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Patrick Colin et Laurent Muller – Introduction à la sociologie – MSCS 12B – UE2 – SOCIOLOGIE – L2 1 Réussir en Licence Introduction à la sociologie et aux méthodes des Sciences Sociales MSCS 12B Patrick Colin et Laurent Muller Page introductive commune Le dictionnaire Le Petit Robert définit le mot de sociologie, crée en 1830 par Auguste Comte, comme étant (je cite) : « L’étude scientifique des faits sociaux humains, considérés comme appartenant soit à un ordre particulier (sociologie thématique : de la santé, de l’immigration ou de la famille…) soit étudiés dans leur ensemble à un haut degré de généralité. Il s’agit alors de l’étude des grands principes (paradigmes) de la relation humaine en société ». L'humeur et le projet sociologiques sont nés à la fin du XIX ème siècle du sentiment que l'ordre économique, social et politique ne sont pas naturels. Ils ont été imposés aux peuples par la force, par l'habitude, bref par l’arbitraire. Fille de la révolution Française (1789) ainsi que de la révolution industrielle, la sociologie s’inscrit dans une longue tradition de la contestation sociale. La sociologie est une discipline universitaire, une science de la culture, qui se situe à l’interface entre la psychologie (subjectivité) et la démographie (objectivité), entre l’étude de l’individu singulier que je suis, que vous êtes, et le dénombrement des milliards d’humains vivant sur la planète. Elle a, en fait, pour objet l’étude des collectifs humains et leurs incidences imparfaitement conscientisées par les êtres que nous sommes. « Puisque les individus ont des raisons de faire ce qu’ils font, il est facile de comprendre qu’ils seront probablement déconcertés d’apprendre de la bouche d’un sociologue que leurs actions découlent de facteurs qui, en quelque sorte, agissent sur eux de l’extérieur ». Selon le philosophe G. Bachelard, il n'y aurait en effet de science que du caché. Ainsi, derrière l'apparence de ce qui est visible autour de nous, se ‘cacherait’ une réalité sociale ‘sous-jacente’ (souterraine) à laquelle la sociologie permettrait d'accéder par le biais de techniques originales de collectes d’informations. Ce sont les méthodes d'enquêtes quantitatives (sondages d'opinion) et qualitatives (observations, entretiens semi-directifs, récits de vie) qui permettent aux sociologues d'accéder à un surcroît de clairvoyance et d'objectivité sur les choses et les gens qui nous entourent. LES GRANDS COURANTS DE LA SOCIOLOGIE FRANCAISE (12 h.) Laurent Muller 1. L’objectif pédagogique du cours Le principal objectif de ce cours a pour objet d’élaborer en commun une définition de la sociologie à partir de quatre auteurs contemporains. La sociologie sert à mieux ‘comprendre’ (Boudon) les comportements individuels alors que pour Bourdieu, elle à vocation de ‘dénoncer’ les injustices sociales. La sociologie sert à ‘intervenir’ (Crozier) pour favoriser la prise de décision et à ‘accompagner’ (Touraine) les acteurs des mouvements sociaux en proposant un supplément d'objectivité concernant la modernité. Selon Raymond Boudon, la sociologie ne doit pas être déjugée quand elle est associée à des sujets jugés futiles. Il y a souvent beaucoup à apprendre sur la modernité à partir de l'étude de gestes devenus apparemment anodins. Le phénomène de la politesse renvoie derrière sont apparente banalité, à tout un processus de civilisation, à la culture... La sociologie de Pierre Bourdieu considère que, face aux graves problèmes sociaux (exploitation économique, chômage, domination

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Réussir en Licence

Introduction à la sociologie et aux méthodes des Sciences Sociales

MSCS 12B Patrick Colin et Laurent Muller

Page introductive commune

Le dictionnaire Le Petit Robert définit le mot de sociologie, crée en 1830 par Auguste Comte, comme étant (je cite) : « L’étude scientifique des faits sociaux humains, considérés comme appartenant soit à un ordre particulier (sociologie thématique : de la santé, de l’immigration ou de la famille…) soit étudiés dans leur ensemble à un haut degré de généralité. Il s’agit alors de l’étude des grands principes (paradigmes) de la relation humaine en société ». L'humeur et le projet sociologiques sont nés à la fin du XIXème siècle du sentiment que l'ordre économique, social et politique ne sont pas naturels. Ils ont été imposés aux peuples par la force, par l'habitude, bref par l’arbitraire. Fille de la révolution Française (1789) ainsi que de la révolution industrielle, la sociologie s’inscrit dans une longue tradition de la contestation sociale. La sociologie est une discipline universitaire, une science de la culture, qui se situe à l’interface entre la psychologie (subjectivité) et la démographie (objectivité), entre l’étude de l’individu singulier que je suis, que vous êtes, et le dénombrement des milliards d’humains vivant sur la planète. Elle a, en fait, pour objet l’étude des collectifs humains et leurs incidences imparfaitement conscientisées par les êtres que nous sommes. « Puisque les individus ont des raisons de faire ce qu’ils font, il est facile de comprendre qu’ils seront probablement déconcertés d’apprendre de la bouche d’un sociologue que leurs actions découlent de facteurs qui, en quelque sorte, agissent sur eux de l’extérieur ». Selon le philosophe G. Bachelard, il n'y aurait en effet de science que du caché. Ainsi, derrière l'apparence de ce qui est visible autour de nous, se ‘cacherait’ une réalité sociale ‘sous-jacente’ (souterraine) à laquelle la sociologie permettrait d'accéder par le biais de techniques originales de collectes d’informations. Ce sont les méthodes d'enquêtes quantitatives (sondages d'opinion) et qualitatives (observations, entretiens semi-directifs, récits de vie) qui permettent aux sociologues d'accéder à un surcroît de clairvoyance et d'objectivité sur les choses et les gens qui nous entourent. LES GRANDS COURANTS DE LA SOCIOLOGIE FRANCAISE (12 h.) Laurent Muller 1. L’objectif pédagogique du cours Le principal objectif de ce cours a pour objet d’élaborer en commun une définition de la sociologie à partir de quatre auteurs contemporains. La sociologie sert à mieux ‘comprendre’ (Boudon) les comportements individuels alors que pour Bourdieu, elle à vocation de ‘dénoncer’ les injustices sociales. La sociologie sert à ‘intervenir’ (Crozier) pour favoriser la prise de décision et à ‘accompagner’ (Touraine) les acteurs des mouvements sociaux en proposant un supplément d'objectivité concernant la modernité. Selon Raymond Boudon, la sociologie ne doit pas être déjugée quand elle est associée à des sujets jugés futiles. Il y a souvent beaucoup à apprendre sur la modernité à partir de l'étude de gestes devenus apparemment anodins. Le phénomène de la politesse renvoie derrière sont apparente banalité, à tout un processus de civilisation, à la culture... La sociologie de Pierre Bourdieu considère que, face aux graves problèmes sociaux (exploitation économique, chômage, domination

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politique ou culturelle…), il est immoral et abusivement luxueux de ne pas travailler auprès des dominés en donnant la parole à tous ceux qui ne l’ont pas : ouvriers, chômeurs, sans-papiers… Selon Emile Durkheim, père fondateur de notre discipline, la sociologie ne vaut pas une heure de peine si elle n'est pas utile à quelqu'un. Les sociologues des organisations, comme Michel Crozier, par exemple, revendiquent une utilité concernant leur part toujours plus grande prise sur le réel. A l’échelle d’une ville, il n’y a plus de décision prise concernant l’urbanisme sans leur avis…Certains sociologues engagés comme Alain Touraine ne peuvent être vraiment utiles aux causes qu'ils accompagnent que s’ils leur appliquent un programme critique de distanciation. Depuis plus de 60 ans, de l’après-guerre, en passant par Mai 68 et la lutte de José Bové contre les OGM…, Touraine accompagne tous les mouvements sociaux contribuant à l’évolution de la société française dans son ensemble.... En résumé, l'utilité de la sociologie doit enfin être posée en terme d'intérêt personnel. Cette recherche de la vérité pour la vérité a pour objet, en définitive, l'amélioration de sa propre existence en s'appuyant sur des ressources fournies par le savoir sociologique. En effet, le sociologue est celui qui rappelle la réalité contre les rêveries des individus. A ce titre, il existe par le biais de cette discipline une différence essentielle entre le théâtre de marionnettes et la vie que nous vivons : contrairement à ce qui se passe dans le théâtre de marionnettes, la sociologie nous permet de lever les yeux et de découvrir les machineries collectives responsables de nos mouvements, en révélant le poids de la culture, de l'éducation, des institutions mais aussi des différents groupes humains qui pèsent tant sur nos frêles épaules... 2. Plan détaillé du cours Introduction générale La sociologie de Raymond Boudon Individualisme méthodologique I. Premier paradigme : L’individualisme méthodologique de Raymond Boudon 1.1 Les actions individuelles 1.2 Actions rationnelles et non-logiques 1.3 Effets d’agrégations, émergents et pervers 1.4 Les objets de l’individualisme méthodologique II. Exemple : Risques écologiques et développement durable La sociologie de Pierre Bourdieu Le structuralisme génétique I. Les champs sociaux II. L’habitus III. Les classes sociales La sociologie de Michel Crozier L’approche fonctionnaliste et stratégique I. Pour une sociologie des organisations 1.1 Les règles de fonctionnement 1.2 Statuts, rôles et fonctions II. L’acteur et le système 2.1 L’acteur stratégique 2.2 La théorie du jeu

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La sociologie de Alain Touraine La sociologie dynamique I. Quel est le mouvement social central de ces différents types de société ? II. La société industrielle III. La société post-industrielle IV. La société post-moderne Conclusion générale du cours 3. La manière dont le cours se passe Les six séances consacrées aux grands courants de la sociologie française contemporaine s’organisent autour de quatre types de transmission d’information par : Un. La distribution d’une fiche de synthèse à chacune des séances. Deux. La présentation d’un cours ponctué par la dictée de certains paragraphes les plus importants. Trois. L’enseignant propose également des commentaires personnels au sujet des principaux ouvrages conseillés pour vos révisions (cf. Bibliographie). Quatre. Enfin, parmi les différentes recommandations en terme de culture générale, l’enseignant suggère également la lecture d’autres livres, romans et films consacrés différents types de sociologie thématique : La sociologie rurale, urbaine, du travail, des migrations et du développement, politique, de la famille, des religions, de l’éducation, de la déviance, de la culture et des loisirs, du sport et de la communication… 4. Bibliographie conseillée Ce cours d’introduction à la sociologie a été principalement élaboré à partir du livre de Pierre Ansart Les sociologies contemporaines, ed. Point Seuil, 1990, dont la lecture est vivement conseillée. Il est également possible de lire de manière complémentaire :

- Alain Accardo, Initiation à la sociologie. L’illusionnisme social, Le Mascaret, 1983. - Jean-Michel Berthelot, La sociologie française contemporaine, PUF, 2000. - Philippe Corcuff, Les nouvelles sociologies, Nathan, 1995.

5. Conseils pour bien assimiler le cours Il est important d’être assidu à l’ensemble des séances. Il est également constructif de lire à chaque fois les fiches de synthèse distribuées afin de pouvoir poser des questions complémentaires à l’enseignant lors de la séance suivante. Il est enfin recommandé de compléter vos connaissances concernant les principales étapes de l’histoire de l’immigration en France à partir de la lecture du livre de Pierre Ansart (présenté ci-dessus) 6. Sujet d’examen : (exemple d’un sujet commun d’examen possible)

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II. Douze exemples de sociologies thématiques Dans leur livre consacré à la modernité, J.-P. Durant et P. Weil précisent que la sociologie contemporaine a comme principale caractéristique de se spécialiser et de se diversifier. Il est ainsi nécessaire de bien distinguer les paradigmes de sociologues tels que Boudon, Bourdieu, Crozier et Touraine, qui analysent la société dans son ensemble, des douze autres sociologues qui, parmi beaucoup d’autres, travaillent dans des champs thématiques bien particuliers et plus restreints. 1. La sociologie rurale Derrière l’imagerie traditionnelle de l’agriculture et d’une société agraire en voie de disparition, le sociologue H. Mendras définit à présent un profil de paysans devenus entrepreneurs, vivant entre une identité ancestrale et un modernisme marqué par l’agro-industrie et les O.G.M. … 2. La sociologie urbaine La ville est une mosaïque d’aires économiques et culturelles intimement imbriquées ; ses problèmes sont devenus autant, selon J. Remy, le gigantisme, des villes et les très fortes concentrations humaines que la pollution ou la fluidité des déplacements dans les hyper-centres… 3. La sociologie du travail Après les grèves et les mouvements ouvriers de 1968 étudiés par G. Friedmann, les sociologues du travail s’intéressent depuis 1989 (Berlin) aux conséquences de l’extension planétaire du capitalisme et des nouvelles technologies sur nos itinéraires professionnels toujours plus fragilisés... 4. La sociologie des migrations et du développement Trop souvent confondu avec la seule réalité franco-française, le phénomène migratoire est à situer dans un contexte mondial comme le corollaire des inégalités Nord-Sud. Selon A. Sayad, derrière chaque immigré se cache un émigré ayant quitté un pays dont le développement devra se faire sans lui... 5. La sociologie politique Le sociologue D. Gaxie a fait éclater la vision simpliste de l’électeur libre et rationnel. Les choix électoraux ou d’abstention sont en réalité autant influencés par le milieu familial que par le contexte social, économique et conjoncturel au moment d’une élection... 6. La sociologie de la famille

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Caractérisée par le rétrécissement de sa structure (dénatalité, famille monoparentale), la famille est aujourd’hui appréhendée par F. de Singly comme une négociation, un ‘marchandage’, une interaction constante dont la finalité est le maintien d’une réciprocité de droits et de devoirs acceptables au sein des couples hétéro et homosexuels. 7. La sociologie des religions Pour D. Hervieu-Léger, l’emprise sociale de la croyance n’a pas disparu mais elle se recompose au cœur de la modernité par le radicalisme pour les uns, l’engouement pour la spiritualité et les philosophies orientales, mais aussi par l’extension de dérives sectaires pour d’autres... 8. La sociologie de l’éducation Jusque dans les années 1980, des sociologues comme J.-M Berthelot ont cherché les facteurs de la réussite scolaire. Ils s’interrogent à présent sur les conséquences de la ‘pulvérisation’ massive de l’information par internet ainsi qu’au faible poids laissé à la pédagogie scolaire face à cet univers médiatique incontrôlable. 9. La sociologie de la déviance Tout groupement humains constitués sécrète des valeurs, des normes et des règles, dont la transgression intéresse des sociologues comme P. Karli en termes ‘d’illégalisme’, de passage à l’acte, de récidive criminelle mais aussi de prévention, de répression policière et d’humanisation du milieu carcéral… 10. La sociologie culturelle et des loisirs Dès 1965, E. Morin parle du cinéma en termes d’industrie du rêve et des stars comme nouveaux mythes modernes. Désormais la polarité entre culture dominante (ou élitiste) et de mass cède la place à des formes plus subversives de contre-culture comme le rap, le rock alternatif, l’art-urbain ou le cinéma indépendant… 11. La sociologie du sport Si avec le temps certains sports ont fini par se démocratiser, les jeux et le sport continuent néanmoins à servir, selon A. Rauch, d’exutoire contribuant à réguler collectivement des conflits latents ou à braver individuellement la mort par des activités toujours plus à risque…(D. Le Breton). 12. La sociologie de la communication S’intéressant à la production des connaissances et à leur circulation, Ph. Breton analyse par son travail sociologique l’incursion du virtuel au plus intime de nos existences, (télétravail, micro informatique, jeux en réseaux…) ainsi qu’à l’émergence de nouvelles communautés d’internautes redéfinissant en profondeur les frontières de la communication humaine...

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(En résumé, si ces différents sociologues cherchent une explicitation à des univers sociaux restreints, d’autres ont comme projet l’élaboration d’un paradigme globalisant. Un paradigme est un modèle interprétatif théorique et général applicable à toutes situations sociales). III. Les quatre grands paradigmes contemporains 3.1 L’individualisme méthodologique La société ne serait, selon Raymond Boudon, qui s’inspire des travaux de Max Weber, qu’un mot qui masque de manière dérisoire le fonctionnement de l’activité simultanée de millions d’individus uniquement préoccupés par leur seul intérêt personnel. Une hypothèse de départ selon laquelle chaque individu (acteur rationnel) peut expliquer, au moment où la question lui est posée, pourquoi il agit de la sorte et quel est l’intérêt qu’il y trouve. (Exemple : quelle est la raison pour laquelle vous vous trouvez aujourd’hui et à cet instant dans un amphi en fac de socio ? En tout cas, cette action individuelle associée à celle de votre voisin, agrégée simultanément aux actions et relations sociales de plus de 63.800.000 Français, constituent, au moment même où vous le lisez, ce que nous appelons par commodité la société Française). En résumé, selon R. Boudon, la société est une « notion qui nous cache l’essentiel, à savoir les raisons qui motivent les actions individuelles des individus. Ainsi, puisqu’elle ‘n’existe pas’, la société ne peut évidemment pas être créée par les individus. Par contre, l’agrégation des comportements individuels débouche sur des institutions sociales qui ont une certaine permanence ». Famille, école, université, entreprise… n’existent que par l’intérêt effectif des individus qui les font exister… 3.2 Le structuralisme génétique Le deuxième paradigme, le structuralisme génétique, développé entre autre à la suite des travaux de Karl Marx, est proposé par Pierre Bourdieu. Selon lui, les pratiques sociales s’inscrivent dans des champs sociaux (éducation, politique, religion, art, sport…) qui possèdent chacuns des règles particulières de fonctionnement. Les moyens de domination sont différents d’un champ social à l’autre ; aussi est-il possible qu’un agent soit dominant dans un champ et dominé dans un autre. En d’autres termes, Bourdieu ‘vide’ lui aussi la notion de société de son sens. A l’inverse, la structure sociale se caractérise à la fois par une opposition entre les classes sociales et un ensemble d’habitus. (L’habitus est d’abord le produit d’une socialisation, d’une éducation, d’un apprentissage devenu inconscient et qui se traduit ensuite par une aptitude apparemment naturelle à évoluer librement dans un milieu). Ici, la ‘société’ est perçue à l’image d’une superstructure fixe, inaltérable et compartimentée en différentes classes sociales et champs sociaux. La société serait ainsi, selon Bourdieu, un terme qui recouvre un nombre considérable de catégories, groupes et sous-groupes de population qui déterminent les agents sociaux que nous sommes. Chacun d’entre nous appartient en effet à un certain nombre de ‘sphères

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sociales’. Par notre naissance, nous appartenons à un milieu social, économique et culturel… dont nous sommes les héritiers… 3.3 L’approche fonctionnaliste et stratégique La troisième lecture du social appartient à Michel Crozier. Depuis le début du XIXème siècle, la société française ne cesse de se subdiviser en une multitude de systèmes sociaux, d’organisations sociales et économiques au sein desquels évoluent les individus (acteurs stratégiques). Cette segmentation, cette subdivision du monde social découle, selon Durkheim, de la division du travail, de la parcellisation des tâches comme des rapports sociaux. Nous sommes à ce titre passés d’une solidarité de type mécanique à une solidarité de type organique. (Alors que dans les sociétés à solidarité mécanique (primitive), les individus sont tous semblables, dans les sociétés à solidarité organique (moderne) les individus exercent des fonctions différentes et sont donc de plus en plus dépendants les uns des autres). A ce titre, le concept de système est utilisé par Crozier pour insister sur l’unité de la société et l’interdépendance entre les éléments (individus) qui la compose. Le système part de l’hypothèse selon laquelle la totalité possède un degré de complexité supérieur à celui des sous-systèmes qui composent la société. Autrement dit, la société présente des caractéristiques qui lui sont propres et que l’on ne retrouve pas dans chacun des domaines sociaux ni bien sûr ‘dans’ les individus eux-mêmes. Ainsi, la norme, les valeurs et les rôles constituent les principaux composants des différents sous-systèmes sociaux auxquels nous appartenons. Ils existent avant notre naissance et restent pérennes après notre disparition. Ces normes, valeurs et fonctions possèdent donc une relative permanence et expliquent la stabilité des comportements sociaux. C’est la socialisation (l’éducation), mais aussi l’acceptation de ces principes par l’individu socialisé qui participent de l’intégration possible de l’acteur stratégique à un système donné. A l’inverse, les déviants sont alors considérés comme le produit du dysfonctionnement d’un système par ailleurs cohérent pour d’autres… 3.4 La sociologie dynamique et les changements sociaux La quatrième lecture découlant des travaux plus récents de Georges Balandier appartient à Alain Touraine. Pour lui, la société est une entité intimement liée à son évolution historique. Pour Touraine, la société contemporaine ne s’explique que par la mise en perspective de son histoire. Historien de formation, Alain Touraine place au centre de sa sociologie l’étude des changements, des mutations et des mouvements sociaux. Comment et pourquoi les sociétés d’hier se sont-elles transformées ? Comment est-on passé en Occident d’une société primitive, agraire et traditionnelle, à une société moderne de type post-industrielle ? En fait, la sociologie dynamique a pour projet d’y répondre par l’étude des mouvements collectifs, des crises et des révolutions en les replaçant dans un ensemble de systèmes d’actes (le système d’action historique). Les facteurs de changement sociaux sont, du point de vue des économistes, principalement d’ordre économique et technique. (En trente ans, les tâches et mécanismes automatisés dans l’industrie ont complètement changé

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le sort et la condition de travail de la classe ouvrière). Selon les démographes et à très long terme, la croissance de la démographie implique de complets bouleversements des rapports économiques et sociaux : rapports Nord-Sud, Est-Ouest. Enfin, selon des sociologues comme Touraine, les changements sociaux découlent de l’activité même des acteurs historiques, qui, organisés de manière collective, constituent des mouvements sociaux à l’origine de l’évolution historique de nos sociétés. Chapitre n°1 Raymond Boudon Individualisme méthodologique Plan : I. Premier paradigme (1/4) : L’individualisme méthodologique de Raymond Boudon

1.1 Les actions individuelles 1.2 Actions rationnelles et non-logiques 1.3 Effets d’agrégations, émergents et pervers 1.4 Les objets de l’individualisme méthodologique

II. Exemple : Risques écologiques et développement durable I. Premier paradigme : l’individualisme méthodologique Le premier de ces paradigmes (modèle d’interprétation du social), celui de Raymond Boudon, est fondé sur l’étude du processus décisionnel de la personne et de ses conséquences collectivement prévisibles ou non. Ici, l’accent se trouve placé sur l’individu, son action et ses choix. Les acteurs rationnels (vous, moi) se trouvent continuellement placés dans des situations contraignantes dans lesquelles ils sont amenés à prendre de micro-décisions (Est-ce que je viens ou est-ce que je ne viens pas à ce cours de 15h à 17h ?) Des choix qui s’opèrent généralement dans le cadre d’un système d’interactions parfois totalement imprévisibles. (Est-ce que je reste ou est-ce que je ne reste pas dans cet amphi ?) Nous avons en effet ponctuellement des décisions à prendre en fonction de l’évaluation de notre propre intérêt1. Des choix futiles, qui versent dans la quotidienneté de nos automatismes (choix vestimentaires), ou à l’inverse des décisions de plus grande importance allant d’une décision d’orientation professionnelle à un choix de vote pour un candidat à une élection présidentielle ; en passant encore par sa responsabilité par rapport à des questions d’écologie et d’environnement. 2.1 Les actions individuelles

1 Weber distingue une hiérarchie plus ou moins implicite, entre d’un côté les formes d’action qui obéissent à des critères délibérés et réfléchis, et de l’autre côté des conduites spontanées, instinctives et habituelles (traditionnelles ou émotionnelles) qui, pour lui, se placent à la frontière même de l’action sociale.

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Dans ce premier paradigme, l’individu est perçu comme isolé des autres et est considéré comme ‘autonome’ et ‘égoïste’. Selon Boudon, l’individu ne rechercherait en effet que son ‘bonheur’, son intérêt personnel, par des stratégies cohérentes et a priori rationnelles et logiques. Cela dit, pour Boudon, un acteur est rationnel à partir du moment où il a ‘une bonne raison’ de faire quelque chose. (Nous pouvons en effet à tout moment nous justifier d’une décision prise). Une décision, un choix qui s’opère en fonction de sa cognition, de sa capacité personnelle à connaître et à comprendre la situation. Une situation que l’acteur rationnel évalue en termes de coûts ou de bénéfices. « Sont cognitives les activités mentales de perception, de mémoire, de représentation par l’intermédiaire desquelles les acteurs sociaux enregistrent, élaborent, transforment, utilisent, réactualisent les stimuli (cause externe ou interne capable de provoquer une réaction) présents dans un contexte d’action. Ce qui implique d’une part, que l’univers de l’action est fondamentalement de l’ordre des représentations et que d’autre part, l’individu, quant bien même n’assumerait-il que des activités à première vue routinières, y apparaît toujours sous le visage d’un être agissant ». (En fonction de ce qui vient de se passer dans cet amphi, vous êtes à présent en capacité d’évaluer la situation et de prendre une décision en meilleure connaissance de cause, je reste ou je ne reste pas… Bon, là je prends un risque). La décision s’opère alors à partir d’un nombre considérable de facteurs possibles : de double contrainte… il pleut dehors… 2.2 Actions rationnelles et non-logiques Selon Boudon, il faut ainsi non seulement se demander pourquoi un individu a envie d’agir, mais aussi réfléchir aux conséquences collectives de tous ces choix. Quelle est la raison de votre présence dans cet amphi ? Et quelle en est sa conséquence collective ? Dans son ouvrage Economie et société, Max Weber (1864-1920) décèle trois formes principales d’actions individuelles qui correspondent chacune à une logique particulière. L’action traditionnelle consiste, pour un individu, à respecter les usages sans s’interroger sur la finalité de l’action (vous n’avez jamais ‘séché’ un cours alors vous continuez). L’action affective est une réaction que l’on qualifierait parfois d’instinctive (Vous restez dans l’amphi pour demeurer à côté de l’être aimé…). L’action rationnelle par rapport aux valeurs (vous pensez que le travail est une valeur centrale dans notre société…). Mais selon Weber, le monde moderne est en réalité principalement caractérisé par des actions d’une quatrième logique : la rationalité par rapport aux fins . Une rationalité qui se substitue partiellement aux trois premières. Cette rationalité en finalité est caractéristique de l’action d’un individu qui choisit un objectif et les moyens les plus efficaces pour atteindre son but (venir en cours avec le but de réussir son examen). A la même époque, Vilfredo Pareto (1848-1923) proposait de faire de l’économie la science des actions logiques ou rationnelles, c’est-à-dire là où le résultat est

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conforme aux attentes, tandis que la sociologie traiterait des actions non-logiques (là où les comportements individuels peuvent produire des effets non désirés). Dans ce cadre, la sociologie aurait alors pour objet les actions de type complexe (dans lesquelles les acteurs semblent suivre des principes ‘absurdes’ ou irrationnels). Il s’agit ici des activités symboliques ou rituelles (faire une prière ou sacrifier un poulet pour espérer réussir à ses examens…). Ces actes irrationnels sont des actes qui relèvent du domaine de la recherche sociologique selon Pareto. (Ces actes paraissent à la fois dérisoires ou à l’inverse très révélateurs d’un sentiment d’impuissance dans une situation de contrainte). En résumé, selon Raymond Boudon, « l’individualisme méthodologique appelle à considérer les comportements, (les actions individuelles), à interroger les choix des individus concernés et à formuler des hypothèses sur ces décisions comme sur leurs conséquences collectives. Boudon considère en effet la carrière d’un étudiant comme une succession de décisions dont on étudiera les fréquences et la distribution »2. 2.3 Effets d’agrégation, émergents et pervers L’effet d’agrégation est le résultat macro-sociologique de la combinaison des motivations et comportements individuels précédemment évoqués. Décisions rationnelles ou non-logiques ayant des conséquences (effets émergents) sur chacun d’entre nous. (Plus il y a de monde dans cet amphi et moins nos conditions de travail sont agréables. Plus il y aura d’étudiants à obtenir dans deux ans une licence de sociologie et plus la dévaluation du diplôme sera grande). Nous avons bien ici deux résultats collectifs résultant d’une somme d’actions individuelles non concertées et aux effets pervers inattendus. En résumé, dans son livre La logique du social, Boudon définit « Un effet d’agrégation ou émergent comme un effet qui n’est pas explicitement recherché par les agents d’un système et qui résulte de leur situation d’interdépendance ». (La vente de musique en ligne légale, comme les piratages et les téléchargements illégaux sur internet, ont des conséquences globales sur l’industrie du disque ainsi que sur l’emploi dans ces métiers…). Ces phénomènes d’émergence et d’effets pervers apportent en outre des éléments essentiels aux analyses du changement social dans son ensemble. « Le changement social, même au niveau macrosociologique, n’est en effet intelligible que si l’analyse descend jusqu’aux acteurs sociaux les plus élémentaires composant les systèmes d’interdépendances auxquels il s’intéresse ». Ici, on prend alors conscience de la

2 Un résumé très succinct de ses analyses proposées dans son livre L’inégalité des chances permet d’expliquer l’inégalité des résultats devant l’enseignement, qui met en évidence que, toutes choses égales par ailleurs, un individu de classe sociale inférieure : Un. « accordera en moyenne une valeur plus faible à l’enseignement comme moyen de réussite… ». Deux. « aura, en moyenne, un certain handicap cognitif par rapport aux autres classes… » Trois. « tend, en moyenne, à sous-estimer les avantages futurs d’un investissement scolaire… » Quatre. « à surestimer les désavantages présents d’un investissement scolaire… » Cinq. « et à surestimer les risques d’un investissement scolaire ».

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tâche immense de l’individualisme méthodologique qui, partant de l’action individuelle, a pour objet l’étude de leurs conséquences collectives. 2.4 Les objets de l’individualisme méthodologique Le principe même de l’individualisme méthodologique invite à ramener tout phénomène social aux comportements individuels qui en sont désignés comme la cause (Prenons comme dernier exemple : le résultat des votes aux élections présidentielles). Ce principe étudie comme nous l’avons vu les choix, les actions des individus mais aussi les résultats contingents (hasardeux) de leurs agrégations non- concertées. Mais Boudon prend également comme objet d’étude l’ensemble des supports d’information et de communication à l’origine des prises possibles de décision. [Rumeurs et battage médiatique autour de l’image des candidats (rationalité en valeur), croyance en une idéologie politique (rationalité traditionnelle), connaissance effective des différents programmes électoraux…(rationalité en finalité)]. En cela, l’individualisme méthodologique est bien un appel à la responsabilité de chacun. En effet, ce qu’un groupe d’individus a voulu peut devenir le destin des générations à venir. « Les morts gouvernent les vivants » Auguste Comte. En résumé, si l’individualisme méthodologique n’affirme pas l’idée abstraite d’une liberté sans contexte et sans contrainte, il postule néanmoins l’existence d’une autonomie essentielle de choix de la part de chaque personne et ce même si en dernier lieu les effets émergents qui en découlent sont des effets pervers, ce qui signifie qu’ils ne correspondent pas aux intentions originelles des individus. Il y a quelques années, bon nombre d’électeurs de gauche ont voté au premier tour de l’élection présidentielle pour des candidats d’extrême Gauche en sachant pertinemment qu’ils ne pourraient être élus, dans un contexte préélectoral dans lequel tous les sondages désignaient Lionel Jospin et Jacques Chirac présents au second tour de l’élection. Le 21 avril 2002, l’arrivée de J. M. Le Pen au second tour de la présidentielle est alors un effet émergent inattendu à l’origine du vote de femmes et d’hommes de gauche pour J. Chirac afin de faire barrage au FN. Cet exemple doit nous faire nous rappeler que chaque vote compte et que c’est par la décision de chacun que se maintient une démocratie. II. Exemple : Risques écologiques et le développement durable En tout cas, ce qui est sûr, c’est que nous appartenons à la première génération de l’humanité à savoir que nous risquons, en continuant de la sorte, à dénaturer l’avenir des générations futures par une destruction irrémédiable de notre écosystème… En effet, selon Yann Arthus-Bertrand, Albert Jacquard et Isabelle Delannoy « Nous vivons la sixième grande extinction des êtres vivants qu’ait connue la planète en 4,5 milliards d’années. (La dernière vit disparaître les dinosaures, il y a 64 millions

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d’années) »3. Aujourd’hui, une espèce de mammifère sur quatre dans le monde est menacée d’extinction, un poisson sur trois, deux amphibiens sur cinq et un oiseau sur huit. Constats écologiques Qu’est-ce que la terre peut encore vraiment assumer ? « Dans le monde, un tiers des terres utilisables par l’homme voient leur fertilité décroître. Pourtant la Terre devra nourrir 9 milliards d’hommes avant 2050 »4. ‘L’eau’ : pollution des rivières et des océans, (disparition de la mer d’Aral dans le Kazakhstan), épuisement des ressources de la mer… « Les dégazages en mer représentent environ 25% de la pollution des mers. Mais les pollutions les plus massives proviennent à 70% des continents : déchets industriels, agricoles mais aussi domestiques… »5. ‘L’air ’ : les menaces qui pèsent sur la couche d’ozone, les pollutions atmosphériques… « Le tourisme est devenu la première industrie mondiale et l’avion en est son principal vecteur »6. ‘Le feu’ : réchauffement climatique, fonte des glaciers et de la calotte glacière…, élévation du niveau des eaux, mais aussi désertification des terres cultivables… (premiers réfugiés écologiques…). ‘La terre’ : pollution des villes par leur extension géographique et des campagnes, par les engrais, les déchets… « La production des déchets s’étend à toute la planète. Dans les pays industrialisés, elle atteint en moyenne 570 Kg par habitant et par an. (Les emballages - souvent non-biodégradables - occupent la moitié du volume de nos poubelles en France) »7. Autant de problèmes qui ont déjà été à l’origine de la disparition de trop nombreuses espèces animales, végétales, ainsi que de l’émergence de nouvelles maladies avant la disparition ‘possible’ de l’espèce humaine… 2.1 Les actions individuelles : Entre ne rien faire et être paniqué par une montée inéluctable des périls, il faut agir a minima par de petits gestes d’économie : eau, électricité, chauffage… (action individuelle). Il est aujourd’hui très important de tous nous tourner vers une démarche d’information personnelle et de nos concitoyens, ainsi que de se construire une éthique individuelle de responsabilité face à ces questions... 2.2 Actions rationnelles et non-logiques : Du point de vue des pays ‘riches’ : - « Vingt pour cent de la population mondiale détient 86% des richesses »8. Cette situation n’est pas seulement critiquable d’un point de vue éthique, elle n’est tout simplement pas tenable d’un point de vue politique à long terme... Est-ce que la généralisation (à tous les peuples de la terre), du niveau de vie moyen d’un occidental est compatible avec les ressources de la planète ? Est-ce que ce progrès, principalement matérialiste, est d’ailleurs souhaitable pour toute l’humanité ? Est-on 3 Yann Arthus-Bertrand, Albert Jacquard et Isabelle Delannoy, Regards partagés (sur la terre et les hommes), Paris, Editions de la Martinière, 2006. 4 Idem, p.264 5 Idem, p.71 6 Idem, p.82 7 Idem, p.183 8 Idem, p. 234

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à l’inverse prêt à supprimer nos avantages acquis ? Est-on prêt à ne plus utiliser sa voiture personnelle, utiliser moins d’eau, d’électricité… ? Du point de vue des pays ‘pauvres’ : Nous concevons évidemment qu’il y a une aspiration légitime des pays en voie de développement ou émergents à un surcroît de confort matériel pour chaque habitant de la planète terre : droit à un minimum ‘vital’, à un ‘espace vital’, à la santé, à l’allongement de la durée de vie, à l’éducation, à la formation comme au respect des Droits de l’Homme ainsi qu’à des biens de consommation courante, améliorant les conditions d’existence des femmes et des hommes, les transports, etc. 2.3 Effets d’agrégations, émergents et pervers - Il est important de rappeler que dans l’histoire de la Terre, des cycles naturels ont déjà fait passer notre planète par plusieurs périodes de réchauffement et de glaciation successifs. Cela dit notre ‘vaisseau’ spatial, la Terre, n’a à ce jour jamais été autant peuplée. Une population mondiale qui ne cesse d’augmenter dans certaines parties du monde en raison de principes religieux et culturels séculiers… qui sont le plus souvent respectés dans les pays les plus pauvres de la planète. (L’Afrique compte près de 800 millions d’habitants. Le taux moyen de croissance de la population est estimé à 2,6 % entre 1995 et 2000). - La course effrénée à la production / consommation semble ne plus avoir de fin. Cette course génère initialement des montagnes de déchets non-recyclables (emballages…) dans les pays développés. Exemple d’un effet pervers : « La généralisation de la voiture a eu pour corollaire inattendu l’extension des banlieues, très consommatrice d’énergie : construction, déplacement, chauffage… »9. Elle se généralise à présent aux pays émergents. - Multiplication du nombre des industries chimiques, usines nucléaires… face auxquelles nous ne disposons pas encore de véritables solutions de traitement des déchets qu’elles génèrent. A titre d’exemple : « parmi les différents déchets ‘nucléaires’, le déchet le plus dangereux, le plutonium, reste mortel pendant des dizaines, voire des centaines de millions d’années »10. - Déforestation de la forêt amazonienne... Les écosystèmes forestiers sont aussi de puissants régulateurs du climat. Ils préviennent les sécheresses et les inondations, assurent la disponibilité en eau d’un territoire ou encore protègent la fertilité des sols. Certes, nous vivons dans une région, en Alsace, où ces dangers ne sont pour la plupart guère visibles... faut-il ne rien faire pour autant ? 2.4 Les objets de l’individualisme méthodologique

9 Idem, p.36 10 Idem, p.15

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L’objet de l’individualisme méthodologique consiste ici à nous faire comprendre que nous avons tous une responsabilité en ce qui concerne d’équilibre écologique… Qu’est-ce que le développement durable ? - Le développement durable se définit selon trois principes : celui de solidarité entre les peuples et les générations, dans le sens d’un développement devant profiter à tous, celui de précaution, selon lequel certaines décisions devraient pouvoir être stoppées, annulées ou retardées pour plus d’examen (ex : clonage, OGM…), celui enfin de participation consistant à associer la population à la prise de décision et au fait que tous les citoyens se sentent concernés. Un dernier exemple : il ne s’agit pas seulement de diminuer la pollution atmosphérique des autoroutes européennes dû au trafic des camions. Il s’agit aussi de se préparer à la diminution des ressources en pétrole, qui en augmentera inexorablement le prix. Les biocarburants, une fausse alternative ? « L’objectif européen se limitant à 5,75% de biocarburants avant 2010 est aussi problématique. La conversion des surfaces en jachère n’y suffisant pas, même à renfort d’eau, d’engrais et de pesticides, l’Europe devra importer ses biocarburants au détriment de l’alimentation des populations des pays du sud… »11.

Chapitre n°2 Pierre Bourdieu Le structuralisme génétique Plan : I. Les champs sociaux II. L’habitus

III. Les classes sociales En résumé au chapitre précédent : je dirais que « Les sociologues peuvent être en fait grossièrement divisés en deux groupes principaux : ceux (comme Boudon) qui considèrent les processus sociaux comme étant le résultat compliqué des êtres humains et ceux (comme Bourdieu), qui considèrent les processus sociaux comme marchant pour ainsi dire par leurs seuls moyens, selon leur propre nature, leurs lois en entraînant les gens qui sont soumis à eux ». Ici, ce n’est plus la volonté des acteurs rationnels qui est en jeu, mais les logiques de structures qui déterminent les individus que nous sommes. Dans ce second paradigme, la société globale est en fait subdivisée en trois types de structures : les champs, les classes sociales et nos structures mentales que sont les habitus. Le champ est à considérer en premier lieu comme une théorie ‘régionale’ du monde social alors que les classes renvoient au

11 Idem, p.57

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milieu d’appartenance et que l’habitus est la reproduction sous formes de structures internes (mentales) des deux précédentes structures externes. (je m’explique) I. Les champs sociaux Pierre Bourdieu utilise le concept de champ pour désigner les espaces sociaux que sont l’économie, la politique, la religion, le culturel ou le sport… dont ses travaux ont cherché à définir les principes identiques de fonctionnement. Le champ n’est pas un espace réel mais une construction relationnelle entre des agents (vous/moi). Il peut être éclairant de comparer un champ à un espace social où se déroule un ‘jeu’ particulier ayant ses règles précises et ses enjeux propres : gagner de l’argent, être élu, accroître sa spiritualité, faire reconnaître sa culture ou ses performances physiques… Ces petits mondes correspondent à une vision compartimentée de la société. (Il s’agit de champs de force dans lesquels différentes catégories d’individus agissent en fonction de leurs intérêts respectifs). La sociologie est à ce titre un sous-champ des sciences sociales, qui est un sous-champ de l’université qui est un champ de la production culturelle qui fait lui-même partie de l’espace social. Il y a quelques mois, vous êtes entrés dans une partie du champ universitaire dont vous ne connaissiez peut-être que les façades externes, les bâtiments, les diplômes etc. sans pouvoir imaginer, comme vous les connaissez aujourd’hui, les rapports de force et de sens qui s'y déploient. Vous avez découvert à travers vos cours et lectures, les tensions et les luttes qui opposent plusieurs de ces agents dominants que sont Bourdieu, Boudon, Crozier et Touraine. Un espace social de luttes entre paradigmes dans lequel s’affrontent de manière pyramidale les grands sociologues contemporains, de grands professeurs d’université, les maîtres de conférences, les thésards et les étudiants des premières années en sociologie : pour marquer l’histoire de la discipline, gravir les échelons hiérarchiques ou accroître son capital culturel en obtenant un nouveau diplôme. Ce qui est vrai dans le champ de la culture est par homologie (ressemblance) vrai dans tous les autres champs. Prenons encore l’exemple du sport et de l’un de ses sous-champs, la natation. La magnifique Laure Manaudou y occupe aujourd’hui une position dominante. Les institutions sportives que sont les championnats lui ont permis, par ses temps records, d’acquérir un capital symbolique, (une notoriété) qui dépasse le seul monde sportif. Mais ce capital symbolique s’est également transformé en un capital économique (primes et contrats publicitaires…) ainsi qu’en un important capital social (réseau relationnel). Un capital symbolique qui bénéficie en outre à tous les agents de ce champ : des sponsors aux entraîneurs en passant par les nouveaux licenciés… En effet, à partir du moment où une personne est définie par un titre légitime (médailles), cette légitimité institutionnelle va modifier la représentation que les autres ont d’elle et du champ. (Laure n’est plus seulement la fille ou la sœur de… mais bien une championne) Elle va d’ailleurs également changer de représentation (image de soi) à ses propres yeux. Les mots agissent sur les gens. La jeune femme s’est métamorphosée en un symbole, en une incarnation

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exemplaire des valeurs sportives. Enfin, sa domination légitime de championne est une domination qui fait l’objet de la part des dominés (ses adversaires, de très jeunes compétiteurs), d’une reconnaissance au double sens du terme. Au bord du bassin, les collectionneurs d’autographe lui sont reconnaissants d’une signature… Si en plus elle leur sourit, ils éprouveront, en dépit de leur ‘indignité’, ‘ infériorité ’, une reconnaissance de la part d’une dominante qui s’est un instant intéressée à eux… Cela dit, les individus peuvent disparaître physiquement, la position n’en continue pas moins d’exister, elle est alors disponible pour une autre championne. On aura compris qu’exister socialement dans un champ, c’est essentiellement être perçu, reconnu, c’est-à-dire parvenir à faire reconnaître aussi positivement que possible ses propriétés distinctives. (Une médaille d’or pour le dominant, son maillot de bain dédicacé pour un dominé). En résumé, il peut être éclairant de comparer un champ qu’il soit administratif, littéraire ou télévisuel… à un espace social où se déroulerait un jeu particulier ayant ses règles précises et ses enjeux propres. Toute participation à l’un de ces jeux ‘sociaux’ suppose un coût, un droit d’entrée, un effort… pouvant être atténué pour certains agents par les caractéristiques de son milieu d’origine. Avoir comme parents deux sociologues peut contribuer à son accès à l’université sans le déterminer pour autant… (Personne ne vient évidement au monde avec le goût inné pour la sociologie). C’est par la socialisation et l’éducation qu’un intérêt se constitue. II. L’habitus Selon Bourdieu, c’est l’habitus qui permet la transposition de structures sociales en de solides structures mentales pour l’agent. Je m’explique : l’habitus est en fait une immense et incessante entreprise d’apprentissage et d’inculcation, d’incorporation du social. Dès le plus jeune âge, tout enfant acquiert des traits de personnalité, profonds et durables, ainsi qu’un ensemble de dispositions à penser, à agir, percevoir et sentir. Un rapport au monde, un sens pratique qui est celui de ses parents et de la classe sociale à laquelle il appartient. A cet habitus premier, se rajoute pour l’enfant qui grandi l’habitus secondaire imposé à l’école par les enseignants avant de multiplier ses expériences et apprentissages au sein de différents sous-champs traversés : la natation ou le piano… Dans chaque champ, toute action pédagogique vise à inculquer, le plus profondément possible, le plus durablement possible, une attitude, un savoir, une connaissance… Au point que l’individu finit par le considérer comme naturel, allant de soi. Avec le temps, l’enfant va finir par nager avec automatisme puis jouer avec aisance sur son clavier de piano. Devenu adulte, le musicien ne peut improviser librement au piano avec virtuosité qu’après avoir longtemps fait ses gammes, acquis les règles de la composition et de l’harmonie… Ce n’est qu’après avoir intériorisé durant des années les codes, les contraintes et les structures musicales que notre pianiste pourra composer, créer, inventer et transmettre sa musique. Personnellement, l’auteur, l’artiste vit sa création sur le mode de la liberté créatrice, de la pure inspiration, parce

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qu’il n’a plus conscience des milliers d’heures d’éducation et de répétitions profondément intégrées. Il en va de la musique comme du langage, de l’écriture et de la pensée en général. On les croit libres et désincarnés, alors qu’ils sont le produit de contraintes et de structures sociales d’apprentissage profondément ancrées en nous tous. III. Les classes sociales Un grand sociologue, un pianiste de renom ou une championne olympique, un grand patron de médecine ou d’entreprise… appartiennent à la même classe sociale en dépit de la diversité de leurs types de capitaux culturels et symboliques, tout en partageant le plus souvent un assez large capital économique. A ce titre, les classes sociales constituent une troisième forme de structure sociale (classe dominante, moyenne et défavorisée) ayant elles aussi leurs incidences sur les agents. Cela dit, les classes sociales ne sont pas seulement un ensemble de positions, elles existent également dans la tête de chacun d’entre nous. En effet, nous pouvons tous dire à quel milieu nous estimons appartenir : classe ouvrière... 3.1 Les stratégies des dominants Les individus les plus nantis en différents types de capital sont généralement en accord profond avec le monde social tel qu’il est. D’où le caractère habituellement réservé, pondéré, neutre et détendu de ces personnes. Les dominants ont d’ailleurs un habitus qui les détourne spontanément des pratiques les plus voyantes et expansives. Au contraire, les transgressions de la règle par les dominants ont toute chance de leur valoir un profit symbolique supplémentaire. On dira d’eux que non seulement ils sont forts, mais en plus ils sont ‘tellement simples’. 3.2 Les stratégies des dominées La plupart des ‘dominés’ (caractérisés par un faible volume de capital) parviennent à s’accommoder de leur situation. Pour eux, la réussite sociale consiste non pas tant à se promouvoir vers des positions supérieures qu’à éviter de retomber dans une condition inférieure, au-dessous du seuil de pauvreté, celle du quart monde. En outre, les agents des classes populaires s’interdisent spontanément ce qui leur serait (a priori) de toute façon refusé socialement. Aller à l’université, au musée ou lire Platon en pensant que ce n’est pas pour soi, ce n’est pas pour nous ! 3.3 Les stratégies moyennes Enfin, tous ceux occupant des positions intermédiaires ont un intérêt au maintien de l’ordre établi et aux hiérarchies existantes. Ils occupent des positions à l’intérieur desquelles ils aspirent aux pratiques des classes supérieures sans y parvenir... Ils en cherchent les signes extérieurs sans jamais atteindre leur aisance sociale. (Les nouveaux riches…) Ils deviennent alors des praticiens du faux-semblant et du vraisemblable : ils achètent des encyclopédies, ou des disques d’opéra sans trouver le temps de les utiliser…

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En conclusion, la sociologie serait, selon Bourdieu, une arme qui sert à sortir du fatalisme le monde social. C’est en effet par la prise de conscience de l’existence et du poids social de ces différentes structures sociales qu’il serait possible, en tant qu’agents devenu plus lucides, d’arriver à s’en émanciper. Chapitre n°3 Michel Crozier L’approche fonctionnaliste et stratégique Plan : I. Une sociologie des organisations

1.1 Les règles de fonctionnement 1.2 Statuts, rôles et fonctions

II. L’acteur et le système 2.1 L’acteur stratégique 2.2 La théorie du jeu

Le paradigme de Michel Crozier intitulé L’approche fonctionnaliste et stratégique se situe, dans le paysage de la sociologie française, à mi-distance entre l’approche de Raymond Boudon et celle de Pierre Bourdieu. L’analyse stratégique s’écarte en effet autant de l’idée d’un individu autonome et égoïste que de la toute-puissance d’un déterminisme structurel. (je m’explique) L’objet de la sociologie ne se résumerait pas, selon Crozier, à la seule étude du comportement d’acteurs rationnels et uniquement soucieux de maximiser leur propre intérêt. Des personnes (vous, moi) dont les actions individuelles associées à celles de tous nos contemporains constitueraient ce que nous appelons par simplification la société. A l’inverse, l’objet de la sociologie ne serait pas plus, toujours selon Crozier, le seul constat des conséquences, de la socialisation et du conditionnement individuel qu’exerceraient les champs et les classes sociales sur les agents sociaux que nous sommes. En réalité, selon Crozier, l’individu est bien un acteur à part entière qui, à l’intérieur des contraintes souvent très lourdes que lui imposent « les systèmes », dispose d’une marge de liberté qu’il utilise de façon stratégique dans ses interactions avec autrui. En d’autres termes, entre atomisme et hollisme, la sociologie de Crozier emprunte une voie intermédiaire que constitue l’étude des organisations humaines instituées et des systèmes d’interactions qui s’y déploient… L’objet de sa sociologie est bien l’analyse des organisations collectives allant des plus complexes et hiérarchisées (associations, entreprises, bureaucraties administratives ou trusts multinationaux…) aux plus restreintes que sont la famille, les bandes de jeunes ou des groupes d’amis de longue date…

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I. Pour une sociologie des organisations L’omniprésence des grandes organisations (associatives, étatiques, ou non gouvernementales, bureaucratiques, industrielles ou commerciales…) constitue selon Crozier la caractéristique essentielle de nos sociétés modernes. La femme et l’homme modernes ne peuvent plus agir qu’à travers et au sein de ce type d’organisations… C’est dire que le développement d’une théorie des organisations, « permettant de comprendre le fonctionnement des systèmes d’actions qui s’y développent ainsi que de prévoir les limites que tel ou tel système impose à la volonté humaine, devrait constituer un des objectifs prioritaires des sciences sociales et le lieu de rencontre privilégié entre les chercheurs et les acteurs stratégiques ». A titre d’exemple, il y a peut être parmi nous une étudiante en sociologie qui assume de surcroît un poste d’employé polyvalent dans un fast-food tout en trouvant le temps d’élever un enfant avec son conjoint… 1.1 Les règles de fonctionnement Dans son livre L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber nous apprend que ce sont les conséquences du long processus de rationalisation (cf. cours numéro deux : action rationnelle en finalité) qui seraient à l’origine de l’uniformisation de la majeure partie des pratiques organisationnelles et bureaucratiques comme celles de l’université par exemple. Weber y définit clairement la bureaucratie comme une forme d’organisation – où l’individu n’est pas propriétaire de sa fonction et ne peut la transmettre (méritocratie) – où l’activité obéit à des règles formelles – où les postes sont rigoureusement définis et spécialisés – où l’organisation est hiérarchisée et les emplois assurés par des employés, c’est-à-dire des spécialistes qui y accomplissent leur carrière et s’y consacrent à temps plein. Max Weber fait du processus de bureaucratisation l’un des traits essentiels des sociétés industrielles et de leur rationalisation… Dans un tout autre genre, l’exemple de la société Mac Donald implantée sur toute la planète en est une autre bonne illustration… UN. Le développement des règles rationnelles. Ces règles impersonnelles définissent les différentes fonctions dans le plus petit détail et prescrivent les conduites à tenir dans le plus grand nombre possible d’éventualités. Règlement rationnel et fonctionnel du travail des employés polyvalents d’un Mac do…

DEUX. La centralisation des décisions. Le pouvoir de décision tend à se concentrer et à se situer à un niveau où les préférences seront naturellement données à la

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stabilité du système plutôt qu’aux buts fonctionnels de l’organisation. Direction France, Europe, Monde…

TROIS. L’isolement de chaque catégorie hiérarchique et la pression du groupe sur l’individu. Du fait de l’extension des règles impersonnelles et de la dépossession des décisions, chaque catégorie hiérarchique se trouve isolée des autres strates, qu’elles soient supérieures ou subordonnées. Employés, encadrements, dirigeants… QUATRE . Développement de relations de pouvoir parallèles. Les zones d’incertitude ne pouvant être toutes éliminées quelle que soit l’extension des règles impersonnelles, ces zones subsistent et donnent lieu à des relations de pouvoir parallèles où se développent des phénomènes de dépendance et de conflit. Hiérarchie officielle et hiérarchie parallèle : ancienneté…

CINQ . En fait, tous ces mécanismes engendrent davantage d’impersonnel. L’employé n’est pas propriétaire de sa fonction (interchangeabilité). Les postes sont rigoureusement définis et spécialisés (standardisation). L’activité obéit à des règles formelles : (pas de place pour l'improvisation). Les emplois sont occupés par des 'spécialistes' Formation très précise de l’employé du Mac do. En résumé, c’est en raison de tous ces règlements que chaque employé (acteur stratégique) se conforme à l’attente de ses partenaires et interprète un rôle qui lui est imparti dans les étroites limites fixées à l’avance. Ici, dans ce cadre organisationnel, le degré de liberté est très limité et les ‘exécutants’ ont dans l’organisation une très faible marge d’initiative, même si leurs conduites, restant néanmoins, libres et rationnelles, impliquent des possibilités d’adaptation et d’invention. 1.2 Statuts, rôles et fonctions Une femme peut être à la fois épouse, mère de famille, étudiante et salariée… Un individu est ainsi défini horizontalement par rapport à ses égaux (autres collègues) et verticalement par la place qu’il occupe dans la hiérarchie de son activité professionnelle. A chacun de ses statuts correspondent des droits et des devoirs. Ses différents statuts peuvent se renforcer mutuellement. Chaque statut implique de jouer un rôle d’une certaine manière. Cela dit, le rôle peut être joué différemment face à un collègue ou un supérieur hiérarchique. Les rôles sont en grande partie codifiés. Tout comme l’acteur de théâtre, l’acteur stratégique répond aux attentes d’autrui d’une manière qui lui est propre. Mais la socialisation d’une part, et le contrôle social de l’autre, ne laissent qu’une faible marge de manœuvre aux individus. (Règlements, habitudes, us et coutumes…). Le statut et le rôle permettent aux sociologues fonctionnalistes d’expliquer la stabilité des comportements. De plus, la vie en société est impossible sans un relatif conformisme. Dès lors, l’acteur interprète librement un rôle afin de contenter son ‘public’ et d’éviter des réactions négatives de son

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entourage. (Pour les fonctionnalistes les rôles s’imposent aux individus, pour les ethnométhodologues, l’individu construit les rôles sociaux au cours d’un processus d’interaction). II. L’acteur et le système Selon Michel Crozier, l’analyse des organisations peut apporter une contribution décisive à la constitution d’un nouveau mode de raisonnement sur les affaires humaines. En partant de ces principes organisationnels (gage de stabilité de la société dans son ensemble), Crozier étudie plus particulièrement des « situations » caractérisées par des relations de pouvoir au sein de contraintes systémiques. Pour Crozier, tout individu dispose d’une marge de liberté qui lui permet de choisir entre plusieurs solutions (venir ou pas au cours). L’acteur est aussi un ‘cerveau’ capable de calculer la solution la plus apte à servir ses projets. Par conséquent, son comportement doit être analysé comme s’inscrivant dans une stratégie relationnelle dont la rationalité ‘limitée’ se définit par rapport aux enjeux ou aux projets qui sont les siens, par rapport aux règles du jeu et enfin, par rapport aux atouts dont il dispose.

Les organisations

le phénomène rationnel et bureaucratique, définitions des règles et des rôles.

(pouvoir hiérarchique) - (zone d'incertitude) Le jeu

(fonctionnement - dysfonctionnement)

Comportement rationnel de l’acteur stratégique

(raisonnement stratégique) 2.1 L’acteur stratégique Tout le travail sociologique de Crozier consiste à souligner les compétences stratégiques des individus que nous sommes. Pour ce faire, Crozier s’interroge non seulement sur les motivations, mais aussi sur les logiques rationnelles à l’oeuvre pour montrer comment, en fonction des conditions organisationnelles, les acteurs y répondent en adoptant des conduites qui leurs sont favorables. Ainsi, il est rationnel d’être présent au cours lorsque cette présence conditionne la réussite et il est tout aussi ‘rationnel’ aux yeux de certains d’être absent du cours si la présence n’améliore apparemment en rien les chances de réussir l’examen. Une telle décision est rationnelle en ce sens qu’elle est basée sur le calcul des chances de gain (réussir) en fonction des atouts (aptitudes intellectuelles), des règles du jeu (répondre valablement aux questions d’examen) et de l’intérêt porté à l’enjeu (passer en seconde année et continuer son parcours en sociologie).

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2.2 La théorie du jeu La métaphore du « jeu de société », du jeu d’échecs par exemple est sans doute ici assez éclairante pour illustrer notre existence sociale selon Crozier. Sur l’échiquier, chaque pièce du jeu d’échecs a une marge de manœuvre qui lui est spécifique. En avançant une tour ou en reculant un cavalier, l’ensemble du système de jeu est modifié. On voit bien ici que la stratégie rationnelle de chaque joueur aura des incidences sur les décisions de son adversaire. Chaque déplacement de pièce est délimité dans le cadre des règles du jeu parfaitement connu par les deux joueurs. Notre existence selon Crozier, correspond à une succession de nouvelles parties d'échecs que l'on reprend chaque fois que l'on passe d'une organisation à une autre. Des parties interrompues puis reprises, organisation par organisation, avec de nouveaux ou d’anciens partenaires de jeu… Exemple : Seule avec sa maman, une petite fille joue avec sa poupée de chiffon comme s’il s'agissait d'un être vivant ; sa mère qui la surveille accepte de se prêter au jeu et fait, elle aussi, semblant de la nourrir. Mais que survienne le père, dont l’enfant perçoit en demi-teinte qu’il aimerait que lui, l’enfant, ne prenne plus la poupée pour un vrai bébé : le jeu est alors brutalement interrompu et la poupée se trouve reléguée dans un coin comme un vulgaire assemblage de morceaux d'étoffe qu'il est. L’enfant à la poupée est placé consécutivement dans deux systèmes d'interactions différents ce qui l’oblige à réviser ses croyances : le système d’interaction enfant-mère, d’une part et le système d’interaction mère, enfant et père, de l’autre, qui confèrent à la poupée des statuts contrastés. Pour l'observateur extérieur, tout phénomène social s'explique à la fois par l'agrégation des actions individuelles et l'étude des comportements des individus comme actes intentionnels dans lesquels ils cherchent à servir au mieux leur intérêt. La petite fille associe sa mère au jeu pour qu'elle se détourne un instant de ses pensées liées à sa grossesse. La mère accepte pour ne pas alimenter une jalousie naissance, alors que le père, par sa seule présence, suggère à l'enfant, comme il le lui a déjà expliqué, qu'elle ne doit pas fatiguer sa maman.

En conclusion Ainsi et en résumé, l’analyse sociologique implique selon Crozier, au sein de chaque organisation et système, de découvrir les objectifs que l’individu poursuit et quelle perception et anticipation il a de la possibilité de les atteindre dans la structure qu’il connaît, c’est-à-dire quelles ressources il possède, de quelle marge de liberté il dispose et de quelle façon, à quelles conditions et dans quelles limites il peut les utiliser. Un projet d’investissement sociologique qui implique du point de vue de la méthodologie de recherche d’accumuler des informations sur les modalités organisationnelles de l’organisation observée, une observation in situ des systèmes

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d’interactions qui s’y déploient ainsi que la prise en compte du témoignage des individus qui y participent. Chapitre n°4 Alain Touraine La sociologie dynamique Plan :

I. Quel est le mouvement social central de ces différents types de société ? II. La société industrielle III. La société post-industrielle IV. La société post-moderne : après le 11 septembre 2001

Entre l’individualisme (rationnel - BOUDON) et le déterminisme structurel (BOURDIEU), qui tous deux finalement, ‘détruisent’ l’individu, Touraine propose de lui redonner toute sa place dans l’analyse sociale. En effet, si chaque individu est libre, qu’est-ce qui explique que certains d’entre eux s’engagent pour des causes, laissent une place à l’initiative personnelle dans leur vie, deviennent des sujets historiques, alors que d’autres ne prennent pas parti ? I. Quel est le mouvement social central de ces différents types de société ? C’est après des siècles d’immobilisme social, explicable par la toute puissance de « garants méta-sociaux », c’est-à-dire les régimes monarchiques successifs organisés autour de la croyance de la toute puissance divine sur les destinées humaines, que le siècle des Lumières, impose la prédominance de la raison, de la rationalité (Descartes) et fait rentrer le monde dans l’ère de la modernité…

La modernité : le siècle des Lumières et la révolution industrielle XVIIIème siècle… : la rationalité - Les mouvements sociaux

La société industrielle : le XIXème siècle, 2 guerres et les Trente glorieuses (1973) : le travail

- La sociologie de l’intervention La société post-industrielle : les années 1968, début des années 1980 : les identités collectives

- Le sujet La société post-moderne : de la fin des années 1980 jusqu’à nos jours : le sujet

II. La société industrielle

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Dans la société industrielle, c’est principalement par le travail que l’individu se définit. A l’époque, le travail (l’activité salariée) est au cœur du dispositif social dans son ensemble. - De la France de l’entre-deux-guerres (1936) à la reconstruction, le pays connaît

successivement plusieurs phases d’industrialisation au sein desquelles prédomine la classe ouvrière. En 1970, il y a encore 8,2 millions d’ouvriers en France, ce qui représente 37,2% de la population active.

- l’évolution du travail : Dans un premier temps, l’ouvrier se distingue par la

création d’œuvres et le contrôle de ces œuvres. Par la suite, le travailleur est de plus en plus éloigné de son œuvre… (tâche incomplète, décomposée, spécialisée, surveillance…)

- le mouvement ouvrier : les revendications individuelles ne se situent pas

exclusivement dans le cadre du travail, mais elles concernent l’ensemble des conditions de vie pouvant résulter de l’industrialisation : la consommation, les loisirs, la culture…

� Les mouvements sociaux Touraine pose trois principes de définition d’un mouvement social : le principe d’identité, selon lequel un groupe défend des intérêts propres ; le principe d’opposition, qui identifie clairement l’adversaire ; le principe de totalité, qui renvoie à une vision globale de la société. C’est la coexistence de ces trois principes qui distingue le mouvement social des groupes de pression. Dans la société industrielle, le mouvement ouvrier était le mouvement social central. Ce mouvement social s’est exprimé par les syndicats et les partis politiques, mais également dans le mouvement mutualiste, coopératif, culturel… III. La société post-industrielle Dans la société post-industrielle (ou programmée), Touraine identifie différents types de mouvements sociaux : le mouvement antinucléaire, les mouvements étudiants, le mouvement des femmes ou des Occitans… qui ont pourtant tous un dénominateur commun. Dans les sociétés industrielles, la domination était essentiellement économique. Dans les sociétés post-industrielles, la domination est principalement de l’ordre d’une uniformisation de la vie politique, sociale et culturelle (société de consommation…) La sociologie de l’intervention en trois points :

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Exemple de la marche des Beurs en 1983… - L’idée principale est de mettre un groupe de militants en état de procéder à une

auto-analyse de ses pratiques. C’est à partir de cette auto-évaluation que le sociologue élaborera des hypothèses permettant d’atteindre le niveau de signification le plus élevé de l’action, c’est-à-dire la nature même du mouvement social : (pas uniquement la lutte contre le racisme : vivre égaux et différents…)

- Pour que cette auto-analyse soit possible, il est nécessaire de construire des

groupes de militants dits de base, et non des responsables. De même le groupe de base va être rapidement mis face à ses partenaires et/ou ses adversaires afin d’éviter l’affrontement dans le discours idéologique qui ne permet pas d’appréhender les problèmes liés à l’action.

- Le moment essentiel du travail est celui de la conversion. Il s’agit du moment où,

à partir des hypothèses proposées par le chercheur, le groupe parvient à passer du récit de l’action à une véritable analyse menée en fonction du mouvement social dans lequel elle est engagée.

IV. La société post-moderne : après le 11 septembre 2001 Avons-nous encore une histoire ? C’est-à-dire sommes nous encore aptes à produire du développement, ou sommes-nous entrés dans une société post-moderne, voire post-historique, dans laquelle la vie sociale disparaîtrait peu à peu sous l’action des empires qui la dominent ? Les nouveaux mouvements sociaux, eux, n’ont pas pour principe la transformation des situations et des rapports économiques ; ils défendent la liberté et la responsabilité de chaque individu, seul ou collectivement, contre la logique impersonnelle du profit et de la concurrence. Et aussi contre un ordre établi qui décide de ce qui est normal ou anormal, permis ou interdit. (La question du port du voile ou encore la question des homosexuels…) Le sujet A partir de 1984, le sujet dont la définition reposait sur sa contribution à la production de la société par elle-même, puis sur la distance qu’il prend par rapport à cette contribution, va plutôt être défini par sa capacité à se produire lui-même, à se revendiquer comme création et liberté individuelle. Se construire soi-même en sujet heureux. (Le sujet se forme dans l’individu précisément par la lutte... Je n’ai pas un sujet, il y a du sujet en moi et je le paie cher…)

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Comment se construit le sujet dans l’individu ? Clairement par le conflit. Le sujet se constitue par la conflictualité. L’expérience du sujet n’est donc pas la conscience paisible d’être soi-même. Il est la découverte des forces et des pouvoirs qui cherchent à le contrôler. Le but ultime des nouveaux mouvements sociaux est la réalisation de soi comme acteur, et la reconnaissance de l’autre comme sujet. Touraine va reprendre alors sa définition du sujet comme mouvement social, c’est-à-dire comme une contestation de la logique de l’ordre et comme revendication de la construction de soi. Le sujet n’est pas pour autant repli sur soi, introspection ou quête d’une identité individuelle. On ne peut séparer l’individu de sa situation sociale dont il est le producteur. Les mouvements sociaux prennent alors la forme de la défense du sujet et l’action collective bascule des thèmes économiques vers les thèmes personnels et moraux, tels la défense de la dignité humaine, le respect des droits de l’homme, la revendication des droits de la personne. Il n’y a de sujet que rebelle, partagé entre la colère de ce qu’il subit et l’espoir de l’existence libre, de la construction de soi qui est sa préoccupation constante… En conclusion, le Système d’Action Historique : mode d’accumulation, mode de connaissance, niveau d’instruction… Le S.A.H. est une sorte de tensiomètre social qui permet à Touraine de percevoir comment et à travers quels types de tension une société se transforme : à partir de quand et surtout dans quelles conditions un peuple produit de l’historicité. En d’autres termes, les SAH respectifs dans lesquels vivent un Indien d’amazonie, un africain d’un pays en voie de développement ou un Français prédispose très différemment à l’émergence possible de nouveaux mouvements sociaux. En Europe, le mode d’accumulation est d’ordre capitaliste. Il se fonde sur l’organisation rationnelle du travail, la mondialisation de l’économie à l’origine d’un formidable décalage de PIB entre pays riches, émergents et pauvres… De la même manière que l’économie, le mode de connaissance, l’image du monde, les mœurs et le langage participent tout autant à l’orientation globale des conduites humaines par une forte élévation du niveau global d’instruction. Enfin, dans nos sociétés occidentales, le modèle culturel fait de la science le ressort de la créativité et de la transformation de la nature.

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Conclusion Intérêts et limites des quatre paradigmes étudiés

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La sociologie de Crozier se base principalement sur l’étude des stratégies déployées par les acteurs (vous, moi) au sein de systèmes d’interdépendance au détriment d’une tentative d’explication de l’évolution, certes très lente, des organisations fonctionnelles (structures) dans lesquels ces systèmes interactionnels se situent…

A l’inverse, la sociologie de Touraine est centrée sur l’étude des mouvements sociaux. Des systèmes dynamiques et revendicatifs qui sont portés par des acteurs historiques et qui ont pour objet de faire vaciller ou de renverser les structures du pouvoir étatique en place… Cela dit, la vie sociale ne se résume pas aux seules mobilisations collectives…

La sociologie de Bourdieu étudie les structures sociales (classes et champs sociaux) et notamment leurs déterminations (conséquences) sur les agents que nous sommes en fonction de nos positions sociales respectives. Une œuvre magistrale qui laisse néanmoins assez peu de place à la notion d’interaction et de système d’interaction tout aussi important à la compréhension des comportements individuels en société. Enfin, la sociologie de Boudon est fondée sur l’analyse de l’action rationnelle des acteurs. Elle observe les processus d’agrégation de ces comportements (systèmes d’interdépendance), le plus souvent involontaires ainsi que leurs conséquences en termes d’effets émergents. Une étude de la vie sociale qui ne prend pratiquement pas en compte la dimension structurelle du monde social qui nous entoure.