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p1 Réunion du thème « littoral » Sortie archéo-biologique de la pointe Saint-Gildas (Préfailles, 44) Mercredi 4 juin 2008 Par Catherine Dupont, Yves Gruet 1 : Les sites mésolithiques de Saint-Gildas, Préfailles Les prospections de surface réalisées depuis 1954 (Reffe) sur la pointe Saint-Gildas (Préfailles, Loire-Atlantique), à l’embouchure de la Loire, ont permis de localiser trois locus du Mésolithique, comprenant une industrie lithique basée sur la production de lamelles régulières. Des niveaux lenticulaires contenaient des coquilles (essentiellement des scrobiculaires), accumulées par les hommes après leur consommation. Les amas coquilliers ou « kjökkenmödding » et l’outillage lithique de la Pointe-de-Saint-Gildas ont été décrit par plusieurs auteurs dont G. Bellancourt (1980), M. Tessier (1984). C’est grâce à la présence assidue de M. Tessier sur le terrain que ce qui restait du locus 1b de Saint-Gildas a été sauvé in extremis en 2003. Une publication de synthèse des trois loci de Saint-Gildas a été réalisée en 2007 (Dupont et al.). Il a été récemment décliné via une version courte en anglais (Dupont et Marchand sous presse). Opération de sauvetage en 2003 sur le locus 1b de Saint-Gildas (Photo C. Dupont).

Réunion du thème « littoral » Sortie archéo-biologique de ...blogperso.univ-rennes1.fr/catherine.dupont/public/Sortie1a.pdf · Mercredi 4 juin 2008 Par Catherine Dupont, Yves

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Réunion du thème « littoral »

Sortie archéo-biologique de la pointe Saint-Gildas (Préfailles, 44)

Mercredi 4 juin 2008

Par Catherine Dupont, Yves Gruet

1 : Les sites mésolithiques de Saint-Gildas, Préfailles

Les prospections de surface réalisées depuis

1954 (Reffe) sur la pointe Saint-Gildas

(Préfailles, Loire-Atlantique), à l’embouchure de

la Loire, ont permis de localiser trois locus du

Mésolithique, comprenant une industrie lithique

basée sur la production de lamelles régulières.

Des niveaux lenticulaires contenaient des

coquilles (essentiellement des scrobiculaires),

accumulées par les hommes après leur

consommation. Les amas coquilliers ou

« kjökkenmödding » et l’outillage lithique de la

Pointe-de-Saint-Gildas ont été décrit par

plusieurs auteurs dont G. Bellancourt (1980), M.

Tessier (1984). C’est grâce à la présence assidue

de M. Tessier sur le terrain que ce qui restait du

locus 1b de Saint-Gildas a été sauvé in extremis

en 2003. Une publication de synthèse des trois

loci de Saint-Gildas a été réalisée en 2007

(Dupont et al.). Il a été récemment décliné via

une version courte en anglais (Dupont et

Marchand sous presse).

Opération de sauvetage en 2003 sur le locus 1b de Saint-Gildas (Photo C. Dupont).

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La « Haute Perche » (estuaire à Pornic actuellement) devait s’écouler parallèlement à la côte actuelle vers saint-Gildas. Elle

devait former un estuaire envasé à un niveau marin d’environ 6 à 8 mètres inférieur à l’actuel au Mésolithique. Sous le sable,

on retrouve de la vase (Gouleau 1968, 1971).

Répartition des sites gildasiens (VIIème millénaire avant J.-C.) et retziens (VIème millénaire avant J.-C.) entre Préfailles et

Pornic, au nord de la baie de Bourgneuf, dans le Pays de Retz (DAO : G. Marchand, Dupont et al. 2007).

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2 : Mini-carrière, Préfailles

L’exploitation de blocs rocheux sur les estrans

est un fait général sur les côtes du Massif

Armoricain. Une petite extraction est nettement

visible à la Pointe de Saint-Gildas, sur le littoral

de Préfailles. Les indices de cette carrière sont

représentés par des traces d’enlèvements

modulaires de blocs de rochers laissant à nu les

surfaces d’arrachage. Une sorte d’auge encore

présente sur place a dû être façonnée à partir de

ces matériaux d’estran. Cette matière première a

aussi pu servir à y tailler d’autres objets.

Note : il est parfois difficile de séparer une « action

naturelle » de la mer, de celle des hommes. En effet, le

« carrier » suit, dans la mesure du possible, les « fentes »

existantes (sorte de « pré-découpage » naturel).

Impacts liés à l’extraction de blocs de pierre sur un estran

du Finistère (Lampaul-Plouarzel) (Photo Y. Gruet)

3 : Ecluse à poissons, Préfailles

Cette écluse à poissons sur estran est composée

de blocs rocheux qui tel un filet, souvent en

forme de V à pointe vers le large, laisse l’eau

s’échapper lorsque la mer baisse, en retenant les

poissons qui peuvent ainsi être récupérés à pied

sec à marée basse. Quelles soient constituées de

bois ou de pierres, ces structures ont pu être

utilisées le long de notre littoral dès la

Préhistoire. Des zones d’extraction de pierres

sont nettement visibles à l’intérieur même de

«l’écluse».’Les écluses à poissons ont été

cartographiées entre Pornic (Loire-Atlantique) et

Bouin (Vendée) par Jean Mounès (cartes peu

connues : 1962 à 1964). La dernière à

fonctionner, l’écluse Dousset à la Bernerie-en-

Retz, pêchait mulets, bars, soles, plies, crevettes,

petits calmars, « sardines », etc. L’écluse porte le

nom de la famille à laquelle elle était concédée.

(Pour en savoir plus voir Boucard J. 1984). La

carte qui suit présente la localisation de l’écluse

Dousset et des écluses en partie détruites par par

les activités ostréicoles de la Bernerie-en-Retz.

4 : L’Epinette, Préfailles

M. Tessier (1994), a observé à l’Anse du Sud, à

l’Epinette un four à sel qu’il a daté du début de

l’âge de fer.

Four à sel de l’Epinette (Tessier, 1994)

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Carte de J. Mounes présentant la localisation des écluses à poissons détruites en partie par les activités ostréicoles à La

Bernerie-en-Retz (Loire-Atlantique).

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5 : Port aux Anes, Traces de charrettes, Préfailles

Selon Tessier (1994) « A Port aux Anes, dans la

microfalaise, transparaît une couche d’habitat

avec silex et poteries parfois décorées » qui

seraient attribués au Néolithique.

Les activités humaines ont aussi laissées des

traces plus récentes du coté de l’estran à Port aux

Anes. Comme le montre les photos aériennes, il

existe sur estran, des sillons laissés par le

passage régulier de charrette. Des bottes de

pailles étaient disposées pour faciliter la

traversée des petits chenaux.

Photo aérienne de l’estran de Préfailles : les sillons

témoignent du passage régulier des charrettes (Photo

Leroux, Le Mans)

6 : Le Moulin Tillac : site à pourpres, Préfailles

Le site du Moulin Tillac a été découvert par M.

Tessier suite à des travaux de voirie (2001a). Il

représente un des sept sites à pourpres brisées

pour faire du colorant recensés par M. Tessier

(2001a, 2003 et 2007). Il y décrit dans une fosse

de 3m de diamètre sur 1,5m de profondeur de la

pourpre Nucella lapillus mais aussi des murex

Ocenebra erinaceus. Ce dépôt possède dans son

environnement proche un niveau d’occupation

avec des céramiques médiévales et des petits

fossés comblés de coquilles variées (Tessier

2001). Un des autres sites à pourpres identifiés

par M. Tessier, celui de La Poupelinière (Saint-

Michel-Chef-Chef) a fait l’objet d’un diagnostic

par l’INRAP (RO : Dominique Doyen) et sera

prochainement fouillé. Pour ce qui est du

département de la Loire-Atlantique, d’autres

dépôts sont connus à la SAC des ‘Terres aux

Moines’ (Sondage D. Joncheray en 1990, Gruet

1993), à Pen-Bé (Assérac, fiche 85.114.005 AP

de l’inventaire du SRA Pays-de-la-Loire) et à la

ZA du Pladreau (Piriac-sur-Mer, RO : M.-L.

Hervé INRAP, Dupont soumis).

Lot de pourpres Nucella lapillus trouvées brisés à la ZA

Pladreau (échelle : 1cm, Photo C. Dupont).

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7 : Les Courtes, Prigny, Les Moutiers-en-Retz

Selon Tessier (1994), « aux Courtes, sur environ

6 hectares, le sol est jonché de fragments de

tuiles à rebords, et de débris de céramique. »

« En 1977, l’élargissement du chemin (voie

antique de Prigny au Clion, révéla de

nombreuses fosses ou fossés remplis de terres

noires et de vestiges anciens dont quelques

poteries sigillées du 2ème

siècle de notre ère. A

n’en douter, en ce lieu devait exister non pas une

simple villa mais un vicus (petit bourg). »

Plusieurs campagnes de fouilles furent réalisées

au Moulin des Courtes. L’étude des coquillages a

montré la fréquentation d’estrans rocheux mais

aussi de zones envasées (Gruet inédit).

8 : Le prieuré Sainte Marie, Prigny

Construite au 11ème

siècle, la chapelle du prieuré

Sainte-Marie de Prigny est perchée sur un

oppidum qui permettait de surveiller la baie,

aujourd'hui devenue le marais breton.

La chapelle du prieuré Sainte Marie de Prigny

http://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_de_Prigny

9 à 11: Amas coquilliers et site à sel, Bourgneuf-en-Retz

D’après Tessier (1994) : « Le haut Moyen Age

est représenté par les importants amas de

coquilles de l’étier de la Taillée où sont apparues

des substructions et quelques tessons de

céramique typique décorés à la molette. »

En fait plusieurs amas de coquilles d’huîtres

plates (Ostrea edulis) s’étendent de l’amont de

l’étier vers l’aval. Il est fort possible qu’ils aient

des dates différentes.

Des sondages ont été réalisés sur une partie de

ces dépôts coquilliers et a montré l’existence

d’un site à sel (Prigent et Gruet inédit).

De grandes accumulations d’huîtres sont

également connues plus au sud de la Baie de

Bourgneuf à Beauvoir-sur-Mer (Vendée) et

seraient en partie attribuées au Moyen Age.

Un site à sel non fouillé (augets dans un fossé)

existe aussi à proximité des amas coquilliers de

Bourgneuf sur une lentille sableuse proche de

l’ancienne vasière (environ à + 3 m NGF ou

niveau de haute mer).

Le dépôt coquillier d’huîtres de Beauvoir-sur-Mer

(Photo Y. Gruet)

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Progression et translation du cordon dunaire de A à F des Moutiers-en-Retz au Collet (Mounès 1974, fig. 107)

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Coupe E-W du cordon dunaire du Collet (Mounès 1974, fig. 108)

Les variations du niveau de la mer depuis 10000 ans environ

Après la dernière glaciation le niveau de la mer

est remonté rapidement, dans notre région

(Manche et Atlantique français) : 1,5 cm par an

entre 10000 ans BP et 8000 BP. Puis entre 8000

BP et 2000 BP la remontée ralentit nettement

(0,4 cm par an) (Pirazzoli, 1991). La mer érode

les pointes, pénètre plus avant dans l’estuaire de

la Loire et dans ses affluents les plus bas (la

Haute Perche). Lors du ralentissement de la

remontée (depuis environ 8000 BP) les

sédiments de l’érosion et ceux apportés par les

fleuves (« déglaciation »), transportés par la

dérive littorale, vont former des cordons entre les

îles ou îlots et dans les fonds de baies: c’est la

«régularisation du trait de côte» qui donne entre

Vilaine et Gironde une côte à îles barrières

(barrier island coast). L’envasement est maximal

en arrière de ces cordons (marais breton) et là

(paradoxalement ?) la ligne de rivage (le trait de

côte) avance (Bourgneuf, Prigny), sans qu’il soit

nécessaire d’invoquer une baisse du niveau

marin.

Les travaux de J. Mounès montrent la

progression et translation d’un cordon dunaire

qui témoigne de l’évolution du trait de côte aux

Moutiers-en-Retz. Ce cordon a aussi été observé

en coupe au niveau du collet. Malgré la faiblesse

des reliefs cela se « voit » dans le paysage.

Note: les idées sur la remontée du niveau marin ont varié

depuis quelques décennies. Si la courbe générale (dans

notre région) est admise par tous, les preuves de variations

négatives notables sont très difficiles à mettre en évidence.

Actuellement beaucoup d’auteurs admettent des

ralentissements dans la remontée du niveau marin,

abandonnant l’idée de « régression » (depuis 18000 ans).

Remerciements

Nous tenons à remercier M. Tessier qui est à

l’origine de la découverte de plusieurs des sites

qui vous sont présentés. Il nous a alertés en

temps réel du danger imminent de destruction de

certains sites archéologiques et nous a aidés à

sauver leur potentiel archéologique sur les

fouilles et sondages de sauvetage.

Merci également à la mairie et à l’office du

tourisme de Préfailles pour leur accueil, ainsi

qu’à M.-Y. Daire qui anime le thème

« Occupation et exploitation du littoral » du

CReAAH et a encouragé la réalisation de cette

journée.

Références bibliographiques

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la Pointe-de-Saint-Gildas et les sites de

l’intérieur du rivage de la Loire-Atlantique.

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p9

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