6
Makromol. Chem. 178, 2969-2974 (1977) Laboratoire de Photochimie GCnCrale, hole Nationale SupCrieure de Chimie de Mulhouse, 3, rue Alfred Werner, 68093 Mulhouse Cedex, France Note R81e de l’interface dans le processus de peroxydation radiochimique des polym&res cristallins Christian Decker (Date de reception: 13 juin 1977) Depuis les travaux de Michaels et Bider” sur la perm6abilitC aux gaz des polyolkfines, on sait que le processus de peroxydation d‘un polymkre cristallin doit se developper exclusivement dans la phase amorphe, la phase cristalline restant inaccessible ti l’oxygkne gazeux2). Quand 1’amorGage est realis6 par voie radiochimique, les radicaux crCCs dans les cristallites peuvent migrer par transfert d’hydrogkne vers les regions amorphes riches en o x y g k r ~ e ~ * ~ ) et participer ainsi ti l’amorGage de la peroxydation du polymkre. I1 en rksulte que la formation des radicaux peroxyles amorceurs et des produits des rCactions de terminaison ne doit gukre dependre de la cristallinitC de I’Cchantillon de polymkre. Lors de notre etude de la peroxydation radio-in- duite du polyCthylkne5), nous avions effectivement mis en evidence une diminution relativement faible du rendement en radicaux peroxyles et de celui en diperoxydes quand le taux de cristallinitC augmentait de 0 ti 75% alors que le rendement en hydroperoxydes, resultant du processus de peroxydation en chaine, diminuait proportionnellement avec la cristallinitC croissante du polymkre. Au cours d‘une Ctude rCcente6)de la degradation oxydante du poly(oxyde d’Cthylkne), (POE), amorcCe par voie radiochimique, nous avons toutefois observe que la peroxydation en chaine, qui se dkveloppe intensement dans ce polymere, ne dkpendait gukre de la cristallinite et ceci m&me pour des monocristaux de POE dont la vitesse d’oxydation Ctait voisine de celle du polymkre cristallin ti 77 %. Ce resultat nous a conduit A envisager un processus de peroxydation qui, dans certains polymkres cristallins, aurait lieu essentiellement ti I’interface des regions cristallines et amorphes dans le plan de repliement des chaines polymeriques. Les Cchantillons de polymkre (Polyathylenglykol 15000 - Hoechst) dont le taux de cristallinitk, determine par analyse calorimktrique diffkrentielle (DSC), Ctait compris entre 77 et 98 %, ont Cte irradies sous une atmosphkre d’oxygkne pur. L’avancement de la reaction de peroxydation a CtC suivi en mesurant la quantite d’oxygkne consommee par le polymkre ti l’aide d’un appareil d’analyse des gaz dCcrit precCdemment6). La Fig. 1 qui illustre les resultats obtenus pour diverses valeurs de la dose absorbee par le polymkre fait apparaitre une augmentation minime de la quantitC d’oxygkne consommee quand la fraction amorphe croit de 2 ti 23%. La vitesse de peroxydation d‘un echantillon donne reste constante durant toute l’irradiation et le rendement radiochimique de la consommation en oxygkne, Go,, passe de 162 pour les monocristaux de POE (taux de cristallinitk 2 9 8 % ) ti 195 pour un polymkre cristallin ti 77%, soit le taux de cristallinite le plus faible que nous ayons pu atteindre avec le POE 15000.

Rôle de l'interface dans le processus de peroxydation radiochimique des polymères cristallins

Embed Size (px)

Citation preview

Makromol. Chem. 178, 2969-2974 ( 1 9 7 7 )

Laboratoire de Photochimie GCnCrale, h o l e Nationale SupCrieure de Chimie de Mulhouse, 3, rue Alfred Werner, 68093 Mulhouse Cedex, France

Note

R81e de l’interface dans le processus de peroxydation radiochimique des polym&res cristallins

Christian Decker

(Date de reception: 13 juin 1977)

Depuis les travaux de Michaels et Bider” sur la perm6abilitC aux gaz des polyolkfines, on sait que le processus de peroxydation d‘un polymkre cristallin doit se developper exclusivement dans la phase amorphe, la phase cristalline restant inaccessible ti l’oxygkne gazeux2). Quand 1’amorGage est realis6 par voie radiochimique, les radicaux crCCs dans les cristallites peuvent migrer par transfert d’hydrogkne vers les regions amorphes riches en o x y g k r ~ e ~ * ~ ) et participer ainsi ti l’amorGage de la peroxydation du polymkre. I1 en rksulte que la formation des radicaux peroxyles amorceurs et des produits des rCactions de terminaison ne doit gukre dependre de la cristallinitC de I’Cchantillon de polymkre. Lors de notre etude de la peroxydation radio-in- duite du polyCthylkne5), nous avions effectivement mis en evidence une diminution relativement faible du rendement en radicaux peroxyles et de celui en diperoxydes quand le taux de cristallinitC augmentait de 0 ti 75% alors que le rendement en hydroperoxydes, resultant du processus de peroxydation en chaine, diminuait proportionnellement avec la cristallinitC croissante du polymkre.

Au cours d‘une Ctude rCcente6) de la degradation oxydante du poly(oxyde d’Cthylkne), (POE), amorcCe par voie radiochimique, nous avons toutefois observe que la peroxydation en chaine, qui se dkveloppe intensement dans ce polymere, ne dkpendait gukre de la cristallinite et ceci m&me pour des monocristaux de POE dont la vitesse d’oxydation Ctait voisine de celle du polymkre cristallin ti 77 %. Ce resultat nous a conduit A envisager un processus de peroxydation qui, dans certains polymkres cristallins, aurait lieu essentiellement ti I’interface des regions cristallines et amorphes dans le plan de repliement des chaines polymeriques.

Les Cchantillons de polymkre (Polyathylenglykol 15000 - Hoechst) dont le taux de cristallinitk, determine par analyse calorimktrique diffkrentielle (DSC), Ctait compris entre 77 et 98 %, ont Cte irradies sous une atmosphkre d’oxygkne pur. L’avancement de la reaction de peroxydation a CtC suivi en mesurant la quantite d’oxygkne consommee par le polymkre ti l’aide d’un appareil d’analyse des gaz dCcrit precCdemment6). La Fig. 1 qui illustre les resultats obtenus pour diverses valeurs de la dose absorbee par le polymkre fait apparaitre une augmentation minime de la quantitC d’oxygkne consommee quand la fraction amorphe croit de 2 ti 23%. La vitesse de peroxydation d‘un echantillon donne reste constante durant toute l’irradiation et le rendement radiochimique de la consommation en oxygkne, Go,, passe de 162 pour les monocristaux de POE (taux de cristallinitk 2 9 8 % ) ti 195 pour un polymkre cristallin ti 77%, soit le taux de cristallinite le plus faible que nous ayons pu atteindre avec le POE 15000.

2970 C . Decker

Fraction amorphe ( X en pofds)

Fig. 1. au cows de la peroxydation radiochimique du POE A 25°C. DCbit de dose: 775 rad/min (1 rad=

Influence de la cristallinitk du poly(oxyde d’ethylkne), (POE), sur la consommation en oxygkne

J/kg)

Cette influence minime de la cristallinite du polymbre sur la vitesse d’oxydation suggerait l’intervention d’un processus de peroxydation qui se developperait non seulement dans les regions amorphes mais aussi dans les regions cristallines qui devraient alors &re permkables A I’oxygbne. Deux resultats6) nous permettent toutefois de rejeter cette interpretation: - la determination des concentrations en oxygbne contenu dans la phase cristalline et dans

la phase amorphe montre que les cristallites du POE ne contiennent pas d’oxygbne gazeux alors que dans la phase amorphe la concentration en oxygbne atteint 3,2. mol/kg POE; - le fait d’introduire dans la phase amorphe du POE un antioxydant, le di-tert-butyl-2,6

p-cresol, qui ne syncristallise pas avec le polymbre entraine la suppression compltte de la peroxydation en chaine du POE.

I1 en rksulte que seules les regions amorphes, permkables A I’oxygbne, sont susceptibles d’2tre peroxydees, ce qui est en accord avec 1es observations de Winslow”. Mais le modtle classique du polymtre semi-cristallin, qui consiste en un empilement de feuillets de polymbre cristallin separC par des interstices dans lesquels est localis6 du polymtre A I’ttat desorganise, ne permet plus alors de rendre compte de la variation minime de la vitesse d’oxydation du POE avec l’augmentation de la fraction amorphe. Nous devons donc considerer qu’il existe une troisitme region qui doit jouer un r61e primordial dans le processus de peroxydation du POE et qui pourrait &re I’interface situke A la frontitre entre les regions cristallines et amorphes. Du point de vue de I’oxydation, nous distinguerons donc trois phases dans un polymbre semi-cristallin: - la phase cristalline de structure lamellaire et impermeable B l’oxygbne. Les radicaux alkyles

polymeriques Crees par le rayonnement ionisant peuvent migrer vers le bord des lamelles cristallines ou vers les defauts du cristal. Au cours de cette migration, une fraction de ces radicaux disparait par reaction de dismutation ou de recombinaison avec des radicaux hydro- gbne.

R6le de I’interface dans le processus de peroxydation radiochimique 2971

- la phase arnorphe, sans structure organisee et permeable 8 l’oxygkne. Les macroradicaux alkyles Crees dans cette rCgion reagissent rapidement avec l’oxyghe pour former des radicaux peroxyles qui amorcent la peroxydation en chaine du polymtre. - I‘interface situee entre les phases cristallines et amorphes dans le plan de repliement

des chaines polymeriques; elle comprend Cgalement les defauts contenus dans le cristal et reste accessible h I’oxygkne. C’est dans cette region limitrophe que les radicaux alkyles provenant de la phase cristalline reagissent avec l’oxygtne pour former des radicaux peroxyles PO;. Par suite de la dimension reduite de l’interface, les radicaux PO; y atteindront des concentrations locales Clevees ce qui aura pour effet de favoriser leur rencontre.

On sait que I’interaction des radicaux peroxyles secondaires est une rCaction de terminaison qui conduit 8 la formation d’un alcool secondaire et d’une cCtone selon le mecanisme propose par Russel”:

R’

R’ I

I R’

RZ, I C-H 7’ 0’ *of R2

R \ ( 0-C-H --+ ,C=O + 0, + HO-C-H R2

I

Le processus competitifde peroxydation en chahe PO; + PH-+PO 2 H + P‘ sera donc dCfavorise

Une etude recente de Lindsay et al.” a toutefois montre que cette interaction pouvait 8 l’interface et se dCveloppera essentiellement dans les regions amorphes.

Ctre une reaction non terminante lorsqu’elle met en jeu des radicaux cr-alcoxy-peroxyles:

2 R’-O-CH-R2’ + 2 R’-0-CH-R’ + 0, I I 0-0’ 0’

Les radicaux or-alcoxy-alcoxyles ainsi IibCrCs sont susceptibles de propager la reaction en chaine de peroxydation soit directement par arrachement d’hydrogkne au polymtre, soit 8 la suite de leur decomposition par coupure g9):

CH20CHCH2- ... + CH20bHCH2- ...

OH 1 CH,0CHCH2- ... I 00’

0 2

CH,O$H + ‘:Hz- ...

. . .-CHZOCHCHz- ... I 0’

0 1 ‘OOCH2- 0 2

On congoit alors que le processus de peroxydation du POE puisse se developper intensement h I’interface puisque, par suite de la concentration Clevee en radicaux PO;, la probabilitk des interactions non terminantes sera grande. De ce fait, la vitesse d’oxydation ne dependra gukre de I’importance de la fraction amorphe qui ne participera que dans une proportion rkduite au processus global de la peroxydation du POE. Cependant, si on fait croftre le taux de cristallinite du polymbre jusqu’h des valeurs proches de loo%, on doit rkduire, 8 la limite, la dimension de l’interface et par 18 mCme I’importance du processus de peroxydation

2972 C. Decker

qui s’y dheloppe. Nous avons effectivement observe une diminution significative de la vitesse d’oxydation quand le POE Ctait sous la forme de monocristaux ayant un taux de cristallinite voisin de 99% (Fig. 2).

Fig. 2. amorphe du polymbre

Variation de la vitesse d’oxydation du poly(oxyde dkthylbne), (POE), en fonction de la fraction

Dans la Fig. 2 qui represente la variation de la vitesse d’oxydation en fonction de la fraction amorphe du polymhe nous avons extrapole la droite experimentale jusqu’B un taux de cristallinite nu1 ce qui nous permet de distinguer trois domaines: - le domaine I correspond B l’oxydation qui a lieu dans la phase amorphe du polymbre

et dont l’importance est directement proportionnelle B la fraction amorphe; - le domaine I1 correspond B l’oxydation amorcCe B l’interface par les radicaux provenant

des cristallites et dont l’importance est proportionnelle au taux de cristallinite du polymbre; - le domaine I11 correspond B l’oxydation qui aurait eu lieu si une fraction des radicaux

alkyles crtCs dans les lamelles cristallines n’avait pas disparue au cours de la migration de ces radicaux vers l’interface. Les domaines I1 et I11 &ant d‘importance sensiblement &gale, on peut en deduire que la moitie des radicaux alkyles Crees dans les cristallites disparait par reactions de dismutation ou de recombinaison et que I’autre moitiC parvient migrer jusqu’a l’interface oil ces radicaux participent eficacement B l’amorqage de la peroxydation du polymtre.

L’importance de I’interface dans les processus radiochimiques des polymbres cristallins a ete mise en evidence rtcemment par Patel et Keller”) au cours d’une etude de la radioreticulation du polyethylbne cristallin. Ces auteurs ont en effet montre que la reaction de pontage n’a pas lieu l’intkrieur des lamelles cristallines mais qu’elle se fait exclusivement 2 la surface du cristal dans le plan de repliement des chaines polymCriques. L’existence dune phase ccpseudo-

Rble de I’interface dans le processus de peroxydation radiochimique 2973

amorphe)) situee en bordure des lamelles cristallines et presentant des proprietes particulikres avait deja ete postulCe par Michaels et Bixler”.

Dans 1’Ctude des processus de peroxydation en milieu polymerique cristallin, il faut tenir compte en outre de l’accessibilite h I’oxygkne des diverses regions du polymkre ainsi que de la rCactivitC des radicaux peroxyles form&. Si I’interaction entre radicaux PO; provoque la terminaison de la chaine de peroxydation, I’interface ne jouera pas un r6le important dans le processus de peroxydation. Si par contre 1es radicaux peroxyles polymeriques interagissent par reaction non-terminante en libkrant des radicaux alcoxyles propagateurs, on peut prCvoir que la peroxydation du polymkre cristallin se fera essentiellement h l’interface et sera donc peu affectee par une variation de la cristallinite du polymkre.

Cette interpretation rend parfaitement compte des comportements trks differents observes avec le polykthylkne et le polypropylkne au cours de notre etude de I’influence de la cristallinitc? sur la peroxydation radiochimique de ces polyolefines5~’ ’).

- dans le polyCthylkne, les radicaux peroxyles secondaires interagissant selon le mtcanisme du Russel, l’interface doit &re le sikge de nombreuses reactions de terminaison de sorte que la chaine de peroxydation se developpera uniquement dans les regions amorphes. Nous avons effectivement constate5) que le rendement de la peroxydation en chaine diminue rapidement avec le taux de cristallinite croissant jusqu’h devenir negligeable pour le polyCthylbne trks cristallin. - dans le polypropylene par contre, une fraction importante des interactions entre radicaux

peroxyles tertiaires est de nature non-terminante et libkre des radicaux alcoxyles susceptibles de propager la reaction en chaine. De ce fait, le processus de peroxydation se developpera preferentiellement h l’interface, comme lors de l’oxydation radio-induite du poly(oxyde d’bthy- h e ) . On comprend alors pourquoi le rendement de la consommation en oxygkne du polypropy- lene isotactique (taux de cristallinitC de 80 %) est voisin (Go, = 132)5) de celui du polypropylkne atactique (Go,= 156)“).

D’une manikre formelle, on peut considerer que l’interface agit comme un pikge dans lequel les macroradicaux alkyles issus de la phase cristalline peuvent ptnetrer mais duquel ils ne peuvent sortir par suite de leur reaction avec l’oxygbne et des reactions subsequentes des radicaux peroxyles. La dimension du pikge dependra de la mobilitC et de la rCactivitC des macroradicaux alkyles et peroxyles. Dans le cas du POE, nos resultats montrent que le pikge est encore efficace quand le taux de cristallinite atteint 298% de sorte que son epaisseur ne devrait pas exceder 5 A si I’on estime environ 300A”’ I’Cpaisseur des feuillets cristallins. Cette faible valeur implique d’une part que les radicaux alkyles provenant de la phase cristalline reagissent trks rapidement avec l’oxygkne sans poursuivre leur migration dans la phase amorphe au-delh de 5A, et d’autre part que le processus de peroxydation amorcC par l’interaction non-terminante des radicaux peroxyles ainsi form& est confink dans un espace trts Ctroit prks du plan de repliement des chalnes polymCriques.

I ) A. S. Michaels, H. J. Bixler, J. Polym. Sci. 50, 393, 413 (1961)

3, D. C. Waterman, M. Dole, J. Phys. Chem. 74, 1913 (1970) 4, T. Seguchi, N. Tomura, J. Phys. Chem. 77,40 (1973) ’) C. Decker, F. R. Mayo, H. Richardson, J. Polym. Sci., Polym. Chem. Ed. 11, 2879 (1973)

F. H. Winslow, M. U. Hellman, W. Matreyek, S. M. Stills, Polym. Eng. Sci. 6, 1 (1966)

2974 C . Decker

‘) C. Decker, J. Polyrn. Sci., Polym. Chem. Ed. 15, 781 (1977) ’) G. A. Russell, J. Am. Chem. Soc. 79, 3871 (1957) *) D. Lindsay, J. A. Howard, E. C. Horswill, L. Iton, K. U. Ingold, T. Cobbley, A. Li, Can. J.

9, C. Decker, J. Polym. Sci., Polym. Chem. Ed. 15, 799 (1977) Chem. 51, 870 (1973)

lo ) G. N. Patel, A. Keller, J. Polym. Sci., Polym. Phys. Ed. 13, 303, 323 (1975) C. Decker, F. R. Mayo, J. Polym. Sci., Polym. Chem. Ed. 11, 2847 (1973)

”) J. P. Arlie, P. A. Spegt, A. E. Skoulios, Makromol. Chem. 104, 212 (1967)