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J Radiol 2005;86:607-8 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2005 formation médicale continue cas clinique Risques liés à l’exposition d’une grossesse aux rayonnements ionisants Y-S Cordoliani, A Aït-Ameur, M Lahutte et A-M Dion Histoire de la maladie Une jeune femme de 22 ans, polytraumatisée après défénestra- tion, est explorée en tomodensitométrie. Elle est hémodynami- quement stable, inconsciente. Outre une fracture splénique (non montrée), l’exploration montre des tassements vertébraux de T12 à L2, avec recul du mur posté- rieur (fig. 1). Questions 1) Que montre la coupe pelvienne (fig. 2) ? 2) Les paramètres de l’examen étaient les suivants : exploration abdomino-pelvienne kV = 120, mA = 300, temps de rotation = 1 seconde, épaisseur de coupe = 2,5 mm, pas = 1,25 IDSP(CTDIw) = 31 mGy, PDL = 800 mGy.cm a) Quels sont les paramètres pertinents pour l’estimation de la dose reçue à l’utérus ? b) Quelle est la dose reçue par l’embryon ? c) Quels sont les risques théoriques d’une irradiation à ce stade de grossesse ? (longueur crânio-caudale de l’embryon, estimée à 30 mm en reconstructions). d) Quels sont les risques à prendre en compte, compte tenu de la dose reçue ? e) Que devez-vous dire à cette patiente qui a repris conscience, après l’intervention rachidienne et traitement conservateur de la lésion splénique ? Fig. 2 : Coupe axiale transverse passant par le corps utérin et l’ovaire droit. Fig. 2: Axial CT image at the level of the uterus and right ovary. ab Fig. 1 : a Fracture-tassement de T12, L1 et L2, avec recul du mur postérieur en L2 et L1. b En coupe transversale, le fragment pos- térieur oblitère le canal rachidien et com- prime le sac dural en L2. Fig. 1: a Compression fractures of T12, L1 and L2 with retropulsion of the posterior margin of the L1 and L2 vertebral bodies. b Axial CT image showing severe spinal stenosis at L2 with compression of the thecal sac.

Risques liés à l’exposition d’une grossesse aux rayonnements ionisants

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J Radiol 2005;86:607-8© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2005 formation médicale continue cas clinique

Risques liés à l’exposition d’une grossesse aux rayonnements ionisants

Y-S Cordoliani, A Aït-Ameur, M Lahutte et A-M Dion

Histoire de la maladieUne jeune femme de 22 ans, polytraumatisée après défénestra-tion, est explorée en tomodensitométrie. Elle est hémodynami-quement stable, inconsciente.Outre une fracture splénique (non montrée), l’exploration montredes tassements vertébraux de T12 à L2, avec recul du mur posté-rieur (fig. 1).

Questions1) Que montre la coupe pelvienne (fig. 2) ?2) Les paramètres de l’examen étaient les suivants : explorationabdomino-pelviennekV = 120, mA = 300, temps de rotation = 1 seconde, épaisseur decoupe = 2,5 mm, pas = 1,25IDSP(CTDIw) = 31 mGy, PDL = 800 mGy.cm

a) Quels sont les paramètres pertinents pour l’estimation de ladose reçue à l’utérus ?b) Quelle est la dose reçue par l’embryon ?c) Quels sont les risques théoriques d’une irradiation à ce stadede grossesse ? (longueur crânio-caudale de l’embryon, estimée à30 mm en reconstructions).d) Quels sont les risques à prendre en compte, compte tenu de ladose reçue ?e) Que devez-vous dire à cette patiente qui a repris conscience,après l’intervention rachidienne et traitement conservateur de lalésion splénique ?

Fig. 2 : Coupe axiale transverse passant par le corps utérin et l’ovaire droit.

Fig. 2: Axial CT image at the level of the uterus and right ovary.

a b

Fig. 1 :a Fracture-tassement de T12, L1 et L2, avec

recul du mur postérieur en L2 et L1.b En coupe transversale, le fragment pos-

térieur oblitère le canal rachidien et com-prime le sac dural en L2.

Fig. 1:a Compression fractures of T12, L1 and L2

with retropulsion of the posterior margin of the L1 and L2 vertebral bodies.

b Axial CT image showing severe spinal stenosis at L2 with compression of the thecal sac.

J Radiol 2005;86

608 Risques liés à l’exposition d’une grossesse aux rayonnements ionisants

Y-S Cordoliani et al.

Réponses1) Utérus gravide contenant un embryon dont la longueur crâ-nio-caudale estimée en reconstructions est de 30 mm. Corpsjaune gravidique à droite. Épanchement intra-péritonéal (hémo-péritoine).a) L’index de dose scanographique pondérée (CTDIw) suffit àl’estimation de la dose. Le PDL sert à l’estimation de la dose effi-cace reçue par la mère (exposition partielle) et n’est pas pertinentpour l’enfant in utero, tout entier compris dans le volume exposé.Les autres paramètres ne sont utiles que lorsqu’on ne connaît pasle CTDI, pour reconstituer la dose, ce qui ne peut se produireque pour des appareils anciens, car l’affichage du CTDI est obli-gatoire pour les matériels vendus en Europe depuis 1998.Attention, il faut bien vérifier si la console affiche le CTDIw, oule CTDIw volumique. Dans ce dernier cas, la valeur affichée cor-respond à la dose mesurée divisée par le pas (c’est la dose absorbéemulticoupes (MSAD), plus élevée si le pas est inférieur à 1, moinsélevée si le pas est supérieur à 1). Dans le cas présenté il s’agit duCTDIw, la valeur de dose à prendre en compte est le CTDIw di-visé par 1,25, soit environ 25 mGy. Si la valeur affichée était celledu CTDIw volumique, on l’utiliserait directement pour le calculsuivant.

b) Comme on peut le constater sur la figure 2, l’embryon est situéà peu près au centre de l’abdomen. Le CTDIw, par définition, af-fecte un coefficient 2 à la dose mesurée par les détecteurs en péri-phérie ; la dose au centre est donc moindre (environ 1/3). Unebonne approximation, ne sous-estimant pas la dose reçue, est deconsidérer que l’embryon a reçu la moitié de la valeur duCTDIw, soit environ 13 mGy.c) Cette taille correspond environ à 9 semaines d’aménorrhée,soit environ 7 semaines post-conception, à la phase d’embryoge-nèse, théoriquement la plus sensible. Les effets observés à fortesdoses dans cette période sont des effets malformatifs et une éven-tuelle augmentation du risque de cancer à long terme.d) On sait que les effets tératogènes ou le retard mental connaissentun seuil (100 à 200 mSv). Il ne peut donc y avoir aucune augmenta-tion du risque spontané de malformation dans ce cas, puisque la dosereçue par l’enfant est très inférieure à ce seuil.e) Il faut affirmer sans ambiguïté que l’exposition subie n’a pasaugmenté le risque spontané de malformation (la probabilitéd’avoir un enfant normal était et reste de 97 %).En revanche, l’obligation d’information nécessite de mentionnerl’augmentation du risque de cancer, en insistant, là aussi, sur lerisque naturel : la probabilité que l’enfant n’ait pas de cancerentre 0 et 15 ans était de 99,7 %, elle est passée, théoriquement, à99,6 %.