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Cahiers de nutrition et de diététique (2013) 48, 92—97 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com PHYSIOLOGIE Rôle des récepteurs mu-opioïdes dans la régulation d’un axe intestin—cerveau de contrôle de la prise alimentaire Role of mu-opioid receptors in the regulation of a gut—brain axis of control of food intake Gilles Mithieux a,b,c,a Faculté de médecine Laennec Lyon-Est, institut national de la santé et de la recherche médicale, U 855, 69372 Lyon cedex 08, France b Université de Lyon, 69008 Lyon, France c Université Lyon 1, 69622 Villeurbanne, France Rec ¸u le 10 janvier 2013 ; accepté le 11 evrier 2013 Disponible sur Internet le 16 mars 2013 MOTS CLÉS Néoglucogenèse intestinale ; Protéines alimentaires ; Prise alimentaire ; Satiété ; Récepteurs mu-opioïdes ; Axe intestin—cerveau Résumé En utilisant des perfusions portales d’agonistes et/ou d’antagonistes des récepteurs mu-opioïdes (RMO) chez des rongeurs conscients, nous avons montré que les RMO présents dans les parois de la veine porte contrôlent un circuit nerveux intestin—cerveau d’induction de la néoglucogenèse intestinale, une fonction contrôlant la sensation de faim. Dans un second temps, nous avons montré que les peptides et les protéines promeuvent une induction RMO- dépendante de la néoglucogenèse intestinale. Les peptides n’ont pas d’effet chez les souris knockout pour les RMO, qui sont également insensibles à l’effet de satiété induit par les régimes protéinés. De plus, des perfusions portales de modulateurs des RMO n’ont pas d’effet sur la prise alimentaire chez les souris déficientes pour la néoglucogenèse intestinale. Ainsi, la régulation par les RMO portaux d’un circuit nerveux intestin—cerveau d’induction de la néoglucogenèse intestinale par les peptides est un lien causal dans le phénomène de satiété induit par les protéines alimentaires. © 2013 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Intestinal gluconeogenesis; Dietary proteins; Food intake; Satiety; Summary Using portal infusions of agonists and/or antagonists of mu-opioid receptors (MORs) in conscious rodents, we have shown that the MORs present in the walls of the portal vein control a gut—brain nervous circuit of induction of intestinal gluconeogenesis, a function control- ling hunger. In a second step, we have shown that peptides and protein digests promote a MOR-dependent induction of intestinal gluconeogenesis. The peptides have no effect in mice knockout for MOR, which are also insensitive to the satiety induced by protein diets. In addition, Faculté de médecine Laennec Lyon-Est, UMR Inserm U855, 7-11, rue Guillaume-Paradin, 69372 Lyon cedex 08, France. Adresse e-mail : [email protected] 0007-9960/$ see front matter © 2013 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2013.02.002

Rôle des récepteurs mu-opioïdes dans la régulation d’un axe intestin–cerveau de contrôle de la prise alimentaire

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ahiers de nutrition et de diététique (2013) 48, 92—97

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

HYSIOLOGIE

ôle des récepteurs mu-opioïdes dans la régulation’un axe intestin—cerveau de contrôle de la priselimentaire

ole of mu-opioid receptors in the regulation of a gut—brain axis of control ofood intake

Gilles Mithieuxa,b,c,∗

a Faculté de médecine Laennec Lyon-Est, institut national de la santé et de la recherchemédicale, U 855, 69372 Lyon cedex 08, Franceb Université de Lyon, 69008 Lyon, Francec Université Lyon 1, 69622 Villeurbanne, France

Recu le 10 janvier 2013 ; accepté le 11 fevrier 2013

Disponible sur Internet le 16 mars 2013

MOTS CLÉSNéoglucogenèseintestinale ;Protéinesalimentaires ;Prise alimentaire ;Satiété ;Récepteursmu-opioïdes ;Axe intestin—cerveau

Résumé En utilisant des perfusions portales d’agonistes et/ou d’antagonistes des récepteursmu-opioïdes (RMO) chez des rongeurs conscients, nous avons montré que les RMO présentsdans les parois de la veine porte contrôlent un circuit nerveux intestin—cerveau d’induction dela néoglucogenèse intestinale, une fonction contrôlant la sensation de faim. Dans un secondtemps, nous avons montré que les peptides et les protéines promeuvent une induction RMO-dépendante de la néoglucogenèse intestinale. Les peptides n’ont pas d’effet chez les sourisknockout pour les RMO, qui sont également insensibles à l’effet de satiété induit par les régimesprotéinés. De plus, des perfusions portales de modulateurs des RMO n’ont pas d’effet sur la prisealimentaire chez les souris déficientes pour la néoglucogenèse intestinale. Ainsi, la régulationpar les RMO portaux d’un circuit nerveux intestin—cerveau d’induction de la néoglucogenèseintestinale par les peptides est un lien causal dans le phénomène de satiété induit par lesprotéines alimentaires.© 2013 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSIntestinalgluconeogenesis;Dietary proteins;Food intake;Satiety;

Summary Using portal infusions of agonists and/or antagonists of mu-opioid receptors (MORs)in conscious rodents, we have shown that the MORs present in the walls of the portal vein controla gut—brain nervous circuit of induction of intestinal gluconeogenesis, a function control-ling hunger. In a second step, we have shown that peptides and protein digests promote aMOR-dependent induction of intestinal gluconeogenesis. The peptides have no effect in miceknockout for MOR, which are also insensitive to the satiety induced by protein diets. In addition,

∗ Faculté de médecine Laennec Lyon-Est, UMR Inserm U855, 7-11, rue Guillaume-Paradin, 69372 Lyon cedex 08, France.Adresse e-mail : [email protected]

007-9960/$ — see front matter © 2013 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2013.02.002

int

ulat regutinal

nut

étudié l’effet d’un REP chez le rat après un traitementpériportal par la capsaïcine, une substance qui inactiveles nerfs afférents. Aucune induction de l’activité de laglucose-6 phosphatase (G6Pase) ou de la phosphoénolpyru-vate carboxykinase-C (PEPCK-C), deux enzymes essentiellesde la NGI, n’était observée, contrairement aux animauxtémoins. Pour tester le rôle putatif des RMO dans cetteinduction, nous avons infusé des régulateurs RMO dans laveine porte de rats conscients, comme décrit précédem-ment [11]. Deux agonistes, la �1-7 casomorphine (dérivéede la caséine ß) et le DAMGO ont réduit l’activité G6Paseintestinale (Fig. 1). Au contraire, deux antagonistes RMO,la casoxin C (casoC) provenant de la kappa-caséine et lanaloxone (Nalox), l’ont induite (Fig. 1). Des résultats compa-rables ont été obtenus pour l’expression de la protéinePEPCK-C. La production de glucose intestinale (PGI), quan-tifiée à la fin de la perfusion de Nalox à l’aide d’un traceurmétabolique de glucose (tritié sur le carbone 3), représen-tait 25—30 % de la production de glucose endogène totale(PEG). Au contraire, aucune apparition de glucose n’étaitobservée chez des rats perfusés avec le DAMGO. En accordavec ce qu’on pouvait attendre de l’effet des effecteursRMO sur la néoglucogenèse intestinale, les rats perfu-sés avec un antagoniste RMO (CasoC) dans la veine porte

Rôle des récepteurs mu-opioïdes dans la régulation d’un axe

Mu-opioid receptors;Gut—brain axis

portal infusions of MOR-modgluconeogenesis. Thus, thecircuit of induction of intesinduced by dietary protein.© 2013 Société francaise de

Introduction

Dans le cadre de la compréhension des mécanismes del’homéostasie énergétique, un espace de plus en plus impor-tant de recherche concerne les signaux hormonaux queproduit l’intestin en réponse à l’absorption des nutrimentset qui modulent la faim. Cela concerne notamment les hor-mones gastro-intestinales telles la cholécystokinine (CCK),le glucagon-like peptide 1 ou encore le peptide YY. Il estintéressant de noter que le système nerveux entérique joueun rôle important dans la détection et la transmission dessignaux hormonaux au cerveau [1—3].

Dans ce cadre également, la néoglucogenèse intestinale(NGI) est une fonction nouvellement décrite [4—8] qui inter-fère dans le contrôle de l’homéostasie énergétique à l’étatpost-absorptif (pour revue, voir [9]). L’induction de la NGIse traduit par une libération de glucose dans la veine porte,qui collecte le sang de l’intestin entier. Sa détection parun capteur de glucose portal, récemment identifié commeétant le récepteur de glucose SGLT3 [10], et la transmissionde ce signal au cerveau par le système nerveux périphé-rique induisent une diminution de la sensation de faim etune amélioration de la sensibilité à l’insuline de la produc-tion hépatique de glucose. Cela concerne notamment deuxsituations nutritionnelles particulières, les régimes enrichisen protéines (REP) [11—13] et la chirurgie de l’obésité detype by-pass gastrique [14].

Une propriété connue depuis longtemps des protéinesest qu’un certain nombre d’entre elles, en particulierd’intérêt en nutrition humaine, comme les caséines du lait,contiennent des oligopeptides présentant une activité mu-

opioïde in vitro après digestion protéolytique partielle [15].Par ailleurs, une vaste littérature sur le sujet mentionnel’activité mu-opioïde d’oligopeptides variés [16]. Il est éga-lement admis que la modulation des récepteurs mu-opioïdes(RMO) centraux peut interférer avec le contrôle de la prisealimentaire. Les agonistes augmentent la prise alimentaire,tandis que les antagonistes l’inhibent [17]. Fait intéres-sant, les RMO sont exprimés dans l’intestin grêle, où ilscontrôlent la motilité intestinale [18,19]. Les protéines ali-mentaires sont absorbées depuis la lumière intestinale aprèsprotéolyse incomplète et pourraient donc exercer un rôlede signalisation systémique via les résidus protéolytiquesqu’elles libèrent [15]. Cependant, que ces derniers puissentatteindre le cerveau après ingestion orale est exclu en raisonde l’activité protéolytique du foie [20].

Cela nous a conduit à tester l’hypothèse d’un rôle desRMO intestinaux dans le contrôle de la sensation de faimpar la NGI.

Les récepteurs mu-opioïdes sont présents dans lesneurones périportaux des rongeurs et de l’homme.

estin—cerveau 93

ors have no effect on food intake in mice deficient for intestinallation by the portal MORs and peptides of a gut—brain neural

gluconeogenesis is a causal link in the phenomenon of satiety

rition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Les récepteurs mu-opioïdes de la veineporte régulent la néoglucogenèseintestinale via un circuit intestin—cerveau

Pour tester le rôle du système nerveux gastro-intestinalet/ou périportal dans l’induction de l’expression des gènesde la NGI par les protéines alimentaires, nous avons d’abord

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Figure 1. Effet des modulateurs mu-opioïdes sur l’expressionde la Glc6Pase intestinale : les modulateurs RMO ont été perfu-sés pendant huit heures dans la veine porte de rats conscients àraison de 8,3 × 10−6 mmol/kg par minute. La Glc6Pase est doséedans un échantillon de jéjunum médian à la fin de la perfusion(moyenne ± SEM, n = 6). *, p < 0,05 (Tuckey’s post hoc test).

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iminuaient leur prise alimentaire, tandis que ceux infusésvec un agoniste RMO (�1-7) l’augmentaient [16].

Les antagonistes mu-opioïdes perfusés dans la veineporte des rongeurs induisent la néoglucogenèseintestinale.

Un circuit nerveux intestin—cerveau est impliquédans cette régulation.

Nous avons utilisé trois méthodes pour préciser leôle joué par les RMO portaux. Les études immuno-istochimiques combinant les RMO et le marqueur neuronalGP9.5 ont révélé la présence des RMO dans les fibres neu-onales dans les parois de la veine porte de rat (Fig. 2).ous avons observé une co-localisation comparable de MOR-

et PGP9.5 dans les branches portales irriguant les espacesortes du foie humain. La présence des RMO dans les paroise la veine porte a été confirmée par western blot. Ensuite,ous avons étudié l’effet de la �1-7 ou de la CasoC sur’expression des gènes de la néoglucogenèse intestinalehez des rats traités par la capsaïcine. Il n’y avait alorslus d’effet sur les enzymes de la néoglucogenèse, sug-érant fortement que le système neuronal périportal estrucial pour la transmission du signal RMO. Enfin, nousvons évalué l’effet de �1-7 et Nalox sur les régions duerveau impliquées dans la réception des signaux d’origineastro-entérique : le complexe vagal dorsal (CVD), qui este principal récepteur du nerf vague, et le noyau parabra-hial (NPB), qui recoit principalement les afférences de laoelle épinière (pour revue : [1]). Par immuno-histochimie,

ous avons étudié l’expression de la protéine C-FOS, un mar-ueur bien connu de l’activation neuronale. La perfusion de’antagoniste Nalox a induit l’expression de C-FOS aussi bienans le CVD que le NPB, ce qui a bien montré que les voiesagale et spinale étaient impliquées dans la transmission duignal RMO au cerveau. La même activation de C-FOS avaitieu dans les principales régions hypothalamiques, qui sontonnectées au CVD et au NPB et qui contrôlent la prise ali-entaire (noyaux arqué et paraventriculaire notamment).

onfirmant le rôle des nerfs périphériques dans la transmis-ion du signal, aucune activation ne se produisait chez lesats dont la veine porte avait été traitée par la capsaïcineu moment de la chirurgie pour l’implantation du cathéter16].

es digestats de protéines et lesligopeptides sont des antagonistesu-opioïdes

uand les rats sont nourris précédemment avec un REPendant trois jours, une augmentation marquée de la quan-ité des protéines G6Pase et PEPCK-C se produisait, commeous l’avions montré précédemment [11]. Chez ces rats,a perfusion d’agonistes RMO dans la veine porte diminuait’expression des deux protéines. Au contraire, aucun effet’induction supplémentaire n’avait lieu lors de la perfu-ion d’antagonistes RMO. La même tendance était observéevec un REP contenant un mélange de caséines du lait (quiouvait éventuellement libérer de la �1-7 ou de la CasoCans le sang), ou avec un REP à partir de protéines végé-ales (qui ne contenait pas ces peptides). Cela suggérait unécanisme commun d’induction par les antagonistes RMO

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G. Mithieux

t les protéines alimentaires de toute origine pour induire’expression des gènes de la NGI.

Pour documenter l’hypothèse ci-dessus, nous avonsombiné plusieurs approches.

Tout d’abord, nous avons infusé un digestat protéolytiquepeptones) ou des oligopeptides choisis (di- ou tri-peptides)ans la veine mésentérique portale des rats. Les struc-ures suivantes ont été choisies pour représenter les di-u tri-peptides : avec ou sans une chaîne latérale (Tyr-Alat Gly-Gly, respectivement), ou avec une charge électriqueans la chaîne latérale (Phe-Pro-Arg). Dans tous les cas, unenduction marquée de la G6Pase a été observée à la fois danse jéjunum et dans l’iléon, une partie de l’intestin d’activitélus faible de la G6Pase à l’état basal, mais inductible danse cas des REP [11]. En outre, des études de dilution deraceur glucose ont révélé que la NGI prend place après laerfusion portale de Tyr-Ala ou de peptones. Enfin, commebservé précédemment pour les antagonistes RMO, aucunenduction de la G6Pase par les oligopeptides n’a eu lieuhez les rats dont la zone périportale a été dénervée para capsaïcine.

Deuxièmement, chez les rats perfusés avec le di-peptideyr-Ala, il y a eu une multiplication par trois de l’expressione C-FOS dans le DVC, et dans l’hypothalamus, le NPB et leAG, tout comme chez le rat perfusé avec la Nalox (cf. ci-essus). De plus, aucune augmentation de C-FOS ne prenaitlace après l’inactivation des afférences nerveuses portales.

Troisièmement, nous avons testé si les oligopeptides pou-aient se comporter comme des antagonistes RMO dans uneulture de neuroblastomes exprimant de manière consti-utive les RMO [21,22]. Ainsi, nous avons montré queyr-Ala et Gly-Gly entrent en compétition pour la liaison deAMGO tritié, puis nous avons étudié l’effet d’oligopeptidesur le couplage des RMO à l’adénylate cyclase dans lesêmes cellules. Le RMO est couplé à l’adénylate cyclasear l’intermédiaire d’une protéine G inhibitrice. Ainsi, leAMGO (agoniste) diminuait fortement la teneur en AMPcellulaire. Au contraire, la CasoC (antagoniste) et la Naloxugmentaient considérablement la teneur en AMPc cellu-aire. Il est à noter que tous les oligopeptides augmentaienta teneur en AMPc et empêchaient la diminution induite

ar le DAMGO dans des expériences de co-incubation [16].ela suggère fortement que les oligopeptides se comportentomme des antagonistes RMO in vitro.

’induction mu-opioïde-dépendante de laéoglucogenèse intestinale est causaleans l’effet de satiété des protéines

our démontrer le rôle causal des RMO dans l’inductione la NGI par les protéines en cours d’absorption et sonôle dans la satiété associée, nous avons réalisé des expé-iences de perfusion portale sur des souris knockout poure gène codant les RMO (RMO-KO) et sur des souris pré-entant une suppression de la G6Pase spécifiquement dans’intestin (I-G6pc-KO, la G6PC étant la sous-unité cataly-ique de la G6Pase). Lorsqu’ils sont perfusés chez les sourisild-type (WT), les di- et tri-peptides et les peptones indui-

aient l’activité G6Pase dans le jéjunum. Au contraire, leAMGO supprimait l’activité G6Pase et cela était inverséar les peptones dans des expériences de co-perfusion. Ilst à noter qu’aucun de ces effecteurs n’induisait d’effetur la NGI chez des souris RMO-KO [16]. En outre, nous avonstudié la prise alimentaire des souris RMO-KO et des souris

intestin—cerveau 95

me neural périportal : les récepteurs RMO1 sont visualisés grâce à unGP9.5 est visualisé en fluorescence rouge. La fusion des deux signauxines structures neuronales dans la veine porte de rats.

Sauvage I-G6PC-KO

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)

Rôle des récepteurs mu-opioïdes dans la régulation d’un axe

Figure 2. Expression des récepteurs mu-opioïdes dans le systèanticorps spécifique (fluorescence verte), le marqueur neuronal Prévèle en jaune-orangé la présence des deux marqueurs dans certa

WT après passage du régime classique enrichi en amidon(REA) au REP. La prise de nourriture par jour pour les deuxgroupes n’était pas différente avec le REA. Après une baissetransitoire, une réponse classique à des changements dans

le type d’aliment chez les rongeurs, la prise alimentaire aété réduite d’environ 20 % chez les souris WT nourries avec leREP. Au contraire, les souris KO ont repris leur apport alimen-taire précédent (Fig. 3). Il est à noter que cette insensibilitéaux REP a été liée à une absence de modulation de G6Paseintestinale chez les souris RMO-KO, différant notablementde l’effet d’induction observé chez les souris WT [16]. Enfin,nous avons étudié la prise alimentaire chez des souris WT etI-G6pc-KO perfusées avec un antagoniste RMO dans la veineporte. Il y a eu une diminution de 15 % de la quantité denourriture ingérée chez les souris WT infusées avec la Nalox(Fig. 4), ces souris présentant une néoglucogenèse intesti-nale accrue (cf. ci-dessus). En revanche, aucun effet n’étaitobservé lors de l’infusion de Nalox chez les souris I-G6pc-KO,c’est-à-dire en l’absence de la néoglucogenèse intestinale(Fig. 4). Des résultats comparables ont été obtenus lorsqueTyr-Ala était infusé au lieu de la Nalox (13 % de diminution dela quantité de nourriture ingérée chez les souris WT, aucunediminution chez les I-G6pc-KO). Ces données suggèrent for-tement que la modulation de la NGI par les RMO et l’effetrelayé par les RMO sur la sensation de faim sont des phéno-mènes étroitement liés, et qu’ils pourraient rendre comptede l’effet de satiété des protéines alimentaires à la suite deleur assimilation.

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RMO-KOsauvages

Figure 3. Effet des régimes enrichis en protéines sur les sourissauvages et RMO-KO : la prise alimentaire a été mesurée avant etaprès passage (au jour « 0 ») d’un régime classique hyperglucidiqueà un régime enrichi en protéines. Moyenne ± SEM, n = 8 souris pargroupe. *, p < 0,05 (test t de Student pour les valeurs non appariées).

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Figure 4. Effet de la Nalox portale sur la prise alimentaire dessouris sauvages et I-G6PC-KO : les souris sont perfusées dans la veineporte pendant 24 heures alternativement avec du sérum salin oula Nalox (8,3 × 10−6 mmol/kg par minute) et leur prise alimentairequantifiée. Moyenne ± SEM de six souris dans chaque condition. **,p < 0,01 vs salin (test t de Student pour les valeurs appariées).

Les souris déficientes pour le récepteur mu-opioïde oupour la néoglucogenèse intestinale sont insensibles àla satiété induite par les oligopeptides portaux ou lesprotéines alimentaires.

Discussion

En combinant des perfusions d’effecteurs RMO dans la veineporte chez des rats conscients et des expériences de déner-vation des parois de la veine porte, nous démontrons queles RMO associés aux fibres neuronales portales contrôlentun circuit neural intestin—cerveau d’induction de la NGI,une fonction de contrôle de la prise alimentaire [11]. Cemode de perfusion a été préféré à une perfusion dansla lumière intestinale. En effet, le flux réel d’apparitionde métabolites peptidiques natifs est difficile à contrôlerdans la lumière intestinale, en raison de sa teneur éle-vée en différentes protéases. Se démarquant du véritablecontexte in vivo, le système nerveux entourant immédiate-ment la muqueuse intestinale est shunté par les perfusionsmésentériques-portales. Par conséquent, même si la détec-tion de métabolites dans la zone portale ont été impliqués

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ans les conditions expérimentales étudiées ici, il ne peuttre exclu qu’une détection RMO-dépendante puisse avoirieu en amont (par exemple dans le système neuronal quintoure la muqueuse de l’intestin ou la couche musculaire)18,23], en dehors de ce contexte expérimental.

Il est établi que les protéines sont digérées incomplète-ent à l’intérieur de la lumière du tube digestif et qu’elles

ibèrent des fragments d’oligopeptides composés principa-ement de di- ou tri-peptides [24]. Ces oligopeptides sontnsuite transportés dans les entérocytes au moyen d’unransporteur spécifique (PEPT1) de la membrane luminale25,26]. Une fraction subit une protéolyse complémentaireusqu’au stade d’acide aminé pour alimenter la protéosyn-hèse intestinale, connue pour être très intense. Il est moinsonnu qu’une autre fraction est libérée dans le sang portal,vec des acides aminés, par l’intermédiaire de transpor-eurs spécifiques d’oligopeptides et d’acides aminés situés

la membrane basolatérale [27]. Un certain nombre derotéines libèrent des peptides à activité mu-opioïde (voiri-dessus). Toutefois, l’hypothèse que toute protéine ali-entaire peut induire la néoglucogenèse intestinale via une

oie dépendante des RMO implique que les digestats de pro-éines de toutes origines devraient présenter une activitéMO-antagoniste. Cette inférence est fortement soutenuear l’observation que tous les peptides étudiés dans ceravail, que ce soit seuls ou en mélange (peptones), seomportent comme des antagonistes RMO à la fois in vivoour induire la NGI et in vitro dans des expériences de cou-lage à l’adénylate cyclase. L’absence de ces mécanismeshez la souris RMO-KO et leur insensibilité à l’alimentationrotéique, ainsi que l’incapacité des antagonistes RMO etes peptides à moduler la prise alimentaire chez la sourisn absence de NGI, confirment formellement le lien de cau-alité entre l’antagonisation des RMO par les oligopeptidest l’effet de satiété induit par les protéines alimentaires.

Une question intéressante a trait à la complexité de laéquence des événements qui permet aux protéines alimen-aires d’exercer au final leur effet de satiété. En effet,n certain nombre de facteurs connus, par exemple lesormones intestinales, libérées par l’intestin en réponseu repas, sont supposées moduler la consommation ali-

entaire en se liant directement à leurs récepteurs dans

’hypothalamus. Il s’agit de mécanismes de mise en placeapide. Dans le cas des protéines alimentaires, une série’événements initie d’abord le programme d’expressiones gènes de la néoglucogenèse dans l’intestin, par’intermédiaire d’un arc réflexe avec le cerveau. Cela estrogressif et se produit au cours de la période postpran-iale. Après cela, le glucose libéré peut induire son actionentrale via les mécanismes de détection portale du glu-ose [10,11]. Il s’agit d’un phénomène basé sur l’inductione gènes et qui peut donc perdurer après l’assimilation desliments. Cela est en accord avec le fait que l’alimentationrotéique diminue la faim à distance du repas précédent,e qui est la définition du phénomène appelé « satiété »28,29]. Cet effet peut se prolonger en termes de contrôlee la faim, c’est-à-dire que l’alimentation protéique dimi-ue la prise alimentaire sur le long terme, pendant plusieursours ou semaines [11,13,30]. Ainsi, des avantages existentn termes de réduction du poids corporel et de la masseu tissu adipeux [11,30]. Au contraire, les rongeurs traitésvant les repas avec la CCK (une hormone de rassasiement,ui est impliquée dans la terminaison des repas) ne réduisentas leur consommation alimentaire globale. En effet, ilsompensent la diminution de la taille des repas en augmen-ant le nombre de repas par jour [31].

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R

G. Mithieux

En conclusion, les RMO exprimés dans la zoneésentérique portale contrôlent un circuit neuronal

ntestin—cerveau de régulation de la NGI. Cette dernièreontrôle la prise alimentaire [11,13,14]. Jusqu’à présent,e rôle régulateur des RMO dans le contrôle de la priselimentaire avait été documenté dans le système nerveuxentral, par l’intermédiaire de leur implication dans lesircuits dits de « récompense » [32,33]. De plus, les pro-éines alimentaires initient leurs effets de satiété à travers’activité antagoniste �-opioïde de leurs résidus de diges-ion protéolytique, en agissant uniquement sur ce circuitrécédemment insoupconné de neurones intestin—cerveau.ait remarquable, divers antagonistes �-opioïdes adminis-rés par voie orale diminuent la faim chez les humains [17],algré le fait qu’ils n’atteignent pas le cerveau en rai-

on d’un métabolisme hépatique très actif [34]. En outre,’effet de satiété des protéines alimentaires concerne aussiien des espèces animales variées que les êtres humains11,28—30]. Le by-pass gastrique, une opération chirurgi-ale de plus en plus utilisée dans le traitement de l’obésitéorbide, induit une réduction dramatique de la sensation de

aim en quelques jours. Cela est vrai chez les souris obèses14] et chez les humains obèses (pour revue voir [35]). Alorsue la NGI s’est révélée essentielle dans la diminution de larise de nourriture après by-pass gastrique chez la souris14], une NGI a été observée dans des conditions post-bsorptives plusieurs jours après un by-pass gastrique chezes patients obèses non-diabétiques [36,37]. Il faut rappe-er ici que des fibres nerveuses RMO-positives sont présentesans la paroi des ramifications de la veine porte humainecf. ci-dessus). Ces données suggèrent que les mécanismesécouverts ici peuvent également avoir lieu chez l’homme.es nouvelles connaissances pourraient ainsi ouvrir la voie

des approches futures de traitement et/ou de préventiones maladies métaboliques.

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

emerciements

’auteur remercie les membres de son équipe, qui ontresque tous participé à des titres divers à l’acquisition dees résultats.

éférences

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