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1 Saint Joseph, gardien (du sens) de la vie Joseph-Marie Verlinde Clarification des termes Dans la Bible, le ministère de gardien est apparenté à celui de la paternité, en particulier de la paternité exercée par Dieu sur Israël : « Vois il ne dort ni ne sommeille, le gardien d’Israël » (Ps 121,4). Que de fois saint Joseph n’a-t-il pas murmuré ce verset de Psaume, en se souvenant de la responsabilité dont l’avait chargé Adonaï ? Non seulement il devait veiller sur la vie du Fils unique de Dieu et de sa Mère, mais il était chargé de la croissance de l’Enfant, avec toute l’autorité paternelle que cette mission implique. En tout cas son sommeil ne l’a pas empêché de demeurer vigilant, puisque c’est de préférence en songe que l’Ange du Seigneur vint l’avertir. Pour bien percevoir l’objet de notre méditation - « Saint Joseph gardien de la vie », commençons par clarifier les termes de notre intitulé, et voyons comment ils s’appliquent à saint Joseph. « GARDIEN » 1- Le gardien est par définition celui qui est chargé de garder, de veiller sur l’intégrité de ce qui lui est confié, de le protéger. Lorsque Dieu demande à Caïn « Où est ton frère ? », celui-ci répond insolemment en posant à son tour une question : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4,9). Il reconnait donc implicitement que le gardien est supposé savoir où se trouve celui qui lui est confié, afin de pouvoir l’aider en cas de besoin. En portant atteinte à la vie d’Abel, Caïn a rompu l’alliance de fraternité, fondée sur la paternité universelle de Dieu, alliance qui impliquait que chacun porte le souci de la destinée de son frère, en soit le « gardien ». En sauvant le Sauveur du monde de la jalousie meurtrière d’Hérode, saint Joseph a pleinement assumé ce ministère en faveur de l’Enfant que le Père céleste lui avait confié. Bien plus : en devenant le « gardien » du Fils de Dieu fait homme, c'est-à-dire de Jésus, le frère universel, Joseph assume également ce ministère de protection vigilante envers tout homme que le

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Saint Joseph, gardien (du sens) de la vie Joseph-Marie Verlinde

Clarification des termes Dans la Bible, le ministère de gardien est apparenté à celui de la paternité, en particulier de la paternité exercée par Dieu sur Israël :

« Vois il ne dort ni ne sommeille, le gardien d’Israël » (Ps 121,4). Que de fois saint Joseph n’a-t-il pas murmuré ce verset de Psaume, en se souvenant de la responsabilité dont l’avait chargé Adonaï ? Non seulement il devait veiller sur la vie du Fils unique de Dieu et de sa Mère, mais il était chargé de la croissance de l’Enfant, avec toute l’autorité paternelle que cette mission implique. En tout cas son sommeil ne l’a pas empêché de demeurer vigilant, puisque c’est de préférence en songe que l’Ange du Seigneur vint l’avertir. Pour bien percevoir l’objet de notre méditation - « Saint Joseph gardien de la vie », commençons par clarifier les termes de notre intitulé, et voyons comment ils s’appliquent à saint Joseph.

« GARDIEN » 1- Le gardien est par définition celui qui est chargé de garder, de veiller sur l’intégrité de ce qui lui est confié, de le protéger. Lorsque Dieu demande à Caïn « Où est ton frère ? », celui-ci répond insolemment en posant à son tour une question : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4,9). Il reconnait donc implicitement que le gardien est supposé savoir où se trouve celui qui lui est confié, afin de pouvoir l’aider en cas de besoin. En portant atteinte à la vie d’Abel, Caïn a rompu l’alliance de fraternité, fondée sur la paternité universelle de Dieu, alliance qui impliquait que chacun porte le souci de la destinée de son frère, en soit le « gardien ». En sauvant le Sauveur du monde de la jalousie meurtrière d’Hérode, saint Joseph a pleinement assumé ce ministère en faveur de l’Enfant que le Père céleste lui avait confié. Bien plus : en devenant le « gardien » du Fils de Dieu fait homme, c'est-à-dire de Jésus, le frère universel, Joseph assume également ce ministère de protection vigilante envers tout homme que le

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Verbe incarné récapitule en Lui. C’est ce constat qui poussa le pape Pie IX à proclamer saint Joseph « Protecteur de l’Église universelle » (8 décembre 1870). 2- Bien avant déjà dans le récit des origines, Dieu avait confié à Adam le soin de « garder » et de « travailler » le Jardin dans lequel il l’avait placé (Gn 2,15). L’association des deux verbes suggère que le gardiennage ne signifie pas seulement la préservation de toute détérioration, mais qu’il inclut le souci de la croissance : la sauvegarde de l’intégrité est au service du développement et de l’épanouissement de ce qui est confié. Telle est bien la mission de saint Joseph : son ministère d’autorité paternelle est au service de la croissance « en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes » (Lc 2,52), du Verbe fait chair. 3- Le terme « gardien » évoque l’image à la fois du berger et du père, les deux étant de fait très proches dans la symbolique biblique : Dieu est « le Père » d’Israël (Is 63,16), et Il le manifeste en assumant la fonction de « berger » de son peuple, ce dernier étant comparé à un troupeau dont le Seigneur prend soin de manière tout à fait singulière, c'est-à-dire paternelle :

« Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie ; j'habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours » (Ps 22).

L’image du berger enrichit le ministère de gardien : le berger assure non seulement la protection (le bâton qui rassure), la sécurité (les eaux tranquilles, les prés d’herbe fraîche), mais il pourvoit aussi au nourrissage (préparer la table) avec le souci d’une certaine surabondance (la coupe débordante, le parfum sur la tête) ; il réconforte par sa présence attentive (je ne crains rien car tu es avec moi), et devient source de bonheur pour ceux qu’il entoure d’une tendre affection. Nous sommes au cœur du ministère qu’assurait saint Joseph auprès de l’Enfant divin : il s’est acquitté parfaitement de chacune des missions énumérées : protection, sécurité, nourrissage, réconfort, affection. Inutile d’insister : ces différents aspects du ministère de saint Joseph ont largement été développés et approfondis en d’autres lieux.

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4- D’autres images sont associées à celle du berger pour souligner l’engagement personnel du gardien dans son ministère de protecteur, de veilleur, de guide :

« Quand le Très-Haut dota les nations, quand il sépara les fils d'Adam, il fixa les frontières des peuples d'après le nombre des fils de Dieu. Mais le lot du Seigneur, ce fut son peuple, Jacob, sa part d'héritage. Il le trouve au pays du désert, chaos de hurlements sauvages. Il l'entoure, il l'élève, il le garde comme la prunelle de son œil. Tel un aigle qui éveille sa nichée et plane au-dessus de ses petits, il déploie son envergure, il le prend, il le porte sur ses ailes. Le Seigneur seul l'a conduit : pas de dieu étranger auprès de lui » (Dt 32, 8-11).

Bien plus qu’un simple fonctionnaire, le gardien au sens biblique assure un véritable ministère de paternité vicaire de celle de Dieu lui-même. Telle est bien la grandeur du ministère de gardien de la Sainte Famille confié par le Seigneur à son fidèle serviteur saint Joseph. C’est cependant sous un angle particulier que nous voulons approfondir ce thème, à savoir : saint Joseph, gardien « de la vie ». Essayons donc de préciser ce que contient cette notion de vie confiée à son gardiennage.

LA « VIE » La vie apparaît particulièrement difficile à définir. Les sciences dite « de la vie » étudient les êtres vivants, mais ne s’intéressent guère à définir la vie en tant que telle. Celle-ci est décrite de manière générale comme l’état d’un système complexe auto-organisé, arrivé à un certain degré d’autonomie, possédant une capacité d’évolution - éventuellement de duplication (ou de reproduction) - et qui se trouve en interaction dynamique avec son environnement. Une telle description, aussi précise fût-elle, ne constitue cependant pas encore une définition. Puisqu’il revient au philosophe de définir les concepts, c’est donc vers lui que nous nous tournons pour obtenir une réponse à notre quête. Mais ici encore nous sommes déçus : nous sommes renvoyés à notre ignorance. Dans l'Evolution créatrice, Bergson considère même que la vie - qu’il conçoit comme « élan créateur » - est incompréhensible pour l’intelligence, celle-ci ne pouvant s’exprimer que sur ce qui demeure immobile. Il apparaît tout aussi difficile de dégager l’essence de la vie que celle de l’amour : nous connaissons des vivants et des amoureux, mais nous sommes bien obligés d’avouer notre incapacité à définir ce qui les spécifie. A défaut de pouvoir la définir, nous devons donc nous contenter de dégager les principales

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caractéristiques la vie, à savoir : -­‐ son caractère dynamique et donc relationnel ; et -­‐ sa finalisation.

Nous pouvons vérifier cette affirmation aux trois niveaux de manifestation de la vie : 1- La vie physique ne perdure que grâce aux relations ininterrompues que nous entretenons avec notre environnement, par de continuels échanges d’énergie, médiatisés principalement par la respiration et la nourriture. Dès que la balance énergétique est perturbée, la maladie physique apparaît, et si le mal s’étend, la mort peut s’en suivre, signant l’interruption définitive de toute relation avec l’environnement. La vie physique est également finalisée - Jacques Monod préfère parler de « téléonomie », terme qui implique l’idée d’une activité orientée, cohérente et constructive, sans pour autant y associer une intention subjective. Disons que la vie tend spontanément à l’autoconservation et à l’autoreproduction :

« Toutes les adaptations fonctionnelles des êtres vivants accomplissent des projets particuliers qu’il est possible de considérer comme des fragments d’un projet primitif unique, qui est la conservation et la multiplication de l’espèce 1 . »http://www.thomas-d-aquin.com/Pages/Articles/Hasard.htm - _edn6

2- La vie psychique elle aussi est essentiellement relationnelle. Leibniz corrigeait le Cogito de Descartes en précisant : « Cogito cogitata ». Ma pensée me confirme certes que j’existe en tant que sujet pensant : cogito ergo sum ; mais cette pensée n’est jamais vide de contenu : elle me met toujours en relation avec une personne, un objet, un événement qui capte mon attention et me tourne vers lui. La phénoménologie insistera sur ce fait : la vie psychique est essentiellement intentionnelle, et donc relationnelle et finalisée. Les relations interpersonnelles tendent en effet à la communion dans l’amour : leur finalité est « l’amour d’amitié » (Aristote), impliquant la bienveillance réciproque des amis, qui se choisissent et s’aiment d’un amour désintéressé et durable. L’analyse des pathologies psychiques confirme cette approche : les névroses résultent principalement d’un déficit au niveau des relations constitutives de la personnalité du malade. 3- Quant à la vie spirituelle, elle peut se définir comme l’initiative divine par laquelle le Seigneur

1 J. Monod, Hasard et nécessité, Seuil, coll. « Point », Paris, 1970.

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propose d’entrer en relation avec nous, pour nous partager sa propre vie :

« Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée. Il est venu chez les siens, et à tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu » (Jn 1, 1-13).

La maladie spirituelle - que nous appelons « péché » - est elle aussi un déficit relationnel ; plus exactement : un affaiblissement - péché dit véniel ou de faiblesse -, voire une rupture de la relation avec Dieu - péché dit « mortel » précisément parce qu’il met fin à la relation et entraîne ainsi la mort spirituelle. La relation à Dieu est éminemment interpersonnelle, mais l’initiative divine va bien plus loin que l’amour d’amitié, puisque Dieu nous aime et se donne à nous sans aucune garantie de réciprocité :

« La preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5,8).

La communion à Dieu dans l’amour agapè, conduisant à la participation dans l’Esprit à la nature divine (2 P 1,4), constituent la finalité de la vie spirituelle. Ces trois finalités sont hiérarchiquement ordonnées : la vie naturelle - physique et psychique – trouvant son accomplissement dans la grâce surnaturelle, c'est-à-dire dans la participation à la vie divine. Il serait présomptueux de prétendre développer l’ensemble de la responsabilité que saint Joseph avait reçue en tant que « gardien de la vie » du Fils de Dieu dans les limites de ces quelques lignes. Cela supposerait que nous approfondissions le rôle du saint Patriarche au niveau de la protection et de la croissance de la vie physique, psychique et spirituelle de Jésus. D’autres intervenants se sont fort heureusement chargés de le faire. Aussi pouvons-nous nous focaliser sur un seul aspect, à savoir : l’orientation de la vie vers sa finalité. En clair : dans ce qui suit, nous aborderons le thème général de notre Colloque - « Saint Joseph gardien de la vie » - sous l’angle formel de la gestion des relations - internes et externes - de la Sainte Famille, que saint Joseph a su garder finalisées sur la réalisation du dessein de Dieu qu’il avait consenti de servir. Cette orientation générale de la vie vers sa fin définit ce que nous pouvons appeler « le sens » de l’existence – troisième terme de notre intitulé qu’il nous faut donc également approfondir avant de

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l’utiliser dans notre méditation consacrée au ministère de « Saint Joseph, gardien du sens de la vie ».

LE « SENS » Avec la question du sens nous entrons dans une problématique spécifiquement humaine : seul l’homme se la pose, car elle implique l’engagement des facultés spirituelles qui nous différentient des animaux. La question du sens suppose en effet que nous disposions d’une conscience réflexive, qui nous permette de prendre de la distance par rapport à l’immédiateté des événements et des phénomènes, pour nous poser la question :

-­‐ de leur essence ; -­‐ de leur origine ; -­‐ de leur place dans l’ensemble de la création ; -­‐ de leur raison d’être ; -­‐ de leur finalité ; -­‐ de leur valeur.

La foi en l’action créatrice de Dieu nous assure en effet que la question du sens « a un sens » : que toute chose est voulue intentionnellement - la création n’est pas un acte arbitraire - et participe à sa manière et à sa place au grand dessein du Créateur, qui a voulu que « dans le Christ toute chose ait son accomplissement total » (Col 1,19). A la différence des créatures non-rationnelles dont le sens est inscrit dans leur nature et est par le fait même prédéterminé, l’homme est invité à donner sens à sa vie, en tenant compte bien sûr de son inscription naturelle, mais en usant de la libre détermination de soi qui lui est offerte en tant que créature créée à l’image de Dieu (Gn 1,27). Cette donation de sens n’est pas à entendre comme une création « absolue », mais plutôt comme une libre réponse à l’appel de Dieu. La grandeur de l’homme est précisément qu’il peut discerner le logos de l’être qui lui est confié, et y reconnaitre un appel à consentir à son dynamisme. Hélas le péché a obscurci sa conscience, définie par la constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps : Gaudium et spes, comme

« Le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. Cette voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, (…) est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera » (GS I, 1, 16).

La nécessité de la Révélation devient d’autant plus pressante que l’obscurcissement de la conscience

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croît par l’oubli (ou le rejet) de la Transcendance, et l’accumulation des ruptures d’Alliance que nous appelons péchés. S’il n’y a pas de Souverain Bien, comme finalité ultime en qui nous sommes assurés de trouver le bonheur dans le plein accomplissement de notre être, tout devient en effet futile, vain, superflu ; la vie est insensée, l’existence est absurde, et les « distractions » (au sens pascalien du terme) ne nous sauvent que momentanément de l’acédie, et finalement de la désespérance qui conduit à la mort. Etre gardien de la vie inclut donc ipso facto le gardiennage du sens que Dieu a donné - et donne à chaque instant - à nos existences en les créant « vers Lui » (saint Augustin). Vérifions donc comment saint Joseph a reçu et assuré ce ministère au sein et au service de la Sainte Famille.

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Saint Joseph, gardien du sens de la vie

DES RELATIONS FINALISEES SUR L’ACCUEIL DE LA VIE DIVINE En tant que gardien du sens de la vie (par essence relationnelle et finalisée), saint Joseph a veillé, comme un bon « capitaine », à garder le « cap » que le Seigneur lui avait indiqué en lui donnant la feuille de route de sa mission :

« Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 20-21).

Tout est dit : les rôles sont bien répartis, avec clarté et sobriété ; chacun sait ce qui est attendu de lui. Vérifions comment la mission de chacun des acteurs est éminemment relationnelle et finalisée. 1- Joseph est invité à « prendre chez lui son épouse ». Le terme épouse signifie qu’il avait déjà contracté mariage avec Marie – du moins qu’elle lui était officiellement promise. Il est probable que conformément à la tradition qui voulait que les fiancés attendent un an avant de cohabiter, ils ne vivaient pas encore ensemble. Joseph ne se contentera pas de prendre chez lui uniquement la fiancée qu’il a épousée, puisqu’entretemps, elle est devenue mère par l’action de l’Esprit Saint : c’est l’Ecrin et la Perle divine qu’il contient, qui sont tous deux confiés à saint Joseph. Au niveau relationnel, il sera donc l’époux de la Mère de l’Enfant conçu par l’opération du Saint Esprit, et il assumera la paternité de l’Enfant divin, auquel il lui incombe de donner son Nom. 2- Le rôle de Marie est encore plus sobrement décrit : Dieu attend d’elle qu’elle « mette au monde » le fils qu’elle porte dans ses entrailles par l’action de l’Esprit Saint, et bien sûr qu’elle en assume la maternité, avec toute l’intensité de la vie relationnelle que cela implique. Nous savons comment cette maternité eu égard à la Tête, va se prolonger jusqu’à la Parousie par la maternité eu égard à tous les croyants qui constituent le Corps Total de son Fils. 3- Quant à l’Enfant annoncé, sa mission est énoncée par deux fois : à travers la signification de son Nom : « Le-Seigneur-sauve », et par l’annonce de la raison de sa venue : « c'est lui qui sauvera son

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peuple de ses péchés ». Comme le salut consiste en la participation libre et consciente à la vie divine, communiquée au sein d’une relation d’amour unissant chaque croyant à son Sauveur, cette mission n’est pas collective mais éminemment personnelle. Approfondissons encore à partir de cette péricope, le caractère relationnel et finalisé de la vie dont saint Joseph est constitué gardien.

Un réseau de relations pour accueillir la vieUn réseau de relations pour accueillir la vie

Les relations entre les acteurs sont décrites avec précision ; toutes sont mises explicitement au service de la vie et de sa croissance. Relisons le déroulement des événements en termes relationnels :

1- Un jeune couple se prépare au mariage ; ils sont promis l’un à l’autre mais ne cohabitent pas encore ; ils sont cependant déjà unis par un chaste amour - relation interpersonnelle finalisée sur le mariage.

2- L’époux Joseph est désigné par sa parenté Davidique, c'est-à-dire par la relation qui l’unit à la lignée familiale dont il a reçu la vie.

3- Un Tiers imprévu s’insinue au cœur de l’intimité de ces deux fiancés : l’Esprit Saint, c'est-à-dire la Relation subsistante entre le Père et le Fils au sein de l’unique Substance divine. En faisant reposer l’Esprit Saint, c'est-à-dire l’Acte d’amour divin, sur la Vierge, le Père engendre en elle son Fils, appelé à devenir l’acteur principal du récit évangélique. Cet engendrement suppose le libre consentement de la Vierge, offert dans une relation privilégiée avec Dieu médiatisée par l’Ange, après que celui-ci ait précisé la manière dont le mystère allait s’accomplir. En tant que Verbe éternel, cet Enfant entretient une relation personnelle avec son Père dans l’Esprit ; en tant que Verbe incarné, il entretient une relation personnelle avec tous les hommes qu’il a récapitulés dans son humanité.

4- Cet Enfant né d’en-haut est avant tout en relation étroite avec sa Mère, et s’interpose par le fait même entre elle et son époux.

5- Celui-ci conçoit le projet de se retirer du réseau relationnel, ne voulant pas s’immiscer dans le plan de Dieu ni interférer avec lui - encore moins lui faire obstacle.

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6- L’Ange - c'est-à-dire le Messager de Dieu – intervient pour l’inviter à prendre au contraire la

place qui lui revient au sein du projet divin, en renouant la relation avec son épouse.

7- L’Ange lui demande également d’établir une relation singulière avec l’Enfant dont il doit assurer la paternité.

8- Cet Enfant est chargé de restaurer la relation entre Dieu et les ressortissants de son peuple, relation rompue par le péché dont il doit les sauver.

Toutes les relations décrites sont au service de la vie de l’Enfant, dont elles conditionnent l’avènement. Plus largement : elles sont au service de l’avènement de la Vie divine au cœur de la vie naturelle, puisque l’Enfant annoncé est conçu par l’Esprit de Dieu pour sauver l’humanité de ses péchés et de la mort (rupture des relations vitales) qui s’en suit, c'est-à-dire pour restaurer entre l’humanité et Dieu des relations vivifiantes.

Vers la vie en plénitudeVers la vie en plénitude

La vie disions-nous est non seulement relationnelle, mais aussi finalisée, ce qui est à nouveau particulièrement illustré dans notre péricope :

1- La cause finale est par définition la première dans l’intention, mais la dernière dans la réalisation. De fait : la finalité apparait à la fin de l’énoncé, dans la mission de l’Enfant, qui est venu pour « sauver le peuple de ses péchés » - sous-entendu : en lui donnant part à sa propre Vie divine. Ce but préside à l’ensemble des événements, qui sont tous orientés vers sa réalisation.

2- En remontant l’ordre d’entrée en scène des intervenants, la mission de la Mère est elle-aussi totalement subordonnée à cette finalité : elle doit mettre au monde Celui qui se nommera « Le-Seigneur-sauve ».

3- Quant à Joseph, il est invité à prendre pour épouse celle qui doit enfanter, afin d’assumer la paternité de l’Enfant-Sauveur. L’interpellation de l’Ange lui laisse d’amblée pressentir qu’il est choisi en raison de son ascendance davidique : en acceptant de devenir son père légal, il lui revient d’inscrire l’Enfant dans la lignée de David d’où devait naître le Messie (Is 11,10). A nouveau le choix même de saint Joseph est finalisé sur l’avènement du Rédempteur, qui constitue bien l’unique finalité de l’ensemble des événements.

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Les relations sont donc non seulement au service de la vie, mais elles sont plus précisément finalisées sur son renouvellement, puisque l’Enfant a pour mission de rétablir l’Alliance entre Dieu et son peuple - Alliance que ce dernier avait rompue par le péché. Or il « sauvera son peuple de ses péchés » et de la mort, en lui donnant part à sa propre Vie divine immortelle, dans le même Esprit par lequel il a été engendré dans la sein de la Vierge-épouse. Toutes les actions des différents acteurs sont donc finalisées sur la restauration de l’Alliance, qui se présente comme le paradigme de la relation, puisqu’elle met l’homme en rapport avec Dieu, Source et Terme de la vie. Dire que Joseph est « gardien du sens de la vie », signifie donc qu’il est en charge de la gestion du réseau de relations qui doit permettre à Dieu de rétablir l’Alliance avec les hommes, par le ministère de l’Enfant engendré dans le sein de son Epouse, que celle-ci doit mettre au monde, et dont il doit assurer la paternité. Joseph est ainsi élu par Dieu pour être le serviteur de son grand projet de rénovation de la vie, mise en échec par le péché, et de réorientation de cette vie renouvelée vers sa Source et son Terme en Dieu. Le péché est fondamentalement

-­‐ rupture de relation avec Dieu (Gn 3,10), -­‐ qui entraîne la rupture des relations harmonieuses avec les autres : l’épouse (Gn 3,1) et le

frère (Gn 4,8) ; -­‐ et avec le monde créé (Gn 3, 17-19).

Le Sauveur viendra rétablir l’Alliance avec Dieu, et ouvrir le chemin de la réconciliation entre les hommes, et même de la restauration de la paix entre l’humanité et la création toute entière (Is 11, 1-8). Ces relations nouvelles seront finalisées sur la connaissance de Dieu, qui « remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer » (Is 11,9). Alors, le dernier ennemi, la mort, ayant été détruit, « quand tout sera sous le pouvoir du Fils (né de la Vierge Marie et fils de Joseph), il se mettra lui-même sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous » (1 Co 15, 26.28). On ne peut dire plus clairement que les relations interpersonnelles trouveront leur accomplissement dans l’Amour divin pleinement participé, conformément à la finalité que Dieu avait imposée à son acte créateur.

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LES ETAPES DE LA MISSION DE SAINT JOSEPH Saint Joseph accomplit sa mission de gardien ou serviteur de la vie, en mettant l’Enfant Jésus en relation avec

-­‐ sa race et sa culture -­‐ la société de son époque et sa vie politique -­‐ les habitants de son village ;

soit les trois dimensions de la vie relationnelle de tout individu inséré dans la vie de son temps ; à savoir le réseau des relations :

-­‐ familiales et amicales ; -­‐ culturelles et religieuses ; -­‐ économiques et politiques.

En tant que père, saint Joseph est le gardien de la vie relationnelle de la Sainte Famille, qu’il préserve de relations délétères, et qu’il oriente vers la finalité qui lui est assignée d’en-haut. Son ministère de paternité implique en effet :

-­‐ de permettre à l’enfant d’accéder à la conscience de soi, dans le face à face avec l’altérité paternelle, au sein de la famille ;

-­‐ d’accompagner son ouverture à la vie sociale tout en le protégeant des dangers qui le menacent ; -­‐ pour qu’il puisse y prendre sa place et y accomplir sa mission propre.

En obéissant à l’édit de César Auguste ordonnant le recensement du monde entier (Lc 2,1), Joseph inscrit son fils (alors qu’il est encore dans les entrailles de sa Mère) sur les registres de l’occupant romain, qui faisait peser son joug politique et militaire sur tout le bassin méditerranéen. Il se rend à Bethléem, la cité de David, « parce qu’il était de la famille et de la descendance de David » (Lc 2,5), ascendance dont jouit par le fait même l’Enfant de son épouse dont il assure la paternité. A Bethléem Joseph accueille les bergers (Lc 2,16), et leur présente celui qui sera le « bon Berger, qui appelle ses brebis chacune par leur nom, et que ses brebis suivent parce qu’elles connaissent sa voix » (Jn 10, 3-4). Puis il accueille « les Mages venus d’Orient » (Mt 2,1), préfiguration des « hommes de toute race, langue, peuple et nation » que l’Enfant doit « racheter pour Dieu par son Sang » (Ap 5,9). Saint Joseph inscrit ainsi prophétiquement son Enfant dans le cercle de plus en plus large de cette humanité qu’il est venu sauver, conformément au nom que son papa lui avait donné : Jésus, Dieu-sauve.

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C’est encore Joseph qui présente le premier-né de son foyer au Temple, pour « le consacrer au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la loi » (Lc 2,23). Ce faisant, il offre l’Enfant à Dieu son Père, anticipant l’holocauste d’amour par lequel Jésus allait accomplir sa mission rédemptrice. Toutes les relations ne conduisent cependant pas à la vie : depuis que le péché est entré dans le monde, des passions mortifères tentent tout au contraire de l’étouffer, parfois même avant même qu’elle n’ait vu le jour. C’est ainsi que le Patriarche Joseph aura à exercer sa mission de gardien de la vie dans des circonstances dramatiques, lors de l’épisode du massacre des Innocents relaté par saint Mathieu (2, 13-18). Il le fera de manière sobre, discrète et efficace : répondant instantanément à l’avertissement de l’Ange, il sauve le Sauveur du monde en le ravissant à la jalousie et à la fureur meurtrière du roi Hérode. Fuyant en Egypte comme l’Ange le lui avait suggéré, il y sera le premier missionnaire de la Bonne Nouvelle en terre païenne. Enfin, revenant à l’appel de l’Ange en terre d’Israël, il fait accomplir à l’Enfant le parcours du peuple élu qu’il récapitule en lui, et qu’il est chargé de faire entrer dans la véritable Terre promise par Dieu : l’Alliance nouvelle et éternelle par laquelle le Seigneur fait de nous ses fils, nous donnant en partage sa propre vie dans l’Esprit. C’est conduit par son abba, que l’enfant, redescend avec Marie et Joseph à Nazareth, où il « grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse » (Lc 2,40). Là dans l’humble bourgade dont Nathanaël se demandait si « quelque chose pourrait en sortir de bon » (Jn 1,46), Joseph lui enseigne le métier de charpentier, l’introduit à la vie du village l’initie à la vie religieuse, rythmée par la prière personnelle et synagogale ; c’est là encore, dans la campagne environnante et sur les bords du lac de Galilée tout proche, que saint Joseph lui fait découvrir la beauté et les secrets de la nature. Gardien de la relation à Dieu, de la relation à ses frères de race et de religion, de la relation aux hommes de son temps : saint Joseph se pose comme gardien de la vie de l’Enfant et de sa croissance, en lui ouvrant les multiples avenues des relations humaines que le Fils de Dieu est venu restaurer dans leur harmonie et dans leur hiérarchie. Etre gardien de la vie implique aussi de veiller sur le maintien du cap, de la finalité de la vie confiée. Aussi Joseph garde-t-il en toutes circonstances les yeux fixés sur le terme : conduire l’Enfant confié à sa garde, à la pleine maturité humaine, pour qu’il puisse accomplir la mission pour laquelle son Père des cieux l’avait envoyé sur terre. Jésus lui-même se chargera de signifier à son papa, qu’il a pleinement accompli cette mission, et il le fera d’une manière particulièrement solennelle dans l’épisode dit du « recouvrement au Temple » (Lc 2, 41-51), avec lequel nous clôturerons notre modeste méditation.

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NUNC DIMITTIS Saint Luc parle à plusieurs reprises des « parents » de Jésus, incluant donc implicitement saint Joseph, mais il ne le désigne jamais par son nom propre. Son action - ou plutôt sa passion - semble se confondre avec celle de Marie, dont il partage l’angoisse : « Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! » Les récits de l’enfance du troisième Evangile se structurent autour du binôme Marie-Jésus, la mère et l’enfant, tandis que saint Joseph s’efface discrètement, se contentant d’offrir le cadre de vie dans lequel le mystère de la venue de Dieu parmi les hommes pourra se déployer. Cette présentation n’a évidemment par pour but de minimiser la place de Saint Joseph, mais elle cherche plutôt à nous faire découvrir sa manière propre d’agir. Sa posture est mystère d’effacement au service de la vie triomphante ; et par le fait même, il nous invite à nous effacer à notre tour, pour laisser toute la place à celui qui a daigné venir nous visiter sous les humbles apparences d’un enfant. Le silence si éloquent de Saint Joseph n’est pas celui de l’indifférence mais de la contemplation : celui qui fut donné pour père au Fils de Dieu s’est mis silencieusement à l’école de la Sagesse incarnée qui grandissait sous ses yeux ; et lorsque les événements le déconcertent, loin de reprendre l’initiative, il attend patiemment que Dieu lui fasse signe ou que le voile se lève et que surgisse la lumière. C’est bien ce qui se passe dans le passage du recouvrement de l’enfant au Temple, au milieu des docteurs qui « s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses ». Certes saint Joseph tout comme Marie, a souffert de la disparition de Jésus ; comme elle il a été surpris de voir son enfant, apparemment insouciant, au milieu des docteurs. Mais il n’intervient pas impulsivement comme nous l’aurions fait : il attend de découvrir la raison cachée de ce comportement inattendu. En bon juif, il sait que Dieu parle dans les événements ; or cet enfant est la Parole de Dieu venue dans la chair ; elle parle donc non seulement par ce qu’elle dit, mais par tout ce qu’elle fait. Comme nous aimerions découvrir le regard échangé entre Jésus et son papa à ce moment qui marque la fin de l’enfance du Fils de Joseph et son entrée dans la vie adulte. Non, la parole de Jésus : « C’est chez mon Père que je dois être » n’est pas un démenti de la paternité de Joseph, bien au contraire ! Par ces quelques mots Jésus atteste que Joseph a su le conduire jusqu’au seuil du mystère de sa Personne divine, enfouie dans la pâte humaine reçue de la Vierge Marie. C’est sous la conduite patiente, attentive, aimante, vigilante de Joseph, que Jésus « a grandi en sagesse et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes » (Lc 2,52). Telle est sans aucun doute la plus grande gloire de Saint Joseph : il a été à tel point le miroir de la paternité divine, qu’il a permis à Jésus de découvrir qui est son véritable Père. Ou pour le dire autrement : c’est dans le face à face avec Joseph, que le Verbe incarné a pris humainement conscience de sa filiation divine.

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Joseph a exercé sa paternité en s’effaçant, en se retirant ; et c’est dans ce retrait même, qu’il a révélé le Père des cieux. Aussi est-ce à juste titre que Jésus l’appelait durant les années d’enfance de ce nom de « Abba » par lequel il invitera plus tard ses disciples à invoquer son Père et leur Père, son Dieu et leur Dieu (cf. Jn 20,17). Voilà pourquoi après Marie, Saint Joseph est le plus grand parmi les saints du ciel, lui qui fut l’ombre du Père éternel. Nul doute que ce ministère de paternité qu’il a exercé en faveur du Christ, Saint Joseph continue de l’assurer en faveur des membres de son Corps, c'est-à-dire de tous ceux qui, par le baptême et par la foi, sont « nés d’eau et d’Esprit » (Jn 3,5). Saint Paul l’atteste : « les dons de Dieu et son appel sont irrévocables » (Rm 11,29) ; la mission que saint Joseph a reçue d’être le « gardien de la vie » de l’Enfant et de sa Mère, demeure la sienne dans le temps et l’éternité. Certes au ciel la vie du Fils de Dieu et de la Vierge Immaculée ne sont plus en danger ; mais ici-bas sur terre, et jusqu’au retour glorieux du Christ vainqueur, de multiples périls continuent de menacer le peuple de Dieu en marche vers la Jérusalem céleste. L’Église souffrante est encore soumise aux vicissitudes de ce temps. Aussi saint Joseph est-il tout disposer à nous aider à gérer nos relations, afin qu’elles soient au service de la vie, et qu’elles demeurent finalisées sur l’acquisition du salut en Jésus-Christ. Il est pour chacun de nous, le meilleur « gardien du sens de nos vies », lui qui a porté dans ses bras et vu grandir sous ses yeux celui qui est a pu dire : « Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin » (Ap 22,13). Chacun de nous est ainsi invité à se confier à la paternité bienveillante de saint Joseph, lui qui est chargé de nous conduire jour après jour jusqu’à la pleine conscience de notre filiation adoptive dans le Christ. Puissions-nous consentir à ce ministère et accueillir avec reconnaissance son autorité, lui demeurant joyeusement soumis, comme le fut Jésus, lui qui est pour nous “le chemin, la vérité et la vie” (Jn 14,6).

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SAN JOSÉ, GUARDIÁN (DEL SENTIDO) DE LA VIDA Joseph-Marie Verlinde

EXPLICITANDO TÉRMINOS En la Biblia, el ministerio de guardián viene ligado con el ministerio de paternidad, especialmente de la paternidad de Dios hacia Israel : « No, no duerme ni dormita, el guardián de Israel » (Salmo 121,4). ¿Cuántas veces habrá murmurado San José este versículo, recordando la responsabilidad que Adonai le había confiado ? Porque no solamente tenía que velar por la vida del Hijo único de Dios y por la de su Madre, sino que también tenía la responsabilidad del crecimiento del Niño, con toda la autoridad paterna que supone semejante misión. En todo caso, aun durmiendo no dejó de permanecer alerta, ya que fue en sueños preferentemente cómo el Ángel del Señor vino a avisarle. Para que se entienda con la mayor claridad el tema de nuestra meditación - « San José guardián de la vida » -, empezaremos especificando el significado de los términos de este título, y estudiaremos de qué manera se aplican a San José.

« GUARDIÁN » 1- La palabra « Guardián » se define por « aquel que tiene el cargo de guardar, o sea de velar por la integridad de aquello que le es confiado, de protegerlo ». Cuando Dios le pregunta a Caín « ¿Dónde está tu hermano ? », éste le contesta con insolencia preguntando a su vez : « ¿Soy yo acaso el guardián de mi hermano ? » (Gn 4,9). Así es cómo de forma implícita reconoce que se supone que el guardián ha de saber dónde se encuentra aquel que le es confiado, con el fin de poder ayudarle en caso de necesidad. Al darle muerte a Abel, Caín rompe la alianza fraterna que venía fundada en la paternidad universal de Dios, e implicaba que cada hombre fuese responsable de la vida de su hermano, o sea que fuese su « guardián ». Salvando al Salvador del mundo de los celos de muerte de Herodes, San José asumió plenamente este ministerio hacia el Niño que el Padre celestial le había confiado. Aún más : al ser elegido como el « guardián » del Hijo de Dios hecho hombre, es decir de Jesús, el hermano universal, José de igual manera asume este ministerio de vigilante protección hacia todos los hombres que el Verbo hecho carne recapitula en su persona. Tal evidencia llevó al Papa Pío IX a proclamar a San José « Protector de la Iglesia Universal » (8 de Diciembre de 1870). 2- Mucho tiempo atrás desde el relato de los orígenes, Dios le había confiado a Adán la responsabilidad de «custodiar» y de « labrar » el jardín en el que le había instalado (Gn 2,15). El hecho de que estos dos verbos estén asociados el uno al otro, no solamente significa que se trata de

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preservar contra el deterioro, sino que también incluye la preocupación por el crecimiento : el hecho de « velar por la integridad » está al servicio del progreso y del completo desarrollo de aquello que le ha sido confiado. Tal es en verdad la misión de San José : su ministerio de autoridad paterna está al servicio del crecimiento « en sabiduría, en cuerpo y en gracia, ante Dios y ante los hombres » (Lc 2,52) del Verbo hecho carne. 3- La palabra « guardián » evoca a la par la imagen del pastor y la del padre, siendo ambas muy parecidas en la simbólica bíblica : Dios es « el Padre » de Israel (Is 63,16), y da pruebas de ello asumiendo el papel de « pastor » de su pueblo, el cual aparece como un rebaño del que el Señor cuida de forma singular, es decir como un padre :

« Yahveh es mi pastor, nada me falta. Por prados de fresca hierba me apacienta. Hacia las aguas de reposo me conduce, y conforta mi alma ; me guía por senderos de justicia, en gracia de su nombre. Aunque pase por valle tenebroso, ningún mal temeré, porque tú vas conmigo ; tu vara y tu cayado, ellos me sosiegan. Tú preparas ante mí una mesa frente a mis adversarios ; unges con óleo mi cabeza, rebosante está mi copa. Sí, dicha y gracia me acompañarán todos los días de mi vida ; mi morada será la casa de Yahveh a lo largo de los días » (Salmo 22).

La imagen del pastor amplifica el ministerio de guardián : no solamente el pastor garantiza la protección (el cayado que sosiega), la seguridad (las fuentes tranquilas, las verdes praderas), sino que también se encarga del alimento (prepara la mesa) preocupándose por proporcionar la abundancia (la copa rebosante, el perfume sobre la cabeza) ; por su presencia atenta reconforta (nada temo porque estás conmigo), y se hace fuente de felicidad para todos aquellos a los que rodea con su dulce cariño. Aquí estamos en lo más profundo del ministerio de San José hacia el Niño divino : San José llevó a cabo de manera perfecta cada una de las misiones aquí expuestas : custodia, seguridad, alimento, consuelo, cariño. No merece la pena insistir : todos estos aspectos del ministerio de San José ya han sido presentados y estudiados atentamente en otras ocasiones. 4- Otras imágenes vienen asociadas a la del pastor, con el fin de subrrayar el compromiso personal del guardián con su ministerio de protector, vigía y guía :

« Cuando el Altísimo repartió las naciones, cuando distribuyó a los hijos de Adán, fijó las fronteras de los pueblos, según el número de los hijos de Dios. Mas la porción de Yahveh fue su pueblo, Jacob su parte de heredad. En tierra desierta le encuentra, en la soledad rugiente de la estepa. Y le envuelve, le sustenta, le cuida, como a la niña de sus ojos. Como un águila incita a su nidada, revolotea sobre sus polluelos, así él despliega sus alas y te toma, y te lleva sobre su plumaje. Sólo Yahveh le guía a su destino, con él ningún dios extranjero ». (Dt 32, 8-11).

Mucho más que un simple funcionario, el guardián, según el sentido bíblico, desempeña un verdadero ministerio de paternidad, vicaria de la del mismo Dios. Tal es verdaderamente la grandeza del ministerio de guardián de la Sagrada Familia depositado por el Señor en manos de su fiel siervo San José. Sin embargo queremos llegar más lejos aún en este tema observando un aspecto particular, el de San José como “guardián de la vida”. Intentaremos explicitar qué contenido tiene esta noción de “vida” confiada al cuidado de San José.

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LA “VIDA” Dificilísima tarea es la de dar una definición de lo que es la vida. La llamadas “ciencias de la vida” estudian a los seres vivientes, pero no les interesa definir la vida como tal. De manera general se la describe como estado de un complejo sistema autoorganizado, que ha alcanzado cierto nivel de autonomía, que posee la capacidad de evolucionar - incluso de duplicarse (o reproducirse) - y se encuentra en un proceso de interacción dinámica con el entorno. Sin embargo, semejante descripción, por detallada que sea, todavía no vale como definición. Dado que al filósofo le corresponde definir los conceptos, a él nos tenemos que dirigir para que satisfaga nuestra búsqueda. Pero volvemos a quedar insatisfechos: otra vez nos encontramos frente a nuestra falta de conocimiento. En « La evolución creadora », Bergson incluso considera que la vida - que él ve como un « ímpetu creador » - queda algo incomprensible para la mente, porque ésta solamente es capaz de expresarse sobre aquello que permanece inmóvil. Resulta tan difícil sacar la esencia de la vida como sacar la esencia del amor : conocemos a vivientes y a personas enamoradas, pero tenemos que reconocer que somos incapaces de definir lo que les especifica. A falta de poder definir, tenemos que contentarnos con poner de realce las características principales de la vida, que son:

-­‐ su carácter dinámico y, por tanto, relacional; y -­‐ su finalidad.

Es posible averiguar esta afirmación a través de los tres niveles en los que la vida se manifiesta: 1-La vida física no perdura si no es mediante las relaciones ininterrumpidas que tenemos con nuestro entorno, por medio de continuos intercambios de energía, mediatizados principalmente por la respiración y la alimentación. En cuanto se ve perturbada la balanza energética, aparece la enfermedad física, y si el mal se extiende, la muerte puede ocurrir, lo cual interrumpe definitivamente cualquier relación con el entorno. Además la vida física tiene una finalidad - Jacques Monod prefiere hablar de “teleonomía”, palabra que implica la idea de una actividad orientada, coherente y constructiva, pero sin asociarle ninguna intención subjetiva. Digamos que la vida tiende de manera espontánea a la autoconservación y a la autoreproducción:

“Todas las adaptaciones funcionales de los seres vivientes realizan proyectos particulares que se pueden considerar como los fragmentos de un proyecto primitivo único, que es la conservación y multiplicación de la especie2”.

2- También es esencialmente relacional la vida psíquica. Leibniz corregía el Cogito de Descartes diciendo: “Cogito cogitata”. Por cierto, mi facultad de pensar me confirma que existo como ser dotado de pensamiento: « Cogito ergo sum »; pero dicho pensamiento nunca se encuentra exento de contenido: siempre me relaciona con una persona, con un objeto, con un hecho que me llama la atención y me

2 J. Monod, Hasard et nécessité, Seuil, coll. « Point », Paris, 1970.

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orienta hacia él. La fenomenología insistirá sobre este hecho: la vida psíquica es por esencia intencional, por tanto relacional y orientada hacia una meta. En efecto, las relaciones interpersonales tienden a la comunión en el amor: la finalidad de dichas relaciones es “el amor amistoso”, lo cual implica la recíproca benevolencia entre los amigos, los cuales se escogen mutuamente y se quieren con un amor desinteresado y duradero. Cuando se analizan las patologías psíquicas, se confirma esta observación : las neurosis resultan principalmente de un déficit a nivel de las relaciones constitutivas de la personalidad del enfermo. 3-En cuanto a la vida espiritual, se puede definir como la iniciativa divina por medio de la cual el Señor ofrece relacionarse con nosotros, con el propósito de compartir con nosotros su propia vida:

“En el principio existía el Verbo, la Palabra de Dios,y la Palabra estaba con Dios, y la Palabra era Dios. Ella estaba en el principio con Dios. En él estaba la vida y la vida era la luz de los hombres, y la luz brilla en las tinieblas, y las tinieblas no la vencieron. Vino a su casa, y a todos los que la recibieron, a los que creen en su nombre, les dió poder de hacerse hijos de Dios. Ellos no nacieron de la carne y la sangre, ni de voluntad carnal, ni de deseo de hombre; nacieron de Dios” (Jn 1, 1-13).

La enfremedad espiritual - que llamamos « pecado » - también es un déficit relacional ; mejor dicho : es un « debilitamiento » - el pecado llamado « venal o de debilidad » -, que incluso puede llegar a ser ruptura de la relación con Dios _ que es el llamado pecado « mortal », precisamente porque pone fin a la relación y, de este modo, provoca la muerte espiritual. La relación con Dios es eminentemente interpersonal, pero la iniciativa divina va mucho más allá del amor amistoso, puesto que Dios nos ama y se entrega a nosotros sin ninguna garantía de reciprocidad :

« Prueba de que Dios nos ama, es que Cristo, siendo nosotros todavía pecadores, murió por nosotros » (Rm 5,8).

La comunión con Dios en el amor agapè, que en el Espíritu nos lleva a ser partícipes de la naturaleza divina (2 P 1,4), tal es la finalidad de la vida espiritual. Esas tres finalidades vienen jerárquicamente ordenadas : la vida natural - física y psíquica - cuya plenitud alcanza en la gracia sobrenatural, es decir en su participación a la vida divina. Sería presuntuoso pretender desarrollar en el límite de estas líneas cuánto supuso la responsabilidad que recibió San José como « guardián de la vida » del Hijo de Dios. Semejante empeño supondría que profundicemos en el papel del santo Patriarca en lo que se refiere a la custodia y al crecimiento de la vida física, psíquica y espiritual de Jesús. Felizmente a otros conferenciantes les incumbe esta tarea. Por lo tanto podemos centrarnos en un solo aspecto : el de la orientación de la vida hacia su finalidad. Hablando con claridad : en lo que viene a continuación nos acercaremos al tema general de nuestro Coloquio - « San José guardián de la vida » - por el lado formal relativo a la manera con la que se gestionaron las relaciones - internas y externas - de la Sagrada Familia, cuya finalidad de realizar el designio de Dios supo mantener San José, quien a Dios se comprometió a servir. Dicha orientación general de la vida hacia su fin define aquello que podemos llamar « el sentido » de la vida - tercer término del título de esta ponencia, y que, por tanto, también tenemos que estudiar antes de usarlo a lo largo de nuestra meditación dedicada al ministerio de « San José, « guardián del sentido de la vida ».

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EL « SENTIDO » Con la cuestión del sentido entramos en una problemática específicamente humana : sólo el hombre se la plantea, porque esta cuestión implica el compromiso de las facultades espirituales, que son las que nos diferencian de los animales. En efecto, la cuestión del sentido supone que dispongamos de una conciencia reflexiva, una conciencia que nos permita alejarnos de la inmediatez de los hechos y de los fenómenos, y de este modo nos permita plantearnos el problema de:

-­‐ la esencia de tales hechos y fenómenos ; -­‐ de su origen -­‐ del lugar que ocupan dentro del conjunto de la creación -­‐ de su razón de ser -­‐ de su finalidad -­‐ del valor que tienen.

En efecto, el hecho de creer en la acción creadora de Dios nos asegura de que la cuestión del sentido « tiene sentido » : nos asegura de que cada cosa es el resultado de una intención - la creación no es un acto arbitrario - y, a su manera y según el lugar que le es asignado, es parte del gran designio del Creador que « en Cristo tuvo a bien hacer residir toda la Plenitud » (Col 1,19). A diferencia de las criaturas no racionales cuya orientación está inscrita dentro de su propia naturaleza - y por lo tanto se encuentra predeterminada - el hombre es llamado a dar sentido a su vida, teniendo en cuenta, por supuesto, su natural inscripción, pero haciendo uso de su libre y personal determinación, la cual le es concedida por ser criatura creada a imagen de Dios (Gn 1,27). Este don hecho al hombre de poder dar sentido a su vida, no se entiende como creación « absoluta », sino más bien como libre respuesta a la llamada de Dios. La grandeza del hombre es precisamente su capacidad de discernir el logos del ser que le es confiado, y de reconocer en dicho logos que es llamado a aceptar su dinámica. Desgraciadamente el pecado ha oscurecido su conciencia. La constitución pastoral « Gaudium et spes » sobre la Iglesia en el mundo de nuestro tiempo define la conciencia como

« El centro más secreto del hombre, el santuario en el que se encuentra solo con Dios y en el que su voz se deja escuchar. Esta voz que no deja de incitarle a amar y a hacer el bien y a evitar el mal, (…) es una ley inscrita por Dios en el corazón del hombre ; su dignidad es obedecerle, y por ella será juzgado » (GS I, 1, 16).

Tanto más urgente se hace la necesidad de la Revelación, cuanto más se va oscureciendo la conciencia por el olvido (o rechazo) de la Trascendencia, y se van acumulando las rupturas de Alianza que llamamos « pecados ». Si no existe el Bien Supremo como finalidad última en la que tenemos la seguridad de encontrar la felicidad en la plenitud de nuestro ser, todo en efecto se nos hace baladí, vano, superfluo ; la vida resulta insensata, el vivir absurdo, y las « distracciones » (en el sentido pascualino de la palabra) no nos salvan, sino de forma momentánea, de la acedia, y finalmente de la desesperación qui conduce a la muerte. Por tanto, ser guardián de la vida incluye ipso facto ser guardián del sentido que Dios ha dado - y sigue

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dando a cada instante – a nuestras vidas al crearlas « vueltas hacia él » (San Agustín). Veamos pues cómo San José recibió y cumplió este ministerio dentro y al servicio de la Sagrada Familia.

SAN JOSÉ, GUARDIÁN DEL SENTIDO DE LA VIDA

UNAS RELACIONES CUYA FINALIDAD ES ACOGER LA VIDA DIVINA Como guardián del sentido de la vida (que es por esencia propia relacional y orientada), San José, como buen « capitán », puso todo su cuidado en mantener la dirección que el Señor le había mostrado al darle la hoja de ruta de su misión :

« José, hijo de David, no temas tomar contigo a María tu mujer, porque lo engendrado en ella es del Espíritu Santo. Dará a luz un hijo, y tú le pondrás por nombre Jesús (es decir : El-Señor-salva), porque él salvará a su pueblo de sus pecados». (Mt 1, 20-21)

Ya todo está dicho : está definido el papel de cada cual, con claridad y sobriedad ; cada uno sabe lo que se espera de él. Veamos cómo la misión que le incumbe a cada uno es eminentemente relacional y está orientada hacia una meta clara. 1- José es invitado a « tomar consigo a su esposa ». La palabra esposa indica que ya había contraído matrimonio con María – al menos, de manera oficial, ella era su prometida. Probablemente, siguiendo la tradición que obligaba a los novios a que esperasen a que pasara un año antes de vivir juntos, María y José no vivían bajo el mismo techo. José no se limita a tomar consigo solamente a la prometida con la que se había casado, puesto que en el intervalo, ella se ha vuelto madre por obra del Espíritu Santo : el Estuche y la Perla divina que lleva dentro, juntos están bajo la custodia de San José. A nivel relacional, por tanto, él será el esposo de la Madre del Niño concebido por obra del Espíritu Santo, y asumirá la paternidad del Niño divino, y como padre le dará su Nombre. 2- De manera más escueta todavía está descrito el papel de María : Dios espera de ella que traiga al mundo al hijo que lleva en su vientre por obra del Espiritu Santo, y, como es natural, que ella desempeñe plenamente su papel de madre, con toda la intensidad de vida relacional que esto implica. Sabemos de qué manera esta misión de madre de la Cabeza se prolongará hasta la Parusía como misión de madre de todos los creyentes que forman el Cuerpo Total de su Hijo. 3- En cuanto al Niño anunciado, su misión viene definida en dos ocasiones : por el significado de su Nombre « El-Señor-salva », y por las palabras que dicen el motivo de su advenimiento : « él es quien salvará a su pueblo de sus pecados ». Dado que la salvación consiste en la libre y consciente participación a la vida divina, que se comunica en la relación de amor que une a cada creyente con su Salvador, dicha misión no es colectiva sino

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eminentemente personal. Partiendo de esta misma pericope vamos ahora a profundizar el carácter relacional - y orientado hacia un fin claramente determinado - de la vida cuyo guardián San José es constituido.

UNA RED DE RELACIONES PARA ACOGER (A) LA VIDA Las relaciones entre estos actores vienen descritas con claridad : todas ellas, explícitamente, están puestas al servicio de la vida y su desarrollo. Veamos cómo, en términos de relación, vienen apareciendo los hechos:

1- Una pareja de jóvenes se prepara para unirse en matrimonio ; están comprometidos pero todavía no viven juntos ; no obstante, ya les une un amor de castidad - relación interpersonal cuya finalidad es el matrimonio.

2- José, el esposo, es definido por su parentesco Davídico, es decir por la relación que le une al linaje que le dió la vida.

3- Una Tercera Persona, imprevista, se insinúa en lo más profundo de la intimidad de los prometidos : el Espíritu Santo, es decir la Relación que sigue existiendo de forma permanente entre el Padre y el Hijo en lo más íntimo de la Sustancia divina única.

Al hacer habitar al Espíritu, es decir al Acto de amor divino, en la Virgen, el Padre en ella engendra a su Hijo, que es llamado a ser el actor principal del relato evangélico. Dicho engendramiento supone el libre consentimiento de la Virgen que ella ofrece en una privilegiada relación con Dios por medio del Ángel, después de que éste explicara cómo se iba a realizar el misterio. Como Verbo eterno, este Niño mantiene una relación personal con su Padre en el Espíritu ; como Verbo hecho carne, mantiene una relación personal con todos los hombres a los que ha recapitulado en su humanidad.

4- Este Niño nacido de las alturas, antes que nada está estrechamente relacionado con su Madre, y, por esto mismo, se interpone entre ella y su esposo.

5- San José piensa en salir de la red relacional, porque no quiere inmiscuirse en el proyecto de Dios ni interferir con él – menos aún ser un obstáculo.

6- El Ángel - es decir el Mensagero de Dios - interviene invitándole al contrario a ocupar el sitio que le corresponde en el proyecto divino, y a continuar la relación con su esposa.

7- Asimismo el Ángel le pide que vaya tejiendo una relación única con el Niño cuya paternidad él ha de asumir.

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8- Este Niño tiene que restaurar la relación - que el pecado ha roto y del que ha de salvarlos - entre Dios y los miembros de su pueblo.

Toda estas relaciones aquí descritas están al servicio de la vida del Niño, cuyo advenimiento condicionan. De forma más extensa, están al servicio del advenimiento de la Vida divina en la vida natural, dado que el Niño anunciado es concebido por el Espíritu de Dios para salvar a la humanidad de sus pecados y de la muerte (que es ruptura de las relaciones vitales) como consecuencia de sus pecados, es decir para restaurar entre Dios y los hombres unas relaciones vivificadoras.

HACIA LA PLENITUD DE LA VIDA Deciamos que la vida no solamente es relacional, sino también orientada, lo cual viene expresamente dicho en esta pericope : 1- La causa final es, por definición, primera en la intención, pero última en la realización. De hecho : la finalidad está expuesta al final de lo enunciado, o sea en la misión del Niño que ha venido para « salvar al pueblo de sus pecados » - es decir : haciéndole partícipe de su propia Vida divina. Dicha finalidad encabeza el conjunto de los hechos, los cuales van todos orientados hacia su realización. 2- Si remontamos el orden de entrada de los actores, vemos que la misión de la Madre también está supeditada a la misma finalidad, ya que tiene que traer al mundo a Aquel que se llamará « El-Señor-salva ». 3- En cuanto a José, para que asuma la paternidad del Niño-Salvador, se le invita a tomar como esposa a la que tiene que dar a luz. El llamamiento del Ángel inmediatamente le hace presentir que es elegido porque tiene ascendencia davídica : al aceptar ser su padre según la ley, tiene la responsabilidad de inscribir al Niño en la raza de David de la que había de nacer el Mesías (Is 11,10). Otra vez la elección de San José viene orientada hacia el advenimiento del Redentor, lo cual en verdad es la única finalidad de los hechos en su totalidad. De modo que las relaciones no solamente están al servicio de la vida, sino que, más precisamente, se ven finalizadas hacia la renovación de la misma vida, puesto que la misión que tiene el Niño es reestablecer la Alianza entre Dios y su pueblo - quien había roto esa Alianza con el pecado. Efectivamente, él « salvará a su pueblo de sus pecados » y de la muerte, haciéndole partícipe de su propia Vida divina inmortal, en el mismo Espíritu del que fue engendrado en el seno de la Virgen-esposa. Así, todas las acciones de cada uno de los actores tienen como finalidad restaurar la Alianza, la cual se presenta como paradigma de la relación, puesto que relaciona al hombre con Dios que es Fuente y Fin de la vida. Decir que José es « guardián del sentido de la vida » significa por consiguiente que tiene el cargo de gestionar la red de relaciones que ha de hacer que Dios renueve la Alianza con los hombres, mediante el ministerio del Niño que ha sido engendrado en el seno de su esposa, y que ella tiene que traer al mundo, y cuya paternidad tiene él que asumir. Así es cómo José es elegido por Dios para ser el servidor de su gran propósito de renovar la vida, vencida por el pecado, y de reorientar esa vida renovada hacia su Fuente y su Término en Dios. Fundamentalmente, el pecado es

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-­‐ ruptura de la relación con Dios (Gn 3,10),

-­‐ lo cual tiene como consecuencia la ruptura de las relaciones armoniosas con los demás : con la esposa (Gn 3,1) y con el hermano (Gn 4,8),

-­‐ y con el mundo creado (Gn 3, 17-19) El Salvador vendrá para reestablecer la Alianza con Dios y abrir el camino de la reconciliación entre los hombres, y hasta para abrir el camino de la restauración de la paz entre los hombres y la creación entera (Is 11, 1-8). Esas nuevas relaciones se verán orientadas hacia el conocimiento de Dios que « llenará la tierra como cubren las aguas el mar » (Is 11,9). Entonces cuando el último enemigo, la muerte, haya sido destruido, « cuando hayan sido sometidas a él todas las cosas, entonces también el Hijo (nacido de la Virgen María e hijo de José) se someterá a Aquel que ha sometido a él todas las cosas, para que Dios sea todo en todos » (1 Co 15, 26-28). Es imposible decir con mayor claridad que las relaciones interpersonales se verán totalmente realizadas en el Amor divino plenamente compartido, con arreglo a la finalidad que Dios impuso a su acto creador.

LAS ETAPAS DE LA MISIÓN DE SAN JOSÉ San José cumple su misión de guardián o de servidor de la vida relacionando al Niño Jesús con

-­‐ su raza y su cultura,

-­‐ con la sociedad de su tiempo y su vida polÍtica,

-­‐ y con los vecinos de su pueblo. Es decir que se trata de las tres dimensiones de la vida relacional de cualquier individuo enraizado en la vida de su tiempo; o sea la red de relaciones :

-­‐ con la familia y los amigos, -­‐ con la vida cultural y religiosa,

-­‐ y las relaciones económicas y políticas.

Como padre, San José es guardián de la vida relacional de la Sagrada Familia a la que preserva de relaciones deletéreas, y la orienta hacia la finalidad que le ha sido asignada desde arriba. En efecto, su ministerio de paternidad implica :

-­‐ que haga que el Niño acceda a la propia conciencia, mediante el cara a cara con la alteridad paterna, en el seno de la familia ;

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-­‐ que le acompañe en su abrir a la vida social y, al mismo tiempo, le proteja ante los peligros que le amenazan ;

-­‐ para que en ella - en la vida social - el Niño pueda ocupar su lugar propio, y en ella pueda realizar su misión.

Por el hecho de obedecer el edicto de César Augusto « ordenando que se empadronase el mundo entero » (Lc 2,1), José inscribe a su hijo (que todavía está en el vientre de su Madre) en los registros del ocupante romano cuyo yugo político y militar pesa por toda la cuenca del Mediterráneo. Viaja a Belén, la ciudad de David, « por ser él de la casa y familia de David » (Lc 2,5), ascendencia de la que, condecuentemente, goza el Hijo de su esposa cuya paternidad le es confiada. En Belén José acoge a los pastores (Lc 2,16) y les presenta al que ha de ser el « buen pastor, aquel que « a sus ovejas llama una por una, y las ovejas le siguen porque conocen su voz » (Jn 10, 3-4). Después acoge a los « Magos que venían del Oriente » (Mt 2,1), prefiguración de los « hombres de toda raza, lengua, pueblo y nación » que el Niño ha de « rescatar para Dios con su sangre » (Ap 5,9). De este modo San José inscribe de manera profética a su Hijo en el círculo cada vez más amplio de esa humanidad a la que él ha venido a salvar, de acuerdo con el nombre que su papá le ha puesto : Jesús, Dios salva. También San José es quien presenta al primogénito de su hogar en el Templo, con el propósito de « consagrarlo al Señor, conforme a lo que se dice en la Ley del Señor » (Lc 2,23). Al mismo tiempo ofrece el Niño a Dios su Padre, y de esta manera anticipa el holocausto de amor con el que Jesús iba a realizar su misión redentora. Sin embargo, no todas las relaciones conducen a la vida : desde el día en que en el mundo entró el pecado, pasiones mortíferas, por el contrario, intentan ahogarla, incluso a veces antes de que esa vida haya visto la luz del día. Por eso el Patriarca José tendrá que ejercer su misión de « guardián de la vida » en circunstancias dramáticas, cuando se verificó el episodio de la matanza de los Inocentes relatado por San Mateo (2, 13-18). Actuará de forma sobria, discreta y eficaz : inmediatamente responde al aviso del Ángel, y salva al Salvador del mundo alejándolo de los celos y la furia asesina del rey Herodes. Tal y como se lo ha ordenado el Ángel, huye a Egipto, siendo así el primer misionero de la Buena Nueva en tierra pagana. Y por fin, al volver a la tierra de Israel según la llamada del Ángel, lleva al Niño por la misma ruta que fue la del pueblo escogido recapitulado en su persona, y al que tiene como misión la de hacerle entrar en la verdadera Tierra prometida por Dios : la Alianza nueva y eterna con la que Dios hace de nosotros sus hijos, compartiendo con nosotros su propia vida en el Espíritu. De la mano de su abba, así es cómo el niño, con María y José, vuelve - cuesta abajo - a Nazaret ; y allí « crecía y se fortalecía, llenándose de sabiduría » (Lc 2,40). Allí en la humilde aldea de la que Natanael se preguntaba si « de Nazaret podía haber cosa buena » (Jn 1,46), José le enseña el oficio de

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carpintero, le introduce a la vida del pueblo, le inicia a la vida religiosa acompasada por la oración personal y la sinagoga ; allí también, en la campiña que les rodea y por las orillas del lago de Galilea, es donde San José le revela la belleza y los secretos de la naturaleza. Guardián de su relación con Dios, de su relación con sus hermanos de raza y de religión, de su relación con los hombres de su tiempo : San José se presenta como guardián de la vida del Niño y de su crecimiento, abriendo ante él las múltiples avenidas de las relaciones humanas que el Hijo de Dios ha venido a restaurar en su armonía y su jerarquía. Ser guardián de la vida también implica que se ha de velar por mantener la dirección y finalidad de la vida que ha sido confiada. Por eso San José, cualesquiera que sean las circunstancias, mantiene la vista puesta en el término, que es : llevar al Niño, al que tiene que custodiar, hasta la plenitud de la madurez humana, para que éste pueda llevar a cabo la misión para la que su Padre celestial le mandó a la tierra. El propio Jesús se encargará de decirle a su papá - aun de manera especialmente solemne - que éste ha realizado plenamente su misión, en el episodio de « Jesús encontrado en el Templo (Lc 2, 41-51), con el que cerramos nuestra modesta meditación.

NUNC DIMITTIS En diversas ocasiones, San Lucas habla de los « padres » de Jesús, con lo cual implícitamente incluye a San José, aunque nunca lo llama por su nombre. Su actuar - mejor dicho : su pasión - parece confundirse con la de María cuya angustia comparte : « Mira, tu padre y yo, angustiados, te andábamos buscando ». Los relatos de la niñez en el tercer evangelio están estructurados en torno al binomio María-Jesús, la madre y el niño, mientra San José desaparece discretamente, contentándose con proporcionar la « circunstancia » en la que podrá desarrollarse el misterio de la venida de Dios entre los hombres. Por supuesto, esta presentación no pretende restarle importancia a San José, sino más bien hacernos descubrir su personal modo de actuar. Su postura es un misterioso « desaparecer » puesto al servicio de la vida triunfadora ; y con lo cual, precisamante, a nosotros mismos también nos incita a achicarnos, para que dejemos que aquel que ha venido a visitarnos bajo las humildes apariencias de un niño, lo ocupa todo. El silencio tan elocuente de San José no es silencio de indiferencia sino de contemplación : aquel que le fue dado al Hijo de Dios como Padre, silenciosamente se puso a sí mismo a la escucha de la Sabiduría hecha carne que ante sus ojos iba creciendo ; y cuando los hechos lo dejan desconcertado, en lugar de volver a tomar el mando, pacientemente se queda a la espera de que Dios le haga alguna señal, o a que se levante el velo y surja la luz. Esto es precisamente lo que ocurre en el relato del niño vuelto a encontrar en el Templo en medio de los doctores quienes « estaban estupefactos por su inteligencia y sus respuestas ». Está claro que San José,

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al igual que María, sufrió con la desaparición de Jesús ; igual que ella, se sorprendió al ver a su hijo, aparentemente despreocupado, sentado entre los doctores. Pero no interviene de forma impulsiva, como nosotros hubiéramos hecho : queda a la espera de descubrir el motivo secreto de este inesperado modo de actuar. Como todo buen judío, sabe que Dios habla en los hechos ; y este niño es la palabra de Dios : consecuentemente esta palabra se expresa no solamente con lo que dice, sino también con todo lo que hace. ¡ Cuánto nos gustaría descubrir aquella mirada entre Jesús y su papá, en aquel momento que es el que pone fin a la niñez del Hijo de San José y le abre la puerta de entrada a la vida adulta ! No, la palabra de Jesús : « ¿No sabíais que yo tenía que morar en la casa de mi padre ? » no desmiente la paternidad de San José ¡ sino todo lo contrario ! Con estas palabras Jesús da testimonio de que José ha sabido llevarlo hasta los umbrales del misterio de su divina Persona sepultada en la « masa de pan » de su propia humanidad recibida de la Virgen María. Bajo la paciente, atenta, amorosa, vigilante conducta de San José fue como Jesús « progresó en sabiduría, en estatura y en gracia ante Dios y ante los hombres » (Lc 2,52). Sin lugar a dudas ésta es la mayor gloria de San José : fue hasta tal extremo el espejo de la paternidad divina, que le permitió a Jesús descubrir quién era su verdadero padre. O dicho de otra forma : fue en el cara a cara con José cómo el Verbo hecho carne tomó conciencia, humanamente, de su filiación divina. José ejerció su paternidad como borrándose, retirándose ; y fue por medio de esta « retirada » cómo reveló al Padre celestial. Por lo tanto Jesús tenía los mayores motivos para llamarle, a lo largo de los años de su niñez, con el nombre de « Abba » con el que, más tarde, invitará a sus discípulos a invocar a su Padre « y vuestro padre », a su Dios « y vuestro Dios » (cf. Jn 20,17). Tal es el motivo por el que, después de María, San José es el santo más grande entre los santos del cielo, porque fue la sombra del Padre Eterno. No hay duda de que el ministerio de paternidad que San José ejerció para con Cristo, él lo sigue ejerciendo para con los miembros de su Cuerpo, es decir para con todos aquéllos que, mediante el bautismo y con la fe, han nacido « de agua y de Espíritu » (Jn 3, 5). Así lo atestigua San Pablo : « los dones y la vocación de Dios son irrevocables » (Rm 11,29) ; San José recibió la misión de ser el « guardián de la vida » del Niño y de su Madre, y esta misión sigue siendo la suya en el tiempo y en la eternidad. Por supuesto, en el Cielo la vida del Hijo de Dios y de la Virgen Inmaculada ya no corren peligro ; pero aquí en la tierra, y, hasta que vuelva en su gloria Cristo Victorioso, múltiples son los peligros que amenazan al pueblo de Dios encaminado hacia la Jerusalén celestial. A las vicisitudes de este tiempo no deja de estar sometida la Iglesia sufriente. Por lo tanto San José está dispuesto a ayudarnos a velar por nuestras relaciones, para que estén al servicio de la vida y permanezcan orientadas hacia la manera de alcanzar la salvación en Jesucristo. Él

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es, para cada uno de nosotros, el mejor « guardián del sentido de la vida », ya que fue aquel que llevó entre sus brazos y vió crecer ante sus ojos al que es y dijo : « Yo soy el Alfa y la Omega, el Primero y el Último, el Principio y el Fin » (Ap 22,13). Así cada uno de nosotros es invitado a abandonarse a la benévola paternidad de San José, que fue misionado para guiarnos día a día hasta la plena conciencia de nuestra filiación adoptiva en Cristo. Dios quiera que aceptemos este ministerio, y recibamos agradecidos su autoridad, sometiéndonos a él con alegría igual que hizo Jesús, quien es para nosotros « el camino, la verdad y la vida » (Jn 14,6).