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SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES LETTRES DES DÉPARTEMENTS SCIENTIFIQUES DU CNRS CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE © CNRS Photothèque, Christophe Lebedinsky N° 42 DÉCEMBRE 2003

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S C I E N C E SP H Y S I Q U E S E T MATHÉMATIQUESLETTRES DES DÉPARTEMENTS SCIENTIFIQUES DU CNRS

CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

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N° 42 DÉCEMBRE 2003

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Lettre du SPM N° 42 décembre 20033

Le département SPM est à nouveau à l’honneur

avec la médaille d’or 2003 du CNRS attribuée à

Albert Fert, membre de l’Unité mixte de physique

CNRS-Thales. Ce physicien, déjà titulaire de plusieurs

prix internationaux, est reconnu mondialement

pour sa découverte de la magnétorésistance géante.

Il est l’un des fondateurs de « l’électronique de spin », domaine

en plein développement, auquel il participe activement.

Pour le département il représente un cas d’école, mettant en relief

la façon dont des résultats de physique fondamentale originaux

peuvent se transférer rapidement vers des développements

industriels importants et cela de manière impossible à anticiper.

Les succès remportés par Albert Fert doivent nous faire réfléchir

sur la nécessité de développer simultanément ces deux types

de recherche, fondamentale et finalisée, si possible à l’intérieur

des mêmes laboratoires de manière à accroître les interactions

entre ces approches différentes.

Les mathématiques ne sont pas en reste avec le prix Abel,

décerné à Jean-Pierre Serre. Il s’agit cette fois-ci de la première

remise de cette distinction, qui vient d’être créée pour pallier

à l’absence de prix Nobel dans ce domaine. C’est donc

le deuxième succès mondial consécutif pour cette discipline

après la médaille Fields de Laurent Lafforgue l’an dernier.

Plusieurs articles concernant les mathématiques figurent d’ailleurs

au sommaire de cette lettre :

- le grand succès obtenu par les mathématiques à la Fête de la

science « Le CNRS fête les maths » ;

- l’importance vitale de la mobilité pour les mathématiciens.

Dans l’article Les voyages forment la jeunesse, Christian Peskine

exprime une conviction absolue. Je pense que les arguments

sommaire

Édito 3

Distinctions● Albert Fert, médailled’or 2003 du CNRS 5● Le prix Abel couronneJean-Pierre Serre 10

Interdisciplinarité● Interdisciplinarité :les sciences de l’universet le département SPM 12● Des disques stellairesà la dynamique des fluides 14● Un mathématicienpour modéliser le climat 15

Vie scientifique● Chemins minimaux et modèles déformablesélastiques en analysed’images 16

Vie du département● Mathématiques : les voyagesforment la jeunesse 18● Portraits d’ITA 20● ENCRe 2003 23● Que pensez-vous deLa Lettre du département ? 24

Culture scientifique● Modèles et modélisations :le foisonnement des pratiquescontemporaines exige uneréflexion théorique nouvelle 26

Communication● Le CNRS fête les maths 29

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Photo de couverture : Albert Fert©CNRS Photothèque, Christophe Lebedinsky

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qu’il présente ne s’appliquent pas qu’aux seuls mathématiciens et

sont tout aussi valables pour d’autres disciplines.

Cette lettre contient aussi une nouvelle rubrique traitant de l’inter-

disciplinarité. Le premier exemple fait le point sur les interactions

qui existent au CNRS entre les sciences de l’univers et SPM.

Comme promis précédemment, elle s’ouvre également aux ITA

avec une série de portraits destinés à mieux connaître leurs activités

et leurs préoccupations. Enfin, je tiens à vous signaler que la Lettre

du SPM vous sera adressée par la suite sous forme électronique

associée à une modification de contenu avec de nombreuses

informations pratiques, la fréquence de parution envisagée est

d’une par mois.

Pour terminer, je voudrais évoquer la politique d’embauche

et de soutien aux laboratoires qui est en cours d’élaboration

actuellement. Comme vous le savez, la campagne de

recrutement 2004 est basée sur une reconduction de celle

de 2003 mais avec transformation d’une partie des postes

permanents en postes contractuels (119 chercheurs, 227

ITA). L’effet de cette réduction du nombre de créations

d’emplois permanents a pu toutefois être atténué. Le résultat est

une campagne 2004 un peu inférieure à 2003. La situation pour les

postes contractuels n’est pas encore complètement déterminée.

Il en est de même pour le budget pour lequel on devrait avoir des

informations définitives vers la fin décembre. Quoi qu’il en résulte,

la période que nous vivons est difficile et nous ferons tout ce qui

nous est possible pour préserver le potentiel scientifique du

département.

Michel LannooDirecteur du département des sciences physiques et mathématiques

2004Le département des sciences

physiques et mathématiques

vous présente ses meilleurs

vœux pour l’année 2004

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A lbert Fert s’émerveille debeaucoup de choses : des

paysages de ses Pyrénées catala-nes bien sûr, de la musique deThelonious Monk et des filmsd’Almodovar également, maisaussi parfois, bizarrement, du ron-ronnement du disque dur de sonordinateur. Ce qui le laisse rêveur,c’est de réaliser que l’énorme ca-

pacité des disques magnétiquesactuels provient, en bonne partie,de ses élucubrations de jeunechercheur vers 1970, puis de sadécouverte de la magnétorésis-tance géante en 1988. L’introduc-tion de têtes de lecture à magné-torésistance géante est en effet àl’origine de l’augmentation consi-dérable de la densité de stockaged’information sur disque dur. Quiplus est, cette découverte a donnéle coup d’envoi à un nouveau do-maine de la physique : l’électro-nique de spin (ou spintronique).Un domaine actuellement enpleine expansion dont Albert Fertest l’un des principaux acteurs.Aujourd’hui, des phénomènesnouveaux continuent d’apparaître,d’autres applications se dévelop-pent et l’impact de cette nouvellescience sur les technologies duXXIe siècle s’annonce comme véri-tablement important.

L’électronique de spin,c’est quoi ?

« L’électronique de spin, ex-plique Albert Fert, exploite unecaractéristique quantique de l’é-lectron : le spin, que l’on peutimaginer comme une minusculeaiguille de boussole portée parl’électron. Alors que l’électroniqueclassique guide les électrons enexerçant une force sur leur chargeélectrique, l’électronique de spin

les guide en agissant sur leur spin.Comment trouver une force agis-sant efficacement sur le spin desélectrons ? Réponse : en faisantpasser ces électrons au travers decouches ultra-fines de matériauxferromagnétiques comme le ferou le cobalt dans lesquels s’exerceune forte interaction entre le spinde l’électron et l’aimantation dumatériau ferromagnétique. Enorientant cette aimantation, il estdonc possible d’agir sur le spin etde contrôler le mouvement desélectrons. »

Aux cours de ses recherchesfondamentales sur les métauxferromagnétiques au début de sacarrière, Albert Fert avait clarifiécette influence du spin sur le mou-vement des électrons. « Cepen-dant, pour l’exploitation de cesidées et l’éclosion de l’électroniquede spin, précise t-il, il a fallu atten-dre les progrès technologiques dela fin des années 80 qui ont per-mis l’élaboration de couches ultra-minces et de structures artificiellesde toute petite échelle. » Les phé-nomènes intéressants d’électro-nique de spin sont en effet obte-nus dans des « nanostructuresmagnétiques », des structures arti-ficielles associant plusieurs maté-riaux dans une architecture à l’é-chelle du nanomètre (millionièmede millimètre). Les premières « na-nostructures magnétiques » ont

Le CNRS a décerné cette année sa médaille d’or au physicien

Albert Fert, professeur à l’université Paris-Sud et directeur

scientifique à l’unité de physique CNRS/Thales (associée

à l’université Paris-Sud), pour sa découverte de la

magnétorésistance géante (Giant magneto-resistance,

GMR) et sa contribution au développement de l’électronique

de spin. Ce domaine de recherche en nanosciences est

aujourd’hui en forte expansion.

La GMR a déjà un impact important sur les technologies

de l’information et de la communication. Elle est notamment

à l’origine de l’élaboration de têtes de lecture magnétique

extrêmement sensibles qui équipent aujourd’hui tous les

disques durs. Ces têtes sont produites et commercialisées

au rythme de 615 millions par an.

D’autres secteurs pourront bénéficier bientôt d’applications

de l’électronique de spin, en particulier la téléphonie

mobile, l’informatique portable ou encore l’électronique

embarquée.

Albert FertMédaille d’or 2003 du CNRS

De la physiquefondamentale des spins

à la technologie de pointeappliquée au quotidien

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été des multicouches empilant enalternance des strates d’un métalferromagnétique et d’un métalnon-magnétique. Par exemple, dufer peut alterner avec du chrome.(figure 1)

Les débuts de laspintronique

La première manifestation d’é-lectronique de spin a été la ma-gnétorésistance géante des multi-couches magnétiques (figure 2A).Vers le milieu des années 80,Albert Fert, alors au laboratoire dephysique des solides d’Orsay, éta-blit une collaboration pour l’étudede multicouches magnétiquesavec Alain Friederich, directeur àThomson-CSF d’un départementde recherche qui maîtrisait la tech-nique d’« epitaxie par jets molécu-laires » (technique de croissancesous ultra-vide) pour le dépôt decouches ultra-minces. Albert Fertraconte : « Nous avons découvertla magnétorésistance géante en1988 sur des multicouches de feret de chrome. Pour certainesépaisseurs des couches de chrome,les aimantations de couches de fersuccessives s’orientent en sensopposé, dans une configurationdite antiparallèle. Dans l’expé-rience de 1988, nous avons alignéces aimantations en appliquant unchamp magnétique et provoquéainsi une forte chute de la résis-tance électrique de la multicou-che. L’amplitude de l’effet a dé-passé toutes nos espérances ! ».La variation de résistance d’unconducteur induite par un champmagnétique s’appelle magnétoré-sistance et l’effet observé en 1988,beaucoup plus important quedans les conducteurs classiques, aété appelé magnétorésistancegéante. L’interprétation (figure 2B)des effets observés s’appuyait surles résultats antérieurs d’AlbertFert qui lui avaient permis d’analy-

ser l’influence du spin sur laconduction dans les métaux ferro-magnétiques. Les expériences ré-vélant l’effet GMR et leur interpré-tation ont été publiées dans unarticle de la revue Physical ReviewLetters. (Phys. Rev. Lett. 61, 2472,1988) considéré comme l’articlefondateur de l’électronique despin. Il est cité près de 2 500 foisdans la littérature scientifique, cequi l’a classé au 6e rang du « TopTen » des articles de PhysicalReview Letters les plus cités depuisla création de cette prestigieuserevue, il y a 50 ans. L’équipe dePeter Grünberg à Jülich enAllemagne a publié peu après(Phys. Rev. B39, 4828, 1989) desrésultats expérimentaux similaires(quoique avec une magnétorésis-tance plus modeste). « Grünberget moi, raconte Albert Fert, avonstoujours été d’accord pour consi-dérer que nos expériences avaientété réalisées quasi simultanémentet que nous partagions la décou-verte de la GMR. »

Plus de 200 giga-octetsdans un disque durà magnétorésistancegéante

La GMR, en particulier celle ob-tenue avec un très petit champmagnétique dans certaines multi-couches, a immédiatement attirél’attention des industriels. Les pre-mières applications, des capteursde champ magnétique très sensi-bles, sont apparues dès 1993.« Les applications les plus impor-tantes, explique Albert Fert, ont ce-pendant été les têtes de lecturepour disque dur utilisant la varia-tion de résistance d’une multicou-che (c’est-à-dire l’effet GMR) pourdétecter les petits champs magné-tiques générés par les inscriptionssur le disque » (figure 3). La sensi-bilité de la détection par GMR apermis de diminuer la taille des

Figure 1 - Dessin d’une multicouche composée de couches de fer et de chromeen alternance. Cette multicouche est semblable à celle de la découverte de lamagnétorésistance géante en 1988. Chaque couche est constituée de troisplans d’atomes (représentés par des boules) dans un réseau cubique cristallincentré. Les flèches indiquent l’orientation de l’aimantation des couches de feravant application d’un champ magnétique.

Figure 2 - (A) Variation de la résistance électrique de multicouchesfer/chrome en fonction du champ magnétique appliqué (première observationde GMR). Un kiloOersted correspond à un dixième de Tesla.Les schémas en dessous de la courbe représentent la configuration desaimantations de couches de fer successives à diverses valeurs du champ.Dans le cas de la multicouche où l'épaisseur de fer est de 30 angströms (1 Å=10-10m), et celle du chrome de 9 angströms, la variation relative de résistance(magnétorésistance) s’élève à 80%.

Figure 2 - (B) Illustration du mécanisme de la GMR. Les grandes flèches horizontales représentent les aimantations de deuxcouches ferromagnétiques successives. Les lignes obliques représentent destrajectoires d’électrons. On suppose que ces derniers se propagent plusfacilement à l’intérieur d’une couche quand leur spin (petites flècheshorizontales) est parallèle à l’aimantation. Dans la configuration (a) où lescouches ferromagnétiques ont des aimantations parallèles, la moitié desélectrons se propagent facilement partout, ce qui se traduit par un effet decourt-circuit par un canal de conduction de faible résistance électrique.Dans la configuration (b) d’aimantation « antiparallèle », les électrons des deuxdirections de spin sont ralentis dans une couche ferromagnétique sur deux,l’effet de court-circuit n’existe plus et la résistance est beaucoup plus élevée.

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inscriptions et d’augmenter par unfacteur d’environ 100 la densitéd’information stockée sur le disque.Aujourd’hui, la quasi-totalité destêtes pour disques durs (615millions de têtes par an) utilisentla GMR et la capacité de certainsdépasse les 200 giga-octets. Avecdes densités supérieures à 20 giga-bits par centimètre carré de disque(l’équivalent d’environ 2 500 ro-mans par centimètre carré), on at-teint cependant la limite de laGMR classique (celle avec le cou-rant parallèle aux couches). « Laprochaine génération utilisera sansdoute d’autres effets d’électroni-que de spin comme la GMR encourant perpendiculaire aux cou-ches ou la magnétorésistance tun-nel », confie Albert Fert.

Électronique de spind’aujourd’hui etmémoires du futur

La découverte de la GMR a dé-clenché de nombreux travaux derecherche dans le monde entieret les résultats ont rapidementconfirmé le potentiel d’une

électronique exploitant le spin del’électron. Ce nouveau domainede la physique est aujourd’hui enpleine expansion et Albert Fertjoue un rôle majeur dans son dé-veloppement. Son équipe à l’unitéCNRS/Thales a ainsi été l’une despremières en Europe à réaliser des« jonctions tunnel magnétiques »(Magnetic Tunnel Junctions, MTJ)et à faire progresser la compré-hension de leurs effets de magné-torésistance (Tunel Magneto-resis-tance, TMR). Un exemple decontribution significative d’AlbertFert à la théorie de l’électroniquede spin est aussi l’introduction duconcept d’accumulation de spin,aujourd’hui utilisé dans de nomb-reux modèles.

« La TMR des jonctions tunnelmagnétiques, explique Albert Fert,aura sans doute des applicationsimportantes. » Une MTJ est com-posée de deux couches ferro-magnétiques séparées par unecouche isolante d’environ un na-nomètre d’épaisseur à travers la-quelle les électrons ont une cer-taine probabilité de passer par un

phénomène quantique appeléeffet tunnel. Comme pour la GMR,la résistance de la jonction est dif-férente selon que les aimantationsdes couches ferromagnétiquessont orientées dans le même sensou en sens opposé (parallèles ouantiparallèles). « Le phénomèneavait en fait été déjà observé parMichel Jullière en France dans lesannées 70, puis oublié car difficile-ment reproductible. Ce sont destravaux de 1995 aux USA qui ontpermis de maîtriser la TMR et derelancer la recherche. La TMR aurabientôt des applications importan-tes pour la réalisation de mémoiresélectroniques, les MRAM (Ma-gnetic Random Acces Memory).« L’impact dans la technologie desordinateurs sera important », pré-cise le médaillé d’or. Alors que lesmémoires DRAM (Dynamic Ran-dom Access Memory) et SRAM(Static Random Access Memory)à base de semiconducteurs desordinateurs actuels ont un carac-tère « volatile » (l’information stoc-kée meurt dès que l’on éteint l’or-dinateur), la mémoire des MRAM

est permanente (figure 4). Grâce àcette permanence, il n’y aura plusà stocker les programmes et lesdonnées sur le disque dur à l’arrêtde l’ordinateur et à les recharger àla remise en tension, ce qui élimi-nera la lenteur au démarrage etaussi les pertes accidentelles dedonnées. De plus, contrairementaux mémoires à semiconducteurqui consomment de l’énergiemême en période de veille de l’or-dinateur ou du téléphone mobile,les MRAM n’ont besoin d’énergieque pendant un travail effectif.Conséquence : un allongementsignificatif de la durée de vie dela batterie d’un ordinateur oud’un téléphone portable. « C’estd’ailleurs dans ce créneau de l’é-lectronique nomade que lesMRAM s’intègreront sans doute leplus vite. La mise sur le marché decomposants fonctionnels est an-noncée pour 2004-2005. Il est in-téressant de noter que les pre-miers développements industrielsde MRAM devraient être localisésen France, à Corbeil-Essonne(consortium Altis associant IBM et

Figure 3 - Dessin schématique d’une tête de lecture de disque dur utilisant la GMR pour une détection ultra-sensible du champ magnétique généré parles inscriptions.

Figure 4 - En haut : cellules mémoires de MRAM constituées d’une jonctiontunnel magnétique (MTJ). Les états «0» et «1» des cellules correspondentrespectivement aux configurations parallèle et antiparallèle des momentsmagnétiques des électrodes de la MTJ (états de résistance faible et forte).

En bas : schéma d’une MRAM construite avec des MTJ connectées à un réseaude lignes conductrices appelées « bit » line et « world » line.Ces lignes servent soit à commuter l’état d’une cellule (écriture), soit à lire on état en utilisant l’effet TMR.

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la société allemande Infineon) et àCrolles, près de Grenoble (consor-tium Motorola - ST Microelectronics- Philips) », remarque Albert Fert.

L’importance des MRAM dansles technologies du futur justifiel’effort de nombreux laboratoirespour améliorer la magnétorésis-tance des jonctions tunnel ou pro-poser des composants plus so-phistiqués et plus performants. Unrésultat marquant de l’équipeCNRS-Thales a été la démonstra-tion d’un effet de TMR record (fac-teur 20 entre résistances des confi-gurations parallèle et antiparallèle)obtenu en utilisant certains oxydesmagnétiques dits demi-métal-liques (figure 5). Cette magnétoré-sistance ne subsiste pas à tempé-rature ambiante dans les oxydesétudiés jusqu’à présent, ce qui ex-clut des applications, mais unevoie est ouverte pour la recherched’autres matériaux de ce type.« Notre équipe, explique AlbertFert, étudie aussi aujourd’hui unphénomène nouveau qui pourrait

avoir des applications intéressan-tes pour l’écriture de dispositifs detype MRAM ou d’enregistrementmagnétique. Dans la technologieactuelle, on écrit en orientant uneaimantation par application d’unchamp magnétique créé par uneligne de courant électrique. L’unitéCNRS/Thales a été l’un des toutpremiers laboratoires à montrerque l’on pouvait aussi orienter l’ai-mantation d’un petit élément sanschamp magnétique appliqué del’extérieur mais seulement en in-jectant un courant de spins dansl’élément. On parle de commuta-tion magnétique par transfert despins et le phénomène est pro-metteur de nombreuses applica-tions. »

Vers une fusion del’électronique classiqueet de l’électroniquede spin

Une activité importante aujour-d’hui à l’unité CNRS/Thalesconcerne l’électronique de spindans des structures dites hybridesassociant matériaux ferromagné-tiques et semiconducteurs. Ce do-maine de recherche, à l’interfaceentre électronique classique etélectronique de spin, est en pleindéveloppement, en particulier auxÉtats-Unis et au Japon. Diversconcepts ont été proposés pourexploiter le spin de l’électron dansun semiconducteur. On peut ima-giner, par exemple, un composantcombinant des fonctions de stoc-kage permanent d’information, detraitement logique et de commu-nication optique sur une mêmepuce. De nombreux problèmesfondamentaux restent cependantà résoudre. Comment injecter desélectrons d’une même directionde spin dans un semi-conducteurà partir d’un métal ferromagné-tique ? Comment ensuite mani-puler ces spins dans le semicon-

ducteur et les détecter ? Autantde problèmes qui passionnentaujourd’hui Albert Fert et sonéquipe.

Un objectif des chercheurs dansce domaine est le contrôle du spind’un électron unique dans un toutpetit objet appelé « boîte quan-tique ». C’est une direction de re-cherche prometteuse pour la réali-sation — à long terme — d’unnouveau type d’ordinateur extrê-mement rapide, l’ordinateur quan-tique, qui ne combinera plus desdonnées binaires comme dansl’informatique d’aujourd’hui maisles fonctions d’onde de tels « ob-jets quantiques ». « C’est aussi l’unedes perspectives fascinantes de larecherche de la prochaine décen-nie », s’enthousiasme Albert Fert.

De la recherchefondamentale auxavancéestechnologiques

« Le premier enseignement queje tire de l’aventure est que lesavancées technologiques ont engénéral des racines très anciennesen recherche fondamentale. Lamagnétorésistance géante et l’é-lectronique de spin ne sont pasnées par génération spontanée en1988 », explique Albert Fert. Dansles années 30, le prix Nobel dephysique Sir Nevill Mott avait déjàproposé que le spin interviennedans la conduction électrique. Laconfirmation expérimentale et ledéveloppement de modèles da-tent d’il y a environ 30-35 ans etviennent de quelques laboratoireseuropéens (à Strasbourg autourde François Gautier, à Orsay avecles travaux de Campbell et Fert,aux Pays-Bas également dans le la-boratoire d’Eindhoven). « Mais fa-briquer des structures artificielles àl’échelle du nanomètre était im-pensable à l’époque. Le passage àla GMR et à l’électronique de spin

Figure 5 - Image en coupe par microscopie électronique de haute résolutiond’une jonction tunnel magnétique composée de deux couches magnétiquesd’oxyde de manganèse séparées par une couche isolante de titanate destrontium. On distingue clairement les rangées d’atomes.

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est ensuite venu de la conjonctiondes idées de physique fondamen-tale que nous avions développéesvers 1970 et des progrès des tech-niques d’élaboration de nano-structures au milieu des années 80.Par la suite également, les déve-loppements de l’électronique despin ont souvent été liés aux avan-cées des nanotechnologies. Leproblème n’est d’ailleurs pas spé-cifique à l’électronique de spin,tant il est vrai que de nombreuxdomaines de la physique de lamatière sont actuellement « boos-

tés » de façon fantastique par l’ar-rivée des nanotechnologies », rap-porte Albert Fert.

Pour le physicien, la découvertede la GMR et les développementsultérieurs ont aussi montré l’inté-rêt d’associer des laboratoires derecherche fondamentale du CNRSou des universités et des labora-toires industriels. « C’est intéres-sant par la complémentarité detechnologies différentes mais aussipour que les chercheurs aient unecertaine vision des enjeux indus-triels et que les ingénieurs perçoi-

vent toutes les possibilités offertespar les avancées fondamentales.Dans notre domaine, cela a conduità la création du laboratoire qui estaujourd’hui l’unité de physiqueCNRS/Thales, également associéeà l’université Paris-Sud », souligneAlbert Fert. Il constate : « La Franceet ses partenaires européens nesont pas les pays les mieux placésdans les technologies de l’infor-mation et de la communication.Les prochaines années verrontsans doute des avancées considé-rables dans ces secteurs et leur

impact dans l’économie sera deplus en plus grand. Il est d’autantplus essentiel que la France etl’Europe puissent rattraper l’a-vance qu’ont pris les États-Unis etaussi le Japon dans ce domaine ».

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Albert FertUnité mixte de physiqueCNRS/[email protected]

contact

Trois grands domaines d’applicationsont directement concernés parle développement de l’électroniquede spin :● le domaine de l’enregistrement magnétiqueavec les têtes de lecture de disques durs ;● les capteurs magnétiques pour des applica-tions dans l’automobile, professionnelles maisaussi éventuellement domestiques ;● les mémoires électroniques avec l’apparitionsur le marché annoncée pour l’horizon 2004-2005 des premières générations de MRAM(Magnetic Random Access Memory).Enregistrement magnétique● C’est historiquement le premier secteur sur le-quel la magnétorésistance géante (GMR) a euun impact de grande ampleur. A partir de fin1997, toutes les têtes de lecture de disques dursont progressivement utilisé la GMR.● Cette transition a permis de doubler la vitessede croissance de la densité de stockage de 120 %par an entre 1998 et 2002.● Le marché actuel des disques durs représenteenviron 50 milliards d’euros, la part prise par lestêtes de lecture représentant plus de 10 %.Capteurs magnétiques● Les premiers capteurs magnétorésistifs utili-sant la GMR ont été introduits dès 1994 sur desmarchés spécifiques.

● Le marché des capteurs magnétorésistifs estcomplexe. C’est en fait un amalgame de marchésspécifiques de taille plus ou moins grande.● Les applications peuvent être regroupées entrois grands domaines :- la détection d’un champ magnétique (bous-sole, mesure de courant électrique) ;- la détection d’un objet via sa signature ma-gnétique (comptage de véhicules, détection debâtiments maritimes) ;- la détection du mouvement d’un objet com-portant un aimant (fermeture de portes d’avions,potentiomètre sans contact).● Le volume du marché actuel est de 800-900millions d’euros. Sa croissance est largementdépendante de la pénétration de marchés demasse comme l’automobile ou les applicationsdomestiques.Mémoires électroniques● C’est le domaine d’application des MRAM, quidevrait être le premier produit utilisant l’effettunnel dépendant du spin.● La MRAM est une technologie de mémoireélectronique non volatile, dont les performan-ces devraient la rendre compétitive par rapportà l’ensemble des technologies de mémoires ac-tuelles (DRAM, SRAM, Flash). Sa seule concur-rente en tant que technologie émergente est lamémoire ferroélectrique. La MRAM a l’avan-

tages de présenter une meilleure capacité d’in-tégration, un meilleur temps d’accès et unemeilleure fiabilité.● La première génération de produits est an-noncée pour 2004-2005. Les deux premièreslignes de production des acteurs occidentaux(Europe et États-Unis) devraient se situer enFrance à Crolles (consortium ST Microelec-tronics, Philips, Motorola) et à Corbeil-Essonne(consortium Altis : IBM, Infineon). Il y a d’autresacteurs en Asie (Japon, Corée).● Le marché global des mémoires électroniquesen 2002 est d’environ 25 milliards d’euros. Il sedécompose en trois secteurs :- les mémoires pour appareils nomade, domes-tique et grand public (agendas électroniques,appareils photos), pour lesquelles le facteur do-minant est la recherche d’un composant à faiblecoût. Ce secteur représente 9 milliards d’eurosen 2002. On peut raisonnablement penser quec’est le premier auquel s’attaqueront les pro-duits MRAM ;- les mémoires pour ordinateurs (DRAM,SRAM) qui sont le résultat d’un compromis per-formance/coût. Ce secteur représente 15 milliardsd’euros en 2002 ;- les mémoires pour applications militaires etspatiales. Une caractéristique importante dansce domaine est la tenue aux radiations.

I M PACT ÉCONOM IQU E DE L’ÉLECTRON IQU E DE SP I NI M PACT ÉCONOM IQU E DE L’ÉLECTRON IQU E DE SP I N

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Lettre du SPM N° 42 décembre 200310

Abelrime avec

Nobel ; peut-être cela aidera-t-il le prix Abel, créé l’annéedernière par l’Académie norvé-gienne des sciences et des lettres,à s’imposer durablement commela plus haute récompense dans ledomaine des mathématiques. Entout cas, la décision d’attribuer lapremière édition de ce prix à Jean-Pierre Serre, ainsi que la sommerondelette qui y est attachée(environ 770 000 euros), vontdans ce sens.

De l’avis unanime, Jean-PierreSerre, chercheur français aujour-d’hui âgé de 77 ans, est l’une desfigures dominantes du demi-sièclemathématique qui vient de s’é-

cou-ler. Cet an-

cien élève del’École normale supé-

rieure a obtenu son doctorat de laSorbonne en 1951.

Chercheur au CNRS de 1948 à1954, puis enseignant à l’univer-sité de Nancy, il a été nommé en1956 professeur à la chaire d’algè-bre et géométrie du Collège deFrance, fonction qu’il occuperajusqu’à sa retraite en 1994.

Jean-Pierre Serre était l’un desprincipaux membres du groupeBourbaki — groupe qui a engagé àpartir de 1935 une vaste refontedes mathématiques — qu’il a re-joint à la fin des années 40 et où ilest resté actif jusqu’aux années 70.Une bonne partie des mathéma-

ticiens qui ont in-fluencé Serre ontd’ailleurs fait par-tie du groupeBourbaki : HenriCartan, le pèredes mathéma-tiques françai-ses de l’après-guerre, AndréWeil qu’il admi-rait pour « sonstyle, sa façonde voir les ma-thématiques et

son imaginationqui lui faisait voir

des liens inatten-dus entre différentes

branches des mathé-matiques », Alexandre

Grothendieck qui a révo-lutionné la géométrie algé-

brique, Armand Borel avecqui il a travaillé sur la théorie

des groupes.Les contributions essentielles

de Serre aux mathématiques ontdémarré dès sa thèse de doctorat.Dans celle-ci, intitulée « Homolo-gie singulière des espaces fibrés »,Serre a utilisé une notion inventéequelques années plus tôt par lemathématicien français Jean Leray,les suites spectrales, pour mettreau point des méthodes puissantesdans le domaine de la topologiealgébrique. Un peu plus précisé-ment, ces techniques (des tech-niques d’algèbre dite homolo-gique) ont rendu possible le calculde certains invariants, appelésgroupes d’homotopie, de diversobjets topologiques, notammentles sphères dans des espaces dedimension donnée. « Ces travauxont révolutionné la topologie algé-brique de l’époque », expliqueJean-Marc Fontaine, mathéma-

A l’occasion

du bicentenaire

de la naissance

du mathématicien

norvégien Niels

Henrik Abel (1802-1829),

l’Académie norvégienne a

créé un grand prix annuel

de mathématiques,

discipline qu’Alfred Nobel

n’avait pas intégrée dans

son système de

récompenses.

Jean-Pierre Serre,

professeur honoraire au

Collège de France, est le

premier lauréat de ce prix,

qui a été remis le 3 juin

dernier à Oslo.

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

distinctionsdistinctions

Le prix Abelcouronne Jean-Pierre Serre

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Lettre du SPM N° 42 décembre 200311

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

distinctionsdistinctions

ticien à l’université Paris-Sud etconsidéré comme l’élève de Serre.En tout cas, ils ont valu à ce der-nier une médaille Fields en 1954,alors qu’il avait moins de 28 ans.Aujourd’hui encore, c’est le recordde jeunesse pour ces médailles,attribuées tous les quatre ans àdes mathématiciens âgés demoins de 40 ans et qui, jusqu’àprésent, étaient considéréescomme la palme suprême en ma-thématiques.

Après son incursion dans le do-maine de la topologie algébriqueet tout au long de sa carrière,Serre s’est attaqué avec succès àune multitude de sujets. Les prin-cipaux domaines concernés sontla théorie des groupes, la géomé-trie algébrique et la théorie desnombres. Ainsi, il crée en 1955 lathéorie des « faisceaux algébriquescohérents » qui, explique-t-il, « estde la géométrie algébrique inspi-rée par de la topologie ». La notionde faisceau avait été introduite,comme celle de suite spectrale,par Jean Leray dans les années 40puis reprise par Henri Cartan, dontSerre a été l’élève. « Les faisceauxcohérents jouent un rôle fonda-mental en géométrie algébrique etdans la théorie des fonctions deplusieurs variables complexes »,précise J.-M. Fontaine.

Un autre travail qui a contribuéà la célébrité de Serre est sa« Géométrie algébrique et géomé-trie analytique » de 1956, dans la-quelle il dresse un pont entre lagéométrie algébrique et la géomé-trie analytique — celle-ci ne signi-fiant pas la géométrie des coor-données apprise au lycée, maisl’étude des variétés analytiquescomplexes. Cette œuvre s’est ren-due tellement utile que les mathé-maticiens en ont abrégé le titre en

« GAGA » et qu’on les entend direpar exemple que tel ou tel résultat« se démontre par GAGA »...

Depuis le milieu des années1960 jusque vers 1990, Serre a tra-vaillé entre autres sur les formesmodulaires, objets relevant plutôtde l’analyse mais qui sont au car-refour de la géométrie algébrique,de la théorie des groupes et de lathéorie des nombres. Dans ce ca-dre, il a notamment contribué àl’idée d’associer aux formes mo-dulaires des « représentations ga-loisiennes », idée qui a été déter-minante dans les recherches ayantmené à la démonstration parAndrew Wiles du grand théorèmede Fermat, en 1994. Plus générale-ment, l’influence de Serre en théo-rie des nombres est, selon J.-M.Fontaine, comparable à celle qu’aexercée dans les années 60Alexandre Grothendieck en géo-métrie algébrique — ce qui n’estpas peu dire. « Les mathémati-ciens utilisent aujourd’hui de fa-çon naturelle une multitude deconcepts et techniques dont il està l’origine ».

Bien que retraité, ce mathémati-cien pur, et qui se réclame commetel, continue à travailler et à pro-duire, à un rythme peut-être légè-rement moins soutenu qu’avant.Depuis une dizaine d’années, ilse consacre à la théorie de la re-présentation des groupes. « Je tra-vaille autant mais je rédige beau-coup moins », affirme-t-il cependant.Dommage pour la communautémathématique, car Jean-PierreSerre est également réputé pourses rédactions, caractérisées parbeaucoup de clarté, de rigueur etde précision. La plupart de ses ou-vrages sont devenus des référen-ces classiques. D’ailleurs, parmises innombrables distinctions,

dont certaines fort prestigieuses(médaille Fields en 1954, prixBalzan en 1985, médaille d’or duCNRS en 1987, prix Wolf en 2000,etc.), figure le prix Steele décernéen 1995 par l’AmericanMathematical Society et qui ré-compense une personne pour samanière d’exposer des mathéma-tiques.

A l’oral, Jean-Pierre Serre nebrille pas moins qu’à l’écrit. AuCollège de France, « une très belleinstitution, tout à fait originale,la seule en France qui puissedispenser des cours d’un niveauaussi élevé à un auditoire aussigrand », sa chaire consistait à don-ner 18 heures de cours chaque an-née. Leur préparation nécessitait« un lourd travail », effectué chezlui à son domicile, et ils attiraientplusieurs dizaines de mathémati-ciens, dont certains venaient ex-près de province.

En fait, Serre travaillait à ses re-cherches chez lui, puis venait « ra-conter » celles-ci au Collège deFrance, « sans notes écrites », cequi est une belle prouesse. Quiplus est, « raconter » est un motfaible, car Serre tient à expliquer àfond ses travaux, jusqu’aux détailsdes démonstrations, chose que lesconférenciers font rarement. Si sescours du Collège de France sesont arrêtés, ce mathématicien ré-puté modeste, toujours disponibleet prêt à discuter ou à aider, conti-nue à « faire des exposés ici et là » ;et il continue, comme dit J.-M.Fontaine, « à faire sentir aux autresque les mathématiques sont unplaisir ».

Par Maurice Mashaal

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D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

interdisciplinaritéinterdisciplinarité

Interdisciplinarité: les sciences de

Dans quelle mesurel’interdisciplinarité est-elleune nécessité au sein dudépartement SDU et à l’INSU ?Philippe Gillet : Les sciences del’univers ont la particularité des’intéresser à l’étude d’objetsvariés — depuis l’intérieur de laterre jusqu’aux objets galac-tiques en passant par les enve-loppes les plus superficielles denotre planète que sont l’at-mosphère, l’océan et la surfacedes continents. Comprendre l’origine, la struc-ture et l’évolution de ces objetsfait appel à des compétencesscientifiques qui vont bien au-delà de celles des seuls cher-cheurs du département dessciences de l’univers. Un exemple simple permet demettre cette nécessaire inter-disciplinarité en avant. Comprendre et anticiper lechangement du climat de laplanète, d’origine naturelle ouinduit par l’activité humaine,passe bien sûr par une étude etune compréhension du phéno-mène climatique. Mécaniquedes fluides, photochimie dansl’atmosphère, croissance de lavégétation sont autant de do-maines de recherche qu’il fautmarier pour appréhender etcomprendre la complexité duclimat. Physiciens, mathéma-ticiens, chimistes et biologistes

ont donc leur mot à dire ! Maiscela va plus loin encore. Lechangement climatique aaussi des implications sur lavie des sociétés et leur déve-loppement et demande doncque les sciences humaines etsociales s’approprient les ré-sultats des recherches des aut-res champs disciplinaires. Deplus, la minimisation et lesanticipations de l’activité hu-maine sur le climat appellentla mise en œuvre de technolo-gies nouvelles de dépollution,de nouvelles formes de pro-duction et de stockage d’éner-gie et donc des collaborationsaccrues entre climatologues,physiciens, chimistes, biolo-gistes et ingénieurs.

La situation actuelle desinteractions entre disciplines,avec la physique et lesmathématiques en particulier,y est-elle satisfaisante ?Ph. G. : Ces interactions exis-tent et je m’en félicite, maiselles sont potentiellement plusriches encore. Je crois que lesphysiciens, en particulier, peu-vent trouver dans les phéno-mènes et objets de l’univers,matière à des recherches quienrichiront davantage encorele cœur de leur discipline. Monexpérience de chercheur memontre que les interactions

entre chercheurs de champsdisciplinaires différents sontune réalité dans de nombreuxlaboratoires. Elles sont néan-moins à développer, notam-ment dans le domaine des na-nomatériaux naturels. Notretravail au niveau institution-nel est, quant à lui, plus diffi-cile à mettre en œuvre dansune structure organisation-nelle découpée en départe-ments. Nous y arrivons malgrétout, grâce à la concertationentre les directions scienti-fiques des différents départe-ments et grâce à la mise enplace de GDR (Groupementsde recherche) par exemple. Ence qui concerne la physiqueplus particulièrement, l’exis-tence des grands équipementscomme les synchrotrons (Lure,ESRF et bientôt SOLEIL) a étéindéniablement le creuset d’ex-cellentes interactions scienti-fiques et de la construction,dans la durée, de collabora-tions sur des sujets par essenceinterdisciplinaires.

L’interdisciplinarité est-ellevéritablement réciproque ?Autrement dit, les sciencesde l’univers fertilisent-ellesles sciences mathématiqueset physiques autant qu’ellesles utilisent ?Ph. G. : Je crois que oui. Demanière générale, on peutaussi affirmer que les objets del’univers, au sens le plus largepossible, constituent une ex-traordinaire source de ques-tionnements scientifiques quipeuvent enrichir le cœur dedisciplines comme la phy-sique, la chimie ou encore labiologie. Pour illustrer cela,je prends un exemple qui metient à cœur : celui du com-portement de la matière sous

Depuis un certain nombre d’années, les grands organismes de recherche comme le CNRS

militent en faveur de l’interdisciplinarité. Vœu pieux ou réelle volonté qui se traduit

concrètement dans le quotidien des chercheurs et des laboratoires ?

Pour faire le point sur les interactions qui existent au CNRS entre les sciences de l’univers

et les sciences physiques et mathématiques, nous avons interrogé Philippe Gillet,

ex-directeur scientifique du département SDU (sciences de l’univers) et de l’INSU (Institut

national des sciences de l’univers), et recueilli le témoignage de deux chercheurs,

Bérengère Dubrulle et Claude Basdevant.

Lettre du SPM N° 42 décembre 200312

Sylvie Joussaumeest aujourd'hui directrice del’Institut national des sciences del’univers-INSU, et du départementdes sciences de l'univers-SDUPhilippe Gilletest désormais directeur de l’Écolenormale supérieure de Lyon

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des conditions extrêmes depression et de température.A la fin des années 80, nousautres chercheurs des sciencesde la terre avions décidé denous lancer sérieusement dansl’étude des matériaux dans lesconditions de pression et detempérature censées régner àl’intérieur de la terre. Pour cefaire, nous avons pris descontacts avec des physiciens.L’accueil a été excellent et ilsnous ont réellement aidé àmonter des expériences tout àfait originales. A présent, lesphysiciens utilisent le savoir-faire des « géologues » en ma-tière de haute pression et iln’est plus rare de voir des pu-blications communes dans lesplus grandes revues interna-tionales de physique.

Y a-t-il des obstacles, desréticences vis-à-vis destravaux interdisciplinaires ?De quelle nature ?Ph. G. : Il existe bien sûr desobstacles. Au premier rang setrouve la difficulté de notresystème d’évaluation, qui est« sectorisé », à juger de manièrepertinente des travaux ne sesituant pas dans ce que nousappelons communément lecœur des disciplines. Je suispersuadé que la notion de dis-cipline et le sentiment d’ap-partenance à un champ disci-plinaire constituent l’un desprincipaux obstacles à laconstruction dans la durée del’interdisciplinarité. En effet,les chercheurs ont souventtendance, ce qui peut se com-prendre, à se réclamer de ladiscipline de leur formationinitiale. Il est plus rare devoir un cher-cheur

se présenter avant tout par sonobjet d’étude ou les questionsscientifiques qu’il se pose. Jepense que les difficultés quenous avons à posséder cetteculture de l’approche interdis-ciplinaire ne sont, en fin decompte, qu’une conséquencede notre système éducatif :l’enseignement secondaire etuniversitaire est très cloisonnéen disciplines. Les choses bou-gent bien sûr, mais à une vi-tesse qui n’est pas adaptée auxchangements que connaît ac-tuellement la science.

Quelle est la stratégie del’INSU et du SDU pourrenforcer l’interdisciplinarité ?Quels sont les moyens misen œuvre ?Ph. G. : Nous avons déjà des la-boratoires qui relèvent de nosdeux départements à la fois,laboratoires où le brassage descultures s’opère. Un exempleest celui du Laboratoire de mi-néralogie et de cristallographiede Paris, qui relevait du dépar-tement SPM et qui intègre àprésent un groupe de cher-cheurs en sciences de la terre.Mais il reste des efforts à faireen ce sens. Nous nous sommesmutuellement engagés à ratta-cher certains de nos laboratoi-res aux deux dépar-tements pourclaire-

ment afficher notre volontéd’asseoir l’interdisciplinarité.Cela touche des domainesaussi variés que la matièrecondensée, la physico-chimiede l’atmosphère ou encorel’astronomie. Pour ce qui estdes recrutements, les objets etquestions soulevées par l’étudede la terre et de l’univers amè-nent de nombreux jeuneschercheurs issus de la phy-sique ou des mathématiques àposer leur candidature à despostes dans des laboratoires desciences de l’univers ; c’est uneexcellente chose, qui est favo-risée par l’existence de com-missions interdisciplinaires(comme la commission Astro-particules). Il est pour l’instantplus difficile de voir la réci-proque se réaliser mais là, ànouveau, cela commence àchanger et c’est tant mieux.Au niveau de l’INSU, les cho-ses sont plus simples. L’Institutest une agence de moyens quimet en particulier en placedes programmes derecherche incita-tifs. Nombrede ces pro-grammesont des ap-p e l s

d’offres très larges et qui cou-vrent de nombreux domainesde recherche, allant de la cos-mologie au fonctionnement dela biosphère. Il en est ainsi, parexemple, du programme na-tional de chimie atmosphé-rique ou du programme natio-nal de physique et chimie dumilieu interstellaire. Ces pro-grammes sont des outils privi-légiés pour que des chercheursd’horizons différents mettenten commun leurs compétencessur des projets ciblés. Je croisqu’ils représentent, à l’instardes grands appareils de laphysique, l’une des opportuni-tés pour construire l’interdisci-plinarité sur le terrain, c’est-à-dire dans les laboratoires.

Propos recueillispar Maurice Mashaal

l’univers et le département SPM

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

interdisciplinaritéinterdisciplinarité

Lettre du SPM N° 42 décembre 200313

Cellule à enclume de diamant destinée aux études des hautespressions.

© CNRS

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Lettre du SPM N° 42 décembre 200314

Bérengère DubrulleService de physique de l’étatcondensé (SPEC)URA 2464 [email protected]

contact

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

interdisciplinaritéinterdisciplinarité

D irectrice de recherche auCNRS, Bérengère Dubrulle

travaille depuis deux ans auService de physique de l’étatcondensé (SPEC), une unité derecherche associée CEA/CNRS etsituée sur le site du CEA de Saclay(Orme des Merisiers), dans labanlieue parisienne. Auparavant,elle effectuait ses travaux au servi-ce d’astrophysique du CEA. Sonchamp de recherche ? La dyna-mique des fluides, et plus particu-lièrement le cisaillement et la rota-tion de fluides comme ceux pré-sents dans les disques de matièreautour des étoiles. « La dyna-mique des fluides est un domainepluridisciplinaire par essence, quimêle aspects mathématiques etthéoriques, simulations numé-riques et expériences de labora-toire, et qui touche autant le sec-teur industriel que la géophysiqueou l’astrophysique », précise-t-elle,en ajoutant qu’au moins quatresections différentes du CNRS sontconcernées. Si personnellementBérengère Dubrulle relève de lasection 13 (physique et chimie dela terre) du département SDU,son laboratoire est rattaché à lasection 6 (matière condensée,structures et propriétés électro-niques) du département SPM. Ilfaut dire aussi qu'une part impor-tante des activités du service dephysique de l’état condensé portesur l’étude des propriétés électro-niques de la matière à une échel-le où importe la nature quantiquedes phénomènes.

L’ouverture interdisciplinaire,Bérengère Dubrulle la fait remon-ter à sa formation doctorale :« Pour ma thèse, j’ai eu la chanced’être encadrée à la fois par unphysicien de la turbulence et par

un véritable astrophysicien », in-dique-t-elle ; « j’ai dû apprendre àparler les deux langages cor-respondants ». Par ailleurs, un sé-jour post-doctoral au centre amé-ricain NCAR, à Boulder, lui a faitdécouvrir un troisième milieu, ce-lui des géophysiciens. Ainsi, elle aappris que l’on pouvait aborderles problèmes de plusieurs façonsdifférentes. Ce qui n'est pas en-core complètement entré dans lesmœurs : « J’ai parfois du mal àfaire comprendre que l’on peutétudier un écoulement astrophy-sique en réalisant des expérien-ces de laboratoire sur un litre deliquide ».

La pratique interdisciplinairepeut revêtir une forme plus orga-nisée, notamment à travers lesGroupements de recherche (GDR).Bérengère Dubrulle a ainsi parti-cipé à un GDR « Turbulence », à unGDR « Mécanique des fluides etastrophysique », qui « étaient trèsfructueux ». Elle et ses collèguesont même récemment créé unGDR « Dynamo » regroupant 76personnes — mathématiciens, si-mulateurs, géophysiciens, physi-ciens — et qui, dit-elle, a suscitébeaucoup d’enthousiasme. Maiselle est un peu découragée par ladifficulté posée par la nécessité desolliciter séparément chaque di-rection concernée pour aboutir àun financement suffisant. Dans cecadre, l’interdisciplinarité devientun frein au développement d’uneinitiative. Pourtant, affirme-t-elle,les GDR constituent un moyen ef-ficace et peu onéreux pour leCNRS d’encourager l’interdiscipli-narité.

Il lui semble qu’un autre biaispar lequel on peut renforcer l’in-terdisciplinarité est la formation

des étudiants. « Il faut favoriser lepartage des étudiants entre disci-plines, diversifier les origines desétudiants qui sont recrutés poureffectuer une thèse ; une directionde thèse bicéphale, à l’image dece qui se fait au CEA où chaquethésard a un directeur de thèseet un responsable au CEA, estpeut-être une idée à creuser ».Bérengère Dubrulle admet en toutcas qu’il est parfois difficile de pra-tiquer l’interdisciplinarité, dans lamesure où elle peut aussi consti-tuer un inconvénient sur les plansdes recrutements et des avance-ments de carrière. « Il n’est pas fa-cile de faire la démarche, d’autantqu’elle prend du temps avant deporter ses fruits. Mais il faudraitpouvoir étendre à d’autres les sou-tiens et les opportunités dont j'aibénéficié ».

Par Maurice Mashaal

Des disques stellairesà la dynamiquedes fluides

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Lettre du SPM N° 42 décembre 200315

Un mathématicienpour modéliser le climat

L a météorologie et la climato-logie constituent un bon

exemple de domaine impliquantun large éventail de disciplinesscientifiques. Pour comprendre lefonctionnement de la machine cli-matique, pour réaliser des prévi-sions météorologiques, on doitfaire appel à de la mécanique, dela physique, de la chimie, desmathématiques, de l’informatique,etc. De plus, comme le climat a desincidences directes sur les sociétéshumaines et que celles-ci com-mencent apparemment à influen-cer le temps qu’il fait ou fera surnotre planète, géographes, écono-mistes, politiques et industrielssont également concernés.

La présence d’un mathémati-cien comme Claude Basdevant auLaboratoire de météorologie dy-namique (LMD, laboratoire CNRSassocié à l’École normale supé-rieure, à l’École polytechnique et àl’université Paris 6) ne doit doncpas surprendre. Ce professeur demathématiques à l’universitéParis-Nord a débarqué dans lemonde de la climatologie « à lasuite de circonstances fortuites ».Après un DEA de mathématiquesplutôt fondamentales, cet ancienélève de l’École normale supé-rieure a intégré le LMD au débutdes années 70, époque où la si-mulation numérique en météoro-logie commençait à se dévelop-per. Après une thèse sur lamodélisation de la turbulence(études théoriques, simulationset expérimentations numériques),Claude Basdevant s’est consacré,jusqu’à aujourd’hui, à la modélisa-tion de la circulation atmosphé-rique générale au sein du LMD,laboratoire qu’il a même dirigépendant six ans.

Il est ainsi habitué à travailleravec des chercheurs d’origines dif-férentes, ce qu’il trouve passion-nant. « J’aime être au carrefour deplusieurs domaines, collaboreravec des personnes extérieures àma communauté habituelle », ex-plique Claude Basdevant. De cepoint de vue, le LMD est un en-droit qui convient bien. Les cher-cheurs et les étudiants de ce labo-ratoire proviennent de formationstrès diverses, tout en n’étant pasétiquetés en fonction de leur ori-gine. Et le fait que le LMD soit lo-calisé en trois sites différents « ap-porte une grande richesse sur leplan du recrutement des étu-diants, malgré les inconvénientsgéographiques ». Par ailleurs, leLMD fonctionne avec beaucoupde financements extérieurs(Europe, CNES, etc.), avec descontrats qui exigent des complé-mentarités avec d’autres labora-toires français ou étrangers.

Toutefois, se trouver au carre-four de plusieurs disciplines neprésente pas que des avantages.« On se sent parfois un peu mal àl’aise, car on n’est alors pas vrai-ment le spécialiste de quelquechose : je ne suis ni mathémati-cien à part entière, ni météorolo-gue ». Cela pose, selon ClaudeBasdevant, des problèmes de re-connaissance au sein de la com-munauté scientifique.

Chercheur, Claude Basdevantest aussi enseignant, ce qu’il ap-précie beaucoup. Il se soucie doncnaturellement du sort des étu-diants qui s’engagent dans desvoies interdisciplinaires : « il est unpeu angoissant de lancer des jeu-nes sur de telles voies, alors que lesystème est très cloisonné ». Lesrecrutements et les promotions

de carrière peuvent être plus diffi-ciles. « De tels parcours sont assezdangereux, car on n’est jamais aucentre des préoccupations descommissions de recrutement oud’avancement », dit-il. Il pense no-tamment aux commissions de re-crutement du CNRS, qui ont ten-dance à privilégier les parcoursindividuels brillants indépendam-ment d’objectifs scientifiques.Pour lui, il y a une trop faible cor-rélation entre les recrutements etles objectifs scientifiques que leCNRS se donne. « Particulièrementdans les domaines de l’environne-ment que je connais, le CNRS sedonne des objectifs ambitieux,demandant un travail à long termed’équipes pluridisciplinaires, doncdes aventures collectives, et para-doxalement le système de recrute-ment et de promotion privilégieles parcours individuels et les pro-jets personnels ». Pour décloison-ner le système, donc, ClaudeBasdevant estime qu’il faudraittrouver un compromis entre lerecrutement des « meilleurs » etl’adéquation à une politique scien-tifique.

Par Maurice Mashaal

Claude BasdevantLaboratoire de météorologiedynamique (LMD)UMR 8539 [email protected]

contact

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interdisciplinaritéinterdisciplinarité

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Lettre du SPM N° 42 décembre 200316

Lun des problèmes les plusimportants en analyse d’ima-

ges est l’extraction automatiquedes objets visibles sur une image.Cela signifie de trouver lescontours de certains objets ou deséparer l’image en parties qui cor-respondent aux objets et au fond.Un modèle de contour actif estinitialisé grossièrement par l’utili-sateur autour d’un objet. Il sedéforme sous l’action de forcesliées à l’information présente dans

l’image et à la géométrie de lacourbe à travers la minimisationd’une énergie. Ainsi le modèleconverge pour entourer l’objetrecherché de manière précise. Lesmodèles déformables ont étéintroduits il y a près de 15 ans etutilisés pour de nombreusesapplications en analyse d’images.Leur utilisation est particulière-ment intéressante pour l’analysede structures déformables dansles images médicales, aériennesou industrielles. Ces méthodessont basées sur la minimisationd’une énergie formée de termesde lissage et de termes d’attrac-tion vers les régions pertinentesde l’image, l’intégrale le long de lacourbe d’une fonction de poten-tiel P. Par exemple, ce potentielpeut être une fonction du gradientde l’image pour détecter descontours, ou une fonction duniveau de gris pour détecter deszones sombres ou claires.

Bien que ces approches soienttrès utiles, leurs principaux défautssont la sensibilité du résultat à l’i-nitialisation et l’arrêt dans un mini-mum local. Plusieurs de nos tra-vaux ont permis de simplifierl’initialisation et d’éviter les mi-nima locaux. Le modèle de « bal-lon » gonfle la courbe pour ex-traire la frontière fermée d’unobjet en étant peu exigeant sur lacourbe initiale. Pour cela, onajoute une force de pression dansla direction normale à la courbe et

celle-ci se comporte comme unballon qui se gonfle à l’intérieurd’une région et se bloque en attei-gnant les contours, épousant auto-matiquement la forme de l’objet.Cette idée est à la base de nom-breuses approches par ensemblesde niveau et propagation de fronts.Dans cet esprit, nous avons définien collaboration avec le TechnionInstitute, une approche rapide parchemins minimaux pour trouver leminimum global de l’énergie.

Le problème est alors la recher-che d’une courbe de longueur mi-nimale entre un point de départ etun point d’arrivée, relativement àune distance pondérée par le po-tentiel. Il y a une certaine similaritéentre notre problème et l’optiquegéométrique, car le chemin suivipar la lumière minimise le temps.La résolution par l’algorithme deFast Marching est à la fois rapideet précise du point de vue mathé-matique.

Cette approche est très efficacepour rechercher des objets fins tu-bulaires, comme des routes dansdes images aériennes, ou des vais-seaux en imagerie médicale à deuxou trois dimensions (figure 1).Nous avons étendu récemment leschemins minimaux à la détermina-tion d’un ensemble de cheminsreliant entre eux un ensemble depoints. Cela dans le but de recons-tituer une courbe complète àpartir d’une partie de ses points(figure 2). L’idée est de propager

Cheminsminimauxet modèlesdéformablesélastiquesen analysed'images

Figure 2 Contours incomplets à gauche et chemins minimaux à droite.Figure 1 Chemin minimaux à gauche et propagation de front pour U à droite.

vie scientifiquevie scientifiqueD É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

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Lettre du SPM N° 42 décembre 200317

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

vie scientifiquevie scientifique

des fronts simultanément à partirdes différents points et d’analyserles points de rencontre de ces fronts.

Un développement récent deces approches est l’extraction desdifférents objets présents dansune image en niveau de gris ou encouleur. Ayant déterminé un en-semble de points de départ, àchaque point est associée la ré-gion formée des points de l’imageplus proches de ce point de départ,au sens d’une distance adaptée,que de tous les autres (figure 3).

Par ailleurs, le Fast Marching estaussi un moyen d’extraire la fron-tière complète de ces objets tubu-laires. Avec une définition adé-quate du potentiel P, le front sepropage rapidement à l’intérieurd’un objet et est ralenti lorsqu’il at-teint la frontière de l’objet. Ainsi laposition du front lorsqu’il se stabi-lise donne une bonne approxima-tion de la frontière de l’objet afinde le segmenter. Le Fast Marchingpermet alors une implémentationdu modèle de ballon très rapide.

Lorsque l’objet est fin et long, letemps long mis par le front, partid’un point de départ à une extré-mité, pour atteindre l’autre extré-mité de l’objet peut entraîner undébordement de la frontière del’objet autour du point de départ.En effet, le front n’est pas tout àfait à l’arrêt à la frontière, mais sedéplace très lentement pendantun temps trop long. Un contrôlelocal de la vitesse d’évolution per-met de « geler » certains points quiévoluent lentement pendant long-temps. Une segmentation rapideet correcte de structures tubulairesarborescentes dans une image 3Dest rendue possible (figure 4).

Des applications de nos travauxse sont concrétisées à travers descollaborations industrielles (CEA,EADS, Philips). En particulier, cesapproches ont permis récemmentla reconstruction 3D de structurestubulaires à partir d’images indus-trielles, la reconstruction 3D desites géographiques à partir decartes ou d’images aériennes et la

détermination automatique de tra-jectoires centrées pour l’endosco-pie virtuelle à partir d’un seulpoint donné sur une image 3D.Pour cette dernière application,une trajectoire pour une caméravirtuelle est obtenue comme unchemin minimal à l’intérieur d’uneimage médicale 3D de scanner.La frontière de la zone à explorer(colon ou vaisseaux) est segmen-tée simultanément. Seul le pointde départ est nécessaire, le pointd’arrivée étant trouvé automati-quement. Le rendu d’images queprendrait une caméra en chaquepoint de la trajectoire dans la di-rection tangente et leur animationfournit, sans être invasif, une vi-sualisation saisissante de l’inté-rieur du colon, de l’aorte ou devaisseaux du cerveau (figure 4 etdémonstration sur le site web).

Laurent CohenCEREMADE, UMR 7534 CNRS.Université Paris 9 [email protected]émos et publications surwww.ceremade.dauphine.fr/~cohen

contact

Références : 1 Global minimum for active contour models: A minimal pathapproach, avec R. Kimmel, International Journal of Computer Vision.24(1):57-78, August 1997.2 Fast extraction of minimal paths in 3D images and application tovirtual endoscopy, avec T. Deschamps, Medical Image Analysis.5(4):281--299, Dec. 2001.3 Multiple contour finding and perceptual grouping using minimalpaths, Journal of Mathematical Imaging and Vision. 14(3), 2001.4 Chemins minimaux et modèles déformables en analyse d’images.Conférence plénière invitée, actes Journées SEE : Le traitement d’imagesà l’aube du XXIe siècle, mars 2002.5 Energy Partitions and Image Segmentation, avec P. Arbelaez, 2003,à paraître.

Figure 3 Image originale et segmentation par partition d’énergie avecpeu de régions.

Figure 4 3 étapes de la segmentation de la surface de l’aorte et vueendoscopique avec des chemins minimaux.

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D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

vie du départementvie du département

Lettre du SPM N° 42 décembre 200318

En mathématiques,

la mondialisation existe

depuis longtemps.

Les nouvelles technologies

de communication

renforcent et facilitent cet

aspect de la discipline,

mais elles ne sauraient

remplacer l’indispensable

développement des

relations internationales

des mathématiciens.

Selon Christian Peskine,

directeur scientifique

adjoint pour les

mathématiques au CNRS,

les chercheurs français ne

sont pas assez mobiles,

surtout quand ils sont

jeunes, et ils seraient

même plutôt moins

mobiles que par le passé.

Mathématiquesles voyages forment la jeunesse

Quels sont les aspectsinternationaux de la politiquemenée par le CNRS pour lesmathématiques ?Christian Peskine : Je voudraisavant tout rappeler quelquesidées fortes sur lesquelles re-pose cette politique : - recherche et formation sontintimement liées, on ne le ré-pète jamais assez ;- on doit conforter simultané-ment l’unité des mathéma-tiques et leur ouverture à d’au-tres domaines ; les recherchesfondamentales et appliquéesse nourrissent mutuellement ; - une politique ambitieusedes ressources humaines estnécessaire, notamment en ac-cordant une priorité aux mo-bilités géographiques et thé-matiques, à la transparencedes recrutements et à la for-mation des responsables ; - les mathématiques doiventdonner une image plus mo-derne d’elles-mêmes, tant ausein de la communauté desmathématiciens qu’à l’exté-rieur de celle-ci.Conformément à ces principesgénéraux, en particulier en cequi concerne la formation et lamobilité, il me paraît impor-tant d’encourager les jeuneschercheurs ou enseignants-chercheurs à effectuer des sé-jours de longue durée (un anou plus) dans des laboratoiresde haut niveau à l’étranger.

En quoi de tels séjours sont-ils bénéfiques ?C. P. : Un séjour long dans desconditions et un environne-ment différents de ceux aux-quels on est accoutumé joueun rôle important dans la for-

mation des individus. Je neparle pas seulement de forma-tion scientifique au sens strict :il s’agit aussi et surtout d’enri-chir la personnalité, d’amélio-rer les facultés de communica-tion, d’ouvrir les esprits àd’autres manières de penser oude travailler, de développer lescapacités à prendre des initia-tives et à dynamiser le travaild’un groupe. Après un longséjour dans un laboratoire dehaut niveau à l’étranger, unmathématicien français seramieux armé pour exercer uneinfluence scientifique positiveautour de lui. Il aura mieuxappris à transmettre sesconnaissances par tous lesmoyens, et non pas seulementpar l’œuvre écrite qui, pour cela,ne suffit que très rarement. La situation actuelle n’est pasvraiment satisfaisante. Depuistoujours, le CNRS recrute enmathématiques ceux qu’on es-time être les meilleurs d’uneclasse d’âge. Et pourtant, unequinzaine d’années plus tard,on est frappé de constater quenombre de ces chercheurs,souvent très actifs, n’ontqu’une influence limitée ; pro-bablement parce que ces ma-thématiciens, très prometteursà leurs débuts, n’ont pas jouid’un environnement permet-tant à leurs qualités de s’épa-nouir. Beaucoup d’entre euxn’ont jamais quitté le labora-toire où ils ont été formés. Al’inverse, on peut constaterqu’une bonne partie des ma-thématiciens français les pluséminents ont fait de longsséjours à l’étranger au débutde leur carrière, notammentcomme coopérants scienti-

fiques à l’occasion du servicemilitaire. Jusqu’à il y a unevingtaine d’années, passer uneou plusieurs années à l’étran-ger était une pratique assezrépandue chez les jeunes ma-thématiciens français. Elle arégressé et il faut inverser cetteévolution.

Comment le CNRS compte-t-ilencourager la mobilitéinternationale ?C. P. : Le projet est d’associer auCNRS un certain nombre delaboratoires étrangers — dehaut niveau bien sûr, maisaussi remarquables par les dif-férences qu’ils présentent parrapport aux modèles françaisen termes de fonctionnementet de stratégie — où de jeuneschercheurs ou enseignants-chercheurs pourront aller tra-vailler pour des périodes d’en-viron une année, avec uneincitation financière s’il lefaut.Nous disposons déjà de deuxexemples. Le premier est leCentre de modélisation mathé-matique (CMM), unité mixtede recherche franco-chiliennecréée en avril 2000. Cetteunité, de l’université du Chili,à Santiago, est adossée à lagrande école d’ingénieurs chi-lienne ; les interactions avecles industriels y sont naturelleset régulières, et une partie deson fonctionnement dépendde contrats industriels. Ce la-boratoire est d’un haut niveauscientifique, jouit d’une orga-nisation remarquable et offrede très bonnes infrastructureset conditions de travail auxdoctorants et aux post-docto-rants venus de divers pays.

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Depuis sa création, le CNRS y aenvoyé chaque année un jeunechercheur ou enseignant-chercheur pour un an, et sou-vent des chercheurs confirméspour des durées plus courtes(moins de 10 mois).Le deuxième exemple existantest le laboratoire franco-russecréé en mars 2002 en coopéra-tion avec l’université indépen-dante de Moscou. Centré surles mathématiques et leursinterfaces avec l’informatiqueet la physique théorique, ce la-boratoire est installé dans deslocaux de l’université indé-pendante, dans le centre deMoscou. Il a accueilli dès l’au-tomne 2002 ses deux premiersjeunes chercheurs français(l’un du département SPM,l’autre du département STIC) ;des chercheurs seniors peu-vent y séjourner pour desdurées de quelques mois.Là encore, l’environnement estexceptionnel car l’école ma-thématique russe, réputée pourson excellence, se distinguepar son ouverture aux autressciences.Ce laboratoire franco-russeconstitue pour des Français unlieu de rencontres privilégiéavec l’ensemble du milieu ma-thématique moscovite.

Avez-vous d’autres projetsd’association delaboratoires ?C. P. : Nous avons deux autresprojets d’association de labo-ratoires, dans le même esprit.Le CNRS est en cours de né-gociation avec l’institutWolfgang-Pauli à Vienne etl’IMPA (Institut de mathéma-tiques pures et appliquées) à

Rio de Janeiro. L’institut Pauliréunit des laboratoires de ma-thématiques, d’informatique,de physique, etc., de renom-mée internationale. L’IMPA estun centre de mathématiquesdu plus haut niveau mondialdans le domaine des systèmesdynamiques, et complètementexceptionnel dans le systèmebrésilien. De nombreux cher-cheurs français de haut niveauy ont d’ailleurs séjourné dansleur jeunesse.Le séjour de mathématiciensfrançais dans les laboratoiresétrangers associés n’est pas leseul objectif poursuivi, dans cecadre, par le CNRS. Il est éga-lement souhaitable que lespartenaires étrangers envoientdes enseignants-chercheurspasser une année sabbatiquedans des laboratoires français(ces échanges sont d’ailleursprévus dans le projet d’asso-ciation avec l’institut Wolf-gang-Pauli).

D’autres actionsinternationales sont ellesenvisagées ?C. P. : Un autre type d’actionsinternationales, plus classique,consiste à financer le séjour enFrance de doctorants et post-doctorants issus de pays dehaut niveau scientifique, maisayant des difficultés à les fi-nancer pour des raisons éco-nomiques notamment. Ainsi,sur le modèle du jumelage ins-tauré en 2000 entre le CNRS etl’université indépendante deMoscou, qui permet à de jeu-nes post-doctorants russesd’effectuer des séjours d’un oudeux mois dans des laboratoi-res français, on pourrait envi-

sager des partenariats analo-gues avec des pays comme laRoumanie ou l’Inde. Plus généralement, toute ac-tion internationale du CNRSconcernant les mathématiquesdoit s’insérer dans les axes fortsde notre politique. Les labora-toires ont déjà les moyens ré-currents pour soutenir les co-opérations scientifiques inter-nationales entre chercheurs dehaut niveau. Nos moyens spé-cifiques (parmi lesquels lespostes de chercheurs associéset les PICS) seront réservés auxprojets ayant un impact positifsur la formation des jeunes,l’unité et l’ouverture des mathé-matiques, une meilleure gestionde nos ressources humaines etl’image des mathématiques.Typiquement et à titre d’exem-ple, un chercheur étranger in-vité par le CNRS doit contribuerà la formation de nos jeuneschercheurs, dans le cadre d’unprojet structurant (c’est l’en-semble du projet qui sera sé-lectionné plutôt que le seul CVde l’invité).

Propos recueillispar Maurice Mashaal

Lettre du SPM N° 42 décembre 200319

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

vie du départementvie du département

Christian PeskineDirecteur scientifique adjoint audépartement [email protected]

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PORTR«A chaque fois que je le

peux, j’essaie de créerdes espaces de rencontres, surtoutau niveau de l’ensemble de l’insti-tut. Les matheux m’ont toujoursamusée, avec leur tendance à uncertain enfermement ». RositaMonchanin est — depuis 1996 —administratrice de l’Institut de ma-thématiques : 58 chercheurs CNRS,150 enseignants chercheurs, 15IATOS, 130 doctorants. « Quandj’ai accepté ce poste, mon premieren laboratoire, je ne savais pasexactement ce que j’allais faire. Ils’agissait d’une nouvelle structurequi se formait à peine, produit dela fusion de plusieurs équipes,chacune avec une culture propre.Je savais juste que je devais res-tructurer tout cela. J’y suis allée carje sentais un vrai choix politiquepour cet institut, et cela m’a plu.J’avais le soutien du départementet également du directeur de lastructure. » A l’époque, l’institut estéparpillé entre plusieurs sites àJussieu, les équipes sont disper-sées. Rosita Monchanin va doncchercher à rendre tout cela pluscohérent. « Travailler avec des ma-theux, je connaissais : au Comiténational, je suivais la section ma-thématique. J’ai donc créé deslieux de rencontres, pour les ame-ner à se connaître, à se côtoyer. »

Mais c’est le déménagement ruedu Chevaleret, pour cause d’a-miante à Jussieu, qui est décisif.« Ce fut une étape importante, ungrand pas en avant : d’un seulcoup la dispersion prend fin.Toutes les équipes ont en effetchoisi de rester unies, en particulierpour conserver leur lien avec la bi-bliothèque, qui déménageait avecnous. »

Si au sein de l’administration dulaboratoire, les rapports humainssont bons, l’administratrice recon-naît qu’il lui faut perpétuellementlutter contre la propension de cha-cun à rester dans son coin. Elle uti-lise pour cela des techniqueséprouvées et efficaces. « Le portailChevaleret, par exemple. Pour ex-pliquer son intérêt, son fonction-nement, j'ai organisé avec l’ingé-nieur réseau du laboratoire unepetite session adressée aux IATOSdes laboratoires de maths deChevaleret. Cela a plu à ceux quisont venus nous voir. Du coup, onen discute à la cantine et le bruitcircule que c’était bien. Au final, onvient me demander quand auralieu la prochaine session. » Autrerendez-vous que Rosita Monchanincherche à mettre en place, lesconférences « A quoi ça sert lesmaths ? ». « La première traitaitdu codage et a été un gros succès.Malheureusement, j’ai du mal à or-ganiser la suivante. Là, le blocagen’est pas du côté du public, plutôtdu côté des chercheurs, qui n’ai-ment pas beaucoup vulgariser. »

Rosita Monchanin a commencésa carrière comme secrétaire au

service du personnel. « Je suispartie d’un très petit poste, et j’aifait mon trou petit à petit », confie-t-elle. Sa carrière l’a menée duservice du personnel à celui de ladirection des relations internatio-nales, comme assistante, puis auComité national. C’est à ce mo-ment-là qu’elle entre au départe-ment Sciences physiques et ma-thématiques. « J’ai travaillé d'abordcomme assistante de gestion pourles sections du Comité national,puis sur l'emploi chercheur dudépartement SPM. J’ai appris àconnaître les laboratoires et je mesuis dit qu’il serait intéressant demettre cette expérience à profit enen rejoignant un. » Elle se retrouveainsi administratrice de l’Institutde mathématiques. « Ma logiqueprofessionnelle a toujours été :une fois un travail bien connu, jechange. Pas par ambition, maispour voir si je suis capable d’yarriver. Je n’ai pas fait d’études,alors cela est ma façon d’évoluer. »Le principe de la mobilité a étédéterminant dans son évolution :« Quand je voyais que c’était blo-qué, je bougeais. Toujours volontai-rement, en utilisant les possibilitésoffertes par le système. La mobi-lité, c’est bien. Et la mécanique desconcours aussi. »

Aujourd’hui, sa fonction consisteà faire vivre les instances du labo-ratoire — le directoire, le conseilde laboratoire —, préparer les grosdossiers, comme par exemple lecontrat quadriennal et son mi-par-cours — l’institut est une unitémixte de recherche —, prévoir les

actions spécifiques, aider les cher-cheurs à effectuer certaines de-mandes, établir le budget, etc.Au quotidien, il lui faut aussi pen-ser à une multitude de petiteschoses nécessaires à la vie quoti-dienne : l’approvisionnement enpapier, en eau, en thé (pour lapause thé qu’elle a instituée), lagestion des salles, etc. « Je ne tra-vaille jamais avec ma porte fermée,afin de rester disponible autantque possible ». « Mais je fais sur-tout beaucoup d’accueil, des cher-cheurs invités, des arrivants, etc. »estime-t-elle. Normal, quand onadministre un institut d’une telletaille : quelques visites en perspec-tive… Un aspect de son travail quine la gêne pas le moins du monde.

En fait, le plus gros écueilqu’elle affronte est « de travailleravec trois administrations différen-tes. Ce qui signifie trois budgets,trois logiciels de gestion différents,trois façons différentes d’aborderla gestion.

Par exemple le CNRS gère sescrédits sur Xlab, les universitésgèrent les leurs sur Nabuco ! Demême, comment faire côtoyer entoute harmonie des personnels destatuts différents ? Et comment as-surer la continuité du travail en mi-lieu universitaire pendant les pé-riodes de vacances universitaires.Les services ne sont plus assurés :pas de courrier, et nous n'avonspratiquement plus d'interlocu-teurs… voilà des problèmes diffi-ciles à gérer »

Interview réalisée par Eric Glover

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vie du départementvie du département

Lettre du SPM N° 42 décembre 200320

Rosita MonchaninInstitut de mathématiques UMR 7586 [email protected]

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«C’est très difficilede travailler avec trois administrationsdifférentes »

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AITS D’ITA

Lettre du SPM N° 42 décembre 200321

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Ce que j’aime dans mon métier,c’est résoudre...

Jean-Luc Beaumont,vous êtes aujourd’huiadministrateur de l’Institutnon linéaire de Nice SophiaAntipolis (INLN).

Comment êtes-vous entréau CNRS ?

A la base, j’ai une formationde gestionnaire, avec un bacG2. Puis j’ai travaillé une di-zaine d’années comme libraire,pour vivre dans un milieu cul-turel et avec indépendance.Pour des raisons personnelles,je suis revenu à une activité degestion et je suis devenu direc-teur administratif et financierd’une entreprise. Avant de re-joindre le CNRS en 1999.

Pourquoi le CNRS ?Le hasard et la nécessité. J’aiété licencié d’une entreprise,pour raisons économiques.A 44 ans, ce n’était alors pasévident de retrouver un em-ploi. L’univers de la science etla connaissance m’ont tou-jours intéressé. Cet intérêt m’aamené à l’automne 1997 à vi-siter un stand du CNRS lors dela fête de la science. Dans cestand, on sensibilisait aux dif-férents métiers du centre. Jeme suis aperçu que certainsme plaisaient et que je pouvaisencore passer des concours. Ceque j’ai donc fait, avec succès.Je ne le regrette pas et je suistoujours très enthousiaste.

En quoi consiste exactementvotre travail ?Avez-vous un genre de« journée type » ? Tous les matins quand j’arrive,vers 8 h 30, je commence parlire mes e-mails et me mettreau courant des événementsprévus pour la journée. Maisje n’ai pas pour autant unejournée type même si parfois,selon les périodes, elles peu-vent se ressembler. Je diraisque mes tâches se divisent engros en trois grandes catégo-ries : les tâches impromp-tues, les actions à programmeret les phases critiques. Monquotidien consiste entre autresà trouver des solutions à dessituations pas forcément évi-dentes, à spontanément pou-voir répondre à différentesdemandes, à gérer tous lesaspects non scientifiques del’institut, que cela soit lié àl’informatique bureautique, àl’infrastructure du bâtiment, àla gestion financière ou aupersonnel auxiliaire. Dans cescas d’urgence, l’important estqu’un certain nombre detâches soient effectuées dansun délai bref. Par ailleurs, il estévident que je travaille aussien planifiant au mieux : j’ad-ministre une unité mixte derecherche d’environ 80 per-sonnes, chercheurs, ensei-gnants-chercheurs, ITA, post-doc, dont une cinquantaine depermanents et une douzained’ITA, tout ce monde dans un

bâtiment de 2 000 m2. Pourcela, je suis entouré d’uneéquipe de collaboratrices etcollaborateurs. Enfin, il existedes phases plus critiques, quandarrive le moment de produireet coordonner la rédaction durapport d’activité, tous lesdeux ans pour le texte inter-médiaire, tous les quatre anspour le rapport de contrac-tualisation. Là, je dois réunirde grandes masses d’informa-tions, un travail que je partageavec le directeur du labora-toire, les responsables d’équi-pe et notre documentaliste delabo, qui collecte les informa-tions. C’est une période inten-se, qui demande beaucoup dedisponibilité. Dans ces ins-tants, c’est important d’êtrebien secondé par une équipe,comme je le suis.

Qu’est-ce qui vous plaît danscette profession ?Ce que j’aime dans mon mé-tier, c’est résoudre, trouver lessolutions. Je cherche toujoursà améliorer notre milieu detravail. Et les moyens budgé-taires ne sont pas toujours laréponse. D’autres approchesexistent, par exemple en mon-tant des projets ou en trouvantdes financements extérieurs.Pour ne pas rester coincé àcause d’équipements défec-tueux, on peut chercher descoopérations avec d’autresstructures, pour mutualiser unnouveau matériel. Ce que je

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Lettre du SPM N° 42 décembre 200322

Jean-Luc BeaumontInstitut non linéaire de NiceSophia Antipolis (INLN)UMR 6618 [email protected]

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PORTRAITS D’ITACe que j’aime dans mon métier,

c’est résoudre

fais n’a cependant rien à voiravec une activité de recherche.Il existe une énorme diffé-rence : si je résous, je ne mepose pas de problème, je nem’interroge pas sur les chosesen elles-mêmes. Je considèreque ma mission doit être la plustransparente possible, afin queles chercheurs n’aient pas à sedemander comment marche lelabo. Le but ultime serait defaire oublier l’administrationet ses contraintes réglementai-res, toutefois nécessaires.

Quels sont les problèmesmajeurs auxquels vous êtesconfronté ?J’en ai un précis actuellement :à cause des circonstances – desmembres du laboratoire ontréussi des concours et sont enpartance – je vis une périodeparticulière où je n’ai prati-quement plus de personnel. Or,nous savons bien que la mobi-lité existe, que des personnessont amenées à partir, avec unsavoir, un savoir-faire. D’unautre côté, il n’y a pratique-ment pas de pré-formationaux emplois de nos établisse-ments. Du coup, celle ou celuiqui part est très difficile à rem-placer, d’autant que les moyenshumains ne sont pas mis enplace systématiquement pourassurer un remplacement plusen douceur. Jamais je n’ai vuun remplacement assuré anté-rieurement au départ de quel-qu’un. Dans le meilleur descas, le nouveau arrive un oudeux mois après le départ. Jesais qu’il est très difficile demodifier quelque chose à cette

façon de faire car tout cela estrégit par des textes ou des pro-cédures, mais quelque part il ya un gâchis humain : les servi-ces s’en trouvent déstabilisés.Il faudrait donc pérenniser lessavoir-faire, améliorer la ges-tion des ressources humaines.Je pense que c’est là une pistequi vaut la peine d’être creu-sée. Autre secteur où je suisconfronté à des problèmes :les procédures de traitementdes documents administratifset de gestion. A la différencede la comptabilité privée, quicontrôle a posteriori, en comp-tabilité publique les nombreuxcontrôles sont faits a priori.D’où une cascade de vérifica-tions qui, certes, permettent degarantir la bonne utilisationde l’argent public dans laforme, mais qui multiplient lesprocédures de traitement etpeuvent créer un climat desoupçon permanent. Comptetenu des moyens technolo-giques dont nous disposonsaujourd’hui et dans l’ère du« light », ces procédures pour-raient être allégées avantageu-sement et mieux centralisées,et puis généralisées et unifor-misées afin que l’ensemble desorganismes de tutelle (CNRS,université, ministère, Unioneuropéenne…) emploient lesmêmes méthodes. Le CNRS adéjà entrepris des réformes uti-les dans ce sens, notamment enmatière de gestion financière etbudgétaire. Reste à espérer queles autres organismes et minis-tères en feront bientôt autant.

Interview réalisée par Eric Glover

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Lettre du SPM N° 42 décembre 200323

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

vie du départementvie du département

L école ENCRe 2003 des nou-veaux chargés de recherche

du département SPM s’est tenuedu 1er au 6 juin dernier au centrePaul-Langevin, à Aussois.

Conférences scientifiques, ren-contres avec les personnes du dé-partement, des assistantes de ges-tion scientifique aux directeursscientifiques, débats et promena-des en montagne ont bien remplile temps. Des affiches, et surtoutdes « groupes de travail », ont per-mis aux uns et aux autres de faireconnaissance, de savoir quels sontles thèmes de recherche du dé-partement et quels sujets sontactivement portés par de jeunescollègues.

La présence de nombreux cher-cheurs sur des sujets aux interfa-ces des mathématiques ou de laphysique avec d’autres disciplinesa permis de sensibiliser les partici-pants à l’intérêt et aux enjeux de lapluridisciplinarité, ainsi qu’auxproblèmes concrets liés à sa pra-

tique. Des ateliers ont permis derépondre aux questions sur les re-lations internationales, sur la com-munication ou la valorisation.

Bien d’autres sujets ont étéabordés : tout cela doit permettreaux chercheurs présents à Encrede mieux connaître leur orga-nisme et ses attentes vis-à-visd’eux. Comme Michel Lannoo l’arappelé en conclusion, on attendd’eux qu’ils expriment leur origina-lité. Il a aussi insisté sur l’impor-tance de bien connaître le cadredans lequel cette originalité peuts’exprimer, c’est-à-dire les prioritéset les moyens que le CNRS met àleur disposition.

En 2001 et 2002, plus de 140chargés de recherche ont été re-crutés au département SPM, soitdans des laboratoires du départe-ment, soit par des sections duComité national qui évaluent lesactivités de mathématiques etde physique. 84 chargés se sontinscrits à l’École, et des problèmes

de santé, ou de transport principa-lement, ont fait que seuls 69 y ontparticipé.

Trois des 15 inscrits absents n’ontpas pris la peine de prévenir lesorganisateurs. Parmi la quaran-taine d’absents qui se sont excu-sés, une vingtaine seulement ontavancé des raisons sérieuses, tel-les que la participation à un col-loque de la discipline, un séjour àl’étranger, l’attente d’un enfant,etc. Enfin, près d’une vingtaine denouveaux chercheurs, embauchésau CNRS et ayant reçu l’invitationet les informations pratiques, n’ontpas jugé utile d’émettre la moindreréponse.

Les organisateurs regrettent quetous les chercheurs appelés à par-ticiper à cette réunion et non em-pêchés n’aient pas profité de cetteopportunité d’intégration dans ledépartement et d’échanges avecleurs collègues. Le départementSPM, soucieux de fournir par lemoyen d’une telle école à ses en-

trants chercheurs, des outils auservice de leur plus grande effica-cité, et du développement de leurrecherche, s’inquiète de la passi-vité de nombre d’entre eux devantcette activité organisée à leur in-tention.

Des informations plus dé-taillées, des interviews, des imagesque la Lettre ou le site du SPMprésenteront bientôt, permettrontà tous de mieux appréhender lecontenu et l’ambiance de Encre2003 que l’ensemble des partici-pants et des intervenants ont jugétrès positifs.

Le comité d’organisationJean-Michel Lemaire, Angel Alastuey,

Louis Bonpunt, Anna da Costa

École des nouveaux chargés de recherchePh

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Page 23: SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES - Accueilcohen/mypapers/cnrsSPM04N42.pdf · DÉPARTEMENT SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES SPMSPM Lettre du SPM N° 42 décembre 20034 qu’il

1. Lisez-vous régulièrement la Lettre du département ?La feuilletez-vous ou la lisez-vous attentivement ?La Lettre est lue régulièrementpar 76 % des personnes inter-rogées, tous grades confondus.La différence entre les ingé-nieurs et les chercheurs est lé-gèrement marquée à ce ni-veau-là (80% pour les premierscontre 72 % pour les seconds).Une grande majorité de per-sonnes feuillettent la Lettre(77 % des personnes interro-gées). Beaucoup néanmoinsdéclarent que le degré de lec-ture est très variable selon l’in-

térêt des sujets abordés et, no-tamment pour les ingénieurs,le niveau de difficulté des arti-cles. De nombreux ingénieursdéclarent d’emblée que, n’étantpas scientifiques, ils parcou-rent la Lettre, certains articlesn’étant pas « abordables » poureux (12 d’entre eux – soit 24%des ingénieurs – déclarent soitque la Lettre s’adresse auxchercheurs et non pas à eux –administratifs ou techniciens –ou, ce qui revient au même,que n’étant pas « matheux »,ils ne peuvent que survoler lapublication).

2. Vous souvenez-vous d’unarticle de la Lettre ? Lequel ?De manière générale, les per-sonnes interrogées ne se sou-viennent pas, à près de 58 %,du titre d’un article lu dans laLettre. Le pourcentage de ceuxqui peuvent citer un article estcependant plus élevé que celuide ceux qui déclarent lire at-tentivement la Lettre (22 %).La différence est cependantassez forte entre l’ensembledes ingénieurs et des cher-cheurs, les premiers citant letitre d’un article à seulement

32 %, contre près de 52 % pourles seconds.La grande majorité des per-sonnes ayant cité un article adonné le titre soit de la mé-daille Fields soit des nanotech-nologies/nanostructures. Tousgrades confondus, ce chiffreest de 79 % (dont près de 49 %pour la médaille Fields et 30 %pour les nanostructures). Lamédaille Fields semble avoirintéressé davantage les cher-cheurs, qui la citent à près de60 % parmi ceux qui ontdonné un titre, contre 31 %pour les ingénieurs, qui ont euune légère préférence pour lesnanostructures (ayant indiquéce sujet pour près de 44 % deceux qui ont donné un titre).

3. Pensez-vous que la Lettreest utile, par rapport auJournal du CNRS et auxImages de la Physique ?De façon générale, tous gradesconfondus, les personnesinterrogées pensent, à 65 %,que la Lettre est utile par rap-port aux deux autres publica-tions indiquées (15 % ayantdonné une réponse négative et18 % n’ayant pas d’opinion).

S C I E N C E SP H Y S I Q U E S E T MATHÉMATIQUESLETTRES DES DÉPARTEMENTS SCIENTIFIQUES DU CNRS

Que pensez-vousde ladu département ?Une enquête a été réalisée auprès des lecteurs potentiels

de la Lettre du département fin janvier 2003.

Notre but était de connaître la vision qu’ont les chercheurs

et ITA du département de ce qui devrait être un outil de

communication pour notre communauté. Comme aucune

étude sur vos avis n’avait été menée, nous avons demandé

à une enquêtrice indépendante d’interroger, par

téléphone, une centaine de personnes afin de recueillir

leurs réponses sur cinq questions. Voici les questions, vos

réponses, et les enseignements que nous en tirons.

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Lettre du SPM N° 42 décembre 200324

Page 24: SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES - Accueilcohen/mypapers/cnrsSPM04N42.pdf · DÉPARTEMENT SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES SPMSPM Lettre du SPM N° 42 décembre 20034 qu’il

Parmiceux qui ont

donné une réponse po-sitive, 73 % pensent que l’uti-lité réside en la spécificité dela Lettre au département SPM,cela recouvrant plusieursconsidérations : une spéciali-sation dans les sujets traités,des informations propres auxlaboratoires du départementet, notamment pour les admi-nistratifs, des renseignementspratiques les concernant plus

par-ticulièrement.

Parmi les personnesqui ont répondu négative-ment, les raisons de leur opi-nion sont assez variables et,parmi les plus citées figure laredondance des informations :- 11 personnes (dont 3 ingé-nieurs et 8 chercheurs) consi-dèrent que La Lettre double leJournal ou les Images etpourrait donc être englobéedans l’une ou l’autre de cespublications ; - 7 personnes pensent qu’ilstrouvent les mêmes informa-tions, plus vite, sur le Web, et

considèrent donc que la Lettreest de ce fait en « décalage » etreprend des informations déjàobtenues par ailleurs.Certaines personnes préfèrentle Journal (car ils le considè-rent comme plus « accessible »[3 IA], voire plus « démocra-tique ») et d’autres préfèrent lesImages car les articles y sontplus approfondis.

4. Avez-vous remarqué uneévolution récente de la Lettre ?La trouvez-vous positive ?Tous grades confondus, lespersonnes interrogées n’ontpas remarqué de changementdans la Lettre, à 74 %.

5. Pouvez-vous suggérer desthématiques ou de nouvellesrubriques à traiter ?Tous grades confondus, 50 %des personnes interrogées nesavent pas répondre à la ques-tion ou déclarent qu’elle de-mande plus de réflexion. Parmi ceux qui proposent unethématique, environ un tiers,tous grades confondus, estimequ’il faudrait intégrer davan-tage d’informations pratiques.

A ce niveau-là, l’inclusion dedavantage d’informations pra-tiques intéresse légèrementdavantage les ingénieurs queles chercheurs, qui proposentquant à eux plus de théma-tiques ou sujets. Parmi les informations pra-tiques citées, on peut signaler :principalement des informa-tions d’ordre administratif(gestion du personnel, postesvacants, notamment pour lesemplois des jeunes chercheurs– ce qui ferait que ces derniersla liraient davantage –, lesretraites), des informations re-latives aux perspectives des la-boratoires, des « annonces »concernant le matériel : prêts,commandes, etc. ; des infor-mations relatives à des bour-ses, aux financements, auxsubventions de stagiaires, auxproblèmes d’emploi des jeuneschercheurs, les postes de post-docs, les relations du départe-ment avec le CNRS et d’autresorganismes, notamment eu-ropéens, l’actualité des pro-grammes internationaux, leséchanges, les subventions etles colloques.

Lettre du SPM N° 42 décembre 200325

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

vie du départementvie du département

Il faut que la Lettre soit plus intéressante pour les ITA, ce que nousallons faire en incluant des interviews de responsables administratifs,pour décrire leur travail, leurs contraintes…

Il faut inclure plus d’informations pratiques, et surtout les donnerrapidement. Cela exige une parution électronique, (voir l’encadré dela page 32). L’articulation entre cette lettre électronique mensuelleet le support papier reste à discuter (une lettre papier par an ?).Toutes vos remarques sont bienvenues.

B I LAN : DE UX D I R ECTIONS D’ÉVOLUTIONB I LAN : DE UX D I R ECTIONS D’ÉVOLUTION

Page 25: SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES - Accueilcohen/mypapers/cnrsSPM04N42.pdf · DÉPARTEMENT SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES SPMSPM Lettre du SPM N° 42 décembre 20034 qu’il

culture scientifiqueculture scientifique

Lettre du SPM N° 42 décembre 200326

Modèles et modélisations sontincontestablement devenus

des maîtres-mots de l’activitéscientifique contemporaine1.

Chaque scientifique entend cestermes dans une acception spéci-fique et leur associe des qualifica-tions variées : « schéma théorique »,« microscope intellectuel », « expé-rimentation numérique », « labora-toire d’imagination », etc. Il seraittrès présomptueux de ma part devouloir mettre de l’ordre, selon lacartographie disciplinaire, dansces usages ou prétendre embras-ser toutes ces pratiques. En par-courant le spectre des significa-tions, on note qu’au-delà de lapolysémie du terme (copier, ré-duire, représenter, simuler...), lesens du terme modèle oscille, dèsl’origine, entre le concret et l’abs-trait, l’original et la copie, la figu-ration et la norme. Rappelonsquelques points saillants de l’his-toire, déjà longue, de la penséedes modèles pour expliciter lathèse que j’entends soumettre ici.

La notion de modèle émerge,dans les années 1930, avec deuxsens bien définis. Le premier estdit « logique », bien qu’il soit ap-paru d’abord en mathématiques àla fin du XIXe siècle, quand HenriPoincaré (suivi par Félix Klein ouBeltrami) construit un « modèleeuclidien » pour les géométriesnon euclidiennes (ainsi, la sphèrede l’espace R3 moyennant certai-nes conventions — telles que lesméridiens privés de pôle sont desdroites — est un modèle de la géo-métrie riemanienne, pour laquellepar un point il ne passe aucuneparallèle à une droite donnée).Dans ce cas, le modèle est une re-présentation concrète d’énoncésconsidérés d’abord comme for-

mels (les axiomes de ces géomé-tries et les relations que l’on endéduit) ; on dit que le modèlefournit alors une interprétation deces énoncés dans laquelle ceux-cisont vrais. A la suite des travaux deHilbert, Gödel et Tarski, cette no-tion de modèle devient un conceptde la logique mathématique etdonne naissance à la « théorie desmodèles ». Le deuxième sens, leplus courant, apparaît dans lecontexte des sciences empiriquespour penser l’articulation entredes systèmes physiques, écono-miques et sociaux et leurs repré-sentations formelles ; ce processusest inverse du précédent puisqu’ilconsiste à associer un schémasymbolique à un phénomène oudes données empiriques. Dans lesdeux acceptions que l’on vient derappeler, logique ou empiriqueidéalisé, le modèle est un média-teur, un objet transitionnel, sanssignification close ou univoque,entre un champ théorique dont iloffre une interprétation et unchamp empirique dont il constitueune formalisation.

C’est dans ces mêmes années30, que les discours théoriques surles modèles et leur rôle dans laconnaissance scientifique pren-nent naissance et s’élaborent . Lesproblématiques sont celles de lavérification des théories scienti-fiques (positivisme logique du cer-cle de Vienne) ou bien celles deleurs falsifications empiriques(l’épistémologie de Karl Popper).Le point de départ est toujours lathéorie, et le modèle est principa-lement appréhendé comme uneentité intermédiaire entre la théo-rie et l’objet réel déterminé. Lesphilosophes s’interrogent sur lesliens entre modèle et théorie, sur

le réalisme des modèles et sur lapureté des méthodes (en particu-lier le rôle des analogies ou desmétaphores).

Une enquête historique (im-possible à développer dans ce ca-dre) montre que, dès les années50, de nombreuses pratiquesscientifiques ne correspondentdéjà plus à cette vision première.Surgis dans le contexte de la se-conde guerre mondiale et de laguerre froide, et des activités mul-tidisciplinaires qu’elles ont susci-tées, bénéficiant aux États-Unis dugrand essor des mathématiquesappliquées, les modèles en recher-che opérationnelle, en analyse dessystèmes, en ingénierie de com-munications (électriques, télépho-niques, servo-mécanismes...) etc,comme les premiers travaux de si-mulation dans le domaine de larecherche nucléaire militaire ou enmétéorologie, offrent une pan-oplie d’exemples où les modèlesse sont développés avec des ob-jectifs très pragmatiques, en l’ab-sence presque totale de théorie.

En fait, la modélisation de l’après-guerre est fondée sur le tripleabandon du réductionnisme mé-caniste, de l’espoir d’une scienceunitaire et de la quête d’une véritéuniverselle. John von Neumannaffirme à ce moment que lessciences n’essaient pas d’expli-quer, elles ne font que construiredes modèles dont la seule justifi-cation est de fonctionner2. Outrela bipolarité abstrait-concret, lespratiques de modélisation se dé-ploient entre deux autres pôles :l’un est prédictif et opérationnel,l’autre est cognitif et explicatif.La dualité entre comprendre etprédire, entre modèles cognitifset modèles prédictifs, devient de

Modèles et modélisations :le foisonnement des pratiques contemporainesexige une réflexion théorique nouvelle

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

1 Depuis le dossier déjà ancien du CNRS« Le temps des modèles », en 1994, jusqu’à la

lettre du département SHS du CNRSen 2003, les livraisons et les dossiers se sont

multipliés à ce propos.2 « Methods in the Physical Sciences »,

Works, VI, p. 491.

Depuis les années 1930,

historiens et philosophes

des sciences ont

appréhendé les modèles,

à partir des théories

scientifiques ou comme

des entités intermédiaires

entre théories et objets

réels. Pourtant, un aperçu

des pratiques scientifiques

depuis quelques décennies,

en particulier celles que

l’ordinateur et les

simulations numériques ont

suscitées, montre que ce

cadre problématique est

très insuffisant pour rendre

compte de la fonction

actuelle des modèles.

Page 26: SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES - Accueilcohen/mypapers/cnrsSPM04N42.pdf · DÉPARTEMENT SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES SPMSPM Lettre du SPM N° 42 décembre 20034 qu’il

plus en plus fréquemment unespace de tensions et de compro-mis. Le modèle doit être suffisam-ment simplifié et idéalisé pour êtremanipulable ou favoriser la com-préhension causale de divers fac-teurs, il ne peut l’être trop souspeine de s’éloigner à l’excès dusystème et d’interdire toute pré-diction. C’est d’ailleurs dans un telcontexte de discussions que lemétéorologue Edward Lorenz cons-truit un « modèle de laboratoire »très simplifié pour explorer lecomportement dynamique de l’at-mosphère et exhibe en 1963 le ca-ractère chaotique de son système.

A partir des années 1980, il neparaît plus possible d’analyser lesmodèles, leur construction et leurfonction, ni de décrire les pra-tiques variées de modélisations etcomprendre leurs enjeux, à partirdu socle épistémologique ancien.Établi sur des préoccupations fon-dationnelles et normatives, cedernier se révèle décidément tropétriqué. En effet, l’ordinateur a mo-difié profondément tant la concep-tion des modèles que les pratiquesde modélisation et de simulation.Ce tournant méthodologique s’estconjugué avec le changement dansles objets, les phénomènes et lessystèmes considérés, changementconditionné lui-même par la pré-sence des ordinateurs qui permet-tent d’appréhender des systèmesde plus en plus complexes, par lamultiplicité des interactions et ré-troactions qu’ils concentrent, etpar la multiplicité des échelles etdes temporalités qui doivent y êtreincorporées.

Sur le premier point, on constatela tendance croissante, d’une partà considérer le modèle comme unagent autonome, un objet en soi,et d’autre part, au fait que les fonc-tions d’instrument et de représen-tation du modèle s’articulent de

plus en plus étroitement. Ainsi,des modèles comme les automa-tes cellulaires ou le modèle d’Ising,apparus dans des contextes déter-minés (cybernétique, physique dusolide), parce qu’ils sont bienadaptés à la discrétisation et à lasimulation numérique, devien-nent une véritable ressource épis-témique, une « représentation dereprésentations », dont la dyna-mique interne permet de mieuxcomprendre des systèmes ou desphénomènes très divers (transi-tion de phases, propagation defeux de forêt, etc.). De même, desthéories mathématiques (systè-mes dynamiques chaotiques,champs fractals...) jouent un rôlede « sources de modèles », pourdiverses modélisations phénomé-nologiques. L’ordinateur et les si-mulations —qui incitent à joueravec les modèles — ont privilégiécette pratique de considérer lesmodèles non plus comme desintermédiaires vers une théorie,mais comme des agents autono-mes et de se concentrer sur la dy-namique de construction et demanipulation du modèle. Danscertains cas, par exemple la turbu-lence bidimensionnelle, les princi-pes théoriques ou les équationsétaient connus (équations deNavier-Stokes) mais le comporte-

ment phénoménologique ne l’étaitpas. Ce sont les modèles et l’expé-rimentation numérique qui ontpermis d’exhiber des phénomè-nes nouveaux : solitons, structurescohérentes, etc.

Quant aux nouveaux objets etsystèmes complexes, il suffit depenser par exemple aux modèlesclimatologiques du système ter-restre qui agglutinent des boutsde théories portant sur des domai-nes très divers (circulation atmos-phérique, processus thermiques etchimiques, etc.), des interactionsmal connues entre ces domaines(terre, océans, biosphère...), voirel’intégration dans le modèle d’acti-vités humaines les plus disparates(consommation d’énergie, pollu-tions, etc. dans les modèles ditsd’évaluation intégrés). Les difficul-tés d’échelles sont considérables,comme la variété des temps carac-téristiques. La gestion de ressour-ces, les modèles de transport oude croissance urbaine offrentd’autres exemples analogues demodélisations construites à partird’éléments hétérogènes que seulela mise en boîte numérique auto-rise. Là aussi, les modèles fonc-tionnent comme des instrumentspour explorer des processus dontles théories ne rendent pascompte ou bien pour lesquels il

n’y a pas du tout de théories.Enfin, des travaux d’anthropolo-gues ont suggéré les « effets desimulacre » possibles que de troplongues recherches pour perfec-tionner un même modèle peuventprovoquer chez leurs auteurs.

Dans de nombreux cas (scien-ces du chaos, physique méso-scopique, sciences de la terre,changement climatique, dévelop-pement durable...), en particulierdans des disciplines historiques oùl’expérimentation numérique estdevenue enfin possible (paléocli-matologie, théorie de l’évolution,embryologie, etc.), un mot-clé afait irruption chez les modélisa-teurs : celui de scénario. Notionintermédiaire entre le modèle et lanarration, le scénario permet decirculer aisément entre ce queproduit le modèle et les récits quirésument cette production et tra-duit une certaine modestie parrapport aux résultats des modèles.Il exprime souvent une philoso-phie de la modélisation plus pro-che de celle d’un manager oud’un décideur politique que decelle d’un savant ; si tant est quepour de nombreux systèmes com-plexes que l’on doit maintenantmodéliser, la prévision et l’exper-tise l’emportent souvent sur l’ob-jectif de compréhension profonde.

Lettre du SPM N° 42 décembre 200327

culture scientifiqueculture scientifiqueD É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

Conceptual Models

Inte

grat

ion

Processes

Detail of Description

EMICsComprehensive Models

Les EMIC entre modèles conceptuels et modèles réalistes.

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Atmospherechemistry

thermo-dynamics

thermodynamics

oceanic transport

salinity

carboncycle

sea ice

dynamics

dynamics

Terrestrial vegetation

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Inland IceT,M F

FRSSTsea ice

geothermalheat

calvinFWF

fertilisationeffect

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land-usetemperatureprecipitation

solar variabilityorbital parameters

emission of GHGsaerosols

CO2

oceaniccarbon flux

Ocean

CO2

atmospherictransport

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atmosphericsurface

interface

ice sheetcoupler

landsurfacemodel

oceancoupler

thermo-dynamics

bedrockmodel

dynamics

mass balance

vegetationdynamics

terrestrialcarbon cycle

SOLAR

Soulignons, pourconclure, quatreéléments majeurs quicaractérisent les aspectsles plus novateursdans les pratiques demodélisation :

1) le terreau principalement hété-rogène sur lequel se construisentun très grand nombre de modèles ;l’unité de la science si prompte àêtre proclamée n’est pas ce quis’impose, le pluralisme méthodo-logique semble régner à l’intérieurdes sciences sans qu’il y ait lieud’ailleurs de s’en inquiéter ;2) le rôle de l’ordinateur, outil es-sentiel pour se saisir néanmoinsde cette désunion ; non seule-ment les simulations numériquesbrouillent les catégories de l’épis-témologie classique (théorie ver-

sus expérience), mais elles peu-vent susciter des controverses liéesà leur statut ;3) le déplacement nécessaire del’attention des modèles vers lesmodélisations, déplacement quiintroduit la catégorie des acteursdans les processus de modélisa-tion. En effet, la plupart des modè-les construits sur des systèmescomposites sont le fruit d’un tra-vail collectif dans lequel intervien-nent plusieurs groupes scienti-fiques qui peuvent avoir leurslogiques disciplinaires et leurs im-pératifs propres et doivent appren-dre à se coordonner ;4) enfin, la dimension de prévisionest aujourd’hui dans une proxi-mité croissante avec l’action, laboucle de rétroaction faisant sou-vent partie intégrante du modèle(dans les modèles financiers, par

exemple, les temps de la compré-hension et de l’action sont presquefusionnés). La dimension prag-matique des usages des modèles,du pilotage par l’aval, exige uneconscience aiguë des incertitudesdes modèles et de leurs usages àdes fins d’expertise ; et juger de lavalidité ou des bonnes performan-ces d’un modèle ne peut se fairesans l’identification de cet aval.

En bref, pour reprendre l’expres-sion de S. Sismondo3, les modèlessont devenus une « glue, simulta-nément épistémologique et so-ciale », ce qui rend nécessairequ’on les envisage pour ce qu’ilssont, ce qu’ils font et ce à quoi ilsservent. Cette exigence n’est passeulement théorique, elle est aussiune exigence de réflexion critiquevis-à-vis des sciences et de leursusages sociaux4.

culture scientifiqueculture scientifique

Lettre du SPM N° 42 décembre 200328

3 S. Sismondo, Introduction au numérode Science in Context [1999] consacré

aux simulations numériques.4 On pourra se reporter à l’article

de M. Armatte & A. Dahan : « Modèles etmodélisations, 1950-2000 : Nouvelles

pratiques, nouveaux enjeux », N° spécialModèles de la Revue d’Histoire des Sciences

(à paraître, 2003)

Amy Dahan DalmedicoCentre Alexandre-Koyréd’histoire des sciencesUMR 8560 [email protected]

contact

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

Schéma des phénomènes et des interactionspris en compte dans un modèle dynamiquede complexité intermédiaire (EMIC) utilisé auPostdam Institute for climate change.

Page 28: SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES - Accueilcohen/mypapers/cnrsSPM04N42.pdf · DÉPARTEMENT SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES SPMSPM Lettre du SPM N° 42 décembre 20034 qu’il

L e département SPM a lancé saE-lettre. Pourquoi avoir adop-

té ce nouveau support ? D'abord pour être plus réactifs

à l'actualité scientifique, politiqueet administrative. Ainsi nous ré-pondons au souhait formulé dansl'enquête sur la Lettre du départe-

ment. Il s'agit aussid'une mesure d'éco-nomie : le départe-ment doit, tout commeles laboratoires, s'adap-ter aux restrictions budgétaires, etune lettre électronique nous per-mettra de réduire considérable-

ment les dépenses decommunication et dediffusion.La E- lettre est envoyée

à tous les personnels SPM dontnous avons les coordonnées(adresse électronique renseignéedans Labintel).

Lettre du SPM N° 42 décembre 200329

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

communicationcommunication

Nouveau site SPM

[email protected]

pour vous abonner

Emmanuelle Savignac,DSI/DIST [email protected]

contact

Sur l'impulsion de la directiongénérale, la direction de la

communication et la direction dessystèmes d'information du CNRSont lancé dès le printemps 2003un projet d'harmonisation desWeb CNRS devant répondre à unconstat multiple :- absence d'une identité visuellestable et homogène sur le Webpour l’institution ;- charte graphique préexistantebeaucoup trop légère pour garantircette identité ;- transversalité trop limitée entreles sites de l'institution ;- logique de structuration des sitespeu tournée vers l'utilisateur ;- information indifférenciée entre :information scientifique/adminis-trative, interne/externe, d'actua-lité/de structure, prioritaire/secon-daire... ;- absence d'exploitation de l'icono-graphie scientifique dont disposele CNRS.

Outre ce constat de communi-cation, le projet prend source dansle constat de ressources techniquesinégales souvent très contraignan-

tes et ne favorisant pas une bonneréactivité vis-à-vis d’un média Weble demandant ; de solutions d'édi-tion Web au coût varié et à la per-formance inégale, de plus non for-cément compatibles entre elles.

En première conséquence decette volonté d'harmonisation desWeb CNRS, une nouvelle charteWeb a été conçue. Elle rassembledes règles de structuration gra-phique des sites mais aussi des rè-gles ergonomiques et des préconi-sations techniques, tout en ayantpour impératif premier de préser-ver les identités particulières desentités dans une identité généralede l'institution.

Parallèlement à l'émission de lacharte Web, le développementdes sites s'est appuyé sur le travailréalisé en amont par l'ensembledes départements scientifiquessur la constitution d'un rubriquageleur étant commun et permettant :

- d'asseoir les grands axes decommunication de l'organisme ;

- de donner aux sites une signa-létique de navigation homogène.

Sur ces bases graphiques etéditoriales, le projet d'harmonisa-tion a donc pu être décliné en pre-mier lieu auprès des départementsscientifiques dont 6 sont actuelle-ment en cours de développement.Le site des sciences physiques etmathématiques, inscrit dans leprojet dès son origine, pourra dèsdécembre figurer parmi les pre-miers sites à paraître.

Un second volet du projet com-prend l'offre de service, par la di-rection des systèmes d'information,d'un outil de gestion de contenuspermettant notamment la mise enligne facilitée et dynamisée descontenus d'information. Là encore,le département SPM sera vraisem-blablement pilote pour la mise enplace de cette solution dans lesdépartements.

La Lettre électronique

Page 29: SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES - Accueilcohen/mypapers/cnrsSPM04N42.pdf · DÉPARTEMENT SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES SPMSPM Lettre du SPM N° 42 décembre 20034 qu’il

D É P A R T E M E N T S C I E N C E S P H Y S I Q U E S E T M A T H É M A T I Q U E S

communicationcommunication

Lettre du SPM N° 42 décembre 200330

Le CNRS fête les maths

Rendre la science accessible

Café des sciences

Populariser la science

...Donner à comprendre

Page 30: SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES - Accueilcohen/mypapers/cnrsSPM04N42.pdf · DÉPARTEMENT SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES SPMSPM Lettre du SPM N° 42 décembre 20034 qu’il

Fête de la science 2003Stand du CNRS, à l’initiative du département SPM,sur le village des sciences du ministère déléguéà la recherche et aux nouvelles technologies

REMERCIEMENTS AUX MATHÉMATICIENS« ainsi vous avez contribué à une des missions essentielles pour le CNRS qui est la diffusiondes connaissances et la popularisation du savoir »Omer Adelman Institut de mathématiques, UMR 7586, université Paris 6

David Bessis Département mathématiques et applications, UMR 8553, École normale supérieure

Philippe Biane Département mathématiques et applications, UMR 8553, École normale supérieure

Eric Bonnetier Centre de mathématiques appliquées, UMR 7641, École polytechnique

Charles Boubel Unité de mathématiques pures et appliquées, UMR 5669, ENS Lyon

Farouk Boucekkine Département mathématiques et applications, UMR 8553, École normale supérieure

Laurent Boudin Laboratoire Jacques-Louis Lions, UMR 7598, université Paris 6

Eric Buffetaut Biogéosciences-Dijon, UMR 5561, université de Bourgogne

Dominique Cardon Histoire et archéologie des mondes chrétiens et musulmans médiévaux, UMR 5648, université Lyon 2

Mireille Chaleyat-Maurel Laboratoire de probabilités et modèles aléatoires, UMR 7599, université Paris 6

Charles Cochet Institut de mathématiques, UMR 7586, université Paris 6

Dario Cordero Institut de mathématiques, UMR 7586, université Paris 6

Stéphane Cordier Mathématiques, applications, physique mathématique d’Orléans, UMR 6628, université d’Orléans

Cécile Dobrzynski Laboratoire Jacques-Louis-Lions, UMR 7598, université Paris 6

Pierre Duchet Équipe de combinatoire, UMR 7090, université Paris 6

Damien Gaboriau Unité de mathématiques pures et appliquées, UMR 5669, ENS Lyon

Jean-Marc Gambaudo Institut de mathématiques de Bourgogne, UMR 5584, université de Bourgogne

Alexandre Godard Institut de mathématiques, UMR 7586, université Paris 6

Olivier Godard Laboratoire d’économètrie de l’École polytechnique, UMR 7657, École polytechnique

Gilles Godefroy Institut de mathématiques, UMR 7586, université Paris 6

Olivier Guedon Institut de mathématiques, UMR 7586, université Paris 6

Dominique Guy Équipe de combinatoire, UMR 7090, université Paris 6

Guillaume Havard Unité de mathématiques pures et appliquées, UMR 5669, ENS Lyon

Pascal Havé Laboratoire Jacques-Louis Lions, UMR 7598, université Paris 6

David Hernandez Département mathématiques et applications, UMR 8553, École normale supérieure

François Jouve Centre de mathématiques appliquées, UMR 7641, École polytechnique

Jean Jouzel Institut Pierre-Simon-Laplace, université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Frédéric Lagoutière Laboratoire Jacques-Louis Lions, UMR 7598, université Paris 6

Hervé Maillot Mathématiques, applications, physique mathématique d’Orléans, UMR 6628, université d’Orléans

Simona Mancini Laboratoire Jacques-Louis Lions, UMR 7598, université Paris 6

Marc Massotv Laboratoire de mathématiques appliquées de Lyon, UMR 5585, université de Lyon 1

Alain Prignet Mathématiques, applications, physique mathématique d’Orléans, UMR 6628, université d’Orléans

Alexandre Rambaud Logique mathématique, UMR 7056, université Paris 7

Eric Robin Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, UMR 1572, CEA

Charles Torosian Département mathématiques et applications, UMR 8553, École normale supérieure

Gérard Tronel Laboratoire Jacques-Louis-Lions, UMR 7598, université Paris 6

ORGANISATEURS CNRSChristophe Dhenaut, Conceição Da Silva DIST

Catherine Dematteis, Eric Allermoz Communication délégation Paris B

Frédérique Laubenheimer, Anna da Costa Communication département SPM

Page 31: SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES - Accueilcohen/mypapers/cnrsSPM04N42.pdf · DÉPARTEMENT SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES SPMSPM Lettre du SPM N° 42 décembre 20034 qu’il

CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

Directeur de la publication Michel Lannoo, directeur du département SPM

Réalisation Communication du département SPMFrédérique Laubenheimer, Anna Da CostaChargé de mission : Pablo Jensen

Comité éditorial Angel Alastuey, Louis Bonpunt, Stéphane Cordier Michel Enock, Pablo Jensen, Jean Laforest, FrédériqueLaubenheimer, Éric Perez, Frédéric Petroff, Philippe Roncin

Maquette, illutrations Bruno Roulet

Mise en page, flashage Service de l’imprimé de la délégation Paris Michel-Ange,Bruno Roulet

Département des sciences physiques et mathématiques 3, rue Michel-Ange 75794 Paris cedex 16Téléphone 01 44 96 42 63 et 48 25Télécopie 01 44 96 53 20

Mél [email protected]@cnrs-dir.fr

Web http: //www.spm.cnrs-dir.fr

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