999
USA 2000 IOM-Report
Institute of Medicine
• 44.000 bis 100.000 death/y due to error in medicine
• Errors a leading cause of death
________________________
• Several measures required:
• National Center for Patient Safety
• New Reporting-Systems
• New Safety Culture
• Use of Simulation whenever possible
5
0 100'000 200'000 300'000 400'000 500'000 600'000 700'000 800'000
Heart disease
Cancer
Stroke
COPD
Accidents
Pneumonis/Infl.
Diabetes
Suicide
Errors in Health Care:
44’000 - 98’000
« To err is human » – Institute of Medicine, 1999
Événements indésirables par séjour
USA 3 % Australie 16 % UK 11 % Danemark 9 % Canada 7,5 %
Évitables
50 % (1991)
50 % (1995)
50 % (2001)
40 % (2001)
37 % (2004)
La sécurité du patient : un problème méconnu ?
6
Conséquences de to err is human
Prise de conscience Mais, est-ce la face cachée de l’iceberg ?
Plusieurs types d’erreurs possibles Misuse
Reçoit un traitement qui « fait du mal »
Overuse Reçoit un traitement qui ne sert à rien
Underuse Ne reçoit pas un traitement qui pourrait être utile
To err is human adresse principalement la problématique du misuse …
Leape JAMA 2005; 293: 2384
Les années 2000 : Une évolution vers une conception de l’erreur définie comme un acte
non intentionnel n’aboutissant pas au résultat attendu, vers une analyse systémique de l’erreur (Schéma de Reason).
Reason BMJ 2000; 320: 768
7
James Reason :
Dans 70 à 90% des cas, on retrouve des erreurs humaines
Approche personnelle Conséquence d’un processus mental aberrant
Oubli
Étourderie
Inattention
Manque de motivation
Négligence
Réduire la variabilité du comportement
Campagnes d’affichage
Mesures disciplinaires
Menaces légales
James Reason
Approche systémique
L’homme est faillible
Les erreurs se produisent
Pièges dans l’organisation
Pièges dans l’environnement de travail
Système de défense
8
Conditions de travail
Tâches Equipe
Soignant Patient
D’après J. Reason
Organisation Contexte
institutionnel
Les erreurs patentes
Les erreurs latentes
Le modèle de Reason
9
Objectifs de ENEIS Avril 2004
Estimer l’incidence des événements indésirables graves (EIG) observés en milieu hospitalier pendant 7 jours EIG causes d’hospitalisation
EIG identifiés pendant l’hospitalisation
En estimer la part évitable
Analyser les causes latentes et les facteurs contributifs
Définitions
Événement indésirable lié aux soins Diagnostic, thérapeutique, prévention, réhabilitation
Grave Tous les EIG causes d’hospitalisation
Certains EIG identifiés pendant le séjour hospitalier Décès, menace vitale, incapacité Prolongation (≥ 1 jour)
Évitable Ne serait pas survenu si les soins avaient été
conformes à la prise en charge considérée comme satisfaisante
10
Caractéristiques générales
203 EIG en médecine et 247 en chirurgie
Pendant le suivi de 7 jours par unité, au moins un EIG dans 66% des unités de chirurgie
58% des unités de médecine
Patients avec EIG âgés, dans un état clinique grave et complexe
8 754 patients inclus 35 234 jours d’observation
450 EIG
EIG pendant l’hospitalisation
6,6 EIG pour 1000 jours d’hospitalisation
35% jugés évitables
120 000 à 190 000 EIG évitables par an
50% des EIG sont liés à la période péri-
opératoire (infections et complications
mécaniques)
1 EIG tous les 5 jours dans un service de 30 lits
11
Exemples d’EIG pendant l’hospitalisation
84 ans, hospitalisée pour bilan de chutes. Embolie pulmonaire et
thrombose veineuse profonde. Pas de kinésithérapie ni d’anticoagulant
ni de nursing
51 ans, pneumothorax après pose de sous clavière
59 ans, plaie de l'estomac lors d'une néphrectomie par coelioscopie
nécessitant une lombotomie
57 ans, mécontentement et hospitalisation retardée pour cathétérisme
rétrograde sous AG non réalisé lié à un problème d'étanchéité de
l'endoscope découvert après anesthésie du patient
20 ans, douleurs lombaires intenses liée à une fracture de L2 non
diagnostiquée aux urgences, retard de diagnostic
Hospitalisations causées par un EIG
4% des admission causées par un EIG
47% évitables
Soit entre 125 000 et 200 000 admissions évitables
par an
40% sont liés aux médicaments, 40% aux suites
d’interventions chirurgicales
2/3 médecine de ville, 1/3 réadmission
12
Exemples d’EIG causes d’hospitalisation 80 ans, admise pour rééducation chirurgie épaule. Syndrome
confusionnel favorisé par 3 changements de service en 4 jours
(hébergements)
61 ans, AVC ischémique sous AVK au long court (valve mitrale
mécanique). INR=2,87 datant de 10 jours avant l’hospitalisation (valeur
attendue 3,5 - 4,5)
22 ans, admission en réanimation pour méningite après
rachianesthésie lors de l’accouchement
48 ans, Infection du site opératoire, abcès au niveau de la voie d'abord
et arthrite du genou ; septicémie après ablation de matériel d'ostéosynthèse tibial
78 ans, enraidissement après prothèse totale du genou lié à une
rééducation insuffisante
Parturiente de 22 ans (1)
Suivie dans la maternité de la ville A Avec notamment la consultation préanesthésique
Souhaite accoucher dans la ville B Deux consultations en fin de grossesse avec obstétricien
Qui a demandé, en vain, le dossier à A
Admission le jeudi à 0h
A 9h, col dilaté 4-5 cm Demande insistante de péridurale par la parturiente
Appel de l’anesthésiste n°1
13
Parturiente de 22 ans (2)
9h : refus de l’anesthésie en l’absence de dossier Maternité A contactée : ouverture secrétariat à 11h
11h : Secrétariat maternité A : dossier inaccessible (dans carton car déménagement)
12h25 : l’obstétricien demande à l’anesthésiste n°2 de réaliser la péridurale (pas de dossier) Enervé ; si pas d’APD, risque de césarienne
Patiente agitée, hyperalgique, dilatation 7 cm depuis 2h
Pose d’une rachianalgésie dans contexte d’agitation et de désorganisation, après vérification bilan d’hémostase
14h30 : accouchement par voie basse
Parturiente de 22 ans (3)
Lendemain matin : céphalées et fièvre
Obstétricien : fièvre puerpérale, 2g Augmentin
Anesthésiste (fin de matinée, sortie du bloc)
Ponction lombaire : liquide trouble
Pas de germe à la culture
Transfert en réanimation
Sortie sans séquelle 15 jours après
14
Parturiente de 22 ans (4) Méningite liée à une ALR obst
Défaillances actives Non-respect des règles
d’hygiène Retard de prise en charge
défaillances profondes
Manque d’accessibilité des informations médicales
Défauts de communication entre la parturiente et l’équipe de soins
Planification de la péridurale non adaptée
Climat tendu entre obstétricien et anesthésiste
Mauvaise disposition mentale des professionnels favorisée par l’agitation
de la parturiente
Personnel intérimaire mal encadré
Absence de procédures d’accueil et d’hygiène pour les accompagnants
Analyse d’ENEIS
La plupart des défaillances = Erreurs Humaines
Survenues dans un contexte de défaillances latentes
Défaillances individuelles rarement isolées
Défaillances d’équipe fréquentes Défauts de communication ou de collaboration
Défauts de management
Autres défaillances fréquentes Absence de protocole
Défauts de planification des tâches, Défaut de coordination entre les services
Défauts d’adaptation à une situation imprévue
15
Système de Santé et
HRO ?
16
Le risque zéro
Un infini souci de santé et sécurité
Une mise à distance de la maladie et de la mort
Toute atteinte prématurée (ou menace) provoque l’indignation sociale
Une montée en puissance de la HAS et de l’InVS
Judiciarisation …
10-2 10-3 10-4 10-5 10-6
Aviation Civile
Industrie Nucléaire
Rail (France)
Vols charters Alpinisme ULM Plongée Sécurité routière
Industrie chimique
Catastrophe
Risque médical
Tu le vis
Morts par paquet
Mort Perlée Mais
Inacceptable
Amalberti Ann Intern Med. 2005; 142: 756
Tu le vois Tu en entends parler Tu le lis
« Plus on réduit le risque, et plus ce qu'il en reste paraît insupportable à la population » (Alexis de Tocqueville)
To err is human : 8ème cause de mort …
Le patient consommateur procédurier ne peut plus l’accepter !
17
Leçons de l’aviation
0
10
20
30
40
50
60
1960 1970 1980 1990 2000 2010
Accidents (per Million/yr)
Flights (M/y)
Prévention des Risques/Management des Crises
Une équipe qui dit ne faire aucune erreur est dangereuse
Le nombre d ’erreurs détectées et corrigées est la variable
la mieux corrélée au niveau final de performance
Accepter l’inévitabilité de l’erreur et l’importance de sa
détection réduit la fréquence et la sévérité des accidents
Crew Ressource Management Simulateurs Protocoles (briefing, check list) Debriefing Near-Miss (échappée-belle)
L’erreur est humaine
18
Standard et Guidelines
La démarche « analyse et maîtrise des risques »
Institutionnalisation de la sécurité du patient
Intégration de nouvelles technologies
Validation et application de standards et guidelines
Intérêt pour la prise en charge
Facteurs humains
Facteurs « Système »
Anesthésie Réanimation
Taux de mortalité en rapport avec l’anesthésie
Enquête SFAR-INSERM Inserm •
1978-1982
1996-1999
Totalement lié
Partiellement lié
1 / 10 000
1 / 100 000
1 / 1 000 000
1 / 1000
1/145 000 (7.10-6)
1/21 000 (5.10-5)
1/13 200 (8.10-5)
1/3 800 (3.10-4)
19
Des objectifs nationaux pour la sécurité
Une identification exacte du patient
Une communication efficace entre les professionnels
Une utilisation sécuritaire des médicaments
Une diminution des infections nosocomiales
La réconciliation des médicaments
Un programme évalué de prévention des chutes
JCAHO, 2005, www.jcaho.org
Leape L JAMA, 293,2384, 2005
Intervention
Antibioprophylaxie
Prescription électronique
Équipes d’intervention rapide
Respect des protocoles
Standardisation des dosages d’anticoagulants
On s’améliore …
20
Sécurité et qualité des soins l’approche globale La check list
N Engl J Med 2009; 360: 491
8 hôpitaux sur tous les continents
L’implémentation d’une checklist simple de 19-item permet-elle de réduire la mortalité et la morbidité péri-opératoire ?
21
22
Patients et Procédures avant et après
N Engl J Med 2009; 360: 491
Checklist avant et après
N Engl J Med 2009; 360: 491
23
N Engl J Med 2009; 360: 491
Résultats avant et après
24
« Top 10 recommandations »
1. « Pre-conception care » (ART, Obésité)
2. Accès au soin pour tous
3. Accès à la maternité dès 12 SA et dans les 2 semaines PP
4. Attention plus grande aux migrantes et milieux défavorisés 5. Traitement de la PE et de toute HTA > 160
6. Césarienne (situation à risque, et PP)
7. Near Miss, RMM
8. Formation aux situations critiques (simulation)
9. Score de gravité spécifique à la femme enceinte 10. Guidelines spécifiques : Obésité et Sepsis
10 ans après (1) Prise de conscience
Public, Médias Professionnels Autorités
Engagement fort des autorités sanitaires Création des agences (National Patient Safety Foundation) Réorganisation restructuration-offre de soins
Haut volume, meilleurs résultats Repos de sécurité (Gaba, New Engl J Med 2002; 347: 1249)
Engagement fort des professionnels Mode incitatif versus coercitif … Concept de non qualité
Leape JAMA 2005; 293: 2384
25
10 ans après (2) Engagement des acteurs
Not bad people, bad systems Pay for performance
La non qualité coûte cher dans l’industrie 6 sigmas Ishikawa Assurance qualité
Elle rapporte à l’ère de la T2A …
Grandes pistes Du plus simple au plus compliqué
Protocoles Vérification identité patient et côtés Limiter les erreurs liées aux médicaments EMR Team training, Simulation
Des résultats Oui …
Des freins Oui … Leape JAMA 2005; 293: 2384
Les freins à cette démarche (3)
Culture du médecin Performance Individuelle Autonomie- Indépendance Corporatisme
Complexité Plus de 50 sous-spécialités Interactions médicales-paramédicales-
administratives Ressources (temps-argent)
Craintes Perte d’autonomie Perte d’autorité Judiciarisation …
Leape JAMA 2005; 293: 2384
26
Les caractéristiques d’une culture positive de sécurité du patient
Communication fondée sur confiance mutuelle et l’ouverture
Echange et Analyse de l’information Perception partagée de l’importance de la sécurité Acceptabilité de l’inévitabilité de l’erreur Confiance dans l’efficacité des mesures de prévention Identification proactive des menaces latentes Apprentissage au niveau organisationnel Leadership engagé et une responsabilité de l’exécutif Approche non punitive
Walshe, K “Patient Safety. Research into Practice”
Les principaux facteurs contributifs aux accidents sont
des facteurs humains et organisationnels
Les facteurs liés aux défaillances techniques sont en décroissance
L’élément humain reste le principal facteur inducteur, mais aussi
récupérateur des erreurs commises
La voie dans laquelle il semble nécessaire d’aller est
de réduire les erreurs des individus, équipes et
organisations, passant de la culture individuelle et
sanctionnelle à une culture sécuritaire
From Blame & Shame to a learning organization …
Conclusions