SAINT FRANÇOIS DE SALES ET LA CONTRE-RÉFORME

SAINTFRANÇOISDESALESETLACONTRE-RÉFORME

Dumêmeauteur

Bossuet,InFine,1992.Fénelon, In Fine, 1993. Grand prix d’Histoire de l’Académiefrançaise1994.

Bourdaloue,InFine,1995.Colbertetlecolbertisme,Tallandier,1997.Louvois,lebrasarmédeLouisXIV,Tallandier,1998.Le Soleil duGrand Siècle, Tallandier, 2000. PrixHugues Capet2000.

Massillon,InFine,2001.LeJansénisme,François-XavierdeGuibert,2002.LaRégence,Tallandier,2003.PréfacedeMadamelaComtessedeParis.

Les Savants du Roi-Soleil, François-Xavier de Guibert, 2003.PréfacedeChristianPoncelet,présidentduSénat.

SaintRobertBellarmin,François-XavierdeGuibert,2004.LesMédecinsduGrandSiècle,François-XavierdeGuibert,2005.LouisXV,lemal-aimé,François-XavierdeGuibert,2006.PréfaceduprinceJeandeFrance.

LaVéritésurl’affaireGalilée,François-XavierdeGuibert,2007.Luther,François-XavierdeGuibert,2008.Calvin,François-XavierdeGuibert,2009.Érasme,François-XavierdeGuibert,2010.HenriVIIIetleschismeanglican,Cerf,2012.

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unautelsacré,avecbéguinetchemisesurlarobeetunerobeàdeuxbras,trouéeetaccoutrée,avecgobeletsacré,corporauxetautreschosesrequises,quetoutestperduetgâté.»

*

Comme les débats traînaient en longueur, Viret et Farels’adressèrentaupeupledeLausanne.Viret,parlantenpremier,s’enpritauclergécatholique:«Lesprêtres,aulieud’enseigneràleurpeuplelaparoledeDieu,mettentdesprêcheursdeboisetde pierre [les statues de Saints]… cependant ils font grandechèreetsontsanssoucis…etlepauvrepeupleestabêtietbaiselesboisetlespierres17.»

*

Le2novembre1536,lebaillideLausanne,jugeantquelesréformés l’avaient emporté, se mit à la tête d’une trouped’archersetfitletourdesparoissesduLausannois,«parcourantles campagnes, rasant les chapelles, renversant les autels etabattant les croix… aux cris de “À bas les papistes18” ».«Quand il ne resta plus dans tout leLausannois un autel, unbénitier,unestatue,uneimagedebois,depierreoud’airain,laréformeprotestanteproclamaquelepayss’étaitconverti19…»

*

Les réformés n’y allaient pas de main morte dans leur

entreprise de « conversion ». Voici, par exemple, l’ultimatumdonné aux habitants d’Yverdon20 qui refusaient d’ouvrir lesportesdeleurvilleauxtroupesbernoises:«Quelavilleseraitdépouillée de ses droits et titres, de son artillerie, de sescuirasses et d’autres armes ; que les habitants paieraient uneforte rançon, remettraient aux Bernois leurs armes et tous leseffetsqu’onyavaitsauvés,detellesortequechacunnegarderaitqu’uncouteauàcouperlepain.»

Effrayés,lesbourgeoisouvrirentlesportesdelaville;unefois dans la place, les Bernois convoquèrent les prêtrescatholiquesetleurinterdirentdedirelamesse.Touslestableauxet images pieuses furent jetés au feu…Le 7 juin 1536, il futdéfendu d’aller à la messe et à confesse sous peine d’uneamendededixflorinsd’argent21…

*

En1594,un jeunehommes’écriera :«C’estpar lacharitéqu’ilfautébranlerlesmursdeGenève,parlacharitéqu’ilfautlarecouvrer… il faut [les] renverser par des prières ardentes etlivrerl’assautparlacharitéfraternelle22.»

Cejeunehomme,c’estFrançoisdeSales.Voicisonhistoire.

1.DontFrançoisdeSalesseral’évêqueentitreàpartirde1602.2.TellesqueLausanne,leLausannois,leChablais…3.Été1597.4.Décembre1602.5.IldevintévêquedeGenèveenavril1523.6.Ilseretirad’abordàAnnecy(où,depuis,sessuccesseursonttoujours

faitleurrésidence),puisàRomeoùlepapelefitcardinal.

7. Au début du XVe siècle. La Maison de Savoie était une maisonsouverained’Italie,dontlafondationremontaitauXIesiècle.8.Telsqueybattremonnaie,yconvoquerl’assembléedesétatsgénéraux

deSavoie,etc.9.Prieurdel’abbayedeSaint-Victorvers1520-1540.10. Purification de la Vierge (Chandeleur). Fête annuelle célébrée le 2

février.11.N’étaient éligibles que des «marchands grossiers » [de gros] qui ne

vendent rien par le menu [au détail], ainsi que des gentilshommes et des«personnessavantes».12.MONTER,Del’évêqueàlaRomeprotestante(Toulouse,1974).13.TelsqueAmiPerrin,Malbuisson,ClaudeRogeretsurtoutFarel…14.LesBernoisétaientdesréformésluthériens.

15.FrançoisIerluiréclamaitl’héritagedeLouise,samère,queleducdeSavoie lui refusait. D’après le roi de France, cet héritage s’étendait auxcomtésdeNiceetdeVillefranche,etàunepartieduPiémont.16.Catholiqueouprotestante.17.RUCHAT,t.VI,p.226.Actesdeladispute.18.RUCHAT,t.VI,p.334.19.CitéparJ.-M.AUDIN,HistoiredelaviedeCalvin,Paris,1856.20.PetitevillesituéeàunetrentainedekilomètreaunorddeLausanne.21. On voit qu’un siècle et demi avant Louvois, les réformés suisses

savaientsecomporteren«missionnairesbottés».22. Cité par François ANGELIER, Saint François de Sales, p. 100

(Pygmalion,Paris,1997).


six ans6 à passer sur les bancs de la Faculté des arts pourdécrocher la Maîtrise ès arts, diplôme lui permettant des’inscrireàlaFacultédedroit,commeledésiraitsonpère.

*

Donc, le 3octobre1578,François commença ses cours aucollègedeClermont,oùilvasuccessivementparcourirlestroisclassesducycledegrammaire,puislescoursd’humanitéetderhétorique. Est-il pensionnaire, ou continue-t-il à résider àl’hôtel de la Rose-Blanche ? On ne sait, mais vu les horairesd’études, nous inclinons à penser qu’il fut au moins demi-pensionnaire.

LeprogrammejournalierdesélèvesducollègedeClermontadequoifairefrémir7.Qu’onenjuge:

«Leleverestàquatreheures.Àcinqheures,mêmel’hiver,ilyapour tousuneclassesuiviede lamesseetdudéjeuner.Audéjeuner, un petit pain.De huit à dix heures grande classe.Àonze heures, le dîner8. Suit la récréation qui consiste surtoutdans la lecture de quelque poète et des interrogations sur lesleçons de lamatinée. L’après-midi amène une nouvelle grandeclasse.Àsixheuresvientlesouper.Onrépèteencoreuneleçon.Enfin, après un salut du Saint-Sacrement, cérémonie dontl’institutiondatedeceXVIesiècle,c’étaitlecoucher9.»

*

Après avoir suivi pendant quatre ans (de 1578 à 1582) lecursus de grammaire, d’humanité et de rhétorique, François

s’inscrivitàlaFacultédesarts10,pourunprogrammequidevaitlemeneràlalicenceetlamaîtriseèsarts.DanslemêmetempsetpourobéiràM.deBoisy,sonprécepteur,M.Déage,«luifitapprendreàdanser,àfairedesarmes(del’escrime)etàmonteràcheval».Illeprésentadanslabonnesociétéparisienne,où«safamilleadesliensdeparentageoud’amitié11».

*

Si le cursus suivi par François lors des quatre annéespréparatoires passées au collège de Clermont avait été rude,celui de la faculté des arts l’était tout autant. Les coursmagistrauxsedéroulaientdelamanièresuivante:leprofesseurlisait à haute voix quelques pages d’un livre qui était auprogrammede l’annéepuis, selon sonhumeur, se livrait à uneexplication de texte (expositio) ou posait des questions auxélèvesetcritiquaitleursréponses(quaestio).

Quelsétaientlesauteursétudiés?Toutd’abord,etsurtout,Aristote dans ses traductions latines, par exemple lePhysica,consacréauxsciencesnaturelles,ledeAnimapourlescoursdepsychologie, Nicomachean Ethics pour l’éthique, l’Organonpour la logique et Metaphysica pour la science de l’être.S’ajoutaient l’Arithmetica deBoethius, les livres de géométried’Euclide, et l’Almageste de Ptolémée qui, écrit au deuxièmesiècle de notre ère, demeura la base de l’enseignement del’astronomiejusqu’audébutduXVIIesiècle12.

*

Bon élève, appliqué, intelligent, François suivit sans peinelescoursde lettresetd’arts libéraux,etcommença lecoursdephilosophieà la rentréede158413 puis, de sonpropre chef, ilentrepritd’étudierenmêmetempslathéologie.

Comments’yprit-il?M.Déage,sonprécepteur,s’était,lui,inscrit à la Sorbonne où il suivait les cours de théologie.François n’hésita pas à lui demander, comme une faveurparticulière : « Je veux voir… la théologie. Elle seulem’enseigneracequeDieudésiremontreràmonâme;tantquejenel’étudieraipas,jeseraicommelepauvreaveuglequifitcetteprière14.»

Ému, le précepteur accorda sur-le-champ l’autorisationdemandée.

Donc, à partir de la fin de 1584, François commença àétudier la théologie. Comment ? « Dès [qu’il] sortait de saclasse,ilallaitl’attendre[M.Déage]danslasienne,écoutaitlesdisputesetl’explication,etquandilarrivaitasseztôt,ilécrivaitlesleçonsdethéologiequ’onyfaisait;et,étantderetourenlamaison,ayantunpeude loisir, ilcopiait lescahiersdesonditprécepteur15.»

Unautretémoindesavie16aconté:« Soudain [dès] qu’il avait du loisir, bien souvent

s’échappant au sortir des classes de philosophie, il perdait[sautait] ses repas ordinaires afin de s’en aller à la Sorbonneouïr les disputes de théologie, auxquelles il se rendait fortattentif.»

Y comprenait-il grand-chose ? Érasme, qui commença àsuivre les cours de théologie de la Sorbonne en 1495, n’étaitguère satisfait de l’enseignement qu’il y reçut : « Il en conçutune aversion incurable pour la scolastique17 avec sonformalisme désuet, son talmudisme insipide et ses subtilités ;


l’empereur Auguste jusqu’à Justinien. Ce dernier l’avait faitétablir[en530]parsonchancelierTribonien12.

*

L’assimilation du Pandectes ne se fit pas sans mal ! EntémoignentcesnotesdeFrançois:

« Pour moi, pauvre novice, ces petites notes sur lesPandectes, très simples en elles-mêmes, furent passablementpéniblesetlaborieuses…»

Sans que l’on sache pourquoi, les professeurs de droitromain discouraient aussi sur de disciplina militari, ce dontFrançoisseplaignit:

«Ontraiteicilonguementdeladisciplinemilitaire…jenevoispasqu’ilsoitutiledesuersurdetellesquestions…attendu[qu’elles] ont vieilli, il ne paraît pas profitable de consacrer àleurexamencetempsdelacanicule…»

*

Tout concentréqu’il était sur ses étudesdedroit,Françoisn’oubliaitpassapassionpour la théologie. Ilécriraplus tard :«Pendantquej’étaisàPadoue,j’étudiaisledroitpourplaireàmon père et, pour me plaire à moi-même, j’étudiais [la]théologie.»Ilpratiquaitd’ailleursunamalgametoutpersonnelentre ces deux disciplines, notant, par exemple, après avoirterminé13l’étuded’unepartiedesPandectes14:

«J’aiachevé,parlavolontédeDieuetaveclaprotectiondelatrèssainteMèredeDieuetdemessaintPatrons,cespetites

notes sur lesPandectes… l’an 1591, le 10 juillet,mémorableparletremblementdeterrequenousavonsperçuàcinqheuresetdemiedel’après-midi.

Et véritablement, les nations ont été troublées, et lesroyaumes ont chancelé… Et la terre a été remuée. Cherchezd’abord le royaume de Dieu, et tout vous sera donné parsurcroît.»

*

MgrTrochuacettebelleformule:«Ledroit,c’estlaplaineoù parfois l’air manque ; la théologie, c’est la montagne oùFrançoisvarespireràpleinspoumons.»

*

LAGRAVEMALADIEDE1590-1591

Le26 juillet1590,FrançoisdeSalesécrivaità l’undesesanciensprofesseurs15:«Ilyaici[àPadoue]jusqu’àquarante-deuxdenosFrançaisterrassésparlafièvre.»

La chaleur torride qui régnait alors sur la province,combinée avec la détestable hygiène de vie des habitants dePadoue16,créadesravagesparmilapopulation.Quelquesmoisaprèssalettre,Françoisfutlui-mêmeterrasséparlafièvre.

DomJeandeSaintFrançoisadécritsonétat:«Comme il était fort ordonnéà l’étude, etqu’il négligeait

les exercices du corps pour vaquer avec plus de temps et decommodité à ceux de l’esprit, il se fit un grand amas

d’humeurs17ensoncorpsquisejetèrentsursonvisageetilfutsaisid’unegrosse fièvrecontinueaccompagnéed’unefâcheusedysenterie18.»

Audébutde janvier1591,François futobligédegarder lachambre ; la fièvre empirant,M.Déage fit venir unmédecin19qui, après avoir examiné longuement lemalade, semontra fortpessimisteetn’hésitapasàdéclarerqueFrançois«étaitprochedelafin»etqu’ilfallaitpenseràluiadministrerleViatiqueetl’Extrême-Onction,cequifutfait.20

*

Effet bénéfique des saignées administrées par le docteurBottoni, ou manifestation de la robuste constitution deFrançois?Toujoursest-ilque,peuàpeu,lasantérevintetqueM.Déageeutlebonheurdevoirsonélèvereprendrelechemindelafacultédedroit…etdecelledethéologie.

*

LADOULOUREUSEQUESTIONDELAPRÉDESTINATION(JANVIERÀJUIN1591)

On se souvient des doutes qui avaient assailli François aucoursdelafindel’annéede1586,etcommentilavaitéchappéàla terreur que lui causait la prédestination, cette invention deLuther qui, s’appuyant sur saintAugustin, prétendait que touthomme était soit damné, soit sauvé par la volonté deDieu, etqueceuxqu’ildestinait à ladamnationnepouvaient rien faire


insigne.37.MgrTrochunoteavechumour:«Charles-AugustedeSalesprenantce

nomproprepourunnombre,acommisuneamusanteméprise.»Panciroli,écrit-il,prial’assembléedesDocteurs,quifutdequarante-huit…«Depuis,plusd’unhistorienarayédel’existence,pourlemultiplierparquarante-huit,CamilleQuarantotto!»38. Cité par Mgr Trochu : Velleius Paterculus, consul sous l’empereur

Claude,donnasonnomàcesenatus-consulte[loi]quiinterdisaitàlafemme,mariée ou non, de s’obliger [se porter caution] soit pour garantir la detted’autrui,soitpourprendrelaplacedudébiteur.39.Onl’appelaitle«princedelajurisprudence».40.En fait, cescompliments,assezextravagants,étaientcommunsà tous

lesdiplômés.C’étaituneformulestéréotypée.41.IlavaitétéfaitchanoineduChapitredeGenève-Annecyenmars.42.Charles-AugustedeSALES,op.cit.,p.35.43. Où se trouvait, dans la cathédrale, la SantaCasa, ou maison de la

Vierge,quelatraditiondisaitavoirétéapportéeen1295,pardesanges.44.CitéparMgrTROCHU,op.cit.,p.210.45. Le 21 janvier 1592, François reçut, à Padoue, ses lettres patentes de

congréganistedeNotre-DameetlavisitedupèrePossevin.46.Ausuddu lacd’Annecy.M.deBoisys’yétait retiréavecsa famille,

car la région deBrens était devenue dangereuse : leChablais était dévastépériodiquementparlesBernoisetlesGenevois,puisparlestroupesduducdeSavoie…

«L

Chapitre5

L’AVOCAT(NOVEMBRE1592);FRANÇOISREFUSEDESLETTRESPATENTESDE

SÉNATEUR(1593).ILESTNOMMÉPRÉVÔTDUCHAPITREDESAINTPIERREDE

GENÈVE(7MAI1593).L’AVEUAUPÈRE.LESORDRESSACRÉS(MAI-DÉCEMBRE1593).

orsque, le février 1592, François rentre au château de LaThuile,sesparents,safamilleetsesamisluifontgrandefête:ilest chargé de diplômes et de promesses, les plus hautesambitions lui sontpermises ; seschancesdans lavie semblentimmenses1.»

*

Toute la noblesse locale vint l’accueillir : « Le château seremplitdeparents,laréjouissancefutextrême.»

Très vite, toutefois, son père entreprit de le « pousser enavant».D’abord, lemarier(safuturefemmeestdéjàchoisie2),puis l’inscrire aubarreau.Ses plansbien établis,M. deBoisyconvoque son fils : « François, lui dit-il, puisque vous êtesl’aînédevosfrèresquisontengrandnombre,vousdevezaussi

êtreun jour leurappui.Etpartant, il fautquevous jetiez [quevous affirmiez] votre prétention à des charges que laconnaissance des bonnes lettres ne refuse jamais à vossemblables. Vous savez que nos ancêtres ont apporté à notremaison, par la grâce de Dieu, beaucoup d’armoiries et degénéalogies ;mais certes, quant aux revenus, ils n’en ontmisqu’à médiocrité. Il est en votre pouvoir d’y apporter l’un etl’autre3,sivousvoulez…

Votre mère et moi, après avoir bien considéré le tout,trouvons qu’il est nécessaire que vous alliez àChambéry pourvousfairerecevoiravocatausénat4.»

«Jeleferai,monpère»,réponditFrançois.

*

Donc, quelques jours plus tard, il se mit en route pourChambéry5,munidedeuxlettresderecommandation,l’unepourun jurisconsulte6 et l’autre pour le secondprésident duSénat,M. Raymond Pobel. Puissant personnage, celui-ci « arrangeatouteschoses, fit inscrire lecandidatpour l’examend’usageetpromitdeplacercetteformalitéàunedateaussirapprochéequepossible».

Dans le même temps, M. de Boisy, qui comptait bienaccélérer les choses, envoya François rencontrer FrançoiseSuchet, la fiancée qu’il lui destinait. L’entrevue eut lieu auchâteaudeSallanches7.

Bien accueilli, François « fut poli, courtois, autant qu’onpeutl’être,maisilnefutquecela…Françoisparaissaitfaireauseigneur deBellegarde et à sa nièce une visite de bienséance,riendeplus».


Q

Chapitre6

LAPRÉVÔTÉ.«ILFAUTRECONQUÉRIRGENÈVE»(DÉCEMBRE1593).LAMISSION

DUCHABLAIS(1594).

uelques jours après Noël, François fut installé[officiellement] prévôt du chapitre de Genève dans une

cérémonieàl’égliseSaint-Françoisd’Annecy1.C’estàcetteoccasionqu’ilprononçaunimportantdiscours

quiannoncecequeserasonactivitédeprévôt,d’abord,puisdeprélat,ensuite.Surlethème«IlfautreconquérirGenève»,c’estunappelauxarmes,«auxarmesspirituelless’entend2».

*

Après avoir distribué les cadeaux traditionnels que toutnouveau prévôt devait offrir à chacun des chanoines, auxvicaires, aux sousdiacres et autres petits clercs3, « il pritpossessiondesaprévôtéparlebaiserdugrandautelavectouteslescérémoniesaccoutuméesentellerencontre.Etcommetoutlemondeétaitravidelevoirenhabitcanonial,oncourutenfouledans l’église, en sorte que les chanoines avaient peine à seremuer, tanton lespressaitde toutesparts.Lenouveauprévôt,étant debout devant sa stalle, harangue Messieurs du

Chapitre4».Après avoir égrené les compliments d’usage, puis avoir

souscrit aux protestations d’indignité courantes, Françoischange toutàcoupde ton,et s’adressantà :Mescompagnonsd’armes, il va disserter longuement sur le thème de lareconquêtedeGenève,reconquêtetoutespirituelle.

Ce discours-programme étant d’une importance capitalepouréclaireretlapenséedeFrançoisdeSales,etsaconceptiondel’actionàmenerpourarriveràcettereconquête,nousallonsenciterdelargesextraits5:

«C’estparlacharitéqu’ilfautébranlerlesmursdeGenève,par la charité qu’il faut l’envahir, par la charité qu’il faut lareconquérir…

Jenevousproposenilefer,nilapoudredontl’odeuretlasaveurévoquentlafournaisedel’enfer.Jen’organisepasundecescampsdontlessoldatsn’ontnifoinipitié.Quenotrecampsoit le camp de Dieu, dont les trompettes font entendre enaccents pleins de douceur :Saint, Saint, Saint est le SeigneurDieudesarmées…

IlfautrenverserlesmursdeGenèvepardesprièresardenteset livrer l’assautpar lacharité fraternelle…;enavantdonc,etcourage,excellentsFrères!Toutcèdeàlacharité; l’amourestfortcommelamort,etàceluiquiaime,rienn’estdifficile…

Nous laisserait-elledonc insensiblecettedouleurquenousdevrions éprouver par suite d’un exil d’autant plus lourd6 etmoinshonorablequenospéchésàtousenprolongentladurée?LesIsraélitess’assi-rentsurlesrivesdesfleuvesdeBabyloneetpleurèrent au souvenir de Sion. Que ferons-nous donc,chanoines de Genève ? Ne sommesnous exilés et pèlerins surune terre étrangère, celle que nous habitons et foulons de nospieds?

Asseyons-nous donc sur ces rivages des fleuves deBabylone… pleurons au souvenir de cette Sion genevoise[Genève], jadis si glorieuse des trophées du Christ, etaujourd’hui… gisant accablée sous la honteuse servitude deshérétiques[protestants]…

L’hérésie,partoutoùellepasse,renverse,détruitleséglises,brise les images des saints. Or Genève conserve ses templesintacts7, levisage seulde ses images [les tableaux, fresques etstatues] a été récemment détérioré ; les stalles des Chanoinessubsistentencore8…

Bons signes, mes Compagnons, bons signes ! Conduiteprovidentielle qui rappelle à nos ennemis l’usurpation de nossièges, nous excite à recouvrer notre bien, par un heureuxretour…»

*

LesVisitandinesrelatent:«surcela[ayantconclu]ilfituneprofonde inclination à l’assemblée.Tout le peuple le chargeaitd’acclamationsetdebénédictions.»

*

Ayant ainsi proposé à ses chanoines leur « feuille deroute»:ilfautreconquérirGenève,leprévôtfraisémouluvasemettre au travail. Tout en continuant « pour se plaire à lui-même » son étude de la théologie, il eut ses heures deconfessionnal,attiréqu’ilfutparcettefonctionduministère.Ilprononça aussi de nombreux sermons, qui lui valurent une


telles que l’origine divine de l’Église catholique, la réalité del’EucharistieetdelaMesse.

Peu à peu, son auditoire du dimanche s’accroît pouratteindre une douzaine, tous anciens catholiques devenuscalvinistesparlaforcedeschoses…

La réaction des autorités réformées ne se fit pas attendre,commeledéploreFrançoisdansunelettreausénateurFavre18.

« Le gouverneur des Allinges, avec quelques autrescatholiques, n’a rien négligé pour attirer, par de secrètespersuasions,lespaysansdesalentoursetlesbourgeoisd’Évianànossermons.

Seulement le démon s’en est tout de suite aperçu, car lesprincipauxdeThonon[leschefsdescalvinistes]ayantassembléleurconseil,sesontjurésparunesouveraineperfidiequenieuxni le peuple n’assisteraient jamais aux prédicationscatholiques…

Cela fut fait, à ce qu’on m’a dit, à la maison de ville, etplusieurs avaient déjà pris cette résolution à l’assemblée desimpiesqu’ilsnommentleurconsistoire…

Queferiez-vous,monfrère?Leurcœurestendurci19:ilsneveulent pas nous écouter parce qu’ils ne veulent pas écouterDieu… Ils voudraient nous enlever l’espérance de mener nosaffaires à bien, et, par suite, nous contraindre à partir,mais iln’enserapasainsi…»

Loin de se décourager, François proposa de « rétablir lacélébration du Saint Sacrifice [la Messe] le plus tôt qu’il sepourra,afinque l’hommeennemi voie que, par ses artifices, ilnousdonneducourageaulieudenousl’enlever20.»

*

L’hiver de 1594-1595 fut d’une rudesse exceptionnelle,rendant particulièrement pénible les voyages quotidiens deFrançois entre Thonon et la forteresse des Allinges. Avechumour,commelebarond’Hermanceluirépétait:«Vousvoustuez»,Françoisrépondit:«Eh,seigneurbaron,jen’eniraiqueplustôtenparadis21.»

Toutefois lamoisson demeuraitmince !Ayant entrepris deprêcherl’Aventde1594àThonon,FrançoisenrendaitcompteàsonamiFavre:

« Je commence aujourd’hui à prêcher l’avent à quatre oucinq petites personnes ; tout le reste ignoremalicieusement cequeveutdireavent22,etcetempssiaugustedansl’Égliseestenopprobreetendérisionparmicesinfidèles.

L’oraison, l’aumône et le jeûne sont les trois parties quicomposent le cordon difficilement rompu23 pour l’ennemi ;nous allons, avec la divine grâce, essayer d’en lier cetadversaire24.»

*

Presquechaquejour,pendantcetAventde1594,ilréunitlescatholiques lespluscourageuxdeThonon, lesconfesseet leurdistribue l’Eucharistie. Il rayonneégalement autourde laville,sa bible et son chapelet à la main, visitant les catholiquesdispersés dans les hameaux, essayant aussi, sans y réussirsouvent, de pénétrer dans les foyers protestants ; mais labesogne est rude, « les gens ont peur, le prêtre papiste est àl’index,etl’œildeGenèvesurveilletout25».

Ces voyages, par la mauvaise saison, étaient souventpérilleux. C’est ainsi qu’un soir, François, voyageant seul, fut

assailli par une meute de loups et n’eut que le temps des’échapperengrimpantsurunarbre26oùilpassalanuit,attachéàunebrancheparsaceinture…

*

Les éléments et les bêtes féroces n’étaient pas les seuls àmenacerlemissionnaire.Le8janvier1595,Françoisfutattaquéparunhommequi«s’estpromisdeletueretdeportersatêteàGenève» ;miraculeusement, lemousquetde l’assassinfit longfeuetl’hommes’enfuit…

Une autre atteinte se produisit un soir de février 1595.Accompagné de trois autres personnes27, François remontaitpaisiblement vers la forteresse des Allinges lorsque deuxhommessurgirentd’unbuisson,ets’avancèrentverslui,l’épéeàlamain.Sansperdresonsang-froid,lemissionnaireallaàeuxetleurparla…Stupéfaits,lesassaillantsluidirentqu’onlesavaitpayéspourletuer,puisilss’enfuirent.

Misaucourantde l’incident,M.deBoisy intima l’ordreàsonfilsderentrerauchâteaufamilial,maisFrançoisrefusa,luiécrivant : «Nul ne peut douter de lamauvaise volonté de nosadversaires [les calvinistes]mais aussi vous fait-on tort quandondoutedenotrecourage28…»

*

LESCONTROVERSES,LEJOURNALISTEAPÔTRE

Onadit, écritMgrTrochu,« si saintPaul revenaitdenos


*

Fortsdeleursrésolutions,lessyndicsdemandèrentàundesleurs de se rapprocher de Viret et de l’encourager à défierFrançois de Sales. Pour motiver le pasteur, l’envoyé lui dit :« Pourquoi ne l’attaquezvous pas en dispute ? Pourquoisouffrez-vousqu’il fasse l’insolent en cette ville [Thonon] ? Ils’est vanté d’avoir de si forts arguments qu’il défie même lediabled’ypouvoirrépondre.Faitesqu’illesdéclare,afinquesilaraisonestdenotrecôté,nous[puissionsledémontrer]…

Essayez une fois pour toutes ; et de vrai [en vérité],Monsieur,ilyvadevotrehonneur5…»

*

Ainsi mis au défi, Viret battit le rappel des ministres duChablaisetdupaysdeVaud,lesappelantàsonaide.Aprèsenavoirdélibéré,ilstombèrentd’accordpourproposeràFrançoisune conférence publique, pensant que se sentant seul contretous,ilrefuseraitlecombat.

Françoisacceptalarencontre,etchacunsemitàfourbirsesarmes : le champion catholique « se remettant au grec avecacharnementafindemieuxrésoudrelesobjectionsdesministresportantsurlesécritures6»,etlegroupedespasteurscalvinistesdécidantdeseréunirpourprésenterunfrontcommun.

Cette réunion eut lieu en présence d’Antoine de Saint-Michel7,maislespasteursneparvinrentpasàuneentente.Ilyeut«autantd’opinionsquedetêtes8».Mécontent,leprésidentduConsistoire9leurfixaetunjouretunlieu10,etlespriad’êtreprêtsàdébattre.

*

«Aujouretau lieufixés, ilyeutfoule…toute lavilledeThonons’assembla11.»

Et ilyeutaussiFrançois,maisFrançois toutseul !Pasdeministres!

La foule attendit, puis commença à s’agiter ; François,paisible, souriant, attendit aussi…Toutàcoup,unhomme,unseul, apparut : c’était Viret qui, confus, tint au peuple lediscourssuivant:

«MescollèguesdeChablais etdeVaud, tout commemoi,étaient véritablement prêts à la dispute, mais après avoirmûrement considéré [réfléchi], ils ne jugent pas à propos decommencer une chose de si grande importance sans leconsentementetexpressepermissiondeSonAltesse[leducdeSavoie], de peur que cette entreprise n’apporte plutôt dudommagequeduprofit,autantàunpartiqu’àl’autre12.»

Ébahie par cette dérobade, la foule hua le malheureuxpasteur,pendantqueFrançoisetplusieursdesesamisriaientàgorge déployée ! Puis, le missionnaire restant seul maître duterrain,«pritentémoinstouslesassistantsqu’ilnetenaitpasàluiqueladisputenesefît».

*

Conséquence directe de la dérobade deViret, ou réflexionsur les sermonsdeFrançois?Toujoursest-ilqu’unévénementdelaplushauteimportanceseproduisit le19février1596.Cejour-là, en l’église de Thonon, Antoine de Saint Michel,seigneur d’Avully, président du Consistoire réformé, confesse

publiquementlafoicatholique13!Issu d’une vieille famille genevoise, Antoine de Saint

Michel était « l’un des plus savants et plus opiniâtrescalvinistes » de la province. La nouvelle de cette conversion,lorsqu’elleparvintàGenève,yfitl’effetd’uncoupdetonnerre.LepasteurAntoinedelaFaye14annonçaqu’ilallaitserendreàThonon,pourrencontrerAntoinedeSaint-Micheletlerameneràl’orthodoxiecalviniste.Thononattendit…etnevitrienvenir.

Relevantledéfi,FrançoispartitpourGenève,encompagniedu seigneur d’Avully, de son cousin Louis, et de « quelquesautresdeThonon».

La rencontre se déroula [probablement] dans lamaison duministre. Selon des témoins, celui-ci « mit en question laPrésence réelle, le purgatoire, l’invocation des saints15 ».François lui répondit point par point, le pressant si fort queFayesemitencolère,etrompitladiscussion16.

Le seigneur de Saint-Michel revint de Genève « confirmédanssafoicatholique».

*

En avril 159617, François termina ses prédications deCarême par un sermon sur la présence du Christ dansl’Eucharistie.Ilaffirmaitavecforce:

«LachairduChristestdansl’Eucharistie,etnonseulementsa chair, mais encore son sang, son âme vivante et vivifiante,avec sa divinité…Oh ! quel “festin", dans lequel on reçoit leChrist18!»


Maisaussi,mesFrères,si[après]jevousfaisvoirlafacedumensonge contraire, je ne doute nullement que la laideurincroyable de celui-ci ne vous fasse beaucoup plus admirer etchérirlabeautédecelle-là1.»

*

Cessermons,fermesdansletonetladoctrine,entraînèrentde nombreuses conversions dans le Chablais, et jetèrent letroubleparmi lesministresgenevois,quis’inquiétaientdeplusenplusdessuccèsdeFrançois.

Était-iltoujoursdouxetposé?Laplupartdutemps,certes.Il lui arrivait toutefois de se laisser aller à quelques vivacitésdanslepropos.C’estainsiqu’unjour,parlantdeCalvin,etdeses prêches dans les églises genevoises désaffectées, il dit :«Calvin,cepunais[cepuant]2!»

*

Deplusenplus,FrançoissesentchezluiàThonon:«Onlevoitalleretvenirdanslesrues,saluédebeaucoupdegens;ilbaptise,ilconfesse,ilfaitlescatéchismesàl’église;ilvisitesesmalades…c’estuncurédanssaparoisse3…»

*

Le16juin1597,Françoisreçutunelettredunonce,pleinedelouanges,etseterminantdemanièreassezmystérieuse:

«JetransmetsàVotreSeigneurerieunbrefduSaint-Pèreenréponseàlalettrequevousluiavezécrite4…etjeneveuxpasmanquer de vous dire que sa Sainteté vous aime beaucoup etvousaentrèshauteestime…

Quantàvotreprojetdeconcouriràcebénéfice5, jenepuisquem’enremettreàvous,vousconsulterez,vousréfléchirez…

Seulement je puis vous assurer que vous n’aurez cetteparoissequepourpeudetemps,parcequeSonAltesse[leducdeSavoie]vousdestineàdeplusgrandeschoses…6

*

Enfait,c’étaitlàunemanièretouteromainedeluiannoncerune prochaine promotion. Depuis longtemps, Mgr de Granier« ne se sentait plus la force de régir, à lui seul, le diocèse deGenève,»7etilvoulaitfaireduprévôtdesonChapitre,d’abordson coadjuteur, puis son successeur. Pour le bon évêque,François avait, et au-delà, toutes les qualités requises : lanaissance, la distinction, les diplômes de deux universitésprestigieuses,ParisetPadoue.Deplus, ilvenaitdedémontrer,parsonactiondansleChablais,sestalentsdemission-naire.Lechoixétaitexcellent.

Mgr de Granier résolut donc de s’adresser au duc deSavoie8 ; il luifitdoncporter9unerequêteconcernant lefuturcoadjuteur, que Charles-Emmanuel reçut dans le courant dumoisd’août1597.

Et,dès la findecemois, leduc répondità l’évêqueen luienvoyantdes lettrespatentes«par lesquellesMessireFrançoisdeSalesestnommé,moyennantl’approbationduSaint-Siège,àl’évêchédeGenève,parcoadjutorerieouautrement10.»

*

Restait à obtenir l’investiture pontificale, mais ce n’étaitqu’une formalité. En fait, tout en l’ignorant encore, Françoisétaitdéjàcoadjuteur…

*

LESQUARANTEHEURESD’ANNEMASSE

Encetétéde1597, ileut l’idéededonnerauxcatholiquesduChablais, par une grande cérémonie publique, le sentimentqu’ils étaient désormais nombreux et qu’il fallait à présentcompter avec eux.Réunissant ses amis, il proposa d’organiserune cérémonie appeléeprière deQuaranteHeures11, idée quifutadoptéepartous.

Afind’éviter touteviolence,François se refusa à la tenir àThonon et proposa Annemasse, située à cinq lieues ; ceci futaussiapprouvépar tous.Consulté, leducdeSavoiedonnasonaccord, regrettant toutefois de ne pouvoir y participer, retenuqu’ilétaitparses«travauxdeguerre».

Le6septembre,Françoisreçutdansl’égliseSaint-HippolytedeThonon«tousleshommeset jeunesgensquise[sentaient]assezrobustespourunsibeaupèlerinage12».

Après avoir dit la messe « à la fine pointe du jour »,Françoisquittal’églisesuivid’environcinqcentsparoissiens13.Laprocessionsemitenmarche,paruntempsassezmauvaisetsur des chemins « boueux et rompus ». De temps à autre, lapieuse colonne entonnait des cantiques…Dans chaque villagetraversé,denouveauxconvertisvenaientgrossirlapetitetroupe


*

FrançoisprésentaalorslesrequêtesdeMgrdeGranier4;lepape en confia l’étude à des commissaires, recommandant aujeuneprévôt d’attendre leursdécisions en sedélassant par desvisites et despèlerinages, cequ’il fit, tout en se liant d’amitiéaveclecardinalCamilleBorghese,lefuturPaulV.Ilgagnaaussi«l’estimeetl’affectionducardinalCésarBaronius,l’auteurdesAnnalesEcclésiastiques5».

*

Le15mars,M.deChisséfut reçuenaudiencepar lepapeauquel ilprésenta la requêtedecoadjutoreriepourFrançoisdeSales. « Eh bien, répondit Sa Sainteté, que notre cher fils sedisposeàparaîtredevantnouspoursonexamen6.»

Toutefois, un grave problème de préséance se présentaaussitôtcarl’ambassadeurdeTurinauprèsduSaint-Siège7,misaucourant,expliquaàFrançoisquesesoumettreàcetexamenétait aller contre les privilèges de Son Altesse [le duc deSavoie].Eneffet,selonlui,lesélusduducenétaientexempts8.

Mis au courant, le pape répondit qu’il ne voulait pasremettreencauseceprivilège, etquecet examenn’était«quepour son contentement afin de sonder la capacité du futurcoadjuteur9 ». Cette réponse donna toute satisfaction àl’ambassadeur.

*

Lasituationétantdoncclarifiée,Françoisserenditaupalaispapallelundi22mars[1599]oùilfutintroduitdansunegrandesalle«toutepleinedemonde10».

Après s’être agenouillé, il fut interrogé sur « trente-cinqquestions fort difficiles11 ». Sans nous étendre sur lespropositions soumises au candidat, nous citerons la dernière,présentéeparlepapelui-même:

«Lesévêques,demandaClémentVIII,peuvent-ilsabsoudredel’hérésie?

–Oui,réponditFrançois,envertudusixièmechapitredelasessionvingt-quatrièmeduconciledeTrente.

– Non, mon fils, répondit le pape en souriant, nous nel’enten-donspas ainsi, parceque cepouvoir des évêques a ététoutfraîchementrévoqué12.»

*

Se levant pour embrasser François, toujours agenouillé,Clément VIII déclara : « Aucun de ceux [évêques postulants]quenous ayons examinés jusqu’ici nenous a donné autant desatisfaction13 » puis, remonté sur son trône, il proclama que« son cher fils François de Sales, prévôt de saint-Pierre deGenève, était nommé coadjuteur du Révérendissime SeigneurClaudedeGranier,avec le titred’évêquedeNicopolis14, en lavieilleEpire15».

IlestànoterqueFrançois,toujourssanslesou,neputpayerles 200 écus qui lui auraient permis de retirer ses bulles decoadjuteur.Ilnelesrecevraqu’en1602,aprèsquesamèresefutacquittéedesadetteauprèsdelachancelleriepontificale…

*

AprèsavoircélébréunemesseàlabasiliqueSaint-PierreetreçuunedernièrebénédictiondeClémentVIII,lenouvelévêqueprit le chemin du retour16, en passant par Notre-Dame deLorette,oùilcélébraunemesse.

Puis, par Bologne et Milan, les trois voyageurs17regagnèrent Turin, où François « fit une ample relation à SonAltesseSérénissimedetoutcequ’ilavaitnégociéàRome,etluifit voir une copie du bref18 » [qui le nommait évêque deNicopolis et coadjuteur de l’évêque de Genève]. Il lui remitégalement un décret, signé par Clément VIII le 24 mars, quiaccordait àMgr deGranier une grande partie des grâces qu’ilavaitsollicitées,cequientraînad’ailleursdescrisd’orfraiedelapart des chevaliers de Saint-Maurice auxquels le pape avaitordonné de pourvoir à l’entretien des prêtres nouvellementnommés à des paroisses du Chablais. En réponse, le nouveaucoadjuteursecontentad’écrireauduc:

«Leditprévôt[François]suppliepourl’amourdeDieuquel’exécution [le début des paiements] ne soit aucunementretardée,maisavancée,maintenueetsoutenue.»

*

FrançoisnerevintàAnnecyquele1erjuin[1599].

1. Il était accompagnédeM. deChissé, neveudeMgr deGranier, et deson serviteur et ami Rolland. Celui-ci avait reçu la tonsure ainsi que lesordresmineurs.2.LouisallaitàRomepoursuivredescoursdedroit,AntoineFavre,qui


«L

Chapitre12

FRANÇOISÀPARIS.SAREQUÊTE.ILPRÊCHELECARÊMEAULOUVRE.SA

RENCONTREAVECMADAMEACARIE.SANOUVELLEVOCATION,«LADIRECTION

DESÂMES».

e mardi 22 janvier 1602, Mgr de Sales et son escorte1arrivaientàParis.Commeautempsdesesétudes,ilpritgîterueSaint-Jacques,nonloindesonanciencollègedeClermont2.»

François commença son séjour parisien par une visiteprotocolaire au nonce3 à qui il exposa le but de samission :obtenir que les bénéfices spoliés par les pasteurs protestantsdans le pays de Gex soient rendus aux curés des vingt-sixparoisses catholiques de la région. Déjà mis au courant del’affaireparRome,MgrdelBufaloconfiaàFrançoisqueleseulàpouvoirl’aideràobtenirunesolutionheureusedecetteaffaireétaitM. de Villeroi4 « à qui le roi s’en remettait des affairesétrangèresdelaFrance5».Lenonceajoutaquesil’onparvenaitàconvaincreleministre,toutseraitgagné.

Or, être reçu par ce puissant personnage n’était pas chosefacile:«Introduitparlenoncedanscemondedeladiplomatie,dontilabienquelqueexpérience,lecoadjuteurauraletempsdeméditer et de prier tout à son aise pendant les interminables

attentes6.»Enfin, il put rencontrer M. de Villeroi, lui remettre un

mémoire7,etl’enentretenir.Le8février1602,ilécrivaitàMgrdeGranier :«Là, j’aibieneuàdébattrepournosprétentions.Néanmoins, à la fin, j’ai donné ma requête fondamentale, surlaquelle ilmeditque leConseilnous feraitdroitet justice,etquenousn’endoutassionspoint…

[Toutcelaprend]unpeuplusdetempsquejenepensais…Je suismarri que la dépense soit si grande, que déjà nous

soyonsenfauted’argent ; toutefoiscen’estni fauted’épargnenifautedesoin,maisparcequetoutnousaétéfortcher8…»

*

Lorsdel’unedesesvisitesàl’hôteldeMercoeur9,Françoisrencontra la princesse de Longueville qui lui confia sonembarras:«LeprédicateurengagépourprêcherleCarêmeenlachapelledelareinefaisaitfauxbond,etMariedeMédicisavaitprié la princesse d’en quérir un autre. N’était-ce pas choseprovidentielle que cette rencontre de Messire François deSales ? La station devait s’ouvrir le 20 février, mercredi desCendres10.»

EtFrançoisprêchaauLouvre!Le9mars,ilécrivaitàM.deQuoex11:«Attendantl’issue

demes affaires, j’ai été forcé, par honnêteté, de prêcher en lachapelledelareinetroisfoislasemaine,devantlesprincessesetlescourtisans,n’ayantpurefuserauxprièresetcommandementsquim’ontétéfaits.»

Et ce fut un succès !Le supérieurgénéral desFeuillants12écrivait:«Ilavaitlavoixforte,intelligibleetposée,lestyletrès

élégant,lestermesbons,propresetnaïfs[clairs],accommodésàsespenséesqui étaient claires, nettes et nullement confusesnienveloppées;sesconceptionsrares[châtiées],hautesetdivines,mais traitées par lui d’une façon commune et si facile, quechacunenétaitcapable [lecomprenait] jusquesauplussimplepeuplequiretenaitaisémentsessermons…Ilaccompagnaittoutcelad’ungestegraveetmajestueux,maisquine tenait en riendufastueuxnidusévère…»

DomJeanajouteque«sonbutétaitd’attirerlesâmesàDieuparl’amour,etlescœursparladouceur…Ainsigagnait-ilplusde cœurs en une heure par cette voie d’amour que d’autres enquarantejoursparlavoiedelarigueur13…»

*

IlsubsisteunenotemanuscritedeceCarêmedeParissurlecommentaireparFrançoisdelaparaboledufestindesnoces:

«Quecesoitunvêtementnuptial,écrit-il…Maisquelestcevêtement?Levéritableamour.

Mais quel est ce véritable amour ?L’amour pur par lequelDieu est aimé pour lui-même, le cœur lui étant totalementdonné14…»

*

Selon Charles-Auguste de Sales, l’éloquence du jeuneprédicateur provoqua des conversions [de protestants] dont«s’émuttoutelavilledeParis15».OrFrançoisn’avaitrienditdans ses sermons contre le calvinisme mais, écrivait-il16 :


minel’Église»etqu’ildéfinissaitainsi:«Ilfautpleureretprieren secret que Dieu mette [l’Église] où les hommes ne lasauraientmettre…Nous devons lui demander… qu’il réformeles abus qui se sont glissés dans la conduite desministres del’Église,etluienvoiedesaintspasteursanimésduzèledesaintCharles[Borromée]31quiserventàlapurifierparlefeudeleurzèle et de leur science, et à la rendre sans tache et sans ridespourladisciplinecommeellel’estpourlafoietladoctrine.»

*

Fortes paroles que le nouvel évêque va affirmer dans unmandement du 15 janvier 1603. S’adressant tant aux prêtresqu’aux fidèles de son diocèse, il leur dicte – raidement – leurdevoir:

«FrançoisdeSales,parlagrâcedeDieuetduSaint-SiègeApostolique,Évêque etPrincedeGenève, à tous ceuxqui cesprésentesverront,salut.

Suivant lesordonnancesetConstitutionsapostoliqueset legénéral consentement de l’Église de Dieu, Nous intimons parcesprésenteslejeûneetl’abstinenceduSaintCarêmeentoutcediocèse, défendant très expressément à toutes personnes, dequelle qualité [condition sociale] qu’elles soient, de manger,vendre ni débiter les viandes lesquelles, selon les lois etcoutumes de l’Église, sont prohibées en ce temps-là, sansexpresse licence [autorisation]parécritdeNous,notreVicairegénéralouautresàcesdéputés32…»

Voilà qui est rudement dit, et pourrait faire penser auxinterditsqu’avaitfulminésCalvindanslatouteprocheGenève!Il faut toutefois reconnaître qu’une reprise enmain s’imposait

dans ce vaste diocèse, mais on peut remarquer que dans cemandement,toutaumoins,ladouceurcédaitlepasàl’autorité.

*

Le1ermai1603,FrançoisestàMondovi,villeduPiémont,pour rendre hommage, en tant qu’évêque d’un diocèse deSavoie,auducCharles-Emmanuel.Bienreçu,ilobtientpourlebaillageduChablais,quisedébattoujoursdansdesdifficultésfinancières pour assurer le fonctionnement des paroisses,quelquessecoursetdégrèvementd’impôts.

*

LEPAYSDEGEX

Ayant bien en main son diocèse, et son administration,François entreprit de rétablir les affairesde la religiondans lepaysdeGex.Enpremierlieu,illuifallaitobtenirqu’unrécentarrêtduparlementdeBourgogne33soitappliqué;trèsfavorableaux catholiques, cet arrêt accordait « entièremain levée34 desrevenus que lesministres [pasteurs protestants] tiraient sur lesbénéfices ecclésiastiques, et principalement des lieux deGex35».

À la demande de François, le duc de Bellegarde fitproclamer que « les prédicants venus de Genève n’avaient,d’après [l’arrêt] aucun droit sur les revenus des anciens biensd’Église36».

Bien entendu, les ministres protestants firent preuve de la

plus mauvaise volonté pour abandonner ces bénéfices « etbaillèrentbiendelapeineaubienheureuxFrançois37».

Le comportement de François face à cette guérilla desprotestantss’entrouvamodifié,«cen’estplusenmissionnairede terrain qu’il agit et combat, mais en juriste38 et endiplomate39».

Ladiplomatie,eneffet,étaitnécessaire:Gexétant,nonpasuneterresavoyarde,maisuneterreappartenantauroideFrance,et33. Le duc deBellegarde avait été nommé « gouverneur deBourgogne,

Bresse, Gex, Bugey et autres lieux » et François s’empressa de lui rendrevisite. bénéficiant donc des termes de l’édit deNantes qui avait établi unecoexistence pacifique entre catholiques et protestants. François ne pouvaitdoncpas réclamerun rétablissementcompletducatholicismemais, toutauplus,obtenirdeGenèvequelesdroitsquiavaientétéaccordésenFranceauxprotestants,fussentaccordésauxcatholiquesdupaysdeGex40.

*

Laissant le pays de Gex à ses disputes et à ses procès,François revint vers son cherChablais41 et entra dansThononoù il reçut un accueil chaleureux. « On le conduisitsolennellementdansl’églisedeNotre-Dame…etlà,agenouillédevant cemaître-autel qu’il avait relevé, l’ancienmissionnaireremercia Dieu et la glorieuse Vierge… de la conversion despeuplesduChablais42…»

Deuxmoisplustard,Françoisexposaitainsilasituationdeson diocèse au pape Clément VIII : « Il y a douze ans, danssoixante-quatre paroisses voisines de Genève43 et pour ainsiparler,soussesmurs,l’hérésieoccupaitleschaires[leséglises],elle avait tout envahi ; à la religion catholique, il ne restait


d’appel en appel, à restituer les biens « qu’il devait à uneordonnancequiavaitignorélaprécédente4».

Françoisquin’aimaitpaslesprocèsentreévêques,expliquaau duc deSavoie que « leCarême lemettrait en relation avecl’archevêqueetqu’ilferaitdesonmieuxpours’arrangeravecluiàl’amiable»,cequiachevadelepersuader.

*

Donc, François, muni de l’autorisation de Charles-Emmanuel, arriva à Dijon dans les derniers jours de février1604. Bien accueilli par les échevins5, il visita la chapelle dupalais ducal6 où il allait prêcher le Carême et, le 3 mars,mercredi des Cendres, il monta en chaire pour prononcer sonpremiersermon.

« D’après les notes qui subsistent de ce Carême, il estvisible que l’évêque deGenève prêcha sur des paroles ou desscènesdel’évangile.Saréputationdescience,d’éloquenceetdesainteté l’ayant précédé dans la capitale de la Bourgogne dèsqu’ilparutenchaire…,ilsevitécoutéd’untrèsgrandpeuple…Ilyavaitdesreligieux,desprêtresséculiers,deslaïcs7…»

*

Or,levendredi5mars,alorsqu’ilcélébraitlamessedanslasainte Chapelle, François aperçut dans son auditoire, « unejeunefemmequiportaitlecostumedesveuves8»etqui,toutenlefixantdesyeux,l’écoutaitavecunegrandeattention.L’ayantremarquée,ilvoulutensavoirplussurelle,etildemandaàMgr

Frémyot9 : « Dites-moi, je vous supplie, qui est cette jeunedame, claire-brune,vêtueenveuve,qui semet enopposite [enface de moi] au sermon et qui écoute la parole de vérité siattentivement?Maisc’estmasœurJeanne-Françoise, réponditl’archevêque.

– Oh bien, s’exclama François, je suis extrêmement aisequ’ellesoitvotresœur10.»

*

JEANNE-FRANÇOISEFRÉMYOT,BARONNEDECHANTAL11

«JeanneétaitnéeàDijonle23janvier1572,quatreansetdemiaprèsMgrdeSales,dumariagedeBénigneFrémyot,alorsconseillerde lacourdescomptes, etdedamoiselleMargueriteBerbisey.C’estàlaconfirmationqu’elleajouteraàsonprénomceluideFrançoise12.»

Sa mère étant morte à la naissance d’un fils (André) en1574,Jeannefutélevéeparsonpèreetparsatante,MargueriteFrémyot,veuvedePhilippeDesbors.

On raconted’elleque,«modeste etde foivaillante», ellemontrait « une aversion si incomparable aux hérétiques[protestants]quesiquelqu’und’euxlavoulaittoucherouporterentresesbras,ellenecessaitdecrierqu’ilnel’eûtposée[tantqu’ilnel’avaitpasposée]13».

Henri de Maupas, son premier biographe, dit d’elle :«Certainjourd’hiver,ungentilhommecalvinistevintfairevisiteauprésident[Frémyot].Jeanne,alorsâgéedecinqans,s’amusaitdansuncoindelalibrairie,oùrecevaitsonpère.Desaffaires,laconversationpassaà laquestion religieuse.L’enfantne futpas

sans s’apercevoir que le huguenot niait l’Eucharistie. Soudainellesortitdel’ombre.“Monsieur,s’écria-t-elle,ilfautcroirequeJésus-Christ est auSaint-Sacrementparcequ’il l’adit ; quandvousnecroyezpascequ’ildit,vouslefaitesmenteur.”

Pour apaiser cette petite, le gentilhomme pensa qu’ilsuffiraitdeluioffrirdesdragées.Illesdéposadanssontablier,mais vite elle courut les jeter au feu, disant à celui qui les luiavait données : “Voilà, monsieur, comment brûleront tous leshérétiques au feu d’enfer, parce qu’ils ne croient pas ce queNotre-Seigneuradit14.”»

*

Après l’avoir envoyée parfaire son éducation dans sapropriétéduPoitou,sonpèrelarappelaàDijonetladonnaenmariage à Christophe de Rabutin, baron de Chantal, dont lesterrestouchaientlessiennes15.

Lemariageeutlieuendécembre1592,danslapropriétédeRabutin, dont Jeanne devint la maîtresse de maison, devoirqu’elle assuma à la perfection : « Levée chaque jour à cinqheures, elle entendait lamesseavec tous sesdomestiques.Dèsqu’elleavaitdonnésesordres,elleprenaitsonaiguilleetnelaquittaitplus.Parfois,s’asseyantaumilieudesesservantes,elleleurparlaitdeDieu,toutentravaillant.Àcellesquiavaientdelavoix,elleenseignaitlechant,afinqueledimanche,àlagrand-messe,ellespuissentsoutenirlechœur.

Le soir, avant le coucher, tout son personnel s’assemblaitencorepourluirendrecomptedelajournée16.»

Sonmaris’absentaitfréquemment,tantpourallerguerroyerauxcôtésduroiHenriIV,quepourpasserdelongsséjoursàla


nedoitmêmepasseposer ;quantà ladoctrine, il fautqu’ellesoitsuffisanteetn’estpasrequisqu’ellesoitexcellente26.

Ausujetdelalégitimemission,MgrdeSalesciteleconciledeTrentequiaproclamé:«C’estleprincipaldevoirdel’évêquedeprêcher»,etajoute:«Cetteconsidérationnousdoitdonnercourage,carDieuencetexercicenousajustespécialement27.»

Cela dit, François définit le but que doit se fixer l’orateursacré:«SafinetsonintentiondoitêtredefairecequeNotre-Seigneur est venu pour faire en cemonde : Je suis venu afinqu’ilsaientlavieetqu’ilsl’aientplusabondamment28.»

Cebutneseraatteintquesil’orateurs’adresseàlafoisaucœuretàl’intelligence;ildoitémouvoiretenseigner.

Doit-ilaussiplaireàsonauditoire?Ilplairas’iléclairelesfidèles et leur fait aimer Dieu, et il doit laisser de côté cette« élégance séculière,mondaine et profane… aux charlatans etcourtisansquis’yamusent.»

*

PuisMgrdeSalesrappellequ’àlabasedetouteprédication,il y a l’Écriture sainte où Dieu nous parle « dans sa languenaturelle».Et somme toute, il n’y aqu’elle, car les livresdesdocteurs chrétiens que l’on consultera ne sont-ils pas « quel’Évangileexpliqué,quel’Écrituresainteexposée»?

Le prédicateur se méfiera des légendes, mais pourraemployeravecàproposleshistoiresprofanes29. Il faut surtoutse garder de multiplier les souvenirs mythologiques : « Lesfablesdespoètessontd’unbienfaiblesecourspourcommenterlessaintsÉvangiles.»

*

Il termine en conseillant : « Il faut que nos paroles soientenflammées, non pas par des cris et des actions démesurées,maispar l’affectionintérieure; ilfautqu’ellessortentducœurplus que de la bouche.On a beau dire,mais le cœur parle aucœur,etlalangueneparlequ’auxoreilles30.»

MORTDECLÉMENTVIII,ÉLECTIONDELÉONXI

L’année1605devaitvoirlamortrapprochéededeuxpapes.Tout d’abord Clément VIII, ce pape laborieux et austère, quigouvernaitl’Églisedepuistreizeans;puis,dix-neufjoursaprèssonélection,LéonXI31.

On se souvient que celui-ci, qui n’était encore que lecardinal Alexandre de Médicis, avait pris part aux QuaranteHeures de Thonon où il avait pu apprécier les qualités deFrançois.Trèsvite,aprèssonélection,ilenvisagead’éleverMgrdeGenèveaucardinalat.

Charles-AugustedeSalesécrit :«LepapeLéonXI l’avaitinscritaucataloguedeceuxqu’ildevaitbientôtcréercardinauxetdevrailachoseétaittelle[réelle]32.»

Misaucourant,Françoiseutcecommentaire:«JeprieDieuqu’il éloigne cette dignité demoi, car je n’en suis pas digne.C’estlavéritéqu’ilfautobéiràSaSainteté,maisvoyez-vous,silechapeaudecardinaln’étaitéloignédemoiquedetroispas,jeneremueraisparlepiedpourleprendre33…»

La mort de Léon XI mit fin à ce projet que Paul Vn’entrepritpasdeconcrétiser.

1.Œuvres,op.cit.,t.XXIII,p.403.2.EtsapetitesœurJeannedeSales,quiavaitonzeans.

3.VilleduJuraoùfut retrouvé,auXIIesiècle, lecorpsdesaintClaude,évêquedeBesançonpendantseptannées.4.MgrTROCHU,op. cit., t. II, p. 144.MmeMarie Brûlart était la sœur

aînée de l’abbesse. François et Mme de Chantal étaient convenus de seretrouveràSaint-Claude.5.MèredeCHAUGY,op.cit.,p.61.6.MèredeCHAUGY,op.cit.,p.62.7.C’estainsiqueFrançoisdeSalesappellelestentationsdelachair[mâter

l’ânesse].8.CitéparMgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.149.9.L’abbécommendatairedel’abbayeNotre-Damed’Abondance.10.MgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.152.11. J. MERCIER, L’abbaye et la vallée d’Abondance (Annecy, Niérat,

1885,p.211).12.Charles-AugustedeSALES,op.cit.,p.327.13.En1606,onydénombrait«450paroissescatholiques,cinqabbayes,

sixprieurésconventuels,quatrechartreuses,cinqcouventsde«mendiants»(AndréRAVIER,op.cit.,p.172).14.CitéparAndréRAVIER,op.cit.,p.173.15.MgrJULIEN,op.cit.,p.135.16.Onsesouvientqu’ilavaitcommencésesétudesàl’écoledeLaRoche

(1573-1575).17.MgrJULIEN,op.cit.,p.133.18.MgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.168.19.Etce,dès1595.20.LetravaildeFrançoisoccupetrentepagesduCodexFabrianus.Ilest

insérédanslesŒuvres,op.cit.,t.XXIII,p.67etsuivantes.21.RappelonsquelespremiersécritspolémiquesdeLuthercontrel’Église

catholiquedatentde1520.22.CitéparMgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.170.23.CitéparAiméRICHARDT,SaintRobertBellarmin (F.-X.deGuibert,


26.CitéparAndréRAVIER,op.cit.,p.183.27.Le28août1607.28.CitéparAndréRAVIER,op.cit.,p.184.29. Il reçut en septembre 1607 un diplôme d’affiliation de l’Ordre de

Saint-Dominique.30.LasœurcadettedeFrançois,quesamèreappelait«sonpetitcœuret

sesdélices.»31..Œuvres,op.cit.,t.XIII,p.41.32.MgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.257.33.Jeannemourutle8octobredessuitesd’unefièvre.34.CitéparMgrJULIEN,op.cit.,p.146.35.CitéparMgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.259.36.OuPuitsd’Orbe.37.CitéparMgrJULIEN,op.cit.,p.147.

Chapitre18

L’ACADÉMIEFLORIMONTANE.L’INTRODUCTIONÀLAVIEDÉVOTE(1609).LAMISEAUPASDESMOINESDEL’ABBAYE

DETALLOIRES(1609).

«Lacharitéetladévotionnesontnonplus[pas]différentesl’unedel’autrequelaflammel’estdufeu…»

SaintFrançoisdeSales

L’ACADÉMIEFLORIMONTANE

À la demande de son ami, Antonin Favre1, Françoisentreprit, à la fin de 1606, de créer une société de lettrés etsavants. Bien qu’elle n’eût qu’une vie fort courte (fin 1606 à1610),cetteAcadémieméritequel’ons’yintéresse.

BaptiséelaFlorimontaneparceque«lesMusesfleurissentparmi lesmontagnesdeSavoie»2, elle avait pour emblèmeunoranger,aveccettedevise:Desfleursetdesfruitsimmortels3.

L’idéedeFrançoisdeSalesétaitd’organiserdesrencontresau cours desquelles des savants et des hommes de lettresprésenteraient leur savoir à « tous les braves maîtres des artshonnêtes,commepeintres,sculpteurs,menuisiers,architectesetsemblables4».

Il était recommandé aux conférenciers « d’enseigner bien,beaucoup et en peu de temps », tout en usant d’un style, tantparléqu’écrit,quisoit«grave,exquis,plein,etne ressenteenpointdefaçonlapédanterie5»…

CesconseilssontàrapprocherdeceuxquedonnaitFrançoisàsonami,MgrFrémyot,l’archevêquedeBourges:

« La forme, dit le philosophe [Aristote], donne l’être etl’âmeàlachose.Ditesmerveilles,maisnelesditespasbien,cen’estrien;ditespeuetditesbien,c’estbeaucoup6.»

*

Le document constitutif de l’Académie était d’une grandeélévationdepensée:

«Lafin[lebut]del’Académieseral’exercicedetouteslesvertus,lasouverainegloiredeDieu,leservicedesSérénissimesPrincesetl’utilitépublique.

On n’y admettra point d’hérétique, schismatique, infidèle,apostat, ennemi de la Patrie ou des Sérénissimes Princes,perturbateurs du repos public ou marqué de quelque infamiepublique.

Tous les académiciens entretiendront un amour mutuel etfraternel. On tâchera d’éloigner de l’Académie tout ce quipourraitenquelquefaçonnourrirladiscorde…

Le Prince de l’Académie sera toujours choisi quelquehommeillustre,vertueuxetportéaubiendel’Académie…

Le Secrétaire sera d’un esprit clair, subtil, expéditif etgénéreux,etbienverséauxlettreshumaines…

Ceuxquiarriveront,l’Académieétantcommencée[laséanceayant débutée], s’assiéront sans cérémonie et sans aucune


Dieunousdonne,Dieunousôte.Sonsaintnomsoitbéni7.»

*

Puis, quinze jours plus tard, Mgr de Sales pressait ainsiMme de Chantal : « Or bien, venez, chère Fille, venez èsmontagnes;Dieuvousyfassevoirl’Épouxsacréquitressailleès monts et outrepasse les collines…Ah ! que cela fut bienchantéhierennotreégliseetdansmoncœur8!»

Dès réception de cet appel, Mme de Chantal avertit sesparentsdesadécision:elleallaitlesquitterpourrejoindreMgrdeSales.«Lelundi29mars1610futlejourdudépart.Commepour rendre plus déchirant son sacrifice, toute la parenté deJeanne-Françoise s’était réunie chez le président Frémyot [sonpère].Quantà lui,nepouvanty tenir, ilétaitallépleurerdansson cabinet de travail. Après avoir embrassé ses proches, ellearrivaàsonCelse-Bénigne[sonfils],alorsâgédequinzeans…Ilsemblequ’onavaitménagéundernierassautcontrecettemèredontplusd’unnecomprenaitpasladécision,sidéconcertante,eneffet,pourlasagessehumaine.Lejeunehommevintsejeteràsespieds,etfutunsujetdepitiéàtoutecettenoblecompagnie.

…MaisquandellevoulutpasseroutrepourallerdireadieuàM. Frémyot, le jeune gentilhomme, avec des pleurs… s’allacouchersurleseuildelaporte.“Hébien,dit-il,mamère,jesuistrop faible…pourvous retenir,maisaumoinssera-t-ilditquevousaurezfoulévotreenfantauxpieds!”…

C’est alors que parut M. Frémyot, Jeanne-Françoises’agenouilla pour la bénédiction paternelle… Ensuite, il [M.Frémyot]fitlevercettechèrefilleet[luidit]:

“AllezdoncoùDieuvousappelle,etarrêtons tousdeux le

coursdenosjusteslarmespourfaireplusl’hommageàladivinevolonté9…”»

*

PuisMmedeChantalprit la route10, et arriva ledimanchedesRameaux(4avril1610)surlaroutedeGenèveoùelleétaitattendue«parl’évêque[FrançoisdeSales]escortédevingt-cinqpersonnes dont le président Favre, sa fille Jacqueline, desseigneurs,denoblesdames…»

Le cortège ainsi formé entra alors dansAnnecy et s’arrêtadans la cour de l’hôtel d’Antoine Favre, oùMme de Chantals’installa.

LAVISITATION

Dans une lettre adressée à un conseiller du duc de Savoie11,FrançoisdeSalesannonçaitainsisesintentions:« En la prochaine fête de la Pentecôte, on doit donnercommencementàunecongrégationdedamesdegrandevertuetqualité. Elles s’emploieront à plusieurs œuvres de charité enfaveurdespauvresetdesmalades…Ellesaurontunemaisonoùelles vivront ensemble12… » Puis François précise la règle :« [La congrégation] reçoit femmes veuves et fillesindifféremment,maisnonpas les fillesqu’ellesn’aient [avant]dix-septans…Lenoviciatdure,selonlescas,deuxoutroisanset s’achève sur des vœux simples. Les sœurs ont une heure lematinetunelesoird’oraisonmentaleetpour[lerestedutemps]unepolice[obligation]detravail,silence,obéissance,humilité,

dénuementdepropriété,extrêmementstricte13…»

*

«IlétaitprévuquelenouvelInstitutseraitinaugurélejourdelaPentecôte,30mai[1610]14.»

Or un grave contretemps se produisit : l’installation devaitavoir lieudans lamaisonde laGalerie,propriétédubarondeCusy, dont la femme devait faire partie du groupe desfondatrices [de la Visitation], alors que son mari se feraitcapucin…Mais,le28mai,MmedeCusynes’étaitplusdutoutsentielavocationetdécidad’abandonnersonprojetderetraite« de quoi monsieur son mari fut affligé au possible…, il dutveniràl’évêchépourcettejoliecommission15».

Après un moment d’anxiété, tout s’arrangea : le baron deCusy n’avait pas encore payé le prix d’achat de la Galerie,Françoissesubstituaà luidanslecontratdevente, l’affairesefit,etlamaisonfutacquise16.

*

L’ouverturedupetitmonastèrefutfixéeau6juin[1610].Cejour-là,surlesoir,«l’onserenditdel’évêchéàlapetitemaisonde laGalerie.BernarddeSalesconduisaitJeanne[deChantal]sabelle-mère17»…

ElleétaitaccompagnéedeJacquelineFavreetdeCharlottedeBréchard.ArrivésàlaGalerie,laporteleurenfutouverteparJacqueline Coste18, déjà en fonction comme sœur tourière.Après s’être recueillies dans la petite chapelle, les sœurs


qu’ileûtparachevésesdévotions38".Cependant,iln’hésitepasàselever:“Ilyatropdeplaisiràjouirdecettedoucepartiedujour39” où l’on prie, où l’on travaille, le cœur et l’espritrenouvelés40.»

Après s’être habillé de haut-de-chausses et d’une soutanerapiécéscar,disait-il,ilnevoulaitpasd’habitsneufstantqu’onpouvaitrapiécerlesvieuxetépargnercettedépensepourhabillerles pauvres, il passe à son prie-Dieu et « prie avec ardeur »,passantuneheureenoraison41.

Comment François de Sales priait-il ? Sa méthode n’étaitpas différente de celle qu’il enseignait à Philothée dans sonIntroduction à la Vie dévote, c’est-à-dire « simple, logique etpratique… [Épousant] les mouvements de l’intelligence et ducœur42».

« Quel bonheur, confiait-il à une cistercienne de Sainte-Catherine,quelbonheurd’êtrelàseulàseulavecDieu,sansquepersonnesachecequisepasseentreDieuetlecœur,queDieumêmeetlecœurquil’adore43!»

*

Puis François va s’asseoir devant sa table à écrire ets’attaqueauvolumineuxcourrierquis’estentassé.Illuiarriveradeseplaindredumilliasse44delettresqu’ilreçoitetauxquellesils’attacheàrépondre.Bienqu’ilypassedesheures,iln’arrivejamaisàfairediminuerlamontagnederequêtes:c’estunprêtrequi traite des affaires de sa paroisse ; un plaideurmalheureuxdont unmot de sa seigneurie pourrait attendrir les juges ; unadolescentdebonnefamillequiambitionnededevenirpage;unévêque,unreligieux,quivoudraientbienavoirlasolutiond’un

casdeconscienceoud’unproblèmedethéologie ;unenovice,uneprofessequisesententperdrecourage…

*

Combien de lettres François a-t-il envoyées pendant sesvingt années d’épiscopat ? Vingt mille, peut-être ? Certainsjours,toutefois,ilperdaitcourage:«Secourez-moibienparvosprières»,demandait-il…

*

LAPRESSEDESAFFAIRES

François n’a pas de jours fixes pour ses réceptions, maisreçoittouslesjours.«Verslemilieudelamatinée,plusieursdeses prêtres, venus de la campagne, sont là, qui demandent sonaudience45. » Comment les recevait-il ? Le révérend MichelCharbonnel, depuis peu curé de la paroisse de Cervens, l’araconté : « Il m’écoutait volontiers, m’expliquant tous mesdoutesetm’enseignantcommejem’ycomporterais;etilfaisaitcela avec un cœur si zélé et paternel que je ne saurais dire laconsolationquej’enrecevais46…»

Àunjeuneprêtrequ’ilvenaitd’ordonner,ildisait:«Prenezcourage,jevousenseignerai,jevousenbaille[donne]parole.»

*

Lesaudiencesterminées,aprèsuneprièredansl’oratoire,onpassaità table.Lemenuétait«médiocre, frugal…, jamaisquedesviandesordinaires,bœuf,mouton,quelquefoisdelavolailleavecquelquepotage[garniture]».

Pendantlerepas,Françoisfaisaitliredeslivresdedévotion,ou la sainteBible,ouencored’autreshistoires sacréesdont laVie des Saints de saint Charles Borromée. Dirigeant laconversation,«ils’employaitenbonsdiscoursdethéologieoudechosesspirituelles»,sibienquepleindesonsujet,oublieuxde l’endroit et de l’heure, « il en perdait le manger et leboire47».

*

Le repas fini (et il n’était jamais bien long), l’évêquedescendait dans la cour pour faire l’aumône aux pauvres,aumônes qui consistaient en argent, en pain, en légumes. PuisFrançois remontait dans la salle des audiences et làrecommençait la « tyrannie des visites et entretiensimportuns48».Ilavaitrecommandé,unefoispourtoutes,àsesdomestiques, de prendre garde à ne renvoyer aucune personnequidemandaitàluiparler…

« Il recevait toujours chacun avec un visage doux etgracieux…quandceuxdesamaison,pourledétournerdetantrecevoir,luiparlaientdesrusticitésetdesinsipiditésd’autrui,ilrépliquait:etnous,quesommes-nous?

Mgr de Sales recevait en cachette les pauvres honteux, etnourrissait beaucoup de personnes qui n’osaient mendier leurpain49.»


Port-Royalfurentchasséesmanumilitari.Leroienvoyaleguet,quimitdehorsMmed’Estrée,etAngéliqueputrevenir.

C’estàMaubuissonque,le5avril1619,lamèreAngéliquerencontra François de Sales, elle tomba sous le charme et futséduite à la fois par sa douceur et sa fermeté. François fitplusieursvisitesàMaubuissonpourrevoircellequ’ilappelaitsatrèschèrefille.IlvisitaégalementPort-Royaletdevint,àParis,ledirecteurdeconsciencedesArnaud.

L’évêqueetMèreAngéliqueentretinrentunecorrespondancenourrie, dans laquelle il s’efforça souvent de tempérer lesardeurs de lamère abbesse, lui écrivant par exemple : «Ômafille,non, jevousenprie,necroyezpasque l’œuvrequenousavonsentreprisdefaireenvouspuisseêtresitôtfaite39…»

*

Impatiente de voir « l’œuvre faite, Angélique était sansmodérationdans lesmortificationsqu’elles’imposait.Françoislareprenait:«Mangerpeu,travaillerbeaucoup,avoirbeaucoupdetracasd’espritetrefuserledormiraucorps,c’estvouloirtirerbeaucoup de service d’un cheval qui est efflanqué, et sans lefaire repaître… Ne vous chargez par trop de veille etd’austérité…»

Lepèred’Angéliqueétantmortle29décembre,FrançoisdeSalesluiécrivitavecaffection:«ÀmesurequeDieutireàsoi,pièceaprèspièce,lestrésorsquenotrecœuravaiticibas,c’est-à-direcequenousyaffectionnions,ilytirenotrecœurmême;etpuisquejen’aiplusdepère[sur]terre,jediraipluslibrement,notrePèrequiêtesauxcieux.Ferme,matrèschèrefille,toutestànous,etnoussommesàDieu40.»

*

Hélas, s’écrie l’abbé Fuzet, à la douce et riante figure deFrançois de Sales qui écrivait : « L’humilité, la simplicité decœur…etlasoumissiond’espritsontlessolidesfondementsdela vie religieuse…, j’aimerais mieux que les cloîtres fussentremplisdetouslesvicesquedupéchéd’orgueiletdevanité…»vasuccéder lesombreSaint-Cyran41qui imposeraàAngélique«unedirectionde crainte et de tremblement, une théologiedeterreur,etunmysticismeobscuretexubérant42».

*

LARENCONTREAVECRICHELIEU43

FrançoisquittaParis,pourneplusyrevenir,levendredi13septembre1619,sansregretter«letracasinsupportabledecettegrandeville».Ilécrivait:

«Certes, lacourm’estensouverainmépris[je laméprise],parcequecesontlessouverainsdélicesdumondequej’abhorredeplusenplus,etlui[lemonde],etsonesprit,etsesmaximes,ettoutessesniaiseries44.»

Or, cette cour, François va la retrouver à Tours, où elleséjournaitdepuisplusieursjours.«Ceseral’occasionpourMgrFrançois de Sales d’aborder tout plein de prélats etparticulièrementl’évêquedeLuçon,MgrArmandduPlessisdeRichelieu45.»

Françoisadécritleurrencontre:«L’évêquedeLuçon[Richelieu]mejuratouteamitiéetme

ditqu’enfinilserangeraitàmonpartipournepenserplusqu’àDieuetausalutdesâmes46.»

Ilestànoterque lecardinaldeGondi,quiétaitévêquedeParis, lui proposa de devenir son coadjuteur47, mais Françoisrefusa,disant:«Jenevoudraisêtredémarié[desonévêchédeGenève]quepourn’êtreplusmarié[c’est-à-direêtremort]48.»

*

Enfin, le31octobre1619,aprèsunand’absence,FrançoisdeSalesretrouvasoncherdiocèse,écrivant:«Mevoicienmonnid49!»

1.VoirAnnexeII.2.VoirAnnexeII.3.D’une«fièvrepestilentielle».4.Ilcommandaitunebandede1200soldats.5.Marie-AiméedeSales,filledelamèredeChantal.Ellen’avaitquedix

neufans.6.CitéparAndréRAVIER,op.cit.,p.251.7. Bernard « avait fait sa confession générale et reçu la communion et

l’extrêmeonctionfortpieusement»,Œuvres,op.cit.,t.XVIII,p.17.8.LessœursdelaVisitation.9.Œuvres,op.cit.,t.XVIII,p.73.10.LelendemaindesCendres.11.Œuvres,op.cit.,t.XVII,p.343.Aprèsavoirprêchél’Aventde1616à

Grenoble,ilyprêchaleCarêmede1617.12.Œuvres,op.cit.,t.VIII,p.236-343.CitéparMgrTROCHU,op.cit.,t.

II,p.596.13.NéàCarthagevers160,mortvers245.Quoiqueséparédel’Église,il


retour de François à Lyon, arriva à laVisitation. «Ce jour-là,notelamèredeChaugy,Françoiss’étaitdégagédelapressedeses autres affaires » mais, comme la mère de Chantal lui ditd’entrée…MonPère,moncœuragrandbesoind’être revudevous,MgrdeSaleslareprit:MaMère,nousparleronsdenous-mêmes à Annecy, maintenant achevons les affaires de notrecongrégation…»

« Sans un mot de réplique, Jeanne-Françoise de Chantal,repliantlebilletoùelleavaitnotél’étatdesonâme,dépliaceuxqu’elleavaitfaitsdesaffairesdel’institut[lesdiversesmaisonsde laVisitation].Alors le saint et la sainte conférèrent quatregrandesheuresensemble42…»

PuisFrançoisordonnaàlamèredeChantal«d’aller,souslagardedeM.MichelFavre,visitersuccessivementlesmonastères[delaVisitation]deGrenoble,deValenceetdeBelley,puisdese rendre à Chambéry pour étudier sur place le projet d’unenouvellemaison…»Sabénédictionfutunadieu.

LamèredeChantalpritcongé,sachantqu’ellenelereverraitplus.Enchemin,ellechantalevingt-sixièmePsaume:Monpèreetmamèrem’ontabandonné,maisleSeigneurm’arecueilli.

*

Le samedi 24 décembre, malgré « un froid extrême »,François se rendit au couvent des Récollets pour bénir lapremièrepierredeleurnouvelleéglise.Lacérémonieduraplusdetroisheures43,etilenrevintexténué,avecunfortmaldetête,cequinel’empêchapasdecélébrerlamessedeminuitdanslachapelledelaVisitation,puisdeprêcherensuite44.

«Avant l’aube, ilserendità l’églisedesDominicainspour

confesser le prince Victor-Amédée de Piémont et la princesseMarie-Christine.Ilcélébradevanteuxlamessedel’auroreetlescommunia45.»

À huit heures dumatin, François se rendit à la Visitationpoursatroisièmemessequ’ilditàonzeheures.Ildonnaensuitel’habit de la Visitation à deux postulantes et prêcha « trèssaintement»,puisils’enalla,surletard,aupalaisdelareine-mèrepour luidireadieu46 et«ydemeuraavecde trèsgrandesincommoditésjusquebienavantdanslanuit47».

Le lendemain, « on s’aperçut qu’il était déjà toutincommodé : il avait la moitié du visage abattu, l’œil plusenfoncéetmoinsvif48».

*

Lemardi27décembre,«ilselevacommedecoutume,maiss’étantlavélevisage,ilditàsesserviteurs:Jesensquemavuediminuefort;celasignifiequ’ils’enfautaller;toutefoisnousvivronsautantqu’ilplairaàDieu49».

PuisFrançoisallarendrevisiteaunoviciatdelaVisitation.Aumomentde sondépart, lamèredeBlonay luiprésentauneplumeetdupapier,etluidit:«MonseigneuretcherPère,nosSœursetnousvoussupplionshumblementdenousfairelagrâcedenousécrirequelquesenseignementspournousavancerenlavertu.»Et,danslehautdelapage,puisaumilieu,puisenbas,iltraçaceseulmot:Humilité.

Aprèsêtre resté longuementdevant lemonastère,àprendrecongédequelquesgrandsseigneurs50,puiss’êtrerenduchezleprincedePiémont et le prince deNemours dans lemêmebut,exténué, François rentra chez lui et entreprit de répondre à

quelqueslettres.Soudain,ilselevadesachaiseettomba.

1.Du17octobre1618au31octobre1619,datedesonretouràAnnecy.

2.LeXVIIesièclefutun«siècledeplaideurs».3.AveccommethèmelescommandementsdeDieu.4.LechanoineJean-FrançoisdeSales,frèrecadetdeFrançois,exerçaitles

fonctions de grand aumônier auprès deChristine de Savoie. Il fut nomméévêque de Chalcédoine et coadjuteur de Genève. Le sacre eut lieu le 21janvier1621.5.MgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.655.6.Œuvres,op.cit.,t.XIX,p.194.7.MgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.667.8.CitéparMgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.668.9.PourlafêtedesaintAntoinedePadoue.10.L’Annéesainte,t.VI,p.331-332.CitéparMgrTROCHU,op.cit.,t.II,

p.668.11. Manuscrit de la mère Greyfié : petit recueil touchant quelques

particularitésdelaviedesaintFrançoisdeSales.

12.Cinquante-cinqans,âgeavancépourunhommeduXVIIesiècle.13.Ilsouffraitd’hydropisieetd’artériosclérose.14.Œuvres,op.cit.,t.XX,p.155.

15.MichelFAVRE,1erProcès,t.II,art30.CitéparMgrTROCHU,op.cit.,t.II,p.670.16.Œuvres,op.cit.,t.XX,p.16etp.395.17.IlauraitégalementsongéàseretirerchezlesPrêtresdel’Oratoire.Les

ouvrages auxquels il songeait se seraient intitulés leTraité de l’amour duprochain, uneExplication familière desmystères de notre sainte foi et unTraitédesquatreamours (lamanièredontnousdevonsaimerDieu,nous-mêmes,nosâmesetenfinnosennemis).18. Théandrique : mot composé des deux termes grecs désignant Dieu

(théos) et l’homme (andros). Lemot évoque lemystère de l’incarnation :Jésus,Dieuethomme.


témoins7 et se documenter sur les séjours deFrançois àParis,Padoue, Lyon et partout où il est passé. Peu à peu, la pile dedossiers croît et, en 1632, les commissaires décidèrentd’expédier l’ensembledesdocuments àRome.À laVisitation,on considère que l’affaire est faite et on commence à préparerlesfêtesdelabéatification8.

Hélas ! Consultés par le délégué des commissaires9, ungrouped’avocats consistoriaux et de jurisconsultes sont d’avisque le procès d’Annecy n’est pas recevable « à cause deplusieursdéfautsetmanquementde formalitésessentielles10».Certes, lesdépositionsdes témoinsnesontpasmisesencausesurlefond,maisellesn’ontpasétérecueilliesselonlesformesqui viennent d’être définies par la Sacrée Congrégation desRites.

LesdocumentsretournentdoncàAnnecy,oùilssontremisen forme. En 1634, ils repartent pour Rome et sont présentésdirectement à des cardinaux.Nouvelle déception : les envoyéssavoyards se voient opposer un décret d’Urbain VIII, daté de1625, qui affirme qu’un procès dit de non-culte aurait dûaccompagner le procès diocésain. En conséquence, toutes lespiècessontentreposéesdanslesarchivesdesRites…

*

Vingtansplustard,lacausedeFrançoisn’avaitpasavancéd’unpouce11.Àl’assembléegénéraleduClergédeFrance,quis’inquiétaitdecetétatdeschoses,lenouveaupape,InnocentX,neputquerépondre«qu’àsontrèsvifregret,l’étudeduprocèsétaitdevenueimpossible,lesdossiersenétantintrouvables12».

Ilfallaitdonctoutreprendreàzéro.MgrHenrydeMaupas13

futchoisicommepostulateuretfitconstaterparlaCongrégationdesRites14lamalencontreusedisparitiondespiècesdelacause.

En juin 1648, le Saint-Siège demanda par « lettresrémissoriales » que l’on commençât à Annecy un procèsapostolique,permettantquel’onutiliseàcettefinlespiècesdupremierprocès15.

*

On arriva tout doucement en 1653, date à laquelle lecardinal FabioChigi, secrétaire d’État d’InnocentX, demandal’ouvertured’unenouvelle enquête.Celle-cidébuta en165516,et fut reprise « dès sa racine. » Alors, pendant des mois, lestémoins défilèrent. « Dix-huit écrivains, atteste la mère deChaugy, ne sont pas suffisants pour écrire le simple récit desmiracles17.»

Enfin, le 17 septembre 1658, le nouveau postulateur18reprend le chemin de Rome. « Les dossiers, cousus dans unesolide toile cirée, ballotent aux flancs de deuxmules…mais,auxportesdeFlorence,unaccidentvulgairemenacedetournerencatastrophe:l’unedesmulesrouledansl’Arno;letempsdequitter sa bure et le père de Chaugy patauge dans l’eaubourbeuse…,encoupantlescourroiesdelabête,onarécupérélestomesirremplaçables19…»

*

Le19juillet1659,lepapeAlexandreVIIdéclaraitrecevablele«secondprocèsdeGenève».LaCongrégationdesRitesen

entamaaussitôtl’étude.Or,lepromoteurdelafoi20se livraàuneattaqueenrègle,

querapportelepèredeChaugy21:«Ilnefautpass’étonnersil’onadesennemistandisqu’on

est dans la misère de la vie, puisque même les sauvés et lestriomphantsdanslecielontencoredesjaloux.Onaattaquélesaint homme [François], votre bon Père, en la suavité de seslettres, en l’innocence de sa conversation, en sa joie sur lapromotionde son frèreà la coadjutorerie, en sadouleur sur lamort de ses proches, en les absences de son diocèse, en sadouceur,enlasurprisedesondécès,ensontestament22.»

L’alertefutchaude,maisl’avocatconsistorial l’emporta.Le2 juillet 1660, la congrégation générale, tenue en présence dupape, proclama l’héroïcité des vertus de foi, d’espérance et decharitéchezleserviteurdeDieu,FrançoisdeSales.

Le père de Chaugy écrivait à sa sœur : « Nous voyons lerivage, encore un peu de patience et de travail, et puis nousarriveronsheureusementauport23.»

*

Alorsquetoutsemblaitréglé,uninconnuseprésentetoutàcoupauxcardinauxquijugentl’affaire.Ilaffirme,sousserment,quelesoi-disantserviteurdeDieu,FrançoisdeSales,n’ajamaisétébaptiséetquenulnepeutprouverlecontraire24.

LepèredeChaugyenvoieuncourrierangoisséàsasœur,luidemandantdetoutmettreenœuvrepourtrouverunepreuvedubaptême de Mgr de Sales. Aussitôt plusieurs sœurs de laVisitationsemettentàtrierlesimmensesarchivesduchâteaudeThorens. Un jour se passe, puis un autre, puis un troisième,


vingtcinqinstitutsdereligieuxetreligieuses’étant«inspirésdesadoctrinespirituelle».

C’est à l’évidence un évêque qui a compris les grandsproblèmesdesonépoqueettentéd’yrépondreavecuneénergiepeu commune, certains historiens n’ayant hésité à le qualifierd’« initiateur » : ainsiMgr Trochu, qui le considérait commeétant«essentiellementunmissionnaire»pouravoir«inaugurél’apostolat par la presse », lors de la mission de Thonon en1594-1595.

Qu’ilmesoitégalementpermisd’ajouterundernieraspect,auquel notre temps me semble particulièrement sensible :François de Sales a eu « le don d’entrer en dialogue avec leshommes de son temps et de parler leur langage » (je cite unedernière fois le père Ravier, dans son Introduction à la viedévote).

Ce souci pédagogique se remarque tant dans sonministèrehabituel que dans ses écrits : pour être bien compris par sesauditeurs ou ses lecteurs, il n’hésite pas à faire appel àl’expérience de la vie quotidienne et à employer des termesfamiliers.Lescitationsqu’AiméRichardtainscritesentêtedeschapitres18et20en sontune illustration,qu’il s’agissede ladélicatesse requise dans l’annonce de l’Évangile (« On prendplusdemouchesavecunegoutted’huilequ’avecuntonneaudevinaigre ») ou, touchant la vie spirituelle, pour souligner lesliensunissant la charitéet ladévotion,qui«ne sontnonplus[pas]différentesl’unedel’autrequelaflammel’estdufeu».

Mais il sait aussi recourir à la poésie pour évoquer lesrichesses de la vie spirituelle, et on croirait le lire en trouvantsous la plumed’un théologien orthodoxe d’hier cet aphorismepublié récemment dans la revue Notre temps : « La viespirituelle jaillit dans les pâturages du cœur… là où Dieu etl’homme se rencontrent » (Evdokimov). François de Sales n’a

cessé de le redire à sa manière, comme évêque, prédicateur,directeur spirituel, enfin grand écrivain, en rappelant que « laperfectionn’estpointunétatréservéàuneminoritéd’élus[car]elleconsisteseulementdansl’amour».

MgrHUOT-PLEUROUXAnciensecrétairegénéraldel’Épiscopat

1.Selonunetraditionancienne,ilseraitpasséàFaverneypuisàDole,quiétaitalorslacapitaledelaComtéetoùilcélébralesfêtesdelaToussaint.IlauraitensuiterejointBesançonetprêchédanslamagnifiquechairedepierredécorée en gothique flamboyant, que l’on voit encore aujourd’hui dans lanefdelacathédrale.

AnnexeI

CHRONOLOGIE

21août1567

FrançoisdeSalesnaîtàThorens1,danslechâteauduhameaudeSales.

28août Ilestbaptisédansl’églisedeSaint-MauricedeThorens.

1573-1575 FrançoisdeSalesestpensionnaireàl’écoledeLaRoche.

Octobre1575-septembre1578

IlcontinuesesétudesauCollègechappuysien.

1577 FrançoisdeSalesfaitsaPremièreCommunionenl’égliseSaint-Dominiqued’Annecy.(QuatreTempsdel’Avent).

20septembre1578

IlesttonsuréàClermont-en-GenevoisparGaloisdeRegard,évêquedeBagnoréa,puispartpourParisavecsongouverneurM.Déage,etsescousinsdeSales.


évêquedeGenève.Laprisedepossession,l'administrationdiocésaine.Unévêqueréformateur.LepaysdeGex.LalettreaupapesurleChablais.

Chapitre14Lesynodede1603.Françoisaumilieudesesprêtres.Lenouveaucatéchismediocésain.InstructionsdeFrançoisàsonclergé.Laréformedesmonastèressavoisiens.

Chapitre15LeCarêmedeDijon(1604).Unprocèsentreévêques?Jeanne-FrançoiseFrémyot,baronnedeChantal.Sonveuvage,sarencontreavecFrançoisdeSales.

Chapitre16Lesynodedemai1604;visiteaupaysdeGex.LepèlerinageàSaint-Claude(août1604).Laréformedel'abbayedeNotre-Damed'Abondance.Lesvisitespastorales.LeCarêmedeLaRoche(1605).L'introductionauCodexFabrianus.L'épîtresurlaprédication.MortdeClémentVIII,électiondeLéonXI,Françoiscardinal?

Chapitre17MmedeChantalenretraiteàSales(mai1605).LeCarêmedeChambéry(février-mars1606).Laquerelle

Deauxiliis(1606).LamortdesapetitesœurJeanne(octobre1607).LaréformedumonastèredesBénédictinesdePuyd'Orbe.

Chapitre18L'AcadémieFlorimontane.L'introductionàlaviedévote(1609).Lamiseaupasdesmoinesdel'abbayedeTalloires(1609).

Chapitre19LamortdeMmedeBoisy(mars1610).LaVisitationSainteMarie.Lepetitcouvent-hôpitaldelaGalerie.L'approbationduSaint-Siège.

Chapitre20LeTraitédel'AmourdeDieu(août1616).LajournéedeMgrdeGenève:lecourrier,lesaudiences,lesaumônes.Auconfessionnal,àlacathédrale,àl'évêché.

Chapitre21Troismortssuccessives(1617).Carêmede1617àGrenoble.DernierséjouràParis.LepèredeBérulle.LamèreAngéliqueArnaud.LarencontreavecRichelieu,évêquedeLuçon.

Chapitre22Jean-FrançoisdeSales,coadjuteurdesonfrère(janvier

1621).L'éducationd'uncoadjuteur.LechapitredespèresFeuillants(juin1622).LevoyageàTurin.LedépartpourAvignon.LeretouràLyon.Sonétatsedétériorerapidement.

Chapitre23AgonieetmortdeFrançoisdeSales(28décembre1622).RetourducorpsàAnnecy.Unpremiermiracle.

Chapitre24Ouvertureduprocèsdecanonisation(1627).RejetàRome,pourvicedeformeduprocèsdiocésain.Pertedesdossiers.LepapeAlexandreVIIfaitrecommencerleprocès.BéatificationdeFrançoisdeSales(28décembre1661).Canonisation(19avril1665).BrefduDoctoratparPieIX(16novembre1877).

Conclusion

PostfacedeMgrHuot-Pleurouxdocteurèslettres,anciensecrétairegénéraldel'épiscopat

AnnexeI:ChronologieAnnexeII:CourtesbiographiesAnnexeIII:Quelquesrepèreshistoriques

Bibliographie

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endécembre2012N°d’imprimeur:XXXXX

dépôtlégal:janvier2013ImpriméenFrance

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524/2012

Documents

SAINT FRANÇOIS DE SALES ET LA CONTRE-RÉFORME