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samuel archibald quinze pour cent

samuel archibald moyenne Le sel de la terre : confessions ...€¦ · son mari ne pouvait pas voir ça. L’inspecteur-chef Leroux regarda le cadavre du vieux monsieur par terre,

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Une violation de domicile a mal tourné quelque part au Lac. L’inspecteur-chef Leroux traque les tueurs, avec l’aide d’un sergent-détective Ilnu à la morale élastique. Il faut se méfier de Leroux. Moins molosse que vieux buck, il ne montre jamais les dents. Mais quand il se met à ruminer, les coupa-bles n’ont aucune chance. Sauf bien sûr s’il s’égare, dans ses pensées ou les beaux yeux de Caroline.

Samuel Archibald est né à Arvida en 1978. Il est l’auteur d’Arvida, paru au Quartanier en 2011 (Prix des libraires 2012 et Prix Coup de cœur Renaud-Bray 2012) et de l’essai Le sel de la terre : confessions d’un enfant de la classe moyenne (Atelier 10, 2013).

samuel archibaldquinze pour cent nova no 01le quartanier

samuelarchibaldquinze pour cent

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du même auteur

chez le même éditeur

Arvida, 2011

chez atelier 10

Le sel de la terre : confessions

d’un enfant de la classe moyenne, 2013

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Le Quartanier remercie de leur soutien financier

le Conseil des Arts du Canada

et la Société de développement des entreprises

culturelles du Québec (sodec).

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt

pour l’édition de livres – Gestion sodec.

Le Quartanier reconnaît l’aide financière

du gouvernement du Canada

par l’entremise du Fonds du livre du Canada

pour ses activités d’édition.

Diffusion au Canada : Dimedia

Diffusion en Europe : La Librairie du Québec (dnm)

© Samuel Archibald et Le Quartanier, 2013

Dépôt légal, 2013

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Bibliothèque et Archives Canada

isbn : 978-2-896981-42-7

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le quartanier

Samuel Archibald

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Cherchez toujours le mobile le plus bas, sergent,

et vous aurez généralement raison. Si vous vous

trompez, c’est que vous avez regardé trop haut.

Janwillem van de wetering

Le massacre du Maine

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pour la vieille ils avaient manqué de car- touches.

Pour la vieille ils avaient pris leurs poings et leurs pieds et la crosse de leur fusil. Peut-être que ça avait été un réconfort pour elle de savoir que son mari ne pouvait pas voir ça. L’inspecteur-chef Leroux regarda le cadavre du vieux monsieur par terre, les vêtements souillés, la moitié de la tête arrachée par les plombs de fusil, du sang partout. Probablement pas. Pour la vieille ils avaient pris leurs poings et leurs pieds et la crosse du fusil. Ça veut dire qu’ils n’étaient pas venus pour tuer, mais qu’ils avaient quand même apporté un .12 chargé.

Leroux balaya la cuisine du regard. Les vieux avaient été maintenus sur leur chaise pendant que les tueurs fouillaient. Deux hommes pas plus. Il imagina une fille dans le coin avec un trou dans

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ses jeans au-dessus du genou droit, un perfecto et de longs cheveux blonds sans éclat. Il imagina une fille et lui dessina deux visages, le premier paniqué et terrorisé, le deuxième curieux et per-vers, mais non. Il la laissa s’effacer sur le tabouret comme une parole sans écho. Il se tourna vers le légiste qui s’activait au-dessus du corps de la vieille femme et de la bouillie immonde qu’était devenue sa figure. Il dit :

— Ils étaient deux.— Pourquoi tu dis ça ?— C’est le genre de folie qu’on fait à deux. Tout

seul, t’as pas le courage. À trois ou quatre, tu te raisonnes.

C’était une réponse aussi bonne qu’une autre. Vu ce qui s’était passé, il fallait au moins qu’ils soient deux. Un pour tenir les vieux en joue dans la cuisine, un pour dévaster le restant de la maison comme un ouragan tropical avec un nom de petite fille. Aux nouvelles, Kathy ravage la Floride. N’im-porte quoi. Concentre-toi.

Pourquoi pas plus que deux ? Il aurait pu dire n’importe quoi au légiste, mais la vérité c’est qu’il avait pensé aux frères Michaux qui habitaient le village où il était né. Deux gamins brun-roux avec les yeux bleu pâle. Toujours ensemble, toujours dehors, et dont on ne savait jamais lequel était le plus vieux. Leur mère buvait de la bière avant midi et leur père était un gnome analphabète qui

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travaillait à l’usine et mangeait tous les soirs à cinq heures tapant. Dans les battures près de la rivière que surplombait le village vivaient des bruants à queue aiguë, une espèce vulnérable qui était là en aire protégée. Les frères Michaux avaient trouvé une série d’anfractuosités dans un cran de roche où chaque année des oiseaux faisaient leur nid. Au temps de l’éclosion des œufs, les frères ramassaient les oisillons minuscules dans leurs mains pleines de callosités. Ils les envoyaient valdinguer dans les airs le plus haut possible en les frappant avec un batte de baseball. Tous les enfants les regardaient faire, tous les enfants auraient voulu dire quelque chose, mais les frères jouaient à leur jeu, mauvais comme des chats, sans regarder personne. Ils en avaient tué pas loin d’une trentaine une fois. Les oisillons faisaient un bruit épouvantable quand le batte les frappait, un pincement strident, peut-être leur premier et dernier cri, peut-être juste leurs poumons qui se vidaient d’un coup quand le bois de frêne les frappait, peut-être leur plumage sif-flant dans l’air à une vitesse improbable.

Il n’aurait pas pu dire ça au légiste, mais c’est parce que les frères Michaux étaient deux pour taper les oiselets qu’il pensait que les tueurs étaient deux. Il n’aurait pas pu dire ça à personne, d’ailleurs, mais c’est comme ça que son cerveau travaillait la plupart du temps. Et la plupart du temps, il avait raison. Il laissa le légiste seul et

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erra au rez-de-chaussée en slalomant entre les scellés. La maison était un immense capharnaüm. Deux cents photos de famille éparpillées dans le corridor, quelques-unes décrochées des murs et gisant dans le verre des cadres éclaté. Les étagères arrachées. Les tiroirs renversés. Partout l’argen-terie, la brocante, les boîtes d’allumettes en bois, les cinquante-deux cartes d’un paquet Target, des vieilles clés et de la petite monnaie qui scin-tillait comme l’or d’un trésor de pacotille. Le salon retourné jusqu’au dernier tiroir. L’écran de télévi-sion d’avant l’homme sur la lune défoncé avec un cendrier sur patte. Tous les bibelots cassés en mille morceaux. Leroux marchait dans les éclats de verre et dans le plâtre. Il n’était pas monté à l’étage mais ça devait être pareil. La violence sur les choses à sa manière aussi systématique que celle exercée sur les corps, mais ne laissant au regard qu’une grande impression de désordre.

Pourquoi ils avaient fait tout ça ? Pourquoi venir ici, dans le fin fond d’un rang, pour massacrer un vieux fermier et sa femme ? Ils avaient cherché quelque chose, mais quoi ? C’étaient des fous. Non, Leroux s’interdisait les réponses qui ne sont pas des réponses mais seulement une façon de ne pas penser. C’étaient peut-être des débiles, peut-être des sauvages, mais ils avaient une raison pour faire ce qu’ils avaient fait, une raison enfouie dans des

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recoins de leur esprit qu’eux-mêmes ne visitaient peut-être plus jamais.

Il revint vers la cuisine et regarda une der-nière fois les corps. Ils avaient été tués dans la nuit de vendredi à samedi et trouvés le samedi en fin d’après-midi. Il faisait une chaleur collante de juillet et les mouches tournoyaient déjà par dizaines autour des cadavres. Leroux fit menta-lement la liste des choses qu’on ne disait jamais sur les scènes de crime et qu’il ne dirait jamais lui-même. À personne.

Un.L’odeur de viande crue qui se dégageait des

plaies ouvertes, très rapidement après le meurtre. L’odeur de la viande dans son emballage, d’une viande qui s’en va et qu’on n’est pas sûr de vou-loir manger.

Deux.Ce que ça te faisait d’associer la chair humaine

à de la viande faisandée.Trois.Le sang. Le sang rouge, d’un rouge plutôt clair,

cardinal, pas carmin foncé, ni quasiment noir, ni épais comme du sirop de maïs comme dans les films d’horreur que Caroline louait souvent après ses shifts et regardait en s’empiffrant de popcorn.

Quatre.

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Le regard vitreux des cadavres. Ta réticence à passer devant. La peur atavique de laisser ton reflet s’imprimer dans l’œil d’un mort.

Cinq.L’aspect de mécanique déglinguée des cada-

vres, dont la monstruosité susurrait : « Ton corps aussi est une chose. »

Il dit bonne nuit au légiste et sortit de la maison. Il ne jura pas aux vieux qu’il retrouverait les enfants de chienne qui leur avaient fait ça. Il n’était pas homme à faire des promesses aux morts ni à dire de pareilles niaiseries.

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Le Quartanier Éditeur

4418, rue Messier

Montréal (Québec) h2h 2h9

www.lequartanier.com

Couverture : Catherine D’Amours

Achevé d’imprimer au Québec

en octobre 2013 sur papier Enviro

par l’imprimerie Gauvin.

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Samuel Archibald est né à Arvida en 1978. Il est l’auteur d’Arvida, paru au Quartanier en 2011 (Prix des libraires 2012 et Prix Coup de cœur Renaud-Bray 2012) et de l’essai Le sel de la terre : confessions d’un enfant de la classe moyenne (Atelier 10, 2013).

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