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Rôle de la maintenance dans la pérennité
des restaurations prothétiques
Illustré par un cas clinique
Auteur :
O. Iraqui Résident au service
de prothèse adjointe
S. Berrada, Professeur de
l’enseignement supérieur en
prothèse amovible
N. Merzouk, Professeur
agrégé en prothèse amovible
A. Abdedine : Professeur de
l’enseignement supérieur en prothèse
amovible, chef de service
Faculté de médecine dentaire
de Rabat.
Université Mohamed V Suissi
.
Résumé :
La réussite des restaurations prothétiques amovibles, et leur pérennité sont basées sur la conception raisonnée, la
qualité de réalisation, mais également et surtout sur la maintenance dans le temps des résultats obtenus le jour de la
pose.
Cependant, le perpétuel remaniement des structures support, fait de la prothèse amovible une prothèse d’usage non
définitive, et impose la mise en place d’un programme de suivi prothétique, soutenu par le consentement engagé du
patient.
Ces éléments semblent être les piliers principaux de la pérennité des résultats.
Mots clés : Remaniements, Pérennité, Maintenance
Introduction : Malgré l’évolution des techniques implantaires, la réalisation de prothèse
adjointe partielle métallique chez les patients partiellement édentés est encore un
acte courant.
La réussite de ce type de traitement et sa pérennité dépendent du respect des
principes de conception et de réalisation, mais également et surtout de la
maintenance dans le temps des résultats obtenus le jour de la pose. Cette
pérennité fait intervenir trois acteurs : le patient en premier lieu, le praticien et le
prothésiste en second.
Les structures support de ces prothèses sont en perpétuel remaniement, ce qui
impose des séances de réadaptation et de contrôle périodiques. Cet article a pour
objectif, d’illustrer à travers un cas clinique, le rôle de la maintenance dans la
réussite prothétique.
Présentation du cas:
Mr Z. âgé de 45 ans, en bon état de santé général, consulte pour une mobilité du
groupe incisivo-canin maxillaire.
L’examen exobuccal ne révèle aucun signe d’altération articulaire ou musculaire. La
DVO[1] semble affaissée.
L’examen du maxillaire révèle un édentement Classe 1 de Kennedy-Applegate non
compensé, une projection en éventail du bloc incisivo-canin maxillaire, diastèmes
antérieurs (Photo1a, 1b). Les crêtes édentées sont peu résorbées et les tubérosités
volumineuses.
L’examen parodontal des dents persistantes sur l’arcade (15 à 23) révèle une
parodontite chronique sévère, avec des pertes d’attaches supérieure à 6mm, un
saignement au sondage localisé aux sites (palatin de 11, et distal de 12) ainsi qu’une
mobilité degré 1 généralisée, et plus accentuée sur 11 et 12 (degré 2). L’examen
radiographique matérialise la lyse osseuse (Photo 2). L’arcade mandibulaire est intacte
avec des dents disposées selon un plan d’occlusion acceptable.
Objectifs du traitement (2) (7) :
- Soulager les dents antérieures par le rétablissement du calage postérieur.
- Assainir le parodonte des dents résiduelles
- Fermer les diastèmes antérieurs par de l’orthodontie pré- prothétique pour
une stabilité durable de l’arcade.
- Rétablir un guide antérieur fonctionnel
- Solidariser les dents antérieures au moyen d’une attelle de contention
coulée collée pour une meilleure répartition des forces (7). La restauration
par artifices conjoints à recouvrement périphériques étant jugée trop
mutilante par le patient.
Séquences thérapeutiques :
Etape 1 : Une prothèse partielle transitoire rétablit la DVO physiologique en occlusion
de relation centrée, elle assure le calage postérieur, et améliore le pronostic de la
thérapeutique parodontale (2). Le schéma de protection antéro-latérale permet de
soulager les dents antérieures lors des déplacements mandibulaires (1).
Parallèlement, une thérapeutique d’assainissement (détartrage- surfaçage) stabilise la
maladie parodontale.
Etape 2 : une phase orthodontique assure la fermeture des diastèmes secondaires
(Photo3) rendant possible la réalisation de l'attelle de contention, sans visibilité du
métal au niveau des zones proximales. Une équilibration de guidage post-
orthodontique permet d’harmoniser les contacts occlusaux antérieurs.
Etape3: phases prothétiques:
. Les préparations dentaires:
Les limites des préparations épargnent la zone fonctionnelle. Un congé cervical est
placé à distance du parodonte marginal et permet une pose facile de la digue lors
de la séance de collage (Photo 4a). Sur les faces proximales, des rainures
proximales se situent en deçà du point de contact offrant un axe unique
d’insertion, et une stabilité vestibulo-palatine de l’attelle, ce qui limite les
contraintes au niveau du plateau cohésif. Puis une tranchée cingulaire est créée
pour augmenter la surface de collage et la rigidité de l'attelle (Photo 4b). La
réalisation des tenons dentinaires n’a pas semblé nécessaire du fait de l’étendue
de la surface de collage (3).
. L'empreinte des préparations:
L’empreinte est réalisée selon une technique double mélange entraînant la
maquette d’occlusion pour le repositionnement correct des modèles antagonistes.
(Photo 5)
L'empreinte secondaire accompagnée du tracé prospectif du futur châssis et de
l'axe d'insertion prothétique, sont adressés au laboratoire de prothèse. (Photo 6)
. Réalisation de l'attelle de 13 à 23 et des CIV[2] jumelées sur 14 et 15 :
L'attelle comporte une tranchée pour la future barre cingulaire. Ce fraisage, réalisé
dans l’axe d’insertion du futur châssis, assure une meilleure stabilité de la
reconstruction, avec une transmission axiale des forces au niveau des dents
antérieures. Les couronnes jumelées sur 14 et 15 accueillent la mortaise du crochet
équipoïse, ainsi que les logements des taquets occlusaux. (Photo 7).
. Séance de collage:
Une digue permet de réaliser le collage à l'abri de l'humidité, un composite Dual
(auto-photopolymérisable) est utilisé. (Photo 8)
. Réalisation de la P AP :
Une empreinte composée globale au polysulfure, a permis d'enregistrer les
fraisages de l'attelle et d'entraîner les couronnes fraisées de 14 et 15.
Le conception prothétique privilégie une sustentation et une stabilisation
optimale pour une moindre sollicitation du parodonte antérieur (6) : une plaque
large, une barre corono-cingulaire avec un crochet équipoïse sur 15 et un crochet
RPI de Krol sur 23 (Photo 9). La conception prothétique adoptée est semi-rigide et
nécessite, vu la résorption physiologique et le type d’édentement, des séances de
contrôle rapprochées (4) (5).
Les étapes suivantes sont identiques à celles d'une prothèse adjointe partielle
métallique classique. (Photo 10), (Photo 11). Les conseils habituels concernant
l’entretien des prothèses sont prodigués, et le protocole de maintenance est établi en
accord avec le patient.
Cependant, le patient ne s'est représenté qu'après 40 mois, à la suite d’un
décollement de l’attelle métallique. À l’interrogatoire, le patient rapporte que le
décollement a eu lieu dans un premier temps au niveau de la 11 et 12 qu’il a négligé.
L’examen endobuccal révèle des lésions carieuses en palatin du bloc incisivo-canin
supérieur (Photo 12), une inflammation gingivale généralisée et diffuse, une mobilité
importante sur 11 et 12 (degré 3) associée à des pertes d’attaches supérieures à
11mm, un saignement important au sondage, une PPA instable sur sa surface d’appui
et une fracture de la barre cingulaire. Les 11 et 12 sont jugées irrécupérables (Photos
13 et 14).
Les causes présumées de l’échec :
- Non respect du protocole de maintenance pré établi.
- Résorption physiologique au niveau des crêtes postérieures accentuée par
la présence de dents naturelles antagonistes (9), la sous occlusion
postérieure induite provoquant une antéposition mandibulaire ainsi
qu’une surcharge occlusale antérieure. celle-ci est susceptible d’avoir été la
cause de différentes manifestations:
1. l’aggravation de l’atteinte parodontale des 11 et 12 (en association
avec la négligence)
2. Le décollement de l’attelle par les forces de cisaillement, avec
apparition de lésions carieuses. la réalisation de tenons dentinaires
aurait certainement retardé ce décollement.
3. la fracture de la barre cingulaire
Nouvelle approche thérapeutique :
- rebasage de la PAP
- extraction des 11 et 12
- réalisation d’un bridge antérieur de contention céramo-métallique de 13 à
23.
Séquences de traitement :
- le traitement du cas a fait appel à des séances de remotivation à l’hygiène,
détartrage-surfaçage radiculaire.
- extraction atraumatique des 11 et 12 (Photos 15a 15b) et mise en place
immédiate d’un bridge provisoire en résine cuite, associée au rebasage de
la PAP métallique.
- puis une période de temporisation de 13 mois, rythmée par des séances de
contrôles périodiques (chaque 3 mois), a permis d’évaluer l’assiduité du
patient et l’efficacité de ses manœuvres d’hygiènes (Photo 16).
- puis un bridge céramo-métallique est réalisé en tenant compte de
l’emplacement des différentes structures du châssis métallique (Photos 17,
18 ,19, 20). il assure un guide antérieur fonctionnel, une contention
parodontale, et une répartition des charges occlusales sur l’ensemble des
piliers, selon une fonction antéro-postérieure (7) (8).
Conclusion :
La maintenance est un élément primordial dans la réussite des prothèses amovibles,
dans la mesure où leurs structures d’appui sont en perpétuel remaniement, avec
notamment le phénomène de résorption osseuse physiologique.
Le contrôle périodique est nécessaire à la réadaptation prothétique. « Le patient doit
être averti, et satisfaire à des visites bi-annuelles, qui pourront être plus fréquentes en
fonction du besoin ».
Toute prothèse amovible doit être considérée comme prothèse d’usage et non pas
prothèse définitive.
ICONOGRAPHIE
Photo 1a : Vue de face, situation initiale de face, et diastèmes inter-incisifs
Photo 1b : vue latérale et projection dentaire
Photo 2 : bilan rétro alvéolaire maxillaire
Photo 3 : fermeture des diastèmes antérieurs
Photo 4a : tracé des limites de préparations sur modèle
Photo 4b : tranché cingulaire réalisée selon l’axe d’insertion de l’attelle
Photo 5 : empreinte double mélange et maquette d’occlusion
Photo 6 : tracé du châssis métallique
Photo 7 : système de préhension sur l’attelle facilitant les manipulations cliniques
Photo 8a : une digue sectorielle permet le collage à l’abri de l’humidité
Photo 8b : attelle collée et système de préhension sectionné
Photo 9 : les différents constituants du châssis métallique
Photo 10 : résultat définitif sur modèle
Photo 11 : réalisation prothétique en bouche
Photo 12 : destructions carieuses
Photo 13 : situation clinique de face après 40 mois
Photo 14 : vue occlusale à 40 mois
Photo 15a : extractions atraumatiques de 11 et 12
Photo 15b : mise en place immédiate d’un bridge provisoire de première intention
Photo 16 : aspect à 13 mois après mise en place du bridge provisoire. Noté l’effondrement de
la crête antérieure
Photo 17 : vue de face. L’orientation de la face vestibulaire de 23 est imposée par l’axe
d’insertion et le passage du bras rétentif du crochet RPI de krol
Photo 18 : le châssis métallique est entraîné dans l’empreinte secondaire afin de prévoir
l’emplacement de ces différents constituants au niveau du bridge
Photo 19 : l’effondrement de la crête antérieure est maquillé par de la céramique
Photo 20 : sourire de face
Bibliographie
1- AINAMO J., ALCOFORADO G., BORGETTI A. COLL,
Maladie parodontale, mobilité, contention, et prothèse.
Actual. Odonto-stomat. 1996;194:245-258
2- AINAMO J., ALCOFORADO G., BORGETTI A., GUYOT J.F.,
Reconstruction du guide antérieur sur parodonte réduit.
Actual. Odonto- stomatol. 1996 ; 194 :275-287
3-AINAMO (J.),ALCOFORADO (G.A.P.),BORGHETTI (A.),ESTRABAUD (Y.),GUYOT
(J.F.),COLL.
Prothèses collées sur support parodontal réduit. Indications et spécificité.
Actual. Odontostomatol. 1996 ; 194 ;259-274
4- BATAREC E., BUCH D.
Abrégé de prothèse adjointe partielle.
Paris, MASSON 1989 195 pages
5- BOREL J.-C., SCHITTLY J., EXBRAYAT J.
Manuel de prothèse partielle amovible.
Paris, Masson 1983, 224 pages
6- CHAMPION J., SOUMEILLAN S., GUYONNET J.J., ESCLASSAN R.
Prothèse partielle adjointe : conception et réalisation d’une prothèse partielle
coulée.
Encycl Méd Chir, odontologie, 23-310-C-10, 2001, 22p
7- ESTRABAUD, Y. ; MOUNIER, T. :
Prothèse fixée sur support parodontal réduit.
Rev. Odonto Stomatol. 1993 ;22 :317-324
8- KEOUGH B. :
Occlusion et prothèse parodontale.
Revue internationnale de parodontie et dentisterie restauratrice1992 ; 5: 359-372
9- SEFRIOUI A., BERRADA S., MERZOUK N., ABDEDINE A.
Approche rationnelle de l’édentement complet maxillaire.
Cah. Prothèse 2005 ;130 :27-36
Abstract:
The success of removable prosthesis restoration depends on several factors, which not only relate to
a rational conception and a high quality achievement but most importantly to sustaining the results
reached at the fitting time.
However, the perpetual recasting of the supporting structures makes the removable prosthesis of
temporary use. Thus, it requires setting up a maintenance program based on the committed consent
of the patient.
These factors seem to be the ingredients of everlasting results.
[1] DVO : Dimension verticale d’occlusion
[2] CIV : Couronne à incrustation vestibulaire