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Roman inédit de Léo Beaulieu Chapitre 4 Laventure Édith avait plutôt mal dormi sur le banc de bois du terminus de BRONX. Le soleil annonçant une journée

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Chapitre 4L’aventure

 Édith avait plutôt mal dormi sur le banc de bois du terminus de BRONX. Le soleil annonçant une journée de fin d’automne assez douce se pointait en même temps que l'estomac lui criait famine. À l’adolescence, c’est bien connu, les jeunes ont toujours faim, mais avec tout ce que vivait Édith depuis son départ de la résidence, elle en avait presque oublié l’existence. Le sommeil s’en était chargé fort heureusement pour elle. À vrai dire, la fugueuse n'avait rien mangé depuis le petit-déjeuner de la veille. Ayant eu tellement à faire après la lessive du matin pour la préparation de sa fuite, elle loupa tout simplement son lunch. Curieusement, elle n’était pas trop mal en point malgré l’inconfort du lit improvisé de la salle d’attente ; toujours très enthousiasmée et pleine d’espoir, elle rêvait d’une vie autrement plus agréable que celle de ses années perdues à l'orphelinat.

– Rien de pire ne peut m’arriver.

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Elle se félicitait d’avoir réussi à franchir le petit poste douanier de la frontière sans être repérée. Dès le moment où le vieux douanier était monté à bord du bus pour les vérifications d'usage, elle s’enfouit toute recroquevillée sous le banc, au fond du bus. Passant ainsi inaperçue aux yeux du responsable des frontières américaines qui, apparemment arraché de son sommeil, exécutait sa besogne de façon assez expéditive à la vérification des papiers des passagers. La ruse et les diversions n’étaient pas des astuces inconnues de la jeune adolescente. Le sentiment d’avoir été exploitée pendant dix interminables années ne lui avait pas permis de ressentir aucune notion de culpabilité, même tout à fait indécente lorsqu’il fallait qu’elle utilise des moyens détournés pour réaliser son but.  Convaincue, à la lecture de ces fameux magazines, qu’à seize ans, les rêves même les plus fantaisistes deviennent réalité et les embûches, franchissables, elle osait enfin ! Une innocente insouciance balayant la prudence et l’audace ignorant le discernement, étaient des sentiments qui, désormais, l’habitaient.

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– Que dois-je faire en premier ? murmure-t-elle presque à haute voix. – Bon ! Primo, je dois trouver où demeure tante Évelyne, si elle est encore de ce monde et à la rigueur, me rendre à l’adresse que j’ai notée sur mon bout de papier. On ne sait jamais, peut-être que les gens du quartier pourront me renseigner sur ses allées et venues… enfin… m'éclairer un peu. Selon le conducteur du bus, je ne peux pas m’aventurer bien loin en taxi avec les sous qui me restent ? Tant pis, alors, je ferai de l’auto stop !

Sans perdre de temps et avec étonnamment beaucoup de logique pour son âge, Édith se dirige en direction du comptoir de la billetterie pour se procurer une carte routière des circuits du réseau d’autobus local. – Mieux vaut savoir quelles rues emprunter dans un premier temps pour éviter de tourner en rond et risquer de me perdre. Je n'ai personne comme adulte pour me guider. Il me faut être plus prudente encore. Mon temps est trop précieux.

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Néanmoins, toutes sortes d'idées enchevêtrées lui trottent dans la tête par moments...– Hum, ça ne doit pas être drôle à la maison de pension... j'imagine que, me sachant partie, David doit être hors de lui en fouillant minutieusement les alentours de la propriété, cherchant la personne qui pourrait le renseigner adéquatement sur ma disparition. Les filles en paieront peut-être le prix pour les colères que mon absence fera surgir... Je les plains. C'est vraiment dommage, car elles n'ont rien à voir dans ma décision. C'est moi seule qui l'ai prise, c'est moi qui en prends la responsabilité... c'est moi qui étouffais dans cette atmosphère lugubre et malsaine... Un jour, elles s'en apercevront, elles aussi... Oh ! Il a peut-être aussi alerté Billy ! Pauvre Billy ! S'il savait à quel point, il a facilité ma fuite... En ce moment, David songe probablement à mettre quelqu'un à mes trousses, je n'en serais pas surprise... C'est pour cette raison que je dois absolument trouver ma tante. Au moins, j'aurai une place où rester, me sentir en sécurité...

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– Excusez-moi madame ! Est-ce que vous avez une carte de la ville ? Aussi, pourriez-vous s’il vous plaît me donner la monnaie de mon billet de vingt dollars ? – Tiens petite, voilà la carte ! Remarque bien que toutes les rues secondaires n’y figurent pas ; seules les artères principales y sont détaillées, informe la dame du comptoir, en lui remettant la carte et du même coup, prenant le billet des mains d’Édith. – Oh ! Oh ! Problème, ma chérie ! Nous n’acceptons pas d’argent canadien, ici. Je ne peux pas te faire la monnaie. Va plutôt de l’autre côté du boulevard et dirige-toi vers la gauche jusqu’au premier coin de rue ; il y a une banque pas trop loin qui te donnera un peu plus pour ton billet canadien à cause du taux d’échange. Moi, la consigne ne me le permet pas. 

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– Merci madame ! Édith, polie mais visiblement déçue, file vers la sortie. – Bon, un problème de plus ; je ne l’avais pas prévu celui-là. Je n’ai pas réalisé que le voyageur qui avait été contraint de céder son billet de vingt dollars à David n’était pas un vendeur américain et que, forcément, son argent était de dénomination canadienne. Je n’ai jamais pensé à ça. J’espère maintenant que je serai bien reçue à la banque… qu’on ne me posera pas trop de questions…  Oui, en effet, un revers de plus. Elle n’avait pas du tout réalisé que la monnaie U.S. était autre que celle qu’elle trimbalait dans son sac depuis son départ. Malgré sa débrouillardise et sa détermination, son long stage en foyer d’accueil l’avait laissée isolée du reste du monde. Des choses apparaissant anodines au commun des mortels lui avaient complètement échappé. C’est bien compréhensible ! La lecture des revues osées qu'Éric laissait traîner à tout hasard lui donnant une fausse interprétation de la vie réelle, l’avait bernée royalement ! Un piège ! Tout un !  

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Aussi, ces images irréalistes alliées à son immense désir de fuir à tout prix l’enfer du domicile de David ont-elles complètement anéanti la capacité de saisir à son âge la dure réalité de cette vie factice… Malheureusement, elles avaient amorcé les dégâts ! Personne de bienveillant pour la mettre en garde, même si une enseignante à la retraite se présentait de façon régulière au foyer pour dispenser aux pensionnaires les rudiments de lecture et d’écriture et un peu de mathématiques, quand le rare temps libre des jeunes adolescentes le permettait. Ça faisait, hélas, plutôt bien l’affaire de David qui désirait garder ses jeunes pensionnaires dans une quasi-ignorance de ce qui se passait à l’extérieur de la maison.

Grâce à ses rencontres hebdomadaires avec Billy, Édith, était un peu plus informée que ses consœurs sur le monde extérieur. Le fils de l’épicier lui procurait ainsi un lien avec ce qui se passait au petit village, en terre canadienne aux abords de la frontière du Vermont.

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– Bon, enfin la voici cette fameuse banque ! Ouais, un coin de rue ? Un peu perdue, la dame de la billetterie. C’est plutôt quatre coins de rue ! murmure entre les dents, Édith, visiblement contrariée par cette marche forcée. La petite enroule sa main autour de la grosse poignée de bronze de l’imposante porte et tire… puis pousse. Rien ne bouge. – Ah, ça alors ! Elle est fermée cette banque ? Ah nooooon ! visiblement déçue, elle poursuit sa réflexion à haute voix : – Tiens… cet écriteau ? Ouverture à 10:00 heures ! Ah zut ! Anxieuse, elle s’interroge : – Mais quelle heure peut-il bien être ? Tout m’arrive ce matin ?  Perspicace pour son âge, Édith pose les mains de chaque côté de sa tête, en forme d’œillères, le nez rivé à l’immense vitrine, tentant de voir l’heure affichée sur la grande horloge au fond de la salle. – 8:22 heures seulement ! Ah, non ! Je devrai attendre plus d’une heure et demie ! Un soupir qui en dit long secoue ses épaules.

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Durant sa longue marche vers la banque, elle avait passé devant un coquet petit restaurant. Elle décide donc de retourner sur ses pas et d’aller manger quelque chose. - Peut-être accepteront-ils mon billet de vingt dollars, eux ? Enfin, si ce dernier vaut plus que le billet américain… pourquoi pas ? Une fois dans l’entrée du restaurant, elle stoppe un court instant, examinant à gauche et à droite, s’assurant de trouver une table libre et un peu isolée des autres. Son choix fait, elle y prend place. L’accueil de la serveuse ne se fit pas attendre. – Qu’est-ce qu’on vous sert, petite ? demande la sympathique serveuse, toute fin prête avec son bloc-notes et son crayon.

– J’ai très faim, madame ! Mais voilà, je n’ai que de la monnaie canadienne… répond Édith en empruntant un air de petite fille désespérée.

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– De la monnaie canadienne ? Non, petite. Je ne peux pas accepter. Je suis vraiment désolée, crois-moi ! Nous n’acceptons pas d’argent étranger, ici. Édith se levant piteusement du siège qu’elle occupe, elle enfile son sac sur l'épaule et reprend lentement le chemin de la sortie.  – Un instant, ma belle ! C’est tout ce que tu as ? Je veux dire… que de la monnaie canadienne ?

Fine renarde comme pas une, elle simule une moue déçue : – Malheureusement, oui madame ! C’est ce que mes parents m’ont donné ce matin quand j’ai quitté l’hôtel. Nous sommes en voyage et ils m’ont donné vingt dollars pour mon petit-déjeuner. Elle a très faim et voyant devant elle une employée qui lui semble sympathique, elle ose. – J’ai besoin de manger un peu… sinon, je pense que je pourrais m’évanouir. J’étais bien sûre de pouvoir manger ici, c’est pour ça que je suis venue.

À suivre… 

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