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Un théorème no-go pour les théories supersymétriques pleinement unifiées brisées par un vide métastable Mémoire Jean-Samuel Leboeuf Maîtrise en physique Maître ès sciences (M. Sc.) Québec, Canada © Jean-Samuel Leboeuf, 2017

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Un théorème no-go pour les théoriessupersymétriques pleinement unifiées brisées par un

vide métastable

Mémoire

Jean-Samuel Leboeuf

Maîtrise en physiqueMaître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

© Jean-Samuel Leboeuf, 2017

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Un théorème no-go pour les théoriessupersymétriques pleinement unifiées brisées par un

vide métastable

Mémoire

Jean-Samuel Leboeuf

Sous la direction de:

Jean-François Fortin, directeur de recherche

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Résumé

Le modèle standard, bien qu’étant la théorie la plus complète et précise jamais conçue, mènetoutefois à plusieurs problèmes et questions non résolues, tels le problème de la hiérarchie ou del’origine de la masse des neutrinos. Parmi les solutions avancées, les plus populaires sont sansdoute les théories de grande unification et l’ajout de la supersymétrie. L’inclusion simultanéede ces deux extensions du modèle standard semble d’ailleurs encouragée par l’unification desconstantes de couplage. Toutefois, briser la supersymétrie constitue un obstacle de taille à laréalisation de modèles réalistes et nécessite donc l’introduction d’un secteur caché, découplédu modèle standard.

Le présent mémoire a pour objectif de tester une unification totale du secteur caché et du mo-dèle standard supersymétrique minimal unifié sous la bannière des théories supersymétriquespleinement unifiées. Pour délimiter l’étude de tels modèles, deux hypothèses sont posées :le mécanisme de brisure de supersymétrie du secteur caché est le mécanisme Intriligator-Seiberg-Shih et les brisures de symétrie jaugée surviennent par un mécanisme de Higgs avecun potentiel quartique. Un théorème no-go est par la suite démontré, stipulant qu’il est impos-sible d’avoir une théorie supersymétrique pleinement unifiée soumise à ces deux conditions.

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Abstract

The Standard Model, while being the most complete and precise theory ever built, possessesmany flaws for which several solutions exist. Among the most popular are the Grand Uni-fied Theories and supersymmetry. The introduction of both extensions simultaneously yieldsan even more elegant solution, since the coupling constants of the Minimal Supersymmet-ric Standard Model seems to converge into one unique point. However, the challenge thatsupersymmetry breaking represents is an obstacle to realistic model building and forces theneed to break supersymmetry in a new sector, decoupled from the Minimal SupersymmetricStandard Model.

This memoir aims to resolve this problem by suggesting the complete unification of the de-coupled sector with the Minimal Supersymmetric Standard Model under the denominationFully Supersymmetric Grand Unified Theories. To begin the study of such models, two as-sumptions are made: the supersymmetry breaking mechanism is the Intriligator-Seiberg-Shihmechanism, and the symmetry breaking mechanism is the Higgs mechanism with a quarticpotential. Then, a no-go theorem is proved, showing that it is impossible to have a FullySupersymmetric Grand Unified Theory for which these two conditions are satisfied.

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Table des matières

Résumé iii

Abstract iv

Table des matières v

Liste des tableaux vii

Liste des figures viii

Liste des listes ix

Remerciements xii

Introduction 1

1 Notions préliminaires de supersymétrie 61.1 Motivations à la supersymétrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.2 Notions de supersymétrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.3 Le modèle standard et son extension supersymétrique . . . . . . . . . . . . 20

2 Théories de la grande unification 272.1 L’unification des constantes de couplage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282.2 Le modèle SU(5) supersymétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322.3 Autres modèles de grande unification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

3 Brisure dynamique de supersymétrie par un vide métastable 483.1 Les phases des théories de jauge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 493.2 La dynamique de la chromodynamique quantique supersymétrique . . . . . 523.3 Brisure de supersymétrie à la Intriligator, Seiberg et Shih . . . . . . . . . . 72

4 Le théorème no-go pour une théorie de la grande unification supersy-métrique brisée par un vide métastable 784.1 Mise en place du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 794.2 Éléments préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 834.3 Le théorème no-go . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

Conclusion 100

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A Éléments d’algèbre de Lie simple 102A.1 Notions de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102A.2 Calcul du Casimir de représentations de An . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

Bibliographie 109

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Liste des tableaux

1.1 Contenu en champs du modèle standard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201.2 Contenu en superchamps du modèle standard supersymétrique minimal . . . . 23

2.1 Contenu en superchamps du modèle SU(5) supersymétrique minimal . . . . . . 352.2 Contenu en superchamps du modèle SO(10) supersymétrique minimal . . . . . 42

3.1 Les différentes phases des théories de jauge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 493.2 Contenu en superchamps de la SQCD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 553.3 Contenu en opérateurs de la SQCD pour Nf < Nc . . . . . . . . . . . . . . . . 583.4 Contenu en fermions de la SQCD pour Nf = Nc . . . . . . . . . . . . . . . . . 633.5 Les quatre coefficients d’anomalie A non nuls de la SQCD à Nf = Nc saveurs . 643.6 Contenu en superchamps de la SQCD duale de Seiberg . . . . . . . . . . . . . . 663.7 Les coefficients d’anomalie A non nuls en SQCD duale . . . . . . . . . . . . . . 68

4.1 Le Casimir de quelques représentations irréductibles de SU(n+ 1) . . . . . . . 924.2 Le Casimir de quelques représentations irréductibles de SO(N) . . . . . . . . . 944.3 Motifs de brisure de symétrie provenant d’une VEV de représentations irréduc-

tibles de SU(n+ 1) et SO(N) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 954.4 Règles de branchement pour les représentations irréductibles permises pour

deux sous-groupes maximaux de SU(n+ 1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 964.5 Règles de branchement pour les représentations irréductibles permises pour

trois sous-groupes maximaux de SO(N) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

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Liste des figures

1.1 Corrections quantiques à une boucle à la masse du Higgs . . . . . . . . . . . . 8

2.1 Évolution des constantes de couplage des trois groupes de jauge du modèlestandard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

3.1 Diagrammes de Feynman des corrections quantiques contribuant aux anomalies 543.2 Les trois comportements de la fonction β en SCQD . . . . . . . . . . . . . . . . 703.3 Évolution de la constante de couplage en SQCD . . . . . . . . . . . . . . . . . 713.4 Phases de la SQCD à Nc couleurs et Nf saveurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 723.5 Les régimes du modèle simple de brisure dynamique de supersymétrie en SQCD 733.6 Esquisse du potentiel présentant un minimum métastable à l’origine. . . . . . . 76

4.1 Esquisse de la dynamique de la théorie FSGUT avec un vide métastable brisantla supersymétrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

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Liste des listes

4.1 Les sous-groupes maximaux non simples des groupes de Lie classiques . . . 84

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À la mémoire de Thérèse

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Some men see things as they areand say “why ?”But I dream things that neverwere, and ask “why not ?”

E. Kennedy citant G. B. Shaw

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Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de thèse Prof. Jean-François Fortin pour m’avoir guidétout au long de ma maitrise et de la rédaction de ce mémoire, ainsi que pour m’avoir initiéaux théories de la grande unification.

Je suis également reconnaissant à mes examinateurs Prof. Pierre Mathieu et Prof. Luc Marleaud’avoir gentiment accepté de corriger ce mémoire.

Merci à mon amour Anne-Sophie pour m’avoir supporté et encouragé, et particulièrement pouravoir lu et corrigé tout le mémoire. Je remercie mes parents et mes collègues sans lesquels cesdernières années auraient été bien moins agréables.

Je suis reconnaissant aux organismes subventionnaires CRSNG et FRQNT pour le supportfinancier pendant les deux années de recherche qui ont mené à ce mémoire.

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Introduction

Le modèle standard (SM1) de la physique est l’un des plus grands, sinon le plus grand, desaccomplissements de la physique moderne. Il est le fruit d’un travail colossal, bâti brique parbrique sur plusieurs décennies par une multitude de scientifiques en quête de vérité. Le SMpropose un cadre pour expliquer la composition de la matière actuellement connue ainsi quetoutes les forces à l’origine de leurs interactions, exceptée la gravité. Malgré son étonnantesimplicité, il contient une richesse et une complexité incroyable lui permettant de donner ladescription la plus complète et précise de notre Univers jamais réalisée.

De manière plus explicite, le SM est une théorie quantique des champs particulière qui inclutseize champs chargés sous le groupe de jauge iconique SU(3)C×SU(2)L×U(1)Y . Quinze de ceschamps, séparés en trois « générations » de cinq champs, sont fermioniques et leurs excitationsreprésentent les différentes facettes de la matière telle qu’elle est connue, tandis que le dernierconstitue le fameux champs de Higgs, donnant une masse à tous les autres champs. Le groupede jauge introduit trois forces, une pour chacun des sous-groupes. La partie SU(3)C génèrel’interaction forte, autrement appelée « force de couleur » ou encore « chromodynamiquequantique » (QCD). D’un autre côté, l’électrodynamique quantique (QED) et l’interactionfaible sont quant à elles unifiées sous le groupe SU(2)L × U(1)Y sous la dénomination de« force électrofaible ». Plus précisément, la partie SU(2)L est référée en tant qu’« isospinfaible » et la partie U(1)Y constitue l’« hypercharge ».

Le formalisme des théories quantiques des champs appliqué au modèle standard a permis deproduire des prédictions très précises, possédant des marques distinctives. En particulier, lescorrections quantiques des boucles modifient les paramètres de la théorie souvent de façonnon négligeable et permettent ainsi de tester efficacement la puissance du modèle standard.De plus, le flot du monoïde de renormalisation (aussi couramment appelé à tort groupe derenormalisation) fait changer la valeur de ces mêmes paramètres selon l’échelle d’énergie àlaquelle les expériences sont menées. Ces effets notables ont été observés à une précisioninégalée, en particulier dans les grandes expériences de collisionneur, tels au LEP dans les

1Les sigles employés au cours du présent mémoire sont écrits selon la terminologie anglaise pour êtreconformes à la littérature du domaine et ainsi faciliter la lecture.

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années 90 et récemment au LHC. Ce sont ces confirmations impressionnantes de la théoriequi ont fait le succès du SM.

Toutefois, il est bien connu des physiciens que le modèle standard n’est pas le fin mot del’histoire. Plusieurs problèmes restent encore inexpliqués à ce jour. Le principal est sans doutela difficulté d’incorporer la gravité quantique à la théorie. Plusieurs tentatives ont été réalisées,avec des résultats plus ou moins fructueux. Les méthodes les plus naïves d’y arriver perdenttoute prédictibilité ou contiennent des contradictions, tandis que les plus complexes, telles quela théorie des supercordes et la supergravité, bien que prometteuses, sont difficiles à tester etaucune ne semble se distinguer des autres.

De plus, les observations cosmologiques basées sur la relativité générale indiquent que l’Universest composé à 95,1% d’énergie et de matière « sombres », différentes de celles qui composentle monde visible. Le modèle standard tel qu’il est présentement ne propose aucun candidatplausible pour cette portion inconnue de la physique. Cependant, cette observation laisseune grande liberté pour les théories qui viendraient le compléter. Cela a d’ailleurs mené àl’émergence d’une vaste variété de modèles à phénoménologies diverses visant à résoudred’autres problèmes.

Un autre échec du SM, plus apparent, mais tout aussi profond, concerne les neutrinos. Eneffet, cette théorie n’explique pas l’origine de la masse des neutrinos ainsi qu’à leurs oscillationsde saveurs, alors que ces phénomènes sont bel et bien observés. L’une des solutions les plussimples consiste à inclure un neutrino de chiralité droite, ce qui permettrait d’écrire un termede masse. Ce neutrino est dit « stérile », car il ne serait soumis à aucune autre force quela gravité, contrairement aux autres champs connus. Cette propriété le rendrait quasimentinvisible, car il n’interagirait qu’avec le neutrino gauche par l’intermédiaire du Higgs et ilserait donc un candidat idéal pour la matière sombre.

Finalement, la dernière grande difficulté du SM vise une incohérence d’échelle, connue sous lenom du problème de la hiérarchie ou de la « naturalité » (naturalness). Cela concerne l’échelled’énergie à laquelle l’interaction faible et la QED s’unifient, qui se situe autour de 102 GeV.La seule autre échelle relative connue2, soit la masse de Planck, est environ de 1019 GeV.Ainsi, la différence entre les deux est de plusieurs ordres de grandeur. Cela n’est pas unproblème en soi ; c’est plutôt des considérations quantiques qui soulèvent des interrogations.En effet, en supposant que le SM est complet, des corrections radiatives dépendantes de lamasse de Planck augmenteraient de manière significative l’échelle d’énergie d’unification quidevrait être observée. Plusieurs techniques pour contenir cet excès ont été proposées, toutesimpliquant des extensions au SM.

2 Il existe une autre échelle connue, soit l’énergie à laquelle la constante de couplage de la QCD diverge :ΛQCD ∼ 10−1 GeV. Cette échelle est générée dynamiquement de façon naturelle et sa petitesse est facilementexpliquée. Néanmoins, cette échelle n’est aucunement reliée au problème de la hiérarchie puisque le Higgs estnon chargé sous SU(3)C .

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Tous ces indices montrent d’abord et avant tout qu’il est nécessaire d’étendre le modèle stan-dard de la physique pour offrir des solutions à ces problèmes. Des avenues intéressantes ont étéproposées au fil du temps, par exemple, les théories de la grande unification (GUT), inspiréesde l’unification électrofaible, ont connus un grand succès sans toutefois s’être imposées. Lepremier de ces modèles a été proposé en 1974 par Georgi et Glashow [1]. Il unifiait tout le SMsous le groupe de jauge unique SU(5), brisé par un Higgs vers SU(3)C × SU(2)L × U(1)Y .Depuis, plusieurs variations ont émergé, unifiant le SM sous le groupe de jauge SO(10) ouE6. Ces modèles ont plusieurs avantages ; ils fournissent une explication à la quantificationde la charge électrique et donnent une origine à la conservation des nombres baryoniques etleptoniques. De plus, ils donnent une masse de manière cohérente aux neutrinos et la matièrey est unifiée sous un même multiplet. D’un autre côté, un inconvénient majeur de ces modèlesnon minimaux est la prédiction de la désintégration du proton, un phénomène jusqu’à présentnon observé.

Alternativement, une autre solution très populaire est l’introduction de la supersymétrie dansle SM pour produire le modèle standard supersymétrique minimal (MSSM). La principale mo-tivation pour la supersymétrie est avant tout sa capacité à régler le problème de la hiérarchiede manière très élégante [2]. La supersymétrie semble prometteuse aussi parce qu’elle permetd’intégrer la gravité simplement en la jaugeant, ce qui donne la « supergravité ». De plus, plu-sieurs modèles exploitant cette symétrie proposent des solutions au problème de la matièresombre.

À la vue des problèmes réglés par ces deux extensions du SM, il est légitime de vouloir lescombiner. Cela donne naissance aux « théories de la grande unification supersymétriques »(SGUT). Cette association d’idées est d’ailleurs confortée par l’observation que les constantesde couplage de SU(3)C × SU(2)L × U(1)Y se recoupent presque parfaitement lorsque lasupersymétrie est incluse, suggérant fortement une unification de toutes les forces du SM.

Toutefois, la supersymétrie souffre en elle-même d’une faille flagrante : elle n’est pas observéeexpérimentalement. Ainsi, si elle devait être présente, elle devrait être « brisée » (parfoisaussi dite « cachée »). Briser la supersymétrie tout en conservant ses bénéfices n’est pasune tâche facile. En effet, les mécanismes classiques de brisure de supersymétrie spontanéede Fayet-Iliopoulos (1974) [3, 4] et de O’Raifeartaigh (1975) [5] incorporés directement auMSSM présentent tous le même problème : ils introduisent toujours des champs scalaires trèslégers. Si la supersymétrie était brisée par l’une de ces méthodes, ces particules auraient étédécouvertes depuis longtemps, ce qui n’est pas le cas.

Cette constatation mène à la conclusion qu’un mécanisme plus complexe doit être à l’œuvre.En réalité, toutes les solutions connues à ce problème supposent l’existence d’un secteur « ca-ché », avec des groupes de jauge et des champs complètement découplés du MSSM. Ce secteurcaché briserait la supersymétrie, puis un autre mécanisme transférerait la brisure vers le sec-

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teur visible, c.-à-d. le MSSM. Une variété de moyens peuvent servir à propager la brisure : lamédiation de jauge, la médiation par anomalies, la médiation par interactions gravitionnelles,etc. [2] Cette technique permet efficacement de se débarasser des champs scalaires légers in-désirables. Bien que ces modèles soient alors phénoménologiquement réalistes, ils présententdeux grands défauts. D’abord, le secteur caché est complètement artificiel : aucune observa-tion expérimentale ne restreint son contenu. Les modèles sont alors souvent complexes et peunaturels, dans le but de facilement ajuster la brisure de supersymétrie transférée au MSSM.Ensuite, la théorie est « dé-unifiée » : le MSSM, unifié en tant que SGUT, est séparé du secteurcaché. Il semblerait curieux de voir que les constantes de couplage du MSSM se recoupent enun seul point, mais qu’elles ne se recoupent pas avec les constantes de couplage du secteurcaché.

C’est dans ce contexte qu’est introduit le concept de « théorie supersymétrique pleinementunifiée » (FSGUT pour Fully SGUT ). Il s’agit d’une famille de modèles pour lesquels lesecteur visible et le secteur caché sont unifiés à haute énergie. Ces théories constituent ainsile thème de ce mémoire. Dans le but d’étudier la phénoménologie de tels modèles, le mémoireest restreint à une implantation particulière de ces théories. Ainsi, l’analyse se limite auxFSGUTs dont la supersymétrie est brisée par le mécanisme Intriligator-Seiberg-Shih (ISS).

Le mécanisme ISS est une technique de brisure de la supersymétrie proposée récemment (2006)par Intriligator, Seiberg et Shih [6]. Elle consiste à briser la supersymétrie en se servant de ladynamique non perturbative des théories supersymétriques. Elle exploite un vide métastable,c.-à-d. un minimum local de la théorie qui n’est pas absolu, mais qui possède une demi-viebeaucoup plus longue que l’âge de l’Univers. Ainsi, les probabilités de passer d’un « faux »minimum non supersymétrique à un vrai minimum supersymétrique par effet tunnel sontextrêmement basses et cela rend donc envisageable d’intégrer ce mécanisme dans une FSGUT.Le principal avantage de cette méthode est sans aucun doute sa simplicité. En effet, commec’est la dynamique qui brise la supersymétrie, il n’est pas nécessaire d’insérer artificiellementun potentiel complexe.

L’idée de développer une SGUT réaliste exploitant le mécanisme ISS avait été suggérée parplusieurs [2, 6, 7, 8]. Cependant, aucune tentative d’établir un modèle phénoménologique-ment viable de FSGUTs n’a été effectuée jusqu’à présent. Ainsi, le but original du projet étaitd’étudier le réalisme de tels modèles. Toutefois, après plusieurs essais infructueux, une conclu-sion malencontreuse s’est imposée : les conditions nécessaires pour que la théorie possède unminimum non supersymétrique métastable sont incompatibles avec le contenu du SM.

Ce mémoire se veut donc une preuve de l’impossibilité d’utiliser le mécanisme ISS pour bâtirune FSGUT dans un contexte général. Ce résultat permet de motiver et de conduire larecherche future dans des directions différentes, par exemple vers d’autres mécanismes debrisure de supersymétrie ou vers des moyens de contourner ce théorème no-go.

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La preuve est divisée comme suit. Le premier chapitre est un bref rappel sur la supersymétrie.Il motive plus en détails son introduction et présente le modèle standard ainsi que son ex-tension supersymétrique minimale et ses difficultés. Le second chapitre étudie les aspects desthéories de grande unification. La convergence des constantes de couplage est présentée commeprincipale justification, puis le modèle SU(5) est largement couvert. Enfin, les modèles baséssur SO(10) et E6 sont rapidement vus. Le troisième chapitre traite du mécanisme de brisurede la supersymétrie par un vide métastable. La chromodynamique quantique supersymétriquey est développée non perturbativement, ce qui mène ensuite à la dualité électrique-magnétiquede Seiberg, dans laquelle se trouve l’origine du vide métastable. Le quatrième chapitre conclutla preuve en établissant le cadre du théorème, puis en construisant des outils qui servent fi-nalement à éliminer toutes les possibilités d’une FSGUT brisant la supersymétrie à l’aide dumécanisme ISS.

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Chapitre 1

Notions préliminaires desupersymétrie

La supersymétrie est une symétrie très spéciale de certaines théories quantiques des champs.Elle consiste à associer à chaque particule une seconde dont le spin diffère par une demie. Ainsi,chaque champ du modèle standard se retrouve avec un « superpartenaire ». La supersymétriesurvient lorsque, sous l’interchange des champs avec leur superpartenaire mutuel, la physiquereste inchangée.

Le présent chapitre couvre rapidement les notions de supersymétrie nécessaires à la com-préhension de la preuve qui est au coeur de ce mémoire, mais aussi essentiels pour situer lecontexte et la pertinence d’un tel théorème. Pour y arriver, les motifs historiques et actuels del’utilisation de la supersymétrie sont d’abord brièvement présentés. Ensuite, les concepts debase de la supersymétrie sont revus pour instaurer les conventions du mémoire. Finalement,le modèle standard (SM) et son extension supersymétrique minimale sont survolés.

1.1 Motivations à la supersymétrie

La supersymétrie trouve sa pertinence dans plusieurs aspects de la théorie quantique deschamps. Cette section expose l’intérêt d’utiliser cette symétrie. Une première partie retrace unbref historique de l’introduction de la supersymétrie. La seconde se tourne vers une explicationdétaillée plus actuelle, basée sur le problème de la hiérarchie. La présentation de ce problèmeest inspirée de celle de Martin [2] et de celle de Labelle [9].

1.1.1 Motifs historiques

Historiquement, la supersymétrie fut introduite pour diverses raisons, entre autres indépen-damment par Ramond, Neveu et Gervais [10, 11, 12] en 1971 afin d’obtenir une théorie« duale » physique possédant des fermions, modèle à l’origine de la théorie des cordes. D’un

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autre côté, Golfand et Likhtman [13] (1971) sont parvenus à la supersymétrie à l’aide deconsidérations théoriques en tentant d’étendre la symétrie de Poincaré. Volkov et Akulov [14](1973) ont quant à eux produit une supersymétrie en essayant d’expliquer la masse nulle duneutrino (ce n’est qu’ultérieurement que des travaux ont montré que les neutrinos devaientavoir une masse non-nulle en raison de leur oscillation) en tant que particule de Goldstone,donc à l’origine d’une symétrie brisée. Ce n’est qu’en 1974 que Wess et Zumino [15] ont pro-posé le premier modèle simple de théorie quantique des champs supersymétrique en quatredimensions. De nos jours, la supersymétrie trouve d’abord et avant tout son intérêt dans sarésolution exceptionnellement élégante du problème de la hiérarchie. Comme il s’agit mainte-nant de sa motivation première, il vaut la peine de développer plus en détails la situation.

1.1.2 Le problème de la hiérarchie

Le problème de la hiérarchie, ou de la naturalité, prend racine dans les corrections quantiques àla masse du Higgs. Le modèle standard stipule que la matière est composée de trois générationsde cinq champs de matière, qui sont des spineurs de Weyl de spin 1

2 , tous sans termes de masse,couplés au groupe de jauge SU(3)C × SU(2)L × U(1)Y . En plus de ces champs est ajouté unscalaire complexe de spin 0, le boson de Higgs. Cette particule est un doublet sous SU(2)Lavec hypercharge Y = 1

2 , dénotée par φ =(φ1φ2

). Elle interagit avec les autres particules de

matière, ce qui leur donne une masse lorsque qu’elle acquiert une valeur moyenne dans le vide(VEV pour vacuum expectation value) non nulle. Le champ de Higgs obtient une VEV parl’intermédiaire d’interactions avec lui-même, décrite au moyen d’un potentiel renormalisable(c.-à-d. au plus d’ordre 4 en terme de dimensions), possiblement efficace, de la forme

V = −µ2φ†φ+ λh(φ†φ)2, (1.1)

avec µ2 et λh des paramètres réels et positifs, nécessaires pour qu’il soit bien défini.

Ce potentiel possède des minimums à⟨φ†φ

⟩≡ v2

2 = µ2

2λh en raison du terme quadratiquenégatif. Pour pouvoir étudier la théorie perturbativement, il faut faire une expansion autourde ces minimums. La symétrie SU(2)L permet d’écrire sans perte de généralité le champ deHiggs comme

φ(x) = U(x) 1√2

(0

v + h(x)

), (1.2)

où h(x) est le nouveau champ dynamique réel et U(x) est une matrice de transformation dejauge unitaire. Cette façon d’écrire le champ brise spontanément la symétrie SU(2)L×U(1)Yvers U(1)QED. Après avoir introduit (1.2) dans le potentiel (1.1), le champ h acquiert unemasse carrée positive m2

h = 2λhv2 ainsi qu’un couplage quartique avec lui-même donné parλh4 h

4. La découverte en 2012 du boson de Higgs au LHC [16, 17, 18] a mené à une valeurexpérimentale de 125 GeV pour sa masse et une VEV d’environ 246 GeV, pour une constante

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de couplage de λh = 0,126. Dans le SM, le Higgs est aussi couplé aux fermions en écrivantdes termes invariants de jauge tels que

Vint = λeELφeR + h.c., EL =(νL eL

)U †(x) (1.3)

pour les leptons et similairement pour les quarks. En substituant (1.2) dans cette équation,on obtient plutôt

Vint = λe√2

(v + h)(eLeR + eReL) ≡ m2e

2 ee+ λe√2hee, (1.4)

où les spineurs de Weyl gauches et droits ont été rassemblés sous un seul spineur de Dirac e.

De manière systématique, tout fermion sous forme de spineur de Weyl interagissant avec leHiggs peut s’écrire comme un spineur de Dirac massif après la brisure de symétrie électrofaible(excepté le neutrino, qui reste sans masse et qui n’interagit pas avec h). Ainsi, les corrections aupremier ordre à la masse du Higgs par des fermions peuvent être traitées en toute généralité enconsidérant seulement des interactions avec des fermions de Dirac. Le diagramme de Feynmanassocié à cette correction est présenté à la figure 1.1a pour un fermion de Dirac f quelconque.

h h

f

f

p+ k

p

(a) Correction quantique par un fermion de Dirac f .

h h

s

k

(b) Correction quantique par un scalaire s.

Figure 1.1 – Corrections quantiques à une boucle à la masse du Higgs par un fermion de Diracf (à gauche) et par un champ scalaire s (à droite).

Si le fermion possède une masse mf et que λf est la constante de couplage entre lui et leHiggs, alors la correction s’exprime comme

δf m2h = −

iλ2f

2

∞∫−∞

d4k

(2π)4tr(/k + /p+mf )(/k +mf )(

(k + p)2 −m2f

) (k2 −m2

f

) = −λ2f

16π2 (Λ2 + · · · ). (1.5)

Les points de suspension contiennent ici les autres contributions à la correction, négligeablesdevant la constante Λ, qui est une échelle d’énergie « seuil » (cutoff ) tendant techniquementvers l’infini. Elle est introduite afin de paramétriser la grave divergence quadratique de l’in-tégrale considérée. Physiquement, elle peut toutefois s’interpréter comme l’échelle d’énergie àpartir de laquelle une nouvelle dynamique apparait et le SM n’est plus une bonne approxima-tion. De ce point de vue, elle indique que le SM n’est pas complet et nécessite une extension.

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Par exemple, en supposant qu’il ne manque que la gravité à incorporer au SM, alors Λ de-vrait être de l’ordre de la masse de Planck mP ≈ 1019 GeV, énergie à laquelle les effets degravité quantique deviennent non négligeables. Cela impliquerait que la première correctionquantique à la masse carrée du Higgs est environ 30 ordres de grandeur de plus que la valeurobservée !

Dans cette situation, pour obtenir la masse expérimentale du Higgs, il serait nécessaire d’avoir

m2h − δf m2

h ' 1252 GeV2. (1.6)

Cependant, pour que ce résultat se produise, il faudrait que les 30 premiers chiffres significatifsdu paramètre de masse m2

h (bare mass) soient identiques à ceux de la correction δf m2h. Il est

difficilement imaginable que cette incroyable annulation survienne de manière accidentelle.En réalité, le problème est encore pire. Il n’est même pas suffisant que le paramètre de massecompense cette correction : il doit contre-balancer les corrections à tous les ordres, ainsi quepour tous les autres fermions de la théorie auquel le Higgs est couplé. L’intuition porte àcroire que cela n’est tout simplement pas « naturel », d’où la dénomination alternative duproblème de la naturalité.

Même en considérant qu’un nouveau secteur est ajouté au SM à une échelle plus basse, leproblème reste entier. Par exemple, la plupart des théories de grande unification supposent quel’échelle d’énergie à laquelle la nouvelle physique apparait se situe aux alentours de 1016 GeV,dépassant encore largement le paramètre de masse du Higgs. Pour obtenir une masse nonprécisément ajustée, il semble légitime de demander que les corrections quantiques soient pluspetites que la masse du Higgs elle-même. Dans ce cas, l’échelle d’énergie seuil devrait se situerentre 103 et 104 GeV. Toutefois, le LHC sonde déjà cet intervalle et n’a trouvé aucun indicene laissant croire à l’émergence de phénomènes inédits.

La masse du boson de Higgs reçoit aussi des corrections par son interaction avec lui-même.Bien que le SM ne contient pas d’autres champs scalaires que le Higgs, le cas général d’uneinteraction avec un champ scalaire s quelconque sera utile. Le diagramme de Feynman pourune interaction de type λs

4 h2s2 est présenté à la figure 1.1b. La correction est alors donnée

par

δsm2h = i

2−iλs

4

∞∫−∞

d4k

(2π)4i

(k2 −m2s)

= λs4 · 16π2 (Λ2 +m2

s lnΛms

+ · · · ). (1.7)

Cette correction possède elle aussi une divergence quadratique en l’énergie seuil Λ, mais elleest de signe opposé à la correction fermionique à la masse du Higgs (1.5). Cela donne doncespoir de pouvoir compenser suffisamment les corrections dues aux fermions pour stabiliserl’échelle électrofaible. Toutefois, le SM n’offre pas de champs scalaires qui pourraient offrir cetype de solution au problème de la hiérarchie autre que le Higgs lui-même.

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En postulant qu’il existe des champs scalaires inobservés pour l’instant en raison de leurgrande masse ms, il y aurait la possibilité que les corrections s’annulent, rendant la valeurde la VEV du Higgs mesurée plus plausible. Pour y arriver, il faut néanmoins que toutesles corrections quantiques s’annulent encore à un haut niveau de précision, et ce, à tous lesordres. Même en supposant que cela se produise, le problème des grandes corrections persiste.En effet, le second terme de la correction (1.7) est proportionnel à m2

s ln Λms

. Le logarithmecontient fortement la divergence en Λ : même pour une échelle seuil de l’ordre de la masse dePlanck, la correction sera au plus de l’ordre de O

(10m2

s

). Par conséquent, non seulement la

masse du Higgs reçoit des corrections divergentes provenant de tous les champs auxquels il secouple, mais en plus, il est sensible à la masse des champs les plus massifs de la théorie auxquelsil est couplé. Des champs inobservés très massifs auraient une grande influence sur l’échelleélectrofaible et rendraient inexplicables sa petitesse par rapport à l’échelle gravitationnelle.

Pour limiter ces effets indésirables, il serait tentant de considérer une extension au SM noncouplée au champ de Higgs. Déjà difficile à justifier mathématiquement, cette supposition estvouée à l’échec. Pour être détectable et avoir un réel effet dans l’Univers, ce nouveau secteurdevrait être relié aux champs du SM par des interactions jaugées. Dans ce cas, les nouveauxchamps seraient couplés seulement indirectement au Higgs, par des corrections quantiquesà 2 boucles et plus. Cependant, ces corrections sont encore divergentes quadratiquement etlogarithmiquement, ce qui ne fait qu’épaissir le problème de la hiérarchie.

Visiblement, la seule solution qui semble viable est que toutes les corrections quadratiquesdes fermions s’annulent par le biais de corrections attribuables à des champs scalaires. Unetelle corrélation entre les termes de correction semble malgré tout grandement improbable sielle est pour survenir accidentellement. Cependant, il est connu de la théorie quantique deschamps que des symétries entre les champs permettent de telles annulations et « protègent »certains paramètres des corrections quantiques. En conséquence, s’il existait une symétrieentre fermions et scalaires, telle que pour chaque correction fermionique avec constante λf , ilen existe une équivalente de signe opposé avec

λs4 = λ2

f (1.8)

due à un scalaire, alors les divergences quadratiques s’annuleraient parfaitement.

Cette symétrie entre fermions et bosons est appelée « supersymétrie ». En fait, lors de l’intro-duction de cette symétrie, l’exacte opposition entre les différentes corrections quadratiquementdivergentes survient de manière inévitable, et ce, à tous les ordres et pour tous les champs. Ils’agit alors d’une manière inattendue, mais très attrayante, de justifier et de stabiliser l’échelled’énergie si basse de l’interaction électrofaible.

La supersymétrie propose un formalisme très puissant, esthétique et prédictif dans le cadre dela physique des particules. En particulier, elle stipule que chaque champ connu du SM possède

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un superpartenaire et permet l’insertion de la gravité quantique assez naturellement. Pour cesraisons, elle est considérée par plusieurs comme très prometteuse en tant qu’extension logiquedu SM. Toutefois, comme la supersymétrie n’est pas observée, si la nature est telle, il doit yavoir un mécanisme qui la brise, qui la fait disparaitre à partir d’une certaine échelle d’énergieplus haute que celle présentement investiguée par les grandes expériences. Effectivement, lacorrection logarithmique dans (1.7) met de grandes contraintes sur cette échelle. La massedes champs introduits par la supersymétrie, proportionnelle à l’échelle d’énergie de brisurede la supersymétrie, ne peut être trop grande par rapport à la masse du Higgs, auquel casla supersymétrie ne serait plus suffisante pour régler le problème de la naturalité. Selon laprécédente analyse, cette masse ne devrait pas excéder les 10 TeV.

Bien que dans ce contexte le LHC semble mettre à mal la supersymétrie, elle reste encore l’unedes meilleures options pour expliquer la physique au-delà du SM. Même si la supersymétrie nerésout pas le problème de la hiérarchie, sa richesse et sa beauté la place parmi les théories lesplus convaincantes et cohérentes de la physique moderne. Il est ainsi encore bien d’actualitéd’étudier la supersymétrie et ses implications.

1.2 Notions de supersymétrie

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est nécessaire d’introduire les concepts de base sur les-quels ce mémoire s’appuie. Cette section traite donc très brièvement de la supersymétrie etmet en place la notation utilisée. L’algèbre de la supersymétrie est revue, les concepts de su-perespace et de superchamps sont introduits, les lagrangiens supersymétriques sont construitsdans ce contexte et finalement, certaines conséquences de la supersymétrie sont abordées. Lesconventions choisies dans le texte suivent celles de Labelle [9]. Il est à noter que certains signeset facteurs varient par rapport à la convention assez répandue de Wess et Bagger [19].

1.2.1 L’algèbre supersymétrique

La supersymétrie est une symétrie spéciale des théories de champs quantiques. Elle consisteà ajouter un champ bosonique pour chaque champ fermionique, et inversement, à chaqueboson est joint un fermion. Les nouveaux champs bosoniques prennent les mêmes noms queleurs contreparties fermioniques, auxquels sont ajoutés un préfixe « s- » signifiant « scalaire ».De manière similaire, les nouveaux fermions sont baptisés en ajoutant le suffixe « -ino » auxnoms des champs bosoniques. Les champs de chacune des paires sont interreliés par unetransformation de symétrie spinorielle. Ainsi, les générateurs de ladite transformation sontdes spineurs de Weyl grassmanniens complexes, appelés supercharges et identifiés par Q etQ, de chiralité gauche et droite respectivement. Ces générateurs s’insèrent dans l’algèbre dePoincaré pour générer le groupe de super-Poincaré avec les relations d’anticommutation et de

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commutation suivantes (les absentes impliquant Pµ étant nulles) :{Qα, Qβ

}= 0 &

{Qα, Qβ

}= 0,{

Qα, Qα}

= 2σµααPµ, (1.9)[Qα,Mµν

]= (σµν) β

α Qβ &[Qα,Mµν

]= (σµν)ααQ

α,

avec σµ = (1, σi) et σµ = (1,−σi) les matrices de Pauli étendues et

σµν = i

4 (σµσν − σνσµ) & σµν = i

4 (σµσν − σνσµ) .

Le caractère fermionique des supercharges leur permet ainsi de contourner le théorème no-gode Coleman-Mandula [20], qui stipule qu’il n’existe aucune extension « bosonique » à l’algèbrede Poincaré, c.-à-d. qu’aucun générateur n’ayant pas un commutateur nul avec les générateursde Poincaré ne peut être ajouté.

Les relations (1.9) définissant l’algèbre de super-Poincaré ne constituent pas la seule exten-sion possible à l’algèbre de Poincaré. En effet, Haag, Lopuszanski et Sohnius [21] ont montréen 1975 qu’il était possible de créer de nouvelles configurations en incluant N superchargesdifférentes. Ces extensions proposent des prédictions riches par l’ajout de supersymétriessupplémentaires qui imposent des contraintes rendant la théorie plus facile à résoudre ana-lytiquement. Toutefois, seule la supersymétrie N = 1 est intéressante du point de vue phé-noménologique. La principale raison est que, pour N ≥ 2, la théorie devient non chirale :les représentations des fermions sont strictement réelles, ce qui prévient la distinction entrespineurs de Weyl gauches et droits, nécessaire pour reproduire le SM. De plus, pour N > 4,la théorie admet des états sans masse de spin supérieur à 2, ce qui pose un problème puis-qu’il n’existe pas de lagrangien permettant de décrire de façon cohérente ces champs. C’estpourquoi, dans le contexte d’une grande unification du SM, le présent mémoire n’étudie quele cas de la supersymétrie N = 1.

1.2.2 Le superchamp chiral gauche

L’extension fermionique de l’algèbre de Poincaré mène naturellement à une extension del’espace-temps, elle aussi fermionique. Ce nouveau « superespace » joint deux spineurs de Weyl(à 2 composantes) complexes θα et θα aux coordonnées de l’espace-temps xµ, où α, α = 1, 2sont des indices spinoriels. Un point dans le superespace est alors noté z = (xµ, θ, θ). Lescoordonnées θ et θ, comme les supercharges, sont des variables grassmanniennes et satisfontθ1θ1 = θ2θ2 = θ

1 = θ2θ

2 = 0 (ici 1 et 2 sont des indices). De plus, il est défini queθα ≡ εαβθβ, avec εαβ le tenseur complètement antisymétrique, de même que θα ≡ εαβθβ.Cela permet d’écrire le raccourci θ2 ≡ θαθα = εαβθβθα = 2θ2θ1, et similairement pour θ,θ

2 ≡ θαθα = 2θ1

θ2 = 2θ1θ2.

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Par conséquent, toute fonction scalaire de z peut être développée en série de Taylor finieautour de θ = 0 et θ = 0, telle que

S(z) = φ+ θχ+ θξ + θ2M + θ2N + θσµθVµ + θ2θλ+ θ

2θρ+ θ2θ

2D, (1.10)

où la dépendance en x est sous-entendue dans tous les termes et les différents facteurs nu-mériques provenant de l’expansion ont été omis par souci de clarté. Les composantes χ et ξainsi que ρ et λ sont des spineurs de Weyl grassmanniens de chiralité opposée, contractés demanière appropriée pour former des scalaires.

Il est utile d’énoncer les règles du calcul différentiel et intégral pour θ et θ. La dérivation esten tout point similaire au calcul standard (en prenant en compte le caractère grassmanniendes dérivées) :

∂θαθβ ≡ δβα & ∂

∂θαθ2 = 2θα. (1.11)

Les définitions sont analogues pour θ. D’un autre côté, le calcul intégral est lui complètementdifférent. En effet, il est plutôt identique au calcul différentiel :∫

dθα θβ = δαβ &∫

dθα = 0. (1.12)

Pour intégrer sur les deux composantes de θ, l’élément d’intégration infinitésimal est notéd2θ ≡ dθ1dθ2, ce qui permet d’écrire les relations simples∫

d2θ =∫

d2θ θα = 0 &∫

d2θ θ2 = 2. (1.13)

Pour obtenir une expression similaire pour θ, l’élément d’intégration est défini alternativementd2θ = dθ2dθ1. Il est alors aisé de vérifier que toutes ces relations tiennent encore lorsque θest remplacé par θ.

Bien que le concept de superespace ne soit pas nécessaire à la construction d’une théoriesupersymétrique, son utilisation rend le formalisme très élégant et beaucoup moins lourd àtraiter même s’il peut sembler quelque peu artificiel. Pour alléger la preuve, il est plus pratiqued’adopter cet outil.

Dans le superespace, les champs dépendent de z et prennent donc la forme (1.10). De telschamps sont alors appelés des « superchamps ». Ainsi, un seul superchamp possède beaucoupplus de degrés de liberté qu’un seul champ dans l’espace-temps standard. Plus précisément,S serait équivalent à quatre champs scalaires (φ, M , N , D), quatre fermions de Weyl (χ, ξ,ρ, λ) et un champ vectoriel (Vµ). En réalité, l’expression (1.10) correspond cependant à unereprésentation réductible de l’algèbre de super-Poincaré. Des représentations irréductibles pluspetites et plus pratiques pour bâtir des modèles viables peuvent être obtenues en imposantdes contraintes sur S(z). Par exemple, en définissant les opérateurs différentiels

Dα ≡∂

∂θα− i

2σµααθ

α∂µ & Dα ≡

∂θα −

i

2θασµαα∂µ, (1.14)

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il est alors possible de définir des champs C dits « chiraux » par

LC : DαC(z) = 0 =⇒ C(y, θ) = φ(y) + θχ(y) + θ2

2 F (y), (1.15)

RC : DαC(z) = 0 =⇒ C(y, θ) = φ(y) + θχ(y) + θ2

2 F (y) (1.16)

avec yµ = xµ − i2θσ

µθ et yµ son conjugué complexe. Ici les abbréviations LC et RC signifientleft chiral et right chiral. Ils font référence à la présence d’une seule composante spinoriellede chiralité gauche ou droite dans le développement du superchamp C. D’ailleurs, commela conjugaison hermitienne intervertit la chiralité d’un superchamp chiral, il n’est nécessaireque de considérer le cas LC dans l’analyse à venir. Le développement d’un champ LC C(y, θ)autour de yµ = xµ mène à la série finie

C = φ(x)− i

2θσµθ∂µφ(x)− 1

16θ2θ

2∂2φ(x) + θχ(x)− i

2θσµθθ∂µχ(x) + θ2

2 F (x). (1.17)

Cette expansion est utile pour écrire des termes cinétiques dans le lagrangien.

Le superchamp chiral est l’extension supersymétrique naturelle aux fermions de Weyl du SM.Par conséquent, tout fermion de Weyl gauche (resp. droit) est promu au rang de superchampchiral gauche (droit). Le fermion en question est donc associé à un superpartenaire scalairecomplexe φ. De même, un champ scalaire dans l’espace-temps standard est élevé au titre desuperchamp dans le superespace et son superpartenaire est le champ χ. Le superchamp LCest pourvu en plus d’un champ scalaire complexe F . Toutefois, ce champ, dit « auxiliaire »,ne possède pas de degrés de liberté physiques. Ce groupe de trois champs forme un « super-multiplet ». L’ensemble de ces constituants est essentiel pour que l’algèbre de super-Poincaréferme sans employer les équations du mouvement, contexte où le champ auxiliaire F trouveson utilité.

Cette identification permet en plus de donner une dimension (en unité unique d’énergiepuisque c = ~ = 1) aux coordonnées θ et θ. En effet, il est connu de la théorie quantiquedes champs standard que le champ scalaire φ doit être de dimension 1, ce qui implique S estde dimension 1 aussi. D’un autre côté, les spineurs sont connus pour avoir une dimension de32 . Cela implique directement que θ et θ sont de dimension −1

2 et que F est de dimension 2.De plus, les règles d’intégration (1.13) indiquent que les éléments infinitésimaux dθα et dθα

doivent être de dimension 12 .

Les lagrangiens supersymétriques s’écrivent aisément en termes de superchamp par rapportà la notation utilisant les champs standards seulement, ce qui est sans doute le principalavantage du formalisme du superespace. Le superespace ajoutant de nouveaux paramètres àl’espace, soit θ et θ, l’action doit être modifiée de telle sorte que ces coordonnées soient ellesaussi intégrées. Les lagrangiens sont ainsi séparés en deux parties, l’une appelée le « potentielde Kähler », contenant entre autres les termes cinétiques, l’autre nommée « superpotentiel »,généralisation évidente du potentiel habituel introduisant les interactions.

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Le potentiel de Kähler est caractérisé par sa non-holomorphie1 en θ. Pour cette raison, lelagrangien doit être intégré sur θ et θ. Cette opération est appelée « extraction du termeD » (D-term), puisque seule la partie équivalente au champ D proportionnelle à θ2θ

2 dans(1.10) est conservée (à un facteur 1

4 près), conformément aux règles d’intégration (1.13). Ilest intéressant de noter que le terme D de n’importe quelle fonction de superchamps consti-tue toujours une densité lagrangienne supersymétrique parce qu’elle transforme comme unedérivée totale sous une transformation supersymétrique. Le potentiel de Kähler le plus simplequ’il est possible d’écrire à l’aide de superchamps LC est de la forme K(C,C†) = C†C. Lelagrangien ayant un tel potentiel de Kähler s’exprime donc comme

L ⊃∫

d2θd2θ C†C ≡ C†C∣∣∣D

= ∂µφ†∂µφ+ iχσµ∂µχ+ F †F, (1.18)

où la notation∣∣Dindique de mettre à zéro tous les termes ne correspondant pas au terme D de

C†C, c.-à-d. qui ne sont pas proportionnels à θ2θ2. Le développement du terme D de C†C est

facile à obtenir à partir de l’expansion (1.17). Il correspond exactement aux termes cinétiqueshabituels des champs standards du supermultiplet. Une analyse dimensionnelle basée sur lesconsidérations précédentes montre que la dimension de ce lagrangien est de 4, comme il sedoit. Ainsi, la fonction C†C est l’unique potentiel de Kähler qu’il est possible de considérerdans une théorie renormalisable (c.-à-d. dont les constantes de couplage sont de dimensionspositives). Cela signifie que dans une théorie efficace2, seul ce potentiel de Kähler survit.

Le superpotentiel, de manière opposée au potentiel de Kähler, est une fonction holomorphequelconque des superchamps LC. Dans ce cas, il n’est nécessaire que d’intégrer sur θ (ou sur θsi l’on considère plutôt des superchamps RC). Cette partie du lagrangien prend donc la forme

L ⊃∫

d2θ W(C) ≡W(C)∣∣∣F, (1.19)

De façon analogue au potentiel de Kähler, cette opération est référée en tant qu’« extractiondu terme F » (F -term) puisqu’après l’intégration, il ne subsiste que la partie proportionnelleen θ2

2 de W. La notation∣∣Findique ainsi de ne conserver que les termes proportionnels à θ2

(ou θ2 dans le cas de superchamps RC). En particulier, cela implique que

W(C(y, θ)

)∣∣∣F

= W(C(y = x, θ)

)∣∣∣F. (1.20)

Le terme F du superpotentiel constitue toujours une densité lagrangienne supersymétrique.Cela peut facilement se voir en notant que tout produit ou addition de superchamps LCest aussi un superchamp LC et en sachant que le terme F d’un superchamp LC transformecomme une dérivée totale sous une transformation supersymétrique. Le superpotentiel étantune fonction holomorphe de superchamps LC, il est par conséquent lui-même un superchamp

1Bien que le terme « holomorphie » ne soit pas encore complètement reconnu par toute la communautéfrancophone comme un mot à part entière, il est ici employé afin d’être fidèle à l’expression anglaise holomorphy.En ce sens, il désigne l’ensemble des propriétés que possèdent les fonctions holomorphes.

2La terminologie « théorie efficace » est ici employée en tant que traduction de l’anglais de effective theory.

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LC et le résultat tient. Il est possible de comprendre ce résultat différemment en observantque la propriété d’holomorphie permet d’écrire

W(C)∣∣∣F

=∫

d2θ W(C) =∫

d2θd2θ W(C)θ2

2 = W(C)θ2

2

∣∣∣∣∣D

. (1.21)

Cela établit clairement le lien entre les deux façons d’écrire des lagrangiens supersymétriques.Il est pertinent de noter que selon ces équations, la dimension d’un superpotentiel doit toujoursêtre de 3. Ainsi, en imposant les contraintes de renormalisabilité du lagrangien, il est facile detrouver le superpotentiel le plus général contenant n superchamps LC. Il suffit d’écrire la listecomplète de produits (invariants de jauge pour des superchamps chargés) de superchamps LCdont la dimension ne dépasse pas 3 :

W(C1, . . . ,Cn) = mij

2 CiCj + yijk6 CiCjCk.

3 (1.22)

De plus, pour s’assurer que le lagrangien est en tout temps purement réel, le conjugué her-mitien du superpotentiel est toujours additionné. L’une des conséquences très importantes dela supersymétrie est que les champs faisant partie du même supermultiplet doivent avoir lamême masse. La forme du superpotentiel (1.22) illustre bien le phénomène. Cela a de grandsimpacts dans l’élaboration de modèles réalistes, car aucune paire de champs fermion/bosonde même masse n’a été observée pour l’instant. Il faut donc que la supersymétrie soit briséepar un moyen quelconque. D’un autre côté, le formalisme de superchamp montre clairementque les constantes d’interactions entre les fermions et les bosons sont intimement reliées, detelle manière que la condition (1.8) est toujours respectée et que les divergences quadratiquess’annulent. Il est donc important que la brisure de supersymétrie employée n’élimine pas cetterelation tant désirée.

1.2.3 Le superchamp vectoriel

Le superchamp LC permet d’introduire les scalaires et les fermions dans la théorie, mais pasles interactions de jauge et leurs champs de jauge vectoriels associés. La contrainte à appliquersur le superscalaire (1.10) pour extraire la partie vectorielle peut être dérivée en considérantune transformation de jauge sur un superchamp LC C telle que

C(y, θ)→ e2igA(y,θ)C(y, θ) (1.23)

où A(y, θ) est un scalaire LC et correspond au paramètre de transformation de jauge. Cechoix est fait pour que le superchamp transformé soit encore un superchamp LC. Après unetransformation, le potentiel de Kähler est modifié en

C†C → C†e−2igA†e2igAC. (1.24)

3Des termes linéaires tels `iCi pourraient être introduits, mais ne modifient pas la dynamique, puisqu’ilsn’ajoutent pas d’interactions. De plus, les termes constants ne contribuent pas à l’action, car extraire leurstermes F les fait disparaitre.

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Un superchamp scalaire V dans la représentation adjointe du groupe de jauge est alors intro-duit pour préserver l’invariance. La notation matricielle V = VaT a, avec T a les générateurs dugroupe de jauge dans la représentation du superchamp C, est sous-entendue pour simplifierl’analyse. Le potentiel de Kähler est remplacé par

C†e2gVC (1.25)

et la loi de transformation de V est définie par

e2gV → e2igA†e2gVe−2igA . (1.26)

Pour que le nouveau potentiel de Kähler (1.25) soit invariant de jauge, il faut en plus imposerune condition de réalité, soit

V†(z) = V(z). (1.27)

Ce superchamp prenant la place d’un boson de jauge, il est possible de choisir une jauge, ditede Wess-Zumino, qui permet d’éliminer certaines composantes de plus pour ne laisser que

V(z) = 12θσ

µθAµ(x) + 12√

2(θ2θλ(x) + θ

2θλ(x))− 1

8θ2θ

2D(x). (1.28)

Ainsi, à chaque vecteur de jauge d’une théorie est associé un superpartenaire fermionique,soit un spineur de Weyl λ appelé « gaugino ». En outre, ce supermultiplet comporte lui aussiun champ auxiliaire D, un scalaire réel, dont le rôle est similaire au champ F . De manièreanalogue au « champ de force » Fµν associé à un champ de jauge Aµ, il est possible de définirun champ de force Fα associé à ce champ vectoriel V par

Fα ≡ D2e−2gVDαe

2gV =⇒ F(y, θ) =√

2λ−Dθ − Fµνσµνθ + i√2θ2σµ∂µλ. (1.29)

Il est intéressant de noter que ce superchamp est un superchamp LC puisqu’il satisfait tri-vialement la condition DαFα = 0. Cependant, le superchamp C de (1.15) est un scalaire dupoint de vue de l’algèbre de super-Poincaré tandis que Fα est un spineur de Weyl.

Le potentiel de Kähler modifié (1.25) introduit les interactions de jauge habituelles dans lelagrangien par rapport au potentiel de Kähler libre (1.18) :

L ⊃ C†e2gVC∣∣∣D

= |Dµφ|2 + iχσµDµχ+ F †F − gφ†T aφDa − (√

2gλaχT aφ† + h.c.), (1.30)

avec les indices de jauge proprement contractés de manière à former des invariants. La partiecinétique du lagrangien pour V s’obtient facilement à l’aide de F. Comme F est un super-champ LC, toute fonction de F est aussi LC, ce qui implique que le terme F de cette fonctionfournit une densité lagrangienne valide. Il est facile de se convaincre que le seul invariantrenormalisable qu’il est possible d’écrire est de la forme

L ⊃∫

d2θ14F

aαFaα ≡

14F

2∣∣∣F

= 12D

2 + iλσµ∂µλ−14FµνF

µν , (1.31)

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où sont reconnus les termes cinétiques standards pour un spineur et un vecteur. Il est ànoter que cette quantité est réelle ; il est donc inutile de lui ajouter son conjugé hermitien.Finalement, il reste un dernier terme qui peut contribuer au lagrangien supersymétrique.Il s’agit du terme D du superchamp V, couramment appelé terme de Fayet-Illiopoulos, quis’écrit simplement

L ⊃ ξV∣∣∣D

= −ξ2D, (1.32)

avec ξ un paramètre réel. Évidemment, tous les termes décrits ci-dessus ne peuvent prendreplace dans le lagrangien que s’ils respectent les symétries de jauge. En particulier, le termede Fayet-Illiopoulos ne peut s’écrire que si le superchamp V n’est chargé que sous un groupeabélien U(1), sans quoi il brise explicitement la symétrie.

1.2.4 Considérations en supersymétrie

Cette courte section discute de deux aspects de la supersymétrie. Les mécanismes de brisurespontanée de supersymétrie et les théorèmes de non-renormalisation y sont abordés.

La supersymétrie n’est pas observée dans notre monde. Par conséquent, elle doit être briséespontanément. En particulier, si la supersymétrie est brisée, les supercharges Q et Q n’annihilepas le vide :

Q |0〉 6= 0 & Q |0〉 6= 0. (1.33)

Selon l’algèbre de superPoincaré (1.9), l’hamiltonien H = P0 est relié aux supercharges parla trace de leur anticommutateur. Cela implique que la supersymétrie est présente si la VEVde l’hamiltonien de la théorie est nulle, mais qu’elle est brisée pour

〈H〉 = 14⟨tr{Qα, Qα

}⟩> 0. (1.34)

Si l’invariance de Lorentz est préservée, alors cela se réduit à 〈V 〉 > 0, où V est le potentielscalaire de la théorie. Ce dernier est obtenu à partir des champs auxiliaires et est donné par

V =∑C

F †CFC +∑V

12D

2V, (1.35)

où les sommes s’étendent sur tous les superchamps chiraux C et vecteurs V de la théorie, avecFC les terme F de C et DV le terme D de V. Les superchamps auxiliaires sont éliminés parles équations du mouvement et s’écrivent alors

F †C = − ∂W∂φC

& DaV = g

∑C

φ†CTaφC, (1.36)

avec W le superpotentiel et T a les générateurs du groupe de jauge (pour lequel V médie lesinteractions) dans la représentation de C, avec constante de couplage g.

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Il est facile de constater que la supersymétrie est intacte s’il existe une configuration de champspour laquelle le potentiel est nul. La contrainte sur l’existence de la supersymétrie est doncque les termes F et D sont tous nuls au même point. Cette condition est appelée « conditiond’annulation du terme F (ou D) » (F -flatness condition et D-flatness condition).

À l’inverse, si la condition d’annulation du terme F ne peut être satisfaite, la supersymétrie estbrisée spontanément. Ce type de brisure de symétrie est appelé mécanisme de O’Raifeartaigh[5]. Il est possible de briser spontanément la supersymétrie aussi lorsqu’aucune configura-tion de champs ne permet l’annulation du terme D. Toutefois, cela demande que D ne soitpas chargé sous une symétrie de jauge non abélienne (sans quoi il la briserait) et nécessitel’inclusion d’un terme du type (1.32). Cette méthode est référée en tant que mécanisme deFayet-Iliopoulos [3, 4].

Avant d’étudier le modèle standard et son extension supersymétrique, il convient de discuterdes théorèmes de non-renormalisation, qui font la grande puissance de la supersymétrie. Eneffet, la supersymétrie offre un ensemble puissant d’outils qui permettent de contrôler lescorrections quantiques. C’est d’ailleurs pour contrer les divergences quadratiques à la massedu Higgs (voir section 1.1.2) qu’elle est introduite. Il existe plusieurs théorèmes, dits de « non-renormalisation », qui prouvent spécifiquement que certains paramètres de la théorie n’ontpas de corrections, ou que ces corrections sont finies et exactement calculables.

En particulier, Grisaru, Siegel et Roček ([22] et plusieurs de leurs travaux subséquents) ontmontré à l’aide de la méthode des supergraphes que le superpotentiel ne reçoit aucune cor-rection jusqu’à trois boucles. Plus tard, Seiberg [23] a démontré grâce à l’holomorphie que lerésultat était valide à tous les ordres perturbativement, mais que des considérations non per-turbatives peuvent nécessiter l’inclusion d’autres termes [24]. Ces corrections seront abordéesà la section 3.2. Ainsi, le problème de la hiérarchie est bel et bien réglé grâce à la supersymé-trie (en autant que la masse des superpartenaires ne soit pas trop élevée). D’autres théorèmesintéressants ont été obtenus par Novikov, Shifman, Vainshtein et Zakharov [25, 26, 27, 28, 29]qui ont démontré à l’aide du calcul d’un instanton que les constantes de couplage et le termeD étaient renormalisés à une boucle uniquement (l’instanton prenant en compte les correc-tions radiatives), et que seul Z, le facteur de renormalisation de la fonction d’onde, reçoit descorrections à tous les ordres.

Ayant maintenant en main tous les éléments nécessaires à la construction de théories super-symétriques complètes, le modèle standard supersymétrique peut enfin être investigué.

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1.3 Le modèle standard et son extension supersymétrique

Le modèle standard de la physique est la théorie centrale à laquelle toute extension doit seramener dans la limite des basses énergies. Pour cette raison, le cadre du modèle standard estrapidement vu, puis le modèle standard supersymétrique minimal est présenté.

1.3.1 Le modèle standard de la physique

Le modèle standard suppose l’existence de cinq champs fermioniques, des spineurs de Weylà deux composantes : QL et EL de chiralité gauche et uR, dR et eR de chiralité droite. Ceschamps existent en trois différentes versions, appelées « générations » ou « familles ». Ils sontsoumis à une interaction jaugée régie par le produit de groupes SU(3)C × SU(2)L × U(1)Y .Seuls les quarks QL, uR et dr sont sensibles à la force de couleur SU(3)C médiée par les huitvecteurs de jauge Gaµ, alors que seuls les champs de chiralité gauche QL et EL interagissentvia la force gauche (left) SU(2)L (alias isospin faible) sous l’influence des trois bosons W a

µ .Tous ces champs possèdent une hypercharge y différente sous le groupe U(1)Y , force propagéepar l’unique boson de jauge Bµ. Les champs EL et eR sont rassemblés sous la dénominationde leptons. La théorie stipule aussi l’existence d’un champ scalaire complexe, le boson deHiggs, uniquement chargé sous SU(2)L × U(1)Y . Toutes ces spécifications sont réunies dansle tableau 1.1.

Tableau 1.1 – Les champs fondamentaux du modèle standard de la physique. Les cinq champsfermioniques viennent en trois générations (ou familles). La chiralité de chaque champ est déno-tée par un indice L ou R. Le champ φ est un scalaire qui correspond au champ de Higgs. Lesreprésentations sous le groupe de Lorentz SO(1,3) sont données par leur spin alors que sous lesgroupes de jauges SU(3)C et SU(2)L, elles sont données par leur dimension. Pour le groupe U(1),elle correspond à leur hypercharge respective. Les trois derniers champs sont les champs de jauge,dans la représentation adjointe de chaque groupe.

Champ Groupes de symétrieSO(1,3) SU(3)C SU(2)L U(1)Y

QL (12 ,0) 3 2 1

6

uR (0, 12) 3 1 2

3

dR (0, 12) 3 1 −1

3

EL (12 ,0) 1 2 −1

2

eR (0, 12) 1 1 −1

φ (0,0) 1 2 12

Bµ (12 ,

12) 1 1 0

Wµ (12 ,

12) 1 3 0

Gµ (12 ,

12) 8 1 0

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Le lagrangien complet du modèle standard prend la forme compacte suivante :

L = −14(F aI µν

)2+ ΨiA

i /DΨiA + (Dµφ)†Dµφ

−(λije E

iLφe

jR + λijd Q

iLφd

jR + λiju φ

†QiLujR + h.c.

)+ µ2φ†φ− λh

(φ†φ

)2, (1.37)

où I ∈ {SU(3)C , SU(2)L, U(1)Y } passe sur tous les groupes de jauge du SM et i , j = 1, 2, 3sont des indices sur les générations. ΨA correspond à l’un des cinq champs fermioniques duSM du tableau 1.1, A étant un indice les parcourant. La première rangée de (1.37) contientles termes cinétiques, qui incluent les interactions de jauge par la dérivée covariante Dµ et lechamp de force F aI µν , définis par

Dµ ≡ ∂µ −∑I

igI(AaIµT

aI

), F aI µν ≡ DµA

aIν −DνA

aIµ, (1.38)

où le vecteur de jauge AaIµ est l’un des trois bosons Bµ, W aµ et Gaµ. Pour les spineurs de Weyl,

la notation de Feynman sur la dérivée /D signifie σµDµ si ΨA est de chiralité gauche, tandisqu’elle signifie σµDµ si ΨA est de chiralité droite.

La seconde rangée décrit toutes les autres interactions possibles par des termes renormalisablesinvariants. Il est à noter que le terme d’interaction entre les quarks QL et le champ de Higgs φ†

sous-entend que la contraction entre les deux doublets contient un facteur de Levi-Civita εαβapproprié pour former un invariant sous SU(2)L. Lorsque les paramètres µ2 et λh sont positifs,le champ de Higgs φ acquiert une VEV non-nulle qui brise la symétrie SU(2)L × U(1)Y versU(1)QED, tel que discuté à la section 1.1.2. Par le mécanisme de Higgs bien connu, cette VEVdonne une masse aux champs auxquels se couplent le Higgs, soient tous les fermions exceptésles neutrinos, ainsi qu’à trois combinaisons linéaires, formées des bosons de jauge Bµ et W a

µ ,pour engendrer les vecteurs massifs Z0

µ et W±µ . La symétrie qui subsiste prévient le vecteurrestant, le photon Aµ, d’acquérir une masse. Trois des quatre composantes indépendantes duboson de Higgs correspondent aux bosons de Goldstone sans masse qui surviennent toujoursen cas de brisure de symétrie. Ces derniers sont alors « mangés » par les bosons massifs Z0

et W± pour leur fournir un troisième état de polarisation longitudinale.

1.3.2 Le modèle standard supersymétrique minimal (MSSM)

Plusieurs tentatives d’étendre la supersymétrie au modèle standard ont été réalisées au coursdu temps. Les premières s’efforçaient de réunir les champs déjà connus du SM en supermul-tiplets. Par exemple, Fayet en 1975 [4] proposait une théorie de l’interaction électrofaiblesupersymétrique dans laquelle l’électron e± était la partie fermionique des bosons de jaugeW±µ et le neutrino était le superpartenaire sans masse du photon. D’autres suggéraient quele lepton EL et le champ scalaire de Higgs fassent partie du même supermultiplet, hypothèsebasée sur le fait que les deux champs ont les mêmes nombres quantiques (à une conjugaisonhermitienne près). Toutefois, ces modèles se sont soldés par des échecs en raison de leur désac-cord avec les générations de leptons ainsi que l’impossibilité d’appliquer un modèle semblable

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pour les quarks. C’est devant ces considérations que Fayet énonce en 1976-77 [30, 31] unethéorie cohérente du modèle standard supersymétrique qui prédit que chaque champ devraitposséder un superpartenaire, pour le moment inconnu. Ainsi, tous les champs du SM sont pro-mus au rang de superchamps dans le MSSM, ce qui double au moins la quantité de champsde la théorie.

Le SM incorpore des fermions de chiralité gauche et droite. Cette distinction permet dejustifier que seuls certains champs sont soumis au groupe de jauge SU(2)L. Toutefois, lors dela courte présentation des notions de supersymétrie à la section 1.2, il a été vu que la notiond’holomorphie qui régit le superpotentiel demande que tous les superchamps inclus soient deschamps LC, c.-à-d. que le fermion du superchamp soit un spineur de Weyl gauche. En quatredimensions d’espace-temps, cela n’est pas un problème grâce à la conjugaison hermitiennequi intervertit la chiralité des fermions. Ainsi, il suffit simplement de définir l’antiparticuledes champs de chiralité droite (uR, dR et eR) comme le champ fondamental. Le symbole c

est alors utilisé pour dénoter le champ conjugué de charge. Les nombres quantiques de cesnouveaux champs sont inversés de sorte que

uR → ucL : (3 1 −23),

dR → dcL : (3 1 13),

eR → ecL : (1 1 1).(1.39)

Pour passer au MSSM, ces trois champs ainsi que les fermionsQL et EL sont considérés commela partie spinorielle des superchamps LC. Pour être cohérent avec la section précédente, lesversions supersymétriques de ces champs sont notées à l’aide d’une police calligraphique :U, D, E, Q et L. Les superpartenaires scalaires de ces champs sont dénommés « squarks »(sup, sdown, scharm, sstrange, sbottom et stop) et « sleptons » (sélectron, smuon, stau et lessneutrinos) conformément à la nomenclature énoncée à la section précédente.

Les bosons de jauge, médiateurs des forces, sont eux aussi modifiés. Ils sont échangés pourles superchamps « vecteurs » (qui sont en fait des scalaires) B, W et G. Les fermions de Weylassociés aux bosons de jauge sont appelés respectivement « bino », « wino » et « gluino ».

Le cas du boson de Higgs n’est pas aussi simple. En effet, dans le SM, les interactions avec leHiggs de la deuxième ligne de (1.37) font intervenir son complexe hermitien. Toutefois, pourobtenir un potentiel supersymétrique, il est nécessaire qu’il soit une fonction holomorphe dessuperchamps. S’il n’y avait qu’un seul superHiggs H avec les nombres quantiques du SM, alorsles quarks d (ainsi que les leptons) n’auraient pas de masse. Pour le voir, il faut se souvenirque les champs de chiralité droite sont échangés pour leurs antiparticules, alors il faut étudierla partie conjuguée hermitienne des interactions, qui devient alors holomorphe. De plus, untravail plus élaboré mène à la conclusion que le higgsino, le superpartenaire fermionique dece Higgs unique, produit une anomalie non-nulle à la théorie, ce qui la rend incohérente. Lasolution la plus évidente est donc d’ajouter un second Higgs, avec les nombres quantiques de

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φ†. Pour les différencier, un indice d est ajouté à ce second superHiggs puisqu’il donne unemasse au quark down, et un indice u est ajouté au premier, puisqu’il fournit une masse auquark up. Le contenu définitif du MSSM est résumé dans le tableau 1.2.

Tableau 1.2 – Les champs fondamentaux du modèle standard dans son extension supersymé-trique minimale. Les 5 champs fermioniques sont promus à des superchamps scalaires de chiralitégauche (LC). Le champ de Higgs unique du SM est remplacé par un duo de superchamps LCd’hypercharges opposées. Les champs de jauge sont élevés au rang de superchamps vecteurs. Unesymétrie U(1)R est ajoutée pour éliminer les termes d’interaction indésirables. Cette symétriepermet de faire la distinction entre les champs de matière et les autres, ainsi qu’entre les champsstandards et leurs superpartenaires.

Superchamp Groupes de symétrieSuper-Poincaré SU(3)C SU(2)L U(1)Y U(1)R

Q LC 3 2 16

12

U LC 3 1 −23

12

D LC 3 1 13

12

L LC 1 2 −12

12

E LC 1 1 1 12

Hu LC 1 2 12 1

Hd LC 1 2 −12 1

B Vecteur 1 1 0 0W Vecteur 1 3 0 0G Vecteur 8 1 0 0

Le lagrangien du MSSM doit pouvoir reproduire le lagrangien (1.37) en plus d’être super-symétrique. Le meilleur moyen d’y arriver est d’extraire les termes F et D des fonctions desuperchamps tel que fait à la section précédente. Le terme cinétique du lagrangien prend alorsla forme

Lcin = 14F

2I

∣∣∣F

+ MiA†e2gIVaI T

aI Mi

A

∣∣∣D

+ H†ue2gIVaI T

aI Hu

∣∣∣D

+ H†de

2gIVaI TaI Hd

∣∣∣D, (1.40)

où l’indice I passe sur tous les groupes de jauge et MA représente tous les superchamps de« matière » LC du MSSM. L’indice i = 1, 2, 3 somme sur les générations. VI prend pourvaleur B, W et G et les matrices T aI correspondent aux générateurs du groupe I dans lareprésentation du superchamp MA, Hu ou Hd.

D’un autre côté, la partie interaction du lagrangien est plus complexe à adapter. En effet,puisque les fermions qui formaient la matière dans le SM sont maintenant des scalaires (super-champs LC) du point de vue du groupe de super-Poincaré, beaucoup plus d’invariants peuventêtre écrits. L’ensemble des interactions pouvant être obtenues est limité par des contraintes derenormalisation au produit d’au plus trois superchamps LC. Dans l’écriture suivante du super-

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potentiel, il sera sous-entendu que les produits de superchamps sont contractés adéquatementà l’aide d’un εαβ pour former des invariants sous SU(2)L où cela est nécessaire.

Il existe deux termes quadratiques au superpotentiel :

W(MA,Hu,Hd) ⊃ µHuHd + αiHuLi. (1.41)

La seconde interaction entre le Higgs Hu et le lepton L n’était pas permise dans le SM enraison de la nature fermionique du champ EL original. Les autres termes du superpotentielsont cubiques. Les trois interactions de la seconde rangée de (1.37) (techniquement il s’agitde la partie conjuguée hermitienne) deviennent simplement

W(MA,Hu,Hd) ⊃ λije EiLjHd + λijuUiQjHu + λijd Q

iHdDj . (1.42)

Les nouveaux termes sans équivalents dans le SM prennent la forme

W(MA) ⊃ yijkDQLDiQjLk + yijkLLEL

iLjEk + yijkUDDfabcUi

aDjbD

kc , (1.43)

où fabc est la constante de structure de SU(3)C .

Les nouvelles interactions (1.43) ainsi que le second terme de (1.41) posent un gros problème.Ils prédisent une violation flagrante de la conservation des nombres leptoniques et baryoniquesnon observée dans la nature. Pour rétablir ces lois de conservation, une petite astuce peut êtreutilisée. Il est bien connu que l’ajout de symétrie dans un système permet de le restreindre.C’est donc par le biais d’une symétrie R ajoutée au MSSM que tous les termes indésirables,et seulement ces termes, sont éliminés. Cette symétrie introduite arbitrairement a toutefoisbeaucoup d’avantages attirants qui la rendent plus naturelle.

La symétrie R consiste à ajouter une symétrie U(1)R globale au groupe de super-Poincaré. Legénérateur du groupe, dénoté R, engendre une symétrie interne aux supercharges, et commutedonc avec le groupe de Poincaré en accord avec le théorème de Coleman-Mandula. La symétries’exprime comme

Q→ eirQ & Q→ e−irQ, (1.44)

avec r la phase de transformation. Les charges U(1)R de Q et Q sont donc qr = 1 et −1respectivement. La forme infinitésimale donne les relations de commutation classiques[

R,Q]

= Q &[R,Q

]= −Q. (1.45)

La symétrie R correspond à une symétrie U(1) seulement dans le cas N = 1. Dans les autrescas, elle devient une symétrie SU(N). Puisque cette symétrie ne laisse pas invariante lasupersymétrie, les coordonnées θ et θ transforment elles aussi de la même manière que lessupercharges :

θ → eirθ & θ → e−irθ. (1.46)

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Il est à noter qu’en raison de la nature grassmanienne des coordonnées, les éléments d’inté-gration ont une charge qr opposée. Pour obtenir la charge qr des champs dans le lagrangien,il est utile de considérer d’abord le superchamp vectoriel V. Ce superchamp étant réel, il estnaturel de demander qu’il ne soit pas chargé sous le groupe U(1)R. De plus, sa position dansl’exponentielle dans le potentiel Kähler (1.30) indique aussi qu’il devrait être neutre. Celaimplique qu’il faut assigner une charge qr nulle aux champs Aµ et D, mais une charge de 1au spineur λ et de −1 pour λ.

L’assignation pour les superchamps LC possède un degré de liberté supplémentaire. Le termeinfinitésimal d2θd2θ dans le potentiel de Kähler (1.30) ayant une charge totale nulle, il fautque le produit C†C le soit aussi. Cela est toujours vrai peu importe la charge qr associée à C

puisque C† possède une charge opposée. Ainsi, pour une charge qr assignée au champ φ, unecharge de qr−1 est donnée à χ et de qr−2 à F . Cette liberté est utilisée dans le superpotentielpour restreindre les interactions possibles.

Selon le lagrangien (1.21), le terme infinitésimal possède une charge qr = −2. Pour obtenirdes invariants, il faut que le superpotentiel ait une charge totale de qr = 2. Une étude plus endétails permet de conclure que l’assignation relativement simple (mais non unique) faite à ladernière colonne du tableau 1.2 élimine tous les termes non désirés du lagrangien du MSSM.

L’utilité de cette symétrie ne se limite pas à contraindre le lagrangien : elle fait clairement ladistinction entre les particules de « matière » (avec qr demi-entier) et les autres (qr entier),mais aussi entre les champs standards et leurs superpartenaires. Un fait remarquable de cettesymétrie est qu’elle interdit l’écriture de termes d’interaction entre deux champs standardset un superpartenaire. Cela a pour implication que le superpartenaire le plus léger (LSP) duspectre est stable, ce qui en fait un candidat idéal à la matière sombre. Il faut toutefois faireattention avec cette symétrie U(1)R, puisqu’elle n’est pas sans anomalies et qu’elle est briséeavec la brisure de supersymétrie.

Une autre manière plus sécuritaire d’imposer une contrainte sur le superpotentiel consiste àintroduire une parité R plutôt qu’une symétrie continue, qui elle ne pose pas ces problèmes. Ils’agit d’un cas particulier où la symétrie U(1)R est réduite à une symétrie discrète Z2. Dansce cas, le paramètre de transformation est défini comme r = π, ce qui change la condition surun opérateur X pour X → PRX avec PR = (−1)qr la parité R de X. En assignant PR = 1pour les deux Higgs Hu et Hd et avec PR = −1 pour les cinq autres superchamps, la conditionsur le lagrangien du MSSM est alors la même. D’ailleurs, la parité de chaque champ peut êtretrouvée avec la formule

PR = (−1)3B+L+2S = (−1)3(B−L)+2S , (1.47)

ce qui montre explicitement que les nombres baryonique B et leptonique L sont conservés.De plus, les champs standards ont tous une parité de 1 et leurs superpartenaires de −1 enraison du terme 2S, où S est le spin, ce qui implique la stabilité du LSP.

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Tel que présenté, le MSSM rencontre presque tous les critères pour prendre la relève du SMpuisqu’il rend compte des bonnes interactions et possède un contenu adapté pour décrire notreUnivers. Toutefois, son principal problème n’a pas été pris en compte : la supersymétrie yest encore présente. Si la supersymétrie n’était pas brisée, tous les champs du SM auraientun superpartenaire de même masse, ce qui n’est absolument pas observé expérimentalement.Il existe plusieurs méthodes pour briser la supersymétrie, mais elles impliquent toutes de de-voir étendre le MSSM en contenu et en groupe de jauge. Les implications de la brisure desupersymétrie sont discutées plus en détails à la section 4.1. Le MSSM ne fait aucune suppo-sition par rapport à ces modèles non-minimaux. Il inclut plutôt arbitrairement des termes debrisures de supersymétrie dits « doux », c.-à-d. qu’ils brisent explicitement la supersymétriesans toutefois se débarrasser des théorèmes de non-renormalisation qui en font ses mérites.Ces termes prennent la forme d’un potentiel VSSB (pour soft supersymmetry breaking) quiinclut 105 nouveaux paramètres non présents dans le SM [32]. Ce très grand nombre rendle MSSM beaucoup moins prédictif. Il est supposé qu’une extension au MSSM génèreraitces termes d’une manière moins arbitraire par le biais d’un mécanisme de brisure spontanéeou dynamique de supersymétrie. Toutefois, il est possible de produire un modèle réaliste enconsidérant un potentiel n’impliquant que la partie scalaire Hu et Hd des superHiggs

VSBB = δm2HuH

†uHu + δm2

HdH†dHd + (bHuHd + h.c.), (1.48)

ce qui limite l’introduction de nouveaux paramètres, mais qui est moins général.

Le MSSM propose une phénoménologie intéressante avec quelques variations par rapport aumodèle standard classique. Néanmoins, une étude plus poussée des différences avec le SMne sera pas poursuivie dans ce mémoire. Toutefois, il est pertinent de mentionner que lemécanisme de Higgs est étendu à un mécanisme du superHiggs. L’interaction entre les deuxHiggs Hu et Hd, provenant à la fois du superpotentiel et du potentiel VSSB, leur fait apparaitreune VEV v2 ≡ 〈Hu〉2 + 〈Hd〉2 qui brise alors la symétrie électrofaible de la même manière quele Higgs du modèle standard. Le théorème de Goldstone supersymétrique stipule que chaqueboson de Goldstone standard est pairé avec un superpartenaire fermionique appelé goldstino.Ils correspondent dans ce contexte aux higgsinos, qui sont alors « mangés » par les gauginosmassifs de SU(2)L × U(1)Y .

Finalement, un autre point intéressant qui a popularisé le MSSM est l’idée de grande unifi-cation. En effet, la renormalisation des constantes de couplage des trois groupes de jaugegI tend à montrer qu’elles se rencontrent en un point à une échelle d’énergie d’environ1016 GeV. Cet indice suggère fortement l’existence d’un groupe de jauge unique se brisant enSU(3)C × SU(2)L × U(1)Y à cette échelle. Cette idée, au centre de ce mémoire, est discutéeplus en détails chapitre 2.

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Chapitre 2

Théories de la grande unification

Le concept de théories unificatrices n’est pas nouveau en physique. Il s’agit en réalité du rêvede tout physicien accompli : pouvoir expliquer un grand nombre de phénomènes grâce à unensemble minimal d’axiomes et de postulats. Il en existe de nombreux exemples au coursde l’histoire. Les philosophes grecs, tel Aristote, tentaient d’expliquer l’Univers en entierpar des arguments logiques à partir des quatre « éléments » fondamentaux. D’un point devue plus réaliste, Newton, avec ses trois lois de la mécanique, a pu à lui seul justifier lagrande majorité des phénomènes observés dans la vie de tous les jours. Plus récemment,Maxwell a montré que l’électricité et le magnétisme étaient les deux facettes d’une mêmepièce, l’électromagnétisme, et Einstein, à partir de seulement deux postulats extrêmementsimples, a pu dériver la relativité générale.

Après que le modèle standard de la physique se soit imposé en tant qu’outil le plus puissantpour décrire trois des quatre forces connues de notre monde, les physiciens, inspirés par lesuccès de l’unification électrofaible, ont eu l’espoir de réaliser une « théorie de la GrandeUnification » (GUT). La notion de symétrie ayant été si fructueuse dans la conception duSM, elle a donc inévitablement guidé les théoriciens dans l’élaboration d’un tel modèle. Laquestion qui s’est alors posée était : est-il possible d’unifier le SM en augmentant le nombrede ses symétries et d’en soutirer ainsi des prédictions pour guider la recherche ?

Les premiers à proposer une vraie unification de toutes les forces du SM ont été Georgiet Glashow en 1974 [1]. Leur modèle était basé sur le groupe de symétrie de jauge uniqueSU(5), mais n’incluait toutefois pas la supersymétrie. D’autres ont étudié la phénoménologiedu modèle ou en ont proposé de nouveaux basés sur les groupes de jauge SO(10) ou encoreE6. Bien qu’historiquement les GUTs ont été introduites principalement pour une questiond’esthétisme et de simplicité, la supersymétrie donne plusieurs indices rendant très plausiblel’unification. Le plus important concerne l’unification des trois constantes de couplage à uneéchelle d’énergie très élevée, près de la masse de Planck. Ce phénomène a d’abord été étudiépour le cas non supersymétrique par Georgi, Quinn et Weinberg [33], puis a été poussé plus

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en détails par Ellis, Kelley et Nanopoulos en 1991 [34] en incluant la supersymétrie. Ce sujetest donc présenté en premier lieu, pour être suivi d’une description détaillée du modèle SU(5)supersymétrique minimal ainsi que d’une revue des modèles SO(10) et E6 supersymétriques.

2.1 L’unification des constantes de couplage

Cette section analyse l’unification des constantes de couplage. À cette fin, une description de lafonction β dans un contexte supersymétrique est présentée, puis une étude phénoménologiquede la convergence des constantes de couplage est réalisée.

2.1.1 La fonction β supersymétrique

L’une des prédictions les plus intéressantes de la théorie quantique des champs est l’« évolutiondes constantes de couplage » gI (running of the coupling constants), conséquence du flot derenormalisation. Cela implique que l’intensité d’une interaction entre les champs d’un systèmevarie en fonction de l’énergie du système. Le taux de variation des constantes gI est encodédans la fonction β de Callan-Symanzik [35, 36] et peut s’exprimer perturbativement commeune série de puissance de gI dont les coefficients dépendent des champs présents dans lathéorie. Elle est définie par

β(gI) = ∂gI∂ lnµ = − bI

16π2 g3I +O

(g5I

), (2.1)

où µ est l’échelle d’énergie avec laquelle le système est sondé. Le coefficient bI du premierterme de la série est calculé à l’aide des diagrammes de Feynman à une boucle uniquement oude manière équivalente avec la méthode des champs de fond (background field method) pourtrouver

bI = 113 C2(GI)−

23∑f

C(Rf )− 13∑s

C(Rs), (2.2)

où les sommes s’effectuent sur tous les champs fermioniques f et scalaires s de masse inférieureà µ. C(R) est défini comme le Casimir de la représentation du champ fermionique f ou scalaires dans un groupe de jauge GI et C2(R) est le Casimir quadratique de la représentation R,tels que

tr(T aRT

bR

)≡ C(R)δab & T aRT

aR ≡ C2(R) (2.3)

avec T aR les générateurs du groupe GI dans la représentation R. Par simplicité, la repré-sentation adjointe de GI est aussi dénotée GI . Ces relations définissent une normalisationdes générateurs. Par convention, il est choisi que pour la représentation fondamentale N deSU(N), C(N) = 1

2 . Plus de détails au sujet de la théorie des groupes de Lie et de leursalgèbres sont exposés dans l’annexe A.

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Il est souvent plus aisé de travailler avec le changement de variable αI ≡g2I

4π , courammentréférés en tant que « constantes de couplage », sans distinction avec gI . La solution à (2.1)pour l’évolution de αI est alors donnée par

α−1I (µ) = α−1

I (µ0) + bI2π ln µ

µ0+O

(αIπ

), (2.4)

où αI(µ0) est une valeur initiale mesurée de la constante de couplage à l’énergie µ0.

En considérant la supersymétrie, les constantes de couplage sont renormalisées en utilisant(2.2) jusqu’à une échelle d’énergie µ = µS , à partir de laquelle l’effet des superpartenairesapparait et doit être pris en compte. Cette échelle est typiquement estimée aux alentoursde 1 TeV. À partir de µS , le coefficient (2.2) se simplifie et peut s’écrire en fonction dessuperchamps C seulement :

bI = 3C2(GI)−∑C

C(RC). (2.5)

De plus, il existe un théorème de non-renormalisation des constantes de couplage témoignantde la puissance de la supersymétrie. Originellement découvert par Novikov et al. [25, 26, 27],il énonce que les contributions de jauge à la fonction β cessent après les corrections à uneboucle. Toutefois, des corrections supplémentaires attribuables au facteur de renormalisationde la fonction d’onde Z s’ajoutent à tous les ordres. À l’aide d’un calcul d’instantons, ils ontobtenu la forme exacte de la fonction β supersymétrique :

βI(αI) = gI2πβI(gI) = ∂αI

∂ lnµ = −α2I

2π3C2(GI)−

∑C C(RC)(1− γC(µ))

1− αI2πC2(GI)

, (2.6)

où γC(µ) = ∂ZC(µ)∂ lnµ est la dimension anomale du superchamp C.

2.1.2 La convergence des constantes de couplage

Le groupe de jauge du MSSM, SU(3)C × SU(2)L ×U(1)Y , est un produit de groupes de Lie.Ainsi, chaque groupe possède une constante de couplage qui doit être la même pour tousles bosons de jauge pour préserver la symétrie. Toutefois, aucune restriction n’existe entre lesconstantes des différents groupes ce qui implique que l’évolution de chacune est indépendante.La conclusion s’impose donc que si les symétries du MSSM sont unifiées sous un groupe dejauge unique GGUT (par exemple SU(5), SO(10) ou encore E6), alors la constante de couplagede groupe doit aussi être unique. Il devient par conséquent nécessaire que l’évolution desconstantes de couplage les fasse se rencontrer en un point unique où la dynamique est régiepar cette symétrie plus grande.

Avant d’étudier la convergence des trois constantes de couplage, il est important de s’assu-rer qu’elles sont bien normalisées. En effet, la normalisation des constantes de couplage des

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groupes non abéliens SU(3)C et SU(2)L est fixée par la normalisation des générateurs dugroupe. Cela est facilement vu dans l’expression de la dérivée covariante

Dµ = ∂µ − igIT aRAaµ (2.7)

où le changement de constante de couplage gI → gI/c, avec c un facteur constant, doit êtrecompensé à l’aide de T aR → cT aR. Cependant, un tel changement modifierait les relations (2.3),et du même coup, la convention choisie.

D’un autre côté, U(1)Y étant un groupe abélien, son générateur unique n’est pas soumisaux contraintes (2.3) et peut être renormalisé arbitrairement. De plus, si le groupe U(1)Y estintégré dans GGUT, son générateur doit devenir l’un des générateurs de GGUT. Par conséquent,il doit avoir la même normalisation que les générateurs de SU(3)C et de SU(2)L.

S’inspirant de la présence de générations uniquement pour les leptons et les quarks, il semblenaturel de demander qu’une génération complète se retrouve dans une seule représentation(possiblement réductible) de GGUT. Cela implique alors pour le facteur de renormalisation cla contrainte ∑

M

c2y2M dimR

SU(3)×SU(2)M =

∑M

C(RSU(2)M ) dimR

SU(3)M , (2.8)

où la somme s’étend sur les cinq superchamps de matière M et yM est l’hypercharge dusuperchamp. La notation RGIM dénote la représentation du champ M sous le groupe GI . Ilest à noter que d’échanger SU(2) avec SU(3) dans cette condition entraine une secondecontrainte, différente mais équivalente. Le côté gauche de l’équation mène à∑

M

c2y2M dimR

SU(3)×SU(2)M = c2

( 136 · 6 + 4

9 · 3 + 19 · 3 + 1

4 · 2 + 1 · 1)

= c2 206 , (2.9)

tandis que le côté droit donne (seuls les superchamps Q et L contribuent)∑M

C(RSU(2)M ) dimR

SU(3)M = 1

2 · 3 + 12 · 1 = 2, (2.10)

pour conduire à c =√

35 . La constante de couplage du groupe U(1)Y , historiquement dé-

notée par g′, doit donc être ajustée par ce facteur avant de procéder à son évolution avecla fonction β. La constante normalisée est alors redéfinie par g1 =

√53g′ et α1 est définie

similairement. En dénotant par α2 et α3 les constantes de couplage des groupes SU(2)L etSU(3)C respectivement, il est possible d’étudier leur évolution dans le SM et de la compareravec le MSSM.

Une bonne approximation perturbative peut être faite en utilisant l’équation (2.4) incluantles corrections à une boucle. Dans le SM, les coefficients b1, b2 et b3, facilement calculés àl’aide de (2.2), sont égaux à −41

10 ,196 et 7, tandis que dans le MSSM, ils sont donnés par (2.5)

avec −335 , −1 et 3. L’échelle d’énergie de référence la plus souvent utilisée pour les mesures

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expérimentales correspond à la masse du boson Z0 qui est de µZ = 91,1876 GeV. À cetteéchelle, les constantes de couplage prennent les valeurs α−1

1 = 59,0, α−12 = 29,6 et α−1

3 = 8,47[9].

La figure 2.1 montre l’évolution de l’inverse des constantes de couplage des trois groupes dejauge du SM. Les lignes pointillées représentent l’évolution attendue dans le SM si aucunenouvelle dynamique n’influence le flot de renormalisation. Il est évident que les droites ne serecoupent jamais en un seul point. Des calculs plus approfondis montrent aussi que mêmedes corrections supplémentaires (à plus de boucles ou prenant mieux en compte les effets desdifférentes masses des champs) ne permettent pas aux droites de se croiser en un seul point.Les lignes pleines constituent la prédiction du MSSM si les superpartenaires apparaissent àpartir d’une échelle d’énergie µS ≈ 1 TeV. Le fait le plus remarquable est que la supersymétriefait dévier les trajectoires de manière à ce que les trois constantes de couplage se rencontrentpresque parfaitement en un seul point à une échelle d’unification µU ! Il devient alors toutà fait probable que des effets non considérés puissent réellement unifier les constantes decouplage à cette échelle. En utilisant (2.4), il est possible de trouver un ordre de grandeurpour µU de 1016 GeV. Il est intéressant de noter que peu importe l’échelle µS , les constantesαI semblent converger en un point unique. Toutefois, plus µS est grand, plus µU sera petit[2]. Cela peut avoir de grands impacts sur la demi-vie du proton dans les modèles unifiés.

α−11

α−12

α−13

12π ln

µµ0µZµS µU

α−1

10

20

30

40

50

60

Figure 2.1 – Évolution des constantes de couplage des trois groupes de jauge du modèle standard.Les lignes pointillées représentent l’évolution prédite si aucun nouveau champ ne modifie le SM.Les lignes pleines sont les prédictions de l’évolution si la supersymétrie devient apparente à partird’une échelle d’énergie µS .

Ce phénomène d’unification des constantes de couplage, bien que pouvant être accidentel,suggère fortement qu’elles proviennent toutes d’une constante de couplage unique d’un groupede jauge englobant le SM. Il constitue alors la principale motivation à l’introduction d’unethéorie de la grande unification supersymétrique (SGUT).

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2.2 Le modèle SU(5) supersymétrique

Le modèle de grande unification sous SU(5) a été d’abord suggéré par Georgi et Glashow en1974 [1]. Les principaux arguments en sa faveur étaient que SU(5) est le plus petit groupecontenant SU(3)×SU(2)×U(1) et qu’il explique l’origine de l’hypercharge des champs ainsique la quantification de la charge électrique. Leur concept d’unification fournit en outre unejustification (du moins partielle) à l’annulation de toutes les anomalies du SM [37].

La phénoménologie du modèle fut étudiée ensuite par Buras, Ellis, Gaillard et Nanopoulos[38], qui ont dérivé des limites sur l’échelle d’unification sur la base de la demi-vie extrêmementlongue du proton. Après la popularisation de la supersymétrie, Dimopoulos et Georgi [39] ainsique Sakai [40] ont étendu indépendamment le modèle SU(5) pour le rendre supersymétrique.

Cette section, inspirée en grande partie du livre de Binétruy [41], montre d’abord comments’insère le MSSM dans le groupe de jauge SU(5) de manière minimale, étudie ensuite lesinteractions possibles et leurs conséquences, puis analyse sommairement les prédictions dumodèle ainsi que ses extensions possibles.

2.2.1 Le contenu du modèle SU(5) supersymétrique minimal

Le modèle SU(5) supersymétrique minimal doit se réduire au MSSM après une brisure desymétrie. Selon Li [42] (voir aussi [43]), le groupe SU(N) peut se briser vers SU(

⌈N2

⌉) ×

SU(⌊N2

⌋) × U(1)1 lorsqu’un champ dans la représentation adjointe acquiert une VEV non

nulle. Dans le cas N = 5, le groupe de jauge du SM est retrouvé. Le groupe SU(5) possède 24générateurs, dont 4 diagonaux en raison de son rang. Lors de la brisure de symétrie, il est pos-sible de choisir un sous-ensemble de 8 de ces générateurs qui deviennent alors les générateursde SU(3)C et de manière similaire 3 générateurs (qui commutent avec ces 8 derniers) sontutilisés pour engendrer SU(2)L. Parmi ce total de 11 générateurs, 3 sont diagonaux ; le derniergénérateur diagonal de SU(5) peut être choisi pour commuter à la fois avec les sous-groupesSU(3)C et SU(2)L. Il génère alors le groupe U(1)Y . Explicitement, ce générateur [dans lareprésentation fondamentale 5 de SU(5)] peut être écrit comme

Y =√

35diag

(−1

3 ,−13 ,−

13 ,

12 ,

12

). (2.11)

Il est impressionnant de noter que la normalisation de ce générateur est la même que celletrouvée à la section prédédente.

Le groupe SU(5) possédant 24 générateurs, le modèle inclut donc autant de bosons de jaugedénotés généralement par A. Ils prennent la forme d’un superchamp vectoriel dans la repré-

1La notation b c et d e désignent respectivement les fonctions « arrondi à l’entier inférieur » et « arrondi àl’entier supérieur ».

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sentation adjointe 24 qui se brise comme

24→ (8,1, 0)⊕ (1,3, 0)⊕ (1,1, 0)⊕ (3,2, 56)⊕ (3,2,−5

6), (2.12)

dans la notation (RSU(3)C , RSU(2)L , y), le symbole ⊕ signifiant la somme directe des repré-sentations. Les trois premiers termes de la représentation correspondent aux bosons de jaugeG, W et B habituels. Les deux derniers, généralement dénotés par X et Y, prédisent denouvelles interactions entre les quarks et les leptons pour l’instant inobservées. Ceux-ci sontparfois appelés superchamps leptoquarks pour cette raison.

Le modèle SU(5) incorpore une génération complète de leptons et de quarks dans la représen-tation réductible 5⊕10. En effet, sous brisure de symétrie, cette représentation se décomposecomme

5→ (3,1, 13)⊕ (1,2,−1

2), (2.13)

10→ (3,1,−23)⊕ (3,2, 1

6)⊕ (1,1, 1). (2.14)

En comparant avec les nombres quantiques des superchamps du MSSM présentés au ta-bleau 1.2 avec ces derniers, il est facile de voir que la correspondance est un pour un, enprenant en compte que la représentation 2 est identique à la 2 à un facteur εαβ près. Ainsi,le quark D et le lepton L forment les cinq composantes d’un superchamp ψ dans la repré-sentation antifondamentale, tandis que les superchamps Q, U et E sont introduits dans unsuperchamp χ dans la représentation antisymétrique 10 de SU(5). Explicitement, ils s’écrivent

ψ =(

Da

εαβLβ

), χ =

0 U3 −U2

Qaα0 U1

00 E

0

,

où a = 1, 2, 3 est un indice de couleur et α, β = 1, 2 sont des indices d’isospin faible. Ces deuxsuperchamps viennent aussi en trois copies pour chacune des générations. Il est très intéressantde noter que les champs obtiennent leurs valeurs d’hypercharge en tant que valeurs propresdu générateur Y (2.11). Comme les charges électriques sont données (à une constante près)par les hypercharges, cela explique du même coup la quantification de la charge électrique, unproblème de longue date. De plus, en raison de la présence à la fois de quarks et de leptonsdans la même représentation, des interactions, médiées par les bosons X et Y, apparaissententre eux. Ces interactions mettent en péril la stabilité du proton, ce qui pose de grandescontraintes expérimentales sur le modèle SU(5).

Le secteur de Higgs du modèle SU(5) minimal est plus complexe que celui du MSSM. Ilnécessite, en plus des deux superHiggs qui brisent la symétrie électrofaible, un troisièmesuperHiggs qui réduit SU(5) à SU(3)C×SU(2)L×U(1)Y . Comme mentionné précédemment,

33

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ce nouveau Higgs doit être dans la représentation adjointe 24 de SU(5). Il est pratiqued’exprimer ce superchamp dans une notation matricielle :

Φ ≡ ΦaT a5 ij , (2.15)

avec T a5 les 24 générateurs de SU(5) dans la représentation 5. Son superpotentiel s’écrit alors

W(Φ) = M

2 tr(Φ2)

+ Λ3 tr

(Φ3). (2.16)

Sa partie scalaire φ possède un minimum défini par la condition [41]

Mφij + Λ(φ2ij −

15δijtr

(φ2))

= 0. (2.17)

Cette équation possède trois solutions diagonales inéquivalentes :

φ0 = diag (0,0,0,0,0) , φ1 = M

3Λdiag (1,1,1,1,−4) , φ2 = M

Λ diag (2,2,2,−3,−3) . (2.18)

En développant Φ autour de ces minimums, la symétrie est brisée de manière différente selonles générateurs qui commutent avec φi : la première solution étant triviale, elle laisse SU(5)intact, la seconde réduit la symétrie à SU(4) × U(1) et la dernière retombe sur le SM, soitSU(3)×SU(2)×U(1). C’est donc la solution φ2 qui est choisie. L’échelle d’unification corres-pond alors grossièrement à µU ≈ M

Λ . Cette brisure de symétrie donne une masse aux douzebosons de jauge « hors diagonale par blocs », X et Y, de l’ordre de M

Λ selon le mécanisme deHiggs habituel. Les douze composantes « hors diagonale par blocs » du Higgs sont sans masseet sont alors « mangées » par ces bosons en tant que troisième état de polarisation. Les douzeautres composantes acquièrent plutôt une masse de l’ordre de µU . Ainsi, ces superchampssont de manière effective invisibles à notre échelle d’énergie accessible µZ .

Le secteur de Higgs doit aussi inclure les superchamps nécessaires à la brisure de symétrieélectrofaible. Le choix minimal est d’inclure les superHiggs Hu et Hd en tant que doubletdans les représentations 5 et 5, puisque sous brisure de SU(5), ils obtiennent les nombresquantiques adéquats. Cette manière de faire demande l’introduction de triplets Tu et Td sousSU(3)C venant compléter les représentations. Les nouveaux superchamps sont alors notés

η =(Tu

Hu

), η =

(Td

Hd

), (2.19)

où la barre fait simplement référence à la représentation 5 du superchamp (c.-à-d. que η n’estpas le conjugué complexe de η). Le superpotentiel associé à ces champs est encore donné par

W(η, η) = µηη. (2.20)

Après la brisure de symétrie, à basse énergie, les Higgs Hu et Hd sont séparés des tripletset agissent de manière standard pour briser SU(2)L × U(1)Y → U(1)QED. L’ensemble des

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superchamps sus-mentionnés forment ainsi le modèle SU(5) supersymétrique minimal. Leurscaractéristiques sont résumées dans le tableau 2.1. Des modèles plus complexes peuvent êtreconstruits en étendant la structure en superchamps de ce modèle.

De plus, il est pertinent de remarquer que le contenu de la théorie ne génère pas d’anoma-lies pouvant la rendre incohérente, ce qui est très important pour les GUTs. Les anomaliesproviennent de corrections quantiques2 et sont proportionnelles à

tr(T aR

{T bR, T

cR

})≡ A(R)d

abc

2 . (2.21)

Le coefficient d’anomalie A(R) d’une représentation antifondamentale R = N de SU(N) estA(N) = −1 et pour l’antisymétriqueR = N(N−1)

2 , elle est de A(N(N−1)2 ) = N−4. L’annulation

de l’anomalie entre les superchamps ψ et χ est donc accidentelle, mais essentielle, et estunique à SU(5). De plus, les représentations qui viennent en paires conjuguées comme lessuperchamps η et η ainsi que les représentations réelles comme la 24 du Higgs Φ ont toujoursune anomalie nulle.

Tableau 2.1 – Les champs fondamentaux du modèle SU(5) supersymétrique minimal. Une gé-nération complète de champs de matière se retrouve dans ψ et χ. Un Higgs supplémentaire Φ estnécessaire pour briser SU(5) vers le SM. Le modèle minimal possède une symétrie accidentelleglobale U(1)χ conservant la quantité B − L.

Superchamp Groupes de symétrieSuper-Poincaré SU(5) U(1)χ

ψ LC 5 3χ LC 10 −1Φ LC 24 0η LC 5 2η LC 5 −2A Vecteur 24 0

2.2.2 Les interactions du modèle SU(5)

Les interactions possibles entre les superchamps sont limitées par leurs représentations. Toutd’abord, il ne peut y avoir d’interactions quadratiques entre les champs de matière puisqueles produits tensoriels entre eux ne forment pas d’invariants (c.-à-d. qu’aucune représentationtriviale 1 ne se retrouve dans la décomposition) :

ψ2 ∼ 5⊗ 5 = 10⊕ 15, (2.22)

χ2 ∼ 10⊗ 10 = 5⊕ 45⊕ 50, (2.23)

ψχ ∼ 5⊗ 10 = 5⊕ 45. (2.24)

2L’origine des anomalies est discutée plus en détails à la section 3.2.1.

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Il est aussi facile de vérifier qu’il n’existe qu’un seul invariant composé de ces trois champs,soit ψψχ. Ce terme unique, une fois décomposé sous SU(3)C × SU(2)L × U(1)Y , engendrel’ensemble des termes du superpotentiel (1.43) qui étaient non désirés. Il semble donc inévi-table de devoir inclure encore une fois une parité R aux champs, soit de −1 pour ψ et χ etde 1 pour les autres champs. Toutefois, cette condition sur les champs peut être incorporéedans une symétrie globale U(1)χ qui sera développée après avoir analysé le secteur de Higgsplus en détails.

D’autre part, il n’est pas non plus possible de contracter l’un de ces termes quadratiques avecle Higgs Φ dans la représentation 24. Heureusement, car cela aurait impliqué que les champsde matière acquièrent une masse de l’ordre de µU , réduisant ainsi à néant tous les efforts misà l’unification.

Les combinaisons avec les superHiggs η et η permises se limitent à deux. En effet, la partie 5de (2.24) peut former un invariant avec le 5 de η. Similairement, le 5 du produit (2.23) peutêtre contracté en un singulet avec η. Le superpotentiel contient donc les termes

W(ψ, χ, η, η) ⊃ −λijd ψiχjη − λiju χiχjη

∝ λd (Td (DU + LQ) + Hd (DQ + LE)) + λu (TuUE + HuUQ) , (2.25)

où les symboles de Levi-Civita nécessaires pour extraire les invariants ainsi que les indicesgénérationnels i et j à la deuxième ligne ont été omis. Les termes proportionnels à Hu et Hd

sont les mêmes que ceux du superpotentiel du MSSM (1.42) à l’exception de λe ≡ λd. Ceciconstitue une prédiction du modèle SU(5) supersymétrique minimal : la masse de l’électronest la même que celle du quark down au dessus de l’échelle µU . Il en va de même pour lemuon et le quark strange ainsi que pour le tau et le quark bottom.

Le superpotentiel (2.25) pose toutefois un problème. Il introduit de nouvelles interactionspossibles entre les triplets Tu et Td et la matière. Il prédit en particulier que les hadronspeuvent se désintégrer et il viole la conservation des nombres baryoniques et leptoniques.Pour être réaliste, le modèle doit proposer un moyen de se débarrasser de ces dangereuxtriplets ou de limiter leurs effets. Pour ce faire, ces triplets doivent acquérir une masse élevée,par exemple, en interagissant avec le superHiggs Φ. Toutefois, il faut pouvoir en même tempsgarder les doublets Hu et Hd légers, ce qui n’est pas une tâche aisée. La solution la plus simpleest d’ajouter un terme de mélange entre les trois superHiggs dans le superpotentiel tel que(2.20) devient

W(Φ, η, η) ⊃ η(µ+ λΦ)η. (2.26)

En substituant Φ par sa VEV φ2, l’équation devient

W ⊃(Tu Hu

)(µ+ 2λMΛ 00 µ− 3λMΛ

)(Td

Hd

). (2.27)

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En choisissant judicieusement µ et λ, il est ainsi possible de donner une petite masse audoublet. Cependant, pour que le triplet acquière une grande masse, λ ne peut être petit etµ doit être de l’ordre de M

Λ . L’annulation entre les deux termes doit alors être précise à prèsd’une quinzaine de chiffres significatifs : c’est le retour du problème de la hiérarchie.

Le problème est toutefois de moindre envergure, puisqu’il peut être contourné en considérantun modèle non minimal. Par exemple, le truc du « singulet glissé » (sliding singlet) [44, 45]consiste à introduire un nouveau superchamp Σ dans la représentation 1 de SU(5). La seulemanière de faire interagir ce champ avec les autres (toujours en considérant seulement lestermes renormalisables) est au moyen du terme quadratique ηη. Ainsi, le superpotentiel (2.26)est remplacé par

W(Φ, η, η) ⊃ η(κΣ + λΦ)η. (2.28)

Lorsque Σ acquiert une VEV σ0, alors µ = κσ0. Dans ce cas, le minimum de la théorie survientpour κσ0 − 3λMΛ = 0. Ainsi, σ0 glisse pour prendre exactement la bonne valeur rendant lesdoublets sans masse de manière dynamique et naturelle.

Une autre technique, appelée le mécanisme du doublet manquant, vise à substituer le Higgsde la représentation 24 par un secteur de Higgs dont les représentations, lors de la brisure desymétrie, ne se réduisent pas vers (1,2). Un tel arrangement se produit par exemple avec lareprésentation 50 :

50→ (8,2)⊕ (6,3)⊕ (6,1)⊕ (3,2)⊕ (3,1)⊕ (1,1). (2.29)

En choisissant un Higgs Φ′ dans la représentation 75 qui acquiert une VEV de l’ordre de µU età l’aide de deux superchamps C et C dans les représentations 50 et 50, alors un superpotentielde la forme

W ⊃ µ1CΦ′η + µ2CΦ′η + µ3CC (2.30)

donne une masse carrée de l’ordre de µ1µ2µ2Uµ3

aux triplets Tu et Td tout en laissant sans masseles doublets.

Il est intéressant de constater, après toutes ces considérations, que le lagrangien du modèleSU(5) minimal, composé des superpotentiels (2.25), (2.26) et de la partie cinétique habituelle,possède une symétrie globale accidentelle U(1)χ. Ainsi, en assignant les charges qχ présen-tées au tableau 2.1 aux superchamps, toutes les interactions sont invariantes. En particulier,l’interaction cubique ψψχ est éliminée du superpotentiel. En ce sens, la parité R peut êtreremplacée par cette nouvelle symétrie.

Cette symétrie est brisée lorsque les superHiggs acquièrent une VEV non nulle, ce qui pourraitsembler désastreux. Cependant, la théorie récupère à basse énergie une autre symétrie U(1)qui est une combinaison linéaire de U(1)Y et U(1)χ. La charge des champs sous cette symétrie

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est donnée par 15(4y− qχ) qui est en fait égal à B−L, où B et L sont les nombres baryonique

et leptonique des champs. La brisure de symétrie est en réalité SU(2)L × U(1)Y × U(1)χ →U(1)QED×U(1)B−L et la conservation des nombres baryoniques et leptoniques du SM trouvealors une explication très élégante.

2.2.3 Prédictions et difficultés du modèle

Ayant maintenant le superpotentiel et ses interactions sous contrôle, il est pertinent de vérifierses prédictions par rapport à l’expérience. L’une des principales façons de tester le modèle estde comparer la demi-vie du proton prédite à celle observée. Le laboratoire Super-Kamiokandedédie une partie de ses recherches à la détection de la désintégration du proton. Pour lemoment, aucun événement n’a été mesuré, portant la demi-vie du proton à un minimum de8 · 1033 ans [46] avec un taux de confiance de 90%.

Le modèle SU(5), comme tous les modèles d’unification, prédit la désintégration du proton pardes interactions toutefois limitées par la masse très élevée des médiateurs. Ainsi, si µU ∼ M

Λest assez grand, il est alors plausible que ces dangereuses interactions soient suffisammentsupprimées pour respecter les bornes expérimentales. En considérant les interactions induitespar les bosons de jauge X et Y ainsi que celles des triplets massifs des Higgs, le lagrangienefficace à basse énergie prédit une demi-vie du proton d’environ 8 ·1034 ans [41], soit un ordrede grandeur supérieur à la borne inférieure observée. Cependant, il est possible d’argumenterque le lagrangien du modèle SU(5) devrait contenir des termes de toutes les puissances dessuperchamps, puisque ces termes ne sont pas négligeables contrairement au cas d’une théo-rie définie à basse énergie. Dans ce cas, les corrections provenant des termes quartiques dedimension 5 font passer la demi-vie du proton en-deça des limites expérimentales.

D’un autre côté, le modèle SU(5) supersymétrique minimal peut être testé par rapport à savaleur prédite de l’angle faible θW . Cet angle donne la valeur de mélange des constantes decouplage g et g′ des groupes SU(2)L et U(1)Y par la définition tan θW = g′

g . Comme l’unifi-cation sous SU(5) implique que g2 = g1 =

√53g′ à µU , il s’en suit que sin2 θW (µU ) = 5

8 . Aprèsavoir pris en compte le flot de renormalisation jusqu’à une échelle de µZ des constantes decouplage dans le cadre du modèle SU(5) minimal, ce paramètre est d’environ 0,203, compa-rativement à la valeur mesurée de 0,231 [41]. Cette prédiction, bien que similaire à la valeurattendue, est cependant située à plus de dix déviations standards.

Finalement, dans le même ordre d’idée, il a été mentionné précédemment que, selon le super-potentiel (2.25), les paramètres de masse des leptons étaient reliés à ceux des quarks de typedown tels que

me = md, mµ = ms, mτ = mb (2.31)

à l’échelle d’unification µU . Cela pose un problème, car, même si ces masses sont renormaliséesdifféremment en raison des groupes de jauge différents après la brisure de symétrie, les rapports

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intergénérationnels entre les masses restent eux pratiquement constants peu importe l’échelled’énergie :

me

mµ≈ md

ms& me

mτ≈ md

mb. (2.32)

En comparaison avec les valeurs expérimentales, la première équation donnerait 1207 ≈

119,8 ,

ce qui est en contradiction flagrante avec le SM. Une manière de contourner ce problèmeest de considérer un modèle non minimal dans lequel deux nouveaux superHiggs dans lesreprésentations 45 et 45 sont introduits en plus des trois déjà présents. Ces champs peuventse coupler de la même facon que les superHiggs η et η, comme il peut être vu dans leséquations (2.24) et (2.23). En acquérant une VEV, ils modifient naturellement le rapportentre les masses des générations.

Ces différents échecs du modèle SU(5) supersymétrique minimal ne marquent pas la findes SGUTs, bien au contraire : ils indiquent simplement que le modèle n’est pas complet.D’ailleurs, ce modèle n’implique pas de mécanisme de brisure spontanée de la supersymétrie,nécessaire à toute théorie réaliste. Parmi les solutions envisageables pour régler les difficultéssoulevées, plusieurs modèles non minimaux ont été proposés, incluant ceux exposés superficiel-lement dans cette section, mais aussi les extensions en supergravité (SUGRA). Ces modèlesmodifient le contenu de la théorie, repoussant par exemple l’échelle d’unification pour rendrela demi-vie du proton encore plus longue, ou ajoutent au potentiel Kähler de nouveaux termesnon renormalisables, brisant la supersymétrie à basse énergie.

Outre les modèles non minimaux, il existe aussi des modèles tout à fait distincts d’unification.En particulier, un modèle alternatif appelé SU(5) flipped, proposé en premier lieu par [47, 48]dans le cadre de la théorie des supercordes, emploie le groupe SU(5) d’une autre manière. Cemodèle est une unification partielle puisque le groupe de jauge utilisé est SU(5)× U(1)χ. Legroupe SU(5) contient les sous-groupes SU(3)C × SU(2)L, mais la symétrie U(1)Y survientcomme une combinaison du U(1) caché dans SU(5) et du U(1)χ séparé. Les champs du MSSMsont aussi distribués différemment, ce qui est possible parce que l’hypercharge n’a pas à êtreimplantée directement dans SU(5). Le modèle emploie donc une représentation (10,−1) quicontient encore les quarks Q, mais dans laquelle les U sont substitués par les D et où lelepton E est remplacé par un nouveau champ, le neutrino droit N, d’où la dénomination« flipped ». La représentation (5, 3), quant à elle, contient encore les leptons L, mais sontriplet est maintenant le U. Pour intégrer le lepton E, il est nécessaire d’ajouter un singulet(1,−5) à la théorie.

Les nombres quantiques préviennent l’apparition de termes cubiques problématiques dans lesuperpotentiel. Le secteur de Higgs comprend encore les deux superHiggs η et η dans lesreprésentations (5, 2) et (5,−2) servant à briser la symétrie électrofaible. Toutefois, il estsuffisant d’utiliser une paire de superHiggs dans les représentations (10,−1) et (10,−1) pourbriser SU(5) vers SU(3)C ×SU(2)L×U(1)Y . Ces représentations ayant un triplet (3,1) sous

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SU(3)C × SU(2)L, mais pas de doublets (1,2), ils permettent d’intégrer naturellement lemécanisme du doublet manquant. De plus, l’ajout d’un singulet (1, 0) sous SU(5) × U(1)permet d’écrire des termes cubiques engendrant un mécanisme de see-saw en donnant unemasse très élevée aux neutrinos droits. Ce modèle possède l’avantage supplémentaire de nepas relier la masse des quarks à celle des leptons chargés. Finalement, il est à noter que lesopérateurs de dimension 5 sont supprimés, et donc que la demi-vie du proton prédite satisfaitles limites expérimentales. Tous ses avantages et sa relative simplicité font de SU(5) flippedun modèle intéressant à étudier, malgré qu’il ne s’agisse pas réellement d’une unification.Certains modèles proposent toutefois d’intégrer SU(5) flipped dans un groupe de jauge plusgrand comme SO(10) ou E6, repoussant l’échelle d’unification entre SU(5) et U(1) encoreplus loin. La prochaine section se consacre ainsi à décrire les autres modèles d’unificationbasés sur ces groupes de jauge.

2.3 Autres modèles de grande unification

L’une des principales contraintes sur les groupes de symétrie possibles à utiliser en tant quegroupe de jauge unique provient de la chiralité du SM. En effet, cela implique que les représen-tations nécessaires pour introduire les champs doivent être complexes. En particulier, l’étudedes algèbres de Lie montre que seuls les groupes de Lie classiques SU(N > 2) et SO(4n+ 2)ainsi que le groupe exceptionnel E6 possède de telles représentations. Pour compléter le tourd’horizon sur les SGUTs, il est donc pertinent de présenter un aperçu des théories possiblesrequérant la symétrie SO(10), le plus petit groupe de la famille SO(N) pouvant intégrer leSM, ou E6 en tant que groupe de jauge.

2.3.1 Unification sous le groupe de jauge SO(10)

Le groupe SO(10) est certainement un groupe de jauge auquel il vaut la peine de s’intéresser.Tout d’abord, tout groupe SO(N) excepté SO(6)3 est dépourvu d’anomalies, ce qui fournitune base cohérente à la réalisation du modèle standard. Toutefois, ce qui rend vraimentremarquable le modèle SO(10) est sa capacité à unifier non seulement le groupe de jauge,mais aussi la matière.

Il est possible de briser le groupe SO(10) vers SU(3)×SU(2)×U(1) de différentes manières.Le modèle le plus commun utilise le fait que SU(n)×U(1) est un sous-groupe de SO(2n)4 etconsidère la réduction

SO(10) 1−→ SU(5)× U(1) 2−→ SU(3)× SU(2)× U(1) 3−→ SU(3)× U(1), (2.33)

3En effet, SO(6) est isomorphe à SU(4).4Cela se voit facilement à partir des diagrammes de Dynkin (présenté à l’annexe A) : retirer la dernière

racine de Dn laisse le diagramme de An−1 + U1.

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où les brisures ont été numérotées pour références futures. Le groupe SU(5) × U(1)χ dumodèle SU(5) supersymétrique minimal apparait à la première brisure, avec la symétrie U(1)χmaintenant jaugée. Cette coïncidence a de nombreuses conséquences et rend l’analyse dumodèle SO(10) très similaire à celle faite précédemment. En particulier, la représentationspinorielle 16 de SO(10) se décompose comme

16→ (5, 3)⊕ (10,−1)⊕ (1,−5), (2.34)

dans la notation (RSU(5), qχ), où RSU(5) est la représentation irréductible sous SU(5) et qχ estla charge sous U(1)χ. Cette représentation contient donc les deux champs χ et ψ du modèleSU(5) en plus d’un singulet N généralement associé au neutrino droit. Ce fait remarquablerend le modèle SO(10) phénoménologiquement très intéressant. En plus d’unifier la matièreen un seul multiplet M, il incorpore naturellement un neutrino droit, permettant ainsi dedonner une masse non nulle au neutrino de Dirac.

Les interactions de jauge sont médiées par des superchamps vectoriels dans la représentationadjointe (qui correspond à l’antisymétrique) 45 de SO(10). Après la brisure, elle devient

45→ (24, 0)⊕ (1, 0)⊕ (10, 4)⊕ (10,−4), (2.35)

où est retrouvée l’adjointe 24 de SU(5).

Pour obtenir les trois brisures différentes de (2.33), il est nécessaire d’introduire trois super-Higgs. La brisure 1, vers SU(5)×U(1)χ, peut être atteinte de plusieurs manières, par exemplepar un Higgs H1 dans la représentation 16. La brisure 2 doit se faire encore à l’aide d’une 24de SU(5). Ainsi, toute représentation de SO(10) brisant vers une 24 peut opérer cette tâche.La plus petite représentation qui satisfait cette condition est la 45 de SO(10), qui est doncsouvent choisie pour incorporer le Higgs H2. Pour remplir le rôle des Higgs du MSSM (brisure3), il est pratique de considérer les invariants qu’il est possible de créer avec les champs dematière M :

M2 ∼ 16⊗ 16 = 10⊕ 126⊕ 120. (2.36)

La solution la plus simple est donc de choisir un Higgs unique H3 dans la représentationfondamentale 10 de SO(10) (comme la 10 est réelle, 10⊗ 10 ⊃ 1). Sous brisure de symétrie,cette représentation s’écrit

10→ (5, 2)⊕ (5,−2), (2.37)

où les deux superHiggs η et η sont ainsi retrouvés. Tous les champs nécessaires au modèleminimal sont présentés au tableau 2.2

Le superpotentiel renormalisable des champs de matière prend la forme très simple

W(M,H3) ⊃ λijMiMjH3. (2.38)

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Tableau 2.2 – Les champs fondamentaux du modèle SO(10) supersymétrique minimal. Unegénération complète de champs de matière se retrouve dans M en plus d’un neutrino droit. TroissuperHiggs sont nécessaires pour opérer les brisures de symétrie vers le SM.

Superchamp Groupes de symétrieSuper-Poincaré SO(10)

M LC 16H1 LC 16H2 LC 45H3 LC 10A Vecteur 45

Il est pertinent de remarquer qu’en raison de la représentation 16 du superchamp de matière,il n’est pas possible d’inclure un terme cubique ∝ M3 dans le superpotentiel. Cela a pourconséquence d’éliminer les interactions indésirées du superpotentiel du MSSM (1.43) sansavoir à introduire arbitrairement de symétries supplémentaires. Une manière d’interpréter cerésultat est de le voir comme une conséquence de la présence du groupe U(1)χ intrinsèqueau groupe SO(10). De même, la discussion sur cette symétrie juste avant la section 2.2.3implique directement que le générateur de la symétrie B−L est contenu parmi les générateursde SO(10), ce qui rend le modèle SO(10) encore plus intéressant.

Revenant au superpotentiel, il devient, sous la brisure de symétrie 1,

W ⊃ λ(ψχη + χχη + Nψη), (2.39)

où les deux premiers termes correspondent au potentiel (2.25) avec λ = λu = λd. Cetteprédiction est encore pire que la prédiction du modèle SU(5), car, en plus de donnerme = md,elle implique que la masse du neutrino est égale à la masse du up à l’échelle d’unification.

Une manière élégante de régler ce problème est d’utiliser un Higgs H′1 dans la représentation126 plutôt que H1 dans la 16 pour réaliser la brisure 1. Ce Higgs se décomposant comme

126→ (1, 10)⊕ (5, 2)⊕ (10, 6)⊕ (15,−6)⊕ (45,−2)⊕ (50, 2), (2.40)

il peut se coupler à la matière au moyen d’un terme λ1MMH′1 dans le superpotentiel, cequi génére un terme de masse de Majorana de l’ordre de µU pour le neutrino droit parl’invariant formé du singulet dans les trois champs. Cet énorme terme de masse, combiné avecla masse de Dirac du neutrino provenant de la brisure de symétrie électrofaible, génère lamatrice nécessaire au mécanisme de seesaw. C’est d’ailleurs dans ce contexte précisément quece mécanisme a été introduit par Gell-Mann, Ramond et Slansky [49] et Yanagida [50].

D’un autre côté, le problème du triplet des superHiggs η et η lourds versus leurs doubletslégers se résout de manière élégante dans le modèle SO(10) par le biais du doublet manquant.En effet, le superHiggs H2 dans la représentation 45 de SO(10) ne possède aucun doublet

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(1,2) sous SU(3)C×SU(2)L, mais contient des triplets (3,1) et (3,1). En formant l’invariantcomposé du produit 10⊗ 10⊗ 45, le superpotentiel désiré s’écrit

W ⊃ ΛH3H3H2. (2.41)

Après la brisure de symétrie 1, le champ H2 se décompose selon (2.35) pour donner (enutilisant les représentations sous SU(5) comme composantes de H2)

W ⊃ Λ(2ηη 24 + 2ηη 1 + ηη 10 + ηη 10). (2.42)

Lorsque H2 acquiert une VEV v2, les termes proportionnels à 10 et 10 donnent une massede l’ordre de v2 aux triplets de η et η, mais laissent sans masse les doublets de Higgs à cetteéchelle d’énergie.

En plus du modèle simple ici exposé, il existe d’autres chemins de brisure de SO(10) pourse rendre au SM. Un autre modèle utilise le fait que SO(M +N) se brise naturellement versSO(M)× SO(N) et que SO(6) est isomorphe à SU(4) et de même que SO(4) est isomorpheà SU(2)× SU(2). La brisure prend la forme

SO(10) 1−→ SU(4)× SU(2)L × SU(2)R 2−→ SU(3)× SU(2)L × U(1) 3−→ SU(3)× U(1), (2.43)

dans laquelle le groupe SU(3)C provient de SU(4) et l’hypercharge U(1)Y provient de SU(2)R.Les champs de matière sont encore réunis dans une seule représentation 16 qui se brise telle

16→ (4,2,1)⊕ (4,1,2). (2.44)

Ce modèle introduit une « quatrième » couleur. Ainsi, le lepton L est joint au quark Q pourformer la représentation (4,2,1). De l’autre côté, les quarks U et D sont assemblés sousforme d’un doublet sous SU(2)R tandis que le lepton E ainsi qu’un nouveau neutrino droitN viennent compléter le multiplet en tant que quatrième couleur. Il intéressant de voir quece modèle propose que les champs viennent de manière symétrique et que c’est la brisurede SU(2)R qui met en évidence l’interaction d’isospin faible. La représentation adjointe sedécompose en

45→ (15,1,1)⊕ (1,3,1)⊕ (1,1,3)⊕ (6,2,2). (2.45)

Le superHiggs qui opère la brisure 1 est généralement dans la représentation 54 et la brisure2 vers le SM est réalisée par deux Higgs dans les représentations 16 et 16 ou 126 et 126.

Il est intéressant de noter que sous la brisure SU(4)→ SU(3)C×U(1)B−L, la partie U(1)B−Lqui émerge possède les bons nombres quantiques pour la conservation des nombres baryoniqueset leptoniques. Lors de la dernière brisure de symétrie, la charge électrique est alors donnéepar la combinaison linéaire

q = t3L + t3R + B − L2 , (2.46)

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fournissant alors une origine très concrète à l’hypercharge y :

y = t3R + B − L2 . (2.47)

Pour terminer, il convient de mentionner l’existence d’un modèle SO(10) flipped. Le SO(10)flipped utilise comme groupe de jauge SO(10) × U(1)B. En ce sens, il constitue seulementune unification partielle. Ce modèle retombe sur le modèle SU(5) flipped ou le modèle SU(5)minimal une fois brisée selon la distribution choisie des superchamps dans les représentations.En raison de la charge U(1)B, la charge des champs après la brisure de symétrie n’est pasla même que celle obtenue précédemment. Pour pouvoir incorporer les champs avec la bonnecharge qχ, il est nécessaire d’introduire une génération dans la représentation réductible 16−1⊕102⊕1−4, où l’indice correspond à la charge qB du groupe U(1)B. Le changement de notationest ici utilisé pour marquer la différence entre les représentations du groupe SO(10)×U(1)Bde SU(5)×U(1)χ. Sous le groupe SU(5)×U(1)χ, ces représentations se décomposent comme

16−1 → (10,−1)⊕ (5,−2)⊕ (1, 0), (2.48)

102 → (5, 2)⊕ (5, 3), (2.49)

1−4 → (1,−5). (2.50)

La représentation 102 est ici essentielle puisque le 5 provenant de la 16−1 ne possède pas labonne charge qχ = 3. La représentation 1−4 est introduite pour produire le neutrino droit(ou le lepton E dans le modèle flipped) ayant la bonne charge sous le groupe U(1)χ. De plus,la décomposition du 16−1 inclut un singulet (1,0), nécessaire dans le modèle SU(5) flipped.Ce modèle possède donc 11 champs de matière de plus que ceux des autres modèles SO(10).Les champs indésirables sont retirés de la théorie efficace lorsqu’ils acquièrent une masse del’ordre de l’échelle d’unification sous brisure de symétrie. Cette brisure peut, par exemple,être opérée par deux Higgs dans les représentations 16−1 et 161 dont les parties (10,−1) et(10, 1) jouent le rôle des Higgs du modèle SU(5) flipped. Les modèles basés sur SO(10) sontmultiples et variés [51, 52, 53].

Bien que le modèle SO(10) flipped ne semble pas être une théorie d’unification complète, sapolyvalence et le fait qu’il soit dérivable à partir d’un modèle basé sur E6 le rendent digned’être étudié.

2.3.2 Unification sous le groupe de jauge E6

Le groupe E6 est l’un des cinq groupes de Lie exceptionnels, soit G2, F4, E6, E7 et E8. Parmices groupes, seul E6 possède des représentations complexes, nécessaires à la structure du SM.De plus, E6 est naturellement sans anomalies. Avec ses 78 générateurs et son rang 6, E6 est legroupe de plus grande symétrie jusqu’ici rencontré (par rapport aux 12 du SM, 24 de SU(5)et 45 de SO(10)). Cette quantité de symétries le rend hautement prédictif, mais l’oblige de

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s’éloigner des modèles minimaux, car il inclut beaucoup plus de champs. Le groupe de jaugeE6 survient naturellement dans la théorie des supercordes hétérotiques, ce qui vient donnerbeaucoup de poids aux modèles d’unification basés sur ce dernier.

Il existe deux principaux modèles employant le groupe de jauge E6. Le premier de ces modèles[54, 55] considère la brisure suivante5 :

E6 → SO(10)× U(1)B. (2.51)

Ce sous-groupe est rapidement identifié au groupe de jauge du modèle SO(10) flipped. Eneffet, la représentation fondamentale 27 de E6 se décompose de façon unique vers

27→ 16−1 ⊕ 102 ⊕ 1−4, (2.52)

soit l’exact contenu du modèle SO(10) flipped. Les générateurs dans la représentation adjointesdeviennent

78→ 450 ⊕ 163 ⊕ 16−3 ⊕ 10. (2.53)

Les interactions entre les champs sont plus complexes à incorporer dans le modèle E6. Celaest en partie attribuable à la décomposition en représentations irréductibles du produit dedeux 27 :

27⊗ 27 = 351s ⊕ 351a ⊕ 27, (2.54)

où la première représentation 351s correspond à la symétrique et la 351a à l’antisymétrique.6

Ainsi, contrairement au modèle SO(10), les interactions cubiques sont permises dans le su-perpotentiel. Les invariants originant d’un tel terme sous la brisure vers SO(10)×U(1)B puisvers SU(5)× U(1)χ sont

27⊗ 27⊗ 27∣∣∣1

SO(10) [16−116−1102]⊕ [1021021−4] (2.55)

SU(5) [10−110−152]⊕[5−21052

]⊕[10−15−253

]⊕[52531−5

], (2.56)

où les produits tensoriels ⊗ entre les représentations ont été omis et les charges qχ ont étéplacées en indice par souci de clarté. Une analyse rapide montre que ces termes n’incluent tou-tefois aucune interaction cubique problématique entre les champs du MSSM (contenus dansla 10−1 et la 53, ainsi que possiblement la 1−5 de SU(5)). Si l’une de ces trois représentations27 est un Higgs, alors les interactions conviennent exactement pour briser la symétrie électro-faible. Cependant, il est très difficile de donner une grande masse aux triplets des superHiggs

5Cette brisure se comprend facilement en retirant la dernière racine du diagramme de Dynkin de E6.6Une manière plus pratique de distinguer ces deux représentations irréductibles est d’employer la notation

des coefficients de Dynkin, auquel cas 351s = [2δi1] = (2,0,0,0,0,0) et 351a = [δi3] = (0,0,1,0,0,0).

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tout en gardant les doublets légers. Le mécanisme du doublet manquant est complexe à in-corporer et impose l’utilisation de plusieurs Higgs dans de grandes représentations, commeles 27, 351a, 351a et 78. Un tel nombre de champs introduit un superpotentiel compliqué etdifficile à résoudre.

En plus de la réduction vers SU(5)× U(1)χ, il est possible d’opérer la brisure alternative

E6 → SO(10)× U(1)→ SU(4)× SU(2)L × SU(2)R × U(1) (2.57)

telle que discutée dans la section précédente pour obtenir une variation intéressante.

Le second modèle employant E6 comme groupe de jauge se sert d’un sous-groupe maximaldifférent7 :

E61−→ SU(3)C × SU(3)L × SU(3)R. (2.58)

Ce modèle a été proposé en premier lieu vers la fin des années 70 [56, 57, 58] et a été rendusupersymétrique vers la fin des années 80 [59]. L’idée d’unifier le SM sous un triplet degroupe SU(3) a été étayée par Georgi, Glashow et Rújula [60], lesquels ont suggéré le nomde « trinification » pour des raisons évidentes. Les modèles E6 unifiant les trois SU(3) sontparfois eux aussi appelés trinifications par abus de langage.

Dans le modèle de la trinification, le premier des trois sous-groupes correspond au SU(3)C duSM, tandis que le deuxième, SU(3)L, est supposé brisé vers SU(2)L×U(1)YL et le troisième,SU(3)R, est considéré comme la contrepartie de chiralité opposée à SU(3)L. La brisure versle MSSM peut être considérée en plusieurs étapes :

SU(3)L × SU(3)R 2−→ SU(2)L × U(1)YL × SU(2)R × U(1)YR3−→ SU(2)L × U(1)Y × U(1)η. (2.59)

Les groupes U(1)Y et U(1)η sont des combinaisons linéaires des U(1)YL , U(1)YR et du U(1)contenu dans SU(2)R

La matière est encore incluse dans la représentation 27 qui se décompose avec la notation(RSU(3)C , RSU(3)L , RSU(3)R) comme

27→ (3,3,1)⊕ (3,1,3)⊕ (1,3,3). (2.60)

Selon la brisure de symétrie énoncée, les quarks Q sont contenus dans le premier terme, quipossède en plus un triplet inconnu chargé sous SU(3)C . Le deuxième terme comporte quant àlui les quarks U et L auxquels est joint un nouveau triplet inédit. Les leptons sont inclus dansle dernier terme, où le E est pairé avec un neutrino droit N dans un doublet sous SU(2)R. Lescinq composantes manquantes sont constituées de deux doublets ayant les mêmes nombresquantiques que les deux Higgs du MSSM et d’un singulet apparenté à un neutrino stérile.

7Ce sous-groupe est obtenu en retirant la troisième racine du diagramme de Dynkin étendu de E6.

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La représentation adjointe devient quant à elle

78→ (8,1,1)⊕ (1,8,1)⊕ (1,1,8)⊕ (3,3,3)⊕ (3,3,3). (2.61)

Un Higgs dans une telle représentation peut facilement réaliser la brisure 1 et 2 à la fois enacquérant une VEV dans les directions (1,8,1) et (1,1,8). D’autres représentations possiblespeuvent être utilisées pour briser les symétries restantes.

Les modèles E6 sont intéressants phénoménologiquement, mais sont complexes à élaborer enraison du nombre élevé de superchamps introduits dans la théorie, lesquels doivent absolumentacquérir une masse de l’échelle d’unification, imposant de ce fait beaucoup de conditionsdifficiles à interpréter sur le secteur de Higgs. Certains résultats peuvent toutefois être déduitsde modèles cohérents, par exemple, la longue chaine de brisures de symétrie repousse l’échelled’unification, augmentant la stabilité du proton jusqu’à 1045 ans, ou encore, la prédiction del’angle faible qui s’approche plus de la valeur mesurée.

Ce chapitre a présenté une vue d’ensemble des modèles d’unification existants. Ces modèlesse concentrent sur l’unification du MSSM en tentant de reproduire du mieux qu’ils peuvent laphénoménologie de notre monde tout en essayant de limiter la quantité de nouveaux champsintroduits. Ils apportent ainsi un nombre important d’avantages, mais ont aussi leur lot d’in-convénients. En particulier, leur apparente simplicité les rend très attirants. Néanmoins, cettesimplicité disparait dans la nécessité d’ajuster la dynamique pour réobtenir le MSSM à basseénergie, rendant plus souvent qu’autrement la théorie descriptive plutôt que prédictive. D’unautre côté, ces modèles offrent des mécanismes expliquant l’oscillation des neutrinos et pos-sèdent des symétries internes supplémentaires justifiant les parités R et la conservation desnombres baryoniques et leptoniques.

Un point fréquemment omis de ces modèles concerne la brisure de supersymétrie. Peu demodèles d’unification complète, pour ne pas dire aucun, utilisent un moyen pour briser lasupersymétrie spontanément ou dynamiquement. Toutefois, la brisure de supersymétrie peutjouer un rôle important dans la dynamique à basse énergie et modifier les interactions ainsique les termes de masse, comme dans le cas du singulet glissé (2.28). La raison principalede cette négligence est sans aucun doute attribuable à la difficulté de l’implanter dans cesmodèles. Le concept de brisure dynamique de supersymétrie a été élaboré ces dernières annéesavec l’étude de la dynamique non perturbative. Entre autres, Intriligator, Seiberg et Shih ontdéveloppé l’idée d’utiliser un minimum métastable non supersymétrique émergent à partird’un phénomène non perturbatif. Le prochain chapitre aborde ces sujets.

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Chapitre 3

Brisure dynamique desupersymétrie par un videmétastable

La brisure de la supersymétrie dans les théories quantiques des champs représente un défi detaille. Il est en général très difficile de briser la supersymétrie sans laisser de champs scalairesou de gauginos très légers, tels qu’ils auraient nécessairement été observés dans les expériencesde collisionneurs. Les mécanismes classiques de brisure de supersymétrie de Fayet-Iliopoulos(1974) [3, 4], aussi dits de type D, brisent les symétries de jauge non abéliennes, tandisque les mécanismes de O’Raifeartaigh (1975) [5], alternativement dénommés type F , sonthabituellement complexes et peu naturels.

Dans tous les cas, la difficulté que constitue la brisure de la supersymétrie indique qu’ilest nécessaire de considérer un secteur de superchamps découplés du MSSM qui brise lasupersymétrie. Ce secteur « invisible » ou « caché » pourrait théoriquement posséder desparticules légères sans être un problème, puisqu’elles n’interagissent pas avec la matière. Cettesolution semble être la seule qui soit viable pour bâtir un modèle réaliste de notre Univers.La brisure de supersymétrie doit être transférée du secteur caché au secteur visible par unmécanisme autre, telles la médiation de jauge, la médiation par anomalies ou la médiationpar interactions gravitationnelles.

Alternativement aux moyens classiques, une méthode plus récente (2006) de brisure dyna-mique de supersymétrie a été élaborée par Intriligator, Seiberg et Shih. Elle propose que lasupersymétrie soit brisée par un vide métastable, dont la demi-vie dépasse l’âge de l’Univers,une idée longtemps négligée par la communauté. Parmi les avantages de cette technique, ilest intéressant que la brisure soit réalisée dynamiquement, de sorte qu’à haute énergie, lasupersymétrie est présente, mais ne l’est pas dans la théorie efficace à basse énergie. Celaévite d’avoir à inclure un superpotentiel complexe et difficile à expliquer. Le mécanisme est

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donc simple, efficace et naturel ; pour toutes ces raisons, il semblait très intéressant d’étudierla faisabilité de construire une théorie supersymétrique pleinement unifiée dont le mécanismede brisure de supersymétrie est le mécanisme ISS.

Ce chapitre est consacré à l’explication de l’origine du vide métastable du mécanisme ISS.Pour ce faire, la première section introduit le concept des phases des théories de jauge nonabéliennes, valides pour les théories quantiques des champs en général, supersymétriques ounon. À partir de ces considérations, les différents régimes de la chromodynamique quantiquesupersymétrique (SQCD) sont étudiés, puis finalement, un modèle simple de SQCD est déve-loppé pour illustrer le fonctionnement du mécanisme ISS.

3.1 Les phases des théories de jauge

Les théories de jauge, couramment appelées théories de Yang-Mills lorsqu’elles sont non abé-liennes, sont très riches malgré leur apparente simplicité. Elles présentent une multitude dedynamiques possibles, selon la valeur des paramètres de la théorie, mais aussi en fonction del’échelle d’énergie des systèmes à l’étude. En effet, cinq régimes différents peuvent être iden-tifiés, dépendamment du comportement des interactions. Ceux-ci peuvent être caractériséspar la forme du potentiel V (r) entre une charge « électrique » ponctuelle test et une source,séparées par une grande distance r. Les phases et leurs potentiels sont montrés au tableau 3.1et sont examinés dans Binétruy [41] et dans les articles de rétrospective de Peskin [8] ainsique de Intriligator et Seiberg [61]. Les trois premières phases surviennent lorsque les bosons

Tableau 3.1 – Les différentes phases des théories de jauge. Cinq phases peuvent être identifiéesen fonction de la forme du potentiel présent entre une charge test et une source. Les phasesélectriques libres et magnétiques sont duales, de même que les phases de Higgs et de Wilson. Laphase de Coulomb est dite autoduale.

Phase V (r) ∝Coulomb 1

r

Électrique libre 1r ln(Λr)

Magnétique libre ln(Λr)r

Higgs CWilson (ou confinement) r

de jauge de la symétrie sont sans masse. Elles sont décrites de manière générale par un po-tentiel de la forme V (r) ∝ α(r)

r , où α(r) est la constante de couplage renormalisée qui dépendde la distance, ou, de façon équivalente, de l’échelle d’énergie, puisque longueur et énergiesont interchangeables dans le système d’unités naturelles. Dans une théorie de jauge avec deschamps chargés sans masse, la constante de couplage α est renormalisée selon l’équation (2.4)tel que discuté dans la section 2.1.1 sur la fonction β supersymétrique. Elle peut s’exprimer

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comme

α(µ) = α(µ0)1− α(µ0)b

2π ln µ0µ +O (α2)

, (3.1)

où µ0 est une échelle d’énergie de référence et α est supposé petit pour que le développementsoit perturbatif.

Pour b nul (ou lorsque la fonction β complète est nulle), α(r) = α(µ0) est une constante et laphase dite de Coulomb est trouvée. La dynamique d’une telle théorie est alors régie par unpotentiel inversement proportionnel à la distance, comme ceux de la gravité de Newton ou del’électromagnétisme classique. Ce type de comportement peut survenir dans des théories dejauge abéliennes telle la QED à des énergies inférieures à la masse de l’électron, mais aussidans des théories de jauge non-abéliennes, lorsque la fonction β possède un point fixe nontrivial. Dans ce cas, la théorie acquiert une symétrie conforme.

Pour b < 0, l’évolution de la constante de couplage (3.1) n’est valide que pour µ . µ0. Eneffet, à large séparation r, α(r) tend vers 0, tandis que pour µ > µ0, α grandit. Comme αn’est plus petit, la série ne peut être utilisée pour extraire de l’information. La théorie estalors libre (c.-à-d. sans interaction) dans l’infrarouge (IR) et la constante de couplage divergelogarithmiquement à une certaine échelle d’énergie Λ, après laquelle la théorie est mal définie.Dans ce régime, la constante de couplage prend alors la forme approximative

α(r) ∼ 1ln (rΛ) , (3.2)

correspondant à la phase dite électrique libre.

D’un autre côté, pour b > 0, la fonction β possède un pôle à une certaine énergie seuilΛ en deçà de laquelle l’évolution de la constante de couplage (3.1) n’est plus valide. Aucontraire, α tend vers 0 lorsque µ est très grand : la théorie est libre dans l’ultraviolet (UV),ou de manière équivalente, est asymptotiquement libre. Dans cette situation, les interactionsà longue distance impliquent des niveaux d’énergie près du seuil Λ. Les charges électriquestests sont donc très fortement couplées. Toutefois, certaines théories possèdent une descriptionduale en termes de monopôles magnétiques. La constante de couplage de cette théorie est alorsproportionnelle à α−1 selon la condition de quantification de Dirac. Dans cette situation, lescorrections quantiques à la constante de couplage par les monopôles magnétiques modifientla relation (3.2) pour α−1(r) ∼ 1

ln(rΛ) . Ainsi, le potentiel pour les charges électriques à longuedistance est s’exprime comme

V (r) ∝ ln (Λr)r

. (3.3)

Cette phase est alors appelée magnétique libre.

Il est intéressant de noter que d’appliquer la dualité électrique-magnétique bien connue, quiintervertit entre autres les charges électriques avec les charges magnétiques, interchange la

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phase électrique libre avec la phase magnétique libre, mais la phase de Coulomb reste lamême. Ce résultat est facilement démontrable dans les théories de jauge abéliennes, mais ilest hautement non trivial dans le cas de symétries non abéliennes. Cette dualité est connuesous le nom de conjecture de Montonen-Olive [62].

Deux autres phases peuvent être reconnues. La phase de Higgs survient lorsque des champschargés électriquement acquièrent une VEV. Le groupe de symétrie est alors brisé spontané-ment, les bosons de jauge et les charges électriques obtenant une masse de l’ordre de la VEV.Comme la symétrie est disparue, les champs s’organisent sous forme de singulets compo-sites. Les condensats provenant du vide contribuent alors de manière constante au potentiel,tandis que les interactions médiées par les bosons de jauge et le Higgs, maintenant massifs,sont corrigées par un facteur exponentiellement décroissant avec la distance, les rendant doncnégligeables pour r grand.

Finalement, lorsque la fonction β est négative (b > 0), il arrive parfois que la théorie nepossède pas d’équivalent dual à basse énergie. Dans ce cas, la phase est dite de Wilson oude confinement. La constante de couplage des charges électriques devient infinie à une échelled’énergie faible Λ, ce qui induit des interactions extrêmement puissantes à longue distance. Leschamps chargés sont ainsi confinés dans des états liés de façon permanente, tels des baryonsou des mésons, formant des particules composites, similaires à des particules élémentaires àfaible énergie. À cette échelle, la symétrie de jauge est éliminée de la théorie. Il est conjecturé,mais non prouvé, que le confinement engendre une masse non-nulle pour les condensats. Ceproblème est mieux connu sous le nom du problème de l’écart de masse (mass gap). Uneboucle de Wilson permet d’estimer le potentiel entre deux charges tests, ce qui donne unpotentiel linéaire avec la distance. Cette situation est analogue à une « corde » qui relie deuxpoints avec une tension constante, où la corde représente un tube de flux électriques très serré.

Dans le cas où des champs proprement chargés sont présents dans la théorie, le potentiellinéaire est camouflé par l’apparition de paires particule-antiparticule brisant le tube de fluxlorsque l’énergie qu’il contient dépasse la masse de la paire. Ce phénomène est familier enQCD, où des jets de hadrons sont couramment observés dans les collisionneurs de particules.Cela a pour effet de cacher complètement la source de la charge test, rendant le potentielconstant.

Pour cette raison, dans une théorie de jauge avec de la matière proprement chargée, lesphases de Higgs et de Wilson sont qualitativement identiques. Toutefois, il est possible deles différencier quantitativement à des énergies modérément hautes, puisque les particulescomposites possèdent des facteurs de forme modifiant la matrice de diffusion.

Sous l’application de la dualité électrique-magnétique, il est possible de montrer que les phasesde Higgs et de Wilson sont échangées dans le cas de théories de jauge abéliennes. Mandelstamet ’t Hooft ont conjecturé que cela devrait aussi être vrai pour les théories de jauge non

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abéliennes, ce qui a été démontré pour les théories supersymétriques. En particulier, ces deuxphases sont si semblables qu’il est possible de décrire la même théorie par l’un ou l’autre deces mécanismes. En effet, en faisant varier les paramètres de la théorie, une phase de Higgspeut être interpolée de manière continue jusqu’à une phase de Wilson et vice versa.

Tous les liens entre les différentes phases que constituent les dualités rendent possible l’étudede régimes non perturbatifs dans des théories de jauge. Ils forment ainsi des outils puissantspour l’analyse de la dynamique au-delà des approximations et permettent d’améliorer la com-préhension des phénomènes critiques dans les théories quantiques des champs. Le mécanismede Intriligator, Seiberg et Shih repose d’ailleurs sur l’exploitation d’une dualité de phases,soit la dualité électrique-magnétique de Seiberg (généralisée pour les théories de jauge), quiest exposée à la prochaine section.

3.2 La dynamique de la chromodynamique quantiquesupersymétrique

La chromodynamique quantique (QCD) est la théorie décrivant la force de couleur entreles quarks du SM. À basse énergie, le couplage entre les différents champs soumis à cetteinteraction est extrêmement fort, d’où la dénomination alternative de « force forte ». Pourcette raison, la théorie est hautement non pertubative, ce qui rend sa phénoménologie trèsdifficile à étudier analytiquement. Les éléments les plus particuliers à la QCD sont sans doutele confinement permanent des quarks ainsi que l’apparition d’une VEV pour les condensats depaires de quarks. Cette VEV brise d’ailleurs la symétrie chirale entre le proton et le neutronet explique la masse légère des pions. La QCD propose ainsi une dynamique très différenteet, par le fait même, très intéressante, des autres théories quantiques.

Originellement réservée pour une théorie possédant un quark et un antiquark venant en deuxsaveurs, chargés sous SU(3)C , la dénomination QCD est étendue par abus de langage à ladescription de modèles plus généraux, avec Nf saveurs et Nc couleurs. C’est ce sens plus largequi est sous-entendu dans le présent chapitre.

Dans le contexte de supersymétrie, étudiée dans ce mémoire, il convient de définir la chromo-dynamique quantique supersymétrique (SQCD), la généralisation supersymétrique évidentede la QCD. L’ajout de la supersymétrie en QCD est en quelque sorte salvateur. En effet, lesdifférents théorèmes de non-renormalisation permettent d’analyser non perturbativement lecomportement de la théorie dans différents régimes sous forme de dualités. Cela a pour effetd’exposer la richesse des phénomènes de la SQCD, difficilement accessible en QCD standard.

Plusieurs dynamiques surviennent en SQCD selon les paramètres de la théorie ; en faisantvarier Nf et Nc, des régimes variés peuvent être obtenus. Le cas Nf < Nc a d’abord été étudiépar Veneziano, Taylor et Yankielowicz [63] ainsi que par Affleck, Dine et Seiberg [24], où une

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phase de confinement a lieu. Les autres cas de Nf ont été résolus par Seiberg [64] en 1995 où,à l’aide de considérations non perturbatives telles la condition de cohérence des anomalies de’t Hooft et le découplage holomorphe, la dualité « électrique-magnétique » non abélienne estélaborée.

La section suit un cheminement similaire : la SQCD est d’abord présentée en toute généralité,puis une analyse plus détaillée est effectuée pour les différents intervalles de Nf . La présenta-tion est inspirée de la revue de Peskin [8], mais aussi de celle de Intriligator et Seiberg [61].L’article original de Seiberg [64] et l’aperçu donné par Binétruy [41] sont aussi des référencesutilisées.

3.2.1 La chromodynamique quantique supersymétrique

La chromodynamique quantique supersymétrique est un modèle théorique de base remar-quable par sa simplicité et par son étonnante richesse. Cette section met en place le cadrethéorique de la SQCD en général et les notions utiles pour l’étude de cas plus spécifiques.

La SQCD est une théorie de Yang-Mills ayant pour groupe de jauge SU(Nc) avec Nc « cou-leurs » et avec des « superquarks » Q et « superantiquarks » Q dans les représentations fon-damentale et antifondamentale de SU(Nc) respectivement. Ces superchamps sont dans lareprésentation LC du groupe de superPoincaré et ils viennent en Nf saveurs (flavors). Leursparties fermioniques correspondent alors aux quarks et antiquarks de la QCD standard. Lesinteractions sont médiées par un superchamp vecteur de « supergluons » G dans la représen-tation adjointe de SU(Nc).

Un lagrangien pour la SQCD peut être construit tel que fait à la section 1.2 sur la super-symétrie. En QCD standard, seuls des termes « cinétiques » contribuent à l’action. Ainsi, lelagrangien de base de la SQCD est le lagrangien minimal contenant les termes cinétiques detous les superchamps, ce qui donne

L = Q†e2gGQ∣∣∣D

+ Q†e2gGQ

∣∣∣D

+ 14F

aαFaα

∣∣∣F. (3.4)

Par hypothèse, aucun superpotentiel de la forme W = mQQ n’est inclus. Cette supposition estlégitime puisqu’en supersymétrie, grâce aux théorèmes de non-renormalisation, aucune cor-rection quantique perturbative ne peut générer une telle expression, même dans un lagrangienefficace.

Ce lagrangien possède plusieurs symétries globales. De manière analogue à la QCD standard,une symétrie U(Nf )Q existe entre les quarks Q et similairement un U(Nf )

Qrelie les super-

champs Q.1 De plus, le modèle présente une symétrie U(1)R, détaillée à la section 1.3 sur le1Ces symétries sont traditionnellement dénotées par U(Nf )L et U(Nf )R respectivement par rapport à la

chiralité gauche et droite des quarks. Cependant, par souci de clarté avec la symétrie U(1)R en supersymétrie,il semblait juste de modifier la notation.

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MSSM. Ces symétries globales sont toutes valides au niveau classique, mais certaines ne sontplus exactes au niveau quantique. En effet, des interactions quantiques à une boucle, définiespar des diagrammes de Feynman dits « triangulaires » présentés à la figure 3.1, engendrentdes anomalies qui peuvent briser ces symétries globales.

jµa

jν b

jρ c

jµa

jν b

jρ c

+

Figure 3.1 – Diagrammes de Feynman des corrections quantiques contribuant aux anomalies.Une théorie est dite sans anomalies si la somme de ces diagrammes est nulle. Les courants jµacorrespondent à des sources pour les symétries. Tous les fermions passent dans la boucle triangu-laire.

Les diagrammes triangulaires se composent de trois courants jµa, avec a un indice de groupe,qui sont couplés par l’intermédiaire de fermions. Les courants sont calculés de manière stan-dard à partir d’une variation du lagrangien pour chaque symétrie de la théorie. Lorsqueces diagrammes sont non nuls, ils agissent comme une source pour l’un des trois courants,contrevenant ainsi aux lois de conservation classiques. Pour qu’un modèle soit cohérent, sessymétries jaugées doivent être sans anomalies. Il est facile de vérifier si les diagrammes de lafigure 3.1 sont nuls. En effet, il est possible de montrer que les anomalies Aabc s’expriment àl’aide de quantités de la théorie des groupes tel que

Aabc ∝∑f

tr(T aRf

{T bRf , T

cRf

}), (3.5)

où la somme s’effectue sur tous les fermions f de la théorie et les T aRf sont les générateurs desgroupes de symétrie à l’étude dans la représentation Rf du fermion f . Lorsque les courantsb et c sont des sources pour une même symétrie non abélienne, il est possible d’exprimerl’anticommutateur par {

T bR, TcR

}= Cδbc + dbcdT dR, (3.6)

où C est une constante fixé par le Casimir C(R) et dbcd est un tenseur totalement antisymé-trique. Par conséquent, l’anomalie (3.5) peut être écrite comme

∑f

tr(T aRf

{T bRf , T

cRf

})≡

Adabc si T aRf ne commute pas avec T cRf ,Aδbc si T aRf commute avec T cRf ,A si tous les générateurs sont abéliens,

(3.7)

où A est le coefficient d’anomalie, facilement calculable, qui doit être nul pour que la théoriesoit cohérente.

En SCQD comme en QCD, les parties U(1)Q et U(1)Qdes groupes U(Nf )Q et U(Nf )

Qsont

anomales, chacune ayant une anomalie proportionnelle à A = 3Nf . Toutefois, il est possible

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de former des combinaisons linéaires à partir de ces U(1) dont l’une n’est pas anomale. Endéfinissant les deux nouvelles symétries U(1)A « axiale » et U(1)B « baryonique » (aussi parfoisappelée « vecteur » par opposition à axiale) avec les charges

qA = qQ + qQ

& qB = qQ − qQ , (3.8)

il est possible de vérifier que la symétrie U(1)B est sans anomalie. Cette symétrie assigne unecharge de 1 aux champs Q et de −1 aux champs Q, ce qui assure la conservation du nombrebaryonique.

D’un autre côté, la symétrie U(1)R, présente uniquement en raison de la supersymétrie, estaussi anomale si les charges qr des superquarks sont les mêmes que celles du MSSM, présentéesau tableau 1.2. Cependant, une symétrie U(1)R sans anomalie peut être identifiée en utilisantla symétrie U(1)A pour construire une combinaison linéaire non anomale. Alternativement, ilest possible de procéder d’une manière analogue à la section 1.3.2 en laissant libre la chargeqr des superquarks et en la choisissant de telle façon que l’anomalie reliée aux courants deU(1)R−SU(Nc)−SU(Nc) soit nulle. En imposant que l’équation (3.5) soit égale à zéro, avec2Nf quarks de charge qr − 1 et Nc gauginos de charge 1, la condition sur l’anomalie devient

0 = Aδab =∑f

tr(qrfT

aRfT bRf

)(3.9)

= (1)tr(T aN2

c−1TbN2

c−1

)+Nf (qr − 1)tr

(T aNcT

bNc

)+Nf (qr − 1)tr

(T aNc

T bNc

)(3.10)

= Ncδab + (qr − 1)Nf

(12 + 1

2

)δab. (3.11)

L’égalité est satisfaite pour qr = Nf−NcNf

. L’ensemble des superchamps et des symétries de laSQCD est résumé au tableau 3.2.

Tableau 3.2 – Contenu en superchamps de la SQCD. Le modèle possède Nf superchamps LC Q

et Q appelés superquarks et superantiquarks. Seule la symétrie SU(Nc) est une symétrie locale,toutes les autres sont globales.

Superchamp Groupes de symétrieSU(Nc) SU(Nf )Q SU(Nf )

QU(1)B U(1)R

Q Nc Nf 1 1 Nf−NcNf

Q Nc 1 Nf −1 Nf−NcNf

G N2c − 1 1 1 0 0

Dans les modèles supersymétriques, la supersymétrie n’est brisée spontanément que si le videpossède un minimum d’énergie non nul. Cela implique que la supersymétrie est préservée entout temps si la condition d’annulation des termes F et D survient simultanément, tel quevu à la section 1.2.4. En SQCD, la condition d’annulation D prend la forme

Da = Q†T aNcQ+Q†T aNc

Q = 0, (3.12)

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où les symboles Q et Q sont ici utilisés pour représenter les parties scalaires de Q et Q ainsique leurs VEVs respectives sans distinction. Comme les générateurs des représentations sontreliés à ceux de leurs conjuguées par la relation T aNc

= −T aNc∗ = −T aNc

>, la condition peuts’écrire comme

tr[T aNc

(QQ† −Q∗Q>

)]= 0. (3.13)

En réexprimant la matrice K ≡ QQ† − Q∗Q> sous une base de générateurs tel que K =∑

b cbTbNc + c01, alors (3.13) devient

N2c−1∑b=1

cbtr(T aNcT

bNc

)+ c0tr

(T aNc

)= 0, (3.14)

ce qui impose cb = 0 pour b 6= 0, mais laisse libre c0. La matrice K est donc un minimum de lathéorie si elle est une matrice proportionnelle à l’identité Nc×Nc. À l’aide d’une transforma-tion de jauge, il est toujours possible de prendre les invariants QQ† et Q∗Q> indépendammentdiagonaux :

QQ† = diag(|v1|2 , |v2|2 , · · · , |vNc |

2)

& QQ† = diag

(|v1|2 , |v2|2 , · · · , |vNc |

2), (3.15)

avec la contrainte

|vi|2 − |vi|2 = c0 ∀ i. (3.16)

Une transformation SU(Nf ) permet finalement d’obtenir une solution pour Q et Q pourlaquelle chaque saveur de squark obtient une VEV réelle dans une « direction de couleur »indépendante. Deux cas qualitativement différents surviennent pour Nf ≥ Nc ou pour lecontraire. Pour le cas Nf ≥ Nc, la solution est, sous la forme d’une matrice Nc ×Nf (chaquecolonne représente un squark), simplement donnée par

Q =

v1

v2

0. . .vNc

& Q =

v1

v2

0. . .vNc

(3.17)

Le second cas est soumis à une contrainte supplémentaire : les VEVs vi et vi doivent être lesmêmes. En effet, pour Nf < Nc, il n’y a pas suffisamment de squarks pour générer Nc VEVsindépendantes. Ainsi, vi = vi = 0 lorsque i > Nf , ce qui implique, selon (3.16), que c0 = 0.Par conséquent, vi = vi ∀ i et la solution de Q et Q est

Q = Q =

v1

v2

. . .vNf

0

. (3.18)

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La SQCD possède ainsi un espace infini et continu de minimums supersymétriques, espacegénéralement appelé « espace de modules » (moduli space). Tous ces minimums ne sont paséquivalents ; certains points préservent des symétries alors que d’autres en brisent. En par-ticulier, dans le cas Nf < Nc, la symétrie de jauge SU(Nc) est généralement brisée versSU(Nc −Nf ) (pour des vi tous différents). La situation où Nf ≥ Nc est plus subtile.

Il est important de noter que l’analyse jusqu’ici effectuée était semi-classique. En effet, lesconsidérations quantiques la modifient de manière non négligeable. La dynamique à basseénergie de ces modèles au niveau quantique est ainsi étudiée au cours des prochaines sections.À cette fin, il est pertinent de calculer l’échelle d’énergie Λ à laquelle la constante de couplagedevient infinie en SQCD, puisque pour des énergies près de Λ, la théorie est hautement nonperturbative et l’analyse semi-classique n’est plus valide. Pour ce faire, une approximation aupremier ordre de la fonction β suffit. La solution est donnée dans (2.4) :

α(µ)−1 = α(µ0)−1 + b

2π ln µ

µ0, (3.19)

où b = 3Nc − Nf est le coefficient de la première correction quantique donnée par l’équa-tion (2.5). Pour µ = Λ, α−1 = 0, ce qui implique

Λ = µ0e− 2πbα(µ0) . (3.20)

Cette expression sera utile pour comparer différentes limites de la SQCD.

3.2.2 Nf < Nc : le superpotentiel d’Affleck-Dine-Seiberg

La SQCD possède plusieurs régimes variés selon l’intervalle de Nf considéré. Il est plus illu-minant de commencer par le cas Nf < Nc pour mieux comprendre les autres cas. L’étude dela dynamique non perturbative motive d’abord l’introduction d’un superpotentiel, qui est parla suite justifiée par l’analyse de la théorie à basse énergie et par le découplage holomorphe.

Tel que mentionné précédemment, la SQCD ne possède pas de superpotentiel perturbatif. Deplus, les théorèmes de non-renormalisation garantissent qu’aucune correction quantique nepeut venir engendrer de tels termes. Toutefois, des effets non perturbatifs peuvent générerdynamiquement un potentiel efficace à la théorie. Il est possible de vérifier que la fonction βpour ce nombre de saveurs est négative et donc que la constante de couplage diverge à partird’une basse échelle d’énergie Λ. Dans ce régime, les quarks sont fortement couplés, la théoriede jauge SU(Nc) disparait et le potentiel de Kähler est déformée et ne prend plus la formecanonique (3.4). En conséquence, il est proposé que la théorie efficace à des énergies sous Λ estdécrite par des états composites singulets sous SU(Nc) pour lesquels un potentiel invariantsous toutes les symétries est généré dynamiquement.

Dans le modèle considéré, il existe un unique terme invariant sous tous les groupes de symétrie.En effet, pour produire un invariant de jauge, il est nécessaire de contracter les superquarks

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Q et Q sous forme d’un « superméson » :

Mij = Qai Q

aj , (3.21)

avec i, j des indices de saveurs et a un indice de couleur. Ce superméson constitue alorsl’ensemble des degrés de liberté de la théorie à basse énergie. Cet opérateur est un superchampLC puisqu’il s’agit d’une somme de produits de superchamps LC. Sous les groupes de chiralitéSU(Nf )Q et SU(Nf )

Q, ce méson est dans une représentation (Nc,Nc). Un invariant peut alors

être obtenu en prenant son déterminant, possèdant une charge de qr = 2(Nf − Nc) et unedimension de 2Nf (en unité unique d’énergie). Les propriétés des opérateurs sont notées dansle tableau 3.3.

Tableau 3.3 – Contenu en opérateurs de la SQCD pour Nf < Nc. Un méson M = QQ estajouté à la théorie à basse énergie. Le déterminant de M est l’unique opérateur invariant sousSU(Nc), SU(Nf )Q et SU(Nf )

Qqu’il est possible de construire. La dimension des opérateurs en

unité d’énergie est exposée pour faciliter la compréhension.

Superchamp Goupes de symétrie DimensionSU(Nc) SU(Nf )Q SU(Nf )

QU(1)B U(1)R

Q Nc Nf 1 1 Nf−NcNf

1

Q Nc 1 Nf −1 Nf−NcNf

1

M 1 Nf Nf 0 2Nf−NcNf2

detM 1 1 1 0 2(Nf −Nc) 2NfG N2

c − 1 1 1 0 0 0

Ainsi, à l’aide de l’échelle dynamique Λ, le superpotentiel dynamique, dont la dimension doitêtre 3 et la charge qr égale à 2, tel qu’expliqué dans le chapitre 1, prend la forme

Wdyn = C

(Λb

detM

) 1Nc−Nf

, (3.22)

avec C une constante sans dimension qu’il est possible de montrer égale à Nc − Nf . Cesuperpotentiel est nommé « superpotentiel d’Affleck-Dine-Seiberg » (ADS), introduit dansleur article [24]. Il est d’ailleurs possible de le dériver grâce à un calcul d’instantons.

Le potentiel scalaire à basse énergie provenant de ce superpotentiel correspond au terme Fde M, obtenu par

−Fij† ≡∂Wdyn∂Mij

= − 1Mij

(Λb

detM

) 1Nc−Nf

, (3.23)

avecM la partie scalaire de M. La condition d’annulation du terme F est nécessaire pour quela théorie soit supersymétrique. Dans le cas présent, cela demande que Fi = 0, ce qui implique

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que les VEVs du méson sont envoyées vers l’infini. Classiquement, c.-à-d. sans correctionsquantiques et sans superpotentiel dynamique, la théorie avait un continuum de minimums.Quantiquement, en incluant le superpotentiel ADS, la théorie se retrouve tout simplementsans minimum fini. À ce minimum du potentiel, il ne peut y avoir de condensats de quarksacquérant une VEV qui brise la chiralité, contrairement à la QCD standard. En effet, le termeF du méson M correspond au produit χQχQ

. Une VEV non nulle pour ce condensat impliqueun terme F non nul, qui n’est pas un minimum de la théorie, brisant par le même fait lasupersymétrie.

Il existe plusieurs moyens de vérifier que le superpotentiel ADS doit être inclus et qu’il estcohérent avec la théorie. En premier lieu, il est intéressant d’étudier comment les dynamiquesà haute et basse énergies peuvent être compatibles. Comme montré à la section précédente, lathéorie des quarks possède un continuum de minimums supersymétriques brisant en général lasymétrie de jauge SU(Nc) vers SU(Nc−Nf ). La situation d’intérêt survient pour une régionparticulière de cet espace, où l’une des VEVs, par exemple vNf � Λ > vi, i 6= Nf . Ainsi, pourune énergie µ� vNf , toutes les VEVs sont négligeables et la théorie conserve essentiellementune symétrie SU(Nc). Toutefois, pour une énergie intermédiaire vi < Λ < µ � vNf , i 6= Nf ,les VEVs vi sont négligeables, mais le quark Qa

Nfdisparait de la théorie efficace. Le modèle

devrait alors ressembler fortement à la SQCD avec une symétrie SU(Nc−1) et Nf −1 saveursde superquarks. En reliant les deux théories, une sorte de preuve par induction est ainsiétablie.

Dans la théorie efficace, les squarks QaNf et QaNf sont remplacés par leur VEV vNf δaNf , ce qui

réduit l’opérateur

detM → v2Nf

detNf−1(M), (3.24)

où l’indice sur le déterminant signifie de ne prendre le déterminant que sur les Nf−1 premiersindices. Le superpotentiel dynamique (3.22) est alors remplacé par

Wdyn = (Nc −Nf )(

Λbv2Nf

detNf−1(M)

) 1Nc−Nf

, (3.25)

soit le superpotentiel dynamique attendu pour un modèle de SQCD à Nc−1 couleurs et Nf−1saveurs, avec échelle d’énergie Λb−2 → Λb

v2f. Cette identification est en tout point correcte. En

effet, en demandant que la constante de couplage soit une fonction continue de l’énergie, ilest possible de trouver cette relation. Pour la théorie UV2 avec SU(Nc) et Nf saveurs, ladivergence survient selon (3.20) :

Λbµb0

= e− 2πα(µ0) , µ0 ≥ vf . (3.26)

2UV (pour ultraviolet) désigne le régime à haute énergie, et de manière opposée le sigle IR (pour infrarouge)désigne le régime à basse énergie.

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Pour la théorie IR avec SU(Nc − 1) et Nf − 1 saveurs, l’échelle de divergence Λ est donnéesimilairement par

Λb−2

µb−20

= e− 2πα(µ0) , Λ < µ0 ≤ vf . (3.27)

À µ0 = vf , ces deux équations doivent prendre la même valeur, menant à

Λb−2 = Λbv2f

, (3.28)

confirmant le résultat.

En second lieu, une autre manière de vérifier que le superpotentiel ADS est adéquat est parle « découplage holomorphe ». Cela consiste à donner une masse m à une paire de super-quarks, par exemple Qa

NfQaNf

, par l’intermédiaire d’un superpotentiel holomorphe de la formemQa

NfQaNf

. Ce terme brise en particulier les symétries chirales SU(Nf )Q et SU(Nf )Q

versSU(Nf −1)Q et SU(Nf −1)

Q. Le superpotentiel généré dynamiquement complet devient alors

Wdyn = (Nc −Nf )(

ΛbdetM

) 1Nc−Nf

+mMNf,Nf . (3.29)

Cela a pour effet de modifier la condition d’annulation du terme F (3.23). Pour Mij aveci, j 6= Nf , la condition est la même et le minimum est situé à l’infini. Toutefois, pour MNf,Nf

à l’infini, le terme de masse implique qu’il ne s’agit clairement pas d’un minimum. Ainsi, laseule manière d’obtenir une solution pour le minimum est d’imposer que MiNf = MNf i = 0,ce qui permet d’écrire :

M ≡(M 00 MNf,Nf

), (3.30)

avec M la matrice Nf − 1×Nf − 1 des composantes restantes. La condition d’annulation estdonc remplacée par

−F †Nf,Nf = ∂Wdyn∂MNf,Nf

= −(

Λb

MNf,NfdetM

) 1Nc−Nf

+mMNf,Nf = 0, (3.31)

ce qui implique la contrainte

MNf,Nf = m−

Nc−NfNc−Nf+1

(Λb

detM

) 1Nc−Nf+1

. (3.32)

Pour une masse m � Λ et une énergie Λ < µ < m, où de manière équivalente, lorsquem→∞, les superquarks QNf et QNf sont totalement découplés du reste de la théorie. Dansces circonstances, le modèle efficace devrait être la SQCD à Nc couleurs, mais Nf −1 saveurs.

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Cela est rapidement vérifié en substituant MNf,Nf dans le superpotentiel par sa valeur (3.32)au minimum de la théorie, mais en conservant les autres composantes dynamiques :

Weffdyn = (Nc −Nf + 1)

(mΛb

detM

) 1Nc−Nf+1

. (3.33)

Ce superpotentiel est bel et bien celui de la SQCD à Nf = Nf − 1 saveurs avec une échelled’énergie divergente Λb+1 = mΛb. D’ailleurs, imposer que la constante de couplage soit conti-nue à µ = m, tel que fait précédemment, permet de trouver cette relation entre les échelles.

Ces deux vérifications hautement non triviales suggèrent fortement que le superpotentiel dy-namique ADS est nécessaire dans la SQCD. De plus, le découplage holomorphe, qui relie lesthéories pour des valeurs de Nf différentes, permet de montrer que ce superpotentiel est co-hérent avec les modèles ayant un nombre de saveurs supérieur ou égal au nombre de couleurs.Les prochaines sections considèrent ces cas.

3.2.3 Nf = Nc et Nf = Nc + 1 : les baryons

Les cas Nf = Nc et Nc + 1 sont qualitativement différents des précédents. L’analyse procèded’abord avec Nf = Nc. Des considérations sur le découplage holomorphe montre qu’il estnécessaire d’inclure une contrainte quantique à la théorie, contrainte par la suite justifiée àl’aide de la condition de cohérence des anomalies de ’t Hooft. Le cas Nf = Nc + 1 est ensuitebrièvement discuté. Dans les deux situations, le modèle voit l’apparition de « superbaryons »à basse énergie et se retrouvent dans une phase de confinement.

Contrairement à la section prédécente, la théorie ne possède plus de superpotentiel générédynamiquement lorsque Nf = Nc. Cela peut être constaté rapidement par l’exposant dansle superpotentiel ADS qui devient alors indéfini. En outre, tous les champs possèdent unecharge qr nulle comme il peut être constaté à partir du tableau 3.3, ce qui indique qu’aucunsuperpotentiel de charge totale qr = 2 ne peut être construit à partir d’invariants.

D’un autre côté, le fait que Nf = Nc permet d’écrire des invariants de jauge prenant la formede « superbaryons » B et d’« antisuperbaryons » B tels que

B = detQ = εa1···aNcQa11 · · ·Q

aNcNf

& B = detQ = εa1···aNcQa11 · · ·Q

aNcNf

. (3.34)

Classiquement, l’équation

detM − BB = 0 (3.35)

tient de manière triviale par définition même des baryons. Toutefois, Seiberg [65] a présentédes arguments voulant que des considérations dynamiques quantiques devraient déformercette relation vers

detM − BB = Λb (3.36)

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pour une énergie µ . Λ, régime où lequel les baryons et les mésons sont les degrés de libertédynamiques. Cela est conforté par le fait que le découpage holomorphe et la condition decohérence des anomalies ne fonctionnent que si la contrainte quantique est présente. En par-ticulier, cette relation implique que l’une des composantes de M est une fonction des autresopérateurs puisque det(M) est fixé.

Le premier test consiste à effectuer le découplage holomorphe d’une paire de quark-antiquark.Tel que fait précédemment, un terme de masse est écrit dans le superpotentiel pour les quarksQNf et QNf sous la forme

W = mQNfQNf . (3.37)

Comme aucun superpotentiel n’est généré dynamiquement à basse énergie, les VEVs deschamps composites sont toujours reliées aux VEVs des superquarks à haute énergie. La condi-tion d’annulation du terme F pour les squarks est

∂W

∂QNf= mQNf = 0 & ∂W

∂QNf= mQNf = 0. (3.38)

Cela implique que les VEVs B, B, MNf i et MiNf sont toutes nulles pour i < Nf . Toutefois,la composante MNf,Nf est plus subtile. En effet, pour une énergie µ� m, la théorie doit êtrela SQCD à Nf = Nc − 1 saveurs, sans la contrainte quantique (3.36). Pour cette raison, il estimposé que le degré de liberté limité par la contrainte corresponde à l’élément MNf,Nf . Dansce cas, MNf,Nf 6= QNfQNf = 0. Il ne s’agit pas d’une composante libre comme les autres enraison de la contrainte (3.36) : elle est une fonction des autres composantes et de Λ.

En substituant les VEVs ainsi trouvées dans la contrainte quantique (3.36), une expressionpour MNf,Nf peut être déduite :

MNf,NfdetNc−1M = Λb, (3.39)

dans la même notation qu’utilisée précédemment. À basse énergie, ou lorsque m → ∞, lesquarks QNf et QNf sont complètement découplés et il ne reste que leurs VEVs dans la théorieefficace. En remplaçant (3.39) dans le superpotentiel, il devient

Wdyn = mΛb

detNc−1M, (3.40)

ce qui est exactement le superpotentiel ADS pour la SQCD à Nf = Nc − 1 saveurs, commeil se doit. De plus, la relation entre les différentes échelles d’énergie Λ et Λ est la même :Λb+1 = mΛb. Ce résultat constitue une justification de l’inclusion de la contrainte (3.36).

Une deuxième manière de s’assurer de sa validité est d’exploiter la condition de cohérence desanomalies de ’t Hooft. Cela consiste à vérifier que les anomalies de la théorie à haute énergiesont les mêmes que celles à basse énergie, en prenant en compte les degrés de liberté différents

62

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dans les deux régimes. En particulier, plus la théorie est riche en symétries, plus la conditionde cohérence des anomalies est significative, puisqu’elle devient hautement non triviale.

Dans le cas de la SQCD, les champs composites de la théorie à basse énergie sont les opérateursinvariants de jauge B, B et M. En effet, comme la constante de couplage diverge à partir deµ = Λ, les couleurs sont confinées et ne peuvent être vues. Comme la SQCD avec Nf = Nc

saveurs ne contient aucun superpotentiel, le minimum de la théorie est décrit uniquementpar la condition d’annulation du terme D dérivée à la section 3.2.1. La théorie possède doncun espace de modules de minimums. Certains points de cet espace comportent un plus grandensemble de symétries que d’autres. Par exemple, pour les VEVs Qai = Q

ai = Λδai , la contrainte

quantique (3.36) est respectée et la symétrie chirale SU(Nf )Q × SU(Nf )Q

est brisée versSU(Nf )V (V pour vecteur), tandis que les symétries U(1)R et U(1)B restent intactes.

Les anomalies ne concernent que les fermions de la théorie. Les parties fermioniques desdegrés de liberté à haute et basse énergies sont présentées au tableau 3.4, accompagnées deleurs nombres quantiques sous les différents groupes de la théorie. Il est à noter que le mésonM possède seulement N2

f −1 degré de liberté, et non N2f , en raison de la contrainte quantique.

Cela permet de l’introduire naturellement dans une représentation adjointe de SU(Nf )V .

Tableau 3.4 – Contenu en fermions de la SQCD pour Nf = Nc. À haute énergie, les degrésde liberté proviennent des constituants élémentaires Q, Q et G. Leurs parties fermioniques sontrespectivement dénotées par χQ , χQ

et λ. À basse énergie, les degrés de liberté proviennent desétats liés composites B, B et M, avec leurs parties fermioniques χB, χB

et χM.

Fermion Groupes de symétrieSU(Nf )V U(1)B U(1)R

χQ Nf 1 −1χQ

Nf −1 −1λ 1 0 1χM N2

f − 1 0 −1χB 1 Nf −1χB

1 −Nf −1

La condition de cohérence des anomalies de ’t Hooft implique que les anomalies des fermionsélémentaires sont les mêmes que celles des fermions composites. Le présent modèle n’a quequatre cas où les anomalies des courants ne sont pas nulles. Par exemple, l’anomalie reliéeà [SU(Nf )V ]2 U(1)R reçoit à haute énergie des contributions des fermions χQ , χQ

et des

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gauginos λ. Selon la formule pour calculer l’anomalie (3.5), elle est trouvée proportionnelle à

Aδab =∑f

tr(qrfT

aRfT bRf

)(3.41)

= (N2c − 1)(1)tr

(T a1T

b1

)+Nc(−1)tr

(T aNf

T bNf

)+Nc(−1)tr

(T aNf

T bNf

)(3.42)

= −Nfδab, (3.43)

en utilisant le fait que T a1 = 0, tr(T aNf

T bNf

)= 1

2δab et que Nc = Nf . D’un autre côté, à basse

énergie, ce sont les fermions χM, χB etχBqui contribuent comme

Aδab =∑f

tr(qrfT

aRfT bRf

)(3.44)

= (−1)tr(T aN2

f −1TbN2

f −1

)+ (−1)tr

(T a1T

b1

)+ (−1)tr

(T a1T

b1

)(3.45)

= −Nfδab, (3.46)

puisque tr(T aN2

f −1TbN2

f −1

)= Nfδ

ab. Ainsi, les anomalies obtenues sont les mêmes, alors que lechemin pour y arriver est très différent. Un traitement similaire permet de vérifier que les troisanomalies non nulles restantes sont identiques dans les deux régimes. Elles sont présentéesdans le tableau 3.5. La dernière anomalie du tableau, proportionnelle à tr [U(1)R], apparaîtlorsque la gravité est incluse. Cette considération est nécessaire à toute théorie se voulantréaliste. De manière intéressante, la condition de ’t Hooft n’est satisfaite que si M est dans lareprésentation adjointe de SU(Nf ), ce qui ne survient qu’en raison de la contrainte quantique.Cela constitue un autre élément de preuve suggérant fortement que la théorie ici développéeest la bonne.

Tableau 3.5 – Les quatre coefficients d’anomalie A non nuls de la SQCD à Nf = Nc saveurspour trois courants agissant comme source pour trois symétries. Conformément à la conditionde cohérence des anomalies de ’t Hooft, les anomalies sont identiques, peu importe si elles sontcalculées à partir de la théorie fondamentale ou effective. La dernière anomalie où seul un courantest présent est attribuable à la gravité

Courants A

[SU(Nf )]2 U(1)R −Nf[U(1)B]2 U(1)R −2N2

f

[U(1)R]3 −N2f − 1

U(1)R −N2c − 1

Ayant étudié le cas Nf = Nc, il est temps de passer à Nf = Nc + 1. La situation étantsemblable au cas précédent, elle est considérée brièvement. Comme la théorie possède unesaveur supplémentaire, il est possible de définir des baryons portant un indice de saveur tels

Bi = εij1···jNc εa1···aNcQa1

i1· · ·QaNc

iNc& Bi = εij1···jNc ε

a1···aNcQa1i1 · · ·Q

aNciNc

. (3.47)

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Par définition, les relations suivantes entre les composites M, B et B sont satisfaites :

detM − BMB = 0 & MB = MB = 0. (3.48)

Seiberg a indiqué que ces mêmes contraintes persistent à basse énergie, c.-à-d. qu’aucunecorrection quantique ne vient les modifier.

Seiberg [65] a proposé que la théorie à basse énergie après confinement acquiert le superpo-tentiel dynamique invariant de jauge et de charge qr = 2

W = −Λ−b(detM − BiMijBj

), (3.49)

qui permet de retrouver les contraintes (3.48) en tant que conditions d’annulation du terme Fde M, B et B. Cela semble indiquer que les degrés de liberté à basse énergie sont correctementidentifiés en tant que mésons, baryons et antibaryons.

D’un autre côté, cette hypothèse est motivée encore une fois par le découplage holomorphe.Comme précédemment, un terme de masse mMNf,Nf est ajouté au superpotentiel et l’échelled’énergie µ � m est considérée. La condition d’annulation du terme F de ce superpotentielpour M , B et B impose que les opérateurs aient des VEVs de la forme MiNf = MNf i = Bi =Bi = 0 pour i < Nc + 1. La condition pour la composante MNf,Nf est alors simplement

−Λ−b(detNf−1M −BNfBNf

)+m = 0, (3.50)

ce qui est exactement l’expression de la contrainte quantique (3.36) du cas Nf = Nc lorsqueles superchamps M, BNf et BNf sont identifiés à M, B et B. De plus, en substituant les VEVsdes superchamps dans le superpotentiel efficace (3.49), il devient nul comme conjecturé dansle cas prédécent.

Finalement, il est possible de montrer que les anomalies du modèle sont identiques, indépen-damment de la description employée : à haute énergie avec les quarks ou à basse énergie avecles mésons et baryons. La condition de ’t Hooft est alors satisfaite et corrobore le modèlesuggéré par Seiberg. Il est intéressant de noter que jusqu’ici, la dynamique était décrite parune phase de confinement à basse énergie. Toutefois, à partir de Nf > Nc + 1, la théorieefficace est radicalement différente. La prochaine section est vouée à l’analyse de ce régime.

3.2.4 Nf > Nc + 1 : la dualité de Seiberg

Le cas le plus intéressant est sans doute celui où le nombre de saveurs est supérieur à Nc + 1.Seiberg a conjecturé [64] que, pour l’intervalle Nf > Nc + 1, la théorie possède une théorieduale pour laquelle la description du système est la même. En effet, la théorie efficace décritepar les baryons et les mésons n’est pas la bonne. Il s’agit plutôt d’un autre modèle de SQCDavec un nombre de couleurs différent. Cette hypothèse est fortement justifiée par le découplageholomorphe et par la condition de cohérence des anomalies de ’t Hooft.

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Pour Nf > Nc + 1, il serait tentant de procéder à l’analyse de la théorie à basse énergie dela même manière que dans le cas précédent. En effet, il est possible d’écrire des baryons avecplusieurs indices de saveur comme

Bi1···iNf−Nc = εi1···iNf−Ncj1···jNc εa1···aNcQa1

j1· · ·QaNc

jNc(3.51)

et similairement pour B. Alors, le superpotentiel invariant dynamique qui pourrait être écritd’emblée aurait la forme

W ∝ detM − Bi1···iNf−NcMi1j1 · · ·MiNf−NcjNf−NcBj1···jNf−Nc . (3.52)

Toutefois, ce superpotentiel n’est pas de charge qr = 2 comme le requiert la supersymétrie.Non seulement ce superpotentiel semble fautif, mais il est aussi possible de calculer que lesanomalies du modèle de baryons et de mésons à basse énergie sont différentes de celles dumodèle à haute énergie ! Cela indique que les degrés de liberté à basse énergie sont malidentifiés. Il s’agit de la mauvaise théorie.

Devant ce constat, Seiberg a suggéré que la théorie à basse énergie soit décrite par une autrethéorie de SQCD avec nc = Nf −Nc couleurs3. En effet, comme premier indice pointant danscette direction, il est possible d’observer que les baryons B et B peuvent être écrits commedes états liés de nc superquarks q et q tels que

Bi1···inc = εa1···ancqa1i1· · · qancinc

& Bi1···inc = εa1···ancqa1i1· · · qancinc

. (3.53)

En exploitant cette nouvelle description des degrés de liberté, une théorie cohérente peutêtre érigée. La conjecture complète de Seiberg est que la théorie duale est composée de Nfsuperquarks q et q, mais aussi d’un superméson m. Les nombres quantiques de ces champssont présentés au tableau 3.6.

Tableau 3.6 – Contenu en superchamps de la SQCD duale de Seiberg. Le modèle possède Nfsuperchamps LC q et q appelés superquarks et superantiquarks, en plus d’un superméson fonda-mental m. La symétrie de jauge SU(Nc) est échangée pour une symétrie SU(nc = Nf −Nc).

Superchamp Groupes de symétrieSU(nc) SU(Nf )Q SU(Nf )

QU(1)B U(1)R

q nc Nf 1 Ncnc

NcNf

q nc 1 Nf −Ncnc

NcNf

m 1 Nf Nf 0 2 ncNfg n2

c − 1 1 1 0 0

3Les quantités de la théorie duale sont ici notées à l’aide de lettres minuscules plutôt qu’avec des tildes,comme il est souvent vu dans la littérature. Cette notation est plus commode et cohérente, en particulier pouréviter de superposer les tildes avec les barres, utilisées pour désigner « anti ».

66

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Contrairement à la théorie originale, le méson m est ici fondamental, alors que M = QQ estcomposite. En raison des charges qr des champs q et q, l’opérateur qq ne possède pas les bonsnombres quantiques pour être le champ dual de M (ils possèdent plutôt les bons nombresquantiques pour former les mêmes baryons que ceux de la théorie originale), d’où la nécessitéd’inclure ce nouveau superchamp. D’autre part, la charge qr assignée à m permet d’écrire lesuperpotentiel invariant et de charge qr = 2 suivant :

W = hqmq = htr(qqm) , (3.54)

où h est une constante de couplage entre les champs.

Il est d’abord important de valider qu’il s’agit bel et bien d’une dualité. En effet, appliquerdeux fois la dualité sur la théorie originale devrait redonner cette dernière. Ainsi, en dualisantla théorie, il est aisé de vérifier que SU(nc) est retourné vers SU(Nc) et que les quarks q etq sont interchangés pour Q et Q. Le méson m est identifié à M, mais l’opérateur invariant dejauge m = qq devient le superchamp fondamental M dans la théorie duale. Le superpotentiel(3.54) est dualisé en substituant les champs par leurs opérateurs dans la théorie dualisée eten y ajoutant un superpotentiel de la même forme :

W = htr(MM

)+ hQMQ, (3.55)

où h est la constante de couplage du superpotentiel dual. Le superpotentiel original étantnul, il est retrouvé en supposant que la dualité impose h = −h. Dans ce cas, la conditiond’annulation du terme F de M permet d’obtenir la relation

M = QQ, (3.56)

qui est une définition dans la théorie originale. En substituant ces valeurs dans le superpoten-tiel, il se réduit à W = 0 et le superchamp M se découple totalement de la théorie, redonnantainsi la théorie de départ.

Il est aussi possible de vérifier que la dualité est cohérente avec le principe du découplageholomorphe. Ajouter un terme de masse ν à la dernière paire de quarks QNf et QNf découpleces quarks de la théorie. La théorie efficace est alors la SQCD avec SU(Nc) et Nf −1 saveurs.

D’un autre côté, la théorie duale possède un superpotentiel de la forme

W = hqmq + νmNf,Nf .

Les conditions d’annulation du terme F pour mNf,Nf , qNf et qNf sont respectivement

qNf qNf + ν

h= 0 & qimiNf = mNf iqi = 0. (3.57)

La première équation implique que qNf et qNf acquièrent une VEV qui brise SU(nc) versSU(nc − 1), tandis que les autres imposent que la dernière rangée et la dernière colonne

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de m sont égales à 0. La théorie efficace est donc la SQCD ayant pour groupe de jaugeSU(nc − 1 = Nf − 1 − Nc), avec Nf − 1 quarks et antiquarks ainsi qu’un méson m avec(Nf − 1)2 composantes : il s’agit de la théorie duale attendue.

Cette confirmation de la dualité par le découplage holomorphe est valide pour Nf > Nc+2, carle cas Nf = Nc+1 est différent et ne possède pas de théorie duale. Toutefois, sans entrer dansles détails, il est pertinent de mentionner qu’il est possible de relier la théorie à Nf = Nc + 2au modèle à Nf = Nc + 1 par le découplage holomorphe avec un calcul d’instanton [8].

Avant de se lancer dans l’analyse de la dynamique des théories possédant une dualité, il estintéressant d’étudier la condition des anomalies de ’t Hooft. En effet, si les deux théoriesdécrivent la même physique, elles doivent avoir les mêmes anomalies. Les coefficients desanomalies sont présentés dans le tableau 3.7.

Tableau 3.7 – Les coefficients d’anomalie A non nuls en SQCD duale pour trois courants agissantcomme source pour trois symétries. Les anomalies calculées selon les deux théories mutuellementduales sont identiques et satisfont la condition de cohérence des anomalies de ’t Hooft. La dernièreanomalie où seul un courant est présent est attribuable à la gravité.

Courants A

[SU(Nf )]3 Nc

[SU(Nf )]2 U(1)B 12Nc

[SU(Nf )]2 U(1)R −12N2c

Nf

[U(1)B]2 U(1)R −2N2c

[U(1)R]3 N2c − 1− 2 N4

c

Nf2

U(1)R −N2c − 1

Les degrés de liberté fermioniques de la théorie originale qui contribuent aux anomalies sontcontenus dans les quarks χQ , χQ

et dans les gluinos λ de SU(Nc). Pour la théorie duale, ilsproviennent des quarks χq et χq, de la partie fermionique du méson χm et des gluinos λ deSU(nc). Après une manipulation quelque peu ardue mais directe, le calcul des anomalies dansles deux théories révèle qu’elles sont les mêmes, fournissant une preuve supplémentaire nontriviale appuyant la conjecture de Seiberg.

3.2.5 Les phases de la dualité de Seiberg

La dualité de Seiberg est beaucoup plus riche et profonde que ce qui est sous-entendu parl’analyse très technique de la section précédente. En effet, il se trouve que la dualité permetde décrire la même théorie, mais dans des phases différentes et dans des régimes différents. Dece point de vue, la dualité est en réalité une description continue d’un unique système à des

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énergies différentes, avant et après confinement. L’étude du comportement de ces régimes mèneà la réalisation que cette dualité peut être qualifiée d’électrique-magnétique « non abélienne ».

Pour comprendre la dualité électrique-magnétique, il convient certainement de considérer lafonction β en SQCD plus en détails. En effet, la fonction β est un outil très utile, d’autant plusqu’en supersymétrie, les théorèmes de non-renormalisation permettent d’étendre le domainede validité de la théorie des perturbations.

La fonction β supersymétrique (2.6) est connue exactement (en fonction de la dimensionanomale). Avec C2(su(Nc)) = Nc et C(Nc) = C(Nc) = 1

2 , elle prend la forme

β(α) = −α2

2π3Nc −Nf +Nfγ(α)

1− α2πNc

. (3.58)

La dimension anomale γ(α) des superchamps au premier ordre est [64]

γ(α) = − α

2πN2c − 1Nc

+O(α2). (3.59)

Il est intéressant de noter que pour certaines valeurs de Nf et de Nc, la première contributionà la fonction β est négative tandis que la seconde est positive. Il est donc probable que pources valeurs, un zéro non trivial de la fonction β, correspondant à un point fixe de la théorie,existe. Pour l’identifier, il est utile de considérer la limite Nf → ∞ et Nc → ∞ tout enimposant que αNc soit fini et que le ratio Nf

Nc= 3 − ε avec ε � 1 soit respecté. Un zéro est

alors trouvé en terme de ε au point

α∗Nc = 2π3 ε+O

(ε2), ε = 3− Nf

Nc(3.60)

Ce zéro de fonction est petit et permet donc d’étudier la théorie perturbativement. De plus,il s’agit d’un point fixe dans l’IR qui s’atteint en renormalisant à basse énergie. Il est supposéque ce point fixe existe en réalité pour toute valeur de Nf comprise dans l’intervalle 3

2Nc <

Nf < 3Nc, même si ε n’est plus négligeable. Les arguments pour cette hypothèse sont baséssur le fait qu’au point fixe, la théorie acquiert une symétrie superconforme, ce qui permetde résoudre certains aspects du modèle exactement. En particulier, la dimension D d’unopérateur O est reliée à sa charge qr selon D(O) ≥ 3

2qr. De plus, un champ sans spin doitavoirD ≥ 1, avec l’égalité saturée pour des champs libres. En considérant l’opérateur invariantde jauge QQ, il est possible de voir que D(QQ) < 1 pour Nf < 3

2Nc, et donc que la descriptionen termes de théorie superconforme n’est plus adaptée. Une justification plus approfondie decette hypothèse est discutée par Seiberg dans [64].

Il est ainsi possible de noter trois comportements qualitativement différents de la fonction βpour les intervalles de Nf ≤ 3

2Nc, Nf ≥ 3Nc et l’entredeux. En effet, le flot de renormalisationchange de signe, ce qui a un effet dramatique sur la théorie à basse énergie. Les trois régimesde la fonction β sont tracés à la figure 3.2 et sont subséquemment analysés.

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α

β

α∗

Nf ≥ 3Nc

Nf ≤ 32Nc

32Nc < Nf < 3Nc

Figure 3.2 – Les trois comportements de la fonction β en SCQD pour différentes valeurs deNf et de Nc. Lorsque Nf ≥ 3Nc, la théorie est dans une phase électrique libre, tandis que pourNc + 1 < Nf ≤ 3

2Nc, la théorie est dans une phase magnétique libre. Pour Nf ≤ Nc + 1, la théorieefficace est dans une phase de Wilson. Pour le régime intermédiaire 3

2Nc < Nf < 3Nc, la fonctionβ présente un zéro de fonction non trivial à α = α∗. Cela constitue un point fixe attractif pourlequel la théorie devient superconforme. La théorie à basse énergie est alors dans une phase deCoulomb.

Dans le cas du régime intermédiaire 32Nc < Nf < 3Nc, le point fixe est non trivial et est situé

dans l’IR. Par conséquent, la théorie efficace est une théorie superconforme avec des champsinteragissant. À basse énergie, la constante de couplage ne varie essentiellement pas : aucunecorrection quantique n’apparait pour le potentiel à longue distance et la théorie est dans unephase de Coulomb non abélienne, telle que décrite à la section 3.1.

D’un autre côté, lorsque Nf ≥ 3Nc, la situation est tout autre. En effet, la fonction β esttoujours positive. Le flot de renormalisation ramène donc la constante de couplage vers zéroà basse énergie et la théorie est dans une phase « électrique libre ». De plus, la constante decouplage diverge à une échelle d’énergie ΛIR, au-delà de laquelle la théorie est mal définie.Une représentation de l’évolution de la constante de couplage est donnée à la figure 3.3a.

Enfin, à l’inverse, pour l’intervalle Nf ≤ 32Nc, la fonction β est toujours négative. Dans ce cas,

les variables électriques sont confinées dans l’IR à partir d’une échelle d’énergie ΛUV4. Deux

cas complètement différents surviennent : si Nf ≤ Nc + 1, la théorie confine et est dans unephase de Wilson, tel que vu précédemment ; si Nc + 1 < Nf ≤ 3

2Nc la théorie est dans unephase magnétique libre. L’évolution de la constante de couplage est illustrée à la figure 3.3b.

4Afin d’éviter toute confusion dans la signification de la notation, il est à noter que l’indice sur Λ (UV ouIR) fait référence au régime pour lequel la théorie est bien définie, et non au régime où se situe Λ. Par exemple,ΛIR implique que la théorie est libre dans l’IR, bien que ΛIR soit dans le domaine UV de la théorie.

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µ

α

ΛIR

(a) Évolution de la constante de couplage pourNf ≥ 3Nc. La constante diverge à une échelled’énergie ΛIR au-delà de laquelle la théorie n’estplus définie. La théorie est dite dans une phaseélectrique libre

µ

α

ΛUV

(b) Évolution de la constante de couplage pourNf ≤ 3

2Nc. La constante diverge à une échelled’énergie ΛUV en-deçà de laquelle la théorie n’estplus définie. La théorie est dite dans une phasemagnétique libre pour Nc + 1 < Nf ≤ 3

2Nc etdans une phase de Wilson autrement.

Figure 3.3 – Évolution de la constante de couplage en SQCD pour deux intervalles de Nf .

L’un des aspects les plus impressionnants de la dualité de Seiberg est qu’elle interchangeces phases de la théorie. En effet, si le modèle considéré est dans l’intervalle de saveursNc + 1 < Nf ≤ 3

2Nc, alors l’intervalle de la théorie duale correspondante est tout simplement

nc > 1 & Nf ≥ 3nc, (3.61)

où la relation Nc = Nf −nc a été utilisée. D’un autre côté, Nf ≥ 3Nc implique que Nf ≤ 32nc.

Cela implique l’analyse suivante. Pour une théorie originale de variables Q et Q, dites « élec-triques », avec Nc + 1 < Nf ≤ 3

2Nc saveurs, la théorie est bien définie perturbativement(faiblement couplée) à haute énergie, au-delà de ΛUV, où elle est asymptotiquement libre. Endiminuant l’énergie, la théorie devient fortement couplée, jusqu’à être mal définie en-deçà deΛUV. La description perturbative de la théorie n’est plus bonne ; toutefois la théorie duale est,elle, bien définie. Le changement dual vers q, q et m, variables dites « magnétiques », permetde décrire la physique à basse énergie, en-deçà de ΛIR. Cette théorie des variables magnétiquesest libre dans l’IR (faiblement couplée). Cette conclusion a mené Seiberg à conjecturer quecette dualité est en fait une généralisation non abélienne de la dualité électrique-magnétique,en particulier parce qu’elle inverse la force des interactions. Pour une énergie fixe donnée, ladescription « électrique » peut être faiblement ou fortement couplée, tandis que la descriptionduale « magnétique » l’est inversement, de manière similaire à la condition de quantificationde la charge électrique de Dirac qui implique α↔ α−1.

Une analyse similaire peut être réalisée pour l’intervalle intermédiaire 32Nc < Nf < 3Nc. La

dualisation d’une théorie pour un nombre de saveurs dans cet intervalle redonne une théoriedans cet intervalle. En particulier, il est possible (mais relativement difficile) de montrer quela théorie duale possède le même point fixe que la théorie originale [61]. Puisque les deuxthéories sont dans une phase de Coulomb à basse énergie, elles fournissent deux descriptionsperturbatives valides. Cela peut sembler étrange, car le nombre de couleurs est différent dans

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les deux cas. Cependant, comme la théorie au point fixe est superconforme, une interprétationen termes de particules physiques est mal définie et la théorie peut donc être décrite par desensembles différents de champs sans masse interagissant [64].

En résumé, un portrait global de la physique de la SQCD a été développé, à haute et à basseénergie, pour toutes les valeurs possibles de couleurs et de saveurs. À l’aide du découplageholomorphe, toutes ces théories ont pu être reliées entre elles et les hypothèses faites ont puêtre fortement justifiées par la condition hautement non triviale de la cohérence des anomaliesde ’t Hooft. Une panoplie de comportements ont été observés selon les paramètres initiauxdu modèle. Parmi les régimes les plus intéressants, la découverte de la dualité électrique-magnétique de Seiberg pourNf > Nc+1 est remarquable et donne un aperçu d’une dynamiquenon perturbative, possible grâce à la supersymétrie. Les phases de la SQCD en fonction dunombre de saveurs sont résumées à la figure 3.4.

NfNc − 1 Nc Nc + 1 3Nc

32Nc

PotentielADS

Continuumde minimums

Magnétiquelibre

Coulomb Électriquelibre

Figure 3.4 – Phases de la SQCD à Nc couleurs et Nf saveurs.

La dualité de Seiberg présente une dynamique particulièrement intéressante, car elle permet degénérer des superpotentiels qui pourraient éventuellement briser la supersymétrie. Ce conceptde brisure de supersymétrie dynamique est abordé dans la prochaine section.

3.3 Brisure de supersymétrie à la Intriligator, Seiberg etShih

Briser correctement la supersymétrie de manière non explicite est un défi de longue date. Eneffet, les mécanismes de brisure spontanée de Fayet-Iliopoulos, où il n’existe aucune confi-guration minimale pour laquelle le terme D est nul, ne peuvent être utilisés sans briser lessymétries de jauge non abéliennes. D’autre part, les mécanismes de O’Raifeartaigh, où c’estle terme F d’un des champs qui n’est jamais nul, nécessitent habituellement l’introductionde superpotentiels complexes et peu naturels. Cependant, la dualité de Seiberg a ouvert laporte à une nouvelle technique pour briser la supersymétrie. L’analyse non perturbative de laSQCD a tracé un chemin vers la possibilité de générer dynamiquement des termes brisant lasupersymétrie. Ainsi, une théorie à haute énergie peut présenter la supersymétrie, mais il estpossible que la supersymétrie soit absente de sa théorie duale, obtenue à basse énergie. Cetteméthode est généralement appelée mécanisme Intriligator-Seiberg-Shih (ISS), en l’honneur deses inventeurs, qui l’ont d’abord proposée dans le cadre de la SQCD en 2006 [6].

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Cette section présente d’abord le modèle simple de SQCD introduit par ISS où la supersymé-trie est brisée dynamiquement, puis des considérations sont étudiées pour une généralisationdu modèle.

3.3.1 Brisure de supersymétrie en SQCD par un vide métastable

Le mécanisme ISS est intéressant, car la brisure de supersymétrie survient dynamiquementà basse énergie seulement. L’une de ses particularités est que la brisure de supersymétrieest métastable ; le minimum non supersymétrique de la théorie n’est pas global. Toutefois, ilexiste une vaste gamme de paramètres de la théorie qui rendent la demi-vie du « faux » videextrêmement longue, rendant plausible phénoménologiquement des modèles exploitant cettemanière de briser la supersymétrie.

Pour illustrer la façon dont le mécanisme opère, il est utile de considérer une théorie simplede SQCD massive. Le modèle est ainsi élaboré et sa dynamique étudiée pour comprendrel’origine du vide métastable brisant la supersymétrie.

Le modèle peut être considéré en trois régimes distincts en fonction de l’énergie du système.Pour faciliter la compréhension de la dynamique, l’évolution attendue de la constante decouplage selon ces régimes est présentée à la figure 3.5. Les différents éléments seront expliquésau fil de la progression de l’analyse.

µ

α

ΛIRΛUVΛ0 hm0

Figure 3.5 – Les régimes du modèle simple de brisure dynamique de supersymétrie en SQCD. Àhaute énergie, la théorie des variables électriques est asymptotiquement libre et la supersymétrieest présente. À des énergies intermédiaires, la théorie est décrite par les variables duales magné-tiques, et le superpotentiel brise spontanément la supersymétrie. Lorsque l’énergie descend en basd’une échelle seuil, la théorie efficace est de jauge pure et confine, restaurant la supersymétrie.

Il convient d’approcher la dynamique du point de vue du « microscopique » (à haute énergie)vers le « macroscopique » (à basse énergie). Il est nécessaire que dans l’UV, la théorie soitbien définie. Conséquemment, la théorie originale des variables électriques est une théorieSU(Nc) avec Nc + 1 < Nf <

32Nc saveurs.5 Cette théorie décrit la physique sur un intervalle

5La valeur Nf = 32Nc, saturant normalement l’inégalité, est retirée de l’intervalle, car sa théorie duale

pour Nf = 3nc, bien qu’à proprement parler est dans une phase magnétique libre, est en réalité une théorie

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d’énergie allant de l’infini jusqu’à ΛUV, où un pôle dans l’évolution de la constante de couplageapparait, tel que vu à la figure 3.5. Le contenu du modèle est identique à la SQCD standard.Cependant, un terme de masse quadratique −hν2 est ajouté aux quarks, qui prend la forme

W = −hν2tr(M) , (3.62)

où la paramétrisation −hν2 est choisie pour faciliter l’expression de certaines relations. Ceterme de masse brise les symétries chirales SU(Nf )Q × SU(Nf )

Qvers SU(Nf )V . À ce stade

de la théorie, la condition d’annulation du terme F de Q est

−F †Q = ∂W

∂Q= −hν2Q = 0 (3.63)

et similairement pour Q, ce qui implique que le modèle possède un minimum supersymétriqueà l’origine.

La prochaine étape est d’étudier la théorie lorsque l’énergie est diminuée. Pour des énergiesµ . ΛUV, il est nécessaire d’adopter la description duale des variables magnétiques, qui sontlibres dans l’IR, mais pour lesquelles la constante de couplage diverge à ΛIR, comme présentéà la figure 3.5. Utilisant le dictionnaire établi à la section précédente, le superpotentiel devient

W = hqmq− hν2tr(m) . (3.64)

Ce superpotentiel est particulier : il brise la supersymétrie. En effet, le terme F du méson m,qui s’écrit

−F †m = hqq− hν21Nf 6= 0, (3.65)

n’est jamais nul simplement parce que la matrice formée de qq est au plus de rang nc, tandisque 1 est de rang Nf > 3nc. La solution pour les VEVs des champs m, q et q est alors

m =(

0 00 m0

)& q =

(q0

0

)& q =

(q0

0

)avec q0q0 = ν21nc , (3.66)

où m0 est une matrice Nf − nc ×Nf − nc et q ainsi que q sont des matrices nc × nc.

La configuration de champs qui conserve la plus grande quantité de symétries globales cor-respond à m0 = 0 et q0 = q0 = ν. La valeur du potentiel au minimum est alors de V0 =(Nf −nc)

∣∣hν2∣∣. Ce minimum brise seulement la symétrie chirale SU(Nf )V vers SU(Nf −nc).Il est possible de montrer que le potentiel efficace autour de ce minimum est stable et que lathéorie définie à ce point est cohérente quantiquement et sans directions tachyoniques [6].

D’un autre côté, pour une VEV m0 générale non nulle, la dynamique est modifiée. Selonle superpotentiel (3.64), l’ensemble des quarks q et q acquièrent alors une masse de l’ordresuperconforme sans interaction (avec un point fixe à zéro comme le montre la fonction β). La dynamique d’unetelle théorie n’est pas adaptée dans le cadre du modèle développé ici.

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de hm0. Dans ce cas, la théorie présente une nouvelle dynamique à basse énergie. Pour uneénergie µ� hm0, les quarks q et q semblent absents ; ils peuvent être intégrés sans problème.Le méson m étant invariant sous SU(nc), la théorie efficace ressemble à une théorie de jaugepure : la SQCD sans saveurs.

Le cas de la SQCD à nc couleurs et Nf = 0 saveurs entre dans la catégorie Nf < Nc vue à lasection 3.2.2. Il a été suggéré que le superpotentiel dynamique ADS doit être inclus dans lathéorie. Ainsi, à basse énergie, le modèle est régi par

W = nc (Λ0)3 − hν2tr(m) , (3.67)

où Λ0 est l’échelle d’énergie à laquelle la constante de couplage diverge dans ce régime, telque montré à la figure 3.5.

Les échelles Λ0 et ΛIR peuvent être reliées dans le cadre du découplage holomorphe tel qu’ef-fectué dans les sections précédentes. En imposant la condition de continuité de la constantede couplage à µ = hm0, la relation suivante est obtenue :(Λ0

µ

)3nc= hNfdetm

ΛNf−3ncIR µ3nc

. (3.68)

À l’aide de cette équation, le superpotentiel (3.67) peut être exprimé sans Λ0 pour donner

W = nc

(hNfdetmΛNf−3ncIR

) 1nc

− hν2tr(m) . (3.69)

La condition d’annulation du terme F de m donne alors une contrainte sur sa VEV telle que

hm0 = ν

εNf−3ncNf−nc

, ε ≡ ν

ΛIR. (3.70)

En particulier, pour |ε| � 1, la VEV se situe dans l’intervalle

|ν| � |hm0| � ΛIR. (3.71)

Deux points importants sont ici à soulever. Premièrement, le minimum décrit par cette VEVcorrespond à un vide supersymétrique. Ainsi, la supersymétrie est restaurée dynamiquementpar l’apparition du potentiel ADS.

Deuxièmement, ce minimum supersymétrique est loin de l’origine, où se situait un minimumbrisant la supersymétrie. Toutefois, pour |ν| � |hm0|, le minimum à l’origine n’est essentiel-lement pas affecté par ce nouveau minimum de la théorie et est encore présent localement. Deplus, pour |hm0| � ΛIR, l’analyse décrivant le minimum non supersymétrique à l’origine estencore valide puisque le régime est perturbatif. Ainsi, le minimum à l’origine correspond à unvide métastable avec une probabilité de transition proportionnelle à ε [6]. Il existe alors un

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m

V

hm0

Figure 3.6 – Esquisse du potentiel présentant un minimum métastable à l’origine.

vaste intervalle de paramètres ν et ΛIR pour lesquels le vide métastable possède une demi-vieplus longue que l’âge de l’Univers. La forme du potentiel efficace de la théorie est imagée à lafigure 3.6.

Tout au long du développement, certaines contributions non perturbatives du potentiel Kähleront été négligées. Cependant, Intriligator, Seiberg et Shih [6] ont montré que les correctionsapportées ne modifient pas l’analyse. En particulier, les minimums trouvés existent encore etsont encore (méta)stables sous l’influence des corrections quantiques.

Le mécanisme de brisure de supersymétrie introduit ici est extrêmement intéressant. En effet,il propose que la supersymétrie soit brisée par un minimum métastable de longue durée,hypothèse longtemps ignorée par les physiciens. De plus, comme le minimum supersymétriquen’apparait qu’à basse énergie, si l’Univers primordial était dans un régime à haute énergie,il semble alors probable qu’il tombe dans le minimum métastable à l’origine en refroidissant.Deux autres de ses avantages incontestables consistent en sa simplicité et son efficacité. Lemodèle ne demande que d’inclure un terme de masse à haute énergie, ce qui est une suppositionplus qu’acceptable, pour que la dynamique se charge de se débarasser de la supersymétrie.

Le modèle décrit dans cette section est le premier d’une famille de modèles brisant la super-symétrie dynamiquement à l’aide de leur théorie duale. Des généralisations à la dualité deSeiberg et au mécanisme ISS sont présentées à la prochaine section.

3.3.2 Généralisations

La dualité de Seiberg ne se limite pas seulement aux groupes de jauge et au contenu de laSQCD. En réalité, la dualité ici présentée n’est qu’un cas particulier d’un phénomène trèsgénéral en théories de jauge non abéliennes. En effet, Seiberg [64] a montré qu’il existait unethéorie duale pour certains intervalles de saveurs et de couleurs pour la SQCD avec groupesde jauge SO(Nc) et Sp(2Nc). À partir de la définition de la fonction β (2.6), il est facile de

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se convaincre que le nombre de saveurs « généralisé » est donné par

Nf =∑C

C(RC) (3.72)

et le nombre de couleurs est remplacé par le Casimir quadratique C2(G). Par les mêmesconsidérations sur les théories de champs superconformes et par l’étude de la fonction β, il estencore possible de postuler l’existence d’un point fixe non trivial dans l’IR pour l’intervalle

32C2(G) <

∑C

C(RC) < 3C2(G). (3.73)

Cette hypothèse est fortement supportée par le découplage holomorphe et la condition desanomalies de ’t Hooft. La dualité s’impose alors avec

C2(G) = Nf − C2(G), (3.74)

pour G le groupe de jauge de la théorie duale. La description duale peut alors être étenduepour des valeurs supérieures à 3C2(G), où la théorie est électrique libre. La théorie dualemagnétique libre existe alors pour l’intervalle

C2(G) ≤ Nf ≤32C2(G).6 (3.75)

Une vaste gamme de modèles diversifiés ont depuis émergé, certains reliant des théories SU(N)à des théories SO(M), Sp(M) ou même à des produits de groupes de jauge. Le contenu deces théories est varié. De plus, pour certaines dualités, les variables électriques sont dans desreprésentations chirales alors que les variables magnétiques ne sont pas chirales [66]. Plusieurstypes de dualité sont revues par Intriligator [67] et par Csaba, Schmaltz et Skiba [68].

Parmi tous ces modèles, la brisure de supersymétrie par un vide métastable est très fréquente.En général, un potentiel de départ approprié en conjonction avec un potentiel dynamiquepermet de briser la supersymétrie de manière métastable. À basse énergie, la supersymétrie esthabituellement restaurée quelque part dans l’espace de modules, loin du minimum à l’origine.La flexibilité et la grande variété de ces modèles font du mécanime ISS l’une des techniquespour briser la supersymétrie les plus faciles à implanter et à utiliser naturellement.

6Intriligator, Seiberg et Shih [6] ont conjecturé qu’il existait probablement aussi un vide métastable pourles cas Nf = Nc et Nf = Nc + 1, qui ont été omis dans l’analyse effectuée jusqu’ici dans ce mémoire.

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Chapitre 4

Le théorème no-go pour une théoriede la grande unificationsupersymétrique brisée par un videmétastable

Ce quatrième et dernier chapitre constitue le cœur de ce mémoire. Les chapitres précédentsayant abordé les théories de grande unification du MSSM et la brisure de supersymétrie àl’aide du mécanisme ISS, il est maintenant d’intérêt d’investiguer l’union de ces deux concepts.En effet, le mécanisme ISS semble offrir un moyen élégant et aisé de briser la supersymétriedans un modèle unifié ; néanmoins cette idée est vouée à l’échec, comme le montre le théorèmeno-go présenté dans ce chapitre.

La notion de « théorie supersymétrique pleinement unifiée » est d’abord mise en place, puisla pertinence de l’étude de tels modèles est justifiée. La preuve démontrant l’impossibilitéd’exploiter le mécanisme ISS pour réaliser des SGUTs débute après cette mise en contexte.Elle prendra la forme suivante. Premièrement, des outils préliminaires sont introduits : uneborne supérieure sur le nombre de saveurs généralisé est établie à partir des conditions ISSet un ordre entre les Casimirs des différentes représentations est trouvé. Deuxièmement, lethéorème no-go est achevé en déterminant le contenu en champs autorisé par les inégalitésénoncées précédemment, puis en observant que les règles de branchement des représentationsde ces champs ne conviennent pas pour générer le quark QL du SM.

Ce chapitre est une adaption de l’article No-go theorem for fully sypersymmetric GUTs withmetastable sypersymmetry breaking par Fortin ainsi que le présent auteur [69], pour laquellequelques explications supplémentaires ont été ajoutées.

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4.1 Mise en place du modèle

Tel que mentionné dans l’introduction, le but original de la recherche était d’étudier les théo-ries supersymétriques pleinement unifiée exploitant le mécanisme ISS pour briser la supersy-métrie, puis d’explorer la phénoménologie de tels modèles pour la comparer à celle du SM.Toutefois, avant même de considérer la faisabilité de ce projet, il est nécessaire d’introduire leconcept de théorie pleinemement unifiée et de définir correctement le cadre théorique auquels’applique le théorème no-go.

La notion de SGUT a été largement présentée au chapitre 2, où plusieurs modèles intégrant leMSSM ont été exposés. Ces théories sont principalement motivées par l’idée que les constantesde couplage des interactions du MSSM s’unifient à une échelle d’énergie élevée µU lorsquela supersymétrie est comprise. Un autre argument important en leur faveur est que l’ajoutde symétries dans les théories permet d’étendre leur prédictivité en réduisant le nombre deparamètres libres, ce qui les rend très intéressantes en tant que représentation de la nature.

Cependant, ces SGUTs possèdent la lacune de n’avoir aucun moyen explicite de briser lasupersymétrie. En effet, il s’avère très difficile de parvenir à cacher la supersymétrie de tellesorte que les seuls champs visibles à basse énergie soient ceux du SM. Lors de la brisure desupersymétrie, les superpartenaires scalaires obtiennent une masse problématique. En effet,pour un supermultiplet chiral de masse m, avec composantes scalaires indépendantes φ et φ†

et composantes spinorielles χ, les masses obéissent à une « règle de la somme » telle que

m2φ +m2

φ† = 2m2 = 2m2χ. (4.1)

Lorsque la supersymétrie est intacte, les masses des composantes scalaires doivent être lesmêmes que celle de leur superpartenaire : m2

φ = m2φ† = m2. Alternativement, les mécanismes

de brisure spontanée de supersymétrie impliquent que mφ,mφ† 6= m. Toutefois, la règle dela somme s’applique encore et le problème devient évident : pour chaque fermion du SM, ilexisterait un scalaire plus léger. Comme ce n’est pas ce qui est observé dans la réalité, il fautun moyen de contourner cette règle.

Parmi les solutions envisageables, seule l’idée d’un secteur caché, découplé du MSSM, per-met d’obtenir des modèles phénoménologiquement viables. Ce secteur caché est constitué desuperchamps chargés sous un groupe de jauge GSB, mais non (ou très faiblement) couplésau secteur visible, c.-à-d. l’ensemble des champs du MSSM. En effet, si la supersymétrie estbrisée dans ce secteur, les scalaires légers non observés ne sont pas un problème, puisqu’ilssont invisibles à la matière. Comme la brisure survient dans un secteur découplé et qu’elle estensuite médiée au secteur visible, la règle de la somme ne s’applique plus. Il reste cependantà trouver un moyen de transférer la brisure de supersymétrie au secteur visible.

Plusieurs techniques existent pour médier la brisure de supersymétrie. Les plus utilisées em-ploient la médition de jauge, où ce sont des corrections quantiques qui apportent une masse

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aux superpartenaires du MSSM. D’un autre côté, il est possible de considérer une médiationpar interactions gravitationnelles, par anomalies ou même par ajout de dimensions. Ces mé-thodes sont variées et flexibles, quoique parfois un peu artificielles. Une revue intéressante deces dernières est donnée par Martin [2].

Malheureusement, bien que cette façon de procéder soit ingénieuse, elle rend vain, en uncertain sens, tous les efforts mis à l’élaboration d’un modèle d’unification du MSSM sousSU(5), SO(10) ou autre. Il serait assez curieux de voir les constantes de couplage du MSSMs’unifier en un seul groupe de jauge, mais que cela ne se produise pas pour le secteur de brisurede supersymétrie couplé sous GSB.

C’est dans ce contexte qu’est défini le concept de « théorie supersymétrique pleinement uni-fiée » (FSGUT pour Fully SGUT ), où le groupe sous lequel l’unification du MSSM survient,dénoté ici GSM, est unifié au groupe responsable de la brisure de supersymétrie GSB en ungroupe de jauge unique GSGUT ⊃ GSB×GSM. De telles théories, pour être cohérentes, doiventsatisfaire un certain nombre de critères. D’abord, il est nécessaire que toutes les brisures desymétrie rencontrées puissent se produire par un mécanisme donné, tel le mécanisme de Higgsavec un potentiel scalaire approprié. Toutefois, ce ne sont pas tous les motifs de brisure desymétrie qui sont possibles [42, 43]. De plus, il est essentiel que le contenu en champs soitsans anomalies et qu’il puisse engendrer les champs du MSSM et du secteur caché. Pour cefaire, des représentations complexes doivent être disponibles, limitant les choix de grouped’unification à SU(Nc > 2), SO(Nc) et E6. Le groupe E6 étant trop petit pour contenir àla fois GSM et GSB, il doit être écarté. Bien que seul SO(4n + 2), n ∈ N, ne comporte desreprésentations chirales parmi SO(Nc), la démarche qui suit s’applique aussi bien pour toutNc, ce qui simplifie l’analyse. De plus, le secteur caché doit posséder un moyen de briser lasupersymétrie. Enfin, il est préférable que la théorie sous GSGUT soit asymptotiquement librepour éviter les pôles de Landau, c.-à-d. une singularité dans la fonction β avant l’échelle dePlanck, ce qui dépend encore une fois du contenu en champs de la théorie.

De telles théories, si elles pouvaient exister, seraient extrêmement intéressantes phénoméno-logiquement. Étant donné la prouesse que représenterait une unification du secteur caché ausecteur visible, il semble difficile de croire qu’un modèle satisfaisant tous ces critères ne soitpas une progression vers une théorie du tout. Puisque la supersymétrie peut être jaugée pourdonner une théorie de la gravité, toutes les forces de la nature et même plus s’y retrouve-raient, constituant la théorie la plus complète et la plus prédictive jamais élaborée. Pour cesraisons, il semble important de porter de l’intérêt à l’étude de tels modèles, pour lesquelsaucun exemple n’a été trouvé jusqu’à présent.

En raison de la grande diversité de mécanismes de brisure de supersymétrie, de méthodes pourmédier cette brisure et de manières d’unifier le MSSM, les FSGUTs constituent possiblementune immense famille. Comme il est difficle d’explorer cet espace de paramètres en entier,

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il est nécessaire de se restreindre à une sous-classe et de vérifier si la phénoménologie estréaliste et intéressante. Ainsi, pour amorcer l’étude de ces théories, deux hypothèses sontémises et dictent l’implantation du modèle. Premièrement, il est posé que le mécanisme debrisure de supersymétrie provenant du secteur caché est le mécanisme ISS présenté à lasection 3.3. Ce choix est motivé principalement par sa simplicité à l’intégrer dans un modèle.Deuxièmement, il est supposé que toutes les brisures de symétrie jaugée sont réalisées à l’aidede champs acquérant une VEV selon un potentiel quartique. Malheureusement, ces contraintessont incompatibles avec le concept des FSGUTs. Le théorème no-go présenté dans ce chapitreformalise donc cette affirmation, et permet ainsi de limiter une grande part des manièrespossibles d’élaborer ces théories.

De manière plus spécifique, le modèle étudié dans ce mémoire prend la forme suivante. Dansla théorie UV, allant d’une échelle d’énergie de l’ordre de la masse de Planck à une échelleinférieure d’unification µU , la dynamique est contrôlée par un groupe de jauge GSGUT. Auxenvirons de µU , un secteur de Higgs brise la symétrie en au moins deux sous-groupes : GSB×GSM. GSB est ici un groupe de Lie simple dans un régime « électrique » au sens de Seiberg, quidoit posséder une théorie duale magnétique GSB brisant la supersymétrie. GSM est quant à luiun groupe de Lie, possiblement non-simple, contenant au moins SU(3)C × SU(2)L × U(1)Yà basse énergie, et incorporant potentiellement une symétrie résiduelle horizontale GH . Uneesquisse des différentes dynamiques est présentée à la figure 4.1.

GSGUT

GSB ×GSM

GSB ×GSM

SU(3)C × U(1)QED ×GH

Brisurede symétrie

Confinement

Possiblement plus debrisure de symétrie

µ

µU

µS

µZ

Théorie UV

Théorie électrique

Théorie magnétique

SM étendu

Figure 4.1 – Esquisse de la dynamique de la théorie FSGUT avec un vide métastable brisant lasupersymétrie. Dans la théorie UV, un seul groupe de jauge GSGUT unifie toutes les interactionsà une échelle µU . Une brisure de symétrie survient alors et l’un des sous-groupes résultants GSBpossède une symétrie duale GSB après confinement, brisant la supersymétrie à l’aide d’un minimummétastable à une échelle µS . Le modèle standard est finalement obtenu à une énergie µZ , où ilreste potentiellement un groupe de symétrie horizontal GH résiduel.

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Un élément central du modèle, qui mérite un intérêt particulier, est le secteur de brisure desupersymétrie. Il s’agit en réalité de la plus grande limite à la conception d’une unificationvraisemblable. En effet, pour que le minimum métastable brisant la supersymétrie existe, ilest nécessaire que GSB soit asymptotiquement libre et que sa théorie duale magnétique soitlibre dans l’IR. Tel que vu dans le chapitre précédent, la condition générale (3.75) pour obtenircette phase de la dualité fait intervenir des quantités de la théorie des groupes et des algèbresde Lie. Il a été mentionné que le nombre de saveurs généralisé s’exprime comme

Nf =∑R

C(R), (4.2)

où C(R) est le Casimir de la représentation R.

Dans le cas présent, si des champs sont dans la représentation R de GSGUT, alors, après brisurede symétrie, ils seront dans la représentation de GSB × GSM selon la règle de branchementgénérale

R ↓⊕i

mi rGSBi × rGSM

i , (4.3)

où rGi est une représentation irréductible de G et mi est la multiplicité. La définition dunombre de saveur généralisé (4.2) implique alors directement

Nf =∑R

∑i

midim(rGSMi )C(rGSB

i ), (4.4)

où dim(rGSMi ) indique simplement qu’il y a dim(rGSM

i ) copies de la représentation rGSBi dans

la théorie. Toutefois, cette généralisation néglige deux aspects importants reliés au modèleen question. D’abord, considérant que le groupe GSGUT est brisé par des Higgs, les bosonsgénérant les symétries brisées acquièrent une masse et contribuent ainsi, eux aussi, à Nf .Ensuite, de plus grande importance, cette définition implique que les champs dans les re-présentations rGSB

i sont tous suffisamment légers pour contribuer à Nf . Ces problèmes sontdiscutés séparément ultérieurement dans la preuve.

Outre ces attentions au sujet du secteur de brisure de supersymétrie, des considérationsgénérales restent à énoncer. En particulier, le groupe GSM doit être minimalement de rang 4pour accommoder le rang du MSSM. De plus, il est demandé que le contenu en champs dans lathéorie UV redonne nécessairement au moins le contenu du MSSM après brisure de symétrie.Explicitement, le secteur de Higgs doit pouvoir être retrouvé ainsi que les trois générations dematière, chacune composée des trois quarks QL, uR et dR et des deux leptons EL et eR. Lecontenu désiré doit provenir de représentations R dans GSGUT se décomposant selon la règlede branchement (4.3) énoncée, ce qui impose de grandes contraintes sur les représentations Rpossibles. D’autre part, il serait plus approprié que les représentations fournissant le MSSMsoient des singulets sous GSB (c.-à-d. que rGSB

i = 1). En effet, lorsque GSB confine pour laisserplace à sa théorie duale GSB, les champs chargés sous ce dernier acquièrent une masse de l’ordre

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de l’échelle d’énergie du confinement, à l’exception des (pseudo-)particules de Goldstone, quirestent sans masse (légers). Ces champs massifs seraient alors beaucoup trop lourds pour êtreles champs du MSSM. Bien que les (pseudo-)champs de Goldstone pourraient éventuellementjouer le rôle des champs du MSSM, cela semble peu plausible. Étant donné que peu dechamps deviennent des (pseudo-)champs de Goldstone lors d’une brisure de symétrie, il seraitnécessaire d’introduire une quantité importante de champs dans la théorie UV pour retrouverle MSSM, ce qui rendrait la théorie électrique libre dans l’IR plutôt qu’asymptotiquementlibre, éliminant la possibilité d’un vide métastable brisant la supersymétrie.

Le théorème no-go prouvé dans ce chapitre montre que le modèle défini ci-dessus est irréa-lisable. En effet, avant même d’aborder tous les problèmes reliés à la phénoménologie d’unetelle théorie SGUT, il est démontré qu’il est impossible d’obtenir un vide métastable à la ISStout en intégrant le contenu du MSSM. Les conditions énoncées par ISS restreignent forte-ment le nombre de représentations différentes qu’il est possible d’inclure dans la théorie UV,à un tel point qu’aucune ne peut donner lieu au MSSM. Pour mener à bien la démonstration,deux outils préliminaires sont d’abord développés, l’un concernant la condition ISS, et l’autreétablissant un ordre entre les Casimirs, avant de poursuivre avec une étude du contenu enreprésentations permis pour GSGUT = SU(Nc) ou SO(Nc). À l’aide des motifs de brisure desymétrie et des règles de branchement, il est conclu que le quark QL ne peut être généré.

Enfin, il est pertinent de mentionner que la preuve se sert spécialement du fait qu’il faut incluretrois fois les champs du MSSM pour engendrer les générations. Toutefois, cette hypothèse estaccessoire et ne sert qu’à simplifer l’analyse. Seulement une légère modification est nécessairepour éliminer cette considération, ce qui est effectué après la démonstration.

4.2 Éléments préliminaires

La preuve ici présentée requiert certains outils nécessaires à sa réalisation. Dans l’optiqued’être le plus général possible, deux analyses facilitant la démonstration sont préalablementeffectuées. Cette section présente d’abord des considérations sur les conditions ISS, puis unemanière d’ordonner les représentations en fonction de leurs Casimirs.

4.2.1 Considérations sur les conditions ISS

Les conditions ISS impliquent de fortes contraintes sur les représentations irréductibles deschamps de matière permises dans la théorie. Puisque différents groupes de jauge d’unificationmènent à des conditions ISS différentes, il est essentiel de comprendre ce qu’il advient de cescritères lorsque la symétrie est brisée. Pour couvrir toutes les possibilités permises dans le cadrethéorique étudié, il est important de déterminer la limite supérieure la moins contraignantesur le nombre de saveurs généralisé Nf . De cette façon, toutes les représentations irréductiblesautorisées par les conditions sont considérées. Pour ce faire, les conditions ISS avant et après

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brisure de symétrie sont comparées de manière complètement générale, menant à la conclusionque la borne supérieure est toujours plus serrée après que la symétrie soit brisée.

Les deux quantités d’intérêt dans la condition ISS (3.75) sont reliées au Casimir C et auCasimir quadratique C2 du groupe de symétrie considéré. Pour une représentation R d’ungroupe de Lie G, elles peuvent être définies par

tr(TAR T

BR

)= C(R)δAB & TAR T

AR = C2(R) · 1, (4.5)

où les TAR sont les générateurs du groupe G dans la représentation irréductible R. L’ensembledes générateurs

{TA}forme une base pour l’algèbre de Lie g de G. Le Casimir C fournit une

normalisation des générateurs telle que lorsqu’il est choisi pour une représentation particulière,le Casimir de toutes les autres est fixé. Par simplicité, le symbole g est aussi employé pourdésigner la représentation adjointe de G. Une courte révision des algèbres de Lie complétantles notions présentées dans le texte est jointe dans l’annexe A.

Comme la contrainte sur le modèle provient de la borne supérieure de la condition ISS (3.75)sur le nombre de saveurs généralisé, il convient de la rappeler ici :

Nf <32C2(gSB), (4.6)

où C2(gSB) = Nc pour SU(Nc), Nc − 2 pour SO(Nc) et Nc + 1 pour Sp(2Nc). De plus, selon(4.5), le Casimir quadratique de la représentation adjointe est égal à son Casimir. Ainsi, lacondition ISS peut être réécrite seulement en terme des Casimir C telle que

Nf <32C(gSB). (4.7)

Il est plus simple d’étudier les effets de brisure de symétrie lorsque la conditon ISS est souscette forme.

Puisque tout sous-groupe d’un groupe de Lie donné fait partie d’une chaîne de sous-groupesrelativement maximaux, il est seulement nécessaire d’étudier les sous-groupes maximaux pourcouvrir toutes les possibilités. En effet, des sous-groupes plus élaborés, et donc n’importe quelmotif de brisure de symétrie, peuvent être atteints en utilisant des sous-groupes maximauxrécursivement. En examinant la relation entre la limite supérieure sur Nf (4.4) permise par lacondition ISS (4.7) d’un groupe à celle de ses sous-groupes maximaux, tous les cas de figuressont alors pris en compte.

Pour cette raison, une liste exhaustive de tous les sous-groupes maximaux des groupes de Lieclassiques est présentée. Bien que cette liste ne soit pas nécessaire pour le développement àvenir, elle est utile pour référence future. Tous les sous-groupes maximaux des groupes de Lieclassiques ont été trouvés par Dynkin [70]. Ils peuvent être classés en deux catégories, soitles non simples et les simples. Il existe neuf types de sous-groupes non simples, épuisés par laliste 4.1, où les cas réguliers et spéciaux sont inclus sans distinctions.

Liste 4.1 : Les neuf sous-groupes maximaux non simples des groupes de Lie classiques.

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(i) SU(N) ↓ SU(N −M)×SU(M)×U(1),

(ii) SU(NM) ↓ SU(N)× SU(M),

(iii) SO(N) ↓ SO(N −M)× SO(M),

(iv) SO(NM) ↓ SO(N)× SO(M),

(v) SO(N) ↓ SU(bN/2c)× U(1),

(vi) SO(4MN) ↓ Sp(2N)× Sp(2M),

(vii) Sp(2N) ↓ Sp(2N − 2M)× Sp(2M),

(viii) Sp(2MN) ↓ Sp(2N)× SO(M),

(ix) Sp(2N) ↓ SU(N)× U(1).

La seconde catégorie correspond aux sous-groupes spéciaux simples. Ils sont trouvés en consi-dérant une représentation irréductible R∗ d’un groupe G (classique ou exceptionnel) de di-mension d∗. Ainsi, pour tout R∗, G est un sous-groupe de SU(d∗). En particulier, si R∗ estréelle, alors G est un sous-groupe maximal de SO(d∗), tandis que pour R∗ pseudoréelle, Gest maximal dans Sp(d∗). Dans certains cas spécifiques, G n’est pas maximal. Ces exceptionssurviennent lorsque deux représentations R1 et R2 de deux groupes différents G1 et G2, telque dim g1 < dim g2, possèdent la même dimension d∗. Il est alors possible que G1 soit unsous-groupe de G2, ce qui rend G1 maximal dans G2 plutôt que dans SU(d∗), SO(d∗) ouSp(d∗). Un exemple simple de ce résultat fait intervenir SU(3) et SU(6). Le groupe SU(3)possède deux représentations complexes de dimensions 15, l’une symétrique 15S , l’autre anti-symétrique 15A, ce qui le rendrait alors maximal dans SU(15). D’autre part, SU(6) contientlui aussi une représentation complexe 15, soit l’antisymétrique. Toutefois, la représentationantisymétrique de SU(3) est la 6, alors SU(3) est nécessairement un sous-groupe de SU(6).En effet, cela peut se comprendre par le fait que le produit tensoriel antisymétrisé d’une 6avec elle-même donne une 15, dans SU(3) comme dans SU(6). Ainsi, l’injection qui envoie la6 de SU(3) vers la 6 de SU(6) est la même qui envoie la 15A de SU(3) vers la 15 de SU(6).Par conséquent, la chaine de sous-groupes maximaux devient

SU(3) ⊂ SU(6) ⊂ SU(15)6 ↪→ 6

15A ↪→ 15 ↪→ 15.(4.8)

Toutes les exceptions prennent une forme similaire à cet exemple. En particulier, elles nemodifient pas l’analyse, car tous les sous-groupes maximaux sont pris en compte, même sansles considérer explicitement.

Avant de poursuivre, il est pertinent de mentionner que les groupes de Lie exceptionnelspeuvent aussi être contenus dans les groupes classiques selon les règles précédentes. Cependant,ils ne peuvent briser la supersymétrie à l’aide du mécanisme ISS. D’autre part, il est possiblede considérer leurs sous-groupes maximaux classiques en tant que sous-groupes non maximauxdu groupe original. De cette manière, il est possible d’éliminer les groupes exceptionnels del’analyse.

Intuitivement, la manière la plus directe de résoudre la problématique serait de chercherles représentations irréductibles de chaque groupe de Lie classique qui peuvent générer le

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contenu du MSSM après que la symétrie soit brisée. Pour ce faire, il faudrait trouver lesrègles de branchement (voir par exemple Whippman [71]) de ces représentations irréductibles,règles qui décrivent comment les représentations se décomposent sous réduction de symétrie.Toutefois, les règles de branchement sont loin d’être triviales, ni même faciles à calculer demanière générale parce qu’elle sont différentes pour chaque groupe, et pour chaque motif debrisure de symétrie. À l’aide de ces règles, il serait possible de déterminer les représentationsde départ qui contiendraient le MSSM. Pour chacun de ces cas, il faudrait vérifier si le nombrede saveurs généralisé Nf satisfait la condition ISS (4.7). En essayant toutes les combinaisons,la conclusion que le cadre théorique étudié est impossible s’imposerait.

Une meilleure approche au problème consiste à faire l’observation révélatrice que la quantité∑imi dim(rGSM

i )C(rGSBi ) présente dans le calcul de Nf est simplement donnée par le Casimir

C(R) (à une constante près) de la représentation irréductible R originale dans GSGUT, c.-à-d.∑i

mi dim(rGSMi )C(rGSB

i ) = ξ2C(R). (4.9)

La constante ξ, nécessaire pour renormaliser correctement les générateurs, est égale à 1 pourles sous-groupes non simples et à

√C(r∗)/C(R∗) pour les sous-groupes simples.

Pour prouver la relation (4.9), un sous-groupe H d’un groupe G est considéré. H a pouralgèbre de Lie h, une sous-algèbre de g. Une base complète pour h peut être choisie parmi lesgénérateurs TA de g. Lorsque la symétrie est réduite de G à H, une représentation R de Gbrise comme

G ↓ H

R ↓ r ≡⊕i

miri, (4.10)

où r est une représentation de H possiblement réductible. Cette représentation peut alorsêtre diagonalisée par blocs comme une somme directe de représentations irréductibles ri deH. Ici, mi est la multiplicité de chaque ri.

Pour mieux comprendre ce qui arrive au Casimir lorsque la symétrie est brisée, il est pratiqued’employer le développement exponentiel des éléments de G. En effet, un élément g ∈ G dansune représentation irréductible R près de l’identité peut être paramétrisé par un ensemble deconstantes

{αA}tel

g = exp

dim g∑A=1

αATAR

.Sous brisure de symétrie G ↓ H, seules quelques combinaisons linéaires (proprement normali-sées) des générateurs sont conservées. Les éléments de G qui appartiennent aussi à H peuvent

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donc s’écrire comme

h = exp

dim h∑a=1

βaT ar

,où l’ensemble des

{T ar = ξUaATAR

}forme une base complète pour H. ξ est le même fac-

teur de normalisation que précédemment et U est une matrice rectangulaire qui extrait lesbonnes combinaisons linéaires. La matrice U satisfait les relations UaAU bBδAB = δab etξUaAU bBfABC = fabcU cC , avec fABC et fabc les constantes de structure des groupes G et Hrespectivement.

Cela a pour conséquence que les générateurs de H dans la représentation r sont reliés auxgénérateurs de G dans la représentation R. Ainsi, (4.5) implique

C(r) = tr(T ar T ar ) = ξ2UaAUaBtr(TAR T

BR

)= ξ2C(R) (pas de somme sur a). (4.11)

D’un autre côté, il est possible de diagonaliser par blocs les {T ar } de telle manière que chaquebloc est une représentation irréductible ri de H selon la décomposition (4.10). Alors, la tracepeut être opérée sur chaque bloc séparément, menant à

C(r) =∑i

mitr(T ariT

ari

)=∑i

miC(ri) (pas de somme sur a). (4.12)

Dans le contexte du présent modèle d’unification, la brisure de symétrie d’intérêt prend laforme GSGUT ↓ GSB×GSM. Ainsi,H est ici le produit direct de deux sous-groupes disjoints (c.-à-d. que le seul élément présent à la fois dans les deux sous-groupes est l’identité). RemplacerH par H ×H ′ dans l’analyse précédente mène alternativement à

G ↓ H ×H ′

R ↓ r =⊕i

mi(ri × r′i

), (4.13)

où ri× r′i est une représentation irréductible de H ×H ′ bâtie à partir du produit direct d’unereprésentation irréductible ri de H et d’une représentation irréductible r′i de H ′.

Pour obtenir le résultat désiré, la symétrie est encore réduite en sélectionnant seulement Hcomme un sous-groupe de H × H ′. Cela est équivalent à substituer r′i dans (4.13) par unesomme de dim (r′i) identités. Mathématiquement, cela s’exprime comme

G ↓ H ×H ′ ↓ H

R ↓ r ↓⊕i

mi dim(r′i)ri.

(4.14)

Cette expression, combinée à (4.11) et à (4.12), donne l’identité suivante :∑i

mi dim(r′i)C(ri) = ξ2C(R), (4.15)

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ce qui est exactement la somme interne de la définition de Nf (4.4) avec H = GSB et H ′ =GSM, prouvant ainsi (4.9).

Ce résultat simplifie grandement l’analyse. En effet, le nombre de saveurs généralisé peut alorsêtre exprimé en fonction de quantités relatives au groupe de jauge non brisé, sans égard à labrisure de symétrie spécifique du modèle. En fait, seuls les bosons de jauge massifs s’ajoutentau nombre de saveurs généralisé après la réduction de la symétrie. Ainsi, pour un sous-groupede jauge H dans G donné, la condition ISS (4.7) devient, après la substitution de Nf par ladéfinition (4.4) et en utilisant l’identité (4.15) [une fois pour Nf et une fois pour C(h)],

∑R

∑i

mi dim(r′i)C(ri) + · · · < 3

2C(h) =⇒ ξ2∑R

C(R) + · · · < 32ξ

2C(g)− · · · , (4.16)

où les points de suspension incluent les termes relatifs aux bosons de jauge. À partir de (4.16),il est clair que la condition ISS pour le groupe brisé est plus restrictive que la condition pourcelui non brisé (pour lequel les points de suspension sont simplement absents).

Puisque tout motif de brisure de symétrie désiré peut être obtenu en suivant une chaine desous-groupes maximaux, ce résultat implique que la borne supérieure la moins contraignantesur Nf provient de la première brisure de symétrie vers un sous-groupe maximal. Par consé-quent, (4.7) est la condition qui est conservée et qui est utilisée dorénavant au cours de lapreuve.

Ayant en main cette condition générale, il reste maintenant à trouver toutes les représentationsirréductibles R de GSGUT ayant un Casimir acceptable, et ensuite à vérifier si une combinaisonde ces représentations peut engendrer le contenu du SM, tout en s’assurant que la somme deleurs Casimirs n’excède pas la condition ISS.

4.2.2 Ordre des représentations irréductibles

Avant d’explorer des représentations irréductibles permises par la condition ISS, il est utiled’introduire un ordre entre les différentes représentations irréductibles. En effet, en ordonnantles représentations irréductibles en fonction de leurs Casimirs, il est possible d’éviter d’avoirà considérer l’infinité de représentations. Bien que cet ordre ne doit être trouvé que pourSU(N) et SO(N), le résultat s’applique pour toutes les algèbres de Lie.

Pour résoudre ce problème, des notions de base sur les algèbres de Lie semi-simples sontemployées. Les concepts nécessaires sont revus rapidement dans l’annexe A. Dans la notationici utilisée, dWi dénote le ième coefficient de Dynkin de la représentation irréductible ou dela racine W . La décomposition de W sous les racines simples est exprimée par kWi , telle quedW = kWA, avec A la matrice de Cartan de l’algèbre. De plus, les racines simples s’écriventαi, et elles sont normalisées pour que la plus grande ait une norme de 1. Le rang de l’algèbreest habituellement noté n.

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Une manière pratique de calculer le Casimir C(R) d’une représentation R d’un groupe G avecalgèbre g utilise une définition alternative de (4.5), basée sur des arguments de théorie desgroupes. Elle est donnée par

C(R) = dimR

dim gC2(R). (4.17)

La dimension d’une représentation irréductible R peut être trouvée par la formule de dimen-sion de Weyl [72] telle que,

dimR =∏β > 0

〈β,R+ I〉〈β, I〉

=∏β > 0

∑ni=1 k

βi (dRi + 1)α2

i∑ni=1 k

βi α

2i

,

où le produit est effectué sur toutes les racines positives β de l’algèbre et I correspond à lacombinaison de racine ayant dIi = 1∀ i. Le Casimir quadratique est quant à lui donné par

C2(R) = 〈R,R+ 2I〉 = 12∑i

kRi (dRi + 2)α2i = 1

2∑i,j

dRi A−1ij (dRj + 2)α2

j , (4.18)

où A−1ij est l’inverse de la matrice de Cartan, présentée à l’annexe A. À partir de ces formules,

un ordre peut être établi entre les représentations irréductibles d’une algèbre.

Soit une représentation irréductible R d’une algèbre de Lie g de rang n donnée avec coefficientsde Dynkin dRi et une seconde R′ avec coefficients dR′i = dRi + δi`, avec ` = 1, . . . , n. Alors, ilest possible de montrer que

C(R′) > C(R). (4.19)

Premièrement, dimR′ > dimR puisque

dimR′

dimR=∏β > 0

∑i k

βi (dR′i + 1)α2

i∑i k

βi (dRi + 1)α2

i

=∏β > 0

∑i k

βi (dRi + δi` + 1)α2

i∑i k

βi (dRi + 1)α2

i

> 1.

En effet, les racines β sont positives et les kβi sont nécessairement positifs par définition. Ainsi,le numérateur est égal au dénominateur si kβ` = 0, sinon il est plus grand. Toutefois, il existetoujours au moins une racine pour laquelle kβ` 6= 0 : la `ième racine simple α` est une racinepositive avec kα`i = δi`. Cela implique donc l’inégalité dimR′ > dimR.

Deuxièmement, C2(R′) > C2(R) puisque

C2(R′)− C2(R) = 12∑i,j

dR′

i A−1ij (dR′j + 2)α2

j −12∑i,j

dRi A−1ij (dRj + 2)α2

j

= 12∑i,j

(dRi + δi`)A−1ij (dRj + δj` + 2)α2

j −12∑i,j

dRi A−1ij (dRj + 2)α2

j

= 12A−1`` α

2` + 1

2∑i

[dRi A−1i` α

2` + (dRi + 2)A−1

`i α2i ] > 0.

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En effet, A−1 n’a que des composantes strictement positives, peu importe l’algèbre, tel quechaque terme est plus grand que ou égal à zéro et que certains d’entre eux sont strictementplus grands que zéro. Puisque dim g est la même pour R et R′, (4.17) implique que C(R′) >C(R), et ce, pour toute algèbre de Lie semi-simple. Ce résultat est aussi valide pour toutereprésentation irréductible R et R′ tel que dR′i ≥ dRi ∀ i. Dans ce cas, R′ peut être obtenueen additionnant successivement 1 aux coefficients de Dynkin de R. Alors, l’inégalité peut êtreappliquée à chaque étape de la chaine.

Cet ordre n’est que partiel, puisqu’il ne permet pas de comparer certaines représentations.Par exemple, pour R = (1,1,0,0), R′ = (1,2,0,0) et R′′ = (2,1,0,0), il est possible de dire queC(R′) > C(R) et que C(R′′) > C(R), mais aucune conclusion ne peut être tirée entre C(R′)et C(R′′). Un ordre plus spécifique permettant de faire cette différence sera introduit lorsquenécessaire.

4.3 Le théorème no-go

Grâce aux outils développés précédemment, le corps de la preuve peut maintenant être entamé.Pour ce faire, il est impératif de trouver toutes les représentations irréductibles qui satisfontla condition ISS (4.7). Malheureusement, pour ce modèle d’unification, le nombre de tellesreprésentations est très limité et les quelques-unes acceptables ne peuvent accommoder leMSSM.

Pour procéder à la démonstration, il est nécessaire d’adopter une approche plus spécifiqueaux représentations irréductibles. Pour cette raison, les théories unifiées à partir de SU(N)et de SO(N) sont étudiées séparément. Toutefois, l’analyse sera similaire dans chaque cas : lacondition ISS appropriée à la brisure de symétrie est énoncée, puis les représentations irréduc-tibles sont traitées en ordre de coefficients de Dynkin croissants jusqu’à épuisement. Seulesles représentations 1 et δi1 [et la représentation conjuguée δin pour SU(n+ 1)] sont permisespour construire les générations du MSSM. Par simplicité, les représentations irréductiblessont dorénavant notées par leurs coefficients de Dynkin. Lorsque la situation sera ambigüe,les représentations sont dénotées par leurs coefficients de Dynkin placés entre crochets. Fina-lement, les possibles motifs de brisure de symétrie et les règles de branchement associées sontexaminés pour conclure qu’aucune représentation ne peut fournir le doublet de quarks QL,complétant ainsi la preuve du théorème.

4.3.1 Contenu admissible d’une théorie unifiée basée sur SU(n+ 1)

Le groupe de jauge d’unification GSGUT = SU(N) est d’abord considéré. Par souci de clartépour les représentations conjuguées, N est écrit comme N ≡ n + 1 pour rendre explicite lerang n du groupe. Gardant en tête que le rang du MSSM est de 4, il faut avoir n ≥ 5. Le déve-loppement débute en trouvant la condition ISS ayant la borne supérieure la moins restricitive

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sur le nombre de saveurs généralisé. Il se poursuit en énumérant toutes les représentationsirréductibles de SU(n + 1) pouvant être utilisées dans la théorie UV originale telle que lasupersymétrie est brisée par un vide métastable.

Selon l’analyse réalisée à la section 4.2.1, il n’est nécessaire que de considérer la contraintela plus faible sur le nombre de saveurs généralisé originant de la brisure de symétrie vers unsous-groupe maximal. Une étude rapide de tous les sous-groupes maximaux, simples ou nonsimples, de SU(n+ 1) montre que la condition minimale sur Nf survient lors de la brisure (i)de la liste 4.1, soit SU(n+ 1) ↓ SU(n−m+ 1)× SU(m)× U(1) avec m > 4. Cela mène à lacondition

Nf <32(n−m+ 1), m > 4, (4.20)

qui est générale pour n’importe quel motif de brisure de symétrie et qui est suffisante pourcompléter la preuve.

La prochaine étape est de contruire une liste de toutes les représentations irréductibles per-mises dans la théorie UV. La première représentation à considérer en ordre croissant decoefficients de Dynkin est la représentation triviale 1 pour laquelle d1

i = 0∀ i. Cette représen-tation a pour Casimir C(1) = 0 pour tous les groupes. Viennent ensuite les représentationsélémentaires (defining representations), ici désignées par leurs coefficients de Dynkin tels quedRi = δi` avec ` = 1, . . . , n. Ces dernières constituent les composantes de base de l’ordreétabli précédemment. Puisque l’algèbre de SU(n + 1) est An, le calcul du Casimir de cesreprésentations peut s’effectuer directement de la formule (4.17) et de la matrice de Cartanexplicite présentée dans l’annexe A. Il est trouvé que dimAn = n(n + 2), dim δi` =

(n+1`

)et

C2(δi`) = `(n+1−`)(n+2)2(n+1) , ce qui mène à

C(δi`) = 12

(n− 1`− 1

). (4.21)

Comme il se doit, cette formule est symétrique sous l’interchange de ` ↔ n + 1 − `, puisqueδi,n+1−` est la représentation conjuguée de δi`. Ce fait permet de se concentrer sur ` ≤

⌊n+1

2

⌋et ensuite d’étendre les résultats grâce à la symétrie.

L’inégalité entre les Casimirs (4.19) indique que C(δi`) > C(1), mais ne permet pas de com-parer les représentations élémentaires entre elles. Toutefois, à l’aide de l’expression explicitede leurs Casimirs, cela peut être fait par

C(δi`)C(δi,`−1) = (n+ 1− `)!(`− 2)!

(n− `)!(`− 1)! = n+ 1− ``− 1 ≥ n+ 1

n− 1 > 1. (4.22)

Cette comparaison suppose que ` ≥ 2 : elle n’est donc valide que pour n ≥ 3, ce qui est vraipuisque n ≥ 5. L’équation (4.22) est transformée en une inéquation en remplaçant ` par laborne supérieure ` ≤

⌊n+1

2

⌋. Ainsi, le Casimir des représentations élémentaires est strictement

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Tableau 4.1 – Le Casimir de quelques représentations irréductibles de SU(n + 1). Ces dernierspeuvent être calculés à partir des formules présentées à l’annexe A. Les cellules foncées contiennentles représentations irréductibles autorisées pour que la théorie possède un vide métastable brisantla supersymétrie. Les représentations sont ordonnées en colonnes en fonction de la somme de leurscoefficients de Dynkin.

R C(R) R C(R) R C(R)δi1

12 2δi1 1

2(n+ 3) 3δi1 14(n+ 3)(n+ 4)

δi212(n− 1) δi1 + δin n+ 1 2δi1 + δin

14(n+ 3)(3n+ 2)

δi314(n− 1)(n− 2) δi1 + δi2

12(n2 + 2n− 2)

2δi2 16(n+ 3)(n− 1)

δi1 + δi,n−114(n− 1)(3n+ 4)

croissant avec ` pour ` = 1, . . . ,⌊n+1

2

⌋, puis décroit symétriquement pour les autres valeurs

de ` par la symétrie du Casimir. Les Casimirs (4.21) des trois premières représentations élé-mentaires sont présentés à la première colonne du tableau 4.1. Selon la condition ISS (4.20),la borne supérieure pour le nombre de saveurs généralisé est déjà excédée pour δi3. Ainsi,l’inégalité (4.22) signifie que seules les représentations élémentaires δi1 et δi2 et leurs repré-sentations conjuguées sont permises dans la théorie. En outre, si trois générations de champsde matière sont considérées, il est nécessaire que 3C(R) n’excède pas la borne supérieure de(4.20), ce qui réduit la liste de représentations possibles à seulement δi1 et sa représentationconjuguée δin.

En utilisant l’inégalité des Casimirs (4.19), les autres représentations irréductibles respec-tant la condition ISS peuvent être trouvées. Les coefficients de Dynkin des représentationspossiblement acceptables sont donnés en additionnant les coefficients de Dynkin de deux re-présentations élémentaires permises : une combinaison de deux parmi δi1, δi2 δi,n−1 et δin.Les représentations ainsi formées et leur Casimir sont présentés dans la seconde colonne dutableau 4.1 (sans leurs représentations conjuguées puisque leurs Casimirs sont les mêmes). Ilest aisé de vérifier que seuls les Casimirs de [2δi1] et [δi1 + δin] ne dépassent pas la borne ISS(4.20), mais trois fois leurs Casimirs la surpassent. Ainsi, ces représentations ne peuvent pasêtre considérées pour bâtir les générations du MSSM.

De manière similaire, les prochaines représentations irréductibles à étudier se trouvent en addi-tionnant les coefficients de Dynkin des représentations acceptables de la seconde colonne avecceux de la première. Cela mène aux représentations de la troisième colonne du tableau 4.1. Ilest facile de voir qu’aucune ne satisfait la condition ISS ; la liste des représentations irréduc-tibles autorisées est alors complète.

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En résumé, l’analyse effectuée implique que les trois générations du MSSM ne peuvent provenirque des représentations irréductibles 1, δi1 and δin. De plus, seules δi1, δi2, [2δi1] et [δi1 + δin]et leurs représentations conjuguées peuvent être utilisées en tant que Higgs pour briser lasymétrie en acquérant une VEV. L’accent est mis sur ce résultat dans le tableau 4.1 avec lescellules foncées. Puisque les étapes restantes à la preuve sont similaires pour SU(N) et pourSO(N), la prochaine section étudie le cas d’une unification sous SO(N) avant de poursuivre.

4.3.2 Contenu admissible d’une théorie unifiée basée sur SO(N)

La procédure à suivre pour examiner le modèle d’unification basé sous SO(N) est très similaireà celle pour SU(N), à quelques détails près. Tel que fait précédemment, la condition ISS la pluslarge est d’abord trouvée, puis toutes les représentations irréductibles de SO(N) la respectantsont obtenues.

La section 4.2.1 a montré que toutes les réductions de symétrie vers un sous-groupe réduitla borne supérieure sur Nf . La condition ISS la plus générale est alors donnée par la brisurede symétrie avec la borne supérieure la plus large. En étudiant rapidement l’ensemble dessous-groupes maximaux de SO(N) (voir la liste 4.1 de sous-groupes non simples), le motif debrisure de symétrie recherché est SO(N) ↓ SO(N −M)×SO(M) avec M minimalement plusgrand que 9 en raison de la condition du rang du MSSM. La condition ISS devient alors

Nf <32(N −M − 2), M > 9. (4.23)

Cette inégalité est la référence pour déterminer quelles représentations irréductibles de SO(N)peuvent être incluses dans la théorie UV. Pour ce faire, un ordre entre les représentationsélémentaires δi` de SO(N) est instauré. L’algèbre de SO(N) est différente en fonction de laparité de N . Pour N = 2n, l’algèbre est Dn et les deux dernières racines sont différentes,alors les représentations avec ` = n− 1 et n sont considérées séparément. Pour N = 2n + 1,l’algèbre est Bn. Sa dernière racine étant différente, la représentation δin est étudiée à part.

La formule du Casimir pour les représentations élémentaires est la même sans égard à laparité de N pour les valeurs de ` considérées. En effet, dim δi` =

(N`

), dim so(N) = N(N+1)

2 etC2(δi`) = `

2(N − `), ce qui conduit à

C(δi`) =(N − 2`− 1

). (4.24)

Comme dans le cas de SU(n+ 1), les Casimirs δi` et δi,`−1 peuvent être comparés entre euxpour fournir un ordre :

C(δi`)C(δi,`−1) = (N − `)!(`− 2)!

(N − 1− `)!(`− 1)! = N − ``− 1 > 1. (4.25)

Il est facile de vérifier que l’inégalité tient pour toutes les valeurs de ` considérées, peu importela parité de N .

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Tableau 4.2 – Le Casimir de quelques représentations irréductibles de SO(N). Les cellules fon-cées contiennent les représentations irréductibles autorisées pour que la théorie possède un videmétastable brisant la supersymétrie. Les représentations sont ordonnées en colonnes en fonctionde la somme de leurs coefficients de Dynkin.

R C(R) R C(R) R C(R)δi1 1 2δi1 N + 2 3δi1 1

2(N + 1)(N + 4)δi2 N − 2 δi1 + δi2 (N + 2)(N − 2)δi3

12(N − 3)(N − 2) 2δi2 1

3(N + 2)(N + 1)(N − 3)

Les Casimirs des trois premières représentations élémentaires, calculés à l’aide de (4.24), sontaffichés dans le tableau 4.2. Les cellules foncées contiennent les représentations irréductiblesqui ne violent pas la condition ISS (4.23). Pour ` = 1 et 2, les représentations sont permises,mais pas pour ` ≥ 3. De plus, seule δi1 est acceptable pour donner trois générations defermions.

Les représentations élémentaires non étudiées correspondent aux représentations spinoriellesde SO(N). Pour N = 2n + 1, la représentation δin a pour Casimir C(δin) = 2n−3. PourN = 2n, les deux représentations mises de côté, δi,n−1 et δin sont leurs représentations conju-guées mutuelles. Leur Casimir est donc le même et est égal à 2n−4. Ainsi, ces représentationssurpassent largement la borne supérieure imposée par la condition ISS (4.23) et sont doncinutilisables pour construire la théorie unifiée désirée.

Les représentations irréductibles avec coefficients de Dynkin plus complexes peuvent êtreconstruites tel que fait à la section précédente sur SU(n+ 1). L’inégalité des Casimirs (4.19)permet de se limiter aux représentations formées à partir des coefficients de Dynkin des repré-sentations élémentaires permises. Les quatre cas à analyser sont rassemblés dans la deuxièmeet troisième colonne du tableau 4.2. Parmi ces derniers, la seule représentation acceptable estla symétrique [2δi1].

En conclusion, il existe seulement deux représentations irréductibles de SO(N) pouvant êtreutilisées pour les trois générations du MSSM, soit 1 et δi1. En plus de ces représentations, ilest possible d’ajouter un ou deux champs dans les représentations δi2 et [2δi1] pour former unsecteur de Higgs, sujet étudié à la prochaine section.

4.3.3 Secteur de Higgs et règles de branchements

L’analyse précédente a permis de déterminer une liste exhaustive de toutes les représentationsirréductibles pour toutes les théories d’unification basées sur SU(n+ 1) et SO(N) brisant lasupersymétrie par le mécanisme ISS. La dernière étape de la preuve est de montrer queces représentations ne peuvent en aucun cas générer le contenu en champs du MSSM. Pour

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faire la démonstration formelle, il est nécessaire d’investiguer tous les motifs de brisure desymétrie, ainsi que les règles de branchement associées, pour toutes ces représentations. Pourrésoudre ce problème, les divers motifs de brisure de symétrie pouvant être produits par unsecteur de Higgs composé des représentations autorisées sont étudiés. Par la suite, les règlesde branchement générales pour ces motifs de brisure de symétrie sont obtenues pour conclureque le SM ne peut être généré.

Les motifs de brisure de symétrie atteignables par les représentations considérées ont tousdéjà été calculés par Li [42] (et complétés par [43]). Pour ce faire, Li a analysé tous lespotentiels scalaires quartiques possibles de ces représentations et les a minimisé à l’aide demultiplicateurs de Lagrange. Il a ensuite déterminé les symétries restantes du potentiel pourdonner la liste de motifs de brisure de symétrie du tableau 4.3. La preuve se limite à cespotentiels quartiques, car il est difficile d’obtenir des résultats généraux pour des potentielsarbitraires.

Tableau 4.3 – Motifs de brisure de symétrie provenant d’une VEV de représentations irréductiblesde SU(n+ 1) et SO(N). Les représentations entre parenthèses s’appliquent seulement dans le casde SU(n + 1). Les crochets autour des représentations δi1 et δin à la deuxième ligne indiquentqu’il s’agit de k fois cette représentation plutôt que de la représentation k fois symétrique. Lesrésultats sont tirés de [42, 43].

R SU(n+ 1) ↓ SO(N) ↓δi1 (ou δin) SU(n) SO(N)

k[δi1] (ou k[δin]) SU(n+ 1− k) SO(N − k)

δi2 (ou δi,n−1)SU(n)ou

SO(n+ 1)

SO(N − 1)ou

SO(⌈N2

⌉)× SO(

⌊N2

⌋)

[2δi1] (ou [2δin])SU(n− 1)× SU(2)× U(1)

ouSO(2

⌊n+1

2

⌋+ 1)

SU(⌊N2

⌋)× U(1)

ouSO(N − 2)× U(1)

[δi1 + δin]SU(

⌈n+1

2

⌉)× SU(

⌊n+1

2

⌋)× U(1)

ouSU(n)× U(1)

· · ·

Tel que mentionné précédemment, les motifs de brisure de symétrie généraux peuvent êtreimbriqués dans une chaine de sous-groupes maximaux. Dans le cas présent, reproduire lesmotifs du tableau 4.3 requiert l’utilisation de cinq cas particuliers de sous-groupes maximaux.Le tableau 4.4 présente les deux cas qui font intervenir SU(n+ 1), en plus des huit règles debranchement nécessaires pour les représentations irréductibles permises. Le tableau 4.5 expose

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quant à lui les trois cas restants impliquant plutôt SO(N) et les quatre règles de branchementassociées.

Les règles de branchement sont données en termes de produits directs et de sommes directes.Par exemple, la règle de branchement pour la représentation irréductible δi2 pour le motif debrisure de symétrie SU(n+ 1) ↓ SU(n−m+ 1)× SU(m) est

δSU(n+1)i2 ↓

(δSU(n−m+1)i2 × 1SU(m)

)⊕(δSU(n−m+1)i1 × δSU(m)

i1

)⊕(1SU(n−m+1) × δSU(m)

i2

).

Dans les tableaux, les indices de groupe sont laissés implicites pour alléger la notation.

Tableau 4.4 – Règles de branchement pour les représentations irréductibles permises pour deuxsous-groupes maximaux de SU(n + 1). Dans la première colonne, le facteur U(1) est omis. Lestrois premières représentations sont isolées des autres pour indiquer qu’elles sont les seules quipeuvent être incluses trois fois et plus.

RSU(n+ 1) ↓

SU(n−m+ 1)× SU(m)SU(n+ 1) ↓SO(n+ 1)

1 1× 1 1δi1 δi1 × 1⊕ 1× δi1 δi1δin δi,n−m × 1⊕ 1× δi,m−1 δi1

δi2 δi2 × 1⊕ 1× δi2 ⊕ δi1 × δi1 δi2δi,n−1 δi,n−m−1 × 1⊕ 1× δi,m−2 ⊕ δi,n−m × δi,m−1 δi2

[2δi1] [2δi1]× 1⊕ 1× [2δi1]⊕ δi1 × δi1 [2δi1]⊕ 1[2δin] [2δi,n−m]× 1⊕ 1× [2δi,m−1]⊕ δi,n−m × δi,m−1 [2δi1]⊕ 1

δi1 + δin[δi1 + δi,n−m]× 1⊕ 1× [δi1 + δi,m−1]⊕ δi1 × δi,m−1 ⊕ δi,n−m × δi1 ⊕ 1× 1 δi1 ⊕ δi2

Ayant en main les règles de branchement de toutes les représentations irréductibles permisespour les sous-groupes maximaux, il faut maintenant se pencher sur les cas plus complexes demotifs de brisure de symétrie. L’analyse est d’abord concentrée sur les représentations triviale1 et fondamentale δi1 (et antifondamentale δin dans le cas de SU(n+ 1)) puisque ce sont lesseules pouvant servir à produire les trois générations de fermions.

La représentation triviale 1 possède une règle de branchement triviale. Un argument directpour trouver sa forme est que la dimension avant et après la brisure de symétrie doit toujoursêtre la même, ce qui permet d’écrire

1GSGUT ↓×Gi

1Gi , (4.26)

où Gi est n’importe quel groupe parmi le produit de groupes formant un sous-groupe deGSGUT.

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Tableau 4.5 – Règles de branchement pour les représentations irréductibles permises pour troissous-groupes maximaux de SO(N). Dans les deux dernières colonnes, le motif de brisure de sy-métrie SO(N) ↓ SU(n = bN/2c) est divisé en deux, car les règles de branchement sont différentesen fonction de la parité de N . Les deux premières représentations sont isolées des autres pourindiquer qu’elles sont les seules qui peuvent être incluses trois fois et plus.

RSO(N) ↓

SO(N −M)× SO(M)SO(2n) ↓SU(n)

SO(2n+ 1) ↓SU(n)

1 1× 1 1 1δi1 δi1 × 1⊕ 1× δi1 δi1 ⊕ δi,n−1 δi1 ⊕ δi,n−1 ⊕ 1

δi2 δi2 × 1⊕ δi1 × δi1 ⊕ 1× δi2δi2 ⊕ δi,n−2 ⊕ 1⊕ [δi1 + δi,n−1]

[δi1 + δi,n−1]⊕ 1⊕ δi2 ⊕ δi,n−2⊕ δi1 ⊕ δi,n−1

[2δi1] [2δi1]× 1⊕ δi1 × δi1 ⊕ 1× [2δi1] [2δi1]⊕ [2δi,n−1]⊕ [δi1 + δi,n−1]

[2δi1]⊕ [2δi,n−1]⊕ [δi1 + δi,n−1]⊕ δi1 ⊕ δi,n−1 ⊕ 1

Pour ce qui est des règles de branchement pour δi1 (et δin), en observant les règles données dansles tableaux 4.4 et 4.5, il n’est pas difficile de se convaincre que la représentation résultanteprend la forme d’une somme directe d’un produit de plusieurs 1 et d’une seule fondamentale(ou antifondamentale), à chaque étape de la chaine de sous-groupes maximaux, et ce, peuimporte le groupe visé et celui de départ. Le résultat peut être exprimé grossièrement comme

δGSGUTia ↓

⊕Gi

δGiia′ ××Gjj 6=i

1Gj

, (4.27)

où a et a′ sont égaux à 1 ou n et désignent les représentations fondamentale ou antifondamen-tale. Les Gi sont les groupes résultants de la brisure de symétrie : ils doivent donc être soitun groupe SU(M) ou SO(M), pour M un entier quelconque. De plus, lorsque Gi = SO(Mi),a′ = 1 nécessairement.

Il reste encore une dernière ambigüité non soulevée à propos du secteur de Higgs. En effet, ilest légitime de se demander si un motif différent de brisure de symétrie menant à des règles debranchement autres que (4.27) pourrait être obtenu à l’aide d’un secteur de Higgs complexecomposé de plusieurs champs acquérant une VEV. Toutefois, une réflexion plus approfondiemontre que cela est impossible. La brisure de symétrie peut être considérée en étapes, oùchaque Higgs réduit la symétrie un peu plus. Il est toujours possible de supposer, sans pertede généralité, qu’un Higgs acquiert une VEV à plus haute énergie que les autres. Dans cecas, les Higgs restants devraient se décomposer selon l’une des règles de branchement dutableau 4.4 ou 4.5. Cependant, les représentations résultantes sont toutes des représentationsdéjà considérées pour briser la symétrie. Ainsi, le prochain Higgs à obtenir une VEV lorsquel’échelle d’énergie est diminuée produit une brisure de symétrie déjà mentionnée dans le

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tableau 4.3. L’argument peut être répété jusqu’à ce que le secteur de Higgs soit complètementépuisé, démontrant la généralité de l’analyse réalisée jusqu’ici et justifiant l’utilisation descinq motifs de brisure de symétrie exploités, bien que seuls deux de ces derniers mènent à unsous-groupe de la forme GSB ×GSM, essentiel pour la brisure de supersymétrie.

Cette observation est importante, car s’il était possible de briser SU(N) ou SO(N) vers E6

d’une manière quelconque, alors le modèle d’unification considéré serait plausible. Effective-ment, tel que présenté à la section 2.3.2, les théories basées sur E6 emploient la représentationfondamentale 27 pour introduire tous les champs d’une génération de fermions du MSSM, etseule cette représentation est disponible dans le cadre étudié.

4.3.4 Conclusion du théorème no-go

Tous les éléments nécessaires pour compléter la preuve ont finalement été développés. Il resteà montrer que le contenu du SM ne peut être engendré, peu importe le groupe d’unificationde départ ou le motif de brisure de symétrie exact. Le tableau 1.1 résume le contenu enchamps désiré. Ici, les représentations 3 et 2 de SU(3)C et SU(2)L sont les représentationsfondamentales avec coefficients de Dynkin δi1 dans les deux cas. Ainsi, le quark QL se trouvredans la représentation δi1× δi1 selon la notation utilisée dans cette section. Toutefois, à partirdes règles de branchement (4.26) et (4.27) des représentations pouvant être incorporées aumoins trois fois, il est évident qu’une telle représentation ne peut être produite, ce qui terminela démonstration du théorème no-go pour une théorie SGUT utilisant un vide métastable ISSbrisant la supersymétrie.

Il est pertinent de mentionner un point au sujet des générations du MSSM avant de conclurela preuve. L’un des piliers de la preuve est la présence de trois générations de superchampsde matière dans le modèle MSSM, ce qui oblige à tripler le Casimir des représentationsqui les contiennent. Ce critère rend inutilisables la représentation adjointe de SU(n + 1)ainsi que les représentations symétrique et antisymétrique de SU(n + 1) et SO(N) pourcontenir les générations. Toutefois, les modèles d’unification basés sur SU(5) de la section 2.2exploitent une représentation antisymétrique pour produire le quark QL. Ainsi, l’utilisationde ces représentations seraient bénéfiques à la construction de modèles réalistes.

Une manière d’éviter le problème du triple Casimir est d’introduire une symétrie cachée entreles générations. Par exemple, il serait possible que chaque génération soit une composanted’une représentation 3 d’un groupe SU(3)gen, qui serait éventuellement brisée. Pour restergénéral, ce groupe de symétrie caché est appelé Ggen. La brisure de symétrie et les règles debranchement prendraient alors la forme

GSGUT ↓ GSB ×GSM ×Ggen ↓ GSB ×GSM

R ↓⊕i

mirGSBi × rGSM

i × rGgeni ↓

⊕i

mi dim(rGgeni )rGSB

i × rGSMi , (4.28)

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basée sur l’équation (4.14). Il faudrait donc que la multiplicité mi dim(rGgeni ) soit égale au

nombre de générations, soit au minimum 3. Si cela était possible, cette astuce permettraitd’éluder le théorème no-go. Toutefois, l’analyse réalisée précédemment contient déjà tous lesrésultats nécessaires à la réfutation de ce cas de figure.

En effet, une étude un peu plus détaillée des règles de branchement contenues dans les ta-bleaux 4.4 et 4.5 permet de conclure que la multiplicité de la représentation 1×· · ·×1×δi1×δi1,obtenue à partir des règles de branchement des représentations symétrique ou antisymétrique,est toujours égale à 1, peu importe le motif de brisure de symétrie. Le problème des trois gé-nérations persiste donc et le théorème no-go tient encore.

Parmi les moyens qui semblent les plus vraisemblables pour contourner le théorème, deuxviennent à l’esprit. Premièrement, la preuve s’appuie particulièrement sur le mécanisme debrisure de symétrie par un secteur de Higgs renormalisable. Si un potentiel arbitraire, ouencore une technique complètement alternative, pouvait briser la symétrie vers des motifsnon considérés, par exemple une brisure de SU(27) vers E6, un modèle réaliste exploitantle mécanisme ISS pourrait être envisagé. Deuxièmement, le théorème prend pour hypothèseque sous brisure de symétrie, tous les champs de matière restent assez légers pour contribuerau nombre de saveurs généralisé. Cette supposition permet d’écrire les inégalités (4.16), quiimpliquent que la borne supérieure de la condition ISS est strictement plus petite avec chaquebrisure de symétrie. Toutefois, si certains champs acquièrent une masse suffisamment grandeaprès une première brisure de symétrie, ils ne contribuent plus à la fonction β et leurs Casimirsdoivent être exclus de la somme (du côté gauche des inégalités). Il serait alors plausible quel’inclusion de trois générations de champs dans les représentations antisymétriques δi2 nedépassent plus la borne supérieure de la condition ISS. Néanmoins, cette perspective semblepeu probable puisqu’il faut tout de même prendre en considération que le Casimir quadratiqueC2(g) (du côté droit des inégalités) diminue lui aussi. Dans tous les cas, cette possibilité seraittrès dépendante du modèle étudié et ne s’appliquerait pas en toute généralité, bien qu’elleproposerait certainement une phénoménologie intéressante.

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Conclusion

En conclusion, ce mémoire avait pour but d’introduire le concept des théories supersymé-triques pleinement unifiées et de démontrer qu’elles sont incompatibles avec le mécanismeprometteur d’ISS en conjonction avec le mécanisme de Higgs. Pour y arriver, les trois pre-miers chapitres ont introduit les différentes idées réunies sous le thème des FSGUTs, tandisque le dernier a présenté la preuve du théorème no-go.

Le premier chapitre a exposé brièvement l’utilité de la supersymétrie en quatre dimensions.La supersymétrie y a d’abord été motivée par sa manière élégante de régler le problème de lahiérarchie, puis les notions de base de la supersymétrie ont été présentées : concepts de su-perespace, superchamps LC et vecteurs, lagrangien supersymétrique, etc. Le modèle standardde la physique a par la suite été survolé pour laisser place à son extension supersymétriqueminimale, où la principale différence se situe dans la présence de deux Higgs plutôt qu’un. Demême, la symétrie U(1)R, importante en supersymétrie, a été introduite.

Le chapitre deux s’est voulu un aperçu global des modèles d’unification du MSSM. D’abord,la convergence des constantes de couplage est indéniable lorsque la supersymétrie est présente,ce qui suggère fortement que les groupes de jauge SU(3)C × SU(2)L × U(1)Y sont unifiés àpartir d’une certaine échelle d’énergie µU . Les modèles d’unification basés sur le groupe dejauge SU(5) ont été largement vus. La matière est unifiée dans une représentation réductible5⊕10. Plusieurs variations sont possibles pour obtenir des modèles plus réalistes. Les modèlesbasés sur SO(10) et E6 ont été effleurés. Dans les deux cas, toute la matière est contenue dansune seule représentation irréductible, la spinorielle 16 de SO(10) ou la fondamentale 27 deE6. Ces théories possèdent l’avantage d’être très prédictives ; elles expliquent la quantificationde la charge électrique, fournissent souvent une manière simple de donner une masse auxneutrinos et justifient dans certaines situations la conservation des nombres baryoniques etleptoniques. Cependant, des problèmes persistent dans tous les cas. Deux en particulierssont graves. Premièrement, la désintégration du proton est difficile à éliminer des théories.Deuxièmement, la supersymétrie n’est jamais brisée spontanément ou explicitement. La notionde théorie supersymétrique pleinement unifiée tente de résoudre ce dernier problème.

Le chapitre trois a été une revue de la SQCD. Les phases électrique libre, magnétique libreet de Coulomb ont d’abord été expliquées qualitativement, puis elles ont été rencontrées lors

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de la dualité de Seiberg. Les différents régimes de la SQCD ont été dérivés à l’aide d’outilsnon perturbatifs : le découplage holomorphe et la condition de cohérence des anomalies de’t Hooft. La dynamique de ces régimes a été qualifiée par le comportement de la théorie àbasse énergie. Dans le cas où le nombre de saveurs Nf est inférieur au nombre de couleursNc, le superpotentiel ADS doit être intégré. Pour Nf = Nc et Nc + 1, la théorie à basseénergie est décrite par des baryons en plus des mésons. Enfin, pour Nf > Nc+ 1, la dualité deSeiberg est observée. Dans le cas Nf ≤ 3

2Nc, la théorie électrique est définie seulement dansl’UV. Sa théorie duale magnétique avec nc = Nf − Nc est quant à elle libre dans l’IR. Pour32Nc < Nf < 3Nc, la théorie est régie par un point fixe non trivial du flot de renormalisation et,à basse énergie, la théorie est superconforme. La théorie duale possède le même point fixe etla théorie est dans une phase de Coulomb à basse énergie. Le régime restant, avec Nf ≥ 3Nc,est quant à lui dans une phase électrique libre à basse énergie. Finalement, un modèle simplede SQCD massive a permis de montrer que la supersymétrie est brisée dynamiquement parun vide métastable de longue durée. Une généralisation directe de cette technique, appeléemécanisme ISS, a pu par la suite être énoncée.

Le chapitre quatre constituait le cœur du mémoire. Le concept de FSGUT a été élaboré etjustifié par l’idée d’unifier un secteur caché brisant la supersymétrie et un secteur visiblecomportant le MSSM. Il a été décidé que l’étude de cette vaste famille de théories allaitcommencer par l’analyse des modèles pour lesquels la supersymétrie est brisée par un videmétastable ISS. Pour faciliter le tout, une hypothèse supplémentaire a été posée : les brisuresde symétrie jaugée doivent s’effectuer par un secteur de Higgs avec un potentiel quartique. Cesdeux suppositions sont suffisantes pour démontrer qu’une FSGUT ne peut pas être construite.

Pour en faire la preuve, il a été montré en premier lieu que la condition pour qu’un videmétastable existe est plus contraignante après chaque brisure de symétrie. Ainsi, la premièrebrisure de symétrie est la restriction la plus forte sur le modèle. En second lieu, un ordreentre les représentations a pu être établi en fonction de leurs Casimirs. Cet ordre a permis dedéterminer les représentations irréductibles qu’il est possible d’intégrer dans la théorie UV.En dernier lieu, l’analyse des motifs de brisures de symétrie et des règles de branchement deces représentations a montré que le quark QL ne peut être généré, concluant le théorème.

Il serait intéressant d’étudier les théories de type FSGUT avec un mécanisme de brisurede symétrie plus général. Par exemple, si un potentiel arbitraire pouvait briser un groupevers E6, le modèle pourrait fonctionner en incluant tous les champs de matière dans unereprésentation fondamentale. Alternativement, tout moyen de briser la symétrie autre que lemécanisme de Higgs permettant ce motif serait approprié. La phénoménologie de tels modèlesserait potentiellement pleine d’implications et de prédictions pouvant mener éventuellementvers une théorie du tout. D’un autre côté, il serait bon de considérer des modèles de FSGUTsexploitant un moyen différent de briser la supersymétrie autre que par le mécanisme ISS. Enespérant qu’elles soient réalisables, ces théories seraient tout aussi prometteuses.

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Annexe A

Éléments d’algèbre de Lie simple

Cette annexe est un bref exposé au sujet des algèbres de Lie simples et constitue une référenceplus qu’une analyse. L’annexe est divisée en deux parties : la première sur les notions de basepertinentes à la compréhension du mémoire et la seconde sur le calcul des Casimirs de diversesreprésentations de SU(N).

A.1 Notions de base

Cette section est une courte révision des algèbres de Lie simples. Les définitions d’une algèbrede Lie simple et de la forme de Killing sont énoncées, puis les familles des algèbres sontprésentées. La structure des algèbres de Lie simples sous forme de racines est développée pourmener à la définition de la matrice de Cartan et des diagrammes de Dynkin, qui sont alorslistés pour toutes les familles. Enfin, la description des représentations des algèbres est donnéeen termes des coefficients de Dynkin.

Une algèbre de Lie est un espace vectoriel A sur un corps F, habituellement les complexes C,pourvu d’une opération appelée « crochet de Lie », qui est définie par

[·, ·] : A×A→ A,

x, y 7→ z = [x, y], avec x, y, z ∈ A,

avec les propriétés suivantes :

Bilinéarité : [ax+ by, cz] = ac[x, z] + bc[y, z],

Antisymétrie : [x, y] = −[y, x], (A.1)

Identité de Jacobi : [x, [y, z]] + [y, [z, x]] + [z, [x, y]] = 0,

pour x, y, z ∈ A et a, b, c ∈ F. Lorsque les éléments de l’algèbre X,Y sont des opérateurs, lecommutateur XY − Y X ≡ [X,Y ] satisfait trivialement la définition du crochet de Jacobi. Si

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un ensemble d’éléments T a, appelés générateurs, forment une base pour A, alors il est possiblede définir des relations de commutation

[T a, T b] = ifabcT c, (A.2)

avec fabc les « constantes de structure ». Une quantité importante est la « forme de Killing »,qui peut être définie comme

K(T a, T b) = facdf bcd. (A.3)

Une algèbre de Lie est dite « semi-simple » si et seulement si sa forme de Killing est non-dégénérée, c.-à-d. que ∀T a∈ A,∃ T b∈ A t.q. K(T a, T b) 6= 0. La non-dégénérescence impliquealors que les constantes de structure définissent complètement l’algèbre.

Il existe quatre familles infinies d’algèbres de Lie simples, dites classiques, dénotées par An, Bn,Cn et Dn, où n est un entier positif qui dénote le rang de l’algèbre. Ces familles correspondentrespectivement aux algèbres des groupes de Lie classiques SU(n+ 1), SO(2n+ 1), Sp(2n) etSO(2n). Cinq autres algèbres simples, dites exceptionnelles et notées G2, F4, E6, E7 et E8,viennent compléter ces quatre familles.

La structure des algèbres de Lie simples est complètement dictée par un ensemble de vecteurslinéairement dépendants de n composantes appelés « racines », ici dénotées par β, où chaqueracine peut être associée à un générateur de A. Parmi ces racines, un sous-ensemble particulierde n racines linéairement indépendantes, dénommées « racines simples » et notées αi, peutêtre sélectionné, telle que toute racine β est une combinaison linéaire de ces racines :

β =n∑i=1

kβi αi, (A.4)

où les coefficients kβi sont soit tous des entiers positifs ou tous des entiers négatifs. En cesens, l’ensemble des racines peut être divisé en trois sous-ensembles, appelés décompositiontriangulaire : les racines positives, soit celles avec coefficients positifs, les racines négatives,correspondant à celles avec les coefficients négatifs et les racines de Cartan, avec des coefficientstous nuls.

Comme les racines engendrent un espace vectoriel, il est possible de définir un produit scalaireentre elles, dénoté par 〈βi, βj〉. Puisque toutes les racines s’expriment en fonction des racinessimples, seul le produit scalaire entre ces dernières est nécessaire. Le résultat de tous cesproduits scalaires est encodé dans une matrice n × n nommée « matrice de Cartan » Aij del’algèbre de Lie. Elle est définie par

Aij = 2 〈αi, αj〉〈αj , αj〉

. (A.5)

À partir de cette matrice, il est possible de représenter les relations entre les racines simples desalgèbres de Lie à partir d’un diagramme dit de Dynkin. Un point est associé à chaque racine

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simple, puis des liens entre les racines sont ajoutés selon les entiers hors de la diagonale dansla matrice de Cartan. Les racines de plus faible longueur sont colorées en noir. La longueurd’une racine β fait ici référence à la quantité 〈β, β〉.

Il est possible de définir les diagrammes de Dynkin « affines » ou « étendus » en ajoutant laracine (non simple) γ la plus négative de l’algèbre au graphe. Il est facile à partir du diagrammede Dynkin d’identifier des sous-algèbres, tout simplement en retirant l’une des racines dudiagramme étendu et en vérifiant à quelle algèbre le diagramme résultant correspond. Lesmatrices de Cartan et les diagrammes de Dynkin de toutes les algèbres de Lie simples sontprésentés ci-dessous.

Pour An :

A =

2 −1−1 2 −1

−1 . . . . . .. . . 2 −1

−1 2 −1−1 2

, A−1

ij =

i(n+ 1− j)

n+ 1 if i ≤ j

j(n+ 1− i)n+ 1 if i > j.

(A.6)

1 2 3 n− 1 n. . .

γ

Pour Bn :

A =

2 −1−1 2 −1

−1 . . . . . .. . . 2 −1

−1 2 −2−1 2

, A−1

ij =

i if i ≤ j, i 6= n

j if j < i, i 6= nj

2 if i = n.

(A.7)

1 2 3 n− 1 n. . .

γ

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Pour Cn :

A =

2 −1−1 2 −1

−1 . . . . . .. . . 2 −1

−1 2 −1−2 2

, A−1

ij =

i if i ≤ j, j 6= n

j if j < i, j 6= ni

2 if j = n.

(A.8)

1 2 3 n− 1 n. . .

γ

Pour Dn :

A =

2 −1−1 2 −1

−1 . . . . . .. . . 2 −1 −1

−1 2−1 2

, A−1

ij =

i if i ≤ j, j 6= n− 1, n

j if j < i, i 6= n, n− 1

i

2 if j = n− 1, n& i 6= n− 1, n

j

2 if i = n− 1, n& j 6= n− 1, n

n

4 if i = j = n− 1, n

n− 24 if i = n, j = n− 1 or i↔ j.

(A.9)

1 2 3 n− 2. . .

n

n− 1

γ

Pour E6 :

A =

2 −12 −1

−1 2 −1−1 −1 2 −1

−1 2 −1−1 2

(A.10)

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1 2 3 5 6

4

γ

Pour E7 :

A =

2 −12 −1

−1 2 −1−1 −1 2 −1

−1 2 −1−1 2 −1

−1 2

(A.11)

1 2 3 5 6 7

4

γ

Pour E8 :

A =

2 −12 −1

−1 2 −1−1 −1 2 −1

−1 2 −1−1 2 −1

−1 2 −1−1 2

(A.12)

1 2 3 5 6 7 8

4

γ

106

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Pour F4 :

A =

2 −1−1 2 −2

−1 2 −1−1 2

(A.13)

1 2 3 4γ

Pour G2 :

A =(

2 −3−1 2

)(A.14)

1 2γ

Les représentations irréductibles d’une algèbre de Lie sont souvent dénotées par leur dimen-sion, mais il est souvent plus aisé de les manipuler en les étiquetant par leur « coefficients deDynkin » (à ne pas mélanger avec l’indice de Dynkin, qui est un synonyme pour le Casimirquadratique). Les coefficients de Dynkin d’une représentation R, notés dRi dans ce mémoire,forment un vecteur de n composantes entières et positives. Comme les racines simples consti-tuent une base d’un espace de dimension n, elles peuvent être utilisées pour exprimer lescoefficients de Dynkin. Dans cette base non orthogonale, les coefficients sont dénotés parkRi . En définissant les coefficients de Dynkin des racines simples αi comme les rangées de lamatrice de Cartan, il est possible de changer de notation à l’aide de la relation

dRj = kRi Aij . (A.15)

Il est pertinent de noter que les coefficients kRi sont aussi tous positifs dans cette base.

À partir de cette définition, il est possible d’écrire le produit scalaire entre deux représentationsou racines W et W ′ par

⟨W,W ′

⟩= 1

2∑i

kWi dW ′i α2

i , (A.16)

où α2i désigne la longueur de la racine simple i. La convention ici choisie demande que la

racine de plus grande longueur soit normalisée à 1 pour que le Casimir de la représentationfondamentale de SU(N) soit C(δi1) = 1

2 . Une étude plus détaillée des algèbres de Lie et deleurs représentations est donnée par Cahn [72].

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A.2 Calcul du Casimir de représentations de An

Cette courte section présente la méthode employée dans la section 4.3.1 pour calculer leCasimir de certaines représentations irréductibles de SU(n+ 1).

Les représentations irréductibles considérées sont celles avec coefficients de Dynkin donnéspar di = pδi` + qδik = (0, . . . ,0, q,0, . . . ,0, p,0, . . . ,0), pour des entiers positifs ` ≥ k. Pourprocéder, la formule du Casimir (4.17)

C(R) = dimR

dimAnC2(R) (A.17)

et celle du Casimir quadratique (4.18) sont utilisées.

Le Casimir quadratique est alors trouvé par

C2(R) = 〈R,R+ 2I〉 = 12diA

−1ij d

′j = 1

2(pδi` + qδik)A−1ij (pδi` + qδik + 2)

= 12[p2A−1

`` + pq(A−1`k +A−1

k` ) + q2A−1kk ] +

n∑j=1

(pA−1`j + qA−1

kj )

= 12N {N

2(p`+ qk) +N [p(p`+ qk) + qk(p+ q)− p`2 − qk2]− (p`+ qk)2},

où N ≡ n+ 1.

Ensuite, la dimension de la représentation irréductible est calculée à l’aide de la technique dufacteur de crochet (hook factor) et donne

dimR =( p∏i=1

(N+p−ik

)(p+q+`−ik

) · (N+p−k−i`−k

)(p+`−k−i`−k

) ) q∏j=1

(N+p+q−jk

)(q+k−jk

) . (A.18)

Finalement, en utilisant dimAn = n(n+ 2), il est facile d’obtenir les Casimirs du tableau 4.1.

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