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Romagnas du Mont Davis

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Romagnas du Mont Davis

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KRIS T.L

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Romagnas du Mont Davis

Romagnas

Du Mont Davis

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KRIS T.L

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Romagnas du Mont Davis

KRIS.TL

Romagnas

Du Mont Davis

Tome 1

* roman *

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KRIS T.L

AVERTISSEMENTCeci est un roman.Ses personnages sont de pure invention.Lorsqu'il est fait allusion à des personnages, des organismes ou des manifestations ayant réellement existé, c'est simplement pour mieux intégrer l'action dans la réalité historique.

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes de l’article L.12265, 2è et 3è a, d’une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple ou d’illustration, «toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Copyrigth © 2011- KRIS-T.L All rights reserved.

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Romagnas du Mont Davis

À toi mon amour, mon mari,mon confident, mon ami,

à toi qui me permets d'accomplir tous mes rêves.

À toi Emilie, mon petit-ange.

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KRIS T.L

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Premier

— Mademoiselle, je vais vous demander de quitter mon

bureau.

— Pardon ?

— Je suis navré de constater qu'une aussi jeune et jolie jeune

femme que vous puisse s’adonner à de si viles pratiques.

— Mais !

— Je vous donne cinq minutes pour quitter les lieux, sinon

j'appelle la sécurité.

La sécurité ? Était-il complètement fou ? Que devais-je dire

pour qu'il me laisse le temps de m'expliquer ? J'étais abasourdie,

j'avais traversé les États-Unis afin de rencontrer cet homme,

certes je ne m'attendais pas à ce que l'on me déroule le tapis

rouge, mais quand même !

— Monsieur Cummings, j'ai vraiment besoin de vous.

Il se tenait debout devant moi, les poings serrés, la mâchoire

crispée, sa tignasse châtain-foncé hirsute. Ses magnifiques yeux

bleus, qui m'avaient tant séduite lorsque j'étais rentrée dans son

bureau, étaient à présent couleur encre, il respirait la colère. Il me

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Page 10: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L détaillait de la tête aux pieds, évaluant mes gestes, scrutant le

moindre de mes mouvements.

— Besoin de moi, c'est bien ça ? Très bien, dites-moi combien

voulez-vous ?

— Quoi ?

— Dites-moi votre prix et qu'on en finisse.

— Je ne suis pas ici pour votre argent, répondis-je avec

stupéfaction. Je gagne parfaitement bien ma vie.

— Que faites-vous ? m’interrogea-t-il tout à coup intéressé.

— Quoi ?

— Votre travail.

— Oh ! Gynécologue à El Paso.

— Vous venez du Texas ?

— Oui.

— Lesbienne ? demanda-t-il en arquant un sourcil.

— Non ! Mais pour qui vous vous prenez ? rétorquai-je

complètement choquée. Disait-il cela pour me déstabiliser ?

— Eh bien disons que j'ai une opinion très précise sur une

femme qui aime toucher une autre femme.

— Écoutez, je me fous de votre avis et je ne vois pas en quoi

le fait d'en savoir plus sur ma sexualité va vous aider ?

— Disons qu'en ce qui me concerne je n'ai qu'une seule

question.10

Page 11: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Très bien, posez là !

— Est-ce que vous et votre copine êtes libres ce soir ?

Moi et ma copine ?

J'étais là, stupéfaite devant cet homme acerbe, auto-suffisant,

dominant son monde, mais magnifiquement beau dans son

costume Hugo Boss et son sourire en coin.

Il n'avait apparemment pas besoin de mon aide, si ce n'est pour

réaliser un foutu fantasme. Je secouais la tête pour m'enlever les

images de lui, moi et Ally... «Non pas Ally». Pourquoi fallait-il

que je pense à ma coloc d'université ?

— Écoutez, si je suis là c'est parce que j'ai des informations

capitales sur votre sœur.

— Ma sœur ? Ma petite sœur Tess ?

Son ton devint mélodramatique, il posa sa main sur son cœur

comme s'il était en train de jouer une pièce de théâtre.

— Oh, laissez-moi deviner... Mmm... ajouta-t-il en faisant

semblant de réfléchir. Je suis sûr que vous l'avez vue se faire

enlever par des extra-terrestres ?

— Quoi ? Êtes-vous dingue ?

J'avais l'impression de me retrouver devant Cal Lightman dans

« Lie to me », toutefois, même si j'aimais cette série et ce

personnage, le fait d'avoir sa pâle imitation en face de moi n'était

pas une expérience des plus agréables.

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KRIS T.L — Avez-vous idée du nombre de personnes qui sont venues

nous voir dans ce bureau ces trois derniers mois ? Toutes ces

personnes ont juré qu'elles savaient où se trouvait ma sœur.

Il passa derrière son bureau présidentiel. L'alliance bois, verre

et cuir conférait à ce bureau une ligne à la fois classique et

moderne. Plaçant ses deux mains à plat, il se pencha en avant

pour mieux me destabiliser. Il en imposait et le faisait sciemment.

— Écoutez : la GRC est sur l'affaire, alors si vous avez

quelque chose à dire je vous conseille de rentrer en contact avec

eux et de demander l'officier Mc Logan.

— La GRC ?

— Gendarmerie Royale du Canada.

— Oh !

— En ce qui me concerne je n'ai plus rien à vous dire...

Enfin... à moins que ma proposition vous intéresse... Il releva un

sourcil et laissa sa phrase en suspens.

Wow ! Était-il réellement sérieux pour une nuit torride ? Lui,

moi, Ally ? Non !

— Non mais quel con ! marmonnai-je pour moi-même.

Parle pour toi, une nuit avec lui ne se refuse pas, hurlait ma

conscience.

J'avais trouvé quelques articles le concernant sur le net. Il était

décrit comme quelqu'un de brillant, intelligent, séduisant et

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Page 13: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davissurtout célibataire. Ils avaient toutefois oublié de mentionner :

con, prétentieux et buté.

— Pardon ? contournant le bureau, il vint se placer derrière

moi.

— Non rien, effectivement je crois qu'il vaut mieux que je me

débrouille toute seule, bafouillai-je alors que sa promiscuité me

perturbait.

— Dommage, chuchota-t-il d'une voix suave dans le creux de

mon oreille.

— Je ne suis pas venue ici pour ça, murmurai-je à bout de

souffle, comprenant très bien à quoi il faisait allusion.

— Très bien, dans ce cas je vous dis au revoir Miss O'Brian du

Texas.

Il planta ses dents dans sa lèvre inférieure, puis secouant la

tête de gauche à droite il fit demi-tour et s'en alla ouvrir la porte

de son bureau. Je restai plantée là au milieu de cette pièce, les

yeux fermés, le cœur battant, complètement déroutée.

— Vous avez changé d'avis ? murmura-t-il d'une voix rauque

voyant que je ne bougeais pas.

Je lui tournais le dos, mais malgré ça je pouvais sentir son

regard détailler chaque courbe de mon corps, c'était un regard

lourd, sans gêne, à la limite de l'indécence.

— Non ! dis-je dans un sursaut de lucidité.

— Alors dans ce cas Miss O'Brian, la sortie est par là.

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Page 14: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Il fit un geste de la main, me sommant de vider les lieux. À

quoi bon discuter, cet homme était certes d'une beauté à damner

un saint, mais il était aussi d'une arrogance à vous faire vomir.

Va au diable Cummings !

Alors que je passais le seuil de son bureau mes yeux se

posèrent sur la petite plaque métallique apposée sur sa porte.

Psychologue et analyste dans la morpho gestuelle et du non

verbal.

Spécialiste de mes fesses oui ! pensai-je en reniflant.

— Quelque chose à rajouter Miss O'Brian ?

Il me lança un regard peu amène, son ton avait changé, il était

dur et sans appel.

— Absolument... dis-je sur le point de lui expliquer le fond de

ma pensée. Mais au moment même où j'allais ouvrir la bouche, je

fus comme hypnotisée par la lueur de tristesse qui brillait dans

ses yeux. ...Rien, finis-je pas ajouter en baissant les miens.

Pas la peine de vous fatiguer, je connais le chemin.

J'étais en train d'attendre devant les portes closes de cette cage

d'ascenseur quand mes doigts s'attardèrent nerveusement sur le

pendentif que je portais autour du cou.

— Oh... le médaillon !

J'avais trouvé ce pendentif en or en forme de cœur, serti de

trois pierres précieuses accroché à son lit, elle devait l'avoir

perdu, aussi je l'avais récupéré afin de pouvoir le lui rendre. Sans

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Romagnas du Mont Davisrien dire je basculai mes cheveux sur le côté pour en détacher

plus aisément le fermoir.

En même temps que je rentrais dans la cabine et que j'appuyais

sur le bouton Parking visiteur, je tendis ma main vers lui.

— J'ai trouvé ce bijou, je crois qu'il lui appartient.

Instinctivement il avança sa main, mais lorsque nos doigts

rentrèrent en contact, je sentis comme une décharge et mon sang

se mit à pulser dangereusement vers mes tempes. Toutefois, avant

même que je n'ai eu le temps de rajouter un mot, les portes de

l'ascenseur se refermèrent sur moi.

— Comment avez-vous eu...? furent les seuls mots que

j'entendis avant que l'ascenseur ne m'emmène dans les

profondeurs de ce bâtiment qu'était le «Bay Adélaïde Center».

Une descente vertigineuse de deux cent dix-huit mètres en

quelques secondes seulement. Je pensai tout à coup à ce film

tourné ici même l'année dernière «Devil» de Shyamalan et cela

me fit frissonner d'effroi.

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KRIS T.L

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Deux

J'étais planté là comme un con devant cette cage métallique, la

main ouverte, tremblant de tout mon être, les yeux figés sur ce

pendentif. Était-ce seulement possible ? Est-ce que je devenais

fou ? Ce fut la voix de mon père qui me sortit de ma léthargie

alors qu'il se rapprochait de moi à grands pas.

— Grégory, je peux savoir ce qui t'arrive ? Grégory ? Greg,

tout le monde te regarde, dis-moi ce qu'il se passe.

En effet, des personnes assises dans la salle d'attente ainsi que

la standardiste du hall d'accueil, Mrs Cindy Adamson, me

dévisageaient. Il faut dire que je n'étais pas quelqu'un qui perdait

facilement le contrôle. Mais depuis la disparition de Tess, j'avais

réellement du mal à contenir mes émotions et je n'étais plus le

même.

J'avais l'impression de devenir fou.

Je levai les yeux, faisant un scan rapide de la pièce puis les

baissai de nouveau sur ma main avec le besoin viscéral de

vérifier si ce que je voyais était bien réel. Mon père se rapprocha

afin de voir ce qui me perturbait autant, il posa un rapide coup

d'œil sur ma main tendue et à son tour devint livide.

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Page 18: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Mon Dieu, comment est-ce possible ? murmura-t-il en se

maintenant d'une main au guéridon en fer forgé posé dans le hall

d'entrée.

Mon père, Alan Cummings était un homme bon, fort, grand,

tout le monde avait tendance à dire qu'on se ressemblait : le

même regard, des yeux bleus avec des reflets verts. Des cheveux

châtains parsemés de cheveux blancs mais toujours correctement

coiffés. Un bouc bien taillé. Il était doté d'un certain charme, du

sang Irlandais coulait dans nos veines et à cinquante et un ans il

était le deuxième célibataire le plus en vue de Toronto.

Il était apprécié de tous, ayant obtenu une reconnaissance au

cœur même de sa profession. Il était certainement l'un des

meilleurs Profiler sur tout le territoire canadien. Il avait créé son

agence de profilage et d'expertise comportementale et j'avais

rejoint son équipe dès la fin de mon cursus en psychologie à

l'université de Montréal. À vingt-sept ans, j'étais à présent l'un

des meilleurs analystes dans l'étude comportementale de la

morpho gestuelle et du non verbal.

En quelques mots : vous pouvez essayer de me mentir, mais

votre corps, lui, ne le fera pas et je serai là pour découvrir ce que

vous me cachez !

Cette nouvelle pratique avait un succès incontestable auprès

des agences de recrutement et des services de police.

Nous avions l'habitude de coopérer avec la Gendarmerie

Royale du Canada. Cette dernière nous avait informés que notre

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Page 19: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Daviscollaboration pourrait se montrer dangereuse. Avions-nous affaire

à une personne qui voulait se venger ? Mais dans ce cas-là

pourquoi s'en prendre à ma sœur ?

— Greg, que fais-tu avec ce médaillon ? murmura-t-il à bout

de souffle en se tenant la poitrine.

— Elle me l'a donné...

— Qui ? Qui t'a remis ce pendentif ? Greg, réponds-moi.

Il m'attrapa par le bras et me tira jusque dans son bureau afin

de nous mettre à l'abri de tous ces regards importuns.

Il était près de dix-sept heures et les lumières de la ville en ce

soir de décembre commençaient à briller sous nos pieds, nous

donnant l'impression de vivre au-dessus d'un tapis d'étoiles. Le

givre recouvrait les baies vitrées et la nuit était en train de

prendre possession de notre cité.

Le bureau de mon père situé au cinquantième étage était

spacieux. Le vieux bureau de ma mère trônait au milieu de cette

pièce, une bibliothèque incroyablement riche en bouquins

accaparait un pan de mur entier.

J'aimais venir ici, car même si cet immeuble était

d'architecture contemporaine mon père avait réussi à créer une

ambiance chaleureuse, rassurante et cela même pour moi.

J'avais cette sensation étrange qu'auprès de mon père rien ne

pouvait m'arriver.

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Page 20: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L J'aimais cet homme pour son dévouement, sa droiture, son

impartialité, sa générosité. Il avait fait de moi un homme, un

associé. C'était un père formidable qui, malgré les années

passées, difficiles et douloureuses, n'avait jamais baissé les bras

et nous avait élevés ma sœur et moi avec amour et respect.

— Qui est-ce ? demanda-t-il en fermant la porte derrière nous.

— Elle s'appelle Lisy O'Brian.

— Et ?

— Elle vient tout juste de quitter mon bureau, elle a traversé le

pays pour nous rencontrer.

— Et ?

— Je ne sais pas !

— Comment ça tu ne sais pas ?

Son front se plissa, intrigué.

— Je ne sais pas ! dis-je en passant mes mains sur mon visage.

Lorsqu'elle a commencé à parler je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai

littéralement pété un plomb et je lui ai demandé de partir sans

prendre la peine de l'écouter.

— Que t'a-t-elle dit pour que tu perdes le contrôle ? Pourquoi

avait-elle ce médaillon en sa possession et quel est le rapport

avec ta sœur ? Tu sais que dans cette affaire la GRC n'a pas

beaucoup d'éléments, déclara-t-il en posant sa main sur mon

épaule.

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Page 21: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJe savais que ce geste était fait pour m'apaiser et je réalisai

avec amertume que je venais de laisser filer la seule piste correcte

et sérieuse que nous avions eue depuis plus de trois mois.

— Comment était cette O'Brian ? demanda-t-il en se raclant la

gorge comme pour se donner une certaine contenance.

— Cheveux noirs, petite.

Enfin non pas si petite que ça, elle a de longues jambes,

pensai-je.

Eh bien pour quelqu'un en plein pétage de plombs je constatais

avoir pris le temps de la détailler et d'imprimer dans mon esprit

chaque courbe de son corps.

Elle était sexy, une petite poitrine qui semblait bien ferme sur

laquelle j'aurai bien aimé laisser courir mes doigts.

— Greg, dis m’en plus.

— Oui pa, euh je dirais un peu plus d'un mètre soixante, yeux

verts, cheveux mi- longs, noirs.

— Que faisait-elle avec ce pendentif ? Et quel lien peut-il

avoir avec ta sœur ?

— Je n'en sais rien. Les portes de l'ascenseur se sont refermées

peu après qu'elle me l'ait donné.

J'avais beau me poser la question, cela n'avait aucun sens, pas

maintenant, pas dix-sept ans après.

— Non mais qui est cette femme ? D’où vient-elle, bordel ?

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Page 22: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Mon père n'avait pas pour habitude de jurer et en cet instant je

pouvais lire toute la frustration sur son visage.

— Elle vient d'El Paso et m'a dit être gynéco.

— Gynécologue ? C'est comme ça qu'elle a rencontré ta

sœur ?

— Je n'en sais rien.

— Comment ça ? Tu ne lui as pas demandé ? Mais Greg, pour

une fois que nous avions une piste sérieuse, tu avais quoi dans la

tête ?

J'avais quoi dans la tête, je me le demande encore. Cela faisait

plus de trois mois que ma vie était en stand-by. Plus de trois mois

que j'avais l'impression de vivre une expérience extra corporelle,

mon corps, mon esprit et mon âme totalement dissociés l'un de

l'autre. Plus de trois mois que ma moitié n'était plus à mes côtés.

Plus de trois mois que je passais mes jours et mes nuits à écouter

les élucubrations de personnes complètement illuminées.

Plus de trois mois, plus de quatre-vingt-dix jours, plus de deux

mille cent soixante heures à me dire qu'une minute passée était

une minute de perdue à jamais. Je n'en pouvais plus de cette

situation. Alors, oui comme le disait mon père, je venais de

merder en beauté.

Qu'est-ce qui m'avait pris d'envoyer promener cette jeune

femme. Je n'avais rien décelé dans son comportement ni dans sa

gestuelle qui puisse me faire penser qu'elle n'était pas sincère

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Page 23: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisenvers moi. Bien au contraire, chaque item observé avait révélé

une personne honnête et perdue.

Oui, perdue ? Mais pourquoi ?

Peut-être parce que tu t'es comporté comme un pauvre nase,

pervers, ne pensant qu'à une seule chose, la mettre dans ton lit,

pensai-je en secouant la tête.

Mais je savais, je savais au fond de moi, que ce qui m'avait

effrayé chez cette femme était l'espoir, l'espoir d'avoir enfin des

réponses mais aussi la peur de connaître la vérité et d'être

confronté à quelque chose que je ne pourrais surmonter.

L'idée que quelqu'un ait pu faire du mal à ma petite sœur

m'était insupportable, alors, plutôt que d'écouter O'Brian et de

faire face à mon pire cauchemar, j'avais préféré rester dans

l'ignorance.

Levant les yeux vers mon père, je pouvais voir toute sa

détresse et son incompréhension. Il était là, abattu, les épaules

affaissées, se pinçant l'arête du nez.

— Bien, tout n'est pas perdu. Tu as son nom, son travail,

l'endroit où elle vit. Je vais appeler Matthew pour lui dire que

nous avons une piste et voir avec lui si la GRC a des

renseignements sur cette femme. Toi, en attendant, tu files à

l'aéroport et tu consultes tous les vols en partance pour le Texas,

on a peut-être une chance de lui mettre la main dessus avant

qu'elle ne quitte le territoire.

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Page 24: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Ok ! Lui remettre la main dessus, humm... rien qu'à ces mots

mon esprit pervers reprit le contrôle en pensant à ses longues

jambes dans ces bottes en cuir marron, à ses fesses bien moulées

dans cette robe col roulé en laine grise.

— Greg, reprends-toi s'il te plaît et surtout ne lui fais pas peur.

— J'y vais et ne t'en fais pas je n'ai pas l'intention de lui faire

peur.

Mon père releva un sourcil et me lança un regard plein de

reproches.

— Greg, oublie, veux-tu ! Ne joue pas au con, ce n'est pas le

moment.

— Oui pa !

Mon père me connaissait mieux que personne, il savait que

j'étais sensible aux charmes des belles et jolies jeunes femmes et

n'étant pas engagé personnellement, j'avais tendance à en profiter.

Le plus souvent cela n'était que l'histoire d'une nuit et cela me

convenait parfaitement. Toutefois, depuis la disparition de Tess je

n'avais plus eu de relation avec qui que ce soit et pour tout avouer

je n'en avais éprouvé ni l'envie ni le besoin, jusqu'à ce soir.

C'est en faisant ce constat et en imaginant ses longues et fines

jambes encerclées autour de ma taille que je quittai le bureau de

mon père afin de me rendre à l'aéroport international Lester B.

Pearson de Toronto.

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Page 25: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre trois

Je venais d'arriver dans ce fichu aéroport. En moins de 24

heures je me retrouvais à errer de nouveau à l'intérieur de ce

grand hall avec son plafond en demi-cercle et ses poutrelles

métalliques.

J'étais complètement retournée, l'estomac en vrac. Qu'est-ce

qui avait bien pu foirer ? J'aurais dû insister. J'avais fait tous ces

kilomètres pour rien. Mon Dieu, que devais-je faire maintenant ?

Appeler ce Logan du GRC ou bien rentrer ?

Dans quelle histoire tu t'es fourrée, Lisy ? Et puis ce

Cummings, pourquoi n'a-t-il pas pris la peine de t'écouter? hurla

ma conscience.

Mon Jiminy cricket était en marche et ne voulait plus me

lâcher.

Mon père, alors que je n'avais que six ans, m'avait emmenée

voir Pinocchio au cinéma. Il m'avait juré à l'époque que tout le

monde avait un petit criquet sur son épaule, une petite voix, une

bonne conscience qu'il fallait absolument écouter pour faire les

bons choix. Il avait toutefois oublié de me prévenir que cette

petite voix pouvait aussi nous pourrir la vie.

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Page 26: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Il était près de dix-huit heures et je n'avais nullement

l'intention de rester ici une minute de plus. Il fallait que je

retourne à El Paso et que je me débrouille toute seule. Le souci

était que je ne savais pas par où commencer, ni où la chercher.

Il y avait énormément de monde dans le terminal,

apparemment quelques clients mécontents râlaient à cause de leur

vol annulé.

Je m'approchai de quelques pas et levai les yeux vers les

panneaux d'affichage : départ en partance pour le Texas annulé.

La barbe ! Ce n’était vraiment pas ma journée, ni même ma

semaine, pensai-je alors qu'une boule me serrait la gorge.

Me faufilant entre les voyageurs je m'avançais près du guichet.

Un jeune homme d'une vingtaine d'années regardait attentivement

l'écran de son ordinateur.

— Bonsoir, excusez-moi de vous déranger mais j'aurais besoin

de rentrer au Texas au plus vite.

Il leva ses magnifiques yeux bleus vers moi. Bleus comme

ceux de Cummings.

Quel crétin celui-là !

Je n'étais pas venue ici pour me faire rabrouer comme une

malpropre. Devais-je laisser tomber ou bien retourner le voir et

l'obliger à m'écouter ?

J'étais complètement perdue dans mes pensées quand

j'entendis le jeune homme en face de moi toussoter.

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Page 27: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Je suis désolé, mais en raison de la météo nous sommes

dans l'obligation de clouer les avions au sol.

Oh !

— Je vous conseille de prendre une chambre d'hôtel. Nous en

saurons plus demain matin. Il reste des chambres disponibles au

Méridien King Edward, si vous le souhaitez.

Décidément même les éléments se déchaînaient contre moi. Il

est vrai qu'il faisait un temps de chien. Une bruine verglaçante

avait fait son apparition dès que j'avais quitté le bureau de

Cummings. Et le trajet en taxi s'était montré quelque peu

périlleux.

— N'y a-t-il pas un autre moyen de regagner El Paso ? Ne

pourrais-je pas louer une voiture ?

— Toutes les compagnies de location ont été prises d'assaut,

un énorme carambolage a eu lieu sur l'autoroute Queens

Elizabeth, près de Niagara Falls à cause des intempéries. Je vous

conseille d'aller vous reposer et de revenir demain matin.

— Très bien, je vois que je n'ai pas d'autre choix, répondis-je

quelque peu déçue. Vous pouvez me dire où se trouve l'hôtel ?

— Lorsque vous sortirez du terminal, veuillez suivre le

panneau : centre Golden Horseshoe. Vous verrez, l'hôtel se trouve

dans ce quartier.

— Oh, ce sera parfait, je vous remercie.

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Page 28: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L L'hôtel se situait justement près des bureaux de Cummings.

Peut-être était-ce là un signe ! Devais-je saisir l'occasion pour

retourner le voir et trouver un moyen de le convaincre ?

Tu peux toujours coucher avec lui ? me dit ma petite voix

intérieure. Vous aurez tout le temps de discuter après.

Ahahahah ! Très drôle Jiminy ! Mon dieu je devenais

complètement folle.

Pas de souci, il est psy, il sera ravi de s'occuper de toi.

La ferme !

— Bonne soirée Mademoiselle, me dit le jeune homme en me

faisant un sourire des plus éclatants.

— Merci, à demain, répondis-je confuse, lui faisant un signe

de la main.

Je partis en direction de la station de tramway qui se trouvait à

l'extérieur du bâtiment. La navette grise métallisée et rouge qui

faisait le trajet entre l'aéroport et le centre de Toronto était

complètement assiégée par une horde de touristes mécontents.

Je décidais de prendre mon temps et d'attendre le prochain

départ. Après tout je n'étais plus dans l'urgence et l'idée d'être

entassée et bousculée ne m'enchantait guère.

Je retournai au cœur même de l'aéroport afin de me mettre à

l'abri. Il faisait effroyablement froid et l'humidité pénétrait

chaque fibre de mon corps.

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Page 29: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisQuelle idée d'avoir mis une robe et des bottes ! Qui comptais-

je impressionner habillée de la sorte, j'étais bien plus à l'aise avec

mon bon vieux jean et mes santiags.

Il fallait absolument que je trouve un moyen de me réchauffer,

aussi je décidais de me rendre au Blenz Coffee le plus proche

pour consommer ma drogue journalière. Un délicieux Matcha

Latte : de la poudre de thé vert japonais fouetté avec du lait de

soja sucré à la vanille.

Mon seul péché mignon dans ce bas monde.

Les feuilles de Matcha, connues pour leurs vertus apaisantes

étaient censées apporter clarté mentale et énergie à celui qui en

consomme et là sincèrement, j'avais vraiment besoin de remettre

les idées en place.

Je flânais tranquillement avec ma tasse fumante à la main.

Profitant de ce petit moment de répit, je rêvassais devant les

vitrines de luxe de la galerie Duty Free lorsque mes yeux furent

attirés par une très jolie bague.

Vingt mille dollars ? Mais qui pouvait se permettre une telle

folie ! Dans les camps de clandestins que mon oncle aidait, ce

petit caillou aurait pu nourrir une cinquantaine de familles

pendant plus de deux ans.

Dans quel monde vivons-nous ? murmurai-je en secouant la

tête.

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Page 30: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L La silhouette familière d'une personne que j'avais quittée il y a

moins d'une heure se refléta dans la vitrine : un mètre quatre-

vingt, les cheveux en bataille, un costume noir coupé à la

perfection. Il était en pleine discussion avec le jeune homme qui

m'avait renseignée dès mon arrivée à l'aéroport.

Serais-tu en train de me chercher Cummings ?soufflai-je en le

voyant me décrire.

Petite de taille, ok ! Petits seins. Hey, mes seins ne sont pas si

petits ! pensai-je en imitant son geste.

Il montra du doigt les cheveux de la jeune femme qui se tenait

derrière lui. Celle-ci n'appréciant pas sa familiarité se mit à lui

crier dessus. Il s'excusa en levant les mains puis reprit ses

explications comme si de rien n'était.

Allez, bouge Lisy, il est temps d'aller le voir.

Pour lui dire quoi ?

Hey salut, alors ça, quelle coïncidence. J'étais justement sur

le point de retourner à votre bureau pour vous botter les fesses et

vous obliger à m'écouter. Ah ! Et je tiens à vous dire que mes

seins ne sont pas petits ...

Prenant une profonde inspiration, je tendis l'oreille tout en

marchant prudemment dans sa direction.

— Ah oui la jolie brunette avec de beaux yeux verts qui

souhaitait se rendre à El Paso, répondit le jeune homme.

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Page 31: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Pour tout vous dire ce ne sont pas ses yeux que j'ai

regardés, ajouta Cummings en lui faisant un clin d'œil.

— Oui, je comprends ! Je lui ai indiqué le Méridien King

Edward, Monsieur.

— Excellent choix.

— Bonne soirée, monsieur.

— Je l'espère, ajouta Cummings en lui tendant un pourboire.

— Avec plaisir Monsieur, dit le steward en baissant les yeux

sur le billet qu'il tenait dans les mains. Wow.... Merci… merci

beaucoup monsieur, bégaya-t-il.

Cummings le salua d'un geste de la main en reculant de

quelques pas.

Bon dieu....cent dollars ! Il vient de lui donner cent dollars,

cria Jiminy.

Décidément nous ne vivions pas dans le même monde.

Choquée, je préférai partir.

J'allais passer les portes du terminal quand je l'entendis

scander mon nom. Je pressai un peu plus le pas, tirant ma valise

pour monter dans le tram qui venait tout juste d'arriver.

Je le vis courir en faisant de grands gestes dans ma direction.

Il s'arrêta net lorsque la navette se mit en marche. Son regard

s'ancra au mien et à travers la vitre je lui fis un petit sourire pincé

accompagné d'un petit signe de la main, ce qui sembla l'énerver

fortement.

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Page 32: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Oh ! Apparemment Cummings n'aimait pas être contrarié et ne

supportait pas la frustration. Je n'avais pas besoin d'avoir fait des

études en psychologie ni d'être analyse en morpho gestuelle pour

m'en rendre compte.

Tu as su venir jusqu'ici pour me trouver, tu sauras bien te

rendre jusqu'à mon hôtel, pensai-je.

Hôtel = Lit. Lit = mode à l'horizontal avec Cummings, me

souffla Jiminy.

Ce n'était peut-être pas une si bonne idée après tout !

Le voyage ne dura pas plus de trente minutes. Le tramway fit

au total six arrêts pour déposer quelques personnes, qui, comme

moi, devaient se trouver un hôtel pour la nuit.

Je descendis en traînant derrière moi ma petite valise à

roulettes. Même si je ne pensais pas m'attarder dans les environs,

j'avais tout de même prévu quelques affaires de rechange et

apparemment j'avais plutôt bien fait.

Arrivée devant le Méridien King Edward, je restais

complètement bouche bée devant les lieux.

C'était un hôtel de haut standing et je n'avais pas les moyens

de m'offrir un tel luxe. Je n'étais qu'une simple gynécologue

travaillant dans un petit cabinet de la banlieue d'El Paso.

Même si je n'étais pas à plaindre, je n'avais pas trois cents

dollars à jeter par la fenêtre pour une nuit improvisée dans un

hôtel. Certes il était splendide, un modèle de charme canadien

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Page 33: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisavec une tonnelle de ton bleu roi qui donnait sur un tapis rouge à

l'entrée. Les décorations de Noël déjà installées conféraient à ce

lieu un côté irréel et enchanté.

Je restais là, la bouche légèrement entrouverte, mon souffle

chaud contrastant avec l'air ambiant renvoyait de la buée tout

autour de moi.

Je ne pouvais décidément pas rester dans ce froid glacial, il

devait faire dans les moins quinze degrés. Je me tapotais les bras

pour me réchauffer, regardant ma montre je vis qu'il était déjà

dix-neuf heures trente.

La barbe !

À présent, non seulement il fallait que je me trouve un endroit

pour dormir, mais aussi un lieu pour me restaurer.

Remontant le col de mon duffle coat rouge, je décidai de

rebrousser chemin et de repartir en direction de la station de

tramway.

Au pire je pourrai toujours dormir dans le terminal.

J'étais sur le point de me baisser pour récupérer la poignée de

ma valise quand deux mains se posèrent sur mes hanches.

Mon cœur s'affola avant que je ne découvre qui osait un geste

si familier envers moi.

Mon cœur ne se calma pas pour autant lorsque mon regard se

retrouva happé par le bleu métallique de ses yeux.

— De nouveau indécise ? me demanda-t-il.

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Page 34: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Son souffle chaud caressa mon oreille et me fit frissonner. Il

resserra son emprise et me colla un peu plus contre lui, le nez

dans mes cheveux il inspira fortement avant de se reculer.

Wow !

Je restais chancelante, les yeux fermés sur le bord de ce

trottoir.

— Allez venez, vous aller attraper froid, dit-il, et avant même

que je ne puisse réagir il attrapa ma main et finit par me conduire

à l'intérieur de l'hôtel.

— Non, dis-je brusquement en retirant ma main.

— Je comprends que vous puissiez m'en vouloir, mon attitude

envers vous est impardonnable, mais je crois qu'il faut que nous

parlions, non ?

— Non... enfin... si... mais non, répondis-je confuse.

— Hey ? il pencha la tête sur le côté et me regarda amusé.

— Non ! Je suis désolée mais je n'ai pas les moyens de

m'offrir un tel luxe, dis-je en relevant le nez vers l'hôtel. Je vais

me trouver autre chose.

— Je me disais bien !

Il se mit à rire franchement, mais voyant le regard peu avenant

que je lui lançais, il se ressaisit aussitôt.

Gougeât, pour ne pas dire petit con.

— Ce qui veut dire ?

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Page 35: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisMon amour propre était quelque peu piqué à vif.

— Mmm, excusez mon impolitesse, je n'aurais pas dû.

Pas dû ? Ouais effectivement !

Prise par je ne sais quelle folie, je saisis la poignée ma valise

et d'un pas décidé je marchai en direction du groom qui m'ouvrit

les portes du Méridien King Edward.

Mais qu'est-ce que tu fous Lisy, fais demi-tour ! pensai-je alors

que mon cœur était sur le point de sortir de ma poitrine.

J'hésitai et m'arrêtai un instant avant de l'entendre rire à

nouveau.

— Je vais lui en faire voir des : « je me disais bien »

marmonnai-je furieuse. Ça veut dire quoi d'abord, que je ne suis

pas assez bien pour ce genre d'endroit ? Pauvre nase !

— Jolie valise ! ajouta-t-il en avançant de quelques pas, riant à

gorge déployée.

Quoi, qu'est-ce qu'elle a ma valise ?

— Oh !

Effectivement dans ma précipitation pour venir à Toronto

j'avais pris ma petite valise rose bonbon. Le seul truc fille que

j'avais en ma possession.

Je devais lui paraître ridicule, mais après tout qui s'en

souciait ! Relevant le nez, d'un pas décidé, je m'approchai de

l'entrée.

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Page 36: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Le groom de l'hôtel me salua et me regarda quelques secondes,

certainement surpris par mon indécision ne sachant pas

réellement si oui ou non il devait maintenir la porte ouverte.

Ça va te coûter un bras Lisy......

La ferme Jiminy, tu me déconcentres.

Oh non je ne veux pas voir ça ! me cria ma conscience.

Me retrouvant dans le hall du Méridien King Edward, je

fermai les yeux comme si le fait de les fermer pouvait annuler la

bêtise monumentale que je m'apprêtais à commettre.

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Page 37: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Quatre

Lorsque je les ouvris enfin, j'eus l'impression que mon cœur

allait cessé de battre. Je me mis à haleter tant la magnificence des

lieux me tournait la tête.

Oh la vache, j'étais réellement dans la mouise !

J'étais sur le point de faire demi-tour quand je vis Cummings

rentrer à son tour. Il fut salué par le majordome comme s'il était

un familier des lieux.

Bon allez Lisy plus que quelques pas et tu sauras combien va

te coûter ta stupidité. J'espère que tu te rends compte de combien

tu es ridicule, tu es venue ici pour aider Teresa, et au lieu de ça

tu vas te ruiner.

Prenant une profonde inspiration, je décidais de me rendre

jusqu'à la réception. Des colonnes en marbre rose encerclaient

cette immense salle, des tapis bleu-roi en couvraient le sol et des

canapés de la même couleur étaient disposés de façon à créer une

atmosphère Belle Epoque.

Un sapin de Noël majestueux trônait au milieu de cette salle,

c'était féerique.

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Page 38: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Une jeune femme se tenait derrière le comptoir, blonde, la

quarantaine, cheveux tirés en arrière dans un chignon strict,

tailleur bleu marine, elle leva son regard vers moi et m'adressa un

sourire commercial, mais on sourire s'illumina lorsqu’elle

remarqua la personne qui se tenait derrière moi.

Wow ! J’imagine que j'avais dû faire la même tête lorsqu'il

m'avait ouvert la porte de son bureau.

C'était effrayant, elle avait les yeux pétillants, sa langue

frétillante faisait des allers retours sur ses lèvres rouge sang.

Herk !

Toutefois, je la vis blêmir au moment même où je sentis le

corps de Cummings se presser contre le mien. Une sensation de

chaleur envahit mon corps causant un certain engourdissement de

mes membres inférieurs. Il posa de nouveau ses mains sur mes

hanches pour me stabiliser.

— Monsieur Cummings.

Elle s'adressa à lui en baissant les yeux comme dans un signe

de dévotion.

— Bonjour Myranda.

—Voici la clé de votre suite monsieur, chuchota-t-elle en lui

tendant la clé du bout des doigts.

Je restais bouche bée, ne sachant comment me comporter, je

fis volteface, me retrouvant le nez collé contre son torse,

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Page 39: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisj’inspirai à pleins poumons la fragrance de son parfum qui me fit

perdre littéralement les pédales.

Boisé, avec des notes de citron, de bois de gaïac, de cacao, de

cèdre, de poivre de Sichuan et de vétiver.

Il allait devenir sans aucun doute l’un de mes parfums

préférés.

Il baissa les yeux sur moi, surpris.

— Ne me dites pas que je viens de dire ça à haute voix ?

demandai-je en rougissant fortement.

Il hocha la tête et me fit un sourire en coin.

— J'ai... j'ai comment dire, un odorat très développé, balbutiai-

je en rougissant encore plus.

La réceptionniste lança une œillade à Cummings et celui-ci la

remercia en retour en lui faisant son plus beau sourire.

— Mais vous n'en avez pas marre ? lui demandai-je en me

dégageant exaspérée par son attitude.

— Pardon ? Je ne vois pas où est le problème.

— Mais vous êtes là à vous vendre tout sourire. Brrr, vous êtes

effrayant !

— Me vendre tout sourire ? Mademoiselle O'Brian ne serait-

elle pas un tantinet jalouse, par hasard ? rit-il.

— Quoi ?

Euh, non pas du tout, enfin... non !

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Page 40: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Oui : jalouse, fière, butée, ça vous dit quelque chose ?

— Oh ! Certainement pas, mais merci pour l'analyse.

Toutefois, ne vous attendez pas à ce que je vous règle des

honoraires.

— Ne vous inquiétez pas, pour vous ce sera gratuit. Bien

venez, je vais vous montrer notre chambre. Se saisissant de ma

valise, il commença à se diriger vers l'ascenseur.

— Je ne peux pas faire ça !

— Écoutez, c'est vous qui êtes venue jusqu'ici pour me voir.

Alors, suivez-moi. Vous allez pouvoir vous mettre à l'aise et

pendant ce temps je vais nous commander à manger. Son ton était

quelque peu autoritaire, ce qui me fit gémir.

— Non, dis-je une nouvelle fois.

— Je peux savoir quel est votre problème ?

— Je ne monterai pas dans une chambre avec vous. Je ne suis

pas venue ici pour ça, fis-je en lui lançant un regard qui se voulait

direct et froid.

— Pardonnez-moi. Je crois que vous vous méprenez sur mon

compte. Il n'est pas question qu'il se passe quoi que ce soit entre

nous. Et alors que je saisissais le sens de ces mots, une pointe de

déception me serra les entrailles. Je dormirai sur le canapé,

ajouta-t-il pour être sûr que j'avais bien compris le message.

— Oh, très bien. Dans ce cas.

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Page 41: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJe ne sais pas s'il perçut mon changement d'humeur, mais il fit

comme si de rien n'était et c'est sans mot dire que je le suivis dans

cet ascenseur ou comme tout bon gentleman qui se respecte, il me

fit passer la première. Je me collai contre la paroi, puis baissant la

tête j'attendis qu'il rentre à son tour.

— Pour une fois les portes ne se referment pas sur moi, ricana-

t-il en appuyant sur le bouton du deuxième étage.

Je hochai timidement la tête en comprenant à quoi il faisait

allusion.

Une fois arrivés sur le palier, nous longeâmes un grand couloir

feutré, une moquette épaisse dans les tons crème havane et

blanche amortissait nos pas. Mes mains étaient de plus en plus

moites au fur et à mesure que nous nous approchions de cette

chambre.

— Comment se fait-il que vous ayez une chambre dans ce

magnifique hôtel ?

— Oh pas d'inquiétude, je viens ici pour le travail.

— Pardon ?

— C'est une habitude chez vous ?

— De quoi ? demandai-je surprise, ne sachant pas où il voulait

en venir.

— De dire pardon à tout bout de champ.

— Oh ! Oui désolée.

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Page 42: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Pardon. Désolée. Vous n'avez pas à l'être. Je vous taquine.

En fait le directeur de cet hôtel est un client de notre agence. Il a

mis une pièce à ma disposition afin que je puisse venir le voir

quand lui ou ses clients ont besoin de mes services.

— Oh et vous ne vous en servez qu'à titre professionnel ?

Oups !

— Miss O'Brian, vous me semblez bien curieuse tout à coup.

L'idée que j'aie pu faire certaines choses dans cette chambre vous

gênerait-elle ?

Nan ne pars pas dans cette direction Lisy ! me cria ma

conscience, alors que je virais cramoisie.

— Non, non absolument pas, dis-je en triturant les boutons de

mon manteau.

— Vous en êtes sûre ?

— Écoutez, je n'ai pas envie d'être analysée d'accord et je n'ai

nullement envie de savoir ce que vous avez fait dans cette

chambre. Je suis venue pour vous parler de Teresa.

— Teresa ?

Il s'arrêta net devant la porte de la chambre puis se tourna vers

moi en arquant un sourcil.

—Votre sœur, enfin je veux dire Tess, bégayai-je sous son

regard insistant.

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Page 43: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisIl inséra la clé dans la serrure avant d'ouvrir la porte. Il se

montra une nouvelle fois galant et me laissa passer.

Je fis quelques pas à l'intérieur de la pièce et avant même

d’avoir compris ce qu'il m'arrivait, il me coinça face contre mur,

son torse collé dans mon dos, sa main posée à la base de mon

cou.

Je poussai un cri de surprise en capturant sa main dans la

mienne.

— Qui êtes-vous ?

— Pardon ?

— Qui êtes-vous ?

Il prononça ces mots un peu plus fort, écrasant son corps

contre le mien.

— Je vous ai déjà dit qui j’étais, assénai-je en déglutissant de

le sentir si près.

Prenant sa main dans la mienne, je fis une rotation de son

pouce. La douleur occasionnée lui fit lâcher son emprise et avant

qu'il ne puisse réagir je le basculai en arrière, le bloquant au sol.

— Lisy O'Brian, gynéco à El Paso au Texas.

— Vous êtes sûre ?

— Sûre de quoi ?

— D'être gynéco ? Vous avez plus les manières d'un flic.

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Page 44: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Je suis la fille d'un Border Patrol et j'ai pris des cours de

self défense l'année dernière.

— Vous pouvez me lâcher, je crois que vous avez le dessus,

ajouta-t-il en suffoquant.

— J'ai toujours le dessus, répondis-je du tac au tac.

Voyant les yeux de Cummings s'élargir, je réalisai le double

sens de mes mots, mais ma conscience complètement subjuguée

par ses beaux yeux bleus ne sourcilla pas d'un cil.

Je relâchais la pression, mais en un dixième de seconde, il

retourna la situation en sa faveur, me basculant en arrière, je me

retrouvai à mon tour coincée sous son corps fort et musclé.

—Vous disiez ?

Il accentua la pression en faisant un mouvement de bassin et la

friction de nos deux corps imbriqués l'un dans l'autre me fit

gémir.

— Je suis venue ici pour votre sœur, répondis-je haletante.

— Qui me dit que c'est la vérité ?

L'électricité entre nous était palpable, j'avais du mal à respirer.

J'étais surprise par sa question, mais en effet, qui lui prouvait mes

intentions.

—Vous pouvez tout aussi bien être la personne qui la détient

prisonnière. Que voulez-vous ? Pourquoi ne pas nous avoir

appelés afin de nous prévenir que vous l'aviez retrouvée.

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Page 45: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Je ne pouvais pas, murmurai-je incapable d'en dire plus.

Comme je vous l'ai dit je suis gynéco et la semaine dernière j'ai

rencontré votre sœur.

— Va falloir vous expliquer, Miss O'Brian.

— Je suis là pour ça, monsieur Cummings, dis-je avec

sincérité.

Il me regarda droit dans les yeux, s'attardant quelques instants

comme s'il essayait de déceler en moi une quelconque faille, mais

je ne mentais pas et après quelques secondes qui me semblèrent

durer une éternité, il me relâcha.

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Page 46: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L

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Page 47: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Cinq

— Pour commencer je crois que nous sommes assez proches

et que je pourrais vous appeler Lisy, non ? demanda-t-il d’un ton

assuré, me tendant la main pour m'aider à me relever.

— Euh, oui enfin si vous le souhaitez. À présent face à lui, le

cœur battant, les mains moites, la bouche sèche, les cheveux

complètement décoiffés, j'inspirai un bon coup en levant les

yeux.

— Et vous, vous pourriez m'appeler Greg ? Son regard était

insistant.

— Oui, très bien, Grégory, ça me va, dis-je en me noyant dans

ses magnifiques yeux bleus.

Me faisant un sourire en coin il hocha la tête de gauche à

droite et je crus entendre un “c’est pas gagné” sortir de sa

bouche.

— Vous dites ?

— Non rien... rien, tout d'abord j'aimerais savoir comment va

ma sœur ?

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Page 48: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Sa voix se brisa, son front se plissa, pour la première fois, je

voyais de l'inquiétude à travers ses traits. Et le fait de le voir

baisser les armes le rendit à mes yeux plus humain et cela me

rassura.

— Eh bien... la dernière fois que je l'ai vue, elle allait bien.

— Et le bébé ?

— Oh vous voulez dire les bébés, au stéthoscope j'ai entendu

deux petits cœurs battre. Leurs constantes étaient bonnes,

toutefois, je n'avais pas toutes les informations et de ce fait je n'ai

malheureusement pas pu calculer les semaines d'aménorrhée.

Il souffla un bon coup comme si un poids lui était retiré de la

poitrine.

— Elle va bien, répéta-t-il dans un souffle comme pour s'en

convaincre lui-même. Elle va rentrer dans son huitième mois,

enfin je crois !

— Oh !

— C'est quoi ce oh ! Il y a un problème ?

— Lorsque je l'ai vu la semaine dernière, elle avait des

contractions, et avec des jumeaux il faut s'attendre à ce qu'elle

accouche prématurément.

— Des jumeaux, comme nous, murmura-t-il perdu dans ses

pensées.

— Vous êtes jumeaux ? répétai-je à mon tour en basculant la

tête sur le côté.

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Page 49: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisIl hocha la tête pour affirmer mais ne dit rien de plus tant

l'émotion qui l'étreignait était forte. Émue, je me raclais la gorge

afin de lui expliquer les circonstances qui m'avaient poussée à

rencontrer sa sœur.

— Mon oncle est médecin et vit avec sa femme Lisbeth à

Lajitas du côté US au Texas. Ils font partie «Des fantômes de

Terlingua», ils apportent leur aide aux migrants qui tentent de

passer la frontière clandestinement. Ils fournissent des points

d'eau dans le désert de Chihuahua et parfois, lorsque l'état de

santé des clandestins le nécessite, ils apportent soins et

médicaments.

— Mais c'est illégal ? s'insurgea-t-il.

Ok ! J’avais à faire à ce genre de type qui vit dans sa tour

d'ivoire et qui ne voit pas qu'en bas des gens crèvent encore la

bouche ouverte en rêvant de leur Eldorado.

— Effectivement, dis-je en retroussant mon nez.

J'espérais qu'il ne me fasse pas de leçon patriotique. J'étais

américaine par mon père, mais mes grands-parents maternels

étaient d'honnêtes mexicains.

Mon grand-père avait fait partie du programme Bracero, mis

en place en 1942, c'était un accord entre les États-Unis et le

Mexique qui permettait à des ouvriers mexicains de venir

travailler aux États-Unis pour pallier à la pénurie de main-

d'œuvre, notamment dans les travaux agricoles.

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Page 50: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Ma mère était venue au monde à Lajitas au Texas en 1962,

c'est là qu'elle avait grandi et rencontré mon père.

Mais il ne dit rien, hochant simplement la tête pour me

demander de poursuivre.

— C'est Lisbeth, la compagne de mon oncle qui est venue me

chercher, je n'ai pas l'habitude d'intervenir sur le terrain, mon

oncle s'y est toujours opposé par respect pour mes parents,

affirmai-je sans pour autant m'appesantir. Lisbeth se faisait

beaucoup de souci pour votre sœur, celle-ci avait des contractions

et de la fièvre, elle voulait que je la rejoigne, car mon oncle était

en mission à Polvosur, sur une autre plateforme qui accueille des

clandestins.

— Mais que faisait ma sœur avec des clandestins ? Je pouvais

voir l'incompréhension naître dans son regard.

— Ça, je ne sais pas. Lorsque je suis arrivée, elle était en plein

délire.

Elle n'arrêtait pas de dire : Greg, dites à Greg, lui seul

comprendra... m'a promis de revenir rien que pour moi. Cette

phrase vous dit peut-être quelque chose ?

À ces mots, je le vis blêmir, mais il ne daigna pas répondre,

préférant changer de sujet.

— Pourquoi l'avez-vous appelé Teresa ?

— C'est ce qu'il y avait d'écrit sur le journal de soins : Teresa

Rodriguez.

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Page 51: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Le journal ?

— Oui, mon oncle et Lisbeth ont pour habitude de tenir un

petit journal. Nous savons que ces personnes ne nous donnent pas

toujours leur vrai nom, ce petit journal nous permet de nous

souvenir d'eux et des soins que nous leur avons prodigués.

— Oh ! Et comment avez-vous fait le rapprochement dans ce

cas-là avec ma sœur Tess Cummings ?

— En fait, je l'ai appris par hasard. Je ne regarde que très

rarement la télévision et je n'ai pas pour habitude de m'attarder

sur les infos. Mais ce soir-là, alors que j'étais sur mon ordi, j'ai

reçu un mail. Vous savez ces chaînes qui circulent de contact en

contact. C'était une de ces alertes ; édition spéciale enlèvement.

Je ne l'ai pas reconnue de suite, elle a beaucoup changé vous

savez.

Sourcils froncés, il me laissa continuer le regard éteint.

— Quand je suis retournée la voir le lendemain pour

l'ausculter, j'ai vu qu'elle avait une cicatrice sur son avant-bras

droit. C'est à ce moment-là que j'ai fait le rapprochement avec la

fiche signalétique de mon mail.

— La cicatrice, murmura-t-il en fermant les yeux, comme si ce

souvenir lui était douloureux.

— Vous êtes allée lui parler ? Que vous a-t-elle dit ?

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Page 52: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Elle était épuisée, les contractions l'avaient beaucoup

fatiguée, le temps que j'aide mon oncle à s'occuper d'autres

personnes en difficulté, elle s'était endormie.

— Ok !

Il semblait déçu et ma crainte augmenta, sachant très bien que

les nouvelles n'étaient pas si réjouissantes que ça.

— Vous savez, nous avons à faire à des personnes terrorisées.

— Terrorisées, dites-vous ! Savez-vous ce que c'est au moins

que d'être terrorisé ?

Bon ! Cela n'allait pas être si simple. Il était tendu comme un

arc et je pouvais sentir la douleur dans le son de sa voix.

—Je comprends ce que vous ressentez, soufflai-je d'une voix

chevrotante. Alors ce n'est pas la peine d'élever la ton avec moi.

— Je suis désolé.

Sa voix se brisa et par pudeur je continuais à parler pour éviter

d'affronter sa peine.

— Je comprends. Dans tous les cas lorsque je suis rentrée à la

maison, j'ai fait des recherches sur le net et j'ai trouvé une photo

de vous et de Tess, c'est comme ça que j'ai su que c'était bien elle.

— Et qu'avez-vous fait ? demanda-t-il impatient de connaître

la suite.

— J'ai appelé mon oncle.

— Et ?

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Page 53: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisSon front se plissa. Tendu, je pouvais voir à son regard qu'il

était sensible à chacune de mes expressions.

— Comme je vous l'ai dit ces gens sont terrorisés, il nous a

fallu du temps pour créer un climat de confiance. Mon oncle n'a

pas souhaité prévenir les autorités... enfin, je sais à présent que

c’était une erreur.

— Pourquoi dites-vous ça ? Que s'est-il passé ?

En moins d'une nanoseconde il se posta devant moi, les mains

sur mes épaules.

— Je n'ai plus de nouvelles.

— QUOI ? Mais où sont-ils ? demanda-t-il en me secouant.

— Arrêtez !criai-je d'une voix forte qui stoppa immédiatement

son geste. J'ai essayé de le joindre sur son portable, mais

n'obtenant pas de réponse, je suis retournée tant bien que mal

dans cette ferme désaffectée. Le problème c’est que lorsque je

suis arrivée sur les lieux, il n'y avait plus personne.

— Ce n'est pas possible, c'est un véritable cauchemar. Où se

situe cette putain de ferme ?

— Près de Terlingua, une petite ville fantôme du Parc national

de Big Bend

— Ok ! Je vais devoir passer des coups de fil. Putain j'en

reviens pas d'être bloqué ici à cause de ce temps POURRI !

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Page 54: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Sa main s'éleva dans les airs et d'un coup de colère il envoya

valdinguer le vase qui était posé sur la commode, celui-ci se brisa

en percutant le sol.

— Je suis désolée, soufflai-je.

— Désolée, vraiment ? Si vous aviez prévenu la police, ma

sœur serait ici avec nous ce soir, ajouta-t-il avec dédain, les yeux

remplis de larmes.

Une boule se forma dans ma gorge. J'étais consciente de tout

cela et je savais qu'il avait raison, mais la situation était

réellement complexe et mon oncle m'avait fait promettre de ne

pas faire intervenir les Border patrol.

Lisy O'Brian tu es dans une merde noire.

— Je crois qu'il serait plus sage pour vous de me laisser seul

quelques instants. Vous avez besoin de vous détendre. Relevant le

menton, il me pointa la porte de la salle de bains.

Oh ! Etait-ce une manière élégante de me congédier ?

— Au cas où vous l'auriez oublié, je suis venue ici de mon

plein gré, dis-je en appuyant sur chaque mot. Et il n'est pas

question que je vous serve de défouloir.

— J'aimerais savoir une chose O'Brian. Vous m'avez bien dit

être la fille d'un Border Patrol ? Pourquoi ne pas l'avoir prévenu,

il aurait pu faire quelque chose, non ?

— Mon père est mort, murmurai-je.

— Oh ! Je ...

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Page 55: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Il est mort quand j'avais neuf ans, le sujet est clos.

Je baissai les yeux pour mieux ravaler mes larmes, puis,

tournant la poignée de la salle de bains, je me réfugiai à

l'intérieur.

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Page 56: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L

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Page 57: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Six

Cela faisait plus d'une demi-heure que j'étais sous cette

cascade d'eau chaude. Chaque gouttelette qui ruisselait sur ma

peau avait un effet thérapeutique et bienfaisant. Je me détendais

peu à peu en essayant de prendre du recul afin de réfléchir à la

situation. La douleur que j'avais vue dans ses yeux m'avait

littéralement chamboulée et j'avais pleuré plus de dix minutes,

adossée à cette porte avant de me déshabiller et de me glisser

sous la douche.

Je ressentais de la culpabilité et j'étais morte d'inquiétude, que

ce soit pour Tess, mon oncle ou bien sa femme.

Que s'est-il passé pour que vous preniez ainsi la fuite ?

Pourquoi ne pas m'avoir avertie que quelque chose n'allait

pas ?

Plus je réfléchissais, plus je trouvais cela bizarre, plus mon

angoisse augmentait, plus elle me broyait les entrailles. Quelque

chose ne tournait définitivement pas rond.

Cela ne pouvait pas être une descente de Border Patrol car si

cela avait été le cas ils auraient retrouvé Tess et les Cummings en

auraient été avertis.

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Page 58: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L L’histoire du massacre de l'État de Tamaulipas1, au nord-est

du Mexique du 25 août dernier me revint en tête. Le récit du seul

survivant faisait froid dans le dos. Soixante-douze hommes et

femmes, candidats à l’immigration en provenance d’Amérique

centrale, victimes des trafiquants de drogue, avaient été faits

prisonniers dans un ranch à une centaine de kilomètres au sud de

la frontière du Texas.

Ils n’avaient pu payer la rançon qu’on leur demandait et

avaient été exécutés. Les assassins s'étaient enfuis à bord de 4 x 4

après un échange de tirs avec les Border Patrol. Les corps de

cinquante-huit hommes et de quatorze femmes avaient été

retrouvés entassés dans une pièce comme de vulgaires

marchandises de contrebande abandonnées à la hâte.

Non, Cummings n'avait vraiment pas l'air de se rendre compte

de la situation.

Tess était enceinte de près de huit mois et si j'en croyais les

dernières contractions, l'accouchement n'allait pas tarder.

— Bon dieu, mais où êtes-vous ? murmurai-je en m'adossant

au lavabo.

Mon reflet dans le miroir me renvoyait une image de moi peu

amène. Cernée, exténuée, excédée, j'avais vraiment une sale tête.

Ne pouvant me retenir plus longtemps, je collai devant ma

bouche la serviette afin de crier un bon coup.

1 Courrier International Hebdo n°1036

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Page 59: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Hey, tout va bien là-dedans ? demanda Greg en

tambourinant à la porte.

— Oui, dis-je en reniflant. Deux minutes.

Inspire, expire ma fille, tout va s'arranger, pensai-je en prenant

la serviette pour me sécher énergiquement les cheveux. Tout va

bien se passer, Lisy ! répétai-je afin de me donner le courage dont

j'avais besoin pour faire face à Cummings.

Inspirant fortement j'attrapai un drap de bain pour m'enrouler

dedans.

*

Gregory était là debout devant moi. Je déglutis en le sentant si

proche. Me détaillant avec insistance, je sentis son regard

descendre le long de mon corps.

Une gouttelette tomba d'une de mes mèches de cheveux et

glissa le long de mon cou avant de venir s'échouer dans le creux

de mes seins.

Son regard en suivit le parcours et mon cœur commença à

tambouriner dangereusement, lorsque je vis sa langue passer sur

sa lèvre inférieure.

Trop près, bien trop près.

L'atmosphère était chargée en électricité et je restai là,

complètement envoûtée par ses yeux noircis de désir.

Non ne réfléchis pas, non ! hurla ma conscience, en voyant ce

petit v se former entre les sourcils. Mais contre tout espoir, il

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Page 60: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L tourna les talons et se dirigea vers la table de chevet. Prenant le

téléphone de l'hôtel, il composa le numéro du standard.

— Serait-il possible d'avoir deux plats du jour dans la chambre

deux cent dix-sept, s'il vous plait ?

Je restais bouche bée devant tant d'assurance.

—Merci. Ah, j'oubliais, mettez-nous une bouteille de

Casanova di Neri Brunello di Montalcino Tenuta Nuova de 2001.

— Oh, en plus d'être beau gosse, monsieur parle italien et s'y

connait en vin, marmonnai-je pour moi-même en reprenant une

respiration normale.

— Pardon ?

— Euh ! Je hochai la tête de droite à gauche. Non rien, dis-je

en rougissant.

— Vous devriez passer un peignoir, murmura-t-il d'une voix

rauque en se baissant pour ramasser les morceaux du vase brisé

au sol.

— Oh oui, excusez-moi.

— Dans l'armoire de la salle de bains.

— Quoi donc ?

— Les peignoirs ! insista-t-il troublé.

— Oh oui pardon, j'y vais, finis-je par dire en pointant de mon

index la porte.

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Page 61: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisPressant le pas, je partis en direction de la salle de bains, j'étais

quelque peu confuse par la tension et l'excitation qui

bouillonnaient dans mes veines.

— Wow, bravo Lisy ! On peut dire que tu sais te tenir !

marmonnai-je, retirant la serviette que j'avais autour de mon

corps pour la placer de nouveau devant ma bouche.

La vapeur s'était quelque peu évaporée, mes yeux n'étant plus

brouillés par les larmes, je pouvais voir combien cette salle d'eau

était incroyablement belle, grande et lumineuse. Dans le fond de

la pièce une baignoire aux formes intemporelles avec des pieds

en pattes de lion, polie directement dans la fonte, lui donnant un

aspect extérieur brillant et moderne.

En face se trouvait la douche dans laquelle je m'étais réfugiée

tout à l'heure. Deux personnes pouvaient se tenir à l'intérieur et

mon esprit perverti partit aussitôt à la dérive en m'imaginant moi

et Cummings dans cette cabine.

Reprends-toi Lisy, ce n'est pas le moment de fantasmer sur lui.

Saisissant le peignoir qui se trouvait accroché à la patère en fer

forgé, je m'enveloppai dedans. Il était doux, moelleux et frais,

avec une légère odeur de fleur d'oranger. Cette sensation divine

sur ma peau fit remonter en moi le souvenir de mon père qui

m'enroulait dans une grosse serviette et me frictionnait à la sortie

de mon bain dans notre maison de vacances.

L'eau y était toujours froide, sortant directement du puits, mon

père la faisait réchauffer dans une grosse marmite.

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Page 62: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Je gardais de mon père son côté bon vivant, aimant les bonnes

choses, le bon vin.

Certes, il n'avait jamais eu les moyens de s'offrir une bouteille

hors de prix comme venait de le faire Cummings, mais avec mon

oncle, ils s'étaient achetés quelques acres de terres sur le Mont

Davis et tous les week-ends nous allions jouer aux viticulteurs.

C'était un endroit paisible, une petite maison en bois, certes, ce

n'était pas un palace comme cette chambre d'hôtel car le confort y

était précaire, mais pour moi du haut de mes neuf ans, elle avait

représenté la plus belle maison au monde.

On y trouvait des sols arables entre trois cent et mille deux

cent mètres, les hivers étaient froids et les nuits au printemps

étaient fraîches, les températures variaient de 30° la journée à

- 35° la nuit. C'était un climat sec où les précipitations annuelles

ne dépassaient guère quinze à dix-huit centimètres, mais c'était

aussi un terroir favorable à la culture du raisin vinifère et nous y

avions trouvé là notre bonheur.

Mon père avait pour habitude tous les soirs de faire un feu de

bois avec les sarments de vigne. S'improvisant grand chef

gastronomique, il nous faisait cuire les meilleures grillades du

Texas.

Alors que j'entrai dans la pièce, mon ventre se mit à

gargouiller. Greg se retourna et me toisa quelques secondes avant

de murmurer quelque chose à son interlocuteur.

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Page 63: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisAbsorbée dans mes pensée, je n'avais même pas fait attention

qu'il était au téléphone.

Je haussai les épaules en m'excusant, puis resserrant les pans

de mon peignoir, je partis m'asseoir sur le canapé qui trônait en

face du lit.

La chambre était spacieuse, avec un salon dans le coin de la

pièce, un plasma se trouvait à l'intérieur d'un meuble en noyer. La

tapisserie, dans les tons crème et bordeaux était assortie aux

tentures ainsi qu’au couvre-lit. Les draps en percale étaient

rehaussés d'un parement en broderie anglaise. Le charme et

l’élégance d’antan était sans aucun doute les maîtres mots de cet

hôtel qui offrait à ses clients un refuge à la fois sophistiqué et

intime, loin du stress de la ville.

Malgré tout ce confort et ce luxe qui aurait pu en ravir plus

d'une, je ne me sentais pas à ma place.

La perte de mon père résonnait encore en moi et malgré ces

dix-sept ans passés, mon cœur saignait toujours.

Comment faire face aux collègues de mon père qui lui avaient

tourné le dos ? Comment leur pardonner ?

En l’espace d'une nuit j'avais tout perdu, mon père, mes

repères, ma vie.

Préférant partir vivre à El Paso chez ma tante Maria. Je m'étais

appuyée sur elle pour pouvoir grandir. À dix-sept ans, reçue à

l'University of Texas Medical Branch de Galveston, j'avais suivi

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Page 64: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L mon cursus universitaire pour devenir gynécologue. Totalement

investie, la tête bien ancrée sur les épaules, j'avais terminé mon

cursus avec deux ans d'avance.

— Room service.

Ce sont trois petits tocs à la porte de la chambre qui me

sortirent de mes réflexions.

Greg raccrocha son téléphone et partit ouvrir la porte. Mon

ventre, quant à lui, me rappela à l'ordre dès que je vis le chariot

rentrer dans la pièce.

Le groom nous salua puis dressa la table en un temps record, il

déposa sur la table du salon deux cloches en argent sans oublier

la petite rose rouge dans un vase en cristal ciselé.

Nous devions passer pour un couple s'offrant un petit week-

end en amoureux, sauf que nous étions à mille lieues d'être un

couple passant un agréable moment dans un hôtel somptueux de

Toronto.

Grégory raccompagna le groom et lui tendit un billet. Je

roulais des yeux en imaginant un billet de cent dollars dans la

main de ce jeune garçon.

Lorsque la porte fut fermée, Greg vint tirer la chaise qui se

trouvait devant moi.

Wow !

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Page 65: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisDécidément il pouvait se montrer charmant et cette attention

me fit rougir. Inspirant fortement je m'assis sans rien dire en

attendant qu'il engage la conversation.

Mais rien !

Relevant nos cloches en même temps, nous découvrîmes

ensemble notre plat de résistance. C'était du magret de canard

avec une sauce aux fruits rouges, servi avec du gratin dauphinois.

Prenant à l'aide de ma fourchette une petite bouchée, je la portai à

ma bouche. Les saveurs de miel sauvage, de vinaigre et des

myrtilles éclatèrent contre mon palais.

— Hmm... Je ne pus retenir un gémissement de satisfaction.

Le gratin était savoureux et fondant, c'était délicieusement

orgasmique.

Les yeux de Greg s'élargirent, il bougea, mal à l'aise sur sa

chaise, puis se raclant la gorge, il prit une bouchée à son tour.

— Humm, ajouta-t-il, alors que j'osai un regard vers lui en me

mordillant la lèvre.

— Ça fait du bien, dis-je avant d'engloutir une deuxième

bouchée.

— J'ai l'impression que vous n'avez rien mangé depuis une

semaine, s'amusa-t-il en s'essuyant les lèvres avec sa serviette

d'un blanc immaculé.

Il était bon de le voir plaisanter, l'atmosphère était redescendue

d'un cran et c'était agréable.

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Page 66: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Je n'ai rien pris de consistant depuis hier soir, enfin si je ne

compte pas le mini sandwich qu'ils nous ont servi dans l'avion.

Il attrapa la carafe de vin en cristal. Le sommelier de l'hôtel

l'avait déjà préparé pour le faire décanter.

Il s'en servit un verre, puis le porta à son nez, il le flaira par

deux fois pour en apprécier les arômes puis imprima un

mouvement giratoire de la main pour accroître l'oxygénation et

l'évaporation dans son verre.

— Je suis désolé de m'être emporté tout à l'heure. Je ne suis

pas quelqu'un d'impulsif d’habitude

— C'est oublié, dis-je en souriant timidement.

— Est-ce que cela te gêne si l'on se tutoie ? demanda-t-il en

arquant un sourcil.

— Non, pas du tout, pour tout vous... enfin... te dire... je serai

plus à l'aise, dis-je en roulant des yeux.

— Bien. Je veux tout d'abord que tu saches que je ne t'en veux

pas.

Je hochai la tête en jouant nerveusement avec ma fourchette.

Ok ! Il ne m'en voulait pas ! Tant mieux ! Après tout j'étais

dans la même galère que lui : mon oncle et Lisbeth étaient eux

aussi portés disparus.

— J'ai appelé mon père pendant que tu étais sous la douche. Il

tenait à te remercier personnellement d'être venue jusqu'à nous.

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Page 67: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Oh ! Merci, bredouillai-je.

— Il tient à t'affirmer que nous mettrons tout en œuvre pour

retrouver ta famille. Il nous rejoindra demain matin avec Mc

Logan.

— Merci.

—Toutefois, il est surpris que tu n'aies pas prévenu les Border

Patrol ?

Il bascula sa tête, évaluant une nouvelle fois mes réactions.

Hésitante, je me raclai la gorge ne sachant pas si je pouvais

réellement lui faire confiance.

Mon père Tom O'Brian trente-deux ans, US Border patrol de

profession était tombé lors d'une fusillade avec des trafiquants

sur les rives du Rio Grande. On avait retrouvé son corps meurtri

et sans vie dans l'eau avec une balle logée en plein cœur. Une

patrouille avait découvert son corps au petit matin avec une

certaine quantité de drogue sur lui. Ils en avaient vite déduit qu'il

était complice des narcotrafiquants.

J'avais beau n'être qu'une enfant, je savais que tout ceci n'était

qu'une mascarade. Quelqu'un avait couvert un méfait en

assassinant mon père, lui faisant ainsi porter le chapeau.

À cette époque je n'avais pas hésité à refaire le portrait de

camarades d'école qui avaient osé traiter mon père de « mule au

dos mouillé ». « Mule » étant le nom donné aux personnes qui

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Page 68: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L transportent de la drogue et « dos mouillé » étant le surnom

donné aux clandestins qui traversent le Rio Grande.

J'aurai dû être confiée à mon oncle Enrique mais sa compagne

Lisbeth se comportait étrangement, n'arrivant pas à avoir

d'enfant, elle pleurait souvent et durant le séjour que j'avais passé

chez eux suite au décès de mon père, elle s'était montrée quelque

peu envahissante, voire étouffante.

Le juge m'avait alors demandé avec quels parents je souhaitais

vivre, mais en raison de son attitude qui me mettait à mal, j'avais

préféré rejoindre ma tante Maria, la sœur de ma mère, à El Paso.

Grégory me regardait intensément, voyant que je n'étais pas

prête à en dire plus, il me tendit un verre de vin.

— Je peux te poser une autre question ? demanda-t-il

soucieux.

— Oui bien sûr, dis-je en secouant la tête pour me reconnecter

avec la réalité.

— Le médaillon, où l'as-tu trouvé ?

— Je l'ai trouvé à Terlingua. Elle a dû le perdre en se levant,

car il était accroché à une tige en fer qui dépassait du lit de camp.

J'ai supposé qu'il était à elle.

Un silence pesant s'installa entre nous, il semblait perdu dans

ses pensées.

Pourquoi cet air si mystérieux tout à coup ?

— Je me suis trompée ?

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Page 69: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Non, non. Il nous appartient bien.

Une odeur de réglisse s'échappa de mon verre, sa robe rubis

était d'un noir profond. Le nez assez concentré sur des touches de

fruit noir, de mûre, de prune et de réglisse.

Le portant à mes lèvres pour en boire une petite gorgée, j'en

savourai toutes les saveurs, le tanin était superbe et fin. L'acidité

donnait une certaine vigueur à ce vin qui restait relativement

massif en bouche.

Les yeux de Grégory s'élargirent et je vis sa mâchoire quelque

peu s'affaisser.

— J'ai recommencé n'est-ce pas ? J'ai refait la même chose

que tout à l'heure dans le hall avec ton parfum, demandai-je alors

que je sentais la chaleur se répandre sur mes joues.

Il hocha la tête en mordant sa lèvre inférieure et cela me fit

gémir encore plus.

— Je ne sais pas pourquoi, mais dès que mon odorat se met en

marche, j'ai des flashs, je sens réellement les odeurs, je les vis et

me mets à les décrire à haute voix. C'est vraiment gênant, dis-je

en cachant mon visage entre mes mains.

— Non, ce n'est pas gênant, tu es juste surprenante, murmura-

t-il en relâchant sa lèvre.

J'avalais difficilement, la tension entre nous deux était de

nouveau palpable. Inspirant profondément, je décidai de passer

aux choses sérieuses.

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Page 70: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Advienne que pourra, pria Jiminy, en sachant très bien ce que

j'allais dire.

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Page 71: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Sept

Je m'apprêtais à prendre la parole, quand mon téléphone

portable se mit à sonner.

— Merde, mon sac, où est mon sac ? criai-je en me levant d'un

bond bousculant et renversant mon verre par la même occasion.

Greg montra du doigt mon sac qui se trouvait sur le fauteuil de

l'entrée.

— Désolée! marmonnai-je en voyant qu'il épongeait du vin sur

sa chemise blanche.

— C'est rien.

Saisissant mon sac, je le vidai sans ménagement sur le lit.

— Allo, Lisbeth ? criai-je en portant l'appareil à mon oreille.

Greg leva les yeux vers moi.

— Lisy ? C'est toi ?

Sa voix me semblait lointaine, quelque peu hachurée,

essoufflée.

— Oui, Lisbeth.

J'étais tellement soulagée de l'entendre.

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Page 72: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Vivants, ils étaient vivants. Un sentiment d'euphorie traversa

mon corps, mais celui-ci retomba aussi sec quand j'entendis

l'inquiétude qui suintait dans sa voix.

— Où es-tu ?

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

— Je ne sais plus quoi faire Lisy. J'ai appelé Tante Maria à la

maison, elle m'a dit que tu étais partie.

— Je suis à Toronto Lisbeth, mais vous, où êtes-vous ? Et que

s'est-il passé ?

— Mais que fais-tu à Toronto ? me coupa-t-elle sans prendre

la peine de répondre.

Grégory qui se tenait à côté de moi cherchait à capturer mon

regard pour trouver des réponses.

— C'est une longue histoire, je te raconterai, mais toi, dis-

moi, que s'est-il passé ? Je vous ai cherchés partout, n'ayant plus

de nouvelles d’Enrique je suis retournée à la ferme, mais vous n'y

étiez plus. Pourquoi êtes-vous partis ?

— Je ne sais pas, je ne sais plus. Lisy, pourquoi es-tu à

Toronto ? cria-t-elle.

— Hey, calme-toi d'accord. Qu'est-ce qui l'énervait tant dans le

fait que je sois à Toronto ?

— Il faut que tu rentres Lisy, Teresa a des contractions et je ne

sais pas quoi faire.

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Page 73: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisInquiétée par ces propos, je lançai un regard vers Greg.

— Écoute-moi, les vols sont annulés jusqu'à demain à cause

du mauvais temps.

— Quoi ? Non ! Ce n'est pas possible.

La panique était en train de s'emparer d'elle. Il fallait que je

trouve un moyen de capter son esprit. Il n'était pas question

qu'elle me fasse une crise d'angoisse maintenant.

— Les contractions sont espacées de combien ? demandai-je

calmement afin de la recentrer sur ce qu'elle savait faire de

mieux.

Lisbeth était une infirmière consciencieuse et même si nous ne

nous entendions pas vraiment dans la vie courante, travailler avec

elle ne m'avait jamais réellement posé de problème. C'était une

personne dévouée, appréciée par ses patients et c'est ce qui

m'importait le plus.

— Je ne sais pas... je... dirai toutes les demi-heures. Elle

semblait confuse, perdue, quelque chose de grave avait dû se

passer pour la désorienter autant.

— Ok ... OK ! Calme-toi, dis-moi où vous êtes ? Il y a de la

friture sur la ligne et j'ai du mal à t'entendre.

— Pu... ain d... té... ph... ne, marmonna-t-elle d'une voix

désincarnée.

..........

— Lisbeth, réponds-moi ! criai-je complètement paniquée.

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Page 74: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Greg posa ses mains sur mes épaules, son geste me surprit

autant qu’il m'électrisa, j'inspirai en fermant les yeux afin de

mieux contrôler les battements de mon cœur.

— Pourquoi es-tu à Toronto ? souffla-t-elle au bout de

quelques secondes.

— J'avais besoin de vérifier certaines choses au sujet de Tess,

tentai-je de la rassurer.

— Tess ?

—Oui en réalité, Teresa s'appelle Tess Cummings.

— Oh ! Je vois...

Un silence pesant s'installa à l'autre bout du fil.

— Dis-moi où vous êtes, s'il te plait !

— Je ne sais pas, murmura-t-elle.

— Quoi ? Comment ça tu ne sais pas ? Tu ne sais pas où tu

te trouves ? Vous êtes retenues quelque part ?

— Je ne sais pas si je peux te faire confiance, Lisy.

— Mais bien sûr que tu peux me faire confiance. C'était quoi

ce nouveau délire ? Sa paranoïa, son besoin d'être rassurée, cette

manière de mettre la pression à tout bout de champ me rendaient

folle. J'avais déjà du mal à supporter ses crises en temps normal,

mais là, sérieusement, ce n’était vraiment pas le moment qu'elle

me gonfle.

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Page 75: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Oncle Enrique est avec toi ? Passe le moi s'il te plait,

demandai-je en inspirant un bon coup afin de me calmer.

Grégory comprenant que quelque chose n'allait pas se

positionna sur le côté et me regarda avec insistance. Intrigué, sa

main droite vint se loger dans le bas de mon dos et ce geste

m'apporta le soutien qui me manquait.

Il était rassurant, il était là et c'est tout ce dont j'avais besoin

actuellement.

— Je ne peux pas Lisy. Il faut que tu rentres... juste que tu

rentres, chuchota-t-elle en pleurnichant.

— Demain Lisbeth, je te le promets. Pour Tess, il faut que tu

la masses, positionne-là en chien de fusil pour soulager son dos et

fais-la respirer calmement.

— Tu crois peut-être que je n'ai pas essayé toutes tes recettes

de grand-mère, Lisy ? se moqua-t-elle d'une voix dure et

cassante. Et puis arrête de l'appeler Tess, elle s'appelle Teresa tu

m'entends.

— Lisbeth...ne raccroche pas, criai-je dans le combiné.

— Je te rappellerai demain matin. Débrouille-toi comme tu

veux, mais rentre !

— Non, ne raccroche pas, passe-moi mon oncle s'il te plait.

Le regard de Greg reflétait certainement ma propre inquiétude.

— Ton oncle ? ajouta-t-elle d'un rire cynique qui me glaça le

sang.

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KRIS T.L — Calme-toi s'il te plait, je vais rentrer, je te promets de

rentrer aussi vite que je peux, mais dis-moi d'abord où est mon

oncle, Lisbeth ?

— Il... je... il est mort Lisy. Ton oncle est mort.

Elle répéta ces mots d'une voix que je ne lui connaissais pas.

— Quoi ? QUOI ? Non, non ce n'est pas possible, Lisbeth dis-

moi que ce n'est pas vrai...

Une boule se coinça dans ma gorge, avaler me devint

douloureux. La sensation de perdre pied me saisit et un voile noir

passa devant mes yeux.

Greg m'attrapa dans ses bras et avant que je ne tombe sur le

sol et me posa délicatement sur le lit. Saisissant le téléphone de

mes mains, il se mit à parler dans le combiné.

— Lisbeth vous êtes toujours là ?

..........

— Je suis Gregory Cummings, le frère de Tess.

..........

— Ne criez pas, Lisbeth. Calmez-vous. Dites-moi où vous

êtes, on va venir vous chercher.

..........

— Lisbeth, Lisbeth répondez-moi je vous en prie, comment va

ma sœur ? Lisbeth.

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Page 77: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisLa panique que j'entendis dans le son de sa voix me fit relever

les yeux remplis de larmes vers lui.

— Merde ! cria-t-il en jetant mon téléphone sur le lit. Elle a

raccroché, hurla-t-il en passant une main dans ses cheveux.

Putain, mais c'est quoi son problème à cette folle ?

J'étais complètement prostrée, choquée.

Mon oncle est mort... mort... mort ... Ce mot faisait écho dans

ma tête, encore et encore et j'étais sur le point de tomber dans un

abîme sans fond.

Sans savoir d'où elle venait, je sentis une main s'abattre

violemment sur ma joue et elle eut pour effet de me ramener à la

vie.

— Excuse-moi pour ça, ajouta-t-il en se baissant devant moi.

J'étais là, pantelante, sur le bord du lit, les yeux hagards,

complètement vidée. Le cerveau hors d'usage, il m'était

impossible d'entendre, ni de comprendre ce qu'il me disait.

C'était étrange, j'avais l'impression que tout mon corps était

engourdi, comme si la souffrance ressentie avait fait sauter un

fusible dans ma tête pour mieux me protéger.

— Lisy, parle-moi s'il te plait. Lisy regarde-moi, sa voix était

douce. Lisy je suis désolé pour ton oncle, mais dis-moi, dis-moi

ce que t'a dit ta tante ?

— Elle n'est pas ma tante, répondis-je en élevant la voix.

Il me regarda surpris.

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KRIS T.L — Oh ! Pardon. Je croyais que ton oncle et Lisbeth étaient

ensemble, j'ai dû mal comprendre.

— Non, ils le sont, mais je ne l'ai jamais considérée comme-t-

elle, elle n'a jamais voulu l'épouser de toute manière, me justifiai-

je.

Je ne savais même pas pourquoi je lui disais cela.

Techniquement elle était la femme qui partageait la vie de mon

oncle depuis plus de vingt ans et j'aurais pu la considérer comme

telle, mais depuis ma plus tendre enfance son côté complètement

intrusif et psychotique m'avait empêchée de créer un lien avec

elle. Elle était Lisbeth, un point c'est tout !

Je le sentis souffler, comme soulagé de me retrouver.

— Ne me fais plus jamais peur comme ça, O'Brian du Texas !

Il me fit un sourire, mais celui-ci n'illumina pas ses yeux.

— Mon oncle est mort, sanglotai-je.

Il hocha la tête et sans rien dire il se leva pour m'attirer dans

ses bras.

Je me laissais faire, sa douceur me surprit et fit tomber le

rempart que je m'étais construit durant toutes ces années. Et je me

mis à pleurer encore et encore, inondant ainsi sa chemise.

Je m'accrochais à lui comme à une bouée de sauvetage. J'étais

perdue au milieu d'un océan de pleurs, suffocant presque tant la

douleur me comprimait la poitrine.

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Page 79: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisMon oncle était mort. Mon père était mort. Ma mère était

morte. La douleur que je ressentais au fond de moi était

écrasante, la souffrance était telle que je n'arrivais plus à faire

face.

Il resta là et me serra un peu plus fort dans ses bras puissants,

me maintenant contre son corps chaud. Embrassant de temps en

temps mon front et mes tempes, me chuchotant des mots doux à

l'oreille pour que je me calme.

Je pouvais sentir ses mains posées sur ma taille, son souffle

dans mon cou. J'avais l'impression d'être dans un nuage de coton,

un endroit où plus rien ne pourrait me blesser.

— Chutttt, calme-toi.

Il me berça doucement, se balançant d'un pied sur l'autre et

continua jusqu'à ce que je relève les yeux vers lui.

— Je veux rentrer chez moi.

— Très bien, je vais appeler mon père et Matthew pour leur

dire que nous partons.

Il caressa ma joue et la chaleur de ses doigts me fit gémir.

— Matthew ?

— Matthew Mc Logan, agent de la GRC, mais aussi le fiancé

de ma sœur, mon futur beau-frère, mon meilleur ami.

— Oh, oui bien-sûr.

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Page 80: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L J'avais vu son nom sur internet, mais je n'avais pas fait le

rapprochement avec Tess. Pourtant il était évident que Tess n'était

pas tombée enceinte par l'action du saint esprit.

— Elle n'est pas l'immaculée conception, marmonnai-je pour

moi-même.

Pourquoi n'avais-je pas pris la peine de vérifier si elle avait un

mari. J'aurais pu directement aller le voir, lui.

Tu aurais pu, mais avoue que ça aurait été dommage de ne

pas rencontrer Cummings.

— Immaculée conception, hein ? murmura Greg dans un

haussement de sourcils.

Et merde, j'avais encore parlé à voix haute.

— Eh bien, je peux t'assurer que pour les avoir entendus cette

nuit-là, elle n'est pas tombée enceinte en le regardant dans le

blanc des yeux.

Il fit une grimace qui me fit lâcher un petit rire sans joie.

Il se rapprocha une nouvelle fois de moi pour essuyer une

larme qui roulait sur ma joue.

— Bien, je crois que ma sœur n'apprécierait pas que je raconte

ses exploits nocturnes, aussi je te propose d'aller t'habiller

pendant que je rappelle mon père. Ensuite, let's go to the Texas !

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Page 81: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Huit

Le téléphone sonna dans le vide deux ou trois fois avant que

mon père ne daigne répondre.

Allez papa décroche !

J'étais complètement sur les nerfs, l'adrénaline courait dans

mes veines. L'idée que ma sœur puisse être en danger me bouffait

littéralement.

— Allo.

— Papa, c'est moi.

— J'allais justement t'appeler, je suis avec Matt, nous étions en

train de faire des recherches sur ta Lisy O'Brian.

— Et ? demandai-je d'une voix enrouée en bloquant sur les

derniers mots de mon père. Ma Lisy O'Brian.

— Elle est bien gynéco à El Paso. Elle est née à Lajitas le 4

avril 1985 et vit avec sa tante Maria Banavero depuis que son

père a été tué dans une fusillade.

— Une fusillade ?

— Oui. Son corps sans vie a été retrouvé sur les rives du Rio

Grande.

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Page 82: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Merde

— Elle n'avait que neuf ans à l'époque.

—Oui, je sais elle m'a dit que son père était mort alors qu'elle

n'était qu'une enfant.

— Elle t'en a parlé ?

— Ouais, enfin elle n'est pas rentrée dans les détails, précisai-

je rapidement.

— Où est sa mère ? Pourquoi est-elle partie vivre chez sa

tante ?

— Sa mère Catharina O'Brian, née Banavero, est morte en la

mettant au monde. Elle est fille unique.

Mais c'est terrible !

Elle était donc seule.

Je comprenais mieux sa souffrance et son désarroi face à la

perte de cet oncle. Mes parents étaient tous deux enfants uniques,

je n'avais aucune comparaison personnelle quant au lien que l'on

peut entretenir avec un oncle ou bien une tante, mais compte tenu

du contexte familial, je me doutais qu'elle avait reporté son

affection sur cet oncle qui avait dû représenter à ses yeux l'image

paternelle.

— Papa, nous devons partir.

— Quoi ? Pourquoi ? Que se passe-t-il ? Tu as des nouvelles

de ta sœur ? Où est-elle ?

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Page 83: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisSa voix était tendue. Je regardai ma montre, merde ! Il était

plus de minuit.

— Nous partons pour El Paso.

— El Paso… Ta sœur est là-bas ?

— Lisy vient de recevoir un coup de fil de sa tante.

Sa tante ? Ouais, on va dire les choses comme ça ! Il était

inutile que je m'épanche sur les états d'âme de Lisy vis-à-vis de

celle-ci, c'était plus simple de la nommer de cette façon.

— Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais apparemment son

oncle, Enrique, est mort.

— Quoi ? Mais comment ?

— Je n'en sais rien, par contre ce que j'ai appris, c'est que ce

sont eux qui ont retrouvé Tess dans un camp de réfugiés à la

frontière mexicaine.

— QUOI ? Je n’y comprends rien, Greg. Que faisait ta sœur

avec des clandestins ?

— Je n'en sais foutrement rien papa, mais l'oncle et la tante de

Lisy aident les clandestins, ils interviennent comme médecins

dans une association, répondis-je calmement afin de faire

redescendre la pression.

— C'est quoi cette histoire ? Tu es sûr que cette O'Brian ne

nous mène pas en bateau ?

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Page 84: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Non papa ! Je peux t'assurer qu'elle est honnête, j'ai analysé

chacun de ses items et je peux t'assurer qu'elle m'a dit la vérité, je

suis certain qu'elle a vu Tess et qu'elle n'a pas d'arrière-pensée.

— Je tiens à te prévenir quand même que ce que nous avons

trouvé au sujet de son père ne me plait pas du tout.

Il me semblait contrarié, mais je n'avais pas le temps de

m'épancher sur la question pour l'instant.

— Tu me raconteras ça plus tard, d'accord ?

— Greg, c'est important, insista-t-il.

— Écoute, je ne sais pas ce qu'a fait son père, mais j'ai

confiance en elle.

Je lui coupai la parole, ne voulant pas en savoir plus pour

l'instant, j'avais lu en elle comme dans un livre ouvert, elle était

honnête et loyale. J'avais envie de la croire, et puis de toute

façon, avions-nous seulement le choix ?

— Tu es sûr de toi ?

— Oui Pa. Et puis, j'ai moi aussi parlé à la tante de Lisy.

— Que t'a-t-elle dit ? Comment va ta sœur ? demanda-t-il

d'une voix angoissée.

— La communication a été coupée, dis-je, en sachant

pertinemment que je minimisais la situation.

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Page 85: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJe savais qu'elle m'avait volontairement raccroché au nez, le

souci c'est que je ne savais pas pourquoi et que je ne voulais pas

inquiéter mon père inutilement.

— Elle était très agitée. Je pense que le fait d'avoir perdu son

mari l'a quelque peu désorientée et qu'elle était en pleine crise

d'angoisse.

— Je n'aime pas ça Grégory, son ton était dur, inquiet.

— Je sais, mais si j'en crois cette femme, Tess est sur le point

d'accoucher et nous n'avons plus trop de temps devant nous.

— Quoi ? Mais c'est trop tôt !

— Papa, s'il te plait, passe-moi Matthew, dis-je en essayant de

rester calme.

Il fallait que je le ménage car depuis plus de deux ans mon

père était suivi pour un problème cardiaque et il n'était pas

question qu'il nous fasse un malaise maintenant.

Mon père grogna dans le combiné avant de me passer mon

ami, mon frère, Matthew Mc Logan. Un écossais de pure souche,

mon meilleur ami, mais aussi le futur mari de ma sœur.

— Greg, dis-moi ce qu'il se passe ? Je vais devenir fou. Ton

père m'a fait venir en me disant que tu avais une piste sérieuse,

comment va Tess ?

— Matt, calme-toi, ok !

— Que je me calme ? Mais je ne peux pas me calmer, trois

mois Greg, trois mois que la peur me tord les boyaux.

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Page 86: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Je sais Matt, mais pour l'instant j'ai besoin que tu te

ressaisisses et que tu fasses des recherches concernant une ferme

abandonnée située à Terlingua. Elle sert de base pour les

clandestins, c'est là que se trouvait Tess quand Lisy l'a vue pour

la dernière fois.

— Dans une ferme avec des clandestins ? Mais pourquoi ?

— On n'en sait rien, le coupai-je en me pinçant l'arête du nez.

J'imaginais mon père et mon ami en train d’halluciner. Moi

aussi j'étais totalement perdu. Comment Tess avait pu se

retrouver de près ou de loin en contact avec des clandestins ? Que

s'était-il passé durant ces trois mois pour qu'elle se retrouve à la

frontière mexicaine ? J'avais l'impression que ma tête allait

exploser.

— Tu viens de dire à ton père que tu as eu sa tante au

téléphone. Qu'est-ce qu'elle t'a dit ? Elle a bien dû te dire quelque

chose au sujet de Tess, te donner un indice ?

— Hey, du calme Bro, comme je l'ai dit : son mari est mort,

elle était paniquée, hystérique, en pleine crise de paranoïa aigüe.

— Elle t'a dit comment son mari est mort ?

— Non, j'ai essayé de lui parler, mais elle m'a raccroché au

nez.

Sincèrement sa réaction m'avait quelque peu énervé. C'est

vrai, quoi ! Elle aurait dû être heureuse de savoir que nous étions

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Page 87: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisà leur recherche, mais au lieu de ça, elle avait complètement

disjoncté.

— Fais gaffe à toi, ok ! Je ne sais pas où tu mets les pieds et je

ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, ta sœur ne me le

pardonnerait pas.

— Ne t’inquiète pas pour moi, ok ! Pour l'instant ce que je

veux c'est la retrouver.

— Je sais, moi aussi, plus que tout au monde, assena-t-il, mais

je suis sérieux Greg, les choses ne sont pas claires dans cette

histoire. Son père a été impliqué dans une affaire de drogue.

Alors...

— Drogue ? le coupai-je surpris.

— Ouais, les cartels mexicains de la drogue gèrent la frontière.

Ils ont infiltré l’appareil d'État, les administrations régionales, la

police et l’armée, à tel point que les USA s’inquiètent de voir le

Mexique se transformer en narco-état.

— Mais quel est le lien avec Tess ?

— Peut-être a-t-elle vu quelque chose qu'elle n'aurait pas dû.

— Oui, c'est peut-être ça, répondis-je en inspirant un bon

coup.

— Bon écoute, avec ton père on va finir de se préparer. J'ai

l'adresse d'O'Brian, on vous rejoint directement là-bas. Vous ne

faites rien de stupide d'ici là et tu restes sur tes gardes, compris !

Il faut que je fasse des recherches et que je demande les

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Page 88: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L autorisations nécessaires pour créer une passerelle avec le FBI

afin de pouvoir venir sur le sol US en tant qu'officier du GRC.

— Ok... Hé ! Matt ? l'interpelai-je avant de raccrocher. Fais ça

discrètement, je ne veux pas que l'on cause des ennuis à Lisy. Elle

n'a rien fait de mal, n'oublie pas que sans elle...

— Ok je ferai de mon mieux. Par contre il faudra que l'on

parle de ce que j'ai trouvé sur le père de ta copine, ajouta-t-il sur

un ton qui se voulait sans appel.

— Ma copine ?

— Je te connais assez pour comprendre en une seule phrase

que tu en pinces pour elle.

— Hey, c'est moi le psy, d'accord ! sifflai-je

— Ouais c'est ça ! Fais attention à toi, c'est clair ?

— À demain.

Je raccrochai, irrité de voir que mon meilleur ami pouvait lire

en moi si facilement. Matt était mon ami depuis plus de 17 ans.

Après le drame, nous avions déménagé pour nous rapprocher de

mes grands-parents maternels. Gabriel et Maryse Denoiseau,

expatriés français, venus s'installer au Canada dans la banlieue

d'Ottawa après la guerre.

Mes grands-parents avaient veillé sur nous, palliant ainsi à la

défection de mon père qui avait du mal à supporter la perte de ma

mère, Marielle. C'est à cette même époque qu'il s'était mis à

collaborer avec la police et à s'intéresser au profilage, s'en servant

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Page 89: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisd'exutoire, cela lui avait permis de se sentir utile et de faire en

quelque sorte son deuil.

Ma grand-mère qui était une femme incroyablement bonne et

aimante, l'avait soutenu en partageant ainsi sa peine et c'est avec

une patience d'ange qu'elle l'avait aidé à reprendre son rôle de

père auprès de ma sœur et moi.

Mes grands-parents étaient professeurs à l'université d'Ottawa.

Mon grand-père enseignait la musique et ma grand-mère donnait

des cours de français.

Tous les soirs, Matthew Mc Logan âgé d'une quinzaine

d'années était venu chez nous prendre des cours de guitare. Plus

posé, plus mature et s'était promu au rang de grand frère. Nous

prenant sous sa coupe il nous avait présentés aux autres enfants

du quartier et au fil du temps, nous étions devenus inséparables.

Avec les années, l'amitié qu'il avait envers ma sœur avait

quelque peu évolué et s'était transformée en amour. Je l'avais

d'ailleurs très mal vécu et cela nous avait valu une belle bagarre,

mais ma sœur avec son caractère bien trempé, m'avait fait

comprendre à coup de ciseaux dans mes fringues que si je

touchais encore à un seul cheveu de son amoureux, ce ne serait

plus à mes habits qu'elle s'en prendrait.

C'est donc dans la crainte de représailles que j'avais abdiqué et

cela pour son plus grand bonheur.

*

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Page 90: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L La nuit allait être longue, plus de trois mille deux cent bornes

nous séparaient d'El Paso. Il allait nous falloir plus de 30 heures

de route pour arriver jusque-là. J'espérai que Lisy avait son

permis afin que nous puissions prendre le volant chacun notre

tour.

J'étais là à tourner comme un lion en cage, en attendant qu'elle

sorte de cette fichue salle de bains.

Je m'approchais de la porte légèrement entrouverte. Je ne

voulais pas paraître indiscret mais l'envie de jeter un œil était

vraiment tentante.

Elle était assise là, sur le rebord de la baignoire, à moitié nue,

les yeux baignés de larmes. Elle était en train d'enfiler ses bas et

faisait glisser le voile noir sur ses longues jambes. Elle était

magnifique et cela malgré la tristesse qui se dégageait d'elle à cet

instant.

Je déglutis et ma bouche se dessécha. Je ne désirais qu’une

seule chose, ouvrir cette porte, courir vers elle et la prendre dans

mes bras pour ne plus voir ce chagrin dans ses jolis yeux verts.

Matt avait raison, je n'étais pas insensible à ses charmes. Elle

avait tout ce qui me faisait rêver chez une femme.

Cummings ressaisis-toi, la situation est bien trop compliquée !

me sermonnai-je.

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Page 91: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisTrop de questions se bousculaient dans ma tête, trop de zones

d'ombre à éclaircir avant que je n'ose réellement me montrer tel

que j'étais.

Il fallait que je me reconcentre sur ce qui était important pour

l'instant, c'est à dire : ma sœur.

- Que faisait ma sœur avec des clandestins mexicains ?

- Que s'était-il passé à Terlingua pour qu'ils prennent la

fuite ?

- Comment ma sœur s'est-elle retrouvée en possession du

médaillon ?

- Comment est mort l'oncle de Lisy ?... et son père ?

Voilà toutes les questions auxquelles je devais répondre.

Il était mort alors qu'elle n'avait que neuf ans. Mon père venait

de me dire qu'elle était née en 1985, elle avait donc à ce jour

vingt-six ans.

Un rapide calcul s'imposa à moi, cela faisait donc dix-sept ans.

Cette constatation me fit froid dans le dos, me mettant face à mes

propres démons.

Ma gorge se serra en l'imaginant face à ce cercueil ouvert.

Cette douleur, je la connaissais, je l'avais vécue. J'étais à peine

plus vieux qu'elle quand quelqu'un m'avait arraché l'être que

j'aimais le plus au monde et cela devant mes yeux.

Ma mère.

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Page 92: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Sa souffrance faisait écho en moi et résonnait au plus profond

de mes tripes.

Elle aussi s'était formée une carapace pour se protéger, mais

celle-ci venait de se fendiller. La voir s'effondrer, pleurer, avait

ébranlé sérieusement ma propre armure.

Cummings, reprends-toi !

Dire que je l'avais trouvé forte, libre et obstinée. J'avais même

dû utiliser mon savoir pour l'emmener là où je voulais.

Un des principes fondateurs de notre belle société étant l'esprit

de contradiction, j'avais préféré jouer la carte de la psychologie

inversée plutôt que celle du charme.

-La manipulation : pour obtenir ce que je veux quand je veux.

-La dérision : afin de destabiliser son adversaire.

-Le plaisir ludique : les gens sont marrants quand on sait

jouer avec eux.

-L'apprentissage d'autrui : observer l'autre pour savoir dans

quelle direction aller.

-Et pour finir le plaisir inaliénable d'avoir raison et de

regarder l'autre se vautrer alors qu'il sait pertinemment qu'il est

en train de faire une bêtise monumentale.

Mais voilà, à présent je me sentais mal face à sa douleur. En

l'espace de quelques heures mon cœur ne battait plus de la même

façon et c'était quelque chose d'inattendu en ce qui me concerne.

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Page 93: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Neuf

J'étais enfin prête, il était temps pour nous d'y aller. Il fallait

que j'affronte mon destin et que je me fasse à l'idée que la mort

allait de nouveau dresser son voile sombre sur moi. J'étais

fatiguée et la boule qui pesait sur ma poitrine ne faisait que

grandir, se nourrissant au passage de chaque cellule de mon

corps. Il fallait que je puise au plus profond de moi pour trouver

la force de faire face à tout ça. Qu'allais-je trouver en arrivant à la

maison ? Comment dire à Maria que son frère était mort ? Et

Lisbeth, qui allait s'occuper d'elle ? Tant de questions, tant de

choses étaient sur le point de changer.

J'aurais voulu rester dans cette chambre d'hôtel car ici je me

sentais en sécurité, ici je pouvais imaginer que mon oncle était

toujours en vie et qu'il s'occupait de nos vignes sur le Mont

Davis.

Quittant cette salle de bains, mes yeux se posèrent sur

Grégory. Il semblait perdu, absorbé dans ses pensées, les yeux

collés sur une photographie.

— Qu'est-ce que c'est ? demandai-je en me rapprochant de lui,

intriguée.

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Page 94: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Il semblait tellement triste que mon chagrin et mon angoisse

me semblèrent bien fades.

— Rien, murmura-t-il en se levant, replaçant par la même

occasion la photographie défraîchie dans son portefeuille en cuir.

— Oh ! Fut le seul son qui sortit de ma bouche, acceptant que

lui aussi ait ses zones d'ombre.

Moi, j'en avais tellement que parfois j'avais l'impression de ne

vivre qu'avec des fantômes.

— On y va ?

Je hochai la tête en le suivant docilement vers la porte

d'entrée.

J'avais la nette sensation que la vie me présentait une nouvelle

épreuve et que mon destin était lié à celui de Grégory. Je le

regardais marcher devant moi et même si j'étais terrorisée face à

ce qui se profilait à l'horizon, j'étais prête à le suivre, lui, les yeux

fermés.

*

Nous quittâmes la chaleur de l'hôtel, pour nous plonger dans la

nuit froide de Toronto.

Il était près d'une heure moins le quart et l'air ambiant avait

chuté de cinq degrés supplémentaires. Nous avions fait à peine

dix pas que mes dents se mirent à claquer jusqu'à m'en décrocher

la mâchoire. Grégory se rapprocha de moi et m'attrapa par le bras

afin de me maintenir au chaud contre son corps.

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Page 95: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Viens là, me dit-il, me collant contre lui.

Je me laissais faire, appréciant le contact de sa main sur le bas

de mon dos. Nous avançâmes en longeant le trottoir jusqu'à ce

que nous nous retrouvions devant un gros 4x4 noir garé sur le

bas-côté.

Un Porsche Cayenne ! siffla ma conscience.

L’extérieur de cette magnifique voiture était décidément à la

hauteur de la réputation de Porsche. Comme tous les véhicules de

la marque, ce véhicule sport présentait une silhouette sportive,

énergique et typiquement masculine. En effet, ses ailes fortement

galbées, ses nouvelles entrées d’air avant avec ses jantes en

alliage lui conféraient une impression de puissance, un

aérodynamisme poussé.

— Un Porsche Cayenne, rien que ça !

Je n'étais pas si loin en fin de compte, même si je l'aurais plus

facilement imaginé au volant d'une Porsche Panamera.

— Ferme ta bouche, tu baves, me dit une voix que je

commençais à connaître.

— Oh ça va ! Pas la peine de te la péter Cummings, ce n'est

qu'une caisse.

— Quoi ? Qu'une caisse, ça ? Me nargua-t-il en me tendant les

clés.

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Page 96: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Oh ! Tu veux que je conduise ? demandai-je en levant

aussitôt les mains pour les attraper.

— Trop tard ! ajouta-t-il en les plaçant hors de portée.

— Hey !

— Non, tu viens de vexer Veronica, il n'est pas question que je

te prête ma voiture.

— Veronica ? Tu as donné un petit nom à ta voiture ?

demandai-je en me pinçant les lèvres pour ne pas éclater de rire.

— Ça te pose un problème O'Brian ?

— Pas le moins du monde.

— Je suis heureux de te voir sourire à nouveau. Son regard

était chaud, extrêmement doux. Mais tu viens d'aggraver ton cas,

ma voiture est très susceptible, me souffla-t-il dans le creux de

l'oreille en même temps qu'il appuya sur la télécommande pour

déverrouiller les portières.

— Loin de moi l'idée de me moquer, mais si tu me laisses

conduire, je te dirai peut-être le nom de MA voiture.

— Oh ! Mademoiselle a donc le permis ?

— Non pas du tout, j'ai un âne !

— Bon, allez, pas la peine de sortir ton gun, Calamity Jane,

monte au chaud dans la voiture.

Il me fit une révérence en m'ouvrant la portière.

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Romagnas du Mont Davis— Hey, je suis née au Texas, pas dans le Missouri, Cummings,

va falloir revoir tes classiques, dis-je en montant à bord de cet

énorme 4x4.

— Oh, excusez-moi du peu, Miss O'Brian. Je vois que tu es

une experte dans la conquête de l'ouest.

— Ne vous en déplaise monsieur Cummings, je ne suis pas

qu'une experte en toucher vaginal et je pourrais bien te

surprendre, répondis-je en lui lançant une œillade.

— Outch' ! Touché ! se moqua-t-il une main sur le cœur.

Installée confortablement à l'intérieur, mes yeux se régalèrent

du spectacle. L'habitacle était sublime, de couleur Camel, l'odeur

du cuir mélangée à celui de l’alcantara proférait une touche de

neuf. J'attachais ma ceinture en osant un regard vers lui et il était

là tout sourire, fier de son effet.

— Prête ?

— Oui, dis-je en inspirant un bon coup.

— Très bien, alors allons chercher ma petite sœur, murmura-t-

il en enclenchant la vitesse automatique.

Je fis oui de la tête. L'angoisse pesait sur mon cœur, mais ce

n'était pas le moment de flancher, il fallait avancer pour retrouver

Tess et Lisbeth et cela quoiqu'il nous en coûte.

— Tu as froid ? demanda Cummings en voyant que je

m'emmitouflais dans mon manteau, me collant un peu plus dans

le fond de mon siège.

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Page 98: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Sans attendre ma réponse il augmenta le chauffage. Lui aussi

avait les traits tirés : il avait ce petit v entre les sourcils, et la

lueur de malice qui brillait dans ses yeux quelques secondes

auparavant avait de nouveau disparu.

Je fis non de la tête. C'était seulement la tension qui retombait

et me faisait trembler.

Mettant le clignotant à droite, il tourna en direction de

l'autoroute Queens Elisabeth Way.

Collant mon front contre la vitre, je regardais la route défiler

devant mes yeux. Le bitume recouvert d'une couche de gel brillait

sous les réverbères, la pluie verglaçante avait cessé, mais le ballet

incessant des saleuses ainsi que les gyrophares orangés de la

voirie qui dégageaient les débris du carambolage ayant eu lieu en

début de soirée nous donnaient l'impression d'avancer au ralenti.

— La route va être longue, tu devrais dormir.

— Je n'ai pas envie de fermer les yeux.

— Oh ! Mais dans quelques heures tu vas devoir prendre le

volant de ce petit bijou et ...

— ... Et tu n'aimerais pas que j'abime ta Veronica, le coupai-je

en roulant des yeux.

Il hocha la tête en me faisant la moue.

— Tu sais pour ton information, j'ai quelques heures de

conduite derrière moi, fanfaronnai-je.

— Quelques heures, seulement ?

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Page 99: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisIl se détendit visiblement.

— En fait, j'adore conduire, dis-je en souriant.

Concentré sur la route, je pouvais le contempler à loisir.

Il était séduisant. Une mèche rebelle retombait sur son front,

son nez aquilin, son teint hâlé, ses yeux malicieux, son petit

sourire en coin. Il était si grisant à observer.

— Et ? demanda-t-il, tout à coup intéressé par ce que je lui

disais.

— Mon ex-petit ami était pilote.

Il fronça les sourcils.

— Tu es sérieuse ?

— Absolument, il faisait partie de l'équipe Mexicaine pour le

Rallye WRC, c'est lui qui m'a tout appris, affirmai-je en fronçant

les sourcils.

Oh, oui ! Il t'a tout appris, ironisa Jiminy en roulant des yeux.

— Tu m'en diras tant, alors je n'ai aucun souci à me faire pour

ma Veronica ? ajouta-t-il avec sarcasme.

Hey, jaloux ?

— Aucun.

Il me fit un sourire pincé avant d'allumer son lecteur CD et la

chanson « Lullaby » de Sia s'éleva dans les airs. En moins de

trois minutes mes yeux commencèrent à papillonner, j'étais

surprise que Cummings écoute ce style de musique, cela nous

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Page 100: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L faisait au moins un point en commun. Deux avec le vin, me

chuchota ma sale petite voix.

— Deux, murmurai-je avant de m'endormir.

*

— Allez marmotte, réveille-toi. Il est temps pour nous de faire

une pause.

— Je veux un Matcha Latte, grognai-je entre mes dents.

— Et un Matcha Latte pour la dame.

— Quoi ?

Oh ! Nous étions dans la file d'attente d'un drive.

— Qu'est-ce qui t'arrive O'Brian, tu n'es pas du matin ?

— Mmm, grognai-je.

Après avoir réglé notre commande à la jeune femme qui tenait

la caisse du drive, nous allâmes nous garer quelques mètres plus

loin sur une aire de repos.

— Où sommes-nous ? demandai-je en me frottant les yeux.

— Indianapolis. Il est six heures et j'ai besoin de faire une

pause, bailla-t-il en s'étirant. Tiens, voilà ta tasse.

— Oh ! Merci, soupirai-je de plaisir en portant le gobelet à

mes lèvres.

— Eh bien, je veux bien me dévouer et t'apporter tous les

matins un Matcha Latte si tu soupires comme ça dans mes

oreilles.

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Romagnas du Mont Davis— Cummings, arrête de parler, tu veux !

Merde, il me faisait quoi là, du charme ? Où était passé le con

arrogant et sexy d'hier soir. Enfin, sexy, il l'était toujours et ce

malgré la fatigue et les heures de conduite tirant ses traits.

— Oui. M'dame !

— Mumm, ronronnai-je de plaisir en fermant les yeux.

— O'Brian, arrête ça, tu veux !

Je lançai un regard en biais, il était là, pupilles dilatées en train

de mordre sa lèvre inférieure.

Wow putain de réveil, me cria ma conscience. J'aime ce mec,

c'est mon pote !

— Oh ! Pas maintenant...

— Pas maintenant, quoi ?

La barbe, j'avais de nouveau parlé à haute voix.

— Pas toi... lui, dis-je en me tapant la tempe.

— Lui ?

— Mon Jiminy !

— Ton Jiminy ?

— Ouais mon Jiminy Cricket, dis-je en haussant les épaules.

Ça va, fais pas le choqué, tout le monde a un Jiminy, marmonnai-

je entre mes dents.

Ok ! Laisse tomber Cummings.

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KRIS T.L Il se mit à rire franchement en hochant la tête.

—Je suis avec une folle, éclata-t-il de rire, portant son gobelet

fumant à sa bouche.

— Je t'ai entendu.

Je grognai de frustration en sortant du véhicule pour me

dégourdir les jambes. Nous étions sur un espace aménagé, il y

avait des tables de pique-nique, un téléphone public, des toilettes

et des espaces de stationnement pour différents types de

véhicules. À quelques mètres de là se trouvaient un terrain de

jeux, une borne et un bureau d'information touristique.

Il faisait effroyablement froid, et l'air frais finit par me

réveiller.

— Tu veux un croissant ? demanda-t-il, pointant un sachet

rempli de délicieuses viennoiseries françaises.

—Tu sais que je pourrai t'épouser, affirmai-je en mâchouillant

un bout de croissant.

Oh merde ! souffla Jiminy en le voyant blêmir.

— Hey, détends-toi, je plaisante. Il faudrait d'abord que je

demande ta main à ta mère, et pour ça on ne se connaît pas assez.

Je le vis froncer les sourcils, puis sans rien dire, il tourna les

talons et partit se réfugier dans la voiture côté passager.

Oh ! C'était une blague! Pas la peine d'en faire toute une

histoire ! Qu'avais-je dit qui puisse le rendre si taciturne ?

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Romagnas du Mont Davis— Excuse-moi ! dis-je en montant à bord du véhicule.

— Ce n'est rien, y a pas de mal !

— Je vois bien que je t'ai blessé, et j'ai horreur de faire du mal

aux gens, alors...

—Ma mère est morte, le sujet est clos.

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KRIS T.L

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Dix

Cela faisait plus de quatre heures que je conduisais, j'avais

passé mon temps à ressasser les dernières paroles que nous

avions échangées.

Sa mère était morte. Quand ? Comment ?

Il avait employé les mêmes mots que j'avais utilisés pour mon

père. Il l'avait fait sciemment, c'était une évidence et quelque part

cela me rendit triste qu'il ne veuille pas m'en dire plus.

Peut-être était-ce une manière de me faire comprendre que lui

aussi avait vécu des choses terribles et que nous pourrions peut-

être nous faire confiance mutuellement.

J'étais tellement effrayée par ma vie et ma souffrance que je

n'osais la partager. Comment faire comprendre à quelqu'un que

sous mes airs de jeune fille au caractère bien trempé, j'étais

quelqu'un de fragile ayant peur de l'abandon.

La crainte de perdre les personnes auxquelles je tenais le plus

avait fait de moi une personne sauvage n'aimant pas se laisser

aller. Mais encore une fois, et ce malgré le fait que je tienne ma

vie sous un contrôle absolu, celle-ci venait de me démontrer que

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KRIS T.L je n'étais à l'abri de rien et que quoique je fasse la mort savait

réclamer son dû le moment venu.

La perte de mon oncle m'était insoutenable. J'avais

l'impression que quelqu'un était en train de s'amuser à m'arracher

le cœur. Le lien que j'avais entretenu avec lui durant toutes ces

années avait été fantastique. Il m'avait chapeauté tout le long de

mon internat et c'est grâce à son soutien et à ses conseils que

j'avais pu suivre mon cursus et finir avec deux ans d'avance. Il

avait eu confiance en moi, en mes capacités et si la relation avec

Lisbeth n'avait pas été si compliquée, j'aurais accepté de vivre

avec lui avec plaisir.

Lisbeth... pensai-je. Comment va-t-elle gérer la mort de mon

oncle, comment va-t-elle faire toute seule ?

L'idée de devoir la prendre en charge émotionnellement me

terrifiait. Je n'avais jamais su m'y prendre avec elle. Sa

possessivité, son intrusion m'avait littéralement fait fuir à des

centaines de kilomètres d'eux. Et lorsque je venais les voir

pendant les vacances, je passais le plus clair de mon temps avec

mon oncle dans notre maison au Mont Davis.

J'avais tenu à la conserver et avec son aide, nous avions retapé

cette veille bicoque défraîchie. À présent elle avait l'eau courante

et grâce à des panneaux solaires nous avions même l'électricité

ainsi que la télévision.

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Page 107: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisNous avions racheté des pieds de vigne et j'avais même fait

planter des Romagnas. Une variété de fleurs des champs que ma

mère affectionnait tout particulièrement.

Mon père et ma mère s'étaient aimés dans cette maison, et c'est

dans cette maison, au dire de mon oncle, que j'avais été conçue

un soir de 4 Juillet.

Mais aujourd'hui, en ce jour funeste, cette maison ne

représentait à mes yeux que désolation et tristesse. Dire que

j'avais espéré y voir grandir un jour mes propres enfants. Leur

faire connaître l'amour de la terre, du vin, des fleurs et de la

liberté. Mais sans mes parents, sans mon oncle, tout cela me

semblait désormais impossible.

— Ne pleure pas, me souffla Grégory en essuyant une larme

du bout des doigts. Afin d'approfondir son toucher, je laissai

retomber ma tête contre le dos de sa main.

En l'espace de quelques heures il avait exécuté ce geste par

deux fois et à chaque fois j'avais ressenti ce petit quelque chose

en plus qui me faisait me sentir importante à ses yeux.

Il était réellement doux et protecteur, tant et si bien que tous

les à priori que j'avais eus sur lui s'étaient envolés au moment

même où il m'avait prise dans ses bras.

Il était tellement différent de la personne que j'avais rencontrée

quelques heures auparavant dans ce bureau froid et austère.

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KRIS T.L — Tu veux que je reprenne le volant ? me demanda-t-il,

soucieux.

Je fis non de la tête, reniflant, les yeux fixés sur la route,

conduire m'évitait de trop m'épancher sur la situation.

*

Au bout de quelques kilomètres le besoin de m'arrêter se fit

ressentir, ma vessie se rappelant à mon bon souvenir. Nous

venions de passer Belleville et la prochaine ville se trouvait à

plus de cinquante-huit kms.

— Qu'est-ce que tu as ?

— Rien.

— Arrête-toi, me proposa-t-il en comprenant d'où venait ma

gêne.

— Je ne peux pas faire ça, le coupai-je aussitôt en fronçant les

sourcils.

— Tu ne peux pas le faire ?

À son petit sourire narquois, je vis qu'il s'amusait de la

situation.

—Écoute, je ne suis pas un mec, d'accord. J'ai besoin d'avoir

un minimum de confort.

— Oh ! bien sûr, je comprends ! se moqua-t-il en roulant des

yeux.

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Romagnas du Mont Davis— Vas-y, moque-toi.

Nous roulâmes quelques bornes supplémentaires, mais n'en

pouvant plus je stoppai la voiture sur le bas-côté. M'éjectant du

véhicule, je partis me cacher derrière un talus pour faire ma petite

affaire.

Un bruit à quelques mètres de moi me fit sursauter.

— Cummings, c'est toi ?

N'obtenant pas de réponse je repris où j'en étais. Sentant

quelque chose me passer entre les jambes, de surprise et de peur

je tombai à la renverse en poussant un hurlement, me retrouvant

par la même occasion les quatre fers en l'air.

— O'Brian, où es-tu ? cria Cummings

Après ta valise Hello Kitty, voici ta deuxième humiliation, me

chuchota Jiminy.

— Là, couinai-je alors qu'une boule de poils sortait du fourré.

— Oh mon Dieu ! soufflai-je en regardant cette foutue bestiole

qui se rapprochait dangereusement de moi.

— Cummings...

Ce monstre aux dents pointues commençait à ouvrir sa gueule.

Grégory armé d'un bâton se présenta devant l'animal, celui-ci

effrayé se laissa tomber sur le sol, couché sur le côté, le corps

raide, les yeux fixes, sa mâchoire béante laissait entrevoir une

langue pendante. II bavait et déféqua une substance verdâtre si

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KRIS T.L nauséabonde que Cummings recula de quelques pas en se

bouchant le nez.

— Wow putain, mais c'est quoi ce truc ? demanda-t-il le bâton

en l'air.

— Tu crois qu'il est mort ? lançai-je confuse.

Cummings se rapprocha de lui, une main couvrant son nez et

sa bouche.

— Pas la peine de crier, ce n'est qu'un petit opossum de rien du

tout, rigola-t-il, le secouant à l'aide du bâton.

Petit ?

Au même moment la bestiole se redressa sur ses pattes, nous

surprenant et nous faisant hurler tous les deux comme des filles,

et détala à toute vitesse en feulant.

— Ferme les yeux Cummings et tends-moi la main.

Mes bas étaient déchirés, et pire que tout, j'avais des épines de

chardon dans les fesses.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Il faut que l'on trouve une pharmacie, marmonnai-je en

sifflant de douleur.

— Pourquoi ? Tu t'es fait mal, ce truc t'a mordu ? demanda-t-il

en se tournant vers moi, affolé.

— Ferme les yeux, Cummings, criai-je, le pointant du doigt.

— Tu devrais me laisser voir, n'oublie pas que je suis docteur.

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Romagnas du Mont Davis— Tu es psy, pas médecin, aide-moi et ramène-moi à la

voiture, dis-je en m'accrochant à son bras. Nous nous faufilâmes

entre les herbes hautes, puis remontant le talus, nous nous

retrouvâmes sur le bord de la route à l'arrière de la voiture.

— Banquette, ordonnai-je.

Il s'exécuta en m'ouvrant la portière. M'engouffrant à

l'intérieur, je me plaçais à plat ventre, les fesses en l'air.

— O'Brian ne pointe pas tes fesses comme ça vers moi.

— Ce n'est pas le moment Cummings, rétorquai-je en serrant

les dents.

— Tu vas me dire ce qui t'arrive, oui ?

— J'ai des épines.

— Des épines ?

— Oui, des épines. Quand ce truc immonde m'a attaquée, je

suis tombée à la renverse les fesses dans des chardons et j'ai des

épines logées là où il faut, criai-je énervée.

— Adieu symbole du Missouri.

— Quoi ?

Est-il en train de comparer tes fesses à un symbole ? se moqua

Jiminy.

— Oui, tu viens de détruire une plante en voie de disparition.

— Je peux t'assurer que mes fesses regrettent que cette plante

ne soit pas complètement éradiquée de la planète.

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Page 112: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Mmm, pas moi.

— Cummings, criai-je en le fusillant du regard.

— Oh ! Ok ! Pas de souci. On va trouver une pharmacie.

Pendant plus d'une heure je gémissais sur la banquette arrière

de sa voiture, angoissant d'avance à l'idée de devoir lui demander

de l'aide. Mais il fallait que je me fasse à l'idée qu'à moins que ma

tête ne tourne à 180° ou qu'un troisième bras me pousse dans le

dos, j'allais devoir lui faire confiance.

Nous arrivâmes dans le centre-ville de Pacific. Il se gara

devant un centre commercial, le logo d'un établissement

pharmaceutique clignotait juste à l'angle d'un Tex Mex.

— Là-bas, regarde, il y a un motel, nous devrions faire une

pause. Cela nous fera le plus grand bien et je pourrai m'occuper...

de ... ça ! se moqua-t-il en reluquant une nouvelle fois mes fesses.

— Rêve pas Cummings ! répondis-je en enfouissant ma tête

dans mes bras.

— Je ne rêve pas, je sais seulement que sur ce coup-là tu vas

avoir besoin de moi. Il haussa par deux fois les sourcils puis

refermant la porte du 4x4, il partit en courant vers le centre.

Oh ! Mais pourquoi suis-je descendue de cette voiture ?

— Argggggggg ! criai-je en insérant mon poing dans la

bouche.

Et puis il fallait qu'il arrête de regarder mes fesses comme ça !

J’étais tendue, j'avais mal, son regard de braise n'avait pas quitté

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Page 113: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisle rétroviseur. Et m'imaginer le derrière à l'air devant lui me

rendait...

— Argggggggg !

Je deviens folle. Et puis qu'est-ce qu'il fout ? Il ne faut pas dix

ans pour acheter trois compresses, et de la crème

antihistaminique.

Au bout de trente minutes, il revint en arborant un sourire

victorieux.

— Allez viens, je nous ai réservé une chambre pour nous

reposer quelques heures, je vais pouvoir m'occuper de toi... Sa

langue passa sur sa lèvre inférieure. On pourra se commander

quelque chose à manger.

— Quoi ? demandai-je rougissante.

— Rien, ramène tes fesses O'Brian, finit-il par ajouter en

hochant la tête de gauche à droite comme s'il en chassait une

idée.

Je soufflai un bon coup, attrapant sa main au passage pour

m'aider à m'extraire de la voiture. La température ambiante était

quelque peu remontée en ce début d'après-midi. Une pluie fine

tombait sur nos épaules, il ramena mon corps contre le sien

comme si ce geste était devenu familier entre nous.

Ce corps qui épousait le mien à la perfection. Ce corps contre

lequel je me sentais si bien.

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Page 114: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Ce corps... se mit à gémir mon Jiminy en voyant l'hôtel se

profiler à l'horizon.

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Onze

Alors que nous passions devant une boulangerie située au coin

de l'avenue, l'odeur d'un Gooey butter cake me chatouilla les

narines, c'était une spécialité du Missouri à base de beurre gluant

et de sucre. L'air en était saturé.

— Tu as faim ? me demanda Cummings pendant que nous

étions en train de nous diriger vers l'hôtel.

Je fis oui de la tête tout en continuant d'avancer, car avant de

manger quoique ce soit je voulais absolument régler ce petit

problème qui m'incommodait de plus en plus.

L'hôtel était beaucoup plus typique que celui de Toronto,

moins onéreux, il était adapté aux gens de passage et aux

représentants.

La déco de Noël était installée mais il n'y avait rien de

clinquant ni d'ostentatoire. J'observai Cummings du coin de l'œil,

il n'oscilla pas d'un sourcil, parfaitement à l'aise.

Oh ! Alors comme ça, tu n'es pas si pédant Cummings, tu sais

te montrer humble et tu peux vivre parmi tes semblables !

Décidément sa popularité était en train de remonter en flèche, car

plus je passais du temps avec lui et plus je l'appréciais.

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Page 116: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Il partit réserver une chambre, je restai en retrait, ne voulant

pas attirer les regards sur mon accoutrement. Lorsqu'il me fit

signe de le suivre, je pressai le pas dans sa direction. Mon

comportement ne passa pas inaperçu et le réceptionniste me

détailla de la tête aux pieds en fronçant les sourcils.

Tu repasseras pour la discrétion, me chuchota Jiminy, alors

que je tirai un peu plus sur le bas de ma robe.

Cummings se tenait déjà devant la porte, carte magnétique en

main et sac pharmaceutique dans l'autre. Insérant la carte dans le

boitier, nous attendîmes tous les deux que cette satanée lumière

passe au vert. Moi je n'avais jamais su faire marcher ce truc, je

pouvais m'acharner pendant des minutes entières avant que le

voyant ne daigne passer au vert.

J'étais là, trépignant d'impatience ne pensant qu'à une seule

chose, mes fesses en feu.

Lorsque la porte s'ouvrit enfin, je rentrai en trombe et sans

réfléchir je quittai bottes, bas, robe.... tout ce que j'avais sur le

dos.

— Euh ! Je crois que je vais aller chercher ta valise dans la

voiture, murmura Cummings en déposant le sac plastique sur la

table de chevet. Mets-toi à l'aise, ajouta-t-il en faisant demi-tour.

— Oh oui... excuse-moi.

Merde ! J'étais là en tanga au milieu de cette chambre. Que

devais-je faire d'autre ? Comment allait-il s'y prendre pour me

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Page 117: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisretirer ces épines ? Devais-je m'installer sur le lit ? Ou attendre

qu'il revienne pour me mettre sur ses genoux ?

Mmm... Ses genoux.

Mon esprit quelque peu déviant me fit rougir férocement. Je

repensai à ce livre que j'avais lu il n'y a pas si longtemps, une

lecture avec un certain « Christian Grey, Fifty Shades of Grey de

James E.L ». Ce maître de l'univers avait nourri mes fantasmes

jour et nuit et j'en gardais jalousement le premier tome dans mon

sac à main.

Oh mon dieu, la situation était des plus gênantes, peut-être

aurions-nous dû demander à la réception si un médecin officiait

dans les environs.

Mais pour cela, il aurait fallu que nous ayons du temps devant

nous.

Pendant le trajet, j'avais essayé à plusieurs reprises de rappeler

Lisbeth, mais à chaque fois je tombais sur sa boite vocale.

— Mon oncle est mort, murmurai-je avec tristesse. Et tout ça

va finir par me rendre folle, ajoutai-je en me dirigeant vers la

salle de bains.

Retirant ma culotte et mon soutien-gorge, je me glissai sous la

douche. Capturant un peu de gel directement dans le distributeur

mis à disposition par l'hôtel, je me savonnai. Dès que ma main

entra en contact avec ma peau, une sensation de fraîcheur se

propagea sur mon corps. La texture était souple et agréable,

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Page 118: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L l'odeur de menthe réveilla ma peau et une chair de poule se

répandit sur mon corps un peu comme lorsque l'on mange un

chewing-gum à la menthe ultra forte.

Cela faisait maintenant un petit moment que Cummings était

parti, et je commençais sérieusement à m'inquiéter.

Fermant les robinets, je quittai la chaleur rassurante de cette

douche pour m'enrouler dans une large serviette. Celle-ci ne

sentait rien de particulier, si ce n'est la propreté mais lorsque le

tissu frôla le haut de ma fesse, je gémis en poussant un petit cri.

— Je suis rentré, cria Cummings au même moment.

Je déglutis en soufflant un bon coup.

Allez, tu vas juste lui montrer un tout petit bout de peau. Ce

n'est pas comme si tu lui offrais ta virginité, murmura Jiminy en

roulant des yeux.

Lui donner ma virginité ?

L'idée n'était pas pour me déplaire, mais le souci était que je

n'étais plus vierge !

Après quelques minutes, je sortis de cette salle de bains. Il

était debout près de la fenêtre, l'air absent. Moi je restais là, mal à

l'aise, n'osant bouger, attendant qu'il se retourne pour me dire

quoi faire.

Il était divinement beau et son côté mélancolique le rendait

terriblement attirant.

Inspire, expire, me souffla ma conscience.

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Page 119: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Tu es prête ?

Cummings semblait tout aussi intimidé que moi, tendu, il

évitait soigneusement mon regard.

— Oui.

— Tu devrais t'allonger sur lit, ajouta-t-il d'une voix rauque.

— Oui.

— Cela t'ennuie si je vais prendre une douche ?

Je relevai les yeux vers lui, confuse.

— Euh ! Non vas-y...

— C'est juste pour me rafraîchir et me réveiller avant de

m'occuper de toi...

S'occuper de moi ! Je hochai la tête, ne sachant que répondre.

Mon cœur loupa un battement et les muscles intérieurs de la

partie la plus sombre de mon corps se resserrèrent de façon

délicieuse.

— J'en ai juste pour une minute.

Il attrapa un sac en papier kraft posé sur la commode puis

partit s'enfermer dans la salle de bains.

J'enroulai la serviette autour de ma taille, puis je fis ce qu'il

venait de me demander en m'allongeant à plat ventre sur les draps

frais. Lorsque les robinets d'eau se mirent en marche, je ne pus

m'empêcher de penser à cette eau se déversant généreusement sur

ses épaules. L'envie de goûter sa peau mentholée du bout de ma

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Page 120: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L langue se répercuta jusque dans le bas de mon ventre,

m'émoustillant et me faisant gémir alors que mes jambes se

frottèrent l'une contre l'autre.

Décidément, j'étais réellement en train de perdre les pédales

face à cet homme à la sensualité exacerbée.

Au bout de quelques minutes il en ressortit, osant un regard

vers lui, je ne pus retenir un léger couinement lorsque je le vis

avancer vers moi.

Son corps musclé, son torse légèrement parsemé de poils, ses

abdos saillants, son V avec ce sentier heureux.

Oh mon dieu, il était la perfection incarnée.

Il replaça le sac en papier kraft sur la commode et plia ses

habits sur le dossier de la chaise. Se penchant en avant, je restai

hypnotisée par l'élastique de son boxer blanc qui moulait

parfaitement ses fesses. Il retira du sac un jean neuf. Prenant le

temps d'enlever les étiquettes avec ses dents, sa mâchoire se

crispa sur l'attache en plastique qui céda d'un seul coup, je frémis

en imaginant sa bouche sur certaines parties de mon corps.

— C'est nouveau ? demandai-je surprise,

— Je suis allé m'acheter des fringues pendant que tu étais sous

la douche, murmura-t-il en me tournant le dos. Je ne supportais

plus cette odeur de vin sur moi.

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Romagnas du Mont Davis— Oh oui ! Je suis sincèrement désolée, murmurai-je en

repensant à mon verre de vin à l'hôtel. Il faudra que tu me donnes

ta chemise pour que je la lave.

— Ce n'est rien, ne t'en fais pas pour ça.

— Mais j'y tiens, ajoutai-je en le regardant enfiler son jean.

La scène qui se déroulait devant mes yeux, se passa comme au

ralenti, passant une jambe après l'autre, il fit remonter son jean

doucement le long de ses mollets et ses cuisses. Je me mordis

l'intérieur de la joue pour ne pas haleter tant la vision de ce jean

emprisonnant ses fesses me consumait toute entière.

Il se retourna vers moi et me regarda avec un petit sourire en

coin. Je fermai les yeux en plaquant mon nez contre l'oreiller. Lui

aussi allait me rendre folle. Ses pas avaient beau être amortis par

l'épaisseur de la moquette, je le sentis se rapprocher. S'installant

sur le bord du lit, il posa son genou contre mon corps, puis

repliant sa jambe il s'assit dessus.

— Tu as mal ?

— Un peu, marmonnai-je en tournant mon visage vers lui.

Mes yeux se posèrent instinctivement sur les boutons de son

jean qui n'étaient pas fermés et cela me fit rougir de plus belle.

Délicatement il balaya mes cheveux de mon visage, dégageant

ainsi ma nuque il laissa courir ses doigts le long de ma colonne

vertébrale jusque dans le bas de mon dos. Ses doigts frôlèrent la

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Page 122: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L serviette et de son index il dessina le contour de mon tatouage

situé dans le creux de mes reins.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il d'une voix enroué.

— Romagnas, murmurai-je en frissonnant à son contact.

C'était la fleur préférée de ma mère.

— C'est très joli.

— Avec mon père, nous lui en apportions tous les week-ends.

— Tous les week-ends ?

— Elle...

Une boule se forma dans ma gorge m'empêchant dans dire

plus.

— Elle ?

— Elle est morte en me mettant au monde, soufflai-je en

fermant les yeux.

— C'est vrai, murmura-t-il pour lui-même. Je suis désolée. Je

n'aurai pas dû te demander.

— Ce n'est rien. Avec mon père nous allions tous les

dimanches apporter sur sa tombe un bouquet de Romagnas. Ce

tatouage a été une manière pour moi d'honorer ce rituel quand je

suis partie faire mes études loin de la maison. Une manière de

leur prouver que je ne les oubliais pas.

— C'est très délicat comme dessin, rajouta-t-il en abaissant un

peu plus la serviette pour pouvoir l'admirer.

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Page 123: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Merci, murmurai-je troublée.

C'était la première fois que j'expliquais à quelqu'un la raison

de ce tatouage. Cet instant était comme un moment suspendu,

comme si le temps s'était figé tant ses gestes étaient empreints de

sensualité et douceur. Je savais qu'il avait une vue imprenable sur

mes fesses et que mon corps ainsi découvert n'avait plus de secret

pour lui, mais cela n'avait aucune importance.

— Je peux voir où est-ce que tu as mal ? demanda-t-il en se

raclant la gorge.

Je relevai le bord de la serviette sur le côté gauche de ma

fesse, ne réfléchissant plus aux conséquences. Du bout des doigts

il en écarta un peu plus les pans, découvrant ainsi ma chair. Il

caressa la zone avec le plat de la main et son toucher m'électrisa.

— C'est douloureux ?

Je fis non de la tête, pour tout dire la douleur n'était plus

vraiment d'actualité, tout ce qui m'importait à présent était son

toucher, ne pensant plus qu'à une seule chose ; ses doigts sur moi,

ses mains sur moi. J'en voulais plus, tout le reste était sans

importance. Il se redressa et tendit le bras vers le sac en plastique

qu'il avait déposé sur la table de chevet.

— As-tu une pince à épiler?

— Oui. Dans ma trousse de toilette.

Il se releva et partit chercher ce dont il avait besoin. Déplaçant

la petite table basse, il installa le matériel de façon chirurgicale.

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Page 124: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Je t'ai dit que j'étais médecin !

— Tu es psy, affirmai-je en roulant des yeux.

— Oui, mais lorsque j'ai commencé mes études, je me suis

d'abord essayé à la médecine.

— Oh ! Et qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?

— Le sexe.

— Pardon ?

— Trop de sexe ! Trop de tentations ! Trop d'internes en tenue

d'infirmière, je ne foutais plus rien. Mon père a mis un ultimatum

mais voyant que ça ne changeait rien, il est venu me chercher et

je suis parti une semaine avec lui à une convention. J'ai assisté à

un stage en morpho gestuelle et là j'ai complètement accroché à

cette pratique quelque peu orthodoxe. J'ai donc demandé une

orientation en psycho et depuis j'adore titiller les gens là où ça

fait mal...

Cela l'excite, hein...! chuchota Jiminy alors que je me raclais

la gorge.

— Tout va bien se passer, me rassura-t-il en voyant que j'étais

en train de m'agiter. Il sortit les compresses du sac, le

désinfectant, la pince à épiler et une bougie.

— Une bougie ? Même si j'appréciais le fait qu'il s'occupe de

moi avec autant d'attention, je ne trouvais pas la situation

romantique au point d'allumer une bougie. Ça va piquer ?

demandai-je paniquée.

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Page 125: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Je vais me montrer aussi doux que possible. Et c'est avec

délicatesse et patience qu'il commença tout d'abord à désinfecter

la zone. Tes vaccins sont à jour, O'Brian ?

— Oui.

Dans un geste rassurant, il caressa le haut de mes fesses.

— Mmm...

— Ça va je ne te fais pas trop mal ? demanda-t-il d'une voix

rauque.

— Non.

— Ta peau est douce, murmura-t-il tellement bas, que je

pensais avoir rêvé.

Je poussais un petit cri lorsqu'il pinça un peu plus fortement

ma chair.

— Ah ! Nous allons devoir employer les grands moyens avec

celle-là !

— Quoi ?

Je relevai la tête vers lui, complètement affolée.

Il retira un briquet de sa poche. Tiens, je n'avais même pas fait

attention qu'il fumait.

— J'essaye d'arrêter, releva-t-il en voyant que je fixais le

briquet.

— Clean depuis plus de deux ans, affirmai-je.

— Je suis impressionnée, O'Brian.

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Page 126: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Tu peux ! répondis-je avec assurance, car m'arrêter avait été

un véritable défi.

Il alluma la bougie, son parfum unique de citron vert et de

noix de coco ainsi que sa lumière douce créa tout de suite une

ambiance agréable et relaxante dans la pièce. J'étais sur le point

de fermer les yeux lorsque je le vis s'en saisir.

— Wow wow wow... tu m'expliques ?

— Chutttt calme-toi O'Brian, c'est un vieux truc de grand-

mère, souffla-t-il en se penchant en avant. Lorsque j'étais petit,

alors que je jouais à Colin Maillard avec ma sœur, je suis tombée

dans un cactus. Les aiguilles étaient tellement fines et il y en

avait tellement que ma grand-mère a dû utiliser cette technique

pour pouvoir me les retirer.

— Oh ! criai-je en sentant la cire chaude se répandre sur ma

fesse.

Ce n'était pas si chaud que ça en fait. Sentir son souffle sur

cette partie de mon anatomie me rendit toute molle et une douce

sensation se propagea dans le bas de mes reins. Du bout de

l'ongle il gratta un côté et délicatement il retira la fine pellicule de

cire et l'épine qui maltraitait ma chair.

— Et voilà, souffla-t-il fier de lui. Je suis le meilleur

— Tu es le meilleur, répétai-je en roulant des yeux. Merci !

— Tout le plaisir a été pour moi.

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Page 127: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJe rougis en me noyant dans ses yeux bleus incandescents. Il

se rapprocha de moi et me déposa un bisou sur le haut de mes

fesses.

Oh ?

— C'est juste un bisou magique, ajouta-t-il en me voyant

déglutir. C'est ce que me faisait ma grand-mère pour que je

guérisse plus vite.

— Oui, couinai-je en plaquant ma tête dans l'oreiller.

— Bien, repose-toi deux minutes, femme. Je vais à la chasse

pour trouver de quoi nous sustenter. Et d'un geste brusque il me

claqua les fesses.

— La chasse ?

Surprise je me redressai dans le lit et vis ses yeux faire un

aller-retour de ma poitrine à mon visage.

— Désolée, soufflai-je, me couvrant les seins.

— Non, non, pas de souci... enfin... euh... je pars juste nous

acheter quelque chose à manger au Tex Mex du coin.

— Attends, je vais te donner de l'argent.

J'allais me lever quand il me stoppa d'un geste.

— Ne bouge pas, ok ! cria-t-il, relevant une main devant les

yeux.

Saisissant à tâtons son sac en papier kraft. Il en sortit une

chemise et un pull en laine qu'il enfila sans prendre le soin de

127

Page 128: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L retirer les étiquettes. Il passa sa veste et sortit sans se retourner

me laissant là, seule, complètement abasourdie.

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Page 129: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Douze

Je regardai ma montre, quinze heures trente. Remontant le col

de ma veste je retournai en direction du centre commercial, les

mains enfoncées dans les poches, mon esprit complètement

embrouillé. La voir à moitié nue enroulée dans cette mini

serviette m'avait mis au supplice. Ses seins, mon Dieu... ses

seins ! Je ne lui avais pas rendu justice en la décrivant au steward

de l'aéroport. Ils étaient ronds et fermes et l'envie de poser mes

mains et de les prendre en coupe avait failli me faire perdre le

contrôle.

Elle avait éhontément détaillé chaque partie de mon corps

pendant que je m'étais affairé à la soigner. Son regard s'était

attardé sur les boutons de mon jean que j'avais volontairement

laissés ouverts. Voir ses joues s'empourprer avait été un pur

délice. Et c'est avec un plaisir mal dissimulé que je m'étais

appliqué à lui retirer chacune des épines qui endolorissaient sa

chair.

Notre temps était précieux, certes et j'en étais conscient. Mais

je ne pouvais m'empêcher d'être reconnaissant envers cet

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Page 130: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L opossum qui avait eu la bonne idée de se mettre en travers de sa

route ou devrais-je dire ses fesses.

Pourquoi t'es-tu enfui ? me demanda ma conscience.

Pour son bien, murmurai-je en essayant de m'en convaincre.

Car même si je crevais d'envie et de désir pour elle, je ne voulais

pas qu'elle imagine que je tentais d’abuser de sa confiance.

Pour la première fois de toute ma vie je n'avais pas envie que

les choses dérapent. Je voulais la découvrir, prendre mon temps,

lui plaire, la charmer. Je voulais la faire fondre sous mes doigts,

l'entendre gémir sous mes caresses et de nouveau avoir

l'opportunité de toucher son si joli tatouage.

Romagnas. C'était décidément un joli nom pour une fleur.

Tu deviens guimauve, se moqua ma conscience.

— Oh la ferme ! criai-je plus fort que de raison alors que je

rentrais dans le restaurant.

Je venais de crier tellement fort que la femme qui se tenait

derrière le comptoir se retourna pour me toiser. Elle me fusilla du

regard et sa mauvaise humeur n'eut d'égal que sa forte

corpulence. Voyant son visage peu enclin, je tentai un bonjour en

lui décrochant mon plus beau sourire, mais malgré tous mes

efforts elle ne bougea pas un sourcil et resta plantée en me

dévisageant de la tête aux pieds.

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Page 131: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJ'étais sur le point de ressortir quand celle-ci se pencha au-

dessus du comptoir en m'offrant une vue vertigineuse sur sa

poitrine généreuse.

Wow !

— Qu'est-ce que je sers à ce beau blanc-bec ?

— Euh... bégayai-je surpris. Merde, j'étais parti tellement vite

de notre chambre d'hôtel que je ne savais même pas ce qu'elle

aimait.

— Bonjour, je pourrais consulter votre carte, s'il vous plait ?

— Tiens. Elle me la tendit de ses gros doigts potelés. Pose tes

jolis petites fesses ici et mets-toi à l'aise.

Elle me montra une petite table en bois noir dressée pour deux

personnes avec une nappe à carreaux rouges et blancs. Elle était

située près de la fenêtre et de là j'avais une vue imprenable sur

ma voiture.

Je soufflai en regardant ma montre. Le temps,

malheureusement pour nous, ne ralentissait pas sa course.

— Désolé, mais je vais prendre à emporter. Je n'ai pas

beaucoup de temps devant moi, ajoutai-je en passant une main

derrière la nuque.

— Comme tu voudras, chéri.

Déçue, elle repartit derrière ses fourneaux. Je détaillai la carte

me demandant ce que Lisy souhaiterait manger. Je savais qu'elle

aimait les Matcha Latte, qu'elle appréciait le vin, la viande rouge

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Page 132: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L et le gratin dauphinois. Mis à part ça, je ne savais rien d'autre la

concernant.

Faux ! m’interpella ma conscience. Tu connais la sensation du

velouté de sa peau sous tes doigts, la douceur de son regard et le

tatouage qu'elle a de caché dans le creux de ses reins.

— Mumm... Son tatouage ! Je voulais à jamais graver la vision

de ses courbes sous la lueur vacillante de cette bougie.

— Alors vous avez choisi ? demanda cette femme au look de

Marilyn Monroe défraichie.

Je regardai autour de moi, le snack semblait clean. Il était

éclairé par des lanternes comme dans les vieux westerns. Le

comptoir était en bois et des selles de cheval servaient de

tabourets. Les plats présentés sur la carte semblaient appétissants

et l'odeur qui sortait des cuisines finit par réveiller mes papilles.

Euh... du poulet, tout le monde aime le poulet, pensai-je.

Je commandai deux chicken-fried steak avec deux portions de

potatoes, ainsi que deux crumbles aux fruits rouges.

— Quelque chose à boire, mon chou ? me demanda la femme

en me faisant un sourire charmeur.

Oh mon Dieu ! cria ma conscience. Un frisson parcourut mon

échine alors que je me passais une main sur mon visage.

— Du coca, s'il vous plait... Madame.

— Madame ? Oh ! Mais c'est qu'il est poli avec ça. Elle

approcha sa grosse paluche près de mon visage et me pinça la

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Page 133: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisjoue. Je vais te rajouter de la sauce piquante, une belle gueule

d'amour comme toi doit avoir obligatoirement une jolie jeune

fille qui l'attend quelque part. Tu dois être en forme... rajouta-t-

elle d'une voix grave en me tapotant la joue.

Fermant les yeux, je lui fis un sourire forcé. J'avais

sincèrement l'impression qu'elle allait me décoller le cerveau si

elle continuait à me tapoter la joue, ou devrais-je dire la tête étant

donné que sa main devait faire sans mentir une fois et demie mon

visage.

Oui, il y a bien une jolie jeune femme... pensai-je tristement.

Cela allait lui prendre quelques minutes pour me préparer tout

ça, aussi durant ce laps de temps je partis m'installer à la table

située près de la fenêtre. Les infos étaient diffusées sur un vieux

téléviseur dans un coin de la pièce. N'ayant pas le son, je me mis

à lire la bande d'informations qui défilait sur le bas de l'écran.

Je blêmis en lisant que le corps d'un médecin reconnu et

apprécié de Lajitas, Enrique Banavero, venait tout juste d'être

retrouvé au fond d'un puits à Terlingua, une ville fantôme du parc

national de Big Bend. D'après le légiste présent sur les lieux,

l'oncle de Lisy avait eu la nuque brisée. À l'écran on pouvait voir

sa photo. Ainsi que celle d'un autre homme en tenue de Border

Patrol. En arrière-plan, il y avait des voitures de BP ainsi que

celles du FBI garées devant une ferme désaffectée.

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Page 134: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Je le savais, Lisy ne m'avait pas menti, pensai-je en cherchant

aussitôt mon portable dans la poche de mon jean, pour appeler

Matt.

— Merde, grognai-je en tâtant mes poches, j'avais dû le laisser

sur la commode de la chambre d'hôtel.

— Ça te fera soixante-sept $ mon cœur...

— Oui...

— Hey ! Tu vas bien, j'ai l'impression que tu as vu un fantôme.

— Oui ça va. Merci, répondis-je. Gardez la monnaie.

— Oh, et en plus d'être beau comme un dieu, monsieur est un

prince ! Si ta demoiselle ne veut pas de toi, tu sais où me trouver.

Je m'appelle Samantha.

J'attrapai le sac et m'apprêtai à partir quand je vis au travers de

la vitrine une jolie jeune femme aux cheveux ébène qui courait en

direction de ma voiture.

Ma voiture ?

— Lisy ? criai-je en tapant sur la vitre du restaurant.

Elle releva la tête vers moi et me fit un hochement de tête, la

lueur qui brillait dans ses yeux était si triste que cela me déchira

le cœur.

— Hey ! Qu’est-ce qui se passe ? Attends-moi ! criai-je en

tapant un peu plus fort sur la vitre.

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Page 135: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisElle murmura quelque chose, mais je ne compris pas un traître

mot de ce qu'elle était en train de me dire. Elle s'engouffra à

l'intérieur du véhicule, le démarra puis enclencha la marche

arrière pour quitter la place de stationnement.

J'avais l'impression de voir un film en 3D se dérouler devant

mes yeux.

— Lisy, merde ! paniquai-je en laissant tomber mon sac de

nourriture sur le sol.

Sans même réfléchir, je sortis du Tex Mex et me mis à courir

après ma voiture. Celle-ci fit un demi-tour, et dans un crissement

de pneus elle enclencha la première en me laissant sur place.

Wow ! L’adrénaline courait dans mes veines, mes jambes se

mirent à flageoler, mon cœur était sur le point de sortir de ma

poitrine et je sentis comme une envie de vomir. Je tombai à

genoux au beau milieu de cette grande avenue, en sentant la peur

s'insinuer en moi.

Je mis quelques secondes avant de réaliser ce que je faisais là.

C'est le klaxon d’une semi-remorque qui me sortit de ma torpeur

et la grosse main de Samantha qui m’évita une mort certaine en

me tirant par le col de ma veste.

— Merde ! criai-je en regardant Samantha.

— Un merci m'aurait suffi... Elle semblait tout aussi choquée

que moi.

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Page 136: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Je restai quelques instants sur ce trottoir, tremblant, les yeux

hagards, mes pensées perdues dans je ne sais quel scénario

Hitchcockien.

— Allez, reste pas là beau gosse. Viens avec moi, dit

Samantha en me tirant par le bras. BERNI ! Le petit a besoin d'un

remontant ! ajouta-t-elle alors que nous rentrions de nouveau

dans le restaurant.

Un petit homme trapu portant un tablier de cuisine sortit de la

réserve, il était brun, avec une tonsure sur le haut du crâne, de

grands yeux marron qui respiraient la gentillesse. Il me fit un

sourire et me tendit un verre.

— Je te présente mon mari Berni, me dit Samantha avec un

sourire qui cette fois se voulait rassurant.

— Merci Berni, dis-je en prenant le verre. Je le portai à ma

bouche, avalai une gorgée et le recrachai aussi sec.

Merde ! C’était quoi ce tord-boyau ?

La main de Samantha s'éleva et vint s'abattre entre mes deux

omoplates, le choc fut si violent que j'étais certain de mourir d'un

décollement des poumons dans les secondes qui allaient suivre.

Je toussai en me demandant si la semi-remorque n'aurait pas

été une fin plus enviable car j'avais l'impression de me consumer

de l'intérieur.

— Alors, on n’est pas habitué à boire comme un homme ?

rigola Berni.

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Page 137: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Si, mais... c'est quoi ? toussai-je en me pinçant l'arête du

nez.

Les larmes me piquaient les yeux, ma gorge me brûlait et cela

n'avait plus rien à voir avec l'émotion, ni la peur qui m'avait

étreint il y a quelques secondes.

— Du mezcal mon chou, de l'eau de vie faite à base d'agave,

ça envoie, hein !

La voix grasse de Samantha résonna dans un rire tonitruant.

— Wow, j'ai l'impression d'avoir les poumons en feu.

— Alors c'était qui cette demoiselle ?

Que devais-je répondre à ça ! Qui était-elle ? Pourquoi était-

elle partie aussi vite ? Pourquoi ne pas m'avoir attendu ? Merde !

Je devenais fou.

— Tu sais, je plaisantais tout à l'heure, tu as beau être beau

comme un prince, je ne quitterai pas mon Berni pour tes beaux

yeux.

— Merde ! Elle m'a piqué ma voiture, marmonnai-je entre mes

dents.

— Où est-elle partie comme ça ? Elle m'a donné l'impression

d'avoir le diable aux trousses.

Je déglutis en voyant le regard de Berni se renfrogner.

— Ce n'est pas moi le diable.

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Page 138: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Oh, ça je sais ! Toi, tu as plutôt une gueule d'ange.

Samantha me cramponna le menton entre son pouce et son index

et me le secoua en me regardant bien droit dans les yeux.

— Berni, va chercher les clés de voiture ! Je ne sais pas ce qui

a poussé sa dulcinée à s'enfuir, mais on va aider ce petit.

— Je ne voudrais pas abuser, dis-je en déglutissant, sentant

peu à peu la brûlure s'amoindrir dans ma gorge. Je vais prendre

un taxi.

— Ne dis pas de sottises mon joli. Trouver un taxi ici c'est

comme chercher une mine d'or.

Et Berni revint avec un trousseau dans les mains.

— Suis-moi.

Son humeur semblait s'être assombrie.

— Euh... Merci... merci pour tout.

— Allez, fous moi le camp d'ici... lança-t-elle en me redonnant

mon sac. Je t'ai remis un peu d'ordre dans tout ça.

— Merci.

— De rien, beau gosse...hey ?

— Oui ?

— Je ne veux pas revoir ton joli petit cul dans ce restaurant

avant que tu ne l’aies retrouvé, c'est clair ?

Je hochai la tête en signe d'assentiment.

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Page 139: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisAlors que je suivais Berni à l'arrière du bâtiment, je me frottai

la nuque en réfléchissant à ce qui venait de se produire.

— Tu sais gamin, je tiens énormément à cette caisse. Ce fut la

voix de Berni qui me fit relever la tête.

— Ok !

—Certainement autant qu'à ma Samantha, je me suis bien fait

comprendre ? ajouta-t-il en prenant soin de débâcher la voiture.

— Je crois, oui.

— Je ne te connais pas, mais si tu fais une seule rayure à mon

bébé, je te retrouverai et tu pourras dire adieu à tes bijoux de

famille.

— Oui, répondis-je en déglutissant.

Sincèrement je ne voulais pas le vexer mais j'avais d'autres

projets en ce qui concerne mes bijoux de famille.

— Ton permis ?

— Oh oui, tenez !

Waouh ! J’avais beau être sous le choc du départ précipité de

Lisy. Je ne pouvais qu'être émerveillé devant cette magnifique

Cadillac Chevy 53 bleu ciel complètement restaurée, un vrai petit

bijou.

— Grégory Cummings.

Il détailla mon permis, vérifiant qu'il soit bien conforme et

vrai. Tu m'as l'air d'être un bon gars, petit. Alors si j'ai un conseil

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Page 140: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L à te donner, l'amour peut rendre fou, mais si elle en vaut la peine

comme ma Samantha, rien ne doit se mettre en travers de ta

route.

— Merci Berni, répondis-je en récupérant mon permis.

Je n'en revenais pas. Qui de nos jours prêterait sa voiture de

collection à un parfait inconnu ? Ces gens-là étaient atypiques.

Berni semblait être un petit bonhomme confiant et honnête,

Samantha quant à elle était une grande dame autant par sa

corpulence que par sa bonté d'âme.

—Lisy... à nous deux.

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Page 141: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Treize

Après une poignée de mains échangée avec Berni, lui

promettant une dernière fois que j'allais prendre soin de son bébé,

j'étais retourné à l'hôtel pour récupérer mon portable.

Il fallait absolument que je joigne Matt pour savoir ce qu'il

savait à propos de cette descente de flics à Terlingua.

Que s'est-il passé pour que tu partes comme ça, Lisy ? pensai-

je en appuyant sur l'accélérateur.

J'avais trouvé la porte de notre chambre entrouverte, sa valise

et ses fringues éparpillées sur le lit.

La bougie avait fini par se consumer totalement, dégageant

ainsi une odeur âpre, une odeur d'amertume.

Mon regard s'était posé sur l'écran plat allumé sur la chaine

des news. Je m'étais rapproché pour augmenter le son et m'étais

figé en regardant la photo encadré d'un Border Patrol, Il avait des

yeux d'un vert incroyable.

Son père.

Saisissant mon portable sur la commode, j'avais aussitôt quitté

les lieux.

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Page 142: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Désolé, nous sommes obligés de partir, veuillez garder

notre chambre et nos affaires... avais-je dit en jetant une liasse de

billets sur le comptoir du réceptionniste qui commençait à se

lever.

— Monsieur... monsieur, j'ai ...

— Pas le temps, on verra ça plus tard. Je l'avais coupé en

courant vers la sortie.

— Mais monsieur... Celui-ci m'avait couru après dans le hall

d'entrée, mais voyant que je ne m'arrêtais pas, il s'était mis à

grommeler des injures, puis avait fait demi-tour.

Quel connard ! Ce n’était pas le moment de me les briser à

cause d'une chambre. Je lui avais jeté assez d'argent sur le

comptoir pour m'offrir cette foutue chambre pendant plus de

quinze jours.

*

Malgré mon non-respect de la vitesse autorisée, je ne l'avais

toujours pas rattrapée. Décidément cette femme était surprenante.

Elle était l'ex d'un champion de rallye, m'avait-elle affirmé un peu

plus tôt, je ne doutais plus de ses talents de conductrice à présent.

Toutefois je grognais de rage en imaginant je ne sais quel pilote

poser ses mains sur elle.

J'avais par la suite appelé mon père et Matt, ils étaient sur la

route. Ils venaient tout juste de passer Indianapolis.

— Alors où êtes-vous ? m'avait-il demandé.

142

Page 143: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Je viens de quitter Pacific.

— Comment va Lisy ?

— Nous venons de voir les infos à la télé.

— Greg, tu as l'air bizarre, est-ce que ça va ?

— Lisy vient de partir.

— Partir ? Comment ça partir ?

— Elle s'est barrée, elle a foutue le camp, elle m'a planté !

Je repensais à son regard triste. Ce n'était pas le regard d'une

personne qui tente de fuir, mais celui de quelqu'un en détresse,

quelqu'un qui a peur.

Mais peur de quoi ? De qui ? De moi ?

Avait-elle peur que je découvre des choses inavouables sur son

père ? J'étais sûr que son départ précipité était en rapport avec ce

que j'avais vu sur l'écran de cette chambre d'hôtel.

— Pa, donne-moi tous les détails que tu as sur la mort de son

père ? Pourquoi en parlent-ils aux infos ?

—Deux mille dollars, voilà ce qu'il en coûte aux clandestins

pour pouvoir passer la frontière. Les «Coyotes» regroupent les

émigrants, hommes, femmes, enfants, dans une planque. Après

quelques jours, quand ils sont assez nombreux, ils leur font passer

le Rio Grande de nuit.

— Mais que vient faire la famille de Lisy là-dedans ?

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Page 144: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L —Ils ont pour habitude d'avoir un point d'attache côté US.

Nous pensons que l'organisation pour laquelle travaillaient

bénévolement la tante et l'oncle de Lisy servait de couverture à la

mafia. Ils utilisaient les clandestins pour passer de la drogue.

— Des mules ?

— Oui.

— Tu crois que sa famille était au courant ?

— Je n'en sais rien.

— Quel est le rapport avec son père ? Il est mort il y a dix-sept

ans papa. Pourquoi en parler aujourd'hui ?

..........

— Papa ?

— Dix-sept ans, Greg.

— Je sais papa... avais-je répondu en sachant d'avance à quoi

il faisait allusion.

— Mais tu sais ce qu'il y a de plus bizarre dans tout ça...

— Dis-moi...

Je savais que cela réveillait en lui de vieilles blessures. Durant

toutes ces années il n'avait fait que survivre au décès de ma mère,

il avait promis avant qu'elle ne rende son dernier souffle de

veiller sur nous. Elle s'était éteinte dans ses bras, comment

oublier et refaire sa vie après ça, comment passer à autre chose

quand on a connu l'amour, le vrai, la femme qui fait vibrer

144

Page 145: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davischaque parcelle de votre corps, qui réveille en vous tant

d'émotion que sans le savoir elle nourrit votre cœur et votre âme.

..........

— Papa, tu vas bien ?

Mon père m'avait donné l'impression d'être à bout de souffle.

— Son père est mort deux jours après le décès de ta mère.

— Quoi ? Deux jours après maman ? avais-je murmuré en me

raclant la gorge. Tu m'as bien dit qu'il était mort dans une

fusillade, non ?

— Matt a réussi à avoir le rapport de police, son père est mort

d'une balle en plein cœur, il apparaîtrait qu'elle ait été tirée à bout

portant. Il n'a même pas eu le temps de dégainer son arme.

— Pour tirer d'aussi près il fallait qu'il connaisse son

agresseur.

— C'est ce que nous pensons. Mais il a été trouvé une certaine

quantité de drogue sur lui.

— Un ripou ?

— Il a été considéré comme tel durant des années. Matt a

creusé un plus loin et nous avons trouvé un document classé

après enquête, et il s'est avéré que rien de compromettant n'a été

retrouvé chez lui, ni drogue, ni argent sale, son compte perso était

clean.

— Cela ressemble plus à un coup monté.

145

Page 146: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Cela m'en a tout l'air.

— Qu'en est-il pour Enrique et Lisbeth ?

— Nous n'en savons pas plus pour l'instant.

— Lisy est donc partie vivre chez sa tante Maria ?

— Oui, après les obsèques. Les enfants de l'école lui ont mené

la vie dure.

— Oh !

— L'honneur de son père ayant été bafoué, il n'a pas eu droit à

des obsèques nationales. Et malgré le manque de preuves, il n'a

jamais été réhabilité, même pas à titre posthume.

— Merde papa, elle n'avait que neuf ans.

— Je sais fils... je sais...

Bien sûr qu'il savait. Nous en avions à peine dix quand ma

mère avait été assassinée devant nos yeux. Cela nous avait

changés à jamais, cela nous avait obligés à grandir plus vite et

nombreux avaient été nos cauchemars après cette nuit-là.

— Pour le médaillon, t'a-t-elle dit quelque chose ?

— Trouvé à Terlingua sur le lit de camp de Tess.

— Mais comment est-ce possible ?

— Je n'en sais rien papa. Elle n'en savait pas plus à ce sujet,

elle a pensé qu'il lui appartenait, c'est pour ça qu'elle l'a récupéré,

elle voulait juste le lui rendre.

— Oh !

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Page 147: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisSa tristesse était palpable, espérait-il quelque chose par rapport

à ce médaillon ? Souhaitait-il toujours retrouver la personne qui

avait tué ma mère ?

Bien sûr que oui ! Comme moi il gardait au fond de lui l'espoir

qu'un jour l'assassin de ma mère pourrisse derrière des barreaux.

Où es-tu Tess,.... et comment as-tu retrouvé le pendentif de

maman ?

Les paroles de Lisy dans cette chambre du Méridien King

Edward me hantaient.

Tess lui avait demandé de me dire : Greg, dites à Greg, lui

seul comprendra... m'a promis de revenir rien que pour moi. Je

me souvenais de ces mots, ils avaient été dits le soir où ma mère

avait été assassinée. L'agresseur avait ensuite saisi ma sœur et

j'avais tout fait pour qu'il la lâche, brandissant alors son arme il

avait tenté de me donner un coup de couteau, mais c'est ma sœur

qui en portait aujourd'hui les stigmates.

Se pouvait-il que Tess ait trouvé quelque chose sur la mort de

notre mère, mais dans ce cas-là, pourquoi être partie toute seule ?

Et quel était le rapport avec le Mexique ?

— On va s'arrêter pour manger un bout. Matt est fatigué, je

vais prendre le volant. Ça va aller pour toi ? m'avait demandé

mon père alors que j'étais perdu dans mes pensées.

— Oui pa, ne t'en fais pas. Je vais tout faire pour la rattraper...

147

Page 148: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Fais attention à toi. On te rejoint au plus vite. Sur ces

bonnes paroles, il avait raccroché, laissant un silence pesant me

posséder, me dévorer de l'intérieur.

*

Je me remémorais tous les moments que j'avais passés auprès

d'elle durant ces dernières vingt-quatre heures. Dieu seul sait

combien je l'avais trouvée sexy dans mon bureau, dans cette robe

grise en laine et ces bottes en cuir marron. Et puis il y avait eu ce

moment où je l'avais serrée contre mon cœur, elle avait énuméré

sans se tromper les composants de mon parfum. Emporio

Armani. Et puis le souvenir de sa bouche s'entrouvrant sur ce

verre au Méridien me revint en tête. La justesse de ses propos

concernant son analyse sur les arômes de ce vin m'avait coupé le

souffle.

Elle était un être d'exception, déterminée, courageuse,

terriblement attirante et surtout attachante. Je fermai les yeux une

nanoseconde juste le temps de me souvenir de la chaleur de son

corps sous la paume de ma main.

«Romagnas»

Décidément ce tatouage lui allait comme un gant, elle était

libre et sauvage comme cette fleur des champs. La tension que je

ressentais n'était pas seulement due au stress et à l'angoisse, il y

avait bien plus... tellement plus.

148

Page 149: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisUn bisou magique était la seule idée potable qui m'était venue

à l'esprit pour justifier le besoin de poser mes lèvres sur son

corps.

MERDE ! criai-je de frustration. J'avais fui, j'étais parti

comme un....

Con… tu peux le dire, souffla ma conscience. Si tu ne t'étais

pas barré comme un imbécile, tu serais en ce moment même en

train de lui faire l'amour.

— Et toi pourquoi es-tu partie ? Je ne t'aurai jamais jugée,

soufflai-je agacé.

J'allumai la radio. L'animateur était en train de donner l'heure,

dix-huit heures. Je montai un peu plus le son lorsque Lost de

Mickael Buble s'éleva dans l'habitacle de la voiture. J'écoutai les

paroles de cette chanson qui prenaient un tout nouveau sens, elle

s'adaptait parfaitement à notre situation. J'augmentai le volume et

c'est sans pudeur que je me mis à fredonner...

Cause you are not alone

And I am there with you

And we'll get Lost together

Till the light comes pouring through

Cause when you feel like you're done

And the darkness has won

Babe, you're not Lost

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Page 150: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L When the world's crashing down

And you cannot bear to crawl

I said, baby, you're not Lost

I said, baby, you're not Lost

I said, baby, you're not Lost

I said, baby, you're not Lost

— Non Lisy, tu n'es plus seule, tu n'es pas perdue, murmurai-

je à voix basse.

150

Page 151: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Quatorze

Mon Dieu, mais qu'avais-je fait ? Je l'avais laissé... réellement

laissé...

Mes yeux n'avaient pu le quitter et je l'avais regardé dans le

rétroviseur s'effondrer sur cette route, avec cette lueur

d'incompréhension et de panique dans le regard. Je l'avais vu

tomber à genoux, les mains à plat sur ce bitume.

J'avais eu un moment de doute et mon pied s'était posé sur le

frein, mais contre toute attente luttant contre mes sentiments et ce

que me dictait mon cœur, je m'étais appliquée à suivre les

consignes de ma tante et j'avais accéléré, j'étais partie, le laissant

là, seul, dans ce froid glacial.

Les larmes n'avaient cessé de couler sur mes joues et je les

avais essuyées rageusement du plat de la main.

Que les ténèbres m'emportent ou bien qu'on me libère !

J'avais la sensation que ma vie ne tenait qu'à un fil et que

celui-ci risquait de rompre à tout moment.

Pourquoi, pourquoi la vie s'acharnait-elle contre moi ?

Qu'avais-je bien pu faire pour mériter ça ?

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Page 152: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Je ne m'étais jamais plainte, j'avais appris à assumer, à me

montrer forte, mais là, j'avais la nette impression de sombrer.

Dès mes toutes premières années, j'avais compris que je n'étais

pas une enfant comme les autres et que jamais je ne connaîtrai la

chaleur et le réconfort que peuvent apporter les bras d'une mère.

Mon père dévoué et aimant m'avait entourée de tout l'amour et

de toute l'attention qu'une petite fille est en droit de connaître. Il

avait mis sa peine de côté et c'est sous son regard bienveillant que

j'avais appris à faire mes premiers pas.

Je me souvenais encore de la première fois où il avait retiré les

roulettes de mon vélo, et de la peur qu'il avait eue lorsque j'avais

dévalé l'avenue sans pouvoir m'arrêter. C'est un poteau

téléphonique qui avait stoppé ma course. Il avait alors rangé mon

vélo en maugréant que je ne monterais plus jamais sur cet engin

de malheur.

Je me souvenais de cette lueur de fierté qui avait brûlé dans

ses magnifiques yeux verts lorsque j'étais montée sur scène pour

mon tout premier gala de danse, je n'étais qu'un simple petit lion,

et pourtant à la fin de la représentation il s'était levé de sa chaise

et m'avait applaudie comme si j'étais la plus belle des danseuses

étoile.

À mes huit ans, j'avais eu mon premier chagrin d'amour,

Felipe Bares. Son père, avocat, avait été muté dans une grande

firme à Houston.

152

Page 153: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisÀ l'école, nous lui avions préparé une surprise pour son départ

mais le matin même de cette journée qui devait rester mémorable

à mes yeux, je m'étais retrouvée alitée avec 39° de fièvre et une

bonne angine.

Inconsolable. Mon père n'avait pas hésité une seconde car à

peine rétablie, il m'avait conduite jusqu'à son nouveau domicile.

Nous avions roulé toute la nuit vers Houston, puis avec l’accord

de ses parents il nous avait ensuite emmenés à la mer et nous

avions passé une merveilleuse journée sur cette plage du Golfe du

Mexique. Nous avions regardé ces pêcheurs adossés à leurs

vieilles voitures, leurs cannes plantées dans le sable. Je gardais

encore le souvenir de l'odeur de la mer, des embruns qui avaient

fouetté nos visages, de ces grandes dunes et de ces coquillages

que nous avions ramassés.

Durant ces neuf années passées avec lui j'avais appris à

apprécier les choses simples, à être forte, à respecter les autres et

à écouter mon cœur. Mais malgré tous ses efforts, il était resté ce

vide au fond de mon cœur qu’il n'avait pas réussi à combler,

j'avais tout de même fantasmé en voyant mes copines et leur

maman se promener main dans la main en allant faire leurs

courses. Je n’avais pu m’empêcher d’imaginer ce que cela me

ferait d'avoir un bisou le soir avant de m'endormir. J'avais envié

ma meilleure amie lorsque celle-ci se maquillait en cachette en

prenant le rouge à lèvre de sa mère.

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Page 154: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Un soir, après l'école alors que mes camarades de classe

avaient passé la journée à préparer un cadeau pour la fête des

mères, j'étais rentrée chez moi en pleurs. J'étais montée

directement dans le grenier et telle une petite souris j'avais ouvert

le cœur battant cette malle que mon père gardait précieusement.

Elle contenait tous les trésors dont une enfant puisse rêver, les

affaires de ma mère. J'avais passé la nuit à essayer ses robes, ses

chaussures à talons, ses chapeaux. J'avais senti ses vêtements,

essayant ainsi de trouver cette odeur qui aurait pu me rapprocher

d'elle.

Dans la nuit, mon père m'avait retrouvée endormie dans un

amoncellement de tissus. Il ne m'avait rien dit, je ne m'étais pas

fait gronder. Il m'avait simplement prise dans ses bras, embrassé

les cheveux, reconduite dans ma chambre et je m'étais rendormie

contre lui dans mon tout petit lit.

Au petit matin, au lieu de retourner à l'école, nous étions partis

apporter un bouquet de Romagnas sur la tombe de maman et c'est

l'odeur de cette fleur qui avait fini par apaiser mes pleurs.

Le soir même, allongée dans mon lit, je n'avais cessé de

repenser à ce merveilleux trésor trouvé dans cette malle. Ne

désirant qu’une seule chose, revivre cet instant magique, je

m'étais levée et sur la pointe des pieds je m’étais dirigée à travers

ce long couloir vers ma terre promise.

Passant devant la chambre de mon père, j'avais été étonnée de

l’entendre pleurer. Me postant derrière sa porte, le cœur battant,

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Page 155: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisj'avais hésité longuement, ne voulant pas le déranger. Mais ma

curiosité d'enfant avait fini par l’emporter et j’avais regardé à

travers la serrure. La peine que j'avais lue sur ses traits était telle

que cela avait instantanément brisé mes rêves de petite fille.

Aussi, j'étais retournée directement dans ma chambre et avec la

ferveur et la croyance d'une enfant de mon âge, j'avais passé la

nuit à prier, demandant à Dieu de lui rendre ma maman. Celui-ci

avait exaucé mon vœu, car deux jours après la fête des mères,

tante Maria était venue m'annoncer que mon père était parti

rejoindre ma maman et qu'ils étaient maintenant tous les deux

réunis et heureux au paradis.

Voulant à tout prix les retrouver, je m'étais enfuie. J'avais pris

mon sac à dos, cassé ma tirelire et m'étais faufilée entre les

passagers qui prenaient le bus pour le Mont Davis.

Mon père avait tenu à ce que ma mère soit enterrée aux pieds

de nos vignes. Un petit mausolée en pierre de lave qu'il avait bâti

de ses mains. J'étais certaine de les retrouver là-bas, certaine

qu'ils m'attendraient tous les deux.

J'étais descendue du bus au bas de la vallée. Le chemin s'était

montré difficile, aride et tortueux. Sur la route j'avais cueilli des

Romagnas, autant de fleurs des champs que mes bras pouvaient

en porter. J'étais arrivée là-haut à la nuit tombée, les mains et

genoux écorchés.

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Page 156: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Mon espoir avait été balayé par la brise d'un vent frais, car me

retrouvant seule devant cette tombe, je m'étais allongée à même

le sol et m'étais mise à pleurer.

À bout de force, je m'étais endormie et j'avais fait le plus beau

des rêves. Mon père et ma mère étaient là, se tenant la main dans

un champ de Romagnas et me regardaient dormir. Ils avaient

veillé sur moi jusqu'à ce qu'une voiture de police vienne me

récupérer.

Ma tante Maria ainsi que mon oncle Enrique étaient sortis du

véhicule. Perdue entre rêve et réalité, je les avais vus courir vers

moi. L'un des policiers s'était agenouillé près de moi et j'avais

senti son souffle chaud sur mon visage. Il m'avait parlé,

m'obligeant à revenir sur mes pas, à revenir vers cette lumière

bleutée qui tournait au-dessus de nos têtes.

Pendant ce temps, mes parents étaient partis en direction de

cette lumière blanche, m'abandonnant, ils m'avaient fait un

dernier signe de la main pour me dire au revoir.

J'avais alors ouvert les yeux dans la froideur de cette nuit du

mois de mai, j'avais essayé de crier pour les retenir mais le froid

et mes pleurs avaient eu raison de ma voix.

Mon oncle m'avait alors serrée contre son cœur, et c'est blottie

dans ses bras que je m'étais de nouveau endormie.

Mon réconfort et ma force, je les avais trouvés au petit matin

en me disant que, grâce à ma prière, mon père et ma mère étaient

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Page 157: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisenfin réunis et que, si en sacrifice je ne devais plus vivre avec eux

alors je devais l'accepter.

Quelques jours après la mort de mon père, j'étais retournée à

l'école, j'avais alors raconté mon rêve à ma meilleure amie

Vanessa.

Les autres enfants de ma classe qui étaient restés là à écouter

mon récit, n'avaient pas hésité à me traiter de menteuse, disant

que mon père n'était qu'un sale trafiquant de drogue et que s'il

était mort c'est parce qu'il n'était qu'une mule, un dos mouillé. Et

c'est ce jour-là, pour la première fois de ma vie, qu'à l'aide de mes

petits poings, j'avais défendu l'honneur de mon père.

En rentrant le soir chez mon oncle je lui avais juré que plus

jamais je ne verserais une larme et que plus personne ne dirait du

mal de mon père.

Mais voilà dix-sept ans plus tard. Je me retrouvais à nouveau

perdue, seule, abandonnée, pleurant comme cette nuit-là devant

la tombe de ma mère. Effrayée et meurtrie par cette peine qui

était sur le point de broyer mon cœur et de m'engloutir à tout

jamais.

*

Mon téléphone s'était mis à sonner et c'est groggy que je

m'étais levée pour répondre. Numéro inconnu. Je n'avais pas pour

habitude de décrocher lorsque les numéros n'étaient pas

identifiés.

157

Page 158: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Décroche Lisy, avait murmuré Jiminy.

— La télévision... Pourquoi Lisy ? Pourquoi as-tu prévenu la

police ? Je savais que je ne pouvais pas te faire confiance.

Je ne comprenais pas un traître mot de ce qu'elle me disait.

La TV pourquoi me parlait-elle de la télévision ? Alors comme

une automate, j'étais partie allumer ce foutu téléviseur et là ma

respiration s'était coupée et mes jambes s'étaient mises à trembler

en voyant le visage de mon père sur cet écran plat.

Terlingua...

Il y avait des voitures de Border Patrol et du FBI qui

encerclaient les lieux. Sur les images je pouvais voir en arrière-

plan des hommes qui s'affairaient à remonter quelque chose d'un

puits.

Un corps... Mon Oncle.

— Oh mon Dieu ! avais-je crié en me mettant une main devant

la bouche, posant mon autre sur mon cœur. Qui avait bien pu lui

faire une chose pareille ?

La bile m'était montée dans la gorge, je m'étais précipitée aux

toilettes pour vomir.

— Pourquoi ? avais-je crié en reprenant le combiné

téléphonique. Mais ma tante était dans un tel état qu'elle n'avait

pu me répondre. Aussi face à la violence des images diffusées sur

ce téléviseur, je réalisai pour la première fois son enfer. Que

pouvais-je lui dire ? Que devais-je faire ?

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Page 159: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Reviens, m'avait-elle suppliée. Mais seule ! Personne, tu

m'entends, personne ne doit savoir où nous sommes, avait-elle

insisté. Surtout pas les autorités. Compris ?

*

Mon Dieu que vas-tu penser de moi ?

Il va penser que tu t'es fichue de lui, me cria Jiminy. Il n'allait

pas lui falloir longtemps pour connaître la vérité sur mon père.

Que penser d'une fille d'un Border Patrol accusé de trafic de

drogue, d'une fille qui venait de le planter au milieu de la route en

lui piquant sa voiture de luxe.

Ce journaliste, Ted Sylvester venait de décrire Terlingua

comme une plaque tournante de la drogue. L'organisation où

travaillaient bénévolement mon oncle et ma tante n'était en fait

qu'une couverture pour la mafia.

Je n'étais pas née de la dernière pluie, et cela faisait longtemps

que je ne croyais plus aux contes de fées. Je savais très bien que

la mafia avait infiltré des organismes humanitaires, mais je

refusais de croire que Lisbeth ou mon oncle puissent être liés

d'une quelconque manière à un trafic de drogue.

Ce chacal de journaliste avait fait son boulot et le

rapprochement entre mon père et mon oncle avait vite été établi,

pour les médias toute cette histoire était du pain béni.

La tentation de rendre compte de cette atrocité comme d’un

énième épisode de la sale guerre des cartels mexicains était

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Page 160: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L grande. Mais les cartels de la drogue au Mexique ne s'étaient pas

faits tous seuls.

Ils prospéraient grâce à notre argent, grâce aux armes que les

États-Unis d'Amérique leur fournissaient.

Quant à l’immigration, elle était alimentée par nos besoins en

main-d’œuvre. Les cartels de la drogue avaient flairé là, la bonne

affaire et s'étaient lancés dans le marché juteux des clandestins.

Les pollos leur offraient bien plus d’avantages que la cocaïne.

Non seulement la mafia les rackettait au moment de traverser la

frontière, mais en plus ils les utilisaient comme mules et cela de

gré ou de force.

Je ne savais pas où j'allais, ni dans quoi j'allais mettre les

pieds, mais la pensée que la vie de Grégory puisse être en danger

à cause de ma famille me confortait dans l'idée que m'enfuir était

la meilleure solution.

Ma tante avait refusé de me dire où elle se cachait. Elle voulait

que je retourne directement à mon cabinet, elle m'avait soutenu

que sur place, je trouverai...

Mais trouver quoi ? Je n'y comprenais rien.

Qu'avez-vous vu pour être si effrayées? pensai-je en serrant un

peu plus mon volant.

Elle a vu ton oncle se faire assassiner de sang-froid et jeter

dans un puits. Je pense que c'est suffisant, non ? souffla Jiminy.

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Page 161: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisAu dire de ma tante, les contractions de Tess s'étaient calmées,

elle allait mieux et passait son temps à dormir.

Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'au vu de la situation

cela valait mieux pour elle.

*

J'avais essayé d'en savoir plus à son sujet mais au moment

même où je l’'avais nommé Tess, Lisbeth avait élevé la voix en

me disant : Teresa Rodriguez, je t'ai déjà dit qu'elle s'appelle

Teresa...Teresa... tu le fais exprès ou quoi ?

Pourquoi s’acharnait-elle à l’appeler comme ça ?

— Où as-tu rencontré Teresa ? lui avais-je alors demandé.

..........

Mais au moment même où je pensais obtenir une réponse, la

communication avait été coupée.

— Fais chier ! avais-je hurlé en jetant mon téléphone portable.

*

Et si elle avait raison, et que je me sois réellement trompée et

qu'elle ne soit pas la sœur de Grégory.

Une fiche signalétique dans un e-mail c'était peu comme

preuve. Je m'étais peut être faite des idées.

Pourtant Grégory avait réagi en voyant le médaillon. Il ne lui

était pas inconnu. Et après le lui avoir remis devant cet ascenseur

il était directement venu me retrouver à l'aéroport. J'avais vu son

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Page 162: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L regard s'assombrir quand je lui avais parlé de la cicatrice qu'elle

portait sur son avant-bras. Et pour conclure et mettre fin à mes

doutes Teresa et Tess étaient toutes deux enceintes.

Tout ceci ne pouvait être une coïncidence. J'étais sûre au fond

de moi d'avoir raison. Tess et Teresa étaient bien la même et

unique personne.

Allumant la radio, j'entendis la fin du flash info, ils venaient

de lever l'alerte concernant les pluies verglaçantes, les avions

pouvaient de nouveau décoller. Le temps était plus clément et si

je restais sur ma lancée dans un peu moins d'une heure je serai à

l'aéroport de Springfield. J'espérais pouvoir embarquer dans le

prochain vol pour El Paso, cette idée m'apporta un certain

réconfort car je sentais la fatigue m'assaillir de plus en plus.

La voix douce de Mickael Buble monta en puissance dans les

hauts parleurs de la voiture alors qu'il entamait le refrain de cette

chanson que j'affectionnais particulièrement.

I said, baby, you're not Lost

— Grégory, murmurai-je.

Je n'espérais qu'une seule chose, que le réceptionniste de

l'hôtel lui ait bien remis mon message.

Fais-moi confiance.

Je t'en supplie, ne viens pas.

Lisy.

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Page 163: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Quinze

Et merde c'était quoi ce voyant orange ? La jauge d'essence ?

— Allez Veronica, encore un petit effort, ne me laisse pas en

rade sur le bord de cette route, pas maintenant, on est presque

arrivé, murmurai-je en tapotant le volant pour l'encourager.

Hey, Cummings a raison, ce n'est pas un cheval, tu sais !

— Fous-moi la paix Jiminy, criai-je en relâchant mon pied de

l'accélérateur.

Je ne savais même pas de combien de réserve je disposais sur

cette caisse. J'étais à quoi ? Quatre-vingt bornes, tout au plus, de

Springfield. La nuit commençait à tomber et il valait mieux pour

moi que je trouve une station au plus vite.

— Putain, où est-ce que j'ai mis ce fichu téléphone ?

Je me souvenais de l'avoir balancé sur le lit de l'hôtel lorsque

nous avions été coupées.

J'étais pourtant certaine de l'avoir récupéré après m'être

habillée.

Je me revoyais enfiler mon chemisier blanc, mon jean, mes

bottes et mon manteau.

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Page 164: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Ah !

Je soufflai de soulagement en le récupérant. Je pianotais ma

localisation sur le GPS intégré : Autoroute I-44 W. Je venais tout

juste de passer la sortie de Conway.

La route était de bien meilleure qualité, mais elle restait encore

humide. Il devait être près de dix-neuf heures. Tout allait

s'arranger, j'en étais certaine ou du moins j'essayais de m'en

convaincre. Toutefois, afin de ne pas tenter le diable, je réduisais

un peu plus ma vitesse afin de moins consommer. L'écran de mon

GPS me donnait en temps réel la distance qu'il me restait à

parcourir avant d'arriver à la prochaine station, trente-sept

kilomètres pour être précise.

Peu avant un virage, à une vitesse qui ne dépassait pas les 80

km/heure, Veronica fit une embardée sans que je n'en connaisse la

raison.

— Hey ! lâchant le téléphone, j'attrapai le volant à deux mains

afin de stabiliser le véhicule. Donnant un coup à droite, puis à

gauche, je stoppais la voiture cinq cent mètres plus loin sur la

bande d'arrêt d'urgence. Je restais là, le front collé contre le

volant, le souffle court, tremblant de tous mes membres.

— Ahhh, criai-je en passant mes mains sur mon visage.

Je quittai le confort du Cayenne pour faire le tour du véhicule.

— Ce n’est pas vrai, pleurnichai-je en plantant un bon coup de

pied dans le pneu arrière. Le changer ne m'impressionnait pas

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Page 165: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisparticulièrement, mais ce qui me faisait littéralement enrager,

c'était le fait de tomber en panne sur une route déserte à la nuit

tombée.

Dieu trouvait-il cela marrant de voir un pauvre humain se

dépêtrer à remplacer un pneu endommagé à l'aveuglette ?

— Merde !

— Un petit souci M'dame. Je peux vous aider ?

Une main posée sur mon cœur, je me retournai en sursautant.

J'étais tellement concentrée à chercher ce foutu cric dans le

coffre, que je n'avais même pas vu ce type approcher. Un pickup

gris bleu était garé à quelques mètres à l'avant du 4x4.

Ce qui me frappa à première vue chez lui, c'est sa tenue

country, elle était des plus spectaculaires car sous un parka noir

entrouvert, il portait une chemise de cowboy avec des boutons en

émail, une cravate texane et ses cheveux formaient une banane

gominée à la brillantine.

Wow !

— Non, ça va aller, répondis-je en serrant le cric contre moi.

— Il ne fait pas bon rester dans les parages, mademoiselle, le

lieu n'est pas très sûr.

— Je vous remercie, mais je viens d'appeler une dépanneuse,

mentis-je en déglutissant, avec un manque évident d'assurance

dans la voix.

— Je peux regarder, si vous voulez.

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Page 166: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Il se rapprocha un peu plus mais je me reculai d'autant en me

collant contre la portière.

— Oh, ce n’est pas joli. Un beau clou de charpente. Il y a une

scierie à Conway, tous les jours ils en perdent une quantité

incroyable sur cette route. C'est une véritable aubaine pour les

garagistes, voir les pompes funèbres si vous n'avez pas de chance.

Mais heureusement pour vous, vous ne deviez pas rouler vite. Il

donna une tape du plat de la main en se redressant et je sursautai

au bruit de l'impact dans la carrosserie.

— Pas la peine d'avoir peur ma petite dame, tout va bien se

passer. Je vais vous régler ça en deux secondes, faites confiance

au vieux Bobby. Saisissant le cric de mes mains, il le positionna à

l'emplacement réservé à cet effet.

— Il fait froid, vous devriez vous mettre au chaud dans ma

voiture.

— Euh !

Je restai là hésitante alors qu'il me tendait son trousseau de

clés.

— Vous ne risquez rien, insista-t-il en ancrant son regard dans

le mien.

Il devait avoir dans la quarantaine, un mètre soixante-dix,

cheveux poivre et sel. Un sourire chaleureux barrait son visage,

ce qui accentuait ses pommettes saillantes. Sa petite fossette au

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Page 167: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davismenton était rehaussée d'un bouc bien taillé. Il me faisait penser à

un George Clooney version Cow-boy.

What else, murmura Jiminy dans un haussement de sourcils.

—Allez... c'est un ordre. Je n'aimerais pas avoir votre mort sur

la conscience. Il me fit signe de la main en me montrant sa

voiture. Je roulais des yeux en attrapant mon sac à main et mon

portable à l'intérieur du Cayenne.

La soufflerie montée à son maximum, je m'installai

confortablement et essayai de me réchauffer tant bien que mal. Il

pleuvait de plus en plus fort et je n'arrivais plus à distinguer son

corps au travers de la vitre arrière. Je posai ma veste sur le

dossier de mon siège et remarquai un étui à guitare posé sur la

banquette.

Il en mettait du temps. J'étais sur le point de ressortir du

véhicule quand la porte côté conducteur s'ouvrit en grand et qu'il

s'engouffra à l'intérieur. Il était trempé, le visage marbré,

complètement transi par le froid.

— Je suis désolé ma petite dame, mais les boulons de ce

satané engin n'ont pas voulu bougé d'un pouce.

Oh ! Décidément ce n'était pas mon jour.

— Bien, je vais devoir appeler une dépanneuse.

— Je croyais que c'était déjà fait ? me demanda-t-il surpris.

Pour toute réponse je mâchouillai ma lèvre inférieure en

haussant les épaules.

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Page 168: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Ok, je vois ! Mais vu l'heure, je crois qu'il serait plus sage

que je vous dépose dans un garage, il y en a justement un sur ma

route, avec un peu de chance il ne sera pas fermé. Qu'est-ce que

vous en dites ?

Je me tortillai mal à l'aise sur mon siège. Devais-je accepter ?

Je ne le connaissais pas. Personne ne savait que j'étais dans cette

voiture... et si...

Et si tu finissais découpée en morceaux, termina Jiminy.

Je me mis à frissonner en regardant Bobby en biais, et ma

main se posa instinctivement sur la poignée de la portière.

— Si ça peut vous rassurer, vous n'êtes pas du tout mon genre

ma petite dame.

Son genre, qu'entendait-il par-là ?

Oh et puis zut, qu'est-ce que je risquais ? De toute façon j'étais

sur le point d'aller me jeter dans je ne sais quelle histoire sordide

avec la mafia en toile de fond. Alors je n'étais pas à un

enlèvement près. Et puis ce Bobby m'inspirait confiance.

Oui et puis comme ça, si jamais il te tue, tu ne connaîtras pas

la fin de l'histoire, me cria Jiminy.

La fin de l'histoire ? Quelle fin ? Celle où je vais finir

assassinée par un trafiquant de drogue et jetée au fond d'un puits

? Quitte à choisir mon bourreau, je préfère que ce soit Bobby !

pensai-je en fermant ainsi le clapet de ma conscience.

— Ok ! Je vous suis.

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Page 169: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJ'attrapai la ceinture de sécurité.

— Attendez va falloir que je vous donne un petit coup de

main, elle est difficile à enclencher. Il se pencha vers moi et la

tira délicatement sans à-coup. Faut savoir la prendre avec

douceur, ajouta Bobby en me souriant.

Je fis oui de la tête, l'avoir si près de moi me mit mal à l'aise

car son odeur corporelle n'était pas sans me rappeler celle de

Cummings.

— Le nom de votre parfum ? demandai-je les yeux fermés en

inspirant profondément.

Surpris, il tourna son visage vers moi.

— Emporio d'Armani, pourquoi ?

Oh !

C'est un crissement de pneus, qui nous fit relever la tête. Une

voiture venue d'un autre temps se gara devant nous.

— Qui est ce fou ? Que veut-il ? demanda Bobby affolé.

Je haussai les épaules, tout aussi inquiète que lui.

L'homme abandonna son véhicule toujours en marche, laissant

sa portière ouverte, il se dirigea vers nous à grands pas.

Bobby était sur le point d'enclencher la première quand

l'homme se posta devant le pickup et dans un grand fracas il

claqua ses deux mains à plat sur le capot.

— Lisy, descends de là.

169

Page 170: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Vous le connaissez ?

Oui, fis-je dans un hochement de tête.

— Lisy, descends de ce véhicule, MAINTENANT.

Cummings respirait la colère. Il regardait Bobby avec tant de

fureur que cela me fit peur.

— Vous n'êtes pas obligée de descendre, me souffla Bobby

peu rassuré en posant sa main sur mon avant-bras.

— Lâchez-là ! hurla Cummings.

Perdu au milieu des phares du pickup, je pouvais voir ses

muscles se tendre, sa mâchoire se contracter. Ses yeux bleus

étaient à présent aussi sombres qu'une nuit sans lune.

— Hey ! Vous êtes dingue ? cria Bobby

La pluie battante tombait sur ses épaules. L'eau ruisselait sur

son visage. Il tremblait. Était-il furieux contre moi ?

Bien sûr qu'il est furieux, me cria Jiminy. Tu lui as piqué sa

Veronica. Tu lui as menti. Il a le droit de t'en vouloir, non ?

Oui, mais m'en voulait-il au point d'avoir volé cette voiture des

années cinquante ? D'où sortait-elle ? Une location ? Peu

probable.

— Oh mon Dieu !

— C'est votre ex ? Il ne m'a pas l'air commode. Vous voulez

que je vous en débarrasse ?

170

Page 171: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Quoi ? Mon ex ? M'en débarrasser ? Non ! Enfin, c'est

compliqué, soufflai-je peu sûre de moi en me passant les mains

sur le visage.

— Compliqué comment ? demanda Bobby en appuyant sur

l'accélérateur.

— Non ! criai-je.

Cummings profita de ce moment de confusion pour se décaler

jusqu'à ma portière. Il l'ouvrit à la vitesse de l'éclair, puis me

saisissant par le bras il me fit quitter l'abri sécurisant de cette

voiture pour me ramener à l'avant dans la lumière des phares.

— Hey ! Qu’est-ce que vous faites ? cria Bobby. Mais

Cummings ne prit même pas le temps de lui répondre,

concentrant toute son attention sur moi.

— Tu vas bien ? Dis-moi que tout va bien ? Il ne t'a rien fait ?

Oh mon Dieu, Lisy, j'ai eu tellement peur.

Il était là touchant mon visage, touchant mes cheveux, les

soulevant et les faisant glisser entre ses doigts dans la lumière des

phares, caressant mes bras, mes côtes. Ses yeux suivaient ses

mains comme s'il voulait se persuader que j'étais bien réelle.

— Je vais bien, je te le promets, je vais bien. Je t'assure, dis-je

en posant délicatement mes mains sur les siennes.

Il n'était pas du tout en colère. C'était bien de l'inquiétude qui

brillait dans son regard. Il n'avait pas l'air de m'en vouloir et

même si j'en étais surprise, je m'en trouvai surtout soulagée.

171

Page 172: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L La pluie tombait sur nous deux, et en l'espace de deux

secondes je me retrouvai à mon tour complètement trempée. Mon

chemisier blanc me collait comme une seconde peau et une pluie

glaciale perlait en fines gouttelettes sur nos deux visages, glissant

et finissant leur course sur nos lèvres.

Le regard de Cummings se focalisa sur l'une d'elles. Il était

assez près pour que son souffle chaud caresse mon cou et mon

visage lové entre ses mains se délectait de son contact. Son pouce

se posa délicatement sur ma lèvre et instinctivement j'entrouvris

la bouche. D'un seul coup, tout s'accéléra. D'une main il

emprisonna ma nuque, mon corps pris en étau entre lui et le

pickup se moula à l'accueil que m'offraient ses bras. Ses lèvres se

posèrent avec avidité sur les miennes, et c'est avec force que sa

langue se glissa dans ma bouche.

Nos cœurs à présent en fusion étaient prêts à mener une

bataille sans merci.

Le feu et la glace réunis.

172

Page 173: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Seize

Je venais tout juste de raccrocher avec Matt, ils me talonnaient

de près. Le bébé de Berni était une sacrée caisse, mais niveau

vitesse ce n'était pas une formule 1 et le confort était tout aussi

précaire, j'avais l'impression d'avoir les ressorts de mon siège

incrustés dans mon dos et mes fesses.

Nous venions de décider de nous retrouver dans moins de

quatre heures à l'aéroport de Springfield pour prendre le prochain

vol ensemble.

Où es-tu Lisy O'Brian ? Qu'est-ce que tu essayes de prouver ?

Le ballet incessant des essuie-glaces avait un effet hypnotique

et leur va-et-vient monotone anesthésiait mon cerveau.

Springfield quatre-vingt kilomètres. Enfin !

Cette grosse pancarte verte m'annonçait la fin de mon calvaire.

Durant cette dernière heure, ma seule priorité allait être de rester

éveillé et d'arriver à bon port.

Matt venait de me faire le topo des derniers événements.

173

Page 174: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Aucune drogue, aucun indice, rien qui puisse impliquer qui

que soit n'avait été retrouvé sur les lieux, si ce n'est le corps

d'Enrique bien sûr.

Une ville fantôme, voilà à quoi ressemblait Terlingua. Un

mauvais western avec un règlement de compte en prime.

Nous avions discuté de la marche à suivre vis-à-vis de Lisy. Il

était prêt à la court-circuiter en bloquant sa carte bleue et je

savais qu'elle allait être à cours de carburant dans les prochaines

heures. Mais je n'étais pas certain de pouvoir la rattraper et l'idée

qu'elle puisse être perdue au milieu de nulle part sans argent

n'était pas très rassurante.

Le coin est vraiment paumé et si tu viens à la louper... Même

ma conscience était d'accord avec moi.

Matt s'était quelque peu fâché en prétendant que mon

jugement était faussé.

Que voulait-il dire par là ? Que j'étais trop proche de Lisy ?

Afin de lui faire entendre raison, j'avais intentionnellement

évoqué la sécurité de Tess, car quoique nous puissions dire ou

faire, elle était bien la seule personne sur cette terre à pouvoir la

retrouver.

Lui nuire, l'empêcher de la rejoindre sans avoir plus

d'éléments était quelque chose que je ne pouvais me résoudre à

faire.

174

Page 175: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisÀ la sortie d'un long virage, les phares de mon véhicule

accrochèrent un point lumineux sur le bas-côté de la route. La

forme d'une voiture qui me paraissait familière se détacha du

décor. Une feuille d'érable entourée d'un fer à cheval.

Merde, ma plaque, mon Cayenne, Veronica.

S'en suivait un deuxième véhicule garé juste devant, un gros

4x4.

En raison de la vitesse à laquelle je roulais et de la pluie qui

s'abattait sur le pare-brise, j'eus du mal à distinguer qui se

trouvait à l'intérieur. Seules les silhouettes de deux corps

imbriqués l'un dans l'autre m'apparut dans la faible lueur du

plafonnier.

Je regardai une dernière fois dans le rétroviseur, et par réflexe

mon pied s'écrasa sur la pédale de freins.

Putain !

Dans un crissement de pneus assourdissant, je stoppai la

Cadillac devant le véhicule stationné sur le bas-côté.

Lisy !

Sans arrêter le moteur j'abandonnai la chaleur de mon véhicule

pour faire face à une pluie glaciale, chaque goutte d'eau était

autant de lames de rasoir qui me déchiraient la peau.

Que faisait-elle dans cette voiture ? Était-elle avec quelqu'un

qu'elle connaissait ? Ou bien quelqu'un qui lui voulait du mal ?

S'était-il arrêté pour lui porter secours ? Ou bien avait-il de

175

Page 176: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L mauvaises intentions vis-à-vis d'elle ? Tant de questions se

bousculaient dans ma tête.

Elle t'a mis à terre en deux secondes dans cette chambre

d'hôtel, me souffla ma conscience. Elle sait mieux se battre que

toi.

— Lisy descends de ce véhicule MAINTENANT, criai-je en

me rapprochant de la voiture.

La main du type se posa sur son avant-bras comme pour

l'empêcher de sortir.

Ne pose pas tes doigts sur elle, grognai-je en posant mes

mains à plat sur le capot.

— Lâche-là ! hurlai-je avec tant de haine que tous deux se

reculèrent dans leur siège.

N'aies pas peur ma douce je suis là.

La voiture se mit à vrombir un peu plus fort et je sentis comme

une poussée sous le capot.

Ouais, c'est ça vas-y roule moi dessus, connard. Qu'on rigole !

La fureur qui grondait en moi me donnait l'impression d'être

un de ces supers héros pouvant stopper un van d'une main.

Ou pas ! me cria ma conscience qui avait un instinct de survie

plus développé que le mien.

Lisy cria après ce type et posa sa main sur son torse comme

pour le stopper. Profitant de cet instant de confusion, je partis en

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Page 177: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisdirection de sa portière, l'ouvrant à la volée, saisissant son bras,

je la fis sortir sans ménagement en la ramenant à l'avant du

véhicule pour mieux l'observer dans la lueur des phares. Elle était

là, bien là, dans mes bras. Sentir son corps contre le mien me fit

perdre le sens de la réalité.

— Tu vas bien ? Dis-moi que tout va bien ? Il ne t'a rien fait ?

Oh mon Dieu, Lisy, j'ai eu tellement peur.

Je la touchais, vérifiant qu'elle n'ait subi aucun mal. La colère

que j'avais ressentie plus tôt était à présent remplacée par quelque

chose de beaucoup plus fort, de plus dévastateur, une onde de

choc s'apparentant à un tsunami. Une vague de fond détruisant

tout sur son passage donnant à mon âme l'espoir d'une ère

nouvelle, quelque chose qui jusqu'à hier n'existait pas.

L'envie de la serrer contre moi se transforma en un besoin

vital. Son corps épousait le mien à la perfection. Voir ces

gouttelettes inonder son corsage, s'écraser sur son visage,

s'échouer sur ses lèvres me donnait le tournis.

Prenant son visage en coupe, je déglutis lorsque mon pouce

partit recueillir une de ces gouttelettes perdues au milieu des

autres. Sentir son souffle chaud caresser mon doigt alors que sa

bouche s'entrouvrait me fit l'effet d'un blackout. Et c'est dans une

frénésie non dissimulée que mes lèvres partirent à la conquête des

siennes. Répondant à mon baiser elle enveloppa ses bras autour

de moi et accentua la pression de son corps contre le mien. Ses

lèvres étaient aussi douces que de la soie, beaucoup plus

177

Page 178: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L tentatrices que je n'aurai pu l'imaginer. Ma langue se montra

outrageusement déterminée et força le barrage de ses dents,

profitant ainsi de cette soif d'elle. Une sensation de chaleur

enveloppa mon corps et mon cœur, nous mettant à l'abri de

l'univers tout entier.

Mais ce type à l'intérieur du pickup fit éclater notre bulle de

bien-être et je grognai de frustration en sentant les mains de Lisy

s'appuyer contre mon torse.

— Bobby, chuchota-t-elle en reprenant son souffle.

— Hé ho ! Les jeunes, je ne veux pas vous déranger, mais

vous allez attraper la mort ! Vous voulez que je vous conduise

jusqu'au prochain garage ?

— Ça va aller j'ai une assistance dépannage, merci.

Apparemment il n'avait pas l'air d'un mec méchant mais un

sentiment totalement inconnu grondait au fond de moi et

s'amusait à obscurcir mes pensées.

Bobby ? Laisse tomber, elle est à moi, pensai-je en le regardant

bien droit dans les yeux.

Lisy mit fin à ce contact visuel en me bousculant pour

récupérer ses affaires.

— Merci Bobby.

— Ça va aller ma petite dame ? insista-t-il.

— Oui, a-t-elle ajouté en claquant des dents.

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Page 179: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Bobby ? l'interpellai-je, me raclant la gorge.

— Oui mon gars ?

— Vous ne connaitriez pas un endroit où nous pourrions nous

mettre au sec le temps que ma famille nous rejoigne ? Nous

comptions prendre le prochain vol pour El Paso.

Lisy me regarda en écarquillant les yeux.

— Quoi ? demandai-je avec incertitude

— Je pensais moi aussi prendre le prochain vol pour El Paso.

— Oh, eh bien tu vois, quoiqu'il arrive je t'aurai retrouvée,

répondis-je en fronçant les sourcils.

— Tu n'as pas eu mon message, n'est-ce pas ? murmura-t-elle

en baissant les yeux.

— Quel message ? Non, répondis-je en repensant à l'attitude

du réceptionniste de l'hôtel.

— Écoutez, j'habite à quelques kilomètres, autant venir chez

moi, nous interrompit Bobby.

— Eh bien, nous ne voudrions pas abuser de votre gentillesse.

— Si tel était le cas, je ne vous l'aurai pas proposé... Et dans ce

trou paumé vous ne trouverez rien jusqu'à Springfield. Allez,

faites-moi plaisir montez dans votre Cadillac et acceptez !

Je tournai la tête vers Lisy, elle grelottait tellement que je n'eus

pas le cœur de refuser.

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Page 180: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Ok ! Le temps de prévenir l'assistance dépannage, d'avertir

mon père et je vous suis. Reste au chaud. Je vais mettre le signal

GPS de Veronica en route, je te fais confiance, tu ne bouges pas ?

ajoutai-je en la regardant bien droit dans les yeux.

— Oui, fit-elle la mine contrite en remontant à bord du pickup.

— Je vous la confie, dis-je très sérieusement à l'attention de

Bobby.

— Elle est entre de bonnes mains. Ne vous en faites pas !

Ok, mais garde tes mains sur ton volant, grogna ma

conscience.

La dépanneuse arriva en moins de vingt minutes, et à en voir

la mine réjouie du garagiste, je sus d'avance qu'il allait essayer de

m'escroquer.

Le plus poliment possible, je lui fis comprendre qu'il n'était

pas question qu'il me fasse une quelconque embrouille vis-à-vis

de Veronica. Et j'étais prêt à faire intervenir Berni si jamais il

arrivait malheur à ma voiture.

*

Bobby ne nous avait pas menti, nous mîmes à peine un quart

d'heure avant d'arriver dans un magnifique corps de ferme.

J'avais les fesses bien au frais car le siège en cuir de la

Cadillac était trempé.

Berni ! pensai-je en me réajustant mal à l'aise dans mon jean.

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Page 181: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisLorsque je sortis de la voiture, Lisy et Bobby étaient déjà sur

la terrasse.

Wow wow wow ! cria ma conscience lorsqu'une bête sortie tout

droit des enfers se redressa sur ses pattes.

Un chien, si je peux le nommer ainsi, se retourna dans ma

direction, poils hérissés, truffe froncée et babines légèrement

retroussées. Je n'étais, certes, pas un analyste chevronné dans la

morpho gestuelle canine mais je pouvais dire que cet animal

s'apparentant plus à un poney qu'à un chihuahua n'appréciait pas

ma venue et qu'il était déterminé à en découdre.

Bobby me fit signe de le rejoindre et j'entendis Lisy crier :

— Oh mais quel beau toutou.

Beau toutou ?...Où voit-elle un beau toutou ? s’affola ma

conscience, réfléchissant aux deux options qui s'offraient à elle.

La première étant de prendre ses jambes à son cou, la deuxième

consistant à s'évanouir et à perdre le peu d’estime que j’avais de

moi-même.

— Oh, mais c'est qu'il est tout mignon, ajouta-t-elle en le

caressant alors que celui-ci ne me lâchait pas du regard.

— Tu ne devrais pas faire ça, chuchotai-je à son attention, pas

rassuré de la voir poser ses mains sur ce cerbère tout droit sorti

d'un film d'horreur.

Oh oui, le chien de Baskerville ! souffla ma conscience.

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Page 182: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Me retrouvant enfin à sa hauteur, ce monstre se retourna vers

moi gueule ouverte, me sautant dessus il engloba la totalité de

mon visage. L'odeur pestilentielle de son haleine était à vomir et

j'eus l'impression de me vautrer dans la carcasse d'un rat crevé

lorsque celui-ci me lécha le visage.

— Hercule couché !

Oh seigneur ! D’un revers de manche j'essuyai la bave sur mes

joues.

— Je suis désolée, il adore les nouvelles têtes.

Hercule fit trembler le sol en laissant retomber ses pattes sur la

terre ferme, puis il retourna se recoucher sagement aux pieds de

son maître.

— Comme tu es mignon, ajouta Lisy en lui caressant la tête.

N'est-ce pas Greg ? s’amusa-t-elle à me chahuter en voyant ma

mine déconfite.

Bon vieux pote... faire la fête... adore les nouvelles têtes...

Herk !

— Allez venez par là, je vais vous présenter Jeff.

— Jeff ? demandai-je en reculant de deux pas, n'étant pas prêt

à subir un deuxième assaut.

— Mon compagnon, me rassurant Bobby, qui passant devant

moi, me fit un clin d'œil.

— Oh... oui... compagnon, très bien, m’écriai-je soulagé

182

Page 183: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Je comprends mieux pourquoi je n'étais pas son style !

chuchota Lisy.

J'émis un grognement lorsque Lisy attrapa ma main en roulant

des yeux.

— Enfin te voilà ! cria un grand blond en ouvrant la porte

d'entrée. Mon Dieu, mais dans quel état es-tu ? Et c'est quoi cette

coupe de cheveux ?

Lisy et moi restâmes derrière Bobby complètement tétanisés à

cause de cette grande brindille, blond platine, la trentaine, dans le

style beau gosse efféminé, jean taille basse avec une chemise rose

à carreaux surpiquée aux épaulettes.

— Wow ! Mais qui sont ces pauvres créatures égarées ? Le ton

de sa voix monta dans les aigus quand il nous vit par-dessus

l'épaule de Bobby.

— Lisy et Grégory Cummings, répondit Lisy en lui présentant

sa main pour le saluer.

Je me raclais la gorge en relevant un sourcil. À la manière

dont elle venait de nous présenter, nous pouvions facilement

passer pour un couple.

— Panne de voiture ? demanda-t-il.

— Je leur ai proposé de venir se mettre au chaud à la maison

le temps que leur famille vienne les récupérer, ajouta Bobby.

— Mais allez-y rentrer vous mettre au chaud.

— Merci, fis-je en saluant Jeff de la tête.

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Page 184: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Je vais devoir aller me changer les enfants. Je suis attendu

pour jouer.

— Musicien ? demanda Lisy.

— Guitariste dans un groupe de Country.

— Mais nous ne savions pas que vous deviez partir, nous ne

voulons pas vous déranger.

— Ne dites pas de bêtises voyons ! Nous adorons recevoir du

monde à la maison. N'est-ce pas Jeff ? Et puis vous n'aurez qu'à

venir me voir jouer tout à l'heure.

— Mais oui, allez-y, ne restez pas dehors par ce temps, nous

coupa Jeff en attrapant la main de Lisy pour l'obliger à rentrer. Et

d'un signe de tête Bobby m'invita à les suivre.

L'intérieur était aménagé avec goût. Une déco sombre et

automnale, masculine mais classe, avec deux grands canapés en

cuir marron positionnés devant un immense écran plasma. De

grosses bûches crépitaient dans l'âtre de la cheminée apportant à

la pièce une luminosité, une odeur de bois brûlé ainsi qu'une

chaleur apaisante.

— Je ne voudrais pas abuser, mais serait-il possible de me

rafraîchir. Hercule s'est comment dire montré très enthousiaste

lors de notre première rencontre.

J'avais son odeur qui flottait tout autour de moi et cela me

donnait la nausée.

— Il faut dire que ce chien a très bon goût.

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Page 185: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJeff me détailla de la tête aux pieds avec un sourire en coin et

dans un haussement de sourcils il continua de caresser le chien.

Ok !

— De quelle race s'agit-il ? demandai-je en me frottant le nez

de mon index.

— C'est un grand Danois, il pèse cent-onze Kilos. Il figure

dans le livre des records, vous savez !

— Joli toutou, murmurai-je en regardant Lisy qui avait bien du

mal à contenir son rire.

— Suivez-moi je vais vous conduire jusqu'à notre chambre

d'amis. Surtout prenez votre temps. Mettez-vous à l'aise, reposez-

vous.

*

— Je crois qu'il faut que nous parlions.

Je me retournai, surpris qu'elle attaque de la sorte alors que

nous venions tout juste de refermer la porte derrière nous.

J'avais imaginé devoir lui poser mille questions, mais de

nouveau elle me déstabilisait en prenant les rênes.

— Je le pense aussi, mais d'abord avant que tu ne m'expliques

ton départ précipité, laisse-moi me rafraîchir, Hercule a un after-

shave très tenace.

— Oh ! Oui, bien sûr. Tu lui as plu, un vrai coup de foudre, se

moqua-t-elle en se mordillant la lèvre.

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Page 186: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Bien sûr, tout le monde sait que je suis irrésistible,

murmurai-je d'une voix rauque.

Elle roula des yeux et me suivit jusqu'à la salle d'eau. Celle-ci

était design malgré son esprit local. Un meuble avec trois portes

coulissantes en teck, avec sur le plateau une vasque en pierre.

— Si... si je suis partie, c'est parce que j'ai reçu un coup de fil

— Tess ?

— Elle va bien, tout va bien. D'après ma tante elle dort la plus

part du temps et les contractions se sont arrêtées.

— Et ta tante ? T'a-t-elle dit où elles se cachent ?

— Non, elle est fragile. Mon oncle savait comment canaliser

ses débordements, mais là, sans lui, je ne sais pas comment gérer.

— J'ai vu les infos, murmurai-je en m'aspergeant d'eau.

— Ah ! Ok ! …Ça vaut peut-être mieux, non ? Au moins tu

sais qui je suis, ajouta-t-elle avec une pointe de sarcasme dans la

voix.

— Je sais, et pourtant je suis là !

Elle fit oui en baissant les yeux, ravalant ainsi ses larmes.

— Que t'a dit Lisbeth ? demandai-je en me raclant la gorge.

— De la rejoindre... mais seule. Elle me regarda droit dans les

yeux avant de rajouter. Je ne dois en aucun cas prévenir les

autorités.

— C'est loupé, affirmai-je en essayant d'évaluer sa réaction.

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Page 187: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Il faut que je retourne à mon cabinet, elle m'a soutenu que

sur place, je trouverai.

— Trouver quoi ?

— Si seulement je le savais, chuchota-t-elle en se passant une

main sur le visage.

— Bien ! je vais prévenir mon père. Ensemble nous pourrons

définir d'une tactique pour approcher Lisbeth.

Elle me regarda en fronçant les sourcils.

— Ton père ? Mais que va-t-il penser de moi ?

— Il va penser comme moi que tu es une fille courageuse.

— Une fille courageuse qui s'est tirée avec ta voiture.

— C'est oublié !

— J'ai peur, souffla-t-elle, j'ai peur pour toi...Les derniers mots

étaient murmurés si doucement qu'il me sembla avoir rêvé, mais

vrillant mon regard au sien, je compris que ce n'était pas le cas.

En deux secondes je me retrouvai collé contre elle. Une main

dans ses cheveux, mon nez frôlant le sien. Sa bouche entrouverte

effleura mes lèvres et je n'eus qu'une envie m'oublier dans ses

bras.

— Tu n'as pas avoir peur...

— Toutes les personnes qui m'entourent meurent. L'idée qu'il

puisse t'arriver quelque chose me terrorise.

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KRIS T.L — Chutttt ! Il n'est pas question que je te laisse me filer entre

les doigts.

— Je comprends, je ne partirai plus. La vie de ta sœur est bien

trop importante, ajouta-t-elle en baissant les yeux.

— Lisy regarde-moi, lui dis-je en relevant son menton. Il n'est

pas question que Tu t'éloignes de moi.

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Dix-Sept

— As-tu seulement idée de la force de mon désir ?

Je haletai sous la pression de son corps. Son regard était d'une

telle douceur, d'une telle tendresse.

— Si tu savais tout ce que j'ai envie de te faire, ajouta-t-il en

caressant doucement mon menton. Il se pencha en avant pour me

soulever et mes jambes s'enroulèrent instinctivement autour de lui

comme si elles connaissaient déjà l'empreinte de son corps. Me

bloquant contre la porte, ses lèvres se posèrent avec délicatesse

sur les miennes.

— Oh Lisy ! Hmm... tu es magnifique. Prenant mon visage en

coupe, il me tira vers lui, plongeant sur mes lèvres, ma bouche

s'entrouvrit et c'est en frémissant que je répondis à son baiser qui

se montra de plus en plus exigeant et gourmand. M'enveloppant

de son corps il me serra fermement puis d'une main il me tira

contre ses hanches, dans cette position il m’était impossible

d'ignorer le désir qu'il éprouvait pour moi.

— Oh mon Dieu, dis-je en gémissant contre ses lèvres, me

délectant de la friction que nous procuraient nos deux corps

enlacés. Posant mes mains sur ses avant-bras, je les fis glisser

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Page 190: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L vers son visage, jusque dans ses cheveux. Je me mis à haleter

lorsqu'il pinça mon lobe d'oreille entre ses dents, laissant courir

sa langue le long de mon cou, il me déposa sur le plan du lavabo.

Défaisant un à un les boutons de ma chemise, il continua à

parsemer mon corps de baisers en descendant vers mon nombril.

Posant sa main à plat sur mon ventre il défit les boutons de

mon jean. Et c'est sans me quitter des yeux qu'il le fit glisser le

long des mes jambes. Complètement électrisée par son toucher,

j'appréciais le contact de ses mains voyageant sur mes cuisses.

Se plaçant à genoux devant moi il attrapa mon pied et défit ma

botte, faisant suivre par la même occasion ma chaussette il

réserva le même sort à mon deuxième pied, puis d'un coup sec il

tira mon jean vers le bas.

— Tu es vraiment très belle, murmura-t-il en embrassant

l'intérieur de mes cuisses. Remontant jusqu'à ma fine culotte en

dentelle, il déposa un baiser en inspirant mon odeur.

— Et tu sens divinement bon...

Jamais, au grand jamais on ne m'avait parlé comme ça, et la

simple vision de son visage d'ange entre mes cuisses faillit me

faire venir. Il remonta jusqu'à ma poitrine, écartant les pans de ma

chemise, il saisit mes seins.

— Je t'ai vu me décrire à l'aéroport, haletai-je sous la

puissance de ses doigts.

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Page 191: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis—Oh ! C'est vrai ? Tu m'en vois désolé, je n'étais vraiment pas

objectif, ils sont magnifiques, murmura-t-il en passant son index

sur mon mamelon gorgé de désir, juste parfaits, ajouta-t-il avec

gratitude.

— Oh s'il te plaît... demandai-je en le suppliant d'en faire plus.

Et tandis que mes doigts se refermaient fermement sur ses

cheveux soyeux, ses lèvres se posèrent délicatement sur mon

autre mamelon. Basculant ma tête en arrière, ma bouche

s'entrouvrit et je me mis à haleter plus fort.

Sa main gauche descendit vers ma taille, malaxant ma hanche

il termina sa course sur mon intimité, elle glissa à l'intérieur de

ma fine culotte et dans un léger va-et-vient s’occupa de moi.

— Tu es délicieusement chaude et humide. Dieu seul sait

combien je te veux.

Sa respiration était à présent difficile, haletante, et la pression

de ses doigts me firent crier de plaisir. Soudainement, il se releva,

retirant ma culotte, il la jeta sur le sol carrelé de la salle de bains.

Il me souleva et me ramena dans la chambre. Me posant sur ce

grand lit, il se déshabilla devant moi, en prenant soin de ne pas

me quitter du regard.

Oh mon Dieu... pensai-je en voyant son érection fièrement

tendue. Saisissant son portefeuille dans la poche arrière de son

jean il en retira un préservatif et se repositionna entre mes

jambes. Fermant les yeux, il plongea en moi dans une lenteur

exquise.

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Page 192: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Depuis le temps que je rêve de faire ça, murmura-t-il en

ancrant son regard au mien.

— Cela ne fait que vingt-quatre heures qu'on se connait,

murmurai-je à bout de souffle.

— Oui, haleta-t-il. Mais j'ai l'impression que ça fait une

éternité que je t'attends.

À ces mots je sentis mon orgasme se construire, et tandis que

lui s'enfonçait encore et encore, mon corps s’arqua de plaisir

avant d'exploser autour de lui.

— Dieu... criai-je sans retenue.

Il s'abandonna à son tour en soufflant mon prénom contre mon

oreille. Il nous fut difficile de rester éveillés après cet orgasme.

La tête calée contre son torse, je sentis la tension de ces dernières

heures quitter nos corps. Mes yeux papillonnèrent quelques

minutes avant que je ne me laisse aller contre lui dans ce grand lit

moelleux.

C'est le bruit de la douche qui me réveilla, regardant le réveil

digital sur la table de chevet, je vis que nous nous étions assoupis

une petite heure.

Passant mes mains devant les yeux, je réalisai ma chance.

Seigneur ! Je venais d'avoir un orgasme fort et puissant,

destructeur et transcendant. Le meilleur de toute ma vie.

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Page 193: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Que vais-je devenir ? soufflai-je en me laissant retomber

dans le lit, la tête dans l'oreiller.

Inspirant un bon coup, je décidai d'aller le rejoindre dans la

salle de bains. Mais lorsque mon pied se trouva en contact avec le

sol, il se posa avec maladresse sur quelque chose de mou et de

dur à la fois.

Son portefeuille.

Je me baissai pour le ramasser, une photo qui se trouvait

coincée à l'intérieur glissa et tomba à mes pieds. C'était la photo

qu'il avait regardée au Méridien. Une photo de famille.

La prenant dans les mains, je restai là à la contempler,

dessinant les contours de son visage du bout de mon index. Il

devait avoir à peine dix ans. Il avait l'air heureux, inconscient,

posant avec sa mère, son père et sa sœur devant un lac. La

ressemblance qu'il entretenait avec sa mère était subtile, sa

bouche, la forme du visage, la douceur dans son regard. La

ressemblance avec son père malgré son jeune âge était plus

marquée. Ces mêmes yeux, ce bleu électrique qui avait fait

chavirer mon cœur. Ce charisme, avec ce petit quelque chose

d'animal, de félin. Perdue dans mes pensées, je ne l'entendis pas

revenir dans la chambre, et c'est la sensation d'être observée qui

me fit relever la tête vers lui.

— C'est une très jolie photo de famille, soufflai-je à demi-

mots. Il resta à distance, silencieux, les sourcils froncés. Je suis

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Page 194: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L désolée, elle est tombée de ton portefeuille, ajoutai-je confuse,

mal à l'aise, face à son regard si sombre.

— Ce n'est rien, murmura-t-il en baissant les yeux sur la

photo.

— Ce sont tes parents et ta sœur ? demandai-je en lui

adressant un sourire contrit.

— Oui.

Il y avait tant de tristesse dans ses yeux, tant de souffrance que

sans réfléchir je me levai pour l'attirer vers moi. Je ne portais que

ma chemise blanche, lui était torse nu avec une serviette autour

de la taille. Son nez se logea dans mes cheveux, inspirant un peu

plus fort, il me serra contre son corps mouillé. Frissonnant à son

contact, mes doigts encerclèrent sa nuque et je sentis ses épaules

s'affaisser.

— Elle est morte ce soir-là, souffla-t-il dans un sanglot retenu.

Oh !

— C'était le jour de la fête des mères. Il y a dix-sept ans,

murmura-t-il.

Il dut ressentir la tension qui emprisonnait mon cœur car sans

dire un mot il me serra un peu plus fermement contre lui.

— Dix-sept ans ? La fête des mères... soufflai-je pour moi

même en plissant les yeux, totalement perdue.

— Il faisait beau et nous étions partis faire un pique-nique au

lac Simcoé. Mon père s'était mis en tête de jouer au Robinson, il

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Page 195: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisavait fait un feu de bois en nous affirmant que nous ne

mangerions que le résultat de notre pêche. Bien entendu, on ne

s'improvise pas pêcheur du jour au lendemain et nous serions tous

morts de faim si ma mère, en personne avisée, ne nous avait pas

préparé en cachette de merveilleux sandwiches au beurre de

cacahuètes.

Ce souvenir heureux le fit sourire, mais cela ne dura que

quelques secondes avant que son regard ne s'obscurcisse à

nouveau.

— En fin d'après-midi, fatigués et déçus de n'avoir rien

attrapé, nous avons fait la vie à mon père pour qu'il nous emmène

au cinéma. « Le Roi Lion » était à l'affiche et nous voulions à

tout prix le voir. J'ai très bien vu qu'il n'était pas motivé et nous

aurions mieux fait de l'écouter et de rentrer à la maison, mais...

mais nous n'étions que des enfants, s'excusa-t-il la gorge serrée.

D'une pression de la main sur sa nuque, je lui intimai de

poursuivre.

— Je me souviens d'avoir insisté auprès de ma mère sachant

très bien que mon père ne pouvait rien lui refuser.

Plus il rentrait dans l'histoire et plus je sentais son corps se

tendre. C'était douloureux et j'étais triste pour lui. Sa respiration

se faisait de plus en plus difficile, ses mots n'étaient que

murmures, à peine soufflés dans le creux de mon cou. Je le tenais

fermement contre moi pour ne pas qu'il s'effondre, car je savais

qu'il était important pour lui qu'il aille au bout, qu'il exorcise cette

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Page 196: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L terrible journée où le destin lui avait arraché certainement l'être

qu'il aimait le plus au monde.

— À la sortie du cinéma, mon père est parti récupérer la

voiture. Ma mère, ma sœur et moi sommes restés devant l'entrée.

Tess pleurait car elle ne trouvait plus sa peluche. Je me souviens

d'être reparti à l'intérieur de la salle pour voir si elle ne l'avait pas

oubliée sur son fauteuil. Lorsque je suis revenu avec le trophée en

main, fier de l'avoir retrouvée, je fus surpris de ne plus les voir.

J'ai entendu des bruits sur le côté du bâtiment, je me suis alors

avancé jusqu'à une ruelle mal éclairée. Ma conscience me criait

de faire demi-tour, mais je ne l'ai pas écoutée. Il faisait noir et

l'odeur pestilentielle des poubelles était insupportable.

Il continua de parler tout en fermant les yeux. J'avais

l'impression qu'il revivait ce moment douloureux, qu'il luttait

intérieurement pour poursuivre et me dévoiler la partie la plus

sombre de sa vie.

— Je me suis enfoncé dans cette ruelle et j'ai vu ma mère

allongée sur le sol, ma sœur se tenait prostrée contre le mur. Une

personne que je ne connaissais pas planait au-dessus d'elle. Je n'ai

pas tout de suite compris ce qu'il se passait, j'ai d'abord cru que

ma mère avait fait un malaise. Alors je me suis avancé en criant

« Maman » et là tout s'est accéléré. Dans la lumière du réverbère

j'ai vu briller une lame ensanglantée et c'est à cet instant que j'ai

réalisé toute l'horreur de la situation. Ce monstre lui caressait les

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Page 197: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davischeveux et lui chantait une comptine. Je me souviens encore des

paroles :

Triste..........triste lueur du soir

Quand la nuit s'invite et que la mort vient te voir

Je suis là près de toi et je te tends les bras.

— Mais si je ne peux t'avoir. Alors personne ne t'aura,

terminai-je pour lui.

— Tu la connais ? J'ai pourtant fait des recherches sur le net et

je n'ai jamais trouvé ce texte...

— Je me souviens de cette comptine, je l'ai entendue quand

j'étais enfant.

Il se recula, me tenant à bout de bras. Une lueur nouvelle

brillait dans ses yeux.

— Lisy, je sais que ton père est mort deux jours après ma

mère, mon père a fait des recherches sur lui. Crois-tu qu'il y ait

un lien entre eux ?

—Un lien ? Entre nos deux familles ? Mon père et ta mère ?

Sincèrement je ne vois pas, dis-je en le regardant tristement.

Relevant sa main vers mon visage il essuya une larme qui roulait

sur ma joue, sans ce geste je ne me serais même pas rendue

compte que je pleurais.

— Que s'est-il passé ensuite ?

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Page 198: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Ce monstre s'est relevé et s'est précipité sur Tess. Il a

attrapé ma sœur par le bras, et c'est sans réfléchir que je me suis

interposé pour lui barrer la route. J'ai vu la lame se lever et je ne

sais pas par quel miracle j'ai réussi à l'esquiver. Tess n'a

malheureusement pas eu cette chance. Elle a hurlé de douleur

lorsque la lame s'est enfoncée dans sa chair

— La cicatrice sur son bras ?

— Oui. Ce malade l'a alors lâchée et s'est enfui, en criant qu'il

reviendrait pour elle. Les cris de ma sœur ont alerté mon père qui

nous cherchait devant le cinéma. Quelques jours après l'assassinat

de ma mère, je me suis souvenu qu'il lui avait arraché quelque

chose autour du cou.

— Le pendentif ?

— Oui.

— Mais comment est-ce possible ? soufflai-je confuse, me

souvenant de la manière peu délicate dont je le lui avais remis.

— Je ne sais pas.

— Je suis tellement désolée, dis-je en ne pouvant retenir mes

larmes.

— Tu n'y es pour rien.

— Si j'avais su, je ne me serai pas montrée si cruelle et

insensible en te le remettant.

— Chutttt, ne t'inquiète pas pour ça, murmura-t-il en m'attirant

de nouveau contre lui. La GRC nous a affirmé à l'époque qu'il

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Romagnas du Mont Daviss'agissait d'un vol à l'arraché qui avait mal tourné. Mais ma sœur

et moi n'y avons jamais cru. Quel voleur prendrait le temps de

caresser les cheveux de sa victime et de lui chanter une chanson ?

— Que t'ont-ils dit ?

— Rien, de toute manière qui écoute un enfant de dix ans ?

Ma mère s'est éteinte dans les bras de mon père. Elle est morte à

cause de moi, tout ça parce que j'ai voulu aller voir un foutu

dessin animé...

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Page 200: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L

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Page 201: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Dix-huit

— Chutttt, a-t-elle dit en me crochetant la nuque. Rapprochant

sa poitrine contre mon torse humide. Je pouvais sentir la pointe

de ses seins durcir sous sa chemise ouverte au contact de ma peau

fraîchement lavée. Malgré le chagrin qui faisait rage au fond de

moi, je n'avais envie que d'une seule chose... Elle.

L'attraction qu'elle exerçait sur moi était si violente, si

fusionnelle, que je n'arrivais pas à me l'expliquer. Nous entraînant

tous deux sur le bord du lit, je sentis sa bouche s'écraser sur la

mienne, m'en réclamant avidement l'accès. Mordillant ma lèvre

inférieure, elle posa sa main sur mes fesses, enroulant ses doigts

autour de la serviette elle la fit tomber au sol dans une urgence

qui me rassura. Elle me voulait, elle me voulait vraiment, moi

Grégory Cummings ! Elle avait réussi à voir au-delà des

apparences, au-delà de mon arrogance mal placée et était prête à

me laisser une chance. La souffrance qui étreignait mon cœur me

donnait l'impression qu'il allait cesser de battre. Seul l'amour

qu'elle m'insufflait à cet instant me semblait assez fort pour me

redonner confiance en la vie. J'étais perdu, abandonné au milieu

de tous ces souvenirs douloureux et elle, par sa dévotion, son

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Page 202: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L amour, et sa présence, elle représentait mon point d'ancrage, mon

îlot, ma terre promise.

Mes doigts vinrent se loger dans ses cheveux, écrasant son

corps contre le mien, elle me bascula sur le lit.

— Je t'ai dit que j'avais toujours le dessus, affirma-t-elle en

embrassant le coin de ma bouche.

Je repensai à notre premier contact au Méridien King Edward,

lorsqu'elle m'avait fait basculer en me crochetant le poignet.

J'étais heureux de constater que mon imagination ne m'avait pas

fait défaut. Je sentais son désir, sa chaleur rayonner sur mes

hanches. Elle se positionna au-dessus de moi, les mains posées

sur mon torse, ses doigts s'attardèrent sur mon ventre en faisant

des allers retours sur mes abdos, dessinant du bout des doigts

mon sentier heureux. Elle était sublime. Ses cheveux aussi noirs

qu'une mer d'encre retombaient en cascade sur ses épaules. Le

tissu qui recouvrait ses seins somptueux que j'avais envie de

sucer, de mordiller me fit grogner de frustration. Ses yeux

émeraude brillaient de mille feux. Les larmes mélangées à

l'excitation leur conféraient une profondeur, des nuances de vert

que je n'avais jamais vues auparavant. Elle était divinement belle,

et bien que l'idée de tomber amoureux me terrifiait, je ne pouvais

m'empêcher de penser que depuis qu'elle était entrée dans mon

bureau, la terre s'était décalée de son axe.

J'avais espoir, j'avais confiance, et dans ses bras j'avais envie

d'y croire.

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Page 203: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Je ....

Elle m'empêcha de finir ma phrase en se jetant sur ma bouche,

capturant mes lèvres, sa langue vint quérir la mienne pour

l'emmener avec fougue dans une danse qui me fit tout oublier.

Sur mes lèvres je pouvais goûter le sel de ses larmes. Elle

pleurait.

— Ne pleure pas.

Elle ferma les yeux, et cela me rendit fou de ne pouvoir y lire

ce qu'elle ressentait. Mes mains remontèrent le long de ses

hanches, frôlant ses côtes, mes doigts caressèrent l'aréole de ses

seins, puis remontant jusqu'à ses épaules je fis descendre le tissu

qui emprisonnait son corps. J'avais besoin de la voir, de la sentir.

Elle était divine, la plus belle des créatures, la plus désirable. Et

elle était à moi. Elle rouvrit ses yeux et ancra son regard dans le

mien. La fièvre que j'y lus me consuma, m'incendia le cœur et je

le sentis battre plus fort, plus vite, comme si c'était possible.

Ses petites mains s'attardèrent sur mon sexe et c'est avec délice

qu'elle se laissa glisser sur moi. Je fermai les yeux en me laissant

submerger par tant de plaisir. Ma respiration se fit haletante,

désordonnée, mes mains encerclèrent ses hanches et je vins plus

fort à sa rencontre, m'accordant à son rythme qui montait

crescendo.

—Regarde-moi, haletai-je alors qu'elle basculait sa tête en

arrière en fermant les yeux.

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Page 204: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Mes mains s'enfoncèrent dans la chair de ses fesses,

accentuant ainsi la pression de nos deux corps. Elle gémit et ses

dents blanches s'enfoncèrent dans sa lèvre rosie par l'excitation.

— Tu es si belle.

J'aurais pu hurler tant cette vision mettait à mal mes sens.

J'avais envie d'y aller fort, de la posséder, de la marquer, de la

faire mienne, qu'elle comprenne par mes actes, que mon cœur lui

appartenait, qu'il était sien, prisonnier à tout jamais. Elle roula

des hanches et se redressa, ses mains vinrent se poser sur mon

torse pour approfondir la puissance de mes coups. Sa bouche se

fendit en deux et laissa mourir un léger soupir.

Au-delà de la sensualité, au-delà de tout ce que j'aurai pu

imaginer, je ressentis la force d'un amour immense m'envahir.

Perdu, j'étais perdu.

Je me laissai écraser, broyer, submerger par ce sentiment au

moment même où je la vis entrouvrir ses lèvres pour crier mon

nom.

Le fait de sentir mon cœur battre à nouveau d'un amour aussi

pur, aussi beau, aussi grand, me donna l'impression de pouvoir

l'aimer toute la nuit. Qu'importe nos vies, qu'importe le monde,

qu'importe ce qui l'avait conduite jusqu'à moi, j'étais prêt et c'est

avec force que je la rejoignis en lui murmurant un «Je t'aime».

Un « je t'aime », à peine soufflé, rien que pour moi. Enfin c’est

ce que je croyais.

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Page 205: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisElle ouvrit les yeux et me regarda hébétée, sourcils froncés.

Quoi ?

À vrai dire j'étais moi-même surpris, jamais au grand jamais je

ne me serais cru capable de dire une telle chose. Mais voilà, qui

aurait pu prédire qu'une gynécologue d’El Paso allait venir jusque

dans mon bureau et réveiller mon cœur ?

Elle se pencha pour embrasser mes lèvres et c'est dans une

infinie douceur qu'elle me libéra.

— Tu ne peux pas me dire ça, ajouta-t-elle en s'allongeant à

côté de moi

— Te dire quoi ?

— Ça !

— Jamais je n'aurai cru dire ça un jour, et pourtant c'est ce que

je ressens, assurai-je en basculant ma tête sur le côté.

— Tu ne me connais pas.

— Je te connais suffisamment...

— Tu es fou.

— De toi, dis-je en appuyant mon regard.

— Sois sérieux !

— Je le suis.

— Grégory, cria-t-elle en se redressant. Tu ne peux pas !

— Pourquoi ? Tu as quelqu'un dans ta vie ?

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Page 206: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Non ! Mais, merde... nous n'aurions pas dû.

— Je ne te crois pas.

— C'est la fatigue qui te fait délirer, tu ne peux pas éprouver

des sentiments pour moi... tu ne peux pas, souffla-t-elle en se

levant pour se rendre dans la salle de bains. Je l'interceptai en me

levant, me plaçant devant elle, je lui bloquai le passage.

— Je n'ai pas le droit de t'aimer, c'est ce que tu es en train de

me dire ?

— Oui, souffla-t-elle en baissant la tête.

— On ne choisit pas Lisy.

— Mais arrête de dire ça, on ne tombe pas amoureux comme

ça ! Pas en vingt-quatre heures, tu ne me connais pas.

— Si je te connais, je sais qui tu es.

Elle releva le nez en signe de défi.

— Tu t'appelles Lisy O'Brian, tu as vingt-six ans, tu es née à

Lajitas, ton père est Tom O'Brian, mort lors d'une fusillade sur les

bords du Rio Grande alors que tu n'avais que neuf ans, son nom a

été traîné dans la boue, on a dit de lui qu'il était impliqué dans

une affaire de drogue, mais cela n'a jamais été prouvé. Ta mère

Catharina O'Brian née Banavero est morte en te mettant au

monde. Tu es partie vivre à El Paso chez la sœur de ta mère

Maria Banavero, après le décès de ton père. Tu as fait des études

en médecine que tu as réussi brillamment, tu es têtue, un peu

cramée je dirais. Tu as cette petite fossette sur le bas de ta lèvre

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Page 207: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisqui m'indique quand tu es contrariée. Tes sourcils sont froncés,

tes yeux viennent de changer de couleur, ils sont si sombres, ce

qui me fait penser que tu as certainement envie de m'en mettre

une à l'heure actuelle, finis-je en reprenant mon souffle.

Elle était là devant moi, la bouche entrouverte, les bras

ballants, le souffle court.

— Comment ?

— Tu as oublié qui je suis ?

Elle hocha la tête et d'un revers de main elle essuya une larme

qui coulait le long de son nez. Ses cheveux en bataille formait un

halo sombre autour de son visage rosi par ce que nous venions de

faire.

— Es-tu en colère parce que j'ai des sentiments pour toi ?

ajoutai-je en cherchant à capturer son regard.

Elle leva les yeux au ciel en haussant les épaules.

— Je te connais Lisy O'Brian d'El Paso, soufflai-je.

Elle inspira fortement, les yeux mi-clos.

— Tu es quelqu'un de foncièrement honnête, si tu es venue

jusqu'à moi, c'est parce que tu es convaincue d'avoir fait ce qui te

semblait juste. Je ne sais pas ce qui s'est passé à Terlingua, mais

je ne te laisserai pas y retourner seule, ajoutai-je en me

rapprochant.

— Tu es si sûr de toi.

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Page 208: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Tu es nue devant moi Lisy, aucun artifice pour te cacher. Et

je te vois, je sais qui tu es. Et je suis certain d'une chose, les

valeurs que tu défends t'ont été inculquées par un homme bon et

quoiqu'en disent les médias je suis sûr qu'ils se trompent sur lui.

Elle baissa la tête, je pouvais voir sa poitrine se gonfler de

douleur, ses poings se serrer jusqu'à s'en faire blanchir les

phalanges.

— Mon père, mon père était un homme honnête, chuchota-t-

elle la gorge nouée.

— J'en suis convaincu, dis-je en me rapprochant un peu plus.

Voyant qu'elle ne bougeait pas, je réduisai cet espace qu'il y avait

entre nous. L'attrapant, j'encerclai son corps de mes bras.

— Fais-moi confiance.

Elle hocha la tête, et se mit à sangloter. Nous glissâmes tous

les deux sur le sol. Nos corps enchevêtrés l'un dans l'autre furent

amortis par une moquette épaisse, ses jambes s'enroulèrent autour

de moi, alors que je la basculais en arrière. J'embrassais ses

larmes, son cou, le haut de sa poitrine. Sa peau était aussi douce

qu'une pêche, la chaleur de son corps m'enivrait tel un élixir.

— Je sais qui tu es... dis-je d'une voix étouffé par l'émotion.

Elle fit oui de la tête et posa ses lèvres chaudes sur les

miennes. Elle entrouvrit la bouche et sa langue vint caresser mes

lèvres.

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Page 209: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJe lui fis une nouvelle fois l'amour, la possédant tendrement, le

plus intensément possible. Elle scella de nouveau ses yeux, mais

je pouvais voir les stries que son ricil noir avait laissées en

coulant sur ses joues.

J'avais remarqué sa présence dans mon bureau, sa volupté au

Méridien, la douceur de sa peau dans cette chambre d'hôtel à

Pacific. Mais en cet instant, la seule chose que je voyais était sa

vulnérabilité, elle semblait aussi fragile que cette fleur qu'elle

avait de tatouée dans le creux de ses reins.

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KRIS T.L

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Dix-neuf

Était-il fou ? Avait-il perdu la raison ?

Aimer.

Ce mot était bien trop fragile pour le laisser mourir sur des

lèvres profanes.

Nous étions toujours allongés sur le sol, mon corps était

fourbu par tant d'attentions, mon cœur quant à lui était sur le

point d'imploser. Avait-il réellement le pouvoir de panser mes

blessures ?

Aimer.

Ce mot résonnait encore et encore dans ma tête. Que pouvais-

je répondre à ça ?

Moi aussi. Idem.

Je t'aime, me cria Jiminy, avec une force qui me fit sourire.

Cummings resserra un peu plus ses bras autour de mon corps

et je sentis ses lèvres se poser sur mes cheveux.

Oui, je l'aimais, j'en étais convaincue. Mais de là à le lui

dire...

Je soupirai de plaisir en appréciant l'étreinte de ses bras.211

Page 212: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Aimer.

Décidément ce mot était bien trop puissant pour que l'on

puisse jouer avec.

Mon Dieu ! Il semblait tellement sincère, si sûr de lui. Il

connaissait pourtant ma situation. Devais-je me sentir mal du fait

qu'il avait fouillé dans ma vie ?

Il n'a fait que son travail, murmura Jiminy.

Oui, pour une fois j'étais d'accord avec ma conscience et

l'accueil de ses bras m'offrit un réconfort, un sentiment de

plénitude qui m'était totalement inconnu.

Aimer.

Depuis la mort de mon père je n'avais plus jamais prononcé ce

mot.

Mon dernier je t'aime avait été pour eux en cette nuit du mois

de mai, il y a dix-sept ans au Mont Davis.

Aimer.

Avais-je seulement le droit de l'aimer ? et d'être aimée en

retour ? Quel prix allais-je devoir payer si je me laissais aller ?

À cette pensée, mon corps se mit à frissonner, l'idée qu'il

puisse lui arriver quelque chose me terrifiait.

— Parle-moi, murmura-t-il contre mon oreille.

Je me rappelai d'une maxime que j'avais lue dans la bible de

Maria.

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Page 213: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisSi je parle, mes souffrances ne seront points calmées

Si je me tais, en seront-elles moindres ?

J'entrouvris les yeux. Relevant la main vers mon visage il

dégagea une mèche qui me couvrait la joue. Me souriant, il se

rapprocha pour embrasser pudiquement le bout de mon nez.

— Personne ne meurt vraiment en réalité, murmura-t-il en

m'embrassant une nouvelle fois.

Comment faisait-il ça ? Comment savait-il que je pensais à

mes parents ? Personne ne meurt vraiment en réalité, que voulait-

il dire par là ?

— Ils vivent à travers toi, chuchota-t-il à mon oreille. Tu lui

ressembles, tu as les yeux de ton père.

— Oui, dis-je en les fermant.

— Tu as cette chevelure indomptée, noir ébène, les cheveux de

ta mère, je suppose ?

Je fis oui de la tête.

— Continue, demandai-je la gorge nouée, appréciant le fait

qu'il me détaille de la sorte. Car voyant au-delà des apparences,

sa description était celle de mon âme.

— Tes lèvres sont pleines, délicates et rosées.

Il prononça ces mots en écrémant ma lèvre inférieure de son

pouce.

— Ma mère.

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Page 214: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Elle devait être très belle car même si elle n'a fait que

t'effleurer à ta naissance, elle t'a donné cette beauté sauvage et

fragile à la fois.

Je comprenais enfin ce que mon père n'avait cessé de me dire

quand j'étais enfant.

Il faut vivre ma princesse, aller de l'avant, ne pas avoir peur

de se perdre, avoir confiance en l'autre, même si tu tombes, tu ne

devras jamais abandonner.

L'amour c'est le plus beau cadeau que la vie va te faire. J'ai

aimé ta mère, Lisy. Je l'ai aimée à en mourir.

Je te souhaite de connaître un amour aussi fort, celui qui au

premier regard remet en cause toutes tes croyances, qui bouscule

l'univers que tu as bâti, celui qui te transcende au point de te dire

qu'une seule minute à ses côtés vaut mieux qu'une éternité sans

l'avoir connu.

Voilà ce que mon père n’avait cessé de me répéter pour se

consoler de la mort de ma mère.

Aimer.

Grégory déposa un baiser sur mon front, mes joues, mes yeux,

mon nez et mes lèvres. Des bisous, si tendres et si doux, qu'ils

eurent pour effet de gonfler mon cœur d'un sentiment déraisonné,

puissant, ravageant tout sur son passage.

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Page 215: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Aime-moi, répondis-je simplement en laissant échapper une

larme.

— Ça ne sera pas pour tout de suite les enfants, cria Jeff à

travers la porte. Votre famille est arrivée.

— Quoi déjà ?

Paniquée je m'asseyai sur le sol et d'un revers de main je

m'essuyai le nez et les yeux.

Greg m'attrapa dans ses bras et me fit rouler en arrière.

— Tu crois qu'il nous a entendus ? demandai-je en regardant

en direction de la porte.

— Jeff ?

— Oui, soufflai-je embarrassée.

— Je l'espère, ajouta-t-il en se relevant. Je ne veux pas qu'il ait

de doute sur le fait que je sois hétéro.

Mon Dieu !

Je dus me mordre l'intérieur de la joue pour ne pas me mettre à

gémir en le voyant nu devant moi. Il était beau. Son corps était

parfait, sa peau était lisse, quelques poils parsemaient son torse,

ses cheveux décoiffés lui donnait un air espiègle. Ses yeux se

radoucirent et un sourire éclaira son visage.

— Aurais-tu peur de lui ? me moquai-je.

— J'ai autant peur de Jeff que de son chien.

— Merde.

215

Page 216: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

— Préservatif ! On ne s'est pas protégé.

— Outch’ !

— Tu l'as dit ! Dire que je fais la morale à tous ces jeunes qui

viennent dans mon cabinet.

— Je suis clean. Je me fais contrôler régulièrement et je me

suis toujours protégé... enfin à part ce soir, ajouta-t-il penaud.

— Idem.

— Pilule ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.

— Barrette contraceptive, dis-je en levant le bras.

— Ok ! Cela veut donc dire que je peux te refaire l'amour, là

maintenant tout de suite.

— Certainement pas. Ton père est là.

— Mon père sait déjà !

— Pardon ?

— Il a compris que j'avais flashé sur toi avant même que je ne

vienne te rejoindre à l'aéroport.

— Seigneur ! murmurai-je pour moi-même. Il faut que j'aille

me doucher. Tout va si vite, dis-je en saisissant sa main pour me

redresser.

Il m'attira contre son torse et m'embrassa une nouvelle fois.

— Lisy, tout va bien se passer.

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Page 217: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Je n'en suis pas si sûre.

— Allez va sous la douche, sinon je ne réponds plus de mes

actes, ajouta-t-il en me claquant les fesses.

— Hey ! Cela fait deux fois que tu me claques les fesses.

Il haussa par deux fois les sourcils avec son sourire en coin qui

me faisait craquer.

— Tu ne viens pas avec moi ?

— Non, je vais aller accueillir Matt et mon père.

— Bien !

Une boule se forma d'en ma gorge, m'empêchant d’en dire

plus.

J'allais rencontrer son père, un homme mort d'inquiétude,

rongé par le chagrin.

Étais-je seulement assez forte pour faire face à sa propre

souffrance ?

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Page 218: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L

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Page 219: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt

Décidément quel meilleur endroit qu'une douche pour apaiser

ses peines et ses doutes, soufflai-je en me savonnant.

Un lit, bailla Jiminy.

— Ou une cuisine, répondis-je en écoutant mon ventre

gargouiller.

J'avais pour habitude de sauter des repas, parfois lorsque j'étais

accablée de travail j'oubliais même de me nourrir. C'est Maria qui

souvent venait me rejoindre à mon cabinet pour m'apporter les

petits plats qu'elle avait préparés à mon attention.

Maria, mon Dieu ! Elle avait dû voir les news sur CBS. Il

fallait que je l'appelle.

Je décidais de mettre de côté tout ce qui venait d'être dit dans

cette chambre.

Tout était tellement nouveau pour moi, une telle connexion, ce

sentiment d'avoir trouvé la personne qui vous transporte, avec qui

vous souhaitez passer le reste de votre vie.

Non décidément, c'est bien trop flippant, pensai-je en me

rinçant les cheveux.

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Page 220: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L L'idée qu'il puisse devenir si important à mes yeux, qu'il

puisse changer le cours de mon univers, qu'il puisse me devenir

indispensable me faisait totalement flipper.

Je venais tout juste de le rencontrer, et jamais au grand jamais

je ne m'étais donnée à un homme en si peu de temps.

Que vais-je devenir quand cette histoire sera terminé ?

Je fermai les robinets, puis m'enroulant dans une serviette

chaude qui se trouvait sur le radiateur, je retournai m'installer sur

le lit.

*

— Hola Maria, soufflai-je dans le combiné.

— Oh madre de Dios, Lisy eres tú ? Pero dónde estás? Estás

bien ? (Oh mère de Dieu, Lisy c'est toi ? Où es-tu ? Tu vas bien ?)

— Sí, sí todo está bien, tía. (Oui je vais bien.)

— Llegó desgracia, Lisy (Il est arrivé malheur.)

— Je sais Maria, j'ai vu les informations.

— Des agents de la policía sont venus me voir Lisy.

— Oui, murmurai-je alors qu'une boule se formait dans ma

gorge.

— Il n'a pas fait ça Lisy, Enrique était un homme bien.

— Je sais Maria.

— Ellos son buitres. (Ce sont des vautours.)

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Page 221: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Oui des vautours, murmurai-je en repensant à cet enfoiré de

journaliste qui n'avait pas hésité une seule seconde à déterrer les

cadavres.

À cette pensée je fermais mes poings avec l'envie de les

écraser sur sa face de rat.

— Où es-tu ?

— Je suis près de Conway.

— Conway ?

— Je suis chez des amis, j'ai eu un souci avec ma voiture.

Comment pouvais-je qualifier Grégory ? Amant ? Ami ? Je

hochai la tête de droite à gauche, non, décidément il était bien

plus que ça.

— En voiture ? Tu as eu un accident, mi hija ?

— Non tout va bien, rien de grave, juste une crevaison, mais je

rentre demain par le premier vol.

— Sois prudente ma chérie, il ne me reste plus que toi.

Elle semblait à fleur de peau.

— Sí tía, soufflai-je. As-tu eu des nouvelles de Lisbeth ?

— Sí, elle m'a appelée pour me demander où tu étais. Oh mon

Dieu, Enrique, pleura-t-elle. Elle n'allait pas bien tu sais, elle m'a

donné l'impression d'avoir vu El Diablo.

— Quand était-ce ?

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Page 222: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — En fin de matinée, avant que je ne voie les informations à la

télévision. Elle fit une pause, je pouvais entendre à sa respiration

qu'elle s'était mise à pleurer. Elle m'a demandé d'aller lui ouvrir

ton cabinet, elle avait besoin de récupérer quelques affaires pour

une urgence.

Je pensais aussitôt à Tess. J'espérais que le travail ne se soit

pas déclenché.

— Était-elle seule ?

— Sí, mais es agents de la policía voulaient lui parler.

— T'a-t-elle dit autre chose ?

— Non, comme je l'ai dit aux policiers, elle est venue, elle a

pris ta mallette puis elle est repartie. Je n'avais pas encore vu les

informations. Oh, mon Dieu, Lisy, si seulement j'avais su...

— Je sais !

— Je l'ai trouvée étrange et excitée, mais tu sais avec son

caractère, j'ai mis ça sur le compte de son humeur instable, jamais

je n'aurais imaginé qu'une telle chose avait pu se produire.

Maria et Lisbeth ne s’étaient jamais réellement appréciées, je

me souvenais qu'au tout début après que je sois partie vivre chez

Maria, Lisbeth avait piqué une crise de nerfs et l’avait accusé de

n'être qu'une voleuse d'enfant.

— Maria as-tu une idée de l'endroit où elle pourrait se cacher ?

— Non mi hija.

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Page 223: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Tía, est-ce que tu peux aller à mon cabinet pour voir si elle

m'a laissé une note.

— Une note ?

— Oui, un papier, une adresse.

Je repensai à ce que Lisbeth m'avait dit : Quand tu seras là-

bas, tu sauras.

Elle m’insupportait quand elle agissait de la sorte, cette

tendance à surjouer, à mettre en scène, le moindre petit

événement inhabituel pouvait prendre un aspect tragique avec

elle. Cela me rendait folle de ne pas savoir ce qu'elle entendait

par là. Elle nous faisait perdre un temps fou avec ses devinettes et

Tess pouvait d'accoucher d’un moment à l’autre.

— Sí Lisy, pas de problème, je vais y aller de suite.

— Merci Maria, mais fais attention à toi.

— Lisy tu crois que Lisbeth est impliquée d'une quelconque

manière que ce soit dans ce qu'ils ont dit à la télévision ?

— Trafic de drogue ? Sincèrement je ne le pense pas, mais je

ne sais pas qu'il en est réellement, alors je vais te demander de

rester sur tes gardes.

— Sí.

— Je te rappelle dans une petite heure d'accord ?

— Sí

— Je t'aime Maria.

223

Page 224: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L ..........

— Tía ? l'interpellai-je en voyant qu'elle ne répondait pas.

— Sí, je suis là, c'est juste que je ne suis pas habituée à ce que

tu me dises des mots comme ça.

— Je sais, murmurai-je

Je réalisai avec tristesse qu'à elle aussi j'avais fini par lui

fermer mon cœur.

— Tu es sûre que tout va bien mi hija ?

— Sí, dis-je bouleversée.

Combien de personnes avais-je tenues à l'écart ? Mes craintes

et mes blessures n'excusaient pas tout.

— Je t'aime ma chiquita, ajouta-t-elle dans un sanglot avant de

raccrocher.

— À très vite Maria, murmurai-je en raccrochant à mon tour.

Je ne pouvais renier l'attachement que j'avais pour Maria. Elle

était drôle, indépendante, joueuse, à ses côtés l'on était obligé

d'aimer la vie.

Professeur de danse, peintre à ses heures, conteuse, elle

m'avait ouvert les portes du rêve. Son enthousiasme, sa volonté,

son caractère fort et indépendant m'avaient sans aucun doute

maintenue en vie durant toutes ces années. Elle avait su prendre

soin de moi, au péril de sa vie amoureuse, me faisant passer en

premier.

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Page 225: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisÀ plusieurs reprises, étant enfant je lui avais demandé

pourquoi elle n'avait pas d'amoureux, elle m'avait simplement

affirmé en me faisant tournoyer dans ses bras que personne

n'avait réussi à faire battre son cœur sur le rythme de l'Amour, me

faisant rire alors qu'elle insistait sur le r en prenant un accent

français.

— Grégory, soufflai-je alors qu'un sourire s'invitait sur mes

lèvres. Faisait-il battre mon cœur sur le rythme de l'Amour ?

Je n'avais plus les idées claires, la fatigue embrumait mes

pensées, mais je me connaissais assez pour savoir que mon cœur

ne battait plus sur le même tempo. L'amour était bel et bien en

train de frapper à ma porte. Mais étais-je prête à le laisser entrer ?

Je soufflai en secouant la tête. Il était temps pour moi de

m'habiller et d'aller les rejoindre.

Comment vont-ils réagir ? Angoissai-je. Seront-ils prêts à voir

au-delà des apparences ?

C'est en réfléchissant à tout ceci que j'enfilais mes vêtements.

Ma chemise était pratiquement sèche, mon jean encore humide

collait à ma peau. Je décidais de rester pieds nus afin de garder

mes pieds bien ancrés dans le sol. Un long frisson parcourut mon

échine lorsqu’ils quittèrent la chaleur de la moquette et foulèrent

le carrelage froid et austère de ce grand couloir, j'inspirai

longuement une dernière fois pour me donner courage.

*

225

Page 226: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L L'odeur d'une soupe au potiron flottait dans l'air et me fit

saliver.

En l'espace d'une semaine ma vie n'était plus la même, moi qui

avait pour habitude de me faire oublier, voilà que j'étais au centre

de toutes les attentions, j'allais devoir répondre à des tas de

questions et cela me terrifiait.

Il y avait tant de choses qui reliaient nos deux familles.

Mon père connaissait-il la mère de Grégory ? Si oui, dans

quelles conditions l'avait-il rencontrée ? Avaient-ils été proches ?

Plus je réfléchissais et plus cette idée saugrenue me semblait

plausible.

Ils étaient installés dans les canapés devant la cheminée, le feu

renvoyait une douce lumière sur leurs visages. Greg était installé

à côté d'un homme d'une cinquantaine d'années, il n'était pas utile

que je m'en réfère à la photographie que je venais de voir dans la

chambre pour l'identifier comme étant son père tant leur

ressemblance était frappante. En face d'eux il y avait un jeune

homme, la trentaine, il semblait inquiet, impatient. Jeff, quant à

lui, dans la cuisine s'acharnait devant les fourneaux.

Je toussotai pour signifier ma présence et tous se retournèrent

vers moi dans un silence absolu.

Je fus d'abord rassurée de croiser le regard doux de Grégory. Il

me fit signe d'approcher, puis se levant il vint se tenir à mes

côtés. M'attrapant par la taille, il me colla contre son corps. Mon

cœur fit un bond dans ma poitrine lorsque sa main se posa dans le

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Page 227: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Daviscreux de mes reins et qu'il prit le temps d'embrasser mes cheveux

sous les regards surpris de sa famille.

— Je vous présente Lisy O'Brian, dit Grégory en regardant

tour à tour son père et son beau-frère. Lisy je te présente mon

père, Alan Cummings et Matthew Mc Logan, le fiancé de ma

sœur.

— Monsieur Cummings.

Mon regard s'ancra dans ses grands yeux bleus remplis de

tristesse. Même nez, même démarcation au niveau de la

mâchoire, ses cheveux étaient grisonnants par endroit, mais la

barbe naissante de Grégory accentuait encore plus leur

ressemblance.

Le père de Grégory se leva et vint se tenir devant moi. Il ouvrit

ses bras et m'attira dans une étreinte paternelle.

— Merci.

— De rien, murmurai-je émue.

L'autre personne qui se tenait derrière lui, était en train de me

détailler de la tête aux pieds. Je me sentis quelque peu

déconcertée devant ce regard accusateur.

Ok ! me souffla Jiminy.

Je pris les devants, m'avançant vers lui, je tendis la main et son

attitude changea dès que nos doigts entrèrent en contact.

—Volontaire, indépendante, obstinée, je comprends mieux

pourquoi Grégory est sous votre charme.

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Page 228: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Je le regardai surprise.

— Laisse-là tranquille, veux-tu ? Ne va pas l'effrayer ! rigola

celui-ci en le saisissant par la nuque.

Leur échange me fit sourire, car d'un seul coup d’œil je vis

l'affection et la complicité qui existaient entre eux.

— Tout le monde à table ! cria Jeff à l'autre bout de la pièce.

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Page 229: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt et Un

—Je suis désolé pour votre oncle mademoiselle O'Brian,

commença mon père alors que nous nous installions autour de

cette table.

— Lisy, appelez-moi Lisy.

— Nous n'avons pas l'intention de porter un jugement Lisy et

nous ferons tout ce qu'il faut et tout ce qui est en notre pouvoir

pour vous aider, vous et votre famille.

Mon père en bon professionnel avait sans aucun doute

remarqué lui aussi que sous son côté bravache, elle était en réalité

sensible et peinée.

— Je vous en remercie, mais je ne pense pas qu'il soit possible

de faire quelque chose pour ma famille.

— Peut-être découvrirons-nous la vérité !

— Oui, peut-être, souffla-t-elle, tentant avec sa main de cacher

les tressautements de son menton.

— Lisy, je suis désolé d'attaquer de la sorte, mais j'aimerais

vraiment savoir comment va Tess ?

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Page 230: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Matt était sur les nerfs, il n'arrivait plus à cacher son

impatience.

— Elle va bien. Elle dort énormément d'après ce que m'a dit

Lisbeth, mais les contractions se sont calmées.

Je remerciai silencieusement l'intervention de Matt, recentrer

la conversation sur Tess était la meilleure chose à faire, nous

avions tant de points à éclaircir.

— Risque-t-elle d'accoucher prématurément ?

— Il faut s'y attendre, lorsque la grossesse est gémellaire il est

courant de ne pas aller au terme.

Je me tournai vers Matt.

—Tu savais qu'elle attendait des jumeaux et tu ne m'as

rien dit ?

— Une idée de Tess, elle voulait te faire la surprise.

— Eh bien c'est plutôt réussi. Tu as fait du bon boulot, j'ai hâte

de voir ta tête quand on t'annoncera que ce sont deux filles !

— Oh non ! Je n'ose même pas imaginer !

— Surtout si elles sont comme leur mère, ajouta mon père.

— Clair qu'il vaudrait mieux pour toi deux petits mecs aussi

beaux que leur oncle, fanfaronnai-je, en voyant là une manière de

détendre l'humeur de tous.

— Oh oui, aussi beau que leur tonton, soupira Jeff en levant

les yeux au ciel.

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Page 231: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisOk ! Je n'avais pas l'intention de la détendre autant, pensai-je

en faisant les gros yeux à Jeff.

Tous les regards se tournèrent vers moi et je pouvais constater

à leurs mines réjouies qu'ils se retenaient de rire.

Sympa, merci du soutien !

—J'aimerai savoir quelles sont vos suppositions en ce qui

concerne la disparition de Tess ?

Nous nous regardâmes tous les trois, décidément elle n'arrêtait

pas de me surprendre. Ils comprirent aussitôt que l’intérêt qu'elle

portait à Tess n'était pas feint et qu'elle était réellement inquiète

pour elle et quelque part j’en fus soulagé. Elle n'avait pas un

caractère à lâcher l'affaire et sa ténacité me rendait confiant en

l'avenir.

— Jusque-là nous pensions qu'elle avait été enlevée en raison

de notre profession, une vengeance, expliquai-je à Lisy.

— J'ai vraiment pensé que c'était quelqu'un qui cherchait à

m'atteindre personnellement, dit Matt en baissant les yeux.

— Et maintenant, vous avez tous changé d'avis ?

— Maintenant... Le silence s'installa alors que mon père

cherchait ses mots. Maintenant le passé et le présent se

confondent et nous ne pouvons ignorer certaines choses. Il y a ce

médaillon, jamais je n'aurais pensé le revoir un jour.

Mon père avait du mal à parler, l'émotion était tellement forte

qu'au simple son de sa voix on pouvait voir combien il était brisé.

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Page 232: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Vous pensez que Tess a découvert qui a tué votre femme?

Il releva son regard embué de larmes, il avança sa main et Lisy

n'hésita pas une seconde en la saisissant, la pressant doucement,

son pouce passa au-dessus de ses phalanges.

— On va la retrouver, souffla-t-elle d'une voix réconfortante.

Ses yeux, ce vert émeraude où se mélangeaient bravoure et

fragilité m'hypnotisa et je dus fermer les miens pour reprendre le

fil de la conversation.

— Quand a-t-elle disparu ?

— Elle a eu des contractions alors que nous étions à un gala de

charité pour les pupilles de la Gendarmerie Royale du Canada.

C'est une soirée très médiatisée.

— Oui j'ai vu un reportage sur la CBS à ce sujet.

Lisy sembla soucieuse tout à coup, comme perdue dans ses

souvenirs.

— Tess n'est pas d'une nature très calme, elle tient rarement en

place, ce soir-là elle voulait danser, s'amuser, faire la fête une

dernière fois avant la naissance des bébés. Matt souffla quelques

secondes avant de reprendre. Mais au cours de la soirée, elle a

ressenti des vertiges et des bourdonnements dans les oreilles,

nous étions sur le point de partir quand elle s'est évanouie devant

le caméraman.

— Oui, elle m'a fait énormément peur ce soir-là, heureusement

qu'elle me donnait le bras, ajouta mon père.

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Page 233: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— L'urgentiste de l'hôpital St Michael lui a fait passer une

échographie de contrôle et nous a assuré que les bébés se

portaient bien. Il a toutefois noté une tension trop haute et l'a faite

hospitalisée.

— Lui a-t-il prescrit un médicament pour l'hypertension ?

— Après lui avoir fait passer des tas d'examens, elle a été mise

sous Loxen en intraveineuse.

— Très bien !

— Au bout de quinze jours, elle ne supportait plus de rester

allongée à rien faire, elle a signé une décharge pour pouvoir

rentrer à la maison. Si j'avais seulement eu vent de son intention

de quitter l'hôpital, tout ceci ne se serait jamais produit, murmura-

t-il, se pinçant l'arête du nez.

Je posai ma main sur son épaule, il semblait si fatigué, si

épuisé.

— Pourquoi avoir pensé que sa disparition avait un rapport

avec votre travail ?

— Avec le métier que nous faisons, nous recevons des

menaces de mort tous les jours, nous ne pouvions mettre cette

hypothèse de côté, affirmai-je en me frottant la nuque

— Elle travaille avec vous ?

— Non, elle est journaliste.

— Oh !

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Page 234: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Je ressentis une certaine amertume dans le son de sa voix.

— Je ne suis pas fan des journalistes, s'excusa-t-elle.

— Je crois savoir pourquoi, mais Tess est journaliste

spécialisée dans la gastronomie.

— Et personne n'a vu ce qui s'est passé ?

— Sur les vidéos de surveillance, nous l'avons vue quitter

l'hôpital en compagnie d'une infirmière qui lui tenait le bras, mais

rien de plus.

— Avez-vous parlé à cette infirmière ?

Décidément elle était perspicace et ses questions pertinentes.

— La GRC l'a interrogée, mais son témoignage s'est limité au

fait qu'elle avait terminé son travail à dix-huit heures trente et

qu'elle avait aidé ma sœur à monter dans un taxi.

— Et pour le taxi ? enchaîna-t-elle.

— Rien à ce sujet, la station de taxi se trouve à quelques

mètres de l'hôpital et dessert tous les bureaux alentours. Personne

ne se souvient de ma sœur.

— Donc vous n'avez que la version de cette infirmière ?

— Effectivement.

—L'infirmière Rodriguez faisait apparemment un

remplacement.

— Quel est le nom que vous venez de dire ? demanda Lisy en

se redressant.

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Page 235: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisMerde, comment avais-je pu passer à côté de ça ? Mon cœur

commença à battre plus fort, plus vite, résonnant jusque dans mes

oreilles.

— Rodriguez, ce n'est pas comme ça que tu as appelé ma sœur

quand nous étions au Méridien?

— Oui, Teresa Rodriguez.

— C'est bien ce nom-là, affirma mon père. Pourquoi ?

La tension dans la pièce venait de monter d'un cran car nous

avions enfin quelque chose, un détail qui allait tout changer.

— Eh bien, mon oncle et ma tante ont pour habitude de tenir

un cahier à jour avec le nom des patients qu'ils rencontrent. J'ai

soigné une certaine Teresa Rodriguez, qui après vérification s'est

avérée n'être autre que Tess.

— Je vais prévenir les gars pour qu'ils fassent des recherches à

propos de cette infirmière, répondit Matt en attrapant son

téléphone.

Merde, comment avais-je pu passer à côté d'un truc si

énorme ?

— Il faut que je rappelle Maria, je lui ai demandé d'aller à

mon cabinet, Lisbeth m'a laissé entendre qu'elle y avait laissé

quelque chose pour me faire savoir où elles se cachent.

Jeff qui se trouvait à ses côtés n'avait pas bougé d'un pouce,

avec son tablier rose bonbon, il était comme figé dans l'espace

avec cette louche remplie de potage qui s'égouttait au-dessus de

235

Page 236: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L la soupière. Il nous regarda tour à tour, puis reprenant ses esprits,

il m'adressa un sourire contrit.

— Sainte vache, j'ai l'impression d'être plongé dans un esprit

criminel. Je suis désolé pour ta sœur, chuchota-t-il à mon

intention. Mais si je peux me permettre, tu es plus sexy qu'Aaron

Hotchner. Pourtant dieu sait que je fantasme sur cet homme.

*

— Tia ?... Quel matériel ? Une note ?... Un bouquet ? Des

Romagnas ?

Sa voix n'était plus qu'un murmure mal assuré.

— Lisy, assieds-toi. Qu'est-ce qui se passe ? m’inquiétai-je en

sentant la panique s'infiltrer en moi.

— Quelqu'un a fait livrer un bouquet de Romagnas à mon

cabinet.

Elle était livide, saisissant sa main moite je l'obligeai à

s'asseoir. Mon père voyant que quelque chose n'allait pas vint

nous rejoindre. Je sentais son regard inquiet qui pesait sur nous

par-dessus mon épaule.

— Si tia. Non ne t'en fais pas tout ira bien. Je te rappellerai

demain matin pour te dire à quelle heure nous arriverons... Si,

mais je ne serai pas seule Maria, je serai avec...

Elle releva la tête vers moi et un petit v se forma entre ses

sourcils.

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Page 237: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Des amis, souffla-t-elle alors qu'une larme glissait le long

de sa joue.

Je serais honoré de n'être que ton ami, mais j'ai vraiment

envie d'être plus que ça pour toi, pensai-je en m’accroupissant

devant elle, recueillant cette larme du bout des doigts.

— Triste, triste lueur du soir.

À ces mots elle ferma les yeux.

Quoi ? Mes yeux s'écarquillèrent, et mon cœur se comprima.

Elle dut lire la panique qui s’affichait sur mon visage car aussitôt

elle répondit à ma question pourtant restée muette.

— La carte qui accompagne le bouquet de Romagnas.

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KRIS T.L

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Page 239: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt-Deux

J'allais me trouver mal.

— Triste lueur du soir, prononçai-je en fermant les yeux.

Grégory était toujours accroupi devant moi, en attente d'une

réponse.

— La carte qui accompagne le bouquet de Romagnas.

Qui ? Comment ? Pourquoi ?

Pourquoi me retrouvai-je mêlée à cette histoire sordide.

Pourquoi cette vieille comptine réveillait en moi quelque chose

de si sombre ? De si obscur ? Comme si les ténèbres étaient là à

guetter ma venue.

— Tia je vais te laisser, je te rappelle le plus vite possible.

— Lisy, il va falloir que l'on parle toutes les deux.

— Que l'on parle ? Oui bien sûr Tia, on parlera, promis.

— Lisy ?

— Ne t'en fais pas Maria, tout ira bien.

Je raccrochai sans prendre la peine de lui dire au-revoir.

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Page 240: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Matt arpentait la pièce de long en large avec son portable collé

à l'oreille. Jeff, quant à lui était devant ses fourneaux, en train de

faire réchauffer la soupe.

— Je viens d'avoir la GRC, ils vont faire des recherches sur

cette Teresa Rodriguez, ils nous rappellent demain à la première

heure, affirma Matt qui venait de mettre fin à son appel.

Décidément cette histoire était de plus en plus complexe.

Pourquoi Tess se faisait-elle appeler Teresa ? Essayait-elle

d'échapper à quelqu'un ? Et puis ce bouquet à mon intention,

cette carte, cette comptine. Il fallait que cette personne me soit

personnellement proche.

Oh Seigneur venez-moi en aide, priai-je alors que la bile me

montait dans la bouche.

— Notre vol est à huit heures trente, nous devons être à sept

heures à la salle d'embarquement, nous informa Alan qui

raccrochait à son tour son téléphone portable.

— On a loupé quelque chose ? s’inquiéta Matt en voyant la

mine contrite de Grégory.

— Lisy a reçu un bouquet de fleurs.

— Oh, tu as de la concurrence Cummings ? Va falloir te

bouger le cul mon vieux.

— Il y avait un mot avec le bouquet. Une comptine que j'ai

entendue étant enfant, assénai-je froidement.

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Page 241: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— C'est la même comptine papa, celle que nous avons

entendue Tess et moi quand maman a été assassinée.

— Comment est-ce possible ? Lisy ?

— Je suis désolée, je ne me souviens pas à quelle occasion j'ai

entendu cette chanson, j'ai juste cette sensation de froid, de

ténèbres qui m'aspirent et me tirent vers le bas, il fait noir, je

manque d'air, j'ai l'impression de me noyer.

J'étais là, une main sur le cœur, ressentant réellement cette

oppression. Tout ceci n'avait aucun sens. Durant toutes ces

années, je n'avais jamais pensé ne serait-ce qu’une seule fois à

cette comptine, mais maintenant il y avait cette carte qui m'était

destinée et qui éveillait en moi ce malaise sans nom. J'avais beau

réfléchir, il m'était impossible de me souvenir dans quelles

circonstances cette chanson m'avait été chantée, comme si, afin

de me protéger, mon cerveau empêchait mes souvenirs de

remonter à la surface.

Jeff revint avec la soupe, et par délicatesse je lui tendis les

assiettes afin qu'il puisse nous servir. Nous mangeâmes en

silence, têtes baissées, réfléchissant aux événements qui se

jouaient de nous.

Pour l'instant nous n'avions que quelques pièces du puzzle,

mais aucune d'entre elles ne voulait s'emboiter l’une dans l’autre.

— Quelqu'un sait pour ces fleurs, c'est évident ! affirma

Grégory.

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Page 242: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Pourquoi ? Que représentent ces fleurs ? me demanda Alan

perplexe.

— Elles représentent mes parents, notre maison du Mont

Davis, leurs tombes.

— Nous sommes désolés pour tes parents, nous connaissons

bien entendu toute l'histoire. Si cela peut t'apporter du réconfort

nous avons des doutes en ce qui concerne la culpabilité de ton

père, nous pensons réellement à un coup monté.

Bien !

— Vous pensez comme moi qu'il y a un lien avec leur mort ?

— Sincèrement je n'en sais rien. Mais nous allons trouver, je te

le promets.

La sincérité que je lisais dans ses yeux m'émut et merci fut le

seul mot qui réussit à franchir mes lèvres.

Nous finîmes le potage de Jeff. J'étais reconnaissante que ce

ne soit qu'une soupe car malgré ma faim, ma gorge était tellement

serrée par l'émotion que j'aurais été incapable d'avaler autre

chose. La châtaigne donnait du croquant à ce velouté de potiron

et c'était un vrai régal pour mon ventre affamé. Lorsque Grégory

eut terminé sa dernière cuillerée, il se leva puis fit le tour de la

table pour venir s'asseoir à côté de moi. Il rapprocha sa chaise au

plus près de la mienne et sa main vint se loger dans le creux de

mes reins. Son pouce caressa l'endroit même où se trouvait mon

tatouage et son toucher m'électrisa. Je m'attendais à ce qu'il dise

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Page 243: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisquelque chose, mais au lieu de ça il m'embrassa les cheveux,

surprenant, d'après leur visage, Matt et son père.

Cet homme était doux, chaleureux, incroyablement

attentionné, beau à l'intérieur comme à l'extérieur.

Jeff nous apporta un plateau de fromages avec une corbeille de

fruits de saison.

—Vous pouvez vous reposer quelques heures, si vous le

souhaitez, proposa-t-il. Il y a une deuxième chambre d'amis à

l'étage qui n'attend que vous.

— C'est très aimable à vous, la fatigue que je ressens est telle

que je serais dans l'incapacité de bouger, assura Alan.

— Vous n'êtes qu'à une heure de l'aéroport, cela vous

permettra de dormir un peu.

— Nous vous remercions. Vous êtes notre bon samaritain en

ces temps difficiles.

— Oh mon Dieu, décidément entre le père et le fils mon cœur

balance, soupira Jeff en s'éventant.

— Aucune chance, répondirent-ils en même temps.

— Et voilà comment on brise des rêves...

— Tu as Bobby, le grondai-je en souriant.

— Il n'est pas jaloux, par contre ? toi !

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Page 244: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Il haussa par deux fois les sourcils et cela me fit rire, c'était un

rire sans joie certes, mais il eut pour effet de m'apporter un

certain réconfort.

— Nous avons une grosse journée demain, aussi, si cela ne

vous dérange pas je vais aller allonger mes vieux os quelques

heures et profiter de l'hospitalité de notre hôte.

Alan nous salua avant de se lever.

— Venez, je vais vous montrer le chemin.

— Je monte aussi, affirma Matt. Bonne nuit vous deux, ajouta-

t-il en nous faisant un signe de la main.

*

— Je crois que j'ai besoin d'une cigarette.

Cummings me tendit la main pour que je l'accompagne

dehors. Après avoir enfilé nos vestes et mes bottes, nous allâmes

nous installer sur la terrasse.

La pluie avait fait place à une bise glaciale qui pénétra aussitôt

nos chairs. Hercule, tapi dans l'ombre, se dressa sur ses pattes

lorsqu'il nous entendit refermer la porte derrière nous.

— Toi, tu ne bouges pas, murmura Cummings à son intention.

Celui-ci comprit le message et reposa aussi sec sa gueule sur

ses pattes avant, tout en nous lançant un regard de chien battu.

— Tu es trop cruel avec lui, dis-je en me rapprochant de la

bête.

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Romagnas du Mont Davis— Je suis désolé pour lui, mais mon cœur est déjà pris.

J'étais sur le point de caresser Hercule quand Cummings

m'attira dans ses bras, me bloquant contre la rambarde, il se colla

à moi.

Il alluma sa cigarette et sa main droite vint se loger

instinctivement sur mon ventre, ce geste me sembla si familier et

naturel qu’il me fit sourire.

L'instant était magique, les nuages disparaissaient sous nos

yeux, laissant apparaître un quart de lune blafard au milieu de ce

ciel étoilé. Malgré la noirceur de la nuit nous pouvions distinguer

les plaines qui entouraient les bâtiments. Ce corps de ferme était

imposant, avec un mur en pierre qui encerclait les lieux. Un vieux

chêne trônait au milieu de la cour et étendait ses branches au plus

haut des cieux. L'étoile du berger scintillait au-dessus de nos

têtes. Mon père m'avait expliqué étant enfant que chaque âme

regagnant le ciel devenait une étoile pour guider les gens qui

restaient sur terre.

« Mon Dieu comme j'avais besoin qu'il me guide et me donne

la force d'avancer en cet instant ».

— Papa, soupirai-je en fermant les yeux.

Grégory embrassa l'arrière de ma tête et me serra un peu plus

fort contre lui. Inspirant fortement, j'appréciais l'instant et l'étau

rassurant que formaient ses bras autour de mon corps.

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Page 246: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Il tira une longue taffe sur sa cigarette qui se consuma

rapidement dans le froid de cette nuit d'hiver, une lueur rougeâtre

incandescente brilla au-dessus de mon visage et instinctivement

je tendis les lèvres vers ses doigts qui tenaient ce fruit défendu.

— Non, souffla-t-il en éjectant la fumée dans les airs.

— Hey !

— Je ne serai pas celui qui te fera succomber à la tentation.

— Je crois qu'il est trop tard pour ça, monsieur Cummings,

ronronnai-je.

Il envoya sa cigarette par-dessus la rambarde et sa main

remonta le long de mes côtes pour venir se poser sur ma joue.

— Je ne veux pas que tu abîmes ce joli corps, affirma-t-il en

me faisant tourner la tête vers son visage.

— Ce n'est qu'une cigarette.

— Ce ne serait pas raisonnable.

— Je sais, mais dans ce cas je te mets au défi d'arrêter !

— Très bien, pari-tenu, mais si je m'arrête, il va falloir que je

m'occupe l'esprit !

— Ce n'est pas de ton esprit que j'ai envie de m'occuper pour

l'instant, dis-je en frottant mes fesses contre son érection qu'il ne

pouvait plus dissimuler.

—Votre comportement me choque, miss O'Brian, chuchota-t-il

en entrouvrant ses lèvres.

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Romagnas du Mont Davis— Tu ne le regretteras pas ? haletai-je en fermant les yeux

alors que ses lèvres se posaient sur les miennes. Le goût de sa

cigarette mélangé à son haleine me donna le tournis et je gémis

lorsque sa langue vint caresser la mienne.

— J'avais raison depuis le départ, tu n'es qu'une vile créature.

L'idée déplaisante que tout ceci puisse s'achever une fois que

nous aurions retrouvés Tess s'immisca dans mes pensées et me

comprima le cœur.

— Je suis là, murmura-t-il.

— Comment sais-tu ?

— Tu vois cette petite ridule que tu as entre les sourcils, elle

me prouve que tu es soucieuse, que tu as des doutes.

— Tout va si vite.

— J'en suis conscient. J'ai l'impression d'avoir vécu mille vies

depuis que tu es entrée dans mon bureau. Tout me semble si

différent.

— C'est exactement ce que je ressens, pourtant nous ne nous

connaissons pas et je n'ai aucun droit sur toi, mais l'idée que tout

ceci puisse s'arrêter.

Une boule se forma dans ma gorge, m'empêchant d'en dire

plus.

—Chutttt ! Je suis là !

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KRIS T.L

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt-Trois

—Vous êtes là ?

Nous sursautâmes tous les deux lorsque Jeff apparut sur le

perron.

— Je vais aller rejoindre Bobby, qui m'accompagne ?

— C'est sympa de proposer, mais nous devons partir très tôt

demain matin et nous comptions...

— Venir avec toi, me coupa Lisy en me faisant un sourire

conciliant.

— Quoi ?

—Tu n'as qu'à aller te reposer, me proposa-t-elle en

m'embrassant tendrement, accompagnant son baiser d'un brossé

du plat de la main sur ma barbe naissante. Moi j’ai vraiment

besoin de me changer les idées.

Mais pourquoi ? cria ma conscience. Qui a dit que j'avais

sommeil ?

— Très bien, dans ce cas-là, je te l'emprunte, je vais lui

montrer ce que c'est qu'une vraie soirée country.

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Page 250: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Il l'attrapa par le bras, m'arrachant ainsi à la douceur de sa

main et le visage de Lisy s'illumina.

Wow ! Son sourire, ses yeux pétillants, sa joie! jalousa ma

conscience.

— Hé ! Je crois que je vais vous accompagner, maugréai-je

alors qu'ils étaient déjà en train de monter en voiture.

Je grognai deux fois plus lorsque je la vis s'installer à l'avant

de la Jeep.

Putain, j'avais d'autres projets pour cette soirée, décidément

plus je la voyais rire et plus l'envie de suspendre Jeff par les pieds

pour le faire sécher comme un jambon devant sa cheminée faisait

son chemin dans mon esprit.

— Alors vous êtes prêts ? nous demanda-t-il apparemment

heureux qu'on l'accompagne.

Heureux ? Vachement, je jubile, se marra ma petite voix

intérieure.

Il était plus de vingt trois heures passées, le manque de

sommeil associé à la frustration me mettait les nerfs en pelote.

— Du sexe, voilà ce qui m'aurait permis de relâcher la

pression, marmonnai-je en pestant à l'arrière du 4x4.

L'envie de lui faire de nouveau l'amour était si violent que j'en

éprouvai de la douleur, mon cœur se comprimait à chacun de ses

sourires, à chacun de ses battements de cils. La force de ce

sentiment naissant au fond de mes tripes pulvérisait tout, ce

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Romagnas du Mont Davisbesoin de m'abandonner, de me laisser couler en elle était le seul

réconfort dont j'avais besoin pour l'instant et j'avais du mal à

accepter qu'il n'en soit pas de même pour elle.

Il nous fallut pas moins de dix minutes pour arriver sur un

grand parking en terre battue, Jeff gara sa Jeep devant une

immense grange en structure métallique qui portait les traces

d'une vieille peinture bleue rouillée.

— Arrête de bouder, me lança Lisy en me tirant par la manche

pour me faire sortir du 4X4.

— Je ne boude pas, bougonnai-je encore plus, peu enclin à lui

faire ce sourire qu’elle attendait.

— Quelque chose que tu ne connais pas de moi Cummings !

J’adore la danse country ! Elle haussa les sourcils puis

m'agrippant le bras, elle ne me laissa d'autre choix que de la

suivre.

Oh ! Ça c'était une nouvelle et le fait que ce soit quelque chose

qu'elle aimait allégea mon humeur instantanément.

Pffffff ... toutou, me souffla ma conscience de mauvais poil.

— Nous allons passer par les loges, nous dit Jeff en nous

pointant une grosse porte en fer qui se trouvait sur le côté du

bâtiment. Nous pouvions entendre le groupe jouer un morceau de

Queens / Fat bottowed girls. Jeff appuya sur une sonnette et nous

attendîmes quelques secondes le temps que quelqu'un vienne

nous ouvrir.

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Page 252: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — C'est moi, cria Jeff à travers l'interphone, tout excité de

nous faire découvrir les lieux.

Le videur, un homme d'une stature quelque peu remarquable,

aussi imberbe qu'un éphèbe grec, nous ouvrit la porte. Il portait

un shorty noir en cuir avec des lacets sur les côtés, le torse

totalement nu. Je restais bouche bée devant le tatouage qu'il

arborait fièrement sur sa poitrine, un cœur avec écrit « maman ».

Il fronça les sourcils en détaillant Lisy du coin de l'œil, puis se

radoucit en voyant la façon dont je le dévisageai.

Oh ! réalisai-je en me prenant un coup de coude de la part de

Lisy.

— Stanley : Lisy, Grégory, des amis, nous présenta Jeff.

Je déglutis en le saluant, mais par instinct de préservation je

me collai un peu plus à la femme dont j'étais éperdument

amoureux.

— Froussard, rigola Lisy.

Ce n’est pas drôle ! rétorqua ma conscience.

La pièce était bondée et d'énormes pales de ventilateurs

éclairées par des spots renvoyaient des ombres hypnotiques sur

les danseurs. La scène à l'arrière de la salle était baignée d'une

lumière artificielle et changeait de couleur au rythme de la

musique. Bobby nous voyant arriver nous fit signe d'approcher.

— Je vous retrouve tout à l'heure, c'est à mon tour de monter

sur scène, cria Jeff en nous laissant en plan.

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Page 253: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisOk ! fis-je en hochant la tête.

Lisy semblait sereine, à l'aise, moi de mon côté je ne pouvais

m'empêcher de balayer la salle des yeux.

Trop de mâles, beaucoup trop de mâles dans une seule pièce,

paniqua ma conscience en plissant les yeux.

— J'aimerais dédier cette chanson à Greg et Lisy, entonna

Bobby dans son micro. Lui est un vrai cheval fougueux ! ajouta-t-

il en me saluant de la main. Et elle ...

— Elle ! le coupa Jeff. Elle a su dompter la bête !

Des sifflets retentirent alors que certaines personnes se

retournaient pour nous dévisager.

Wow ! On va se calmer !

Le batteur qui se tenait derrière Bobby leva sa baguette au-

dessus de sa tête, puis la laissant retomber sur la caisse claire, il

entama le morceau en question.

— J'en étais sûre, cria Lisy, qui sans pitié m'abandonna, en me

laissant seul comme un con au milieu de toute cette testostérone.

Lâcheuse !

Bobby et Jeff commencèrent à chanter en duo : « Save a

horse » et même si je n'y connaissais pas grand-chose en musique

country je fus surpris d'en apprécier le rythme et de me voir battre

la mesure. Ils étaient plutôt bons !

Alors comme ça c'est moi le cheval fougueux ! yeah !

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Page 254: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Je me collai contre un pilier en acier, admirant ainsi le

spectacle. Lisy était là chantant et dansant et bon Dieu qu'elle

était sexy ! La salle avait l'allure d'une vieille usine d'équarrissage

désaffectée, elle semblait avoir été rafraîchie pour l'occasion. Des

tuyaux en zinc passaient au-dessus de nos têtes, ils étaient troués

par endroit et laissaient filtrer la lumière.

— Tu ne risques rien, cria Jeff à mon intention alors qu'il

descendait de scène en serrant quelques mains au passage.

— Ouais c'est ça ! Je n'en suis pas si convaincu !

— Crois-moi, on voit à cent mille lieux que tu es hétéro et

qu'il n'y a qu'elle qui compte !

Il avait raison, j'étais bien un hétéro pur et dur, et il n'y avait

pas de doute possible quant au sentiment que j'éprouvais pour

cette femme. Par contre, je n'étais pas certain que tous les mâles

ici présents soient gays.

Hé ! On ne touche pas !

Je me redressai aussitôt, reniflant, bombant le torse, prêt à

intervenir, alors qu'un mec serrait ma copine d'un peu trop près.

— Elle ne risque rien, rigola Jeff en me retenant par le bras.

C'est juste un quadrille.

— Ouais c'est ça, sifflai-je en fusillant du regard le gars en

question. Elle semblait si insouciante, si à l'aise, oubliées ses

heures sombres, oubliées ses idées noires, elle était là dansant

jusqu'à en perdre haleine, savourant ce moment de répit.

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Page 255: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Va la rejoindre.

La rejoindre ? Moi danser ? Très drôle !

Ses pieds martelaient le sol dans des brossés, des kiks, des

loops turn. Ses cheveux noirs voltigeaient dans les airs à chacun

de ses pas. La lumière des projecteurs retirait à son chemisier

blanc son côté opaque. La cambrure de ses reins ainsi que la

pointe de ses seins se dessinaient en ombre chinoise à travers le

tissu blanc. Voir ses fesses rondes et fermes moulées dans son

Levis et sa petite langue rose faire des allers-retours sur ses lèvres

entrouvertes alors qu'elle essayait de reprendre son souffle me

confirma le fait que pour rien au monde je n'aurai voulu rater ça.

— Tu viens ? Jeff me montra du doigt le bar.

J'hésitai quelques instants, partagé entre l'envie de me

désaltérer et celle de rester à ma place pour continuer à l’admirer.

— Je reste là ! finis-je par dire en regardant Jeff s'éloigner.

—Tu vas finir par te déshydrater ! me dit une voix qui m'était

totalement inconnue.

Le videur en mini shorty qui nous avait ouvert la porte un peu

plus tôt dans la soirée se tenait devant moi.

— Tiens, me dit-il en me tendant un verre de whisky.

— Béni sois-tu ! le remerciai-je en faisant tinter mon verre

contre le sien.

Je bus quelques gorgées, savourant ainsi la brûlure que laissait

le liquide ambré dans ma bouche après son passage.

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Page 256: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — J'ai remarqué que tu regardais mon tatouage tout à l'heure ?

Gonflant ses pectoraux, Stanley leur fit faire des soubresauts.

Ouais, ce moment d'égarement va te coûter cher,

m’enguirlanda ma conscience.

— Il te plait ?

Euh ! Que devais-je répondre à ça ?

— Il est sympa, chuchotai-je en cherchant Lisy du coin de

l'œil.

Help me ! Tout mon corps était à présent tendu.

Non pas tout ton corps ! chuchota ma conscience à mon

oreille.

Il se rapprocha un peu plus et leva sa main pour me la passer

dans les cheveux.

Wow, wow wow qu'est-ce tu fais là ? cria ma conscience sur le

point de lui broyer les doigts et de lui faire bouffer son mini

shorty, pendant que moi je cherchais désespérément à esquiver

son geste.

Lisy n'était pas une adepte de l'analyse corporelle, mais

j'espérai qu'elle reconnaisse néanmoins à mon expression faciale

totalement paniquée toute la détresse que j'éprouvais.

Yes ! Ses yeux me fixèrent un instant et c'est avec soulagement

que je la vis revenir vers moi.

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Page 257: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— J'ai soif ! Elle attrapa mon verre et le but d'une traite, se

léchant la lèvre inférieure tel un chat, elle vint se caler contre

mon torse. Waouh ! Fait chaud ici ! cria-t-elle en s'éventant de la

main.

— Oh oui, j'ai eu très chaud !

— Je voudrais bien chevaucher ce cheval fougueux, proposa

Stanley sans détour, les yeux remplis de malice et de perversité.

Quoi ? hurla ma conscience qui était en train de suffoquer

après avoir fait une fausse route avec le whisky.

— Mon copain t'intéresse ? rigola Lisy.

— Sans vouloir vous offenser, Stan, je ne suis pas gay,

répondis-je les yeux exorbités.

—Vous êtes tous pareils, s'offusqua Lisy en plaçant ses mains

sur les hanches. Cela ne t'aurait pas dérangé hier soir de t'envoyer

en l'air avec moi et ma copine Ally dans ton bureau ? Mais

maintenant que les choses tournent à mon avantage, monsieur fait

le difficile !

À ton avantage ? Je savais bien qu'elle était trop belle, trop

vive d'esprit pour être honnête, s'épouvanta ma conscience qui

était sur le point de foutre le camp.

— Tu n'es pas sérieuse ? demandai-je choqué et plutôt mal à

l'aise face au sourire béat de Stan qui s'y voyait déjà !

Elle me regarda quelques secondes avant d'éclater de rire.

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Page 258: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — GOTCHA ! NON ! bien sûr que non, je voulais juste voir la

tête que tu ferais !

— Gotcha, hein ? Ok ! Un point pour toi, O'Brian.

Je reniflai, me souvenant de l'accueil que je lui avais réservé

dans mon bureau. Je voulais bien admettre que je m'étais

comporté comme un crétin de base, un mec quoi ! Toutefois, je

n'étais pas prêt à présenter mes excuses pour un fantasme qui

aurait pu nous procurer du plaisir à tous les deux.

— Qui est Ally ? demandai-je curieux.

— Ally ? J'ai dit Ally ? marmonna-t-elle en se mordillant la

lèvre.

— Oh oui !

Un sourire carnassier s'étira encore plus sur mes lèvres.

— Tu devras me passer sur le corps avant que je ne te parle

d'Ally. Et désolé Stan, je ne suis pas prêteuse. Elle me tira par la

main et m'entraîna au milieu de la piste de danse.

— C'est quand tu veux que je m'occupe de ton corps ? riai-je

en la tirant en arrière pour la ramener contre moi.

— Tu ne sauras rien.

— Je te ferai parler.

Elle se colla langoureusement à moi, elle semblait si chaude, si

vivante.

— J'aurais dû te laisser te débrouiller avec Stanley.

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Page 259: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Tu n'aurais jamais osé !

Ma jambe se plaça entre les siennes et la friction de ma cuisse

sur la partie la plus sensible de son corps la fit gémir. Elle leva les

yeux vers moi et le feu que je pus lire dans son regard se

répercuta directement dans mon aine. J'accentuai la pression afin

d'y trouver un soulagement lorsque ses mains vinrent se loger

dans mes cheveux.

There's just one way (Il y a juste une façon)

We're gonna work this out (Nous allons nous en sortir)

Forget what I did (Oublie ce que j'ai fait)

Forget what you said (Oublie ce que tu as dit)

Oh, darlin' (Oh chérie)

Come to bed (Viens au lit)

—Oh oui, viens au lit, Darling, susurrai-je en mordillant son

cou, laissant là cette danse se transformer dangereusement en

préliminaire.

— Il est temps qu'on rentre, acquiesça-t-elle en embrassant la

ligne de ma mâchoire.

— Mouais !

— Je vais chercher les clés.

Nous retournant, c'est amusé que je la vis fendre la foule sans

ménagement, bousculant deux trois gars au passage.

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KRIS T.L — Hey les jeunes, alors comment vous trouvez l'endroit ?

demanda Bobby en descendant de scène. Vous venez prendre un

verre avec moi ? Je vais profiter qu’Hellène soit sur scène pour

faire une petite pause !

— C'est vraiment génial, s'enthousiasma Lisy. Mais nous

sommes vraiment fatigués, nous allons rentrer.

Elle était une bien piètre menteuse et Bobby ne se laissa pas

duper.

— Je vais vous raccompagner, proposa aussitôt Jeff qui n'avait

rien vu de l'échange.

— Passe-leur tes clés, tu vois bien qu'ils n'ont pas besoin d'un

chaperon.

— Encore ! s'exclama Jeff en roulant des yeux.

— Ouais je ne sais pas pourquoi mais j'ai une folle envie de

monter à cheval.

Oh comme j'aimais cette femme.

— Hey ! Pour info ! nous interpella Bobby alors que nous

étions sur le point de partir. Nous avons un jacuzzi.

— Un jacuzzi ?

— La porte de droite qui donne sur le patio.

Et avant que je n’aie eu le temps de remercier nos hôtes, je me

sentis tiré en arrière par le fond de mon pantalon.

Hiiiiii-haaaa !

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt-Quatre

Un jacuzzi, quel merveilleux endroit, pensai-je alors que les

bulles chatouillaient déjà mon corps qui s'enfonçait dans l'eau

tiède.

— Que Dieu protège Bobby et Jeff.

— Qu'est-ce que tu dis ?

— Rien.

Greg se tenait devant une station Ipod posée sur un bar à

colonnades.

Une déco grecque, qui l'aurait cru ? pensai-je en roulant des

yeux. Des statues en marbre, des mâles dont les attributs n'étaient

en rien cachés et nous saluaient tout autour du jacuzzi.

Eh bien, on ne peut faire plus cliché, soupira Jiminy.

Je fermais les yeux, bercée par la musique qui s'échappait des

enceintes. La voix angélique d'Eli Lieb renforçait d'autant plus le

contraste avec ce lieu. Grégory prit le temps de se déshabiller,

mais contre toute attente il partit sous la douche italienne qui se

trouvait dans le coin de la pièce. La paroi en verre était une idée

de génie, et me donnait le loisir de me délecter du spectacle.

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Page 262: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Dire que depuis hier soir tu l'imagines nu sous une douche.

De sa main droite il se savonna toutes les parties de son corps,

s'attardant doucement sur le bas de son ventre. Je fermais les

yeux et ne pus retenir un soupir de soulagement lorsque ma main

se retrouva prisonnière de mes cuisses, sans même en avoir

conscience mon geste se fit plus précis totalement synchrone aux

mouvements qu'il s'infligeait.

— Qu'est-ce que tu fais ? me demanda-t-il les yeux remplis de

convoitise.

Je sursautai au son de sa voix.

Prise en flag, chuchota mon Jiminy.

— Je... je ne t'ai pas entendu revenir, bégayai-je rougissante.

Un sourire en coin s'étira sur son visage et c'est sans

préambule qu'il s'invita dans le jacuzzi.

— Alors ? m'attrapant par la taille il me tira sur ses genoux.

— Alors quoi ?

— Tu étais magnifique, continue, m'ordonna-t-il d'une voix

rauque.

Je pouvais sentir contre ma cuisse l'effet que ma petite

prestation avait eu sur lui.

— Non !

— Si. J'ai envie de te voir te faire plaisir, chuchota-t-il dans le

creux de mon oreille.

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Page 263: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisUn sourire gêné s'invita sur mes lèvres et mon cœur s'emballa.

Comprenant combien il m'était difficile de mettre à exécution sa

demande, il prit les devant en saisissant ma main.

— Laisse-toi faire, suggéra-t-il en m’écartant délicatement les

cuisses. L’idée qu'il puisse mener la danse m'affola un peu.

— Oh mon Dieu, gémis-je alors que ses doigts encerclaient les

miens.

— Ne bouge pas, m’ordonna-t-il en faisant pression de sa

paume sur la mienne.

J'inspirai en fermant les yeux, laissant ses doigts faire des

merveilles. Il était si bon de me laisser aller contre son torse,

m'abandonnant avec délicatesse à sa main experte.

— Tu es merveilleuse.

Il y avait tant de tendresse dans sa voix que je me sentis planer

comme ce trapéziste somnambule qui ne voulait plus redescendre

de son fil dans cette chanson jouée sur l'Ipod. Oh Seigneur, faire

l'amour sur ces paroles rendait l'acte si puissant qu'il faillit me

faire perdre la raison.

— Viens sur moi.

Greg me souleva, me plaçant à califourchon sur lui, je pus

sentir tous mes muscles frémir et se contracter quand il me

pénétra.

— Enfin complète, murmurai-je de satisfaction.

263

Page 264: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Son visage était à hauteur de ma poitrine, à chaque

mouvement je pouvais sentir les poils naissants de sa barbe frôler

la pointe de mes seins. La piqûre ressentie sur mes mamelons

engendrait un inconfort mélangé à du plaisir à l'état pur. Sans plus

attendre il aspira un de mes tétons et ma tête bascula en arrière.

Ses mains se refermèrent avec puissance sur le haut de mes fesses

afin de me maintenir en place. La chaleur de l'eau aromatisée aux

fruits rouges nous procurait une barrière de protection, nous

enveloppant, nous cajolant, nous mettant à l'abri de tout ce qui

n'était pas nous.

Tournant la tête, je vis notre reflet dans le miroir, et me voir lui

faire l'amour me transporta dans un autre monde. Un soleil chaud

rougeoya au fond de mon ventre. M'abandonnant avec passion,

savourant cet instant de pure magie, je sentis les prémices de mon

orgasme. Mon ventre s'alourdit et se crispa dans un embrasement

vif et irréel, un oubli de soi à en effleurer l'au-delà.

— Jouis pour moi, susurra-t-il entre deux va-et-vient. À ses

mots, je ne pus retenir un râle, il plaça sa main sur ma bouche

pour retenir ma plaidoirie et son geste eut pour effet d'augmenter

ma jouissance. Dans un dernier mouvement de bassin, je le vis se

tendre à son tour.

— Oh mon Dieu !

Je m'effondrai sur son torse, exténuée et repue par ce plaisir

foudroyant.

Que dire après ça ?

264

Page 265: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisRien... rien ne pouvait être dit, rien ne devait être dit, au risque

de briser le charme.

Nous restâmes tous les deux enlacés dans cette eau chaude. Le

jacuzzi se remit en route, envoyant par salve des bulles qui

caressèrent nos corps durant de longues minutes. Mais malgré

cette chaleur réconfortante, la tension liée à la fatigue et le

contrecoup de tout ce que nous avions vécu me fit frissonner.

— Viens te coucher.

Sans plus attendre il me souleva du sol, calant ma tête, je

profitais de cette promiscuité pour nicher mon nez dans son cou,

imprimant au plus profond de moi sa fragrance, un mélange de

lui, de sexe et de gel douche aux fruits rouges.

*

— Il est l'heure de se lever les enfants.

Mes yeux papillonnèrent quelques secondes, le temps que je

m'habitue aux rayons qui filtraient dans la pièce, des particules de

poussière virevoltaient autour de nous et me donnait l'impression

d'être protégée des dieux. Je m'étirai tel un chat, ronronnant

presque de satisfaction. Tournant la tête vers la droite, je

m'émerveillais de la vision qui m'était offerte. Il était là, nu,

enroulé dans les draps, une main relevée au-dessus de sa tête.

J'étais séduite, subjuguée, éprise... c'est forte de cette constatation

que je sentis mon cœur se gonfler de bonheur lorsque j'entendis

de nouveau quelqu'un tambouriner à la porte de notre chambre.

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Page 266: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Greg, Lisy, il est temps !

— Oui, pas de souci, on arrive.

J'étais sur le point de me lever quand je sentis deux bras

m'encercler.

— Où comptes-tu aller comme ça ?

— Greg, n'y pense même pas, cria son père à travers la porte.

Je ne pus retenir mon rire lorsque je vis la mine déconfite de

Greg. Il avait le visage d'un enfant à qui on vient de retirer une

sucrerie. La lèvre inférieure tremblotante, le nez pincé, le regard

larmoyant.

— Allez, bouge ton corps.

— Hmm... oui, bouger mon corps. Mordillant ma lèvre, il

exerça une pression du bassin.

— Greg ! le grondai-je.

— Quoi ?

— Allez, vous deux ! Magnez-vous les fesses, j'ai une femme

à aller sauver. La voix de Matt tonna au travers de la porte. Greg

se figea, et un voile de tristesse traversa son regard.

— Allez viens! murmurai-je dans un souffle en embrassant le

bout de son nez. Il est temps d'y aller.

*

Neuf heures du matin, l'avion était sur le point de prendre son

envol. J'inspirai fortement, la peur au ventre.

266

Page 267: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Alors comme ça tu as la frousse O'Brian ?

— Pas la peine de faire de l'humour Cummings, grognai-je en

osant ouvrir un œil dans sa direction.

L'avion s'aligna en bout de piste, je fermai les yeux lorsque je

sentis par l'effet de la propulsion mon corps se coller au siège.

— Lâche ma main.

— Quoi ?

— Lisy, s'il te plait, lâche ma main, se plaignit-il.

— Oh désolée ! dis-je en le voyant secouer ses doigts, ses

phalanges étaient blanchies par la pression que j'avais exercée. Je

m'agrippai au siège durant tout le décollage, priant Dieu et tous

ses saints ; mes muscles se relâchèrent dès que l'avion se stabilisa

dans les airs et qu'il reprit une station à l'horizontale. Je soufflai

de soulagement en sentant la main de Greg se poser sur ma joue.

— Ouvre les yeux, tout va bien.

Il passa son bras par-dessus son épaule et m'attira contre lui.

— Tu as prévenu ta tante Maria de notre arrivée ?

— Oui je l'ai appelée quand tu es parti prendre nos billets, elle

va venir nous chercher à l'aéroport.

—Très bien.

— Comment allons-nous procéder ?

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Page 268: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Avec mon père, il nous a semblé plus juste de prendre nos

quartiers chez toi le temps de voir comment approcher Lisbeth

sans l'effrayer.

— Elle doit être terrifiée, soufflai-je à demi-mots.

— Il y a de quoi.

— Tu sais, je n'arrête pas de penser à ce bouquet.

— Et ?

— Et la seule chose qui me relie à ces fleurs sont mes parents.

— Je sais.

— Et si elles étaient cachées au Mont Davis.

— J'y ai pensé.

— C'est loin, il va nous falloir encore une bonne demi-journée

de voiture pour arriver jusque-là !

— J'espère seulement que Tess va tenir le coup jusqu'à ce que

nous arrivions.

— Que crois-tu qu'il se soit passé pour qu'elles aient besoin de

se cacher ?

— Si je le savais, murmura-t-il en regardant son père qui

discutait avec l'hôtesse de l'air.

— Je crois que ton père a une touche, souris-je en regardant la

jeune femme minauder devant Alan.

— Il a un succès fou ! Faut dire qu'on est plutôt beaux gosses

dans la famille.

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Page 269: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJe roulai des yeux en hochant la tête de gauche à droite.

— Ce n'est pas la modestie qui va t'étouffer Cummings.

— Jamais.

— Il n'a jamais pensé à refaire sa vie ?

— Non, je crois que tant que nous ne trouverons pas qui a fait

ça, il ne tournera pas la page.

— Oui, ça se comprend.

— Pourquoi me demandes-tu ça ?

— Pour rien.

— Je ne sais pas ce que tu as en tête miss O'Brian, mais ton

sourire me plait.

— On verra !

Sans attendre, il m'attira dans ses bras, m'installant

confortablement contre son épaule je me calquai sur sa

respiration qui m'apaisa instantanément.

— Tout va s'arranger, murmura-t-il en embrassant le haut de

ma tête.

— Oui.

Et c'est avec cet espoir naissant au fond de mon cœur que je

m'endormis dans ses bras.

*

— Je crois qu'il est temps de te réveiller.

269

Page 270: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Ces mots à peine soufflés me tirèrent d'un rêve des plus

étranges. J'étais avec Lisbeth, je n'avais pas plus de dix ans, nous

étions toutes les deux en train de nous baigner dans une piscine.

J'ouvris les yeux avec cette sensation étrange que quelque chose

de terrible était sur le point d'arriver.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Rien, rien du tout, embrasse-moi, répondis-je en essayant

de ne pas l'inquiéter inutilement.

— J'aime la Vanilla-sex avec toi miss O'Brian, murmura-t-il

contre ma bouche.

J'écarquillai les yeux, avais-je bien entendu ?

Wow ! Excellente façon de te changer les idées, me suggéra

Jiminy.

Je restais muette, balayant du regard la zone où j'avais posé

mon sac à main.

Putain !

— C'est ça que tu cherches ?

Il tapotait du bout des doigts mon bouquin.2

Quoi ? Oh ! NON !

— Eh bien, on peut dire que je suis surpris, Mademoiselle

O'Brian.

— Rends-moi ça, dis-je en essayant de récupérer mon livre.

2 Fifty Shades of Grey James EL

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Page 271: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Tssssss, tu plaisantes j'espère !

— Non, Cummings, rends-le moi. Tu n'avais pas le droit de

fouiller dans mon sac.

Ce livre érotique était mon jardin secret en quelque sorte et

l'idée qu'il puisse en avoir lu quelques pages me consuma toute

entière.

— Pour ton information je n'ai pas fouillé. L'hôtesse m'a

gentiment demandé de ranger ton sac à main dans le

compartiment à bagages et cet ouvrage est malencontreusement

tombé sur moi. Il m'a pratiquement assommé, tu sais !

— Pas assez à ce que je vois, grommelai-je en tendant la main

pour le lui arracher.

— Oh non ! Je veux savoir si oui ou non elle signe ce fichu

contrat.

Saisissant le livre, il le glissa dans son sac à dos qu'il replaça

dans la soute à bagages au-dessus de nos têtes.

— Greg s'il te plait, murmurai-je en roulant des yeux

— Oh si je me souviens bien tu ne devrais pas faire ça !

— Tu es sérieux ? m'inquiétai-je tout à coup.

Il haussa les épaules, alors qu'une lueur perverse se mit à

briller dans ses yeux.

Oh merde !

— Jamais.

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Page 272: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Ne jamais dire jamais.

— Oh si Cummings ! Ce point-là n'est pas discutable, jamais

et je le répète encore une fois pour que tu saisisses bien,

JAMAIS.

Il fit la moue et me dévisagea un instant.

— QUOI ?

—J'ai une cravate tu sais...

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt-Cinq

Enfin de retour à la maison, pensai-je en descendant de la

passerelle.

Le soleil était à son zénith, la luminosité aveuglante, l'odeur

âcre et offensante de la poussière pénétrait chaque fibre de ma

peau. Je souris lorsque mes pieds foulèrent le sol.

Après quelques formalités pour Greg et sa famille, nous

passâmes enfin le portique de sécurité. L'aéroport était bondé, les

avions ne cessaient d'atterrir, récupérant ainsi le retard dû aux

intempéries, et c'est dans ce flux constant de voyageurs que je vis

le visage familier de Maria se détacher au-dessus de tous. Levant

sa main pour me faire signe, je vis qu'elle avait pleuré tant ses

yeux étaient rougis par les larmes qu'elle avait dû verser.

— Maria, soufflai-je en accélérant le pas pour me réfugier

dans ses bras.

— Chutttt tout va bien ma chérie, je suis là, murmura-t-elle en

m'étreignant avec force.

Grégory, Alan et Matt restèrent en retrait. Maria releva la tête

vers eux et les observa quelques secondes avant de m'essuyer mes

larmes comme quand j'étais enfant.

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Page 274: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Vous devez être les amis de Lisy ?

Elle tendit la main à Alan.

— Oui, madame. Celui-ci l'attrapa, mais au lieu de la lui serrer

il lui fit un baise main.

— Maria, je te présente, Alan Cummings, Matthew Mc Logan

et Grégory, messieurs je vous présente ma tante Maria Banavero,

la sœur d'Enrique.

— Veuillez recevoir nos sincères condoléances pour votre

frère, madame.

— Merci, messieurs.

— Maria, ils sont de la famille de Tess Cummings.

— Qui ? me demanda-t-elle confuse.

— Tess Cummings, une jeune femme que j'ai auscultée la

semaine dernière, elle était avec Enrique et Lisbeth au camp de

réfugiés de Terlingua.

— Sans vouloir vous offenser messieurs, vous n'avez pas la

tête de réfugiés Mexicains.

— Irlandais madame, répondit Matt avec une pointe de fierté

dans la voix.

— Plus de Madame, appelez-moi Maria.

— Maria, acquiesca Alan d'un mouvement de tête.

Dans un battement de cils elle tenta de cacher son émotion,

mais ce fut peine perdue pour l'œil avisé d'Alan.

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Page 275: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisTel père tel fils ! murmura Jiminy.

— Bien, et que pouvait bien faire votre fille avec mon frère ?

— En fait, ma fille est portée disparue depuis plus de trois

mois.

— Mais comment ?

— Si votre nièce n'était pas venue nous trouver à Toronto,

nous n'aurions jamais su où elle se trouvait.

— Mon Dieu ! Je n'ose imaginer l'angoisse que vous avez dû

vivre, vous et votre femme.

Je me raclai la gorge en tournant la tête de gauche à droite.

— Quoi ? ai-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

murmura-t-elle à mon intention.

— En fait, je suis veuf.

— Oh, je suis confuse, je ne voulais pas ...

— Ne vous en faites pas Maria, assura Alan le regard

bienveillant.

— Maria.

— Oui chérie ?

— Tess est en ce moment avec Lisbeth.

— Quoi ?

— Mais nous ne savons pas où elles se cachent, nous ne

savons pas ce qui s'est passé et pour couronner le tout, Tess est

enceinte de huit mois et ne devrait pas tarder à accoucher.275

Page 276: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Enceinte ?son regard s'obscurcit et durant une nanoseconde

il me sembla qu'elle en était contrariée.

— Nous ne voudrions pas vous déranger, mais pourrions-nous

prendre nos quartiers chez vous, le temps de retrouver ma fille et

Lisbeth, demanda Alan soucieux.

—Oui bien entendu, il n'y a pas une minute à perdre. Tournant

les talons, elle nous fit signe de la suivre, ce que nous fîmes sans

nous faire prier.

*

J'étais dans la cuisine quand je sentis une présence derrière

moi.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Grégory se rapprocha et posa ses mains sur mes hanches.

— J'ai besoin de ma dose.

— Ta dose ? demanda-t-il en regardant par dessus mon épaule.

— Matcha latte, tu en veux ?

— Avoue, ceci n'est autre qu'un filtre d'amour pour

m'enchaîner à toi.

—Oh oui, un filtre d'amour pour mon valeureux et preux

chevalier, souris-je en roulant des yeux.

— Un chevalier qui vous sera à jamais redevable madame.

— Je vous dégage de toute loyauté envers moi, cher ami. Me

tournant vers lui je savourai toute la profondeur de son regard.

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Page 277: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Je ne peux accepter, je suis lié à vous jusqu'à ce que la mort

nous sépare, Miss O'Brian.

Mes yeux s'élargirent de stupeur alors que la réalité me

revenait de plein fouet.

— Désolé, je ne voulais pas dire ça !

— Jusqu'à ce que la mort nous sépare.

— Chutttt, je suis là. Je suis désolé, je n'aurai pas dû.

—Jusqu'à ce que la mort nous sépare, répétai-je pour moi

comme si ces paroles étaient le signe d'un mauvais présage.

*

Nous restâmes dans les bras l'un de l'autre, mon oreille collée

contre sa poitrine, je me laissai bercer par les battements de son

cœur, son rythme devenu le mien apaisa doucement mes peurs.

— Je crois que mon père est sous le charme de Maria,

murmura-t-il en jetant un œil dans leur direction.

— Tu crois vraiment ?

— Oui m'dame, je trouve qu'il agit différemment, ses pupilles

sont dilatées, signe de désir et puis il a cette manière de passer sa

langue sur sa lèvre inférieure.

— Hey, arrête de faire ça, c'est ton père ! dis-je en lui tapant le

torse. Il n'y a pas un protocole qui t'interdise d'utiliser cette

pratique envers tes proches.

— Non, se marra-t-il. Mais c'est fortement déconseillé.

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Page 278: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Alors je te le déconseille, soufflai-je contre ses lèvres.

— Avoue que tu y as songé toi aussi ?

— Quoi donc ?

— Mon père et Maria.

— Peut-être bien, souris-je en regardant par-dessus son épaule.

— Décidément les femmes de cette famille ont un pouvoir sur

nous pauvres âmes égarées.

—Allez viens, arrête de dire des bêtises. Saisissant le plateau

en bois qui se trouvait en haut de l'étagère, je plaçai les tasses à

café. Matt semblait absorbé par sa lecture, le nez plongé dans son

ordinateur portable. Il ne fit même pas attention à moi lorsque je

vins poser une tasse de thé à côté de lui.

— Je l'ai, cria-t-il en me faisant sursauter.

— Tu as du nouveau ?

Greg se posta afin de visionner l'écran.

— Merde ! C'est quoi encore que cette histoire, assena-t-il

d’un air dubitatif.

— Elle est morte, ajouta Matt en se tournant vers nous.

— Quoi ? Mais quand ?

— Il y a plus de trente ans, répondit Greg.

Trente ans ?

— Ce n'est pas possible, ça ne peut pas être-elle ?

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Page 279: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— J'ai demandé à mes collègues de vérifier un éventuel lien

avec ton père et la mère de Greg.

— Et ?

La peur de découvrir quelque chose d'horrible sur mon père

me coupa la respiration. J'avais cette sensation bizarre de n'être

qu'une spectatrice impuissante face à un désastre annoncé.

Greg voyant mon malaise vint se tenir à mes côtés et d'un

geste tendre il me caressa la joue.

— Ça va ?

— Oui.

—Teresa Rodriguez, mariée, vingt-huit ans, elle s'est fait

renverser par une voiture.

— Merde !

— Elle était enceinte.

— Quoi ?

— Ton père était un jeune officier quand cela s'est produit,

c'est lui qui a instruit l'affaire à Princeton.

— C'est là qu'il a fait son école.

Matt se tourna ensuite vers Alan, mais parut hésiter un instant.

— C'est à propos de votre femme, Marielle.

— Je sais.

— Papa ?

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Page 280: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Oui, murmura-t-il. L'accident a eu lieu quelques mois avant

que ta mère et moi ne fassions connaissance.

Wow !

— J'ai rencontré Marielle quand j'étais stagiaire en psychiatrie

au Centre National du trouble de l'alimentation de Toronto.

Il s'arrêta quelques instants afin de reprendre son souffle, une

main posée sur son cœur.

— Et ?

— Après l'accident elle est tombée en dépression, refusant de

se nourrir, ses parents n'ont eu d'autre choix que de la faire

hospitaliser dans ce centre où je travaillais.

Merde !

— C'est donc comme ça que vous vous êtes rencontrés ?

Greg semblait abasourdi.

— Elle est repartie vivre chez tes grands-parents et moi j'ai

terminé mes études. Nous nous sommes fréquentés pendant plus

d'un an et demi. Nous avons fini par nous marier et pour notre

plus grand bonheur vous êtes nés toi et ta sœur. Même si cet

accident l'a marqué au plus profond de sa chair, vous lui avez

redonné l'envie de vivre.

La voix d'Alan se brisa, et Greg ne put retenir un sanglot tant

l'émotion était forte.

Mon dieu, pensai-je en fermant les yeux. Tant de vies gâchées.

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Page 281: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Lisy, est-ce que tu as un fax ? Mes collègues vont

m'envoyer le procès-verbal de l'accident, peut-être en saurons-

nous plus à ce sujet.

— Oui Matt, bien sûr.

Je partis en direction de mon bureau, heureuse d'avoir quelque

chose à faire. Mon cerveau groggy essayait tant bien que mal

d'analyser cette nouvelle information.

Marielle ? Teresa enceinte ? Les similitudes avec Tess étaient

bien trop importantes pour que cela ne soit qu'une coïncidence.

Aurions-nous droit à la vengeance d'un mari blessé ? chuchota

Jiminy.

Mais dans ce cas, quel est le lien avec la mort de mon père et

que vient faire la comptine dans toute cette histoire ? Et pour

finir pourquoi s'en prendre à Tess dix-sept ans plus tard ?

Toutes ces questions se bousculaient dans ma tête.

—Triple merde, marmonnai-je en me passant les mains dans

les cheveux.

Est-il possible que mon père ait falsifié des preuves pour

protéger la mère de Greg ?

J'étais partagée entre l'envie de comprendre et la peur de

savoir, aussi quand dix minutes plus tard le bip de mon fax

retentit et que la feuille qui devait nous éclairer sur cet événement

tragique se présenta devant nous, mon cœur se mit à cogner plus

fort, résonnant jusque dans mes tempes. Sans attendre la fin du

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Page 282: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L transfert, Matt l'arracha d'un coup sec, puis tournant les talons il

partit rejoindre les autres.

— Alors ? demanda Greg.

— Teresa est bien morte, répondit Matt en lisant le document.

Mais pas au moment de l'accident.

Pas au moment de l'accident ?

— Elle a été maintenue en vie, le temps de donner naissance à

une petite fille.

Un soupir de soulagement traversa mon corps face à cette

révélation.

— Ne te réjouis pas.

Pourquoi ?

— Elles n'ont pas survécu. Elles sont décédées toutes les deux

quelques heures après l'accouchement.

Non !

Une chape de plomb tomba sur mes épaules, mon cœur se

serra, c'était plus que ce que je ne pouvais encaisser.

— Il est dit dans le procès-verbal que Marielle n'était en rien

responsable. Des témoins de la scène ont vu Teresa, elle était

accompagnée de sa petite sœur, celle-ci a échappé à sa

surveillance, et l'enfant s'est retrouvée sur la route. Teresa a

essayé de la tirer par le bras, mais celle-ci a résisté en refusant de

la suivre, elles ont trébuché au moment même où Marielle

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Page 283: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisarrivait en voiture, elle n'a pu les éviter et les a percutés de plein

fouet.

Seigneur !

— Qu'est devenue la petite fille ? osai-je demander dans un

murmure.

Matt regarda une nouvelle fois la feuille qu'il avait entre les

mains.

— Il est dit qu'elle a été gravement blessée, de multiples

fractures, le bassin touché, ajouta-t-il en relevant les yeux vers

moi.

— Quel âge avait-elle ? demandai-je émue.

— À peine dix ans.

Mon dieu !

Ne voulant pas afficher ma faiblesse aux yeux de tous et

sentant les larmes affluer, je partis sans rien dire me réfugier dans

ma chambre.

À peine la porte fut-elle fermée que je me laissai glisser au sol,

l'amertume, la souffrance, la folie que je retenais depuis tant

d'années me submergea, ne pouvant la retenir plus longtemps je

me mis à pleurer.

*

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Page 284: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L

Après je ne sais combien de temps, d'heures, de minutes,

j'ouvris les yeux. Mes larmes avaient fini par se tarir, mais je

restai là assise sur le sol, les bras enroulés autour de mon corps.

Une lumière douce filtrait à travers les stores en bois, la

tapisserie dans les tons topaze et opale créait une ambiance

apaisante. Mes yeux voyagèrent autour de la pièce, s'arrêtant sur

chaque objet, peluche, photo : mon père, ma mère, Maria,

Enrique, Lisbeth.

— Le bouquet ? murmurai-je en me relevant.

— Lisy ?

Je sursautai à la voix de Maria.

— Je ne savais pas où mettre ce bouquet, s'excusa-t-elle en

entrant dans la chambre. Tu sais, je me souviens de cette

comptine.

— Quoi ?

— Oui, c'était quelque temps après que tu aies aménagé ici.

Oh !

— Ce fut un moment difficile, tu ne te souviens pas ?

— Me souvenir ?

Elle sembla chercher ses mots et cela ne fit qu'amplifier mes

craintes.

— Bon Dieu, Maria, dis-moi !

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Page 285: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Ne blasphème pas dans ma maison jeune fille.

— Excuse-moi, mais je vais finir par devenir folle.

— Viens, je crois qu'il est temps que l'on parle.

Elle s'installa sur le lit et tapota du plat de la main la place afin

que je vienne m’asseoir à ses côtés.

—Maria, commençai-je. Cette comptine représente quelque

chose de terrible n'est-ce pas ?

— Terrible ? Ça aurait pu l'être si je n'étais pas arrivée à

temps.

— Que veux-tu dire ?

— Je n'aurai pas survécu si j'avais dû te perdre.

Elle ferma les yeux et son front se plissa de douleur.

— Il était tard, poursuivit-elle. Nous étions sur le point d'aller

nous coucher. Comme tous les soirs, je suis venue dans ta

chambre pour te souhaiter bonne nuit, mais quand j'ai ouvert la

porte, tu n'étais plus là.

— Et ? demandai-je doucement en lui intimant de poursuivre.

— J'ai entendu quelqu'un fredonner cette comptine, j'ai

cherché d'où cela venait, je t'ai appelé mais tu ne m'as pas

répondu.

— Tu es sûre que c'était cette comptine ?

— Oui, j'en suis certaine.

— Pourquoi n'ai-je aucun souvenir ?

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KRIS T.L — Parce que ce soir-là tu as perdu connaissance.

— Perdu connaissance, mais que s'est-il passé ?

— Tu es tombée dans la piscine, tu as failli te noyer. Si je

n'avais pas suivi mon instinct et si je n'étais pas sortie dehors...

Noyer ? Alors cette sensation que j'avais d'étouffer, d'être

attirée par les ténèbres...

— Mais qui a bien pu me chanter cette comptine ?

Elle haussa les épaules en signe d'impuissance.

— Quand j'ai sauté dans l'eau, il n'y avait que toi.

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Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt-Six

— Lisy, il y a des Border Patrol de Lajitas qui viennent

d'arriver, ils souhaiteraient t'interroger.

Des Border Patrol ? Dans ma maison ?

Un frisson parcourut mon corps et des larmes importunes

s'invitèrent sans que je ne puisse les contrôler.

— Lisy, il serait raisonnable d'aller leur parler, m’intima Greg.

— Raisonnable ? Tu es sérieux ?

— Lisy, souffla-t-il en poussant la porte de ma chambre afin

d'entrer.

N'avance pas !

Mon corps tout entier hurlait, reportant sur Grégory toute la

colère que me faisait vivre cette intrusion.

— Calme-toi, chiquita, écoute ce garçon.

D'un pas décidé Maria se dirigea vers la sortie.

— Sois patient avec elle, murmura-t-elle avant de quitter la

pièce, posant une main sur son épaule.

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KRIS T.L Je restais vacillante, le regard dans le vide, cherchant un

moyen de m'échapper, de revenir en arrière, de remonter le

temps.

— Lisy.

— Je ne peux pas !

— Lisy, murmura-t-il en se rapprochant encore plus.

— Reste où tu es, le menaçai-je d'une voix à peine audible.

Mais sans que je puisse esquiver son geste il m'attrapa dans

ses bras et me serra contre lui.

— Lisy, tu n'as pas le droit d'abandonner.

— Laisse-moi tranquille, soufflai-je. Va au Mont Davis, elles

sont là-bas.

— Lisy, je ne peux y aller sans toi.

— C'est trop douloureux, dis-je les yeux remplis de larmes. Je

ne suis pas assez forte pour faire face à tout ça.

— Tu te trompes.

— C'est toi qui te trompes Cummings. Fermant les yeux, je le

repoussai du bout des doigts.

Comment peux-tu lui faire ça ? gronda Jiminy effaré.

Une bataille intérieure faisait rage. Je n'avais cessé de me faire

violence durant ces derniers jours, j'avais pris la décision de me

rendre directement à Toronto pour éviter de me retrouver face

aux coéquipiers de mon père et voilà que tout ça...

288

Page 289: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Tout ça n’a servi strictement à rien, murmurai-je pour moi-

même.

Peut-être, mais à présent tu n'es plus seule pour leur faire

face, me sermonna Jiminy.

Greg se tenait près de la commode :

Triste, triste lueur du soir

Quand la nuit s'invite

Et que la mort vient te voir

Je suis là près de toi

Et je te tends les bras

Mais si je ne peux t'avoir

Alors personne ne t'aura...

Je pouvais voir ses muscles se tendre de douleur sous sa

chemise, quand il broya de sa main droite la carte qui scellait nos

destins.

— Quand je suis venue vivre ici, soufflai-je en fermant les

yeux, ma tante m'a sauvé la vie.

— Je le sais, Lisy, elle s'est occupée de toi.

— Non, tu ne sais rien ! dis-je, le coupant avec véhémence.

— Explique-moi.

289

Page 290: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Elle a entendu cette comptine ce soir-là.

— Quand ? Il me regarda, perdu.

— Elle a eu juste le temps de me sortir de l'eau, répondis-je

sans réellement l'entendre.

— De l'eau ? Quelle eau ?

— Elle m'a retrouvée au fond de la piscine, inconsciente, j'ai

réellement failli me noyer, tu sais…

— Lisy...

Cette eau était si sombre, si froide, mes membres

s'engourdissaient, mon cœur ralentissait, je me sentais si

bien...enfin en paix...

— Lisy...

Posant ses mains sur mes épaules, il me secoua légèrement

pour me faire revenir vers lui.

— Haaa ! lâchai-je en reprenant mon souffle.

— On ne peut échapper à notre destin plus longtemps, Lisy.

Nous devons nous rendre au Mont Davis, ensemble. J'ai besoin

de toi, Tess a besoin de toi. Sans me laisser d'autre choix, il

attrapa ma main et m'entraîna telle une automate hors de mon

refuge vers ces limbes peuplées de fantômes.

*

Des Border patrol étaient en pleine discussion avec Matt qui

répondait professionnellement à chacune de leurs questions. Nous

290

Page 291: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davisrestâmes là à contempler leur interaction, sans mot dire. Il y avait

deux hommes. Un jeune d'une vingtaine d'années à peine, il

devait sortir d'école, il avait cette particularité qu'ont ces jeunes

officiers, cette moustache à peine étoffée pour se vieillir. L'autre

bien plus vieux, le visage rond, dégarni, ventre bedonnant attira

mon attention.

Ne leur fais pas confiance, les mots de Lisbeth me revinrent

avec force et mon cœur se mit à cogner plus fort.

Remarquant mon manque d'assurance, Gregory me pressa la

main.

— Miss O'Brian, monsieur Cummings, nous salua le jeune

Border Patrol qui venait de remarquer notre présence.

— Messieurs, réussis-je à répondre la voix chevrotante.

— Lisy, voici donc la petite Lisy O'Brian.

L'officier que je reconnaissais pour avoir été le binôme de mon

père se rapprocha.

— Bonjour.

— Comme tu as grandi, tu es devenue une bien jolie jeune

femme, aussi belle que l'était ta maman.

Ma mère ?

Sans pouvoir me contrôler, j'émis un mouvement de recul,

saisissant mon malaise, Greg s'avança d'un pas, faisant de son

corps un bouclier.

291

Page 292: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Grégory Cummings, analyste en morpho gestuelle,

consultant pour la Gendarmerie Royale du Canada, se présenta-t-

il.

— Officier David, monsieur. Alors comme ça vous êtes

comme ce gugus que l'on voit dans cette série ? Harvey, c'est quoi

déjà son nom ?

— Lightman, le coupa Grégory en lui serrant un peu plus fort

la main.

— Hmm... Oui, c'est ça ! dit David en se raclant la gorge.

J'aime bien cette série, affirma-t-il d'une voix moins assurée en

plaçant sa main meurtrie derrière son dos.

— Bien, l'inspecteur Mc Logan, vient de nous faire un

compte-rendu détaillé des faits concernant la disparition de votre

sœur monsieur Cummings.

— Nous allons vous aider à la retrouver, affirma ce David.

Comme tu as aidé mon père, hurlai-je intérieurement.

— J'aimerais toutefois éclaircir un point avec vous

mademoiselle O'Brian, demanda le jeune officier Harvey.

David était là à me contempler avec cette lueur indescriptible

dans le regard.

— Oui ?

— Quand avez-vous vu votre oncle pour la dernière fois ?

292

Page 293: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Je l'ai eu au téléphone, mercredi soir. Je l'ai appelé pour le

prévenir au sujet de Tess. Voyant qu'il ne me rappelait pas, je suis

retournée à Terlingua, mais il n'y avait plus personne.

— Vous n'avez rien remarqué de suspect ?

— De suspect ? Tout le monde avait disparu, bien sûr que j'ai

trouvé ça suspect.

— Dans ce cas pourquoi ne pas nous avoir prévenus ?

demanda David avec un sourire en coin.

— Pourquoi ? répondis-je avec sarcasme. Il osait me

demander pourquoi ?

— Mademoiselle O'Brian a répondu aussitôt à un appel à

témoin sur le net par rapport à ma fille. Prenant son témoignage

au sérieux, nous avons souhaité la rencontrer au plus vite,

intervint le père de Grégory en se postant devant moi.

— Dès que nous avons eu connaissance des faits, nous avons

averti le FBI et vos supérieurs qui se sont rendus immédiatement

sur les lieux, ajouta Matt.

— Oui, je faisais partie de la patrouille dépêchée à Terlingua,

affirma Harvey.

Ils mentaient, Matt et Alan étaient en train de mentir pour me

couvrir et même si dans les faits, tout était exact, j'avais

néanmoins omis de faire mon devoir de citoyenne. Un sentiment

de culpabilité déploya ses ailes au fond de mon cœur.

293

Page 294: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Si jamais par ma faute il arrivait malheur à Tess, pensai-je en

fermant les yeux.

— Bien ! murmura David en se frottant le front avec son

mouchoir.

— Dernière petite question Lisy, pensez-vous que votre oncle

ait pu tuer votre père ?

— Mon oncle ? Tuer mon père ? Vous plaisantez, vous n'êtes

pas sérieux ?

— Oh je reconnais bien là le caractère bien trempé de ta mère,

une sacrée bonne femme tu peux me croire.

Pourquoi ce David s'acharnait-il à me parler de ma mère ?

— David, je ne pense pas que ce soit le moment !

La voix de ma tante venait de claquer dans les airs.

Assez dit ? Pas le moment ? Que voulait-elle dire par là ? Et

pourquoi était-elle si familière avec ce Border Patrol ?

— Oui, bien sûr Maria ! Je ne voudrais pas réveiller les morts,

plaisanta celui-ci d'une voix sarcastique.

Des images de moi, enfant, assise sous le porche de notre

maison à Lajitas me revinrent en mémoire. Je revoyais cet

homme demandant des comptes à mon père, une dispute avait

éclaté entre eux et ils s'étaient battus.

— Officier David ?

294

Page 295: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Oui inspecteur ? Matt le regardait sévèrement. Pourquoi

supposer qu'Enrique ait pu tuer Tom O'Brian ?

— Nous pensons qu'O'Brian tournait autour de la compagne

de Banavero, nous avons trouvé ce carnet de notes chez lui, il

appartenait à Tom.

Mon père et Lisbeth ? Impossible !

— Pouvons-nous y jeter un coup d'œil ?

— Bien sûr, peut-être pourrez-vous nous éclairer sur miss

Penrose.

— Penrose ? J'ai lu ce nom quelque part, marmonna Matt en

se dirigeant vers le fax que nous avions reçu tout à l'heure.

— O'Brian a fait des recherches sur elle, et si l'on s'en réfère

aux dates de son carnet, cela s'est passé juste avant qu'il ne soit

assassiné, ajouta Harvey en tendant le carnet à Greg.

Mon père avait fait des recherches sur Lisbeth ?

C'est dans un silence quasi religieux que nous attendîmes qu'il

eut fini de lire le document qu'il avait entre les mains.

— Merde, Elisabeth Penrose, souffla-t-il.

Elisabeth ? Lisbeth était le diminutif d'Elisabeth.

Mon cerveau ne mit qu'une seconde pour faire le lien.

— Elisabeth ? Enfin je veux dire Lisbeth n'est autre que la

sœur de Teresa Rodriguez ?

— Oui.

295

Page 296: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Que cherchait O'Brian à son sujet ? insista Matt.

— Nous ne savons pas, certaines pages du calepin ont été

arrachées.

—J'ai l'impression d'être plongée dans un cauchemar ! Lisbeth

serait derrière tout ça ?

J'étais consciente qu'elle était dérangée, mais de là à penser

qu'elle était le lien.

— Messieurs, faites-moi connaître l'évolution de votre

enquête, je veux tout savoir, ses antécédents, ses parents, tout !

dit Matt à l'intention de David et Harvey. Ne laissez rien au

hasard, pas le moindre petit détail, je me suis bien fait

comprendre ?

Son ton était formel, directif, et ne laissait aucune place à la

discussion. Son côté professionnel était à son apogée, il semblait

galvanisé, prêt à défier quiconque se mettrait sur son chemin.

— Oui Inspecteur, répondirent en même temps les deux

officiers.

— Ce fut un plaisir de te revoir, Lisy. À très bientôt ! salua

David avec cette lueur indescriptible dans le regard et ce sourire

en coin qui me glaça le sang.

À très bientôt...

Pourquoi avais-je le sentiment que ces quelques mots

sonnaient comme une promesse silencieuse.

296

Page 297: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

*

— Les enfants, venez ici, il nous faut faire le point avant

d'aller nous jeter dans la gueule du loup.

Alan se tenait près de la table de la salle à manger, les traits

tirés, le teint pâle, il semblait fatigué, sa main posée sur le rebord

de la chaise.

— Papa tu devrais aller te reposer, avec Matt nous allons nous

occuper de tout.

— Me reposer ? Tu plaisantes j'espère ?

Greg se passa une main dans les cheveux en signe

d'exaspération avant de capituler et d'aller s'asseoir à table.

— Bien, reprenons, nous savons à présent que Lisbeth n'est

autre que la sœur de Teresa.

C'était hallucinant, qu'avait bien pu trouver mon père à son

sujet pour qu'elle décide de le tuer.

— Maria, Lisy, vous n'auriez pas une photo de Lisbeth pour

qu'on puisse la comparer à la vidéo qui a été faite à l'hôpital où

l'on voit Tess partir en compagnie de cette infirmière ?

— Si bien sûr, je vais vous chercher notre album.

Matt attrapa son téléphone sur la table.

— Bien, je vais prévenir le service pour qu'ils nous envoient la

bande vidéo de l'hôpital par mail.

297

Page 298: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Greg j'aurais besoin que tu passes en revue le carnet de

notes de Tom O'Brian.

— Alan ?

— Oui Lisy ?

— Avec Grégory nous pensons que Tess et Lisbeth se cachent

dans ma maison au Mont Davis.

— Y'a-t-il un moyen de vérifier ? Ligne téléphonique ?

Connexion internet ?

— Non, aucun réseau.

— Ok, alors je crois que nous allons devoir nous fier à votre

intuition !

— Et pour David, qu'est-ce qu'on fait ? demanda Gregory. Il y

a quelque chose chez lui que je n'aime pas.

— Moi, aussi, affirma Alan.

— Je vais demander à ce que l'on vérifie ses états de service.

Bien ! cria ma conscience qui s'en trouva aussitôt soulagée.

Au bout de quelques minutes ma tante revint avec notre album

photo, Alan par courtoisie se leva pour le récupérer.

— Maria, auriez-vous la gentillesse de nous...

— ...préparer du café ?

— Oui.

— Avec plaisir Alan.

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Page 299: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisWow ! Voilà que maintenant ils terminent la phrase de l'autre,

soupira Jiminy des étoiles plein les yeux.

— Vous êtes un ange, souffla celui-ci en la regardant partir en

direction de la cuisine.

— Papa, râla Greg. « Vous êtes un ange ? » Tu n'as rien trouvé

de mieux à lui dire ?

— Concentre-toi sur ton carnet et laisse faire ton vieux père...

Je ne suis pas si rouillé, marmonna-t-il dans sa barbe.

*

— Maria.

— Si chérie ?

— Qui est ce David ?

Elle renifla avant de se tourner vers moi.

— Maria, j'ai besoin de savoir.

— Très bien, autant que ce soit moi qui te le dise, marmonna-

t-elle. Avant que ton père ne soit avec Catarina, David a essayé de

la courtiser.

Courtiser ?

Je frémis en imaginant cet homme tourné autour de ma mère.

— Ne me dis pas que ?

— Non, non bien sûr que non ! Ta mère l'a gentiment

éconduit, mais un soir alors que nous étions à une fête toutes les

deux, il a essayé de lui forcer la main.

299

Page 300: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Quel salaud.

— Quelques années plus tard, David a été affecté dans le

même commissariat que ton père.

— Et ?

— Il s'est vanté d'avoir couché avec ta mère, Tom a vu rouge

et lui a cassé la figure.

— Il me répugne.

— C'est ce que disait ta mère.

— Ma mère, murmurai-je tristement.

— Mais il a raison, tu sais !

— Comment ça raison ?

— Tu lui ressembles.

Oh !

— Tu as sa force, n'en doute jamais.

— Mais c'est tellement dur, tia.

— Je sais ma chiquita. Mais ce n'est pas le moment de

flancher. Je ne sais pas ce qu'a fait Lisbeth, mais la fille d'Alan a

besoin de toi.

— Tu l'aimes bien n'est-ce pas ?

— Qui ça ?

— Alan.

— Cela ne te regarde pas jeune fille.

300

Page 301: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisElle me lança son torchon à travers la figure et se mit à rire.

Il était étrange de vivre ces émotions diamétralement

opposées. Mon âme portait le deuil face à toute cette tragédie

alors que mon cœur semblait vouloir reprendre vie.

La voir rire et heureuse, me conforta dans l'idée que Greg

avait raison, il était temps pour nous de faire face, nous ne

pouvions échapper plus longtemps à notre destin.

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Page 302: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L

302

Page 303: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt-Sept

J'avais devant les yeux un arrêt sur image de la vidéo de

surveillance de l'hôpital St Michael avec Lisbeth en gros plan

tenant le bras de Tess Cummings.

— Il n'y a aucun doute possible, c'est elle.

Mon Dieu, qu'as-tu fait Lisbeth ? Un frisson parcourut ma

colonne vertébrale.

— Lisy, il faut que tu nous briffes sur son caractère.

Lisbeth est folle, c'est aussi simple que ça ! souffla Jiminy.

—Je ne sais pas comment vous dire ça, mais je n'ai jamais été

à l'aise avec elle, finis-je par répondre à Alan.

— Si je peux me permettre, intervint Maria.

— Je vous en prie !

— Le fait que Lisbeth s'en prenne à votre fille qui est enceinte

ne me plait pas du tout. Elle a toujours été obnubilée par les

enfants. Je savais qu'elle ne pouvait pas en avoir, nous savions

tous que c'était dû à un accident, mais nous n'en connaissions pas

les circonstances exactes, mais maintenant après tout ce que nous

venons d'apprendre.

303

Page 304: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Continuez !

— Quand le père de Lisy est mort, elle a tout fait pour

récupérer la petite. Elle me regarda et m'adressa un sourire

contrit.

— Je ne voulais pas aller vivre avec elle, affirmai-je avec

tristesse.

—Elle a très mal vécu le fait que Lisy s'installe chez moi. Elle

m'a harcelée des jours et des nuits durant, m'accusant de n'être

qu'une voleuse d'enfant. Si mon frère ne l'avait pas calmée, Dieu

seul sait comment cela ce serait terminé.

—J'ai de vagues souvenirs de cette période, murmurai-je pour

moi-même.

— Vous pensez qu'elle pourrait s'en prendre aux bébés ?

— J'aimerai pouvoir vous dire non, mais le bouquet qu'a reçu

Lisy a tendance à me faire penser le contraire.

— Pourquoi dites-vous ça ? nous coupa Matt les yeux remplis

d'inquiétude.

— A cause de la comptine, qui d'autre à part elle a pu écrire

cette carte ?

— Lisy accepterais-tu d'être hypnotisée ? me demanda

soudainement Greg.

— Hypnotisée, moi ?

— J'aimerai savoir ce qu'il s'est réellement passé ce soir-là !

304

Page 305: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Fais-le ! répondis-je sans hésiter.

— Tu es sûre de toi ?

— Je t'ai déjà remis mon cœur, alors mon esprit n'est qu'une

formalité ! souris-je confiante.

— Très bien, alors viens t'allonger sur le canapé.

Sans réfléchir je fis ce qu'il me dit, Greg s'installa à mes côtés,

genoux au sol, son visage à quelques centimètres du mien.

— Tu es bien installée ? murmura-t-il en calant correctement

ma tête sur un oreiller.

— Oui.

Ses pupilles sont si rétrécies, murmura Jiminy qui semblait

tout aussi impressionné que je pouvais l'être.

— Lisy, inspire et expire lentement.

Posant sa main droite sur ma poitrine, il accompagna ma

respiration.

— À trois tu ne feras plus qu'un avec ma voix, tu es prête ?

Plus qu'un avec ta voix, ton corps, ton cœur, ton âme, pensai-

je avant de lui répondre.

— Oui.

— Un... Deux...Entre chaque décompte je pouvais sentir son

souffle sur ma peau, sa respiration se calquait à la mienne ou bien

était-ce moi qui. Trois. Lisy, nous sommes ce fameux soir où tu

es tombée dans la piscine.

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Page 306: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Oui.

— Où est-ce que tu es ?

Dans ma chambre.

— Es-tu seule ?

Non il y a quelqu'un avec moi, Lisbeth, Lisbeth est dans ma

chambre.

Le flashback de cette soirée me revenait en mémoire. Une

main sur mon cœur, je me sentis faire un bond dans le passé,

comme si les pièces du puzzle se mettaient en place.

— Oui, c'est bien, murmura la voix de Greg.

Je la vois en train de préparer mes habits, elle chante : Triste,

triste lueur... Elle veut que je m'habille… mais je ne veux pas, je

ne veux pas la suivre, il fait tellement noir dehors.

— Tu ne risques rien, continue.

— Mais elle a pris ma peluche, Little Bears.

— Que fait-elle ?

Elle est là devant moi, elle me gronde. «Tu n'es plus un bébé

Lisy».

— C'est bien

Moi, je veux peluche... je pleure. C'est la peluche que mon

père a offert à ma mère le jour où elle a appris qu'elle était

enceinte.

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Page 307: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisTu n'en as plus besoin maintenant, je vais être ta nouvelle

maman, crit-elle en perdant patience. Elle pose Little Bears sur

le lit et se met à chanter.

— C'est bien Lisy, tu y es ! la voix réconfortante de Greg

résonnait au travers de ces brides d'images oniriques.

Nous sommes sur la terrasse, elle me tire par le bras. Tu me

fais mal...

Revivant l'instant, je ressentais la pression des doigts sur mon

avant-bras.

Nous longeons la piscine pour rejoindre la voiture.

J'entends la voix de tia, j’ai envie de crier, mais elle me couvre

la bouche de sa main.

Je sens le goût du sang, je suis en train de la mordre, je serre

de toutes mes forces, mon pouls s'accélère.

Elle me gifle et je m'effondre. Ma tête vient de percuter le sol.

Aïe, ça fait mal, j'ai très mal à la tête et j'ai froid, c'est

humide, tout est bizarre autour de moi, de l'eau, je suis dans

l'eau, il fait si froid ; mon cœur, je sens mon cœur ralentir.

J'ouvre les yeux et je vois le reflet de son visage à travers cette

eau si trouble.

Je remonte à la surface, je tente de respirer.

Je crie ; «Lisbeth»...

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Page 308: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Elle est là, à genoux sur la margelle de la piscine, me regarde,

mais ne bouge pas, elle chante, elle chante encore cette

comptine...

Si je ne peux t'avoir, alors personne ne t'aura...

Nonnn !

— Lisy, Lisy c'est bien, reviens maintenant, je vais faire un

décompte et tu te souviendras de tout, compris ? Trois, deux, un...

Greg exerça une pression sur mon épaule.

— Ahahahah ! inspirai-je en reprenant mon souffle.

— Lisy, est-ce que ça va ?

Retrouvant mes esprits je croisai le regard de Maria qui

remplit les yeux de larmes, avait une main collée devant la

bouche.

— Chiquita, ajouta-t-elle avant de tomber à genoux à côté de

moi.

— Ça va tia, ne t'en fais pas, tout va bien, je vais bien, la

rassurai-je en la prenant dans mes bras.

— Si je vois cette femme, je l'étrangle de mes propres mains.

— Merci Lisy, souffla Greg ému.

— Te sens-tu prête à faire face ? Tu es plus impliquée qu'il n'y

parait et je ne veux pas te faire courir le moindre risque, demanda

Alan apparemment inquiet. Il y avait dans son regard toute la

tendresse d'un père et cela me réconforta.

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Page 309: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Oui. Tess a besoin de moi.

— Bien, nous allons t'équiper d'un micro et d'une oreillette,

assura Matt les sourcils froncés.

Ok !

— Y'a-t-il une grange, un abri près de la maison pour que nous

puissions installer notre matériel ?

— Oui, il y a un cabanon où mon père entreposait ses outils,

maintenant il sert d'atelier à Maria, il est situé à deux cents mètres

de la maison.

— On a une portée de combien avec ce petit bijou ?

Greg tenait dans ses mains un petit truc noir qui ressemblait à

un émetteur.

—Cinq cents, assura Matt qui rangeait son ordinateur dans sa

sacoche. Bien je crois qu'il est temps d'y aller, ajouta-t-il à

l'attention de tout le monde.

— Fais attention à toi.

Maria toujours à genoux devant moi posa sa main droite sur

ma joue.

— Oui Maria

— Je refuse qu'il t'arrive quoi que ce soit, compris chiquita !

— Nous veillerons sur elle, assura Alan d’un sourire

conciliant, avant de l'aider à se relever.

*

309

Page 310: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L

— Greg, équipe Lisy, s'il te plait, que je puisse faire un essai.

Triple merde, pensai-je alors que mon Jiminy enfilait son gilet

pare-balle.

Nous venions de passer quatre heures dans ma voiture, jamais

au grand jamais ma vieille guimbarde n'avait été aussi vite pour

venir jusqu'au Mont Davis.

— Je ne vais jamais y arriver, murmurai-je à l'attention de

Greg qui me plaçait une oreillette.

— Tu m'entends ? Un deux, un deux ...

— Oui c'est bon, Matt, répondis-je en relevant mon pouce.

— Je serai là Lisy, c'est moi qui vais te guider, je te dirai quoi

faire, ajouta Grégory en rabattant une mèche de cheveux devant

l'appareillage.

— Comment dois-je procéder ?

—Tu devras faire en sorte de me décrire l'environnement, me

dire ce qu'il se passe, me dire si elle est seule, et surtout comment

va Tess.

Oh mon Dieu !

—Tu vas réussir, concentre-toi sur les émotions de Lisbeth.

— Ok ! Que veux-tu savoir ?

310

Page 311: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— J'ai besoin de dresser un portrait, il faut que tu m'orientes

en décrivant son attitude, tous ces petits gestes qui pourront te

sembler anodins, mais qui pour moi auront tout leur sens.

— Je ne suis pas sûre de pouvoir faire ça !

— C'est juste le temps pour nous de mesurer la situation Lisy,

ensuite nous interviendrons.

— Ok ! soufflai-je la peur au ventre.

— Je ne te laisserai pas, compris !

Oui !

—Vous êtes prêts ? nous demanda Matt qui avait pris le temps

d'installer son ordinateur portable et d'autres composants

électroniques sur l'établi situé au milieu de la pièce.

— Oui, répondis-je en me massant les tempes.

L'atelier n'était pas très grand et l'odeur de térébenthine et

d'huile de lin saturait l'air ambiant accentuant ce mal de tête qui

était en train de prendre possession de mon crâne.

— Maria a beaucoup de talent, constata Grégory en regardant

tout autour de lui les toiles entreposées ici et là.

— Oui.

—C'est toi, n'est-ce pas ? demanda-t-il en se rapprochant d'un

chevalet.

Je hochai la tête.

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Page 312: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Il retira le drap qui recouvrait le tableau où je posais avec mon

père.

— On voulait lui offrir pour son anniversaire, mais il est mort

avant que Maria n'ait eu le temps de le finir.

— Je suis sincèrement désolé Lisy.

— Je sais, ne t'en fais pas.

— Je te promets de tout faire pour trouver celui qui a fait ça !

— Oui, je n'en doute pas !

— Lisy tu es prête ? me demanda Matt.

Je frottai ma nuque ankylosée par un manque de sommeil

évident.

— Oui.

Grégory ouvrit la porte du cabanon.

—Faut y aller, murmura-t-il en relevant mon menton.

— La nuit est tombée, il fait sombre, nous allons en profiter

pour nous rapprocher, ordonna Matt qui semblait impatient d'en

découdre, mais après tout qui pouvait l'en blâmer, trois mois à se

morfondre, à ne pas savoir si celle qu'il aimait était toujours en

vie.

— Hey, viens là !

Greg m'attira contre lui.

— Ne me laisse pas tomber Cummings.

—Jamais O'Brian, ajouta-t-il avant d'embrasser mes cheveux.312

Page 313: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJe gémis lorsque ses mains abandonnèrent mon corps et restai

là sans bouger telle une condamnée à mort.

— Tu permets ?

Alan qui se tenait derrière nous, s'excusa auprès de Grégory en

me prenant la main. Celui-ci hocha la tête et nous laissa seul

quelques instants.

— Lisy, je tenais à te remercier, tu es une femme très

courageuse.

— Courageuse ? Vous plaisantez, j'espère ! Si j'avais fait mon

devoir dès que j'ai reconnu Tess, elle serait déjà avec vous à

l'heure qu'il est.

— Ne sois pas si sévère avec toi, Lisy. On est ici et c'est le

principal !

— Si vous le dites.

— Fais attention à toi jeune fille, je ne veux pas qu'il t'arrive

quoi que ce soit, Gregory ne le supporterait pas et moi non plus.

Sans réfléchir je fis un pas en avant, comprenant mon

intention Alan ouvrit les bras et m'accueillit dans une étreinte

paternelle.

— Merci ! soufflai-je émue en embrassant sa joue.

*

— Lisy, tu m'entends ?

— Oui, Matt.

313

Page 314: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Bien ! Je vais rester là près de l'entrée, au moindre souci,

j'interviens, d'accord ?

— Oui.

— Lisy ?

J'étais sur le point de taper à la porte quand Matt m'interpella

une dernière fois.

— Quoi ?

— Merci !

— Tu me remercieras après.

Il hocha la tête et leva le pouce en l'air. Le signal était donné,

il était temps pour moi d'y aller.

*

— Lisbeth, dis-je en tapant doucement à la porte, Lisbeth c'est

moi, Lisy, tu es là ?

J'entendis des pas derrière la porte et des meubles racler le sol.

Elle s'est barricadée. Ce n’est pas bon signe ça ! chuchota

Jiminy la peur au ventre.

— Lisbeth, c'est moi.

— Tu es seule ?

J'hésitai une seconde en regardant dans la direction de Matt

qui se cachait derrière le banc en bois sur la terrasse.

— Oui, affirmai-je alors que Matt me faisait signe de

poursuivre.314

Page 315: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Bien.

Passant sa tête à travers l'entrebâillement, elle regarda à droite

puis à gauche.

— Lisbeth, l'interpellai-je.

— Oui, oui, rentre.

M'attrapant par le col de ma veste elle me tira à l'intérieur.

— Lisbeth, comment ça va ? demandai-je concernée.

Elle me regarda quelques instants, le regard dans le vague,

comme si je ne représentais à ces yeux qu'une image

fantasmagorique.

— Lisbeth, je suis bien là ! assurai-je d'une voix douce et

rassurante.

— Lisy, tu m'entends ? La voix désincarnée de Greg résonna

dans l'oreillette.

..........

— Lisy, si tu m'entends, racle-toi la gorge.

— Rhmmm, toussai-je en mettant une main devant ma

bouche.

— Bien, on y est, tu vas être mes yeux bébé.

J'inspirai profondément pour me donner du courage.

— Lisbeth, pourquoi es-tu venue te cacher ici ?

— Je me suis toujours sentie en sécurité ici, chuchota-t-elle

comme si les murs avaient des oreilles.315

Page 316: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Oui tu l'es, on a passé de bons moment dans cette maison.

D'accord avec elle, je la confortai dans l'idée qu'elle ne risquait

strictement rien. Est-ce que la jeune femme que j'ai auscultée

l'autre jour est ici ?

— Oui, c'est bien continue comme ça, murmura Greg, parle

lui, il faut absolument que tu gardes le contact avec elle.

— Teresa était très fatiguée, je l'ai installée dans ta chambre.

— Ma chambre ?

— Oui.

— Tu as bien fait, on pourrait peut-être aller la voir ?

J'aimerais me faire une idée objective de son état.

— Peut-être...

— Peut-être ? Pourquoi dis-tu ça ? Tu n'as toujours pas

confiance en moi ?

— Si, si enfin, je peux avoir confiance en toi, non ?

— Rassure-la Lisy !

— Oui, bien sûr que tu peux me faire confiance. J'ai fait toute

cette route pour venir t'aider, n'oublie pas !

— Oui, m'aider, il faut que tu m'aides, m'aider oui ...

— Lisbeth, ressaisis-toi s'il te plait, je suis là maintenant.

J'essayai d'adopter la même attitude qu'aurait eue mon oncle si

jamais il avait été là ! La fermeté, voilà ce qui marchait avec elle.

316

Page 317: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— C'est bien Lisy, tu fais du bon boulot, reconnecte-la avec la

réalité, parle lui de son travail et des soins qu'elle a apportés à

Tess.

— As-tu pris la tension de Tess.... resa ? bafouillai-je, en

arrêtant de respirer, horrifiée par l'erreur monumentale que je

venais de faire.

— Oui, je l'ai vérifiée toutes les heures, elle est haute et j'ai

peur qu'elle ne fasse une pré-éclampsie.

Mon dieu ! chuchotai-je pour lui seul.

— On a évité la catastrophe...désolé ! murmura Greg.

— Mmm, déglutis-je avant de reprendre mon souffle.

— Bien, il faudrait que je l'examine. On peut aller la voir ?

— Oui, je crois qu'il est temps.

Je la suivis, jetant un œil autour de moi, je vis qu'elle avait

placé des meubles devant toutes les fenêtres donnant sur

l'extérieur.

Merde ! Mais de qui as-tu peur Lisbeth ?

— Lisbeth, tu peux me dire ce que tout cela signifie ?

— C'est pour éviter qu’il me retrouve, répondit-elle comme

une évidence.

— Qui, qui veut te retrouver ? Lisbeth, regarde-moi, de qui as-

tu peur ?

317

Page 318: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Peur, peur, j'ai peur, je dois avoir peur, il a dit que je devais

avoir peur...

— Lisbeth, Lisbeth, tu ne risques rien, tentai-je en posant une

main sur son épaule.

— Oh oh oh, Lisy est trop curieuse, elle est curieuse comme

son papa...

— Mon père ? Pourquoi me parles-tu de mon père ?

— Chutttt, je ne dois rien dire, rien dire, rien dire du tout…

— Rassure-la Lisy, ne la laisse pas partir dans son délire.

Concentre-toi sur Tess, on verra après ce qu'il en est de ton père,

ne te laisse pas submerger par tes émotions.

— Oui, soufflai-je... Ok Lisbeth, tu ne dois rien me dire, ce

n'est pas grave. Rentrons dans la chambre, tu veux ? Allons voir

Teresa.

— J’ai un secret tu sais, murmura-t-elle comme si elle parlait à

une enfant.

— Je t'écoute.

— Tu avais raison, elle ne s'appelle pas Teresa, mais chutttt !

souffla-t-elle en posant un doigt sur ses lèvres.

— Oui, chutttt ! fis-je en imitant son geste.

318

Page 319: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt-Huit

— Tess, soufflai-je en me rapprochant du lit.

Celle-ci ouvrit les yeux, elle semblait épuisée, déshydratée, les

yeux rougis par la fatigue.

— Tess, je m'appelle Lisy, dis-je doucement en posant une

main sur son front.

— De l'eau, murmura-t-elle à mon attention.

— Oui, de l'eau. Lisbeth, va me chercher un verre d'eau s'il te

plait.

— Lisy, comment va ma sœur ? demanda Grégory d'une voix

qui laissait deviner son inquiétude.

— Bien, tout va bien se passer, tu lui ressembles tellement,

ajoutai-je pour lui seul.

— Qu'est-ce que tu dis ? Lisbeth se tenait derrière moi avec le

verre dans les mains.

— Rien, je n'ai rien dit Lisbeth.

— AHAHAHAHHAHHAH ! hurla Tess en se contorsionnant.

— Merde, Lisy, qu'est-ce qu'il se passe ? cria Greg dans mon

oreillette.319

Page 320: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Comme une rose rouge qui fleurit et déploie ses pétales, une

tache écarlate se répandit sur le drap blanc qui recouvrait son

corps.

— Tess, écarte un peu plus tes jambes, demandai-je en

soulevant le drap.

— Elle est en train d'accoucher ?

— Oui, le travail a commencé. Lisbeth as-tu apporté ma

mallette ?

— Tiens la voilà !

— Lisy, attends je vais faire intervenir l'ambulance, s'affola

Greg.

— On n'a plus le temps. Tess, regarde-moi, tu vas devoir

t'accrocher.

— Je ne peux pas.

Sa voix était si faible.

— Non, non, non, Tess, écoute-moi, ne décroche pas, le bébé

est engagé, il faut le sortir de là ! Lisbeth, apporte-moi ma

trousse, vite... À trois, je vais te demander de pousser Tess... Tess,

tu m'entends ?

Mon cœur loupa un battement quand l'image de ma mère

s'invita dans mon esprit.

Oh non, maman, pas question que cela se termine comme ça !

320

Page 321: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Courage, on y est ! Grégory, envoie-moi l'ambulance s'il te

plait.

— Qu'est-ce que tu viens de dire ?

— Quoi ?

— Tu viens de demander une ambulance ? À qui parlais-tu ?

— Non, je n'ai rien dit...

— Lisy, ne te fous pas de moi, je t'ai entendue...

— Ok ! Je parlais au frère de Tess, Grégory, soufflai-je

exaspérée.

— Comment ça tu parlais au frère de Tess ?

— Lisbeth, ce n'est pas le moment, d'accord !

— Oh, non ! Non, non et non. Je n'ai pas fait tout ça pour

rien !

— Lisbeth à quoi est-ce que tu joues ?

— Sors ce bébé de là tout de suite ! hurla-t-elle.

— Ahahahah, cria Tess alors que son corps s'arquait sous la

douleur qu'occasionnait le passage du bébé.

— Lisbeth, il nous faut de l'aide, je ne peux pas faire ça toute

seule.

— De l'aide, pas besoin d'aide, tu vas l'accoucher, c'est ton

job !

321

Page 322: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Merde, mais je suis gynéco pas obstétricienne, tu vois bien

que les choses se présentent mal. Il me faut une assistance

respiratoire pour Tess.

— Je me fous de Tess !

— Quoi ? Mais tu es complètement dingue.

— Je veux son bébé, alors bouge-toi.

— Lisy, je vais préven..........grrrrrrrr...qu.... vo... no...

— Greg, Greg, je ne t'entends plus, qu'est-ce qu'il y a ?

Envoie-moi l'ambulance, maintenant ! paniquai-je.

Lisbeth me gifla avec force, me faisant chanceler en arrière.

M'attrapant par les cheveux, elle pencha ma tête sur le côté, puis

m'arrachant l'oreillette elle la jeta sur le sol avant de l'écraser.

— Je veux ce bébé, alors tu vas me faire le plaisir de

l'accoucher sinon je m'en charge. Saisissant le scalpel dans ma

trousse d'urgence, elle se rapprocha de Tess.

— Non, c'est bon, criai-je en voyant la lame se rapprocher

dangereusement du ventre de Tess. Je vais le faire... Tess,

regarde-moi.

— Non, non, pleura-t-elle.

— Il va falloir être forte. Greg et Matt vont bientôt arriver !

— Tu vas la faire accoucher, oui ! hurla Lisbeth.

— Ahahahah !

322

Page 323: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Merde, le bébé est trop engagé, il vient par le siège. Je vais

devoir le retourner Tess…

— Tu vas faire quoi ? souffla-t-elle la voix remplie de

désespoir.

— Lisbeth, passe-moi le gel. Tess, je vais te demander

d'arrêter de pousser, tu peux faire ça ?

— Oui.

— Tess, je vais y aller !

— Quoi ? Oh non, non pas ça, Ahahahah...

— Courage, voilà, je le sens, oui encore ouiiiii, allez bébé, un

petit effort, tourne-toi.

Ma main était à présent engagée dans le col, je pouvais sentir

la hanche du bébé contre ma main, dans un mouvement lent et

précis, je le fis remonter.

Oui, comme ça...tourne-toi !

— Ahahahah !

— Tess, inspire, expire, je t'en prie laisse-toi aller.

— Je ne peux pas, je veux qu'il sorte. Mon Dieu, aidez-moi.

—Tess, calme-toi c'est bon, tu as fait du bon boulot.

— Fffff... ffff... fff....

— Oui, c'est ça, continue. Écoute-moi, à présent tu vas devoir

pousser de toutes tes forces, tu m'as comprise ?

— Oui.323

Page 324: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L —Alors, on y va ? Un... Deux... Trois, POUSSE !

— Ahahahah...

— Lisbeth, aide-moi s'il te plait, appuie sur son ventre. Un

deux trois, encore Tess, oui comme ça, pousse !

— AHAHAHAHHAHAHA...

— Oh mon Dieu. Inspire, expire, Tess, reprends des forces...

Le temps semblait s'être arrêté. Tess avait la tête basculée en

arrière et tentait difficilement de reprendre son souffle.

—Voilà comme ça : inspire, expire, lentement, calme-toi.

Lisbeth. Pourquoi ? finis-je par demander en me tournant vers

elle les yeux remplis de larmes.

— Tu ne m'as jamais aimée !

— Quoi ? Moi ? je ne comprends pas ! bégayai-je.

— À part ton oncle, personne ne m'a jamais aimée.

— Je suis désolée, Lisbeth.

Fais-la parler, mets-la en confiance, m'avait répété Greg à

plusieurs reprises.

— Lisbeth, pourquoi t'en prendre à Tess, elle n'y est pour rien.

— Elle a ce que j'ai toujours voulu avoir !

— Un bébé ?

— Oui, ma sœur était sur le point d'avoir son bébé, tu sais ?

Nous allions former une famille unie avec Paco.

— Paco ?324

Page 325: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Son mari, il s'occupait bien de nous, tu sais, il a tout perdu

ce jour-là !

— Je comprends.

Tant de vies ont été gâchées, tout ça à cause d'un malheureux

accident, pensai-je en levant les yeux vers Lisbeth.

— Si nous n'avions pas eu cet accident, cracha-t-elle en

regardant Tess.

— Je sais Lisbeth, mais Tess n'y est pour rien.

— Quand j'ai vu son nom sur cet écran télé...

— De quoi parles-tu ?

— Du soir ou nous regardions le reportage sur les pupilles de

la Gendarmerie Royale du Canada.

— Oh oui, je me souviens.

— Elle ressemblait tellement à sa mère, si insouciante, si

heureuse et surtout... enceinte, alors que moi… moi je ne pouvais

pas avoir d’enfant.

— Lisbeth, c'est avec Marielle que vous avez eu l'accident, pas

avec Tess, la coupai-je.

Elle me regarda surprise, et se mit à rire franchement.

— Tu es bien la digne fille de ton père ! Il a fallu que tu ailles

fouiner dans mon passé et maintenant tu vas dire comme Paco

que tout est de ma faute !

— Tu n'étais qu'une enfant, tu n'as pas à t'en vouloir !

325

Page 326: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Peut-être bien, peut-être pas, marmonna-t-elle en faisant

virevolter le scalpel devant elle.

— Lisbeth, est-ce que c'est toi qui a tué mon père ?

— Ahahahah.

Lisy, ressaisis-toi, Greg a raison ce n'est pas le moment de te

laisser submerger par tes émotions, mumura Jiminy.

— Tess, regarde-moi, à trois on y va !

— Ok !

— UN... DEUX... TROIS...

À trois, elle hurla à son tour, lâchant tout ce qu'elle avait à

donner, la délivrance arriva enfin. Saisissant la tête du bébé,

j'effectuai une rotation afin de lui dégager les épaules et le

miracle s'accomplit.

— Oh ! haletai-je en ne pouvant retenir mes larmes, lorsque

les cris perçant de ce petit être s'élevèrent autour de nous.

Aussi beau que son tonton, murmura Jiminy.

— Tess, tu as un joli petit garçon. Coupant le cordon, je pris la

serviette que me tendait Lisbeth pour l'enrouler dedans.

— Tess ?

...........

— Tess ? Non ! Tess, pas maintenant, pas après tout ça ! Criai-

je, horrifiée de voir son corps inerte étendu sur le lit.

Merde, mais qu'est-ce qu'ils foutent ?

326

Page 327: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Matt... hurlai-je avec désespoir. Tess, non, ne lâche pas, je

t'en supplie.

Posant délicatement le bébé à côté d'elle, je me mis à genoux.

— Tess, tu n'as pas le droit d’abandonner, pas maintenant, pas

après tout ça !

— Triste, triste lueur du soir, murmura Lisbeth en prenant le

bébé dans ses bras.

— Non ! Repose ce bébé, tu m'entends. Lisbeth !

— Je vais partir, Lisy, ce bébé a besoin d'une nouvelle maman.

Je saurai m'en occuper et prendre soin de lui ! délira-t-elle.

— Non, tu n'iras nulle part, criai-je à son attention. Tess,

réveille-toi, je t'en prie !

Un grand râle sortit de sa bouche au moment même où je la

secouai.

— Ahhhhhhhnnn...

— C'est bien, c'est bien, respire !

Relevant ses jambes, je vis la tête du deuxième bébé

apparaître.

— On ne peut plus attendre, il va falloir que tu pousses à

nouveau.

— Non, souffla-t-elle d'une voix faible.

— Tess, s'il te plait, juste une dernière fois.

327

Page 328: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L J'étais sur le point de me placer de nouveau entre ses jambes

quand la porte d'entrée de la maison s'ouvrit dans un vacarme

assourdissant.

— Les secours et ta famille sont là, dis-je avec soulagement.

Par ici, vite, criai-je à l'attention des personnes qui se tenaient

dans l'entrebâillement de la porte.

— Deux fois dans la même journée, m'interpela une voix

grasse et mielleuse, c'est beaucoup trop de plaisir, O'Brian.

Un rictus malsain éclaira ce visage ingrat que je reconnus

aussitôt.

— Vous ?

328

Page 329: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Vingt-Neuf

— Pour vous servir O'Brian, surjoua-t-il en me faisant une

révérence. Viens ici, toi, et ne joue pas au con.

— Quoi ? Mais qu'est-ce que vous faites ? Me redressant, je

vis Matt entrer dans la chambre, il avait une plaie sanguinolente

ouverte au niveau de la tête, réalisant ce que j'étais en train de

faire, il essaya de se dégager, mais David lui asséna un coup de

crosse derrière la nuque.

— Non, criai-je en voyant Matt s'effondrer à mes pieds.

— Mais qu'est-ce que vous voulez espèce de malade ?

— Où est Penrose ? demanda-t-il d'une voix froide et

mauvaise.

— C'est donc de vous qu'elle a peur ? dis-je en repensant à

toutes les mises en garde qu'elle avait pu me faire au sujet des

autorités.

— Elle a des papiers qui m'appartiennent. Lève-toi !

— Je ne peux pas, cette femme a besoin de moi. J'osai un

regard vers Tess qui commençait à gémir. Chutttt !

— Oh mon dieu, cria-t-elle en écartant un peu plus les jambes.

329

Page 330: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Qu'est-ce qu'elle a ? David sembla décontenancé.

— Elle accouche ! Ça ne se voit pas ?

— Ahhhhhhhhhhahahahahahhh...

— On y retourne Tess, ça va aller.

Le passage du premier bébé facilita le travail. La tête

s'engagea sans problème et en moins de deux poussées, j'eus dans

les mains une jolie petite poupée.

Saisissant le scalpel qu'avait laissé Lisbeth, je coupai le

cordon, puis l'enroulant dans le drap je posai le bébé

délicatement contre le flan de sa mère qui déposa instinctivement

une main protectrice sur elle.

— Greg et ton père vont arriver, ne bouge pas !

— Ton petit copain ? Ce gugus de pacotille ! Je suis désolée de

t'annoncer ça, mais lui et son père ont fait la connaissance de mon

meilleur ami. Il releva son flingue devant ses yeux et l'embrassa.

— NONNNN !

Une rage incontrôlée éclata au fond de moi, libérant ainsi toute

la frustration de ces dernières heures, je fis un bond en me jetant

sur lui avec le scalpel dans les mains.

— J'avais raison, tu as bien le caractère de ta mère, m'assénant

une gifle monumentale, il me fit valdinguer contre l'armoire de la

chambre.

— LISY ? cria Lisbeth en me voyant au sol.

330

Page 331: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis—Lisbeth, pars, murmurai-je en la voyant revenir avec le bébé

emmailloté dans un petit pyjama bleu.

— Comme on se retrouve Penrose.

— Lisy, qu'as-tu fait ? demanda Lisbeth affolée. Ses yeux

papillonnant entre David et Matt toujours inconscient sur le sol.

— Où as-tu caché les feuilles du carnet ? la coupa David.

— Le carnet de mon père ? demandai-je.

— Oh ! Perspicace comme ton gentil papa à ce que je vois.

Son ton était amer, plein de rancœur.

— Donc quand vous êtes venus nous voir tout à l'heure chez

Maria ?

—Ce n’était pas pour le plaisir ! J'avais juste besoin que tu me

conduises jusqu'à cette folle.

— Pourquoi avoir tué mon père ?

— Ton père ? Mais pour l'argent, ma belle, la drogue, les

clandestins, il avait tout découvert et voulait me faire tomber. J'ai

profité d'une dispute entre lui et Penrose pour lui régler son

compte.

— Tom savait qui j'étais et voulait tout dire à Enrique, mais

jamais je ne lui aurais fait du mal Lisy, jamais, sanglota Lisbeth.

— Arrête de pleurnicher ma jolie, il n'a eu que ce qu'il

méritait.

— Et pour mon oncle ?

331

Page 332: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Oh miracle ! Le gentil tonton défenseur et protecteur,

soucieux de ces pauvres âmes qui errent dans notre si beau désert

est venu me trouver avec ce putain de carnet, il voulait que je

stoppe mon trafic, que je n'embête plus ces pauvres petits

clandestins !

— Il y a quinze jours, Enrique a trouvé le carnet de ton père

dans mes affaires, m'expliqua Lisbeth honteuse. J'ai voulu

arracher les pages qui me concernaient et c'est là que j'ai trouvé

des notes concernant David.

— Mais qu'est-ce qu'il y a de si important dans ce putain de

carnet ?

— Le paradis ma jolie ! me coupa David. Un numéro de

compte bancaire au Bahamas que ton père avait réussi à

consigner comme preuve, à cause de lui je n'ai jamais pu

récupérer mon pognon ! Même mort il a réussi à me pourrir la

vie...

— Vous n'êtes qu'un connard, vous me répugnez !

— Oh tout de suite les grands mots. Allez, bouge ton cul

maintenant, et toi aussi ! cria-t-il à l'attention de Lisbeth qui se

tenait prostrée dans le coin de la pièce avec le bébé dans les bras.

Il va falloir que tu me donnes ces notes et tout de suite, compris !

— Je ne les ai pas sur moi.

— Alors où sont-elles ? s'énerva David en pointant de nouveau

son arme sur elle.

332

Page 333: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Dans ma voiture... MA voiture, pleura-t-elle en se

recroquevillant sur elle-même, protégeant de son corps le bébé.

— Eh bien, nous allons nous rendre jusqu'à ta caisse.

— Chutttt, calme-toi, ajouta-t-elle à l'attention du nourrisson

qui s'était mis à pleurer.

— Fais-moi taire cette saleté de môme, tu m’as compris !

— Et où comptez-vous partir avec ce pognon ? demandai-je

pour détourner son attention. Soyez réaliste, vous êtes fichu !

Regardez autour de vous, bordel ! Vous n'allez tout de même pas

tous nous descendre ?

— Pour trois millions de dollars, tu ne devrais pas me tenter

ma belle !

Son regard était rempli de haine, sa bouche écumait une bave

blanchâtre qu'il essuya d'un revers de manche.

— Vous ne vous en sortirez pas !

— Il m'a fallu plus de dix-sept ans pour m'apercevoir que

c'était cette garce qui avait le carnet de ton père, alors dis-toi bien

une chose : personne ne viendra se mettre en travers de mon

chemin maintenant que je touche au but ! Alors on y va....

MAINTENANT, cria-t-il à l'attention de Lisbeth.

— Ouiii... pleura-t-elle en s'avançant vers lui.

— Laissez-la ! Laissez-nous, elle vient de vous dire où se

trouvent ces fichus papier, alors prenez-les et tirez-vous !

333

Page 334: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Une lueur perverse brilla dans ses yeux.

— Pour que tu lâches tes chiens à mes trousses ?

— Vous voulez quoi ? Nous prendre en otage ?

— M'encombrer d'une folle et d'un marmot, certainement pas !

Mais toi !

Un sourire s'étira sur ses lèvres.

Moi ! Mon sang se glaça à la vue de sa langue qui s'attardait

sur le coin de sa bouche.

— Tu seras bien plus qu’un otage ma belle ! Mon lot de

consolation en quelque sorte, pour tout ce temps perdu, en

souvenir de ta maman !

Jamais ! cria Jiminy.

— Bouge, maintenant !

— Lisbeth, dis-je en me retournant. Ne laisse pas Tess comme

ça, appelle les secours, je t'en supplie !

Elle baissa les yeux et tourna légèrement la tête.

— Non, nonnn ! Je t'en supplie Lisbeth, écoute-moi, ne fais

pas ça ! Tu n'as pas le droit, tu m'entends, criai-je en comprenant

qu'elle ne ferait rien.

— Ça suffit ! hurla David, me tirant par les cheveux. Arrête

ton cinéma, veux-tu ? Il va falloir te montrer un minimum

coopérative si tu veux passer du temps en ma compagnie !

334

Page 335: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Lisbeth, Lisbeth criai-je encore plus fort, trébuchant alors

qu'il ne cessait d'avancer. Lâchez-moi, vous me faites mal.

— Ce n'est rien à côté de ce que je pourrais te faire, crois-

moi !

— Alors butez-moi, maintenant, parce que vous n'obtiendrez

plus rien, dis-je alors que nous nous retrouvions sur le perron de

la maison.

— Tu crois ça ! affirma-t-il en pointant son revolver sur mon

front.

Je gémis en fermant les yeux. La mort, peut être un moment

paisible pour celui qui l'attend, car sans Grégory à quoi bon me

battre !

Je me retrouvai là, dehors, dans cette nuit froide, face à cet

homme qui me tenait en respect avec son arme, la lèvre en sang,

un goût de fer dans la bouche. La lune haute dans le ciel éclairait

les alentours.

— Lisyyy... entendis-je crier au loin.

Grégory ? Oh mon Dieu, doux paradis, tu es là, tu m'appelles.

— Lisyyy...

Sa voix résonna un peu plus fort dans mes oreilles.

— Greg… réalisai-je en ouvrant les yeux.

Il était là, vivant, près du cabanon, avachi contre la porte.

— Greg, criai-je, prête à courir vers lui.

335

Page 336: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L La première chose que j'entendis fut le cliquetis de l'arme de

David.

Ne bouge plus, pria Jiminy, stoppant net ma course.

— On dirait que j'ai loupé ton petit copain, grogna David.

— Vous n'êtes qu'une enflure !

Reprenant de l'assurance, je lui crachai au visage.

— Je sais ma princesse, mais ne t'en fais pas pour moi, je vis

très bien avec ça !

Il essuya sa joue et me tira en arrière jusqu'à la voiture de

Lisbeth.

— Maintenant, ouvre cette caisse et récupère les papiers.

Je fis ce qu'il me dit, récupérant les documents dans la boite à

gants, je priai Greg de me rejoindre au plus vite.

— Ne tente rien d'absurde ma jolie ou je n'hésiterai pas à te

tirer une balle entre les deux yeux, mais avant ça je me ferai

plaisir en m'occupant personnellement de ton petit copain. Son

rire tonitruant résonna dans toute la vallée.

— Hhhh...

—Très bien, je vois qu'on s'est compris. Allez, monte dans ma

voiture maintenant, et mets-toi au volant.

— Lisyyy.... Nonnn !

Mon dernier regard fut pour Greg qui marchait péniblement en

direction de la maison en se tenant l'épaule.

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Page 337: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisJusqu'à ce que la mort nous sépare, pensai-je montant dans le

véhicule.

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KRIS T.L

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Page 339: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis

Chapitre Trente

Je ne l'avais pas vu venir, ce connard nous avait littéralement

pris par surprise.

Putain de fils de pute, pensai-je en me mettant à genoux à côté

de mon père.

— Papa, est-ce que ça va ?

— Oui fils, ne t'inquiète pas ! Je crois que la balle est ressortie.

— Laisse-moi voir ta blessure. Ouvrant les pans de sa

chemise, je vis le trou qu'avait occasionné la balle dans son flanc

droit, juste en dessous des côtes. Aucun organe n'était visiblement

touché, on l'avait échappé belle. Attrapant le talkie sur l'établi,

j'appelai l'ambulance.

— Fusillade au Mont Davis, besoin de secours immédiat. Un

homme à terre ainsi qu'une femme sur le point d'accoucher. Mon

père est blessé dans le petit cabanon à l'entrée de la propriété,

précisai-je.

— Bien reçu, monsieur, nous arrivons.

— Papa, les secours vont bientôt arriver, il faut que j'aille voir

ce qu'il se passe dans la maison. Est-ce que ça va aller ?

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Page 340: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L demandai-je en lui faisant un point de compression avec le tissu

qui avait servi à recouvrir la toile de Lisy et son père.

— Oui c'est bon !

Retirant ma veste, je la lui plaçais sous la tête.

— Greg, c'est bon, vas-y ! insista-t-il en me repoussant.

— Ok, mais je vais devoir tuer ce connard !

— Si jamais il a fait du mal aux filles, n'hésite surtout pas !

— Ne bouge pas d'ici.

— Très drôle !

— Ouais, je crois que tu vas devoir remettre ta petite danse

avec Maria, murmurai-je en m'aidant de la chaise pour me

redresser.

— Hey ! Tu saignes ? s'affola-t-il en voyant l'état de ma

chemise.

— Ouais, ce n'est rien, ne t'en fais pas pour ça ! répondis-je en

serrant les dents.

L'idée qu'il ait pu s'en prendre à Tess ou à Lisy me rendait

complètement fou. Me redressant, je n'eus qu'une seule envie : le

retrouver pour broyer chacun de ses os un par un.

Je me souvenais de la réticence et du recul qu'avait éprouvés

Lisy à son égard. Fait chier ! J'aurais dû me fier à mon instinct.

Tout était de ma faute, j'aurais dû voir que quelque chose ne

tournait pas rond chez ce type.

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Page 341: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisDire que j'avais osé demander à Lisy de me faire confiance. Je

serrais les dents en repensant à ces derniers mots : Appelle

l'ambulance, maintenant. Le travail avait commencé, et à l'heure

actuelle, Dieu seul sait comment cela s'était passé. Me tenant au

chambranle de la porte, je quittai le cabanon.

— Pa, déconne pas, tiens le coup ! dis-je en me retournant une

dernière fois.

— Ne t’en fais pas pour moi, file !

Je fis quelque pas à l'extérieur, chancelant, je me retins à la

porte. Levant les yeux vers la maison, je crus que mon cœur allait

cesser de battre quand je le vis lever son arme sur elle. Il la tenait

à bout portant et semblait apprécier cela.

Je vais te crever, hurla ma conscience à ce fou décérébré.

— Lisyyy...

Sans même m'en rendre compte, je venais de hurler son nom.

La lune éclairait son visage et malgré la distance qui nous

séparait il me sembla la voir sourire.

Quoi ? Non, non, n'abandonne pas !

— Lisyyy... criai-je à nouveau.

Tout était de ma faute, c'est moi qui l’avais conduite vers cet

enfer. Sans la quitter des yeux, je me mis à courir dans cette allée

en terre, le chemin était caillouteux et je trébuchai à plusieurs

reprises. La douleur que je ressentais à cause de cette balle n'était

rien à côté de l'angoisse que je vivais en voyant Lisy accepter son

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Page 342: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L sort. Il la tira à l'arrière de la maison et je ne pus voir ce qu'ils y

faisaient.

— David, si tu touches à un de ses cheveux, je te tue ! hurlai-

je. Mais au bout de quelques secondes, je les vis revenir.

— Lisyyy... Nonnnnnnn !

Ses yeux s'ancrèrent aux miens et durant un court instant je fus

comme anéanti quand je compris qu'elle ne résisterait pas !

— Lisy... murmurai-je, à bout de souffle, en la voyant monter

à bord de la voiture de David et partir dans l'allée opposée.

Bouge ton cul, Cummings.

J'entendis l'ambulance arriver au loin et fus rassuré de savoir

que mon père allait être pris en charge.

Qu'est-ce que ? Une voiture d'un bleu métallisé surgissant de

nulle part me frôla de très près.

— Lisbeth ? Mon pouls s'accéléra et la crainte de découvrir je

ne sais quel carnage à l'intérieur de la maison me fit hésiter, mes

pas devinrent plus lourds au fur et à mesure que j'avançais vers la

terrasse. C'était une maison en bois, la porte ouverte donnait sur

un long couloir avec des appliques en fer forgé.

— Matt, criai-je en m'avançant prudemment.

— Elle a pris un des bébés, cette salope a pris mon fils ! cria

Matt en quittant la chambre.

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Page 343: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Matt, soufflai-je, le rattrapant de justesse dans les bras. Est-

ce que ça va ? demandai-je en voyant la vilaine coupure qu’il

avait sur le front.

— J’ai eu des jours meilleurs ! Et ton père ?

— À terre !

— Quoi ?

— On s'est fait baiser, putain !

— Ton père est mort ? paniqua-t-il en essayant de se dégager.

— Non, non, il va bien. Les ambulanciers s'occupent déjà de

lui. Comment va ma sœur ?

— Tess est dans la chambre avec notre fille, elles ont besoin

de soins, elle est épuisée et désorientée. Putain que ça fait mal !

grimaça-t-il en se frottant la nuque. Et Lisy ?

— Avec David ! murmurai-je en baissant la tête, les mains sur

mes genoux pour reprendre ma respiration.

— Quoi ? Mais qu'est-ce que tu fous encore ici ? cria-t-il en

me poussant d'une main vers l'extérieur. Dégage, va la chercher !

Ces mots me firent l'effet d'un électrochoc et malgré le souffle

court et la douleur occasionnée par la balle, je me mis à courir les

deux cents mètres qui me séparaient de la voiture de Lisy.

Montant à l'intérieur, je fus soulagé de voir qu'elle y avait laissé

les clés. A peine démarré, j'appuyais sur l'accélérateur de cette

vieille Chevrolet, la propulsant dans l'allée, j'évitai de justesse la

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Page 344: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L barrière ainsi que les ambulanciers qui transportaient mon père

sur une civière.

— Je vais te tuer, grognai-je en tapant le volant du plat de ma

main.

J'avais la sensation d'avoir un tisonnier chauffé à blanc planté

dans l'épaule, basculant mon torse en avant, je m'agrippai au

volant un peu plus fort.

C'était une route de montagne qui passait devant le Fort Davis,

avec un précipice sur le côté de la voie. Une route à peine

praticable. Je poussai la voiture de Lisy à son maximum, faisant

rugir le moteur et crisser les pneus dans la caillasse. L'adrénaline

qui courait dans mes veines m'empêchait d'analyser la situation et

le danger auquel je devais faire face. Seule la vie de Lisy

m'importait et quoiqu'il m'en coûte il fallait que je la retrouve.

La vision de cet enfoiré menaçant Lisy avec son arme me

hantait et me vrillait l'estomac.

— Fait chier ! hurlai-je en accélérant. Je revoyais David entré

dans le cabanon, revolver en main, tirant sur nous avant même

que nous ayons le temps de faire le moindre geste.

Quel salaud, pensai-je en revoyant mon père s'effondrer

devant mes yeux. Il s'en était fallu de peu pour que nous y

restions tous les deux.

*

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Page 345: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Bon Dieu, j'ai réussi ! criai-je en voyant devant moi les

feux arrière de la voiture du Border Patrol.

Ils étaient là ; à quoi, un, deux, trois virages, tout au plus. Il

m'était impossible de rouler plus vite, la route était en si mauvais

état que je risquais à tout moment de me foutre en l'air dans le

ravin. J'essayai néanmoins de conserver une certaine distance afin

de ne pas les perdre de vue, gagnant de malheureuses secondes à

chacun des virages.

Par je ne sais quel miracle, la distance entre nos deux voitures

s'amenuisa.

— Merde Lisy, qu'est-ce que tu fous ? hurlai-je alors que je la

talonnais de près, l’évitant de peu, lorsqu’elle fit une embardée.

Wow ! sursautai-je quand une balle traversa le pare-brise.

Arrivée à une intersection, Lisy freina d'un coup sec.

Retrouvant le bitume, elle tourna sur la gauche en direction de

Presidio. Une course poursuite s'engagea entre nos deux voitures,

mais c'est bien trop tard que je compris son intention.

— Lisy, m’égosillai-je en voyant la voiture foncer droit devant

vers un pont en bois.

Le percutant de plein fouet, je vis la voiture décoller dans les

airs et retomber en contrebas dans le fleuve. Freinant comme un

malade, je quittai mon véhicule toujours en marche. Me penchant

par-dessus le parapet je vis la voiture de police s'enfoncer dans

les eaux tumultueuses du Rio Grande.

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Page 346: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Non !

La pluie commença à tomber sur mes épaules, comme si le

ciel pleurait lui aussi un être cher. L'eau était si noire que je ne vis

même pas où je sautais, ma respiration se coupa au contact de

cette eau si froide et il me fallut quelques secondes avant de

réaliser ce que j'étais en train de faire.

La voiture avait totalement disparu, je n'avais plus une minute

à perdre. Prenant une profonde inspiration, je plongeais vers la

source de lumière émise par les phares de la voiture.

Le fleuve par chance n'était pas profond en cet endroit et la

voiture toucha rapidement le fond. Remontant à la surface, je

repris une bouffée d'air avant de replonger aussitôt dans cette eau

glaciale qui m'anesthésiait de plus en plus.

Le courant était fort. Je glissai mon bras à l’intérieur de

l’habitacle, profitant que vitre de David soit légèrement

entrouverte, mais la force de l'eau qui pénétrait à une vitesse folle

m’empêcha de trouver la poignée.

— Greg, cria Lisy qui essayait de se détacher.

Nageant jusqu'à sa porte, je lui fis signe de baisser la sienne.

— Ça ne marche pas, paniqua-t-elle alors que l'eau montait de

plus en plus.

Lisy, paniquai-je en la voyant se débattre alors que l’eau

montait.

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Page 347: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Jusqu'à ce que la mort nous sépare, souffla-t-elle en posant

ses mains à plat sur la vitre.

Nonnn, saigna mon cœur, posant mes mains sur les siennes au

travers de cette vitre, qui nous séparait. Non Lisy, je ne vais pas

t'abandonner, hurlai-je intérieurement alors que mes poumons

commençaient à brûler.

Elle ne pouvait pas m'être arrachée de la sorte, pas après ce

qu'elle avait fait pour nous, pour moi ! Il n'était pas question que

je sois responsable de la mort de cette femme. Ma mère avait été

un assez lourd tribu à payer, je refusais de revivre ça !

Remontant à la surface je pris une goulée d'air frais avant de

replonger de nouveau vers elle. Constatant avec frayeur que l'eau

était à présent à hauteur de sa poitrine.

Trop vite, tout va beaucoup trop vite, cria ma conscience alors

que je tapais de toutes mes forces ;mais mes poings amortis par

l'eau perdaient de leur puissance à chaque fois qu'ils s'écrasaient

sur la vitre

Lisy, le flingue.

Je lui fis signe en montrant du doigt l'arme de David posée sur

le tableau de bord. Elle comprit aussitôt et l'attrapa. Le relevant

au-dessus de l'eau, elle tira sans attendre dans le pare-brise, celui-

ci ne mit pas longtemps à céder sous la pression et c'est avec une

rapidité effrayante que l'eau s'engouffra à l'intérieur.

Lisy, paniquai-je la voyant suffoquer devant mes yeux.

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Page 348: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Me glissant à l'intérieur, je tirai de toutes mes forces sur sa

ceinture. Mon bras me faisait terriblement souffrir, mais il n'était

pas question que j'abandonne.

Posant mes lèvres sur sa bouche, je soufflais tout l'air que je

retenais dans mes poumons. Priant Dieu pour qu'il me vienne en

aide, je tirai une seconde fois sur la ceinture qui finit par céder.

Enfin libre !

Tirant son corps sans vie vers moi. Je m'appuyai sur le capot

de la voiture, puis poussant sur mes jambes, je nous fis remonter

à la surface.

De l'air... inspirai-je en ouvrant la bouche.

— Mon dieu Lisy. Tu ne vas pas te débarrasser de moi comme

ça ! Impossible que je te laisse partir, soufflai-je en essayant de

reprendre mon souffle.

Nageant vers la rive, j'allongeais son corps inerte sur le sol.

Me plaçant à genoux à côté d'elle, je pris son pouls.

Rien !

Mains à plat sur son thorax, je commençai le massage.

—Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze,

douze, treize, quatorze, quinze, comptai-je avant de pincer son

nez, et d'insuffler de l'air dans ses poumons. Lisy, merde ! Ne me

laisse pas, criai-je en recommençant le massage. Pour qui te

prends-tu pour me laisser seul ? Tu as retourné ma vie, mon cœur

et tu penses pouvoir abandonner comme ça ! Lisy, je t'interdis de

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Page 349: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davislaisser tomber, tu es la personne la plus forte que je connaisse,

alors résiste, reviens bébé, j'ai tant besoin de toi. Lisyyy !

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KRIS T.L

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Romagnas du Mont Davis

BONUS (Lisy)

— Je vais crever ton petit copain, cria David à mes côtés. Et

ensuite je me chargerai de te le faire oublier.

Il ouvrit la fenêtre de moitié et passa son bras avec son

flingue, comprenant son intention, je fis une embardée sur la

route au moment même où il appuyait sur la détente.

Greg... Grégory était là, derrière moi, il ne m'avait pas laissée.

Dès que nous avions quitté le Mont Davis, je n'avais cessé

d'espérer qu'il nous rattrape.

— Enfin, murmurai-je.

— Tu veux jouer à ça ma jolie, cria-t-il en rechargeant son

flingue. Ok ! Jouons.

Ce mec était totalement taré, pointant son flingue sur moi, je

compris que plus rien ne l'arrêterait, voyant la départementale, je

plantais un coup de frein avant de tourner sur la gauche.

— Salope ! hurla-t-il en lâchant son revolver sous le coup de

la surprise.

Sans lui laisser le temps de le récupérer, je vis le pont se

dessiner au loin. Je ne sais ce qui se passa dans ma tête : mais je

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Page 352: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L sus que c’était la solution. Attrapant la ceinture d'une main, je

m'attachai.

— Qu'est-ce que tu fous ?

Accélérant, sans réfléchir, je projetai la voiture contre la

rambarde en bois qui vola en éclats, le véhicule décolla dans les

airs, nous retrouvant comme en apesanteur, je vis l'eau se

rapprocher avant que la voiture ne la percute avec violence. Le

choc fut tel que je perdis connaissance quelques secondes.

Il fait froid, pensai-je en ouvrant les yeux.

— Ce connard a enfin ce qu'il mérite, soufflai-je en voyant le

corps inanimé de David à mes côtés.

L'eau entrait par sa fenêtre légèrement entrouverte et m'arrivait

déjà aux genoux.

Brrrrrrrrr ! Putain qu'est-ce qui t'a pris de faire ça ? paniqua

Jiminy alors que j'essayais de défaire ma ceinture.

— Greg, souris-je en voyant son visage à travers la vitre.

Passant sa main dans l'ouverture, il essaya d'ouvrir la portière.

Mais celle-ci sous la force de l'eau qui pénétrait dans l’habitacle

de la voiture n'oscilla pas d'un pouce.

C'est la fin, c'est comme ça que tout va se terminer, pensai-je

en le regardant nager de l'autre côté de la voiture. Posant mes

mains à plat sur la vitre, j'attendis qu'il soit à ma hauteur.

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Page 353: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont Davis— Jusqu'à ce que la mort nous sépare, dis-je au moment même

où il posa ses mains sur les miennes au travers de la vitre. Je

t'aime, soufflai-je, ne le quittant pas des yeux.

L'eau commençait à monter et la sensation d'étouffer se fit de

plus en plus oppressante.

On ne peut échapper à notre destin, paniquai-je en le voyant

remonter à la surface.

Je repensais aux paroles qu'il m'avait dites un peu plus tôt

dans ma chambre. Mais il revint aussitôt et s'acharna à donner de

grands coups de poings dans la vitre.

— Quoi ? demandai-je en le voyant me montrer quelque

chose.

Oh, le flingue de David ?

Oui, affirma-t-il en levant son pouce.

Une, deux, trois, quatre balles percutèrent le pare-brise et l'eau

s'engouffra à une vitesse vertigineuse sans que je n'aie eu le

temps de prendre ma respiration. Par réflexe j'entrouvris la

bouche.

Non, non pas comme ça, s’étouffa Jiminy, avant de sentir les

lèvres de Grégory se poser sur ma bouche.

Oh douce mort, pensai-je.

Ces dernières quarante-huit heures défilèrent devant mes yeux.

Son visage, ses traits, sa ressemblance avec son père. Ma venue

dans son bureau, la manière dont j'avais eu envie de le gifler tant

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Page 354: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L son assurance m'avait désarçonnée. Au premier regard, je n'avais

eu envie que d'une seule chose, lui.

Lui sur moi, lui en moi, lui sous moi, lui à mes côtés, oui c'est

ça ! À mes côtés pour l'éternité.

Tous ces mots qu'il avait osé me dire, toute la tendresse dont il

avait fait preuve à mon égard. Malgré l’horreur de la situation, je

venais de vivre les deux jours les plus beaux de toute ma vie.

Mais voilà, le voile obscur qui n'avait cessé de caresser mon

corps depuis toutes ces années m'enveloppait enfin, et

m'entraînait avec délice vers le silence, cette paix intérieure qui

allait adoucir mes souffrances.

Je payais enfin mon dû pour avoir touché du bout des doigts ce

bonheur éphémère. Partir. Partir comme cette nuit là dans la

piscine.

Oui ! J’avais refusé volontairement la main tendue de Lisbeth.

Préférant la noirceur des ténèbres, plutôt que de vivre à ses côtés.

Peut-être que cette envie de mourir ne m'avait jamais quittée ?

Mais cette fois, ce n'était pas la main tendue de Lisbeth que

j'avais devant moi. C'était celle de Grégory, une main forte,

aimante, qui n'était pas prête à me lâcher.

— Lisy, merde ! Ne me laisse pas, entendis-je au loin.

Les visages de ma mère et de mon père s'invitèrent dans mon

esprit.

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Page 355: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisCe n'est pas le moment Lisy, chuchotèrent-ils ensemble à mon

intention.

*

— Tu m'entends. Pour qui te prends-tu pour me laisser seul.

Tu as retourné ma vie, mon cœur et tu penses pouvoir

abandonner comme ça ! Lisy, je t'interdis de laisser tomber tu

m'entends, tu es la personne la plus forte que je connaisse, alors

résiste, reviens bébé, j'ai tant besoin de toi. Lisyyy !

Son appel, son besoin de moi, illumina une partie infime dans

mon cœur, et telle une fleur qui éclot, je sentis son amour me

réchauffer de l'intérieur.

Ahhhhhh ! Inspirai-je en ouvrant la bouche.

..........

Mourir n'était rien, vivre était bien plus douloureux. La

douleur que je ressentais était abominable, les poumons en feu,

ma gorge me faisait terriblement mal.

— Connard, je vais te tuer !

Quoi ?

Tournant difficilement la tête, je vis une masse informe en

mouvement bouger à quelques mètres de moi.

— Greg ?

— Ahahahah...

— Greg, Greg ? toussai-je en me raclant la gorge.

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Page 356: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L Mettant mes mains à plat sur ce sol boueux, je réussis à me

mettre à genoux, recrachant ainsi l'excédent d'eau que j'avais

ingurgité. Secouant la tête, je plissais les yeux afin de mieux

distinguer ces deux corps à quelques mètres de moi.

— David ?

Me reprenant à deux fois, je réussis à me mettre sur mes pieds.

M'approchant doucement, je constatais que cet enfoiré maintenait

Gregory au sol, le pouce enfoncé dans sa chair au niveau de son

épaule ensanglantée.

— Ahahahah, hurlait Gregory.

Non, non ! Me baissant, je pris la première chose qui me

tombait sous la main, sans attendre mon bras se leva au-dessus de

moi, puis avec force, ce bout de bois que je tenais percuta la tête

de David. Sonné, il retira sa main de l'épaule de Grégory, puis se

relevant il se tourna vers moi.

— Ça c'est pour mon père, criai-je en le tapant une nouvelle

fois. Ça pour Enrique et ça... ça pour Grégory. Lâchant le bout de

bois, je le regardai tituber avant que son corps ne tombe dans le

Rio Grande.

*

Lisy, mon prénom fut le seul mot que j'entendis avant de

m'écrouler. Pas de choc, pas d'impact, juste la douceur de ses bras

qui enveloppe mon corps et me soulève.

— Ils sont là !

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Page 357: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

Romagnas du Mont DavisDes gyrophares éclairèrent le ciel au-dessus de nos têtes.

— Monsieur Cummings, ne bougez pas, nous descendons

vous chercher, cria une voix que je reconnus comme étant celle

d'Harvey.

— Gregory, murmurai-je

— Je t'avais promis de ne pas te laisser.

Papa, maman, il est temps !

Debout au milieu d'un champ de Romagnas baigné par un

soleil aveuglant, je laissais la brise caresser mon corps.

Habillée d'une robe blanche, je laissai ma mère piquer

quelques fleurs dans mes cheveux.

Il faut vivre ma princesse, aller de l'avant, ne pas avoir peur

de se perdre, avoir confiance en l'autre, même si tu tombes, tu ne

devras jamais abandonner.

L'amour est le plus beau cadeau que la vie va te faire...

Je te souhaite de connaître un amour aussi fort, celui qui au

premier regard remet en cause toutes tes croyances, qui bouscule

l'univers que tu as bâti, celui qui te transcende au point de te dire

qu'une seule minute à ses côtés vaut mieux qu'une éternité sans

l'avoir connu.

Ton père et moi sommes enfin en paix, vis pour toi, vis

maintenant...

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Page 358: Romagnas du Mont Davis - LireMonLivre.com

KRIS T.L — Grégory...

Il était là dans cette pièce, la clarté y était aveuglante. Mes

yeux papillonnèrent quelques instants, le temps pour moi

d'accepter de quitter ce doux rêve.

— Ne me fais plus jamais ça O'Brian, murmura-t-il en

essuyant la larme qui roulait sur ma joue

—Avec plaisir, Cummings !

Je souris en voyant son visage se rapprocher du mien, me

laissant happer par la profondeur et l'intensité de ses yeux bleus,

je murmurai un « je t'aime » à peine audible.

— Quoi ?

— Je t’aime.

Ces mots que j'avais tant de mal à prononcer jaillirent sans que

je ne puisse les contrôler et c'est dans une infinie tendresse que

ses lèvres se posèrent sur les miennes.

Fin de la première partie.

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Romagnas du Mont Davis

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