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Un cocker mâle âgé de quatorze ans est pré- senté en urgence pour une discordance d’apparition aiguë. Les premiers examens complémentaires orientent le diagnostic vers une thrombo- embolie pulmonaire. Trente- six heures après le début de l’hospitalisation, le chien pré- sente une douleur abdominale d’apparition brutale due à une rupture du tractus biliaire. Un traitement médical et chirurgical est mis en œuvre. La coexistence d’une cholé- cystite et d’une thrombo- embolie est discutée. u Résumé Le Point Vétérinaire / N° 226 / Juin 2002 / 62 Alors qu’une dyspnée restrictive évocatrice d’une thrombo-embolie pulmonaire est traitée en urgence, une péritonite biliaire est diagnostiquée et résolue chirurgicalement avec succès. n cocker mâle entier âgé de quatorze ans est présenté à la consultation en urgence pour des difficultés respira- toires d’apparition aiguë. L’anam- nèse fait état d’un amaigrissement et d’un abattement depuis huit jours. Cas clinique 1. Examen clinique Le chien présente une dyspnée restrictive caractérisée par l’association d’une tachypnée et d’une discordance marquées. Un souffle systolique apexien gauche d’intensité 5/6 (frémissement cataire), une tachycardie (180 battements par minute) et une hyperther- mie (39,9 °C) sont constatés. L’auscultation pulmonaire est normale. La palpation abdomi- nale est souple et non douloureuse. 2. Hypothèses diagnostiques Les hypothèses diagnostiques correspondent aux causes de dyspnée restrictive d’apparition aiguë, sans obstruction des voies aériennes supérieures, ni bruit pulmonaire surajouté, mais associées à une hyperthermie. • Une thrombo-embolie pulmonaire (TEP) est suspectée en premier lieu. • Un épanchement pleural inflammatoire (pleurésie) ou un pneumothorax spontané sont moins probables. La percussion thoracique ne montre effectivement pas de matité ou d’hyper- clarté et l’intensité des bruits cardiaques et respiratoires n’est pas atténuée en région déclive. • Une lésion pulmonaire étendue (pneumonie par fausse déglutition, corps étranger ou affection virale notamment) est ensuite évoquée malgré l’absence de toux, de jetage et de bruit respiratoire surajouté. • La possibilité d’une anomalie diaphragma- tique (paralysie, tumeur, inflammation ou rupture) est également retenue. 3. Examens complémentaires effectués en urgence Un examen radiographique thoracique (face et profil) est réalisé afin de rechercher l’origine de la discordance. Il ne met en évidence qu’une cardiomégalie globale modérée. Les hypothè- ses d’anomalies pleurales et de pneumonie sont alors écartées. 4. Traitement d’urgence L’intensité des symptômes respiratoires et l’absence d’image radiographique anormale orientent le diagnostic vers une TEP. Le traitement consiste en l’administration d’héparine (200 UI/kg par voie intramusculaire, puis 100 UI/kg par voie sous-cutanée toutes les six heures), de céfalexine (15 mg/kg par voie sous-cutanée toutes les douze heures) et de méthylprednisolone (0,5 mg/kg par voie intraveineuse). Le chien est installé dans une cage à oxygène. Quelques heures plus tard, la tachypnée a disparu. En revanche, la discor- dance et l’hyperthermie persistent. 5. Examens complémentaires : recherche de l’origine de la TEP Des examens complémentaires pour identifier un ou plusieurs facteurs prédisposant aux phénomènes thrombotiques sont réalisés (voir l’ENCADRÉ “Principales affections associées aux TEP chez le chien”). • L’absence de protéinurie (bandelette urinaire) et de modification biochimique sanguine (voir le TABLEAU “Examen biochimique sanguin”) permet d’écarter un syndrome néphrotique (protéines totales : 69 g/l, albumine : 30 g/l, cholestérol : 1,3 g/l). Les paramètres classique- ment modifiés lors d’hypercorticisme (phospha- tases alcalines : 104 UI/l et cholestérol : 1,3 g/l) sont dans l’intervalle des valeurs usuelles. • L’examen échocardiographique révèle une insuffisance mitrale (endocardiose mitrale) sans dilatation atriale. Une image en grelot rattachée à la paroi de l’atrium gauche évoque un thrombus (PHOTO 1). La partie droite du cœur n’est que modérément modifiée (endocardiose tricuspidienne sans conséquence). Le tronc pulmonaire est discrètement dilaté (PHOTO 2) et la pression artérielle pulmonaire systolique mesurée par la méthode du reflux tricuspidien au doppler continu, est augmentée (40 mmHg [norme < 30 mmHg]). • La numération et la formule sanguines (voir le TABLEAU “Numération et formule sanguines”) révèlent une leucocytose par neutrophilie segmentée (19 907 granulocytes neutrophi- les/mm3 [2 500 à 12 800 /mm 3 ]), ce qui évoque la présence d’un processus inflammatoire non localisé à ce stade des examens. U Prat i quer / CAS CLINIQUE / Péritonite et dyspnée chez un chien RUPTURE BILIAIRE ET THROMBO-EMBOLIE PULMONAIRE CANINE par Juan Hernandez, Nicolas Granger, Isabelle Weber, Jean-François Salomon, Delphine Rault, Valérie Chetboul, Dominique Tessier, Séverine Leloud et Juliette Besso Unité pédagogique de médecine ENVA 7, avenue du Général de Gaulle 94704 Maisons-Alfort

Rupture biliaire et thrombo embolie pulmonaire canine. péritonite et dyspnée chez un chien

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Page 1: Rupture biliaire et thrombo embolie pulmonaire canine. péritonite et dyspnée chez un chien

Un cocker mâle âgé dequatorze ans est pré-

senté en urgence pour unediscordance d’apparitionaiguë. Les premiers examenscomplémentaires orientent lediagnostic vers une thrombo-embolie pulmonaire. Trente-six heures après le début del’hospitalisation, le chien pré-sente une douleur abdominaled’apparition brutale due à unerupture du tractus biliaire. Un traitement médical et chirurgical est mis en œuvre.La coexistence d’une cholé-cystite et d’une thrombo-embolie est discutée.

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Résumé

Le Point Vétérinaire / N° 226 / Juin 2002 / 62

Alors qu’une dyspnée restrictive évocatrice d’une thrombo-emboliepulmonaire est traitée en urgence, une péritonite biliaire est diagnostiquéeet résolue chirurgicalement avec succès.

n cocker mâle entier âgé de quatorzeans est présenté à la consultation enurgence pour des difficultés respira-toires d’apparition aiguë. L’anam-nèse fait état d’un amaigrissement

et d’un abattement depuis huit jours.

Cas clinique

1. Examen cliniqueLe chien présente une dyspnée restrictivecaractérisée par l’association d’une tachypnéeet d’une discordance marquées. Un soufflesystolique apexien gauche d’intensité 5/6(frémissement cataire), une tachycardie (180 battements par minute) et une hyperther-mie (39,9 °C) sont constatés. L’auscultationpulmonaire est normale. La palpation abdomi-nale est souple et non douloureuse.

2. Hypothèses diagnostiquesLes hypothèses diagnostiques correspondentaux causes de dyspnée restrictive d’apparitionaiguë, sans obstruction des voies aériennessupérieures, ni bruit pulmonaire surajouté,mais associées à une hyperthermie.• Une thrombo-embolie pulmonaire (TEP) estsuspectée en premier lieu.• Un épanchement pleural inflammatoire(pleurésie) ou un pneumothorax spontané sontmoins probables. La percussion thoracique nemontre effectivement pas de matité ou d’hyper-clarté et l’intensité des bruits cardiaques etrespiratoires n’est pas atténuée en région déclive.• Une lésion pulmonaire étendue (pneumoniepar fausse déglutition, corps étranger ouaffection virale notamment) est ensuite évoquéemalgré l’absence de toux, de jetage et de bruitrespiratoire surajouté.• La possibilité d’une anomalie diaphragma-tique (paralysie, tumeur, inflammation ourupture) est également retenue.

3. Examens complémentaires effectuésen urgenceUn examen radiographique thoracique (face etprofil) est réalisé afin de rechercher l’origine dela discordance. Il ne met en évidence qu’unecardiomégalie globale modérée. Les hypothè-ses d’anomalies pleurales et de pneumonie sontalors écartées.

4. Traitement d’urgenceL’intensité des symptômes respiratoires etl’absence d’image radiographique anormaleorientent le diagnostic vers une TEP. Le traitement consiste en l’administrationd’héparine (200 UI/kg par voie intramusculaire,puis 100 UI/kg par voie sous-cutanée toutes lessix heures), de céfalexine (15 mg/kg par voiesous-cutanée toutes les douze heures) et deméthylprednisolone (0,5 mg/kg par voieintraveineuse). Le chien est installé dans unecage à oxygène. Quelques heures plus tard, latachypnée a disparu. En revanche, la discor-dance et l’hyperthermie persistent.

5. Examens complémentaires :recherche de l’origine de la TEP Des examens complémentaires pour identifierun ou plusieurs facteurs prédisposant auxphénomènes thrombotiques sont réalisés (voirl’ENCADRÉ “Principales affections associées auxTEP chez le chien”).• L’absence de protéinurie (bandelette urinaire)et de modification biochimique sanguine (voirle TABLEAU “Examen biochimique sanguin”)permet d’écarter un syndrome néphrotique(protéines totales : 69 g/l, albumine : 30 g/l,cholestérol : 1,3 g/l). Les paramètres classique-ment modifiés lors d’hypercorticisme (phospha-tases alcalines : 104 UI/l et cholestérol : 1,3 g/l)sont dans l’intervalle des valeurs usuelles.

• L’examen échocardiographique révèle uneinsuffisance mitrale (endocardiose mitrale) sansdilatation atriale. Une image en grelot rattachéeà la paroi de l’atrium gauche évoque unthrombus (PHOTO 1). La partie droite du cœurn’est que modérément modifiée (endocardiosetricuspidienne sans conséquence). Le troncpulmonaire est discrètement dilaté (PHOTO 2) etla pression artérielle pulmonaire systoliquemesurée par la méthode du reflux tricuspidienau doppler continu, est augmentée (40 mmHg[norme < 30 mmHg]).

• La numération et la formule sanguines (voirle TABLEAU “Numération et formule sanguines”)révèlent une leucocytose par neutrophiliesegmentée (19 907 granulocytes neutrophi-les/mm3 [2 500 à 12 800 /mm3]), ce qui évoquela présence d’un processus inflammatoire nonlocalisé à ce stade des examens.

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Pratiquer / CAS CLINIQUE /

Péritonite et dyspnéechez un chien

RUPTURE BILIAIRE ET THROMBO-EMBOLIE PULMONAIRE CANINE

par Juan Hernandez,Nicolas Granger,

Isabelle Weber,Jean-François Salomon,

Delphine Rault,Valérie Chetboul,

Dominique Tessier,Séverine Leloud et Juliette Besso

Unité pédagogique de médecine

ENVA

7, avenue du Général de Gaulle

94704 Maisons-Alfort

Page 2: Rupture biliaire et thrombo embolie pulmonaire canine. péritonite et dyspnée chez un chien

6. ÉvolutionTrente-six heures après le début de l’hospitali-sation, l’examen clinique est brutalementmodifié : le chien manifeste une douleur intenseà la palpation de l’abdomen cranial.• Des clichés radiographiques abdominaux sontréalisés, mais aucune anomalie n’est visualisée.• L’examen échographique de la cavité abdomi-nale met en évidence une lithiase biliaire et uneperte marquée du contraste (PHOTOS 3 ET 4),localisée autour de la vésicule biliaire. La graissemésentérique et omentale présente unehyperéchogénicité. De discrets lisérés anécho-gènes, visibles entre les lobes hépatiques, signentla présence d’un petit épanchement. Cesanomalies échographiques évoquent l’existenced’une péritonite. • Un lavage péritonéal est réalisé. 120 ml(10 ml/kg) de soluté de chlorure de sodium à0,9 % tiède sont injectés dans la cavité périto-néale. Un liquide ambré est recueilli. Une gouttede liquide déposée sur une bandelette urinairefait virer la plage de détection de la bilirubine(PHOTO 5). L’analyse cytologique immédiate(coloration type Diff-Quick®) du culot de centri-fugation met en évidence de nombreux polynu-cléaires neutrophiles non segmentés (PHOTO 6).Les paramètres biochimiques dosés ne sont quediscrètement modifiés (ALAT : 61 UI/l, PAL : 104 UI/l, bilirubine totale : 2,5 mg/l, urée : 0,14 g/l, créatinine : 8 mg/l).

Le diagnostic de péritonite d’origine biliaire estalors établi.

7. Traitement

! Traitement chirurgical

Une laparotomie exploratoire est réalisée enurgence. Une oxygénation au masque esteffectuée pendant une dizaine de minutes, puisl’anesthésie est induite par l’administration dethiopental (Nesdonal®, 10 mg/kg par voieintraveineuse). Un relais gazeux est instauréavec de l’isoflurane.La graisse est extrêmement friable. La périto-nite est limitée à la partie craniale de l’abdo-men. La présence d’adhérences rend la dissec-tion difficile. À la palpation, le canal cholédoquecontient un volumineux calcul qui l’obstrue. !!

Protéines totales 69 g/l 54 à 71 g/lAlbumine 30 g/l 23 à 32 g/lCholestérol 2,3 g/l 1 à 1,5 g/lSGPT 61 UI/l < 30 UI/lPAL 104 UI/l 30 à 120 UI/lBilirubine totale 2,5 mg/l 1 à 6 mg/lGlucose 1,3 g/l 0,7 à 1,2 g/lUrée 0,14 g/l 0,2 à 0,5 g/lCréatinine 8 mg/l 10 à 20 mg/lCalcium total 96 mg/l 90 à 110 mg/l

Valeurs Valeurs usuelles

Examen biochimique sanguin

Hématies (millions/mm3) 6,9 x 106 5,5 à 8,5 x 106

Hémoglobine (g/100 ml) 13,7 12 à 18Hématocrite (%) 49,4 37 à 55VGM (µ3) 71,59 60 à 77TGMH (pg) 19,86 19,5 à 24,5CCMH (%) 27,73 31 à 36Thrombocytes (par mm3) 361 000 200 à 500 000Granulocytes neutrophiles 19 907 3 000 à 11 500Eosinophiles 234 100 à 1 250Basophiles 0 RarissimeLymphocytes 2 108 1 000 à 4 800Monocytes 1 171 150 à 1 350

Valeurs Valeurs usuelles

Numération et formule sanguines

63/ N° 226 / Juin 2002 / Le Point Vétérinaire

PHOTO 2. Examen échographique. Le tronc pulmonaire est discrètement dilaté (flèche).

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PHOTO 1. Élément échogène en grelot dans l’atrium gauche(flèche).

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- Cardiopathies : endocardiose mitrale,endocardite tricuspidienne, insuffisancecardiaque droite, cardiomyopathie dilatée(15/47).

- Tumeurs (14/47).- Endocrinopathie : hypercorticisme,hypothyroïdie, diabète (10/47).

- Septicémie (9/47).- Hyperviscosité sanguine (8/47).- Affections rénales : syndrome néphro-tique (amyloïdose, glomérulonéphrite).

- Anémie hémolytique auto-immune.- Intervention chirurgicale.- Coagulation intravasculaire disséminée.- Idiopathique.- Pancréatite.- Parasitose : angiostrongylose, dirofila-riose.

- Syndromes inflammatoires.- Traumatisme.

Principales affections associées aux thrombo-embolies pulmonaires chez le chien

D’après [10].

Page 3: Rupture biliaire et thrombo embolie pulmonaire canine. péritonite et dyspnée chez un chien

La vésicule biliaire et le canal cystique sontfriables et perforés (PHOTO 7). Le contenu de lavésicule biliaire a un aspect purulent. Le canalcholédoque est cathétérisé et l’injection desoluté de chlorure de sodium à 0,9 % permetde vérifier l’intégrité de la portion distale desvoies biliaires (jusqu’à la papille duodénale).Une cholécystectomie est réalisée : le canalcystique est doublement ligaturé avec du filirrésorbable (nylon déc. 3), puis sectionné sousle point de rupture. Le péritoine est abondam-ment rincé avec un soluté de chlorure desodium à 0,9 % tiédi.

! Traitement postchirurgical

L’animal est perfusé avec un soluté “d’entre-tien” (mélange de deux tiers de glucose à 5 %et d’un tiers de chlorure de sodium à 0,9 % àraison de 50 ml/kg/j) et une association d’anti-biotiques à élimination biliaire est administréeen deux prises quotidiennes (amoxicilline20 mg/kg/j et métronidazole 50 mg/kg/j). Vingt-quatre heures après l’intervention chirurgicale,le chien reçoit un aliment pauvre en graisse(Hill’s w/d®).

8. Suivi postopératoire et analyse des prélèvements• L’analyse histologique de la vésicule biliairerévèle une cholécystite chronique suppurée etnécrotique avec une péritonite viscérale exsuda-tive. L’analyse bactériologique aérobie duliquide contenu dans la vésicule met enévidence Escherichia coli, germe sensible àl’amoxicilline. • Le chien est normopyrétique quarante-huitheures après l’intervention chirurgicale. L’étatgénéral est alors bon, l’appétit conservé et larespiration est normale. Il est rendu à sespropriétaires sous un traitement antibiotique(amoxicilline à la dose de 20 mg/kg/j et métroni-dazole à la posologie de 50 mg/kg/j en deuxprises quotidiennes pendant un mois). Un anti-aggrégant plaquettaire (acide acétylsalicylique,à raison de 10 mg/kg/48 h pendant deux mois)et un régime diététique pauvre en matièresgrasses (Hill’s w/d®) sont également prescrits.• Le contrôle clinique réalisé dix jours plus tardest normal. La surface du thrombus dansl’atrium gauche mesurée sur la même coupe estréduite de 40 % à J60.

Discussion1. Cholécystite, cholélithiase et rupturebiliaire : une entité rare chez le chienL’association d’une cholécystite, d’une choléli-thiase et d’une rupture du tractus biliaire consti-tue une triade rarement décrite chez le chien.

• L’origine de la rupture des voies biliaires estmal connue. Il semble exister une relation entrele site de rupture et sa cause [1]. Un trauma-tisme est impliqué dans 98 [2] à 100 % [1] descas de rupture des conduits biliaires, alors quedans 94 % [2] des cas de rupture de la vésiculebiliaire, une origine non traumatique estavancée : calcul biliaire, parasitisme (ascaris),contamination bactérienne, tumeur pancréa-tique [1]. Il est difficile de préciser si la cholécys-tite prédispose à la formation des calculs biliai-res ou si ces derniers sont la cause d’uneinflammation chronique de la vésicule. Les deuxphénomènes pourraient apparaître simultané-ment. Selon certains auteurs, l’inflammation dela paroi de la vésicule limiterait la réabsorptiondu calcium, ce qui provoquerait la formation decalculs [3]. En outre, lors de contaminations,certaines bactéries (E. coli) produisent une bêta-glucuronidase, enzyme qui prédispose à laformation de calculs radio-opaques [3]. Dans lecas décrit, les calculs ne sont pas visualisés lorsde l’examen radiographique malgré la contami-nation par E. coli. La colonisation bactérienne peut avoir lieu parvoie ascendante digestive ou par voie hémato-gène. Les bactéries les plus fréquemment isoléessont : E. coli, Klebsiella, Enterobacter, Proteus,Pseudomonas et Campylobacter [3, 4]. Dans lecas, la mise en évidence d’E. coli est en faveurd’une contamination ascendante. Le prélève-ment n’a toutefois fait l’objet que d’une mise enculture en milieu aérobie. La contaminationpar des germes anaérobies est plus rare, maisClostridium perfringens et Fusobacterium spsont parfois identifiés [3].

• La prévalence des lithiases biliaires est faiblechez le chien. Certains auteurs l’expliquent par :une réabsorption accrue du calcium libre par laparoi de la vésicule biliaire [5], une plus faibleconcentration en choléstérol biliaire et par uneprésence d’agents solubilisants du choléstérol [6].

Le Point Vétérinaire / N° 226 / Juin 2002 / 64

Pratiquer / CAS CLINIQUE /

PHOTO 5. Le liquide de lavagepéritonéal fait virer la casedétection de la bilirubine(flèche).

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PHOTO 6. L’examencytologique du liquide de lavage péritonéal montrede nombreux polynucléairesneutrophiles.

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PHOTO 7. Le canal cystique estperforé.

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PHOTO 4. Élément échogène avec un cône d’ombre évoquantune lithiase biliaire (flèches).

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PHOTO 3. Perte de contraste échographique en régionabdominale craniale.

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• Le diagnostic radiographique des lithiasesbiliaires est possible lorsque celles-ci sontminéralisées. La sensibilité de détection del’examen échographique est plus élevée.

• La contamination bactérienne, le site derupture et le délai d’intervention sont autant defacteurs pronostiques. Une péritonite septiqueest de pronostic défavorable (la médiane de ladurée de survie est de six mois selon une étudede 29 cas) [3]. Le traitement consiste en undrainage abdominal ouvert. Dans le casprésenté, le germe a été isolé à partir du contenude la vésicule biliaire, ce qui ne préjuge pas ducaractère septique de la péritonite. Si la rupture concerne la vésicule ou le canalcystique, la cholécystectomie est le traitementde choix et le pronostic est réservé. En revanche, une rupture plus distale (canalcholédoque) est de pronostic plus défavorable[7]. La rapidité d’intervention conditionne unepart essentielle du pronostic. En effet, en raisonde leur action cytotoxique [3, 7], il convientd’éliminer rapidement les sels biliaires parrinçage péritonéal.

2. Thrombo-embolie pulmonaire :un diagnostic difficile• L’apparition brutale d’une dyspnée restric-tive sans modification radiographique aorienté le diagnostic d’urgence vers unethrombo-embolie pulmonaire (voir le TABLEAU

“Modifications radiographiques lors dethrombo-embolie pulmonaire ”) [8]. Cediagnostic a été conforté par la découverted’une hypertension artérielle pulmonaire [9]et d’un élément échogène en grelot dansl’atrium gauche. En outre, des facteurs quifavorisent les phénomènes de thrombose ontété identifiés chez ce chien :- un phénomène septique semble impliqué dans19 à 38 % des cas selon les études [10, 11] : unecholécystite septique a été diagnostiquée dansle cas décrit ;- des modifications de la turbulence sanguinesont fréquemment mis en cause [9] : chez cechien, un reflux atrioventriculaire gauche etdroit a été détecté.

• Pour établir un diagnostic de thrombo-embolie avec davantage de certitude, un dosagede l’anti-thrombine III aurait pu être réalisé(norme > 70 %) [9]. Son activité n’est cependantpas systématiquement modifiée. • La gazométrie artérielle aurait mis enévidence une hypoxémie et une hypocapnie[12]. • Le dosage des D-dimères (un produit dedégradation de la fibrine) est en revanche trèssensible. Chez l’homme, une élévation signifi-cative est mise en évidence dans près de 92 %des cas de thrombo-embolie. La spécificité dece dosage est cependant faible : une élévationpeut être mise en évidence lors d’autresaffections respiratoires. Le dosage des D-dimères constitue donc un excellent examend’exclusion des thrombo-embolies pulmonai-res [13]. Chez le chien, aucune étude à grandeéchelle n’a été menée.

• La scintigraphie est l’examen dont la sensibi-lité est la plus élevée pour le diagnostic de cetteaffection [14], mais elle n’était pas disponibleau moment de la gestion du cas.

• Le traitement d’urgence des thrombo-embolies pulmonaires consiste en une oxygéno-thérapie et une corticothérapie (succinate deméthylprednisolone : 2 mg/kg par voie intravei-neuse). Le traitement anticoagulant (héparine ouwarfarine) vise à prévenir la formation denouveaux thrombi. La posologie le plus utilisépour le protocole d’administration de l’hépa-rine est de 200 à 300 UI/kg toutes les huit heurespar voie sous-cutanée. Chez les animaux atteints d’un déficit enantithrombine III (cas du syndrome néphro-tique), une transfusion sanguine peut êtrenécessaire. Chez l’homme, des substancesthrombolytiques (streptokinase et thromboly-tine) sont utilisées pour détruire les thrombi.En médecine vétérinaire, le champs d’action deces médicaments est beaucoup plus réduit,compte tenu de leur coût élevé et de leur faiblemarge thérapeutique [15].

3. Rupture biliaire et suspicion de thrombo-embolie pulmonaire :une présentation clinique originaleLe tableau clinique du cas décrit est original,puisque la discordance était le signe cliniquedominant. Deux affections peuvent expliquerce signe :- initialement suspectée, la thrombo-emboliepulmonaire est classiquement responsabled’une dyspnée restrictive avec discordance. Denombreux arguments (dont la mise en évidenced’une hypertension artérielle pulmonaire) sontréunis en faveur de cette hypothèse. Le diagnos-tic de certitude n’a cependant pas été établi ;- l’inflammation du péritoine en régionhépatique, en particulier du péritoine diaphrag-matique, peut avoir provoqué une “paralysiealgique” du diaphragme. La discordancepourrait donc s’expliquer par un défaut demobilisation du diaphragme au cours du cyclerespiratoire. La douleur péritonéale n’étaitnéanmoins pas détectable initialement lors dela palpation abdominale. Dans le cas présenté, l’une ou/et l’autre des deuxexplications peuvent être admises. ■

Points forts! L’apparition brutale d’une dyspnée restrictive sansmodifications radiographiquesconduit à suspecter unethrombo-embolie pulmonaire.

! Une douleur abdominaled’apparition secondaire inciteà réaliser un examenéchographique abdominal,des examens sanguins et un lavage péritonéal.

! La péritonite due à une rupture du canal biliairepourrait expliquer la discordance respiratoire.

! Une cholécystotomie permet de traiter la cholécystite, la cholélithiaseet la rupture biliaire.

Densification interstitielle ou alvéolaire périphérique 45

Modifications vasculaires 45(diamètre vasculaire inégal, interruption vasculaire)

Cardiomégalie 65

Épanchement pleural 20

Plage d’hyperclarté pulmonaire 10

Sans modification 10

Modifications Fréquence (%)

D’après [8].

Modifications radiographiques lors de thrombo-embolie pulmonaire

Les références complètesde cet article sont

consultables sur le sitewww.planete-vet.com

Rubrique formation