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RisquesComportementArgiles

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SYCODÉS Informations n° 64 - janvier - février 200148

Connaître les risques

Quelques cas typiques de sinistresen rapport avec le comportement

des argiles

L’épisode d’anomalies statistiques pluviométriques que l’on connaîtsous nos latitudes depuis l’année 1989 a fait porter l’attention sur lecomportement des argiles et, plus particulièrement sur leurs facultésde retrait/gonflement lorsqu’elles étaient placées dans des conditionsalternatives de dessiccation et réhydratation.Il s’agit-là encore d’une très importante cause de sinistralité imputableaux argiles. Mais ces dernières offrent d’autres particularités qui, danscertaines circonstances, peuvent initier ou aggraver le développementd’un sinistre.

APPROCHE MINÉRALOGIQUE GÉNÉRALE DESARGILESLes minéraux argileux ont pour caractéristiquesphysiques essentielles leur petite taille, de l’ordredu micron, et leur structure en feuillets empilés. Laplupart de leurs propriétés procède directementde cette forme et de cette structure en feuillets.

D’un point de vue chimique, les argiles sont dessilicates d’alumine, mais seule la kaolinite est unsilicate d’alumine pur, les autres argiles renfer-mant divers cations, localisés, soit entre lesfeuillets, soit à l’intérieur du réseau cristallin.

Le réseau cristallin est constitué de deux atomesfondamentaux, le silicium (Si) et l’aluminium (Al),entourés d’anions oxygène (O) ou oxhydriles (OH).Ce réseau est caractérisé par l’accolement de figu-res géométriques liées entre elles pour constituerun feuillet plan, bien structuré.

La figure 1 présente les motifs géométriques debase du réseau cristallin qui sont le tétraèdre sili-ceux (T) et l’octaèdre alumineux (O).

La figure 2 présente la structure classique d’unminéral bicouche de la famille des kaolinites, alorsque la figure 3 présente le cas de figure le plusfréquent, qui est celui des structures tricouches,de la famille des montmorillonites et illites.

Quel que soit le type de feuillet élémentaire(bicouche ou tricouche), il existe entre chaque

feuillet un vide appelé “espace interfoliaire”.

Cet espace peut rester vide : c’est le cas de lakaolinite.

Par contre, chez les montmorillonites, on trouvedans l’espace interfoliaire des cations hydratés.

En raison de la présence, ou non, de cations et demolécules d’eau dans les espaces interfoliaires, lesminéraux argileux possèdent diverses épaisseurs,constantes ou variables.

Par exemple, pour la kaolinite, la présence demolécules d’eau dans les espaces interfoliaires estun phénomène très lentement réversible et qui neconduit qu’à une faible augmentation de l’épais-seur de l’ensemble feuillet élémentaire + espaceinterfoliaire.

Pour les minéraux à feuillets tricouches, aucontraire, l’épaisseur de l’espace interfoliaire variesuivant la nature des cations, la teneur en molécu-les d’eau ou la présence éventuelle d’autres corpschimiques, organiques. Cette structure n’est passtable et peut varier de 10 à 18 Å, en fonction decertains traitements.

La figure 4 illustre les résultats d’une étude dif-fractométrique ayant porté sur la mesure de ladistance interfoliaire d’une montmorillonite ayantsubi divers traitements.

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QUELQUES PROPRIÉTÉS GÉOTHECHNIQUES■ Du fait de leur petite taille, de leur structure en

feuillets très allongés et de leur capacité plus oumoins affirmée à retenir des molécules d’eautout en augmentant l’espace interfoliaire, lesargiles sont des matériaux très faiblementperméables.

Outre les conséquences intrinsèques à cetteimperméabilité pour les concepteurs d’ouvra-ges et, notamment, celles relatives à lacirculation des eaux souterraines, il est à consi-dérer le rôle joué par cette imperméabilité dansles processus de tassement sous charges.

En effet, l’eau ne pouvant que lentement s’ex-traire de la masse argileuse soumise àcontraintes (par exemple sous le niveau d’unefondation d’ouvrage), le tassement qui cor-respond à cette expulsion d’eau, que l’onappelle consolidation primaire, se caractérisealors par une répartition dans le temps. Celle-ci,tout comme d’ailleurs l’amplitude finale du tas-sement, dépend de la nature des minérauxargileux concernés : à une kaolinite correspon-dront des tassements plus faibles en amplitudeet davantage différés dans le temps, au contrai-re d’une montmorillonite.

Une mauvaise appréciation des tassements dessols argileux tient une part très importante dansla famille des sinistres d’origine géotechnique.

■ Mais à ces tassements de consolidation primai-re, peuvent s’ajouter, dans certainescirconstances, les effets de la consolidation“secondaire” ainsi que du fluage.

Ces phénomènes s’observent particulièrementsur les matériaux argileux contenant de fortesproportions d’argiles organiques (vase, tourbe,etc.) et sont d’autant plus spectaculaires quel’épaisseur de la masse argileuse concernée estimportante.

Cela est souvent le cas des dépôts des bassesvallées alluviales et des sites tropicaux de typemangroves.

Ici, la poursuite de l’application de la contraintesur l’argile conduit à un réarrangement desminéraux entre eux, combiné à une expulsionde l’eau constitutive des matériaux organiques.C’est le phénomène de consolidation secondai-re qui peut, pour certains sols particuliers(argiles tourbeuses), entraîner des tassementsau moins égaux à ceux résultant de la consoli-dation primaire.

Quant au fluage en grande masse (ou fluage“géologique”, à ne pas confondre avec le flua-

ge à l’échelle du microscope du minéralogiste),il correspond à un phénomène concomitant auxconsolidations qui est le déplacement latéral àvolume constant sous effet de charges.

La difficulté, toujours présente à l’heure actuel-le, d’une évaluation fiable de l’importance desphénomènes de fluage des grandes massesargileuses sur le comportement des ouvragesconstruits est à l’origine de quelques gravessinistres.

■ Enfin, les épisodes bien connus de déficits plu-viométriques manifestés durant l’été 1976 puis,de manière plus continue à partir de 1989, ontfavorisé la manifestation des phénomènes alter-natifs de retrait (c’est-à-dire de la contraction)des argiles par effet de dessiccation puis, degonflement par réhydratation, une fois observéle retour à la normale météorologique.

On l’aura compris, ce sont surtout les argiles detype montmorillonites qui sont responsablesdes très nombreux sinistres de dessiccation etréhydratation des sols que nous connaissonsmaintenant depuis environ 10 ans.

Figure 1 :Éléments fondamentaux de la structure cristalline des minéraux

argileux. Les points représentent indifféremment les atomesd’oxygène ou des groupements oxhydriles.

un tétraèdre

la couche tétraédrique, siliceuse

la couche octaèdrique, alumineuse

un octaèdre incliné

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L’instabilité de la structure des montmorillonitesest telle que l’adjonction d’eau sur une argiletotalement déshydratée peut conduire à ungonflement représentant 50% de l’épaisseurinitiale de l’argile pure. À l’inverse, la déshydra-tation complète d’une argile initialementsaturée s’accompagne d’un tassement cor-respondant au tiers de l’épaisseur initiale.

Certes, dans la nature, les minéraux argileux setrouvent plus ou moins interpénétrés de maté-riaux détritiques et granulaires (sable, silts, etc.)qui atténuent de tels développements. Mais ilconvient de garder en tête ces ordres de gran-deur pour se persuader du caractère depotentielle gravité du comportement de telsmatériaux argileux pour la pérennité des ouvra-ges sur lesquels ils sont construits.

QUELQUES CAS PARTICULIERS■ Dans une laverie industrielle de l’Est de la

France, il s’est produit un affaissement de sol àl’extérieur et près de la façade du bâtimentprincipal, s’accompagnant rapidement d’untassement différentiel prononcé de ladite faça-de, conduisant à la prise de mesures préventivesd’urgence.

Sous une couverture de remblais anciens d’envi-ron 2 m, les sols étaient constitués d’uneépaisseur de 3 à 4 m d’argiles assez homogènes.

Mais la teneur en eau des argiles était très éle-vée dès l’origine, comme attesté par l’étudegéotechnique réalisée quelques années aupara-vant. Les apports accidentels liés aux fuites àpartir du réseau E.P. ne pouvaient donc être qued’une faible incidence et, en toute hypothèse,incapables de donner une explication satisfai-sante au caractère localisé et prononcé duphénomène.

Des investigations ont conduit à corréler l’exis-tence des désordres avec une importante fuitedes eaux usées de l’usine au niveau du bran-chement particulier au collecteur public.

La particularité de ces effluents est d’être forte-ment chargée en produits tensio-actifs, commepar exemple les hexamétaphosphates contenusdans les lessives détergentes.

Or, chaque grain d’argile est chargé d’électriciténégative sur sa surface. Ceci engendre, à proxi-mité de la surface des grains, le développementd’un champ électrique auquel est soumise l’eaucontenue dans les sols. Ceci a pour effet d’o-rienter les molécules d’eau par rapport à la paroides grains et de conférer ainsi à l’eau “decontact” ou eau “adsorbée” des propriétés phy-siques particulières, notamment de viscosité.

Mais l’arrivée de produits tensio-actifs modifiecet équilibre, jusqu’à limiter, voire annihiler lescapacités d’adsorption argileuses et mêmefavoriser l’expulsion des ions piégés dans lesespaces interfoliaires.

Il en résulte une destruction de la liaison élec-trique entre les feuillets, qui était déjà faiblepour des minéraux de type montmorillonite. Cesinistre avait donc pour origine une pollutiondes sols argileux par des effluents fortementchargés en produits détergents.

Figure 2 :Schéma structural d’une monophyllite à 2 couches T-O, la kaolinite.

Figure 3 :Schéma structural d’une monophyllite à 3 couches T-O-T, la

montmorillonite.

espace interfoliaire

feui

llet

élém

enta

rieT

O7Å

espa

cem

ent

varia

ble

de 1

4 à

16 Å

molécules d’eau et cations (Ca, Na, etc.)

feui

llet

élém

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Quelques cas de sinistresen rapport avec le comportement des argiles

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■ Dans une grande fouille d’une station d’unenouvelle ligne du métro de Londres, réalisée entranchées couvertes, il a été constaté un gonfle-ment significatif (environ 8 cm) du fond defouille, et ce, sans apport d’eau naturel ou acci-dentel et, bien au-delà de ce que la détenteélastique du sol déchargé pouvait laisserenvisager.

Les investigations ont montré que sur ces argi-les de type montmorillonites surconsolidées, lasimple exposition à l’humidité atmosphériqueavait suffi à l’adsorption de molécules d’eau etdonc au gonflement des argiles.

QUELQUES RECOMMANDATIONS■ La présence des argiles impose, lorsqu’on les

rencontre en tant que matériaux de couches defondations, de plates-formes de terrassement,de profils de talus, etc., de procéder à un certainnombre de vérifications par des essais géotech-niques in situ ou de laboratoire.

Cependant, comme tout ce qui relève de lagéotechnique, il convient d’examiner les résul-tats fournis par les essais avec un œil critique,des essais réalisés n’ayant de valeur que ponc-tuelle et s’adressant de plus à des volumes dematériaux infiniment moindres que les volumesde sol réellement engagés dans le cadre du pro-jet de construction.

Ceci concerne tout particulièrement l’apprécia-tion des amplitudes de tassements, dès lors quel’on s’adresse à de grandes épaisseurs de cou-ches compressibles (5 m et au-delà) et à des solsriches en matières organiques.

L’humilité du géotechnicien, qui n’est ici que lameilleure expression de sa rigueur scientifique,l’obligera à dire que, dans de telles circonstan-ces, des calculs de tassements peuvent êtreaffectés d’erreurs excédant 100% !

Les réponses techniques existent toutefois dansde telles situations : traitement préalable dessols, préchargement, etc. Leur coût n’est jamaisnégligeable mais reste de très loin inférieur aucoût réparatoire d’un ouvrage construit sansprécautions dans un tel environnement géo-technique.

■ L’analyse diffractométrique, qui se pratique enlaboratoire, est un essai trop souvent négligédans l’identification des argiles. Il permet pour-tant de définir la ou les familles d’argilesrencontrées et d’apprécier déjà qualitativementl’aptitude de celles-ci au phénomène précité.

De plus, la mesure des écarts interfoliaires per-met de situer l’état d’évolution de l’argile entre

ces états extrêmes de dessiccation et desaturation.

Il conviendrait d’ajouter plus fréquemment cetoutil à la panoplie du géotechnicien confrontéau délicat problème du comportement desmatériaux argileux.

Daniel FaisantieuCabinet d’Expertises CPA

Figure 4 :Étude diffractométrique de la variabilité des distances interfoliaires

dans une montmorillonite, en fonction des traitements.

Enregistrements X-Y superposés, de lames d’argiles < 2�m, orientées // 001■ lame normale (tracé rouge) : 15 Å■ lame glycolée (tracé bleu) : 17 Å = gonflement■ lame chauffée (tracé vert) : 10 Å = rétraction

Analyses réalisées sur la montmorillonite beidellitique de Mormoiron(Vaucluse)

Att = traces d’attapulgite

Quelques cas de sinistresen rapport avec le comportement des argiles