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Dossier : 76e Congres de I'AHA ~ RYTHMOLOGIE CHU Bres a version 2003 de I'AHA qui s'est déroulée à Orlando a été particulièrement riche en sessions dédiées à la Wh- 1 mologie. La mort subite, les troubles du rythme (TDR) ven- triculaire, leur traitement et leur prévention étaient parmi les thèmes les plus développés. Mort subite Prévention M. Raitt (Portland, OR) a présenté les résultats d'une étude comparant, en double aveugle, l'effet des acides gras R3 à la posologie de 1,8 g/j à celui d'un placebo (en fait des capsules d'huile d'olive) sur la survenue de TDR ventriculaires, chez 200 sujets implantés avec un DAI, pour un épisode récent de TV ou W. Aucun patient n'était sous antiarythmique. Les sujets ont été suivis tous les 3 mois, pendant 2 ans, avec évaluation du taux d'acides gras R3 membranaire des globules rouges pour vérifier l'observance et le degré d'imprégnation par le traitement. Un sous-groupe de 49 patients a subi une étude électrophysiolo- gique de la période réfractaire effective ventriculaire, de I'inducti- bilité d'un TDR ventriculaire soutenu et du seuil de défibrillation avant et 3 mois après le début du traitement. Une tendance vers une incidence plus élevée des épisodes rythmiques a été obser- vée dans le groupe R3 (tableau). Parmi les patients inclus après un épisode de TV, une augmentation significative des épisodes de TV et FV a été retrouvée sous R3 (p = 0,007). Les sujets les plus imprégnés par ce traitement avaient tendance à avoir plus d'événements. Aucune différence n'a été retrouvée concernant l'analyse des paramètres électrophysiologiques. Cette étude remet donc en question l'effet antiatythmique suggéré des R3, à moins qu'il ne s'agisse d'un effet protecteur de l'huile d'olive ? 1 Tableau : Incidence des événements rythmiques au cours 1 du suivi des patients des deux groupes 6 mois 1 an 2 ans Prise en charge préhospitalière L'étude ORBIT, présentée par L. Morrison (Toronto, Canada) a comparé l'efficacité du choc biphasique à celle du choc mono- phasique dans l'arrêt cardiaque, en rapport avec une FV ou TV survenant en dehors du milieu hospitalier. II s'agit d'une étude randomisée qui a duré 2 ans et qui a inclus 436 patients (218 dans chaque bras). L'énergie était délivrée par paliers croissants en cas d'inefficacité (120, 150 et 200 j pour les chocs bipha- siques et 200, 300 et 360 pour les chocs monophasiques). Le choc biphasique n'était pas supérieur au monophasique quant au nombre de survivants immédiats et à la sortie de l'hôpital. Les résultats à un an ne sont pas encore disponibles. Ces résultats sont surprenants alors que le choc biphasique est connu pour sa supériorité. La publication et la meilleure analyse des résultats devraient apporter des renseignementssupplémentaires. L'étude PAD (Public Access Defibrillation Trial) présentée par J. Ornato (Richmond, VA) a évalué l'intérêt de former des volon- taires dans des communautés sans accès immédiat aux ser- vices médicaux dans le but de faciliter leur accès au défibrilla- teur. Cette étude prospective et randomisée a été réalisée dans 24 villes américaines et canadiennes. Elle a comparé les moyens de réanimation cardiorespiratoire seuls (CPR) à l'adjonction de I'utilisation du défibrillateur (CPR+AED) par des volontaires préa- lablement entraînés. L'objectif principal était le nombre de survi- vants jusqu'à la sortie de l'hôpital. Les volontaires entraînés (il y en avait 19 762) devaient pouvoir accéder au défibrillateur en moins de 3 minutes. La facilitation de l'accès au défibrillateur a permis de doubler la survie des patients réanimés puisque dans le bras CPR 15 sujets ont survécu et dans le bras CPR+AED 29 sujets ont été sauvés. Les effets indésirables étaient identiques dans les 2 bras. Cette étude montre donc l'intérêt de former des volontaires à I'utilisation des défibrillateurs pour augmenter le nombre de survivants à un arrêt cardiaque dans les lieux publics. Mais le coût de ce type d'intervention reste tout de même important, et I'on peut se demander si I'utilisation de ces moyens, dans la prévention des facteurs de risque cardiovascu- laires, ne serait pas encore plus efficace. Syndrome de Brugada Parmi les communications orales présentées dans ce domaine, deux d'entre elles pourraient avoir une application diagnostique et thérapeutique. La première, présentée par M. Pitzalis (Bari, Italie), a montré I'in- térêt de la mesure de l'allongement du QT dans les précordiales droites de façon concomitante à l'analyse de la modification des QRS avec l'apparition du bloc de branche droit et la surélévation du segment ST lors du test à la Flécaine IV (tracé 3 de la fig. 1). L'étude a été réalisée chez 32 sujets avec un ECG suspect ou ayant des antécédents familiaux. Le test était positif chez 18 sujets. L'allongement du QT était significatif dans les précor- diales droites VI et V2 alors qu'il ne l'était pas dans les autres dérivations précordiales. II était plus important dans le groupe ayant un test positif. Un QTc > 460 ms sous Flécaïne avait une sensibilité de 100 % et une spécificité de 93 % dans I'identifica- tion des sujets positifs. Cet élément est à prendre en considéra- tion lors de l'évaluation des sujets suspects d'un syndrome de Brugada, mais I'on regrette l'absence de données génétiques lors de l'étude. La seconde, présentée par J.-S. Hermida (Amiens) et l'équipe de Lariboisière (Paris), apporte une donnée importante dans le traitement des sujets ayant un syndrome de Brugada, puisqu'elle montre chez 31 patients asymptomatiques, mais inductibles lors AMc r*l;qw No 126 - 25 février 2004

Rythmologie

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Page 1: Rythmologie

Dossier : 76e Congres de I'AHA ~

RYTHMOLOGIE CHU Bres

a version 2003 de I'AHA qui s'est déroulée à Orlando a été particulièrement riche en sessions dédiées à la Wh- 1 mologie. La mort subite, les troubles du rythme (TDR) ven- triculaire, leur traitement et leur prévention étaient parmi les thèmes les plus développés.

Mort subite

Prévention M. Raitt (Portland, OR) a présenté les résultats d'une étude comparant, en double aveugle, l'effet des acides gras R3 à la posologie de 1,8 g/j à celui d'un placebo (en fait des capsules d'huile d'olive) sur la survenue de TDR ventriculaires, chez 200 sujets implantés avec un DAI, pour un épisode récent de TV ou W. Aucun patient n'était sous antiarythmique. Les sujets ont été suivis tous les 3 mois, pendant 2 ans, avec évaluation du taux d'acides gras R3 membranaire des globules rouges pour vérifier l'observance et le degré d'imprégnation par le traitement. Un sous-groupe de 49 patients a subi une étude électrophysiolo- gique de la période réfractaire effective ventriculaire, de I'inducti- bilité d'un TDR ventriculaire soutenu et du seuil de défibrillation avant et 3 mois après le début du traitement. Une tendance vers une incidence plus élevée des épisodes rythmiques a été obser- vée dans le groupe R3 (tableau). Parmi les patients inclus après un épisode de TV, une augmentation significative des épisodes de TV et FV a été retrouvée sous R3 (p = 0,007). Les sujets les plus imprégnés par ce traitement avaient tendance à avoir plus d'événements. Aucune différence n'a été retrouvée concernant l'analyse des paramètres électrophysiologiques. Cette étude remet donc en question l'effet antiatythmique suggéré des R3, à moins qu'il ne s'agisse d'un effet protecteur de l'huile d'olive ?

1 Tableau : Incidence des événements rythmiques au cours 1 du suivi des patients des deux groupes

6 mois 1 an 2 ans

Prise en charge préhospitalière L'étude ORBIT, présentée par L. Morrison (Toronto, Canada) a comparé l'efficacité du choc biphasique à celle du choc mono- phasique dans l'arrêt cardiaque, en rapport avec une FV ou TV survenant en dehors du milieu hospitalier. II s'agit d'une étude randomisée qui a duré 2 ans et qui a inclus 436 patients (218 dans chaque bras). L'énergie était délivrée par paliers croissants en cas d'inefficacité (120, 150 et 200 j pour les chocs bipha- siques et 200, 300 et 360 pour les chocs monophasiques). Le choc biphasique n'était pas supérieur au monophasique quant au nombre de survivants immédiats et à la sortie de l'hôpital. Les

résultats à un an ne sont pas encore disponibles. Ces résultats sont surprenants alors que le choc biphasique est connu pour sa supériorité. La publication et la meilleure analyse des résultats devraient apporter des renseignements supplémentaires. L'étude PAD (Public Access Defibrillation Trial) présentée par J. Ornato (Richmond, VA) a évalué l'intérêt de former des volon- taires dans des communautés sans accès immédiat aux ser- vices médicaux dans le but de faciliter leur accès au défibrilla- teur. Cette étude prospective et randomisée a été réalisée dans 24 villes américaines et canadiennes. Elle a comparé les moyens de réanimation cardiorespiratoire seuls (CPR) à l'adjonction de I'utilisation du défibrillateur (CPR+AED) par des volontaires préa- lablement entraînés. L'objectif principal était le nombre de survi- vants jusqu'à la sortie de l'hôpital. Les volontaires entraînés (il y en avait 19 762) devaient pouvoir accéder au défibrillateur en moins de 3 minutes. La facilitation de l'accès au défibrillateur a permis de doubler la survie des patients réanimés puisque dans le bras CPR 15 sujets ont survécu et dans le bras CPR+AED 29 sujets ont été sauvés. Les effets indésirables étaient identiques dans les 2 bras. Cette étude montre donc l'intérêt de former des volontaires à I'utilisation des défibrillateurs pour augmenter le nombre de survivants à un arrêt cardiaque dans les lieux publics. Mais le coût de ce type d'intervention reste tout de même important, et I'on peut se demander si I'utilisation de ces moyens, dans la prévention des facteurs de risque cardiovascu- laires, ne serait pas encore plus efficace.

Syndrome de Brugada

Parmi les communications orales présentées dans ce domaine, deux d'entre elles pourraient avoir une application diagnostique et thérapeutique. La première, présentée par M. Pitzalis (Bari, Italie), a montré I'in- térêt de la mesure de l'allongement du QT dans les précordiales droites de façon concomitante à l'analyse de la modification des QRS avec l'apparition du bloc de branche droit et la surélévation du segment ST lors du test à la Flécaine IV (tracé 3 de la fig. 1). L'étude a été réalisée chez 32 sujets avec un ECG suspect ou ayant des antécédents familiaux. Le test était positif chez 18 sujets. L'allongement du QT était significatif dans les précor- diales droites VI et V2 alors qu'il ne l'était pas dans les autres dérivations précordiales. II était plus important dans le groupe ayant un test positif. Un QTc > 460 ms sous Flécaïne avait une sensibilité de 100 % et une spécificité de 93 % dans I'identifica- tion des sujets positifs. Cet élément est à prendre en considéra- tion lors de l'évaluation des sujets suspects d'un syndrome de Brugada, mais I'on regrette l'absence de données génétiques lors de l'étude. La seconde, présentée par J.-S. Hermida (Amiens) et l'équipe de Lariboisière (Paris), apporte une donnée importante dans le traitement des sujets ayant un syndrome de Brugada, puisqu'elle montre chez 31 patients asymptomatiques, mais inductibles lors

AMc r*l;qw No 126 - 25 février 2004

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Fig. 1 : Variations des QRS et de la repolarisation limiteeg aux deri- vations droites chez un m&me patient porteur d'un syndrome de Bnigada.

de l'exploration électrophysiologique, l'absence de TDR ventri- culaires sous hydroquinidine, à une dose comprise entre 600 et 900 mglj et avec un suivi moyen de 17 mois. L'arrêt du traite- ment a été nécessaire chez 4 patients en raison d'un QT long, de la survenue de syncopes ou de troubles digestifs. Chez 4 autres patients porteurs d'un DAI, aucun choc n'a été délivré après introduction de I'hydroquinidine et avec un suivi de 14 mois. Cette étude observationnelle semble donc en faveur de l'utilisation de I'hydroquinidine comme alternative thérapeutique au DAI, chez les sujets atteints d'un syndrome de Brugada, asymptomatiques mais inductibles comme cela avait été suggé- ré. II faudra bien sûr attendre une étude contrôlée et randomisée pour confirmer ces résultats préliminaires qui peuvent avoir des conséquences non négligeables sur la prise en charge du syn- drome de Brugada.

Défibrillateur implantable

L'étude TOVA (Triggets Of Ventticular Arrhyîhmias) présentée par C. Albert (Boston, MA) et dont le but était d'analyser la relation entre la conduite automobile et la survenue d'un événement rythmique induisant un choc électrique. II s'agit d'un problème pratique important dans le suivi des sujets porteurs d'un DAI. Cette étude multicentrique a inclus 1 188 patients ayant bénéfi- cié d'un DAI et suivis entre 2000 et 2003. Les patients devaient contacter leur centre de suivi dans les 72 heures suivant un choc et le risque relatif (RR) de survenue de cet événement au cours et après la conduite a été évalué par rapport à la période sans conduite (en activité ou au repos). Vingt-cinq pour cent des chocs appropriés sont survenus dans l'heure suivant le début de la conduite (RR = 1,77). Mais le RR était plus élevé dans la demi- heure qui suivait (RR = 4) que pendant la conduite (RR = 1) ou 30 à 60 minutes plus tard. Les TDR ventriculaires semblent donc plutôt survenir dans la demi-heure suivant que pendant la conduite automobile. Ce résultat surprenant devrait être expli- qué par une analyse plus détaillée des mémoires des DAI au moment de la détection du TDR. La seconde étude présentée par A. Kadish (Chicago, IL) est l'étude DEFINITE (DEFlbtillators in Non-lschemic cardiomyopa- thy Treatment Evaluation) qui, comme son nom l'indique, avait pour objectif principal d'évaluer l'effet sur la mortalité totale du DAI en prévention primaire chez 458 patients ayant une CMD, une fraction d'éjection ventriculaire gauche s 35 %, et des TDR ventriculaires non soutenus documentés (> 10 ESVIheure au holter ou TV non soutenue). La mortalité à 2 ans (fig. 2) était de 13,8 % dans le groupe contrôle (traité médicalement pour l'insuf- fisance cardiaque de façon optimale) contre 8,1 % dans le grou- pe DAI (p = 0,06). Le RR était de 0,66 en faveur du défibrillateur et la réduction du risque de mortalité totale de 34 %. Bien que

No 126 - 25 février 2004

76e Conarès de I'AHA cette étude ne montre qu'une tendance en faveur du DAI en pré- vention primaire chez les patients porteurs d'une CMD, ce résul- tat est probablement lié au fait que les investigateurs s'atten- daient à une mortalité plus élevée dans le groupe contrôle qui en fait était bien traité à la fois par IEC et P-bloqueurs (85 % des patients). L'orateur rapportait également le fait que 2 patients du groupe contrôle ont été récupérés d'une mort subite au cours du suivi ce qui a participé à rendre le résultat moins significatif que prévu. En ne tenant compte que de la mortalité par TDR ventricu- laire, le bénéfice du DAI devenait plus significatif. Enfin, c'est dans le sous-groupe de patients en classe III de la NYHA que les résultats ont été les plus significatifs concernant la mortalité tota- le (fig. 3) avec une réduction du risque de 67 % (p = 0,009). Cette étude met donc l'accent sur la mortalité annuelle comprise entre 6 et 7 % chez les patients porteurs d'une CMD lorsque le traite- ment médical est bien conduit et sur le fait que l'arythmie ventri- culaire n'était responsable que de 113 des morts subites. En tout cas, il s'agit d'une nouvelle étude plutôt en faveur du DAI en pré- vention primaire chez les patients ayant une CMD et en particu- lier lorsqu'ils sont en classe III de la NYHA.

I Controle 1 Fig. 2 - Mortali totale dans l'étude DEFINITE.

% 35 - 30 - 25 - 20 - - 67%, p=0,009

15 - 10 -

12,7 5 - 0

Contrôle DAI

Flg. 3 - Mortalité totale des patients en classe III de la NYHA de l'étude DEFINITE .