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SAIN T - DoYouBuzz · 2013. 5. 6. · de la Loire s’impose, avec ses 178 530 âmes, comme la deuxième ville de la région Rhône-Alpes, devant Grenoble (159 410 habi - tants)

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SAINT-ÉTIENNEL’heure de la reconquête ?

edresser l’image de Saint-Etienne ? Il existe des défisplus aisés. Aujourd’hui encore, la préfecture de laLoire souffre d’une mauvaise réputation. Ville

froide, ville noire, ville grise et austère, qui ne vaudraitguère le détour… Quelle que soit sa véracité, ce constataccablant demeure un lourd handicap. Surtout dansun contexte de concurrence entre les territoires.Qu’on s’en félicite ou qu’on le regrette, les villessont en compétition lorsqu’il s’agit d’attirer deschefs d’entreprise, des touristes ou de nouveauxhabitants. Et, dans cette bataille, l’image joueun rôle décisif.

C’est aux Stéphanois et à leurs élites qu’il appar-tient d’agir pour renverser les idées reçues etexalter leurs différences. Des initiatives positives ont

été prises depuis une quinzaine d’années, sous l’égidedes maires Michel Thiollière (1994-2008) puis

Maurice Vincent (depuis 2008), pour sortir laville de l’ornière. La création de la Biennale dudesign, la construction du Zénith, le dévelop-pement de l’art contemporain ou encore lesmultiples opérations de rénovation urbaineapparaissent comme les meilleurs exemples.Ils sont malheureusement insuffisants poureffacer, aujourd’hui, l’image de cité en déclinqui lui colle à la peau.L’Express analyse, cette semaine, les atouts et

les faiblesses de la préfecture de la Loire. Et recenseles idées qui permettront, peut-être, d’imposer unjour la « marque » Saint-Etienne. � S. R.

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Dossier réalisé par sylvain rollanDreportage photo : Julien rambauD/alpaca/anDia pour l’express

réDacteur en chef : bruno D. cot

P. M

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/AFP

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spécial RÉGIONS

II Il’express

Pénalisée parles cicatrices encorevisibles d’un âge d’orrévolu, la préfecture dela Loire tente lentementde se défaire de l’imageaustère dont elle pâtit.Une entreprisede longue haleine.

sylvain rollanD

aint-Etienne ? C’est unpeu mort non ? Il y avaitde l’industrie, les Verts,euh… » La réponse de cecadre parisien trentenairerésume, à elle seule, ledéficit d’image de la ville.

Même les Stéphanois les plus cocar-diers le reconnaissent : dans l’ima-ginaire collectif, leur cité se raconteau passé. Elle se résume pour beaucoup à son âge d’or industrieljusqu’aux années 1970 et auxexploits des « Verts », notammentleurs dix titres de champions deFrance de football, entre 1958 et 1981.Bien sûr, il se trouvera toujoursquelques historiens pour expliquerque c’est à Saint-Etienne qu’a cir-culé le premier tramway, en 1881.Quelques érudits pour raconterles circonstances de l’inventiondu moulin à café ou de la machineà coudre dans les ateliers du cen-tre-ville. Quelques nostalgiquesqui rappelleront que Saint-Etiennefut, brièvement, la capitale mondialedu cycle. Mais aujourd’hui ? L’imagede la ville demeure désespérémentfloue, figée dans un passé idéalisé.« La plupart des gens ont des dif-

ficultés à nous placer sur une carte»,relève, amusé, Ludovic Noël, direc-teur de la Cité du design. Commentexister à nouveau quand on a tantbrillé ? « Le football reste notreprincipal vecteur d’image, maisl’absence de titre depuis trenteans ne nous aide pas, car cela ren-voie la ville à son lustre ancien »,déplore André Mounier, présidentde la chambre de commerce etd’industrie (CCI) de Saint-Etienne- Montbrison. Si la cité stéphanoisese distingue aujourd’hui dans plusieurs domaines, notammentle design – de plus en plus visiblegrâce au succès de la Biennale –,aucun n’a encore atteint un niveaude notoriété et d’attractivité capablede bousculer les préjugés.

450 ambassadeurs chargésde répandre la bonne parole

Les clichés ont la vie dure. Maisils reflètent une certaine réalité.Malgré la présence du siège socialdu groupe Casino, coté au CAC 40,l’économie stéphanoise demeurele maillon faible de la région Rhône-Alpes. « La crise industrielle desannées 1970 à 1990 a été si violenteque la ville reste aujourd’hui enretrait de la dynamique régionale»,

confirme Axel Gilbert, chercheurà l’Institut national de la statistiqueet des études économiques (Insee).Conformément à l’idée reçue, lesStéphanois sont plus précaires,plus âgés et moins diplômés quela moyenne des Français. L’Inseea établi un indicateur appelé «scorede fragilité », qui prend en compteles difficultés économiques, sociales,scolaires et sanitaires. Sans surprise,celui de Saint-Etienne fait partiedes plus élevés de la région. Seulsquelques territoires du sud de l’Ar-dèche et des bassins de vie en trèsgrande difficulté comme Roanneou Oyonnax (Ain) font pis. Sym-boles du déficit d’attractivité, lesprix de l’immobilier figurent parmiles plus bas de France. Mais si cedésagrément empêche les pro-priétaires de réaliser de juteusesplus-values à la revente, les loca-taires sont ravis de pouvoir se loger à moindre coût. Notammentles 22 000 étudiants, pour lesquelsle loyer devient un critère décisifau moment du choix de leur ville.

Car la cité ligérienne ne se résumepas à cette réalité économique.« Saint-Etienne est peut-être laville la plus sous-estimée de France.Elle ne mérite pas sa réputation »,

« Nous sommesdans une phasede rebond. Les effortsconsentis depuisquinze anscommencent à porter leurs fruits »

GILLES ARTIGUES, VICE-PRÉSIDENT

DU CONSEIL GÉNÉRAL ET CONSEILLER MUNICIPAL

(MODEM)

A la recherche d’u

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l’express I III

regrette son maire, Maurice Vin-cent (PS). Beaucoup sont surpris d’apprendre que la préfecture de la Loire s’impose, avec ses178 530 âmes, comme la deuxièmeville de la région Rhône-Alpes,devant Grenoble (159 410 habi-tants). Nichée au pied du parcnational naturel du Pilat, prochedes gorges de la Loire, la plus hauteville moyenne d’Europe (517mètresd’altitude) se situe au cœur d’unbassin de vie d’un demi-milliond’habitants et d’une agglomérationcomposée de 45 communes. Saint-Etienne dispose de nombreuxatouts trop méconnus. Sa spécia-lisation dans le design a été saluéepar l’Unesco, qui lui a décerné en2010 le label «ville créative design»,au côté de dix autres métropolesinternationales (Buenos Aires,Shanghai…). Sa collection d’artcontemporain figure parmi les plusimportantes de France. Le dyna-misme de la vie culturelle et asso-ciative et son environnement natu-rel jouent aussi en sa faveur. Demême que sa proximité avec Lyon,située à seulement 60 kilomètres.

La méconnaissance des atoutsstéphanois est souvent vécuecomme une injustice. «Nous réduire

à une cité en crise relève d’unevision fausse et dépassée », clameMaurice Vincent. Les faits lui don-nent partiellement raison. Certes,la ville a connu une hémorragiedémographique sans précédent – 51 000 habitants perdus entre1968 et 2009, soit 22 % de la popu-lation ! Mais celle-ci touche à safin : en 2011, la population stépha-

noise a stagné. Et la courbe du chô-mage tend enfin à rejoindre lamoyenne nationale, même si ellereste légèrement supérieure (10 %contre 9,8%). «Nous sommes dansune phase de rebond. Les effortsconsentis depuis quinze ans pourredynamiser le territoire com -mencent à porter leurs fruits »,s’enthousiasme Gilles Artigues,conseiller municipal d’opposition(MoDem) et vice-président duconseil général de la Loire. Symbolesde ce potentiel : le design, bien sûr,qui attire talents et projets, maisaussi la tertiarisation de l’économieet la reconversion industrielle réus-sie dans des secteurs à haute valeurajoutée, comme la mécanique, letextile médical ou l’optique.

Persuadés que Saint-Etiennepeut à nouveau briller, l’ensembledes acteurs politiques, écono-miques et culturels du territoirese sont unis en 2010 pour lancerune vaste opération de changementd’image : la « démarche attracti-vité ». Avec un slogan – « Saint-Etienne, atelier visionnaire » – quise veut « le trait d’union entre lepassé et le futur », selon MauriceVincent. Et un credo, que le mairerépète à l’envi : « Nous avons

Louis Laforge présentateurDu magazine Des racineset Des ailes (france 3),ambassaDeur De saint-étienne

« Je suis très attaché à cette ville.Mon grand-père a travaillé toute sacarrière à la Manufacture d’armes,

qui est un bel exemple de reconversion puisque ce serale cœur du quartier créatif autour du design. J’ai grandià Saint-Galmier, une petite ville à 25 kilomètres où jaillitl’eau de Badoit. Je suis allé au lycée et à la faculté d’histoireà Saint-Etienne. J’ai vécu mes premières émotions journalistiques dans l’ambiance magique du Chaudron,car je commentais les matchs de l’ASSE pour des radioslocales ou le club. Aujourd’hui, j’habite Paris mais je reviens dès que possible. Le chemin parcouru depuisvingt ans pour moderniser la ville est spectaculaire. »

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n nouveau souffleˆ réalisationsSaint-Etienne déclineses atouts de Cité du design jusque dansson mobilier urbain.Côté transports,l’extension du réseau arenforcé l’attachementdes Stéphanois à leurtramway centenaire.

M. B

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spécial RÉGIONS

IV Il’express

projets architecturaux sont beau-coup plus efficaces pour changerd’image qu’une petite campagnede communication avec quelquescentaines d’ambassadeurs », ricaneMichel Thiollière, maire (UMP)de 1994 à 2008. Caricaturé en« maire dépensier » pendant lacampagne municipale de 2008,l’ancien édile s’est distingué pen-dant ces deux mandats en lançanttous azimuts de nombreux grandsprojets : deuxième ligne de tram-way, Cité du design, rénovationdu musée d’Art moderne, Zénith…

Améliorer l’image de la villeprendra du temps

Si son successeur ne renie pas lesbienfaits de ces réalisations, cetteère paraît révolue. « Saint-Etiennen’a pas les moyens de dépenserdes millions dans des opérationsvitrines qui n’améliorent rien surle fond », riposte Maurice Vincent.Le nouveau locataire de l’hôtel

de ville, apôtre de la maîtrise desdépenses, a préféré « créer lesconditions de l’attractivité» en lan-çant une série de travaux touchantde nombreux quartiers (Château-creux, centre-ville, ManufacturePlaine-Achille, Pont-de-l’Ane- Monthieu…). Deux politiques radi-calement opposées. Mais l’attrac-tivité stéphanoise dépend aussid’autres facteurs, moins maîtrisa-bles, comme la réalisation de nou-velles infrastructures de transports(A 45, LGV) sans cesse repousséesau niveau national (voir page IX).

« Nous avons tous les atouts pour briller. La volonté, aussi. Mais le vent tourne lentement »,philosophe André Mounier, pré-sident de la CCI. Les Stéphanoissavent qu’améliorer l’image de leurville prendra du temps. Mais beaucoup s’en accommodent, carils estiment que celle-ci se relèvepeu à peu. N’est-ce pas le plusimportant ? � S. R.

Les clichés ont la vie durePassage en revue des lieux communs qui courent sur la cité.

une villeinDustrielle

L’industrie, qui a connu un essor fabuleuxau xxe siècle, a effectivement périclitédepuis les années 1970. Saint-Etienneen porte toujours les cicatrices, visiblespar les nombreuses friches qui parsè-ment la ville. Mais l’emploi industrielrésiste – 20 % des actifs, contre unemoyenne nationale de 14 % – grâce àune reconversion réussie dans des acti-vités de pointe (biomédical, mécanique,design…).

une ville pauvre

Conséquence directe de son histoireouvrière, Saint-Etienne fait partie desvilles les plus précaires parmi celles deplus de 100 000 habitants. Le revenumédian est faible : 16 183 € par an et parfoyer fiscal en moyenne, contre 18 749 €en France métropolitaine. Et le taux dechômage reste plus élevé que la moyennenationale (10,8 % contre 9,8 %).

une villeDe football

« Allez ! Qui c’est les plus forts ? Evi-demment c’est les Verts ! On a un bonpublic et les meilleurs supporters ! »La chanson mythique de l’ASSE de 1976, année où le club stéphanoisa atteint la finale en Coupe d’Europe,connaît toujours, trente-cinq ans plustard, un succès qui ne se dément pasdans les stades. Malgré une longue

traversée du désert – le club est re-descendu une quinzaine d’années enLigue 2 –, le football reste le cœur del’identité stéphanoise. Fans ou pas duballon rond, tous suivent de près oude loin les résultats des Verts… et atten-dent un nouveau titre.

une ville grise et froiDe

Aussi surprenant que cela puisse paraître,la météo est plutôt clémente à Saint-Etienne. Avec ses 2 007 heures d’en-soleillement annuel, les Stéphanoisreçoivent davantage de soleil que lamoyenne française (1 973 heures) etmoins de pluie (705 millimètres de pré-cipitations par an, contre 770 millimètresen moyenne).

En revanche, les hivers sont rigou-reux, tant en raison du climat conti-nental que de l’altitude (517 mètres).Conséquence : la température moyen-ne annuelle tombe à 10,7 degrés, contre 12,5 pour l’ensemble du pays.

ˇ matchLe 31 mars 1976, Saint-Etienne battaitEindhoven 1 à 0 au stade Geoffroy-Guichard, en demi-finales de la ligue des champions.

le savoir-faire, il faut le fairesavoir. » Pilotée par Saint-Etiennemétropole, cette démarche s’appuiesur 80 actions, déclinées autourde dix thèmes (innovation, ensei-gnement supérieur, design, infra-structures, tourisme…) qui englo-bent l’ensemble des politiquespubliques. L’objectif : valoriser lesatouts du territoire pour attirerentreprises et nouveaux habitants.La démarche s’appuie aussi surun réseau de 450 ambassadeurs.Des chefs d’entreprise, designers,créateurs, artistes, footballeurs,chargés de répandre la bonneparole stéphanoise. « Les acteursdu territoire restent les plus cré-dibles pour convaincre dans leurréseau que Saint-Etienne est dyna-mique et propice au développe-ment économique », précise JulieBordas, animatrice du collectifdes Ambassadeurs. L’oppositionapprouve, mais raille un certainmanque d’ambition. « De grands

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Apôtre de la maîtrisedes dépenses, Maurice Vincenta préféré « créerles conditions de l’attractivité »en lançant unesérie de travauxtouchant de nombreuxquartiers

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spécial RÉGIONS

VI Il’express

10 idées pour changer l’image de Saint-Etienne

Avec sa centaine de créateurs dont une partie est issue desrangs de l’Ecole supérieure d’art et design (Esadse), Saint-Etienne abrite la première grappe d’entreprises de designerslabellisée en France. Mais, si le secteur reste marginal dans l’éco-nomie locale, la Biennale du design, qui fête cette année sonquinzième anniversaire, a permis à la ville d’acquérir une légitimitéinternationale. En 2010, la dernière édition a attiré 85 000 visiteurs,un chiffre en constante augmentation.

Pour consolider son statut de leader, Saint-Etienne va se doter,à l’horizon 2021, d’un quartier créatif à Manufacture PlaineAchille. Symboliquement, ce parc urbain de 12 hectares prendraplace autour des anciens bâtiments de Manufrance, inutilisésdepuis la fermeture de la célèbre usine d’armes et de cycles, en1985. En plus de la Cité du design, du pôle optique Rhône-Alpesou de l’école de design, le site accueillera une pépinière d’entreprisesinnovantes, le nouveau campus de la faculté de sciences, unepartie de la recherche stéphanoise, des logements et un pôlemédias. De quoi concentrer la fine fleur de l’innovation madein Saint-Etienne.

2. Développer l’art moderne

près le design, l’art moderne est certainement la deuxièmespécialité stéphanoise aujourd’hui. Mais en dehors desamateurs d’art, Saint-Etienne peine à éclore aux yeuxdu grand public comme une cité culturelle. « A mon

arrivée, en 2003, j’ai été surpris de constater que les Stéphanoisavaient peu conscience de la qualité et de l’importance de leur muséed’Art moderne en Europe», raconte Lorand Heygi, le directeur, fierde gérer une collection de 19000œuvres (l’une des plus importantesde France derrière Beaubourg à Paris). Une méconnaissance liéeselon lui à la discrétion légendaire des habitants de Saint-Etienneet au poids de l’industrie. «La tradition ouvrière a longtemps éclipséla culture dans cette ville », ajoute-t-il. La preuve : la plupart des 55000visiteurs annuels ne sont pas stéphanois. Pour la Biennaledu design, qui se tient en mars, le musée présente une expositionspécialement dédiée à cette discipline. Une occasion à ne pas raterpour développer la notoriété de l’art moderne dans la ville.

1. Miser sur le design

uel est le point commun entre Buenos Aires, Berlin,Montréal, Shanghai, Séoul et… Saint-Etienne ? Ellesfont partie du groupe très envié des 11 cités labelliséesen 2010 « villes créatives design » par l’Unesco. Une

distinction dont Maurice Vincent, le maire, se gargarise : « Lefait que nous soyons reconnus au même titre que ces métropolesinternationales est à la fois une consécration et le signe que ledesign s’impose comme notre meilleur atout pour briller. »

Il n’y a aucun hasard à voir la préfecture de la Loire figurer surcette liste prestigieuse. « Le mot est récent, mais Saint-Etiennea toujours fait du design sans le savoir », estime André Mounier,le président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI).Paradoxe ultime : ce secteur, que beaucoup perçoivent commeune planche de salut, souffre lui aussi d’un problème d’image.« Il faut du temps pour que les Stéphanois eux-mêmes réalisentque le design n’est pas de la décoration. Il s’agit d’une allianceentre le beau et l’utile dans le but de produire. La rubanerie, lecycle et les armes, par exemple, se sont développés dans cettelogique », explique Ludovic Noël, le directeur de la Cité dudesign, créée en 2005.

« Nous sommes déjà laréférence française en matièrede design mais nous devonsintégrer davantage ce secteurà l’économie de demain » Ludovic NoëlDirecteur De la cité Du Design

« Saint-Etienne doits’affirmer comme l’unedes capitales de l’artmoderne en Europe »Lorand HegyiDirecteur Du muséeD’art moDerne

consécration Depuis 2010, Saint-Etienne est labellisée « ville créative design » par l’unesco.

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3. Donner un nouveau visage à l’industrie

n a coutume de croire l’industrie morte dans le bassinstéphanois. En réalité, cette activité résiste, notammentgrâce à une reconversion réussie dans les secteurs àhaute valeur ajoutée comme la mécanique, le biomédical

ou le design industriel. Elle représente même plus de 20 % del’emploi global, un taux supérieur à la moyenne nationale, mêmes’il a diminué de moitié en cinquante ans.

Mais l’œil ne retient que ces grands bâtiments gris, vides etfroids, qui s’éparpillent de Saint-Chamond à Firminy, en passant

l’express I VII

par la plupart des quartiers de Saint-Etienne. Des stigmatesimpossibles à ignorer d’un âge d’or révolu.

Pourtant, depuis 1987, le département de la Loire et la régionRhône-Alpes ont mobilisé 35,4 millions d’euros pour traiter plusde 140 sites industriels. Près de 200 autres friches ont été réha-bilitées ou sont en cours de requalification grâce à l’action del’Etablissement public foncier de l’ouest Rhône-Alpes (Epora)et de l’Etablissement public d’aménagement de Saint-Etienne(Epase). Une (grosse) goutte d’eau dans l’océan, qui peine àeffacer l’image d’un territoire sinistré.

Un projet, pourtant, pourrait changer la donne : Novaciéries,à Saint-Chamond. Située à une dizaine de kilomètres de Saint-Etienne sur la route de Lyon, cette cité de 35 000 habitants étaitrenommée pour sa production d’armes. Depuis la fermeture duGiat à l’aube des années 2000, seule une poignée d’entreprisesa survécu. Mais demain, le site devrait devenir une zone d’amé-nagement concertée (ZAC), qui s’étalera sur 45 hectares à deuxpas du centre ancien. L’enjeu est colossal : la renaissance d’ungrand pôle industriel en milieu urbain. « Pour attirer desentreprises, les industries doivent être intégrées dans un ensembleattractif », explique Philippe Kizirian, le maire (PS) de Saint-Chamond. Une zone d’activités artisanales, des commerces,des loisirs, des logements et des nouvelles voiries viendrontcompléter une pépinière d’entreprises. D’ici à 2030, 85 000 mètrescarrés d’espaces seront créés, dont 58 500 de constructions et27 300 de réhabilitations de bâtiments existants, dont les fameuseshalles saint-chamonaises, pour un montant estimé à 80 millionsd’euros. Restera alors à attirer entreprises et habitants. Unimmense défi qui pourrait, s’il est relevé, redonner à l’industriestéphanoise un dynamisme que l’on croyait à jamais perdu.

« Les friches plombentl’image de la ville etde ses environs. Il faut soitles requalifier pour d’autresactivités, soit les utiliserpour recréer de l’emploiindustriel » André MounierprésiDent De la cci Desaint-étienne - montbrisson

expositions Avec une collection de 19 000 œuvres, le musée d’Art moderne de la ville se place juste derrière le Centre pompidou.

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spécial RÉGIONS

VIII Il’express

4. Devenir une ville « verte »

râce à son équipe de football, Saint-Etienne et l’adjectif« vert » sont durablement accolés. Mais pas vraimentpour ses efforts en matière d’écologie et de dévelop-pement durable ! Pourtant, la cité du cycle a été la

première ville de France à accueillir un tramway, en 1881, etl’une des seules à l’avoir conservé tout au long du xxe siècle.Le réseau voit transiter aujourd’hui 70 000 voyageurs quotidiens.La municipalité, qui tient à se donner une image « écolo-res-ponsable », communique tous azimuts sur ses projets étiquetés« écologiques » : le bio dans les cantines scolaires depuis 2009,les vélos « Véliverts » en 2010, l’inauguration du parc François-Mitterand en 2011… De même, deux écoquartiers verront lejour en 2014, intégrés aux grands projets Manufacture-PlaineAchille et Novaciéries (à Saint-Chamond). Malgré tout, denombreux efforts restent à faire. Notamment pour remettre

en état un parc de logement énergivore, réputé pour soninsalubrité et sa vétusté. Au début du xxe siècle, Saint-Etiennes’est fortement étendue pour loger la population ouvrière, ets’étale toujours aujourd’hui sur 80 kilomètres carrés, soit bienplus que la moyenne des villes de sa taille. « Le défi environ-nemental en matière de logement est énorme » admet PascalHornung, le directeur de l’Etablissement public d’aménagementde Saint-Etienne (Epase). Qui souligne que toutes les opérationsurbaines (voir ci-dessous) respectent de stricts critères envi-ronnementaux.

5. Rénover la cité

riches industrielles disséminées un peu partout dansle tissu urbain, immeubles inoccupés, sales et mal entre-tenus… Trop longtemps livrés à eux-mêmes, de nombreuxquartiers de la cité ligérienne ont perdu leur pouvoir

d’attraction. « Même si le centre ancien a meilleure allure qu’ily a dix ans, dès qu’on s’en éloigne, Saint-Etienne n’offre pas un

« Améliorer la qualité de viedes Stéphanois nécessiteun réel “verdissement”du centre-ville et la priseen compte du problèmed’un parc de logementénergivore »Olivier Longeonconseiller régional(eelv), ex-canDiDataux élections municipalesDe 2008.

« Nous devons donnerenvie aux entrepriseset aux nouveauxhabitants de s’installer à Saint-Etienne »Pascal HornungDirecteur Del’établissement publicD’aménagement Desaint-étienne (epase)

équipements En matière de circulation douces, VéliVert et tramway font bon ménage, grâce à des aménagements appropriés.

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l’express I IX

lieu de vie agréable. Ni même pour une simple visite », reconnaîtun commerçant de la rue Blanqui. Consciente que l’améliorationde l’image de la ville passe par la redynamisation de ses quartiers,l’agglomération s’est engagée dans de nombreuses opérationsurbaines. Le projet « Cœur de ville » vise ainsi à donner un coupde fouet au centre. Outre la refonte de trottoirs et de voies decirculation, près de 400 logements anciens seront réhabilitéset un nouveau pôle commercial de 7 000 mètres carrés devraitêtre créé d’ici à 2016. Aujourd’hui triste et vide, le quartier Châ-teaucreux, où se trouve le siège du groupe Casino, a vocationà devenir avant 2030 le centre d’affaires de Saint-Etienne. A l’entrée sud de la ville, un pôle commercial situé sur un plateaude 40 hectares verra le jour d’ici à mars 2016 autour de Pont-de-l’Ane-Monthieu. Enfin, le quartier Jacquard, où l’habitat esttrès dégradé, a déjà amorcé sa transformation et continuera defaire l’objet de nombreuses réhabilitations d’immeubles etd’espaces publics. Un préalable indispensable pour espérerattirer entreprises et habitants à Saint-Etienne.

6. Améliorer l’accèsà la ville

’est un paradoxe : l’agglomération stéphanoise, aucontact du carrefour européen rhônalpin, où convergeun faisceau exceptionnel d’infrastructures de transports,souffre d’un certain isolement. Le principal problème

demeure l’autoroute A47, qui relie Saint-Etienne à Lyon en passantpar Saint-Chamond et Givors. Un véritable cauchemar pour lesStéphanois, forcés de l’emprunter pour rejoindre l’A 7 (directionMarseille), l’A 6 (vers Paris), l’A 42 (Genève) et l’A 43 (Grenoble).« L’A 47 est tellement encombrée qu’elle en devient dangereuse.Le temps de trajet peut virer du simple au double », soupireMathieu Chave, un jeune actif qui préfère, comme une partie des 11 000 Stéphanois qui travaillent tous les jours à Lyon, prendrele TER. Mais la ligne ferroviaire la plus fréquentée de France(derrière celles de la région parisienne) est elle aussi saturée…

Une fois n’est pas coutume, l’ensemble de la classe politiques’accorde sur la nécessité de deux nouvelles infrastructures :l’A 45, qui doublerait l’A 47, et la ligne LGV Paris-Orléans-

Clermont-Lyon (LGV POCL), qui placerait Saint-Etienne à 2 h 10 de Paris via Roanne (2 h 50 via Lyon aujourd’hui) et luiouvrirait l’ouest de la France. Mais les obstacles s’accumulentdepuis des années, pour l’un comme pour l’autre. Aux avantspostes dans cette bataille qui se joue au niveau national, le maireMaurice Vincent a rencontré, début janvier, le ministre desTransports Frédéric Cuvillier. Sans obtenir de garanties. Leprojet de l’A 45 a pourtant été déclaré « d’utilité publique » en… 2008. Et un appel à candidatures a abouti mi-2012 à la pré-sélection de quatre entreprises pour effectuer les travaux. Maisl’appel d’offres a été repoussé au printemps 2013. Le temps pourla commission parlementaire de révision du Schéma nationaldes infrastructures de transport (SNIT), créée en octobre 2012,de décider si l’A 45 fait partie des projets prioritaires de l’Etat.Dans le cas contraire, l’autoroute salvatrice passerait purementet simplement à la trappe. « Ce serait un désastre, tonne AndréMounier, le président de la CCI. L’A45 représente un investissementde 1 milliard d’euros, cinq ans de travaux, un millier d’emploiset des retombées économiques majeures, estimées à 150 millionsd’euros par an pour le sud de la Loire ». Dans ce combat, inutilede compter sur le soutien de la métropole lyonnaise. GérardCollomb, le puissant président socialiste du Grand Lyon, necesse de réitérer son opposition à la greffe d’une nouvelleautoroute sur le territoire lyonnais.

Pour ne rien arranger, la LGV ne se porte pas au mieux nonplus. Comme pour l’A 45, son coût – 12 milliards d’euros envi-ron – pose problème en période de crise. Cette ligne de 500 kilo-mètres passant par les régions Auvergne, Bourgogne, Centreet Rhône-Alpes fait aussi l’objet de nombreux débats, notammentsur son tracé définitif. Si bien que des études complémentairesd’une durée de un an ont été lancées fin 2012 pour déterminersa faisabilité. « Il existe un risque que ces deux projets se trans-forment en arlésiennes, mais nous refusons d’y croire », admetGilles Artigues. Si l’issue devait être heureuse, les Stéphanoisdevront s’armer de patience : l’A 45 ne verra pas le jour avant 2018 et la LGV, pas avant 2025.

« La création de l’autorouteA 45 et de la ligne à grandevitesse Paris-Orléans-Clermont-Lyon (LGV POCL)est fondamentale pourdévelopper l’attractivitéstéphanoise, et doncaméliorer son image »Gilles Artigues vice-présiDent (moDem)Du conseil général De la loire et conseillermunicipal D’opposition

proJets une nouvelle autoroute permettrait de désengorger l’A 47. Mais, pour le moment, les subsides pour de telles infrastructures font défaut.

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X Il’express

7. Développer le potentieltouristique

asser le week-end à Saint-Etienne ? Pourquoi ? Il n’y arien à faire là-bas ! » A la gare de Lyon-Part-Dieu, Marc,36 ans, attend son train pour Clermont-Ferrand. Grandadepte des escapades de fin de semaine, ce Lyonnais

depuis huit ans n’a jamais envisagé de partir à la découverte de Saint-Etienne, située pourtant à seulement quarante minutesen TER de Lyon. « Nous ne sommes pas identifiés comme uneville touristique », reconnaît Stéphane Devrieux, directeur del’office du tourisme. Le territoire stéphanois dispose pourtant denombreux atouts. Musées, patrimoine architectural mis en valeurpar le design, présence toute proche du parc naturel régional duPilat et des gorges de la Loire… « Les visiteurs se disent en généraltrès agréablement surpris par la ville. Mais il n’est pas facile de lesfaire venir », concède Stéphane Devrieux.

Tout est dit. Pour gommer cette mauvaise réputation, l’officedu tourisme a lancé des opérations de promotion dans des maga-zines étrangers et s’appuie sur plusieurs réseaux, comme le clubTourisme en ville, qui regroupe 25 agglomérations françaises.Malgré ces efforts, Saint-Etienne a peu de chances de devenirun jour un paradis touristique. Réalistes, les acteurs locaux

préfèrent miser sur le tourisme d’affaires autour de congrès, desalons professionnels ou d’événements. Le Centre des congrèspeut ainsi accueillir jusqu’à 2 200 personnes sur 6 500 mètrescarrés et 17 salles. Mais avec seulement un peu plus de 1 600 cham-bres d’hôtel, la capacité d’hébergement laisse à désirer. D’où laconstruction de deux nouveaux complexes hôteliers, qui sortirontainsi de terre d’ici à l’Euro 2016 près de la gare de Châteaucreux.

8. Devenir une cité étudiante

lutôt habituée à figurer au fond de la classe avec lescancres, Saint-Etienne peut savourer : dans son pal-marès 2013 des meilleures villes étudiantes, le magazineL’Etudiant souligne que la cité stéphanoise est « en

plein boom ». Bien sûr, elle ne joue pas dans la même cour queles grands pôles d’enseignement supérieur comme Paris, Lyon,Toulouse ou Nantes. Mais entre 2001 et 2011, la population étu-diante a augmenté de 18,3 %. Au total, 22 000 étudiants (11,8 %de la population) s’éparpillent parmi les cinq facultés, les deuxIUT et une ribambelle d’écoles. Certaines jouissent d’une jolierenommée, à l’image de l’Ecole supérieure d’art et de design,de l’Ecole supérieure de commerce, des Mines, des Telecom,de l’école d’ingénieur ou encore de l’école d’architecture.

Le logement, disponible et peu cher, apparaît comme l’un desprincipaux arguments de la cité ligérienne. Les étudiantsapprécient aussi le dynamisme de la vie culturelle, même sibeaucoup déplorent une carence en bars sympas. Pour se démar-quer, Khaled Bouabdallah, le président de l’université Jean-Monnet, mise sur de nombreuses formations atypiques. Parmises 50 licences et ses 60 masters, la faculté propose depuis larentrée 2012 une filiale de Sciences po Lyon et a lancé un conceptunique : l’International Rhône-Alpes Média (IRAM), une formationsur l’usage des nouveaux médias.

Mais la qualité reconnue des filières stéphanoises ne suffitpas. « L’université n’a que 40 ans, c’est très peu pour développerune véritable culture étudiante comme à Montpellier ou àBordeaux, explique Julie Poinot, adjointe (PS) à la vie étudiante.Les Stéphanois ont besoin d’apprivoiser leurs étudiants, etinversement. » A l’avenir, les formations géographiquementéloignées devraient se rapprocher du tramway pour regrouperles étudiants au centre-ville. Une partie de la faculté des sciencesde la Métare rejoindra ainsi Plaine Achille dès 2014.

« Développer le tourismed’affaires nous donnel’occasion de séduireceux qui viennenten congrès pour les inciterà prolonger leur séjourou à revenir »Stéphane DevrieuxDirecteur De l’office Du tourisme

« A notre échelle,nous pouvons existerface à Lyon en misantsur des formationsd’excellence et en communiquantsur la qualité de la vie étudiante »Khaled BouabdallahprésiDent De l’universitéJean-monnet

mutation Depuis 2010, les services de Saint-Etienne ontemménagé dans ce bâtiment design du quartier Châteaucreux. ���

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9. Revenir au sommetdu football français

ntretenir la flamme du football à Saint-Etienne relèved’une mission sacrée tant le ballon rond est le cimentde l’identité locale. « Pas un seul politique, de gaucheou de droite, ne vous dira qu’il n’aime pas le foot »,

s’amuse André Mounier, le président de la chambre de commerceet d’industrie. L’édile Maurice Vincent, pourtant un apôtre dela rigueur, a fait une exception pour le « chaudron » : le stadeGeoffroy-Guichard sera intégralement rénové pour l’Euro 2016.Au point de compter comme le projet le plus cher de son mandat :80 millions d’euros, répartis entre Saint-Etienne Métropole,l’Etat, la région et le département.

Si la municipalité soigne le football, c’est aussi parce qu’il atoujours été un atout pour l’image de la ville. « Seul le footballtraverse les époques, c’est la seule constante de l’identité stéphanoisedepuis le déclin industriel. Grâce à notre palmarès, toute la Francevibre quand Saint-Etienne gagne », raconte Patrick Revelli, ancien« vert » finaliste de la Coupe d’Europe en 1973, aujourd’huiconseiller spécial auprès du maire. Le bon début de saison duclub en Ligue 1 et en Coupe de France a ranimé la passion desStéphanois. Et ramené les médias nationaux en masse avantchaque match. Néanmoins, tout le monde en est conscient : pourque Saint-Etienne profite vraiment de cette notoriété, il faut quel’ASSE gagne un nouveau titre. Le dernier remonte à 1981.

10. Maintenir en viele « parler gaga »

e « parler gaga », patois local composé d’environ400 mots, va-t-il « lever les broches » [NDLR : mourir] ?« Il devient de plus en plus rare d’entendre du gagadans la rue, sauf chez les personnes les plus âgées »,

remarque Stéphane, serveur au « Bistrot gaga », en centre-ville.Avec sa décoration mêlant design et expressions affichées surles murs, ce restaurant cultive l’esprit stéphanois… ce qui nemanque pas d’attirer le chaland à la recherche d’authenticité.Mais l’avenir du gaga se limite-t-il à amuser quelques touristes ?Pas si sûr. Car s’il est incontestablement relégué au rang desvieilleries qui font sourire, ce parler indissociable de l’âge d’orindustriel de Saint-Etienne a ses défenseurs. « Perdre le gagaserait dommage car il symbolise l’état d’esprit du stéphanois :populaire, chaleureux et plein d’autodérision », explique Jean-Paul Chartron. Cet élu (PS) de Firminy, également auteur dedeux ouvrages sur le patois local, le conjugue au présent, tousles mercredi,s dans sa chronique humoristique publiée par lequotidien Le progrès. Mais l’initiative la plus remarquée estcelle du jeune rappeur stéphanois MC Pampille. Ses chansonstruffées de mots gaga débitées à la mitraillette avec la gouaillede l’accent local, se taillent un joli succès sur les réseaux sociaux.Et dans les cours de collège. Beauseigne [NDLR : peuchère], le gaga n’a pas encore dit son dernier mot.

« Le gaga est désuet, mais il symbolise l’étatd’esprit stéphanois »Jean-Paul Chartron aDJoint (ps) De la ville De firminyet auteur De la chroniquehebDomaDaire en gagaDans LE PROGRÈS.

« Même quand l’équipe sedébattait dans les tréfonds dela ligue 2, les Stéphanois onttoujours vibré pour les Verts.Mais nous avons besoin d’untitre pour briller à nouveau »Patrick Revelliancien Joueur, surnommé « le gaulois » Dans les années 1970.

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saison Les Verts, lors du match de ligue 1 fC Sochaux-Montbéliard/AS Saint-Etienne, le 2 février dernier.

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XIV Il’express

Maurice Vincent « Nous avons le savoir-faire, il faut le faire savoir »A la tête de la ville depuis bientôt cinq ans, le socialiste estime que Saint-Etienne est en phase de rebond.Pour redorer l’image de la cité, il plaide pour une mobilisation de tous les acteurs locaux.

saint-etienne souffre-t-elle d’unproblème d’image ?›Notre ville reste très sous-estimée.Beaucoup de Français la voientcomme une cité en déclin. Cettesituation est liée à la fois à l’im-portance de l’industrie dans notrepassé et au caractère discret etmodeste des Stéphanois. Lyonnous fait un peu d’ombre, mêmesi sa proximité est une chancedans le cadre d’une métropoleeuropéenne.comment changer cette percep-tion ?›Il faut que les gens, à commencerpar les Stéphanois, prennentconscience de nosatouts. Nous sommesl’unique ville françaisereconnue par l’Unescodans le design, aux côtésde métropoles mon-diales comme BuenosAires et Shanghai. L’in-dustrie s’est relevée etmodernisée. Casinodemeure la seule entre-prise du CAC40 dont lesiège social se situe horsde l’Ile-de-France. Nom-bre de métropoles del’Hexagone feraient biende nous envier nos équi-pements culturels et laqualité de vie stépha-noise grâce aux prix de l’immobilieret à la proximité avec la nature. Je constate que nous avons lesavoir-faire, il faut le faire savoir.Le collectif des Ambassadeurs apour mission de présenter cesatouts dans les milieux économiqueet culturel à Paris et à l’interna-tional. Et les 80 actions de la« démarche attractivité », lancéeen 2010 avec les acteurs du terri-toire, visent à développer notretissu économique.

certains reprochent à cettedémarche pour l’attractivité demasquer un manque d’ambition.que leur répondez-vous ?›Nous n’avons pas les moyens delancer de grandes campagnes d’af-fichage dans le métro parisien oudes spots publicitaires à la télévi-sion. De plus, je ne suis pasconvaincu de leur impact sur lelong terme. Nous devons aussicomposer avec la réalité : Saint-Etienne subit la crise comme lesautres municipalités. Nous restonsune ville populaire avec un tauxde chômage légèrement supérieurà la moyenne nationale. C’est

pourquoi nous devons améliorerl’attractivité économique du ter-ritoire pour changer d’image.Nos 80 actions se déclinent danstous les domaines, avec des finan-cements et des budgets prévision-nels déjà établis. Nous pensonsque ceux qui emploient, créent etréussissent sont les meilleurs pourattirer de nouveaux habitants etde nouvelles entreprises.vous vous posez en rupture parrapport à la politique des grands

projets menée par michel thiol-lière. pourtant, les réalisationsd’envergure contribuent aurayonnement d’une ville…› C’est vrai, mais lancer de beauxbâtiments ne suffit pas. J’estimequ’un travail sur le fond est pré-férable à quelques coups d’éclat.Par exemple, mon prédécesseurvoulait investir plus de 150 millionsd’euros pour construire un nou-veau stade à la place de Geoffroy-Guichard. J’ai préféré dépenser80 millions en rénovant l’existant,et investir davantage dans des opé-rations de réhabilitation et derénovation urbaine.

vous avez énormémentcommuniqué sur lesemprunts toxiques,quitte à donner l’imaged’une ville en très mau-vaise santé financière.ce problème devait-ilabsolument être portéau niveau national ?›Je n’avais pas le choix !A mon arrivée, en 2008,80 % des empruntsétaient toxiques. Lamédiatisation étaitnécessaire car lesbanques ne compren-nent que le rapport deforce, il fallait les poussera assumer la folie de leur

système. Sur le coup, cela a puapparaître comme une mauvaisepublicité, mais aujourd’hui notrecrédibilité financière est complè-tement restaurée. Nous avons géréla dette, fait des économies defonctionnement et réalisé desemprunts plus judicieux, sansempiéter sur le budget d’investis-sement de la ville, qui n’a pas baissépar rapport à l’ère Thiollière. �

PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVAIN ROLLAND

actionspour Maurice Vincent,un travail de fond est préférable à quelques coups d’éclat.

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l’express I XV

Michel Thiollière « Saint-Etiennea besoin de projets ambitieuxpour sortir de l’ombre »Maire (UMP) de 1994 à 2008 et aujourd’hui président des Régulateurs méditerranéens de l’énergie (Medreg), il critique la politique d’« affichage » de son successeur et refuse de « porter le chapeau » de la mauvaise image de la ville.

après deux mandats, vous avezété battu aux élections munici-pales de 2008. comment pen-sez-vous que l’image de la villea évolué depuis l’élection de maurice vincent ?› Pas en bien, je le crains. Vu deloin, Saint-Etienne donne souventl’impression de ne pas être unecité dynamique car nos nombreuxatouts n’ont pas été mis en valeur.Qui a conscience que Saint-Etienneest l’une des capitales mondialesdu design, ou que le musée d’Artmoderne, à qui j’ai donné lesmoyens de se développer, abritela deuxième collection de France ?Qui mesure que Saint-Etienne aenclenché avec succès la recon-version de son industrie ? Toutceci n’est intégré ni par une grandepartie des Stéphanois ni à l’exté-rieur, car la nouvelle municipalitémanque d’ambition et de clartéafin de développer l’attractivitéstéphanoise.vous avez été maire pendantquatorze ans. n’avez-vous pasune part de responsabilité dansla méconnaissance de saint-etienne ?› Maurice Vincent a beau jeu derejeter les problèmes de la villesur moi. Ce préjugé d’une cité endéclin provient de la violente criseindustrielle des années 1970 à1990, où des milliers d’emploisont été supprimés. Effacer cetteimage prend du temps. Mes réa-lisations, comme le lancement dela Biennale du design en 1998, laCité du design en 2005, l’instal-lation du Zénith, la deuxième lignedu tramway ou la Maison de l’em-

ploi, ont permis à Saint-Etiennede relever la tête. Maurice Vincentne cesse de critiquer ma gestionsoi-disant dispendieuse, mais comment relancer une ville sansgrands projets ?le lancement de la marque « ate-lier visionnaire » et du collectifdes ambassadeurs, la rénovationde quartiers entiers comme châteaucreux, manufactureplaine achille, le centre-ville,pont de l’ane monthieux ou Jacquard ne vont pas assez loin ?› Qui connaît la marque « Ateliervisionnaire » ? La majorité desStéphanois eux-mêmes n’en ontjamais entendu parler. Quant auxprojets urbains, je me réjouis quela plupart s’inscrivent dans le pro-longement de mon action, notam-ment ce qui concerne le centre-ville, Châteaucreux ou le quartiercréatif autour de l’ancienne manu-facture. La rénovation du stade

Geoffroy-Guichard est un exempleparfait de l’absence de vision del’actuel maire : il fallait reconstruireun stade plus grand et plus fonc-tionnel pour anticiper l’avenirdans un contexte de concurrenceentre les villes.comment jugez-vous le combatde maurice vincent contre lesemprunts toxiques et la dette ?› Il a dénoncé les empruntstoxiques à juste titre, mais Saint-Etienne n’est pas la seule collec-tivité locale à subir les méfaits dece type de prêts. Je ne l’ai pasentendu remettre en cause la ges-tion de ses camarades socialistes,comme Martine Aubry à Lille, quiont eux aussi été victimes de cegenre de procédés. Par ailleurs, ilme semble évident qu’avoir média-tisé à outrance la situation finan-cière de Saint-Etienne a été uneerreur colossale pour l’image dela ville.que faudrait-il faire pour amé-liorer cette image ?›L’image changera lorsque le tissuéconomique se développera. Celadépendra fortement de la placeque saura se faire Saint-Etiennedans la métropole lyonnaise, etde la réussite de certains grandsprojets comme l’autoroute A 45,essentielle pour désenclaver leterritoire.voulez-vous redevenir maire desaint-etienne en 2014 ?› Je reçois des sollicitations, maismes nouvelles fonctions m’épa-nouissent. Ma décision n’est pasencore prise. �

PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVAIN ROLLAND

DésenclavementSelon Michel Thiollière,le développement de la cité dépendrade la place que Saint-Etiennesaura se faire dans lamétropole lyonnaise.

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spécial RÉGIONS

XVI Il’express

Ils viennent de Saint-Etienne et d’ailleursStéphanois de naissance ou d’adoption, ils livrent leurs impressions sur leur ville.

thomas gouxCe designer de 35 ans, originaire d’Avignon a rencontré sa compagne, une Stéphanoise, à l’Ecole supérieure d’arts etdesign, en 1997.

« Je n’étais pas ravi de venirà Saint-Etienne car je la voyaiscomme une ville sinistrée.Mais l’école avait déjà trèsbonne réputation, et se logern’était pas cher. Très vite, jeme suis passionné pour ledesign. J’ai assisté à la nais-sance de la Biennale en 1998,puis j’y ai participé à chaquefois, en grimpant les échelonsau fur et à mesure, jusqu’àexposer en 2010 dans le« off ». Le passé industriel afaçonné à Saint-Etienne unevraie culture de la création,du travail, du projet et del’innovation. Vivre l’essor

du design jour après jour est une expérience extraordinaire. Aucunendroit en France ne pourrait me donner autant d’opportunités. »

léa berthetAgée de 26 ans, cette professionnelle dans le secteur du tourismecompte quitter la ville à la fin de son CDD.

« J’habite à Saint-Etiennedepuis deux ans et demimais je n’ai jamais réussi àm’y plaire. Cette ville n’estni joyeuse ni dynamique.Le centre manque d’attraitpour se promener ou poursortir. La ville a beaucoupsouffert et cela se voit. Lesoir, seules quelques ruessont animées. Il n’y a pasde point d’ancrage pour lesjeunes avec des barsproches les uns des autres.Malgré tout, c’est une citéattachante. L’amabilité etla gentillesse des Stépha-

nois n’ont rien d’une légende. Mais à la fin de mon contrat, je partirai.Je veux vivre dans un endroit plus stimulant. » [NDLR : Depuis notreentretien, Léa a effectivement quitté Saint-Etienne, peu après la finde son contrat, pour rejoindre Paris.]

pascale JakubowskiNée en Algérie, cette amoureuse de la nature est professeurde composition et d’analyse musicale au conservatoire de Saint-Etienne depuis 2007.

« J’habite un village perdudans les monts du Pilat,à 1 200 mètres d’altitude,mais seulement à quinzeminutes de voiture du cen-tre-ville. Il fait très froid l’hi-ver, mais la beauté et la séré-nité de ce cadre idyllique,en pleine nature, me sontessentielles pour composer.Saint-Etienne est une villegénéreuse, ouverte, proba-blement grâce à son passéouvrier. Sa richesse culturelleet artistique m’a surprise.La programmation del’opéra-théâtre, les exposi-tions et les musées n’ont

rien à envier aux grandes agglomérations. Je ne me suis jamais liée àun territoire mais aujourd’hui, je me sens stéphanoise d’adoption. »

mathieu chaveTrès attaché à sa ville natale, ce Stéphanois de 26 ans, ne comptepas rejoindre Lyon, où il travaille dans l’événementiel.

« Mes collègues aiment me chambrer : “Pourquoit’obstines-tu à rester dansce trou ?” Derrière les plai-santeries, je sens que monchoix de vie les déroute. Ilest vrai que je passeraiscertainement moins detemps dans les transportsen habitant plus près demon travail. Le trajet Saint-Etienne-Lyon me prendune heure porte à portematin et soir. Mais lessirènes de Lyon ne m’atti-rent pas. Saint-Etiennereste ma ville, j’y ai ma

famille et mes amis. Je paie 350 € de loyer pour un studio de 35 mètrescarrés en plein centre… quelle ville peut concurrencer ? La vie estmoins chère qu’à Lyon et beaucoup moins stressante. » �

PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVAIN ROLLAND

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