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ACTUALITÉS DE LA RECHERCHE Sciences sociales et biodiversité : des problématiques nouvelles pour un contexte nouveau Social sciences and biodiversity: new problematics for a new context Geneviève Michon Éthnobotaniste et agronome, IRD, UR 112, Centre de Montpellier, PSA2 ex LER, BP 64501, 34994 Montpellier cedex 5, France L’intitulé de cet atelier 1 , ainsi que celui de l’appel d’offre lancé en Septembre 2002 par l’Institut Fran- çais de la Biodiversité (« Dynamique de la biodiver- sité et modalités d’accès aux milieux et aux res- sources »), invitent on ne peut plus clairement les sciences sociales, encore insuffisamment représen- tées au sein de l’IFB, à s’investir à travers des thématiques spécifiques dans le champ de recher- che sur la question de la biodiversité. Les objets de recherche désignés sont multiples : sociétés loca- les, sociétés autochtones, savoirs, pratiques et usa- ges, représentations et patrimonialisation de la nature, régimes d’appropriation et mécanismes de régulation sociale, modalités de concertation, valo- risation économique, protection juridique, arran- gements institutionnels, etc. Ceci ne doit cepen- dant pas faire oublier que l’appel d’offre visait plus des conclusions sur les « implications écologiques des divers modes de gestion de l’accès aux milieux et à la biodiversité » (IFB, 2002) qu’une analyse proprement sociale, anthropologique, économique ou juridique de ces entités sociales et de leurs liens. Pour aborder les problèmes de gestion de la nature et, plus particulièrement, de la biodiver- sité, il était clairement fait appel à des démarches pluridisciplinaires centrées sur les interactions en- tre pratiques sociales et dynamiques de la biodiver- sité. L’objectif de cette démarche était un objectif de gestion : comprendre comment mieux « réguler les pressions anthropiques subies par les écosystè- mes » afin de « parvenir à des modes de gestion viables et à moindre coût » (ibid.). Adresse e-mail : [email protected] (G. Michon). 1 Ce texte est tiré du document introductif que j’avais été chargée de rédiger pour l’atelier « Accès, usages, savoirs et pratiques » des journées que l’Institut Français de la Biodiversité (IFB) a organisées à Tours en décembre 2002 (cf. le compte rendu de D. Terrasson, NSS, 2, 2003, 210-211). Il s’appuie sur les premières synthèses d’un groupe de travail animé par Marie- Christine Cormier-Salem (géographe, IRD) et Bernard Roussel (ethnobotaniste, MNHN), qui ont conduit à la rédaction de l’appel d’offre de l’IFB intitulé « Dynamique de la biodiversité et modalités d’accès aux milieux et aux ressources » lancé en septembre 2002. Ma réflexion s’est également largement inspi- rée des travaux de deux collectifs de chercheurs réunis à l’occa- sion de cet appel d’offre. Le premier, dont je faisais personnel- lement partie, comprend des chercheurs du CIRAD (Alain Billand, Guillaume Lescuyer, Manuel Boissière) et de l’UR 112 de l’IRD (Hubert de Foresta, Yildiz Aumeeruddy-Thomas, Georges Smektala, Grégoire Vincent, Patrice Levang, Edmond Dounias). Le second était animé par Catherine Aubertin et Valérie Boisvert (économistes de l’environnement, IRD, Orléans), Franck- Dominique Vivien (économiste de l’environnement, université de Reims) et Florence Pinton (sociologue, université Paris 10), que je tiens à remercier ici chaleureusement pour les nombreux emprunts que j’ai fait à leurs écrits. Ma réflexion s’est aussi nourrie des discussions qui se sont déroulées autour de la prépa- ration de l’ouvrage que l’IRD a présenté à Johannesburg (Martin J.Y. (ed), 2002 – Développement durable ? Doctrines, pratiques, évaluations. Paris, IRD éditions ; cf. M. Jollivet, À propos de quatre ouvrages sur Johannesburg : réflexions sur le développe- ment durable, NSS, 3, 2003). Je remercie les chercheurs qui y ont participé (Catherine Aubertin, Bernard Moizo, Georges Smektala, François Verdeaux, Hubert de Foresta). Natures Sciences Sociétés 11 (2003) 421–431 www.elsevier.com/locate/natsci © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. doi: 10.1016/S1240-1307(03)00123-7

Sciences sociales et biodiversité : des problématiques nouvelles pour un contexte nouveau

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ACTUALITÉS DE LA RECHERCHE

Sciences sociales et biodiversité :des problématiques nouvelles pour un contextenouveau

Social sciences and biodiversity:new problematics for a new context

Geneviève MichonÉthnobotaniste et agronome, IRD, UR 112, Centre de Montpellier, PSA2 ex LER, BP 64501,34994 Montpellier cedex 5, France

L’intitulé de cet atelier1, ainsi que celui de l’appeld’offre lancé en Septembre 2002 par l’Institut Fran-

çais de la Biodiversité (« Dynamique de la biodiver-sité et modalités d’accès aux milieux et aux res-sources »), invitent on ne peut plus clairement lessciences sociales, encore insuffisamment représen-tées au sein de l’IFB, à s’investir à travers desthématiques spécifiques dans le champ de recher-che sur la question de la biodiversité. Les objets derecherche désignés sont multiples : sociétés loca-les, sociétés autochtones, savoirs, pratiques et usa-ges, représentations et patrimonialisation de lanature, régimes d’appropriation et mécanismes derégulation sociale, modalités de concertation, valo-risation économique, protection juridique, arran-gements institutionnels, etc. Ceci ne doit cepen-dant pas faire oublier que l’appel d’offre visait plusdes conclusions sur les « implications écologiquesdes divers modes de gestion de l’accès aux milieuxet à la biodiversité » (IFB, 2002) qu’une analyseproprement sociale, anthropologique, économiqueou juridique de ces entités sociales et de leursliens. Pour aborder les problèmes de gestion de lanature et, plus particulièrement, de la biodiver-sité, il était clairement fait appel à des démarchespluridisciplinaires centrées sur les interactions en-tre pratiques sociales et dynamiques de la biodiver-sité. L’objectif de cette démarche était un objectifde gestion : comprendre comment mieux « régulerles pressions anthropiques subies par les écosystè-mes » afin de « parvenir à des modes de gestionviables et à moindre coût » (ibid.).

Adresse e-mail : [email protected] (G. Michon).1 Ce texte est tiré du document introductif que j’avais été

chargée de rédiger pour l’atelier « Accès, usages, savoirs etpratiques » des journées que l’Institut Français de la Biodiversité(IFB) a organisées à Tours en décembre 2002 (cf. le compterendu de D. Terrasson, NSS, 2, 2003, 210-211). Il s’appuie sur lespremières synthèses d’un groupe de travail animé par Marie-Christine Cormier-Salem (géographe, IRD) et Bernard Roussel(ethnobotaniste, MNHN), qui ont conduit à la rédaction del’appel d’offre de l’IFB intitulé « Dynamique de la biodiversité etmodalités d’accès aux milieux et aux ressources » lancé enseptembre 2002. Ma réflexion s’est également largement inspi-rée des travaux de deux collectifs de chercheurs réunis à l’occa-sion de cet appel d’offre. Le premier, dont je faisais personnel-lement partie, comprend des chercheurs du CIRAD (AlainBilland, Guillaume Lescuyer, Manuel Boissière) et de l’UR 112 del’IRD (Hubert de Foresta, Yildiz Aumeeruddy-Thomas, GeorgesSmektala, Grégoire Vincent, Patrice Levang, Edmond Dounias).Le second était animé par Catherine Aubertin et Valérie Boisvert(économistes de l’environnement, IRD, Orléans), Franck-Dominique Vivien (économiste de l’environnement, universitéde Reims) et Florence Pinton (sociologue, université Paris 10),que je tiens à remercier ici chaleureusement pour les nombreuxemprunts que j’ai fait à leurs écrits. Ma réflexion s’est aussinourrie des discussions qui se sont déroulées autour de la prépa-ration de l’ouvrage que l’IRD a présenté à Johannesburg (MartinJ.Y. (ed), 2002 – Développement durable ? Doctrines, pratiques,évaluations. Paris, IRD éditions ; cf. M. Jollivet, À propos dequatre ouvrages sur Johannesburg : réflexions sur le développe-ment durable, NSS, 3, 2003). Je remercie les chercheurs qui yont participé (Catherine Aubertin, Bernard Moizo, GeorgesSmektala, François Verdeaux, Hubert de Foresta).

Natures Sciences Sociétés 11 (2003) 421–431

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© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.doi: 10.1016/S1240-1307(03)00123-7

Ces approches à l’interface des sciences de lanature et de la société, qui visent à comprendre lesliens entre savoirs naturalistes, pratiques locales,droits d’accès, conservation de la biodiversité etgestion durable des ressources et des écosystèmessont tout à fait caractéristiques des années 1980-2000. Elles interpellent, à côté des spécialistes desethnosciences, à la fois les écologues, les anthropo-logues, les sociologues, les géographes, les écono-mistes et les juristes. Elles ont confirmé l’idée queles problèmes environnementaux étaient autantd’ordre sociétal qu’écologique. Cette mobilisationdes chercheurs a accompagné la montée en puis-sance du discours international, qui allait culmineravec la Conférence pour la Terre de Rio en 1992, surle bien-fondé des savoirs naturalistes locaux et despratiques correspondantes, sur la pertinence desmodes de gestion communautaires, et sur la néces-sité d’impliquer les « communautés locales et peu-ples autochtones » (alinéa 8 J de la Convention surla Diversité Biologique) et leurs savoirs afin d’assu-rer une gestion prudente et durable de la biosphèreet, par là, une meilleure conservation de la biodi-versité.De fait, entre 1992 et 2002, la mise en avant de

la biodiversité (et donc de sa conservation) acontribué à faire évoluer très sensiblement les rap-ports que les sociétés entretiennent avec la nature.À l’idée d’une conservation stricte, excluantl’homme, qui prévalait avant Rio, s’est substituéecelle de la nécessaire recherche d’une harmonisa-tion entre conservation et développement. D’où laprise en compte des interactions entre des préoc-cupations liées à la nature et les besoins de l’huma-nité. Puis la conception d’inspiration libérale auplan économique selon laquelle la biodiversité se-rait d’autant mieux préservée qu’on pourrait entirer un revenu direct a prévalu. Ceci a conduit àinstituer de nouvelles relations entre les hommes :c’est en effet ce discours qui a instauré des rela-tions marchandes portant sur le vivant entre paysdu « nord », pauvres en biodiversité, et pays du« sud », riches en biodiversité ; ou encore entrefirmes privées à la recherche d’information généti-que à breveter et détenteurs des savoirs sur lesplantes. Désormais, la valorisation des savoirs lo-caux sur la biodiversité passe essentiellement pardes contrats de droit privé.Par ailleurs, les questions qui se posent de façon

prioritaire au niveau planétaire et les enjeux poli-tiques nationaux et internationaux qui en décou-lent ont évolué. De Rio à Johannesburg (soit en dixannées), les préoccupations liées à la dégradationde l’environnement ont fait place à celles qui dé-coulent de la crise, planétaire, des sociétés humai-nes. Il est désormais surtout question de dévelop-

pement des échanges (voir les discussions del’OMC), de lutte contre la pauvreté ; et contre leterrorisme (Sommet de Johannesburg). On se sou-cie moins de gestion de ressources et d’écosystè-mes ou de rapport hommes-milieux, que d’organi-sation des sociétés humaines et de gestion desrapports humains. Quant à la question de la biodi-versité, on peut en saisir les métamorphoses,jusqu’à sa relative dilution dans les problèmes depauvreté et de gouvernance à Johannesburg.Aujourd’hui, si la biodiversité demeure d’actualité,c’est surtout en référence à des questions plusvastes, comme les manipulations sur le génome, lamarchandisation du monde, les inégalités grandis-santes entre le Nord et le Sud, la mondialisation, lacrise de l’environnement. Ces inquiétudes révèlentune crise profonde des sociétés industrielles et deleur rapport au vivant, humains compris.Ces changements révèlent une inflexion dans la

vision dominante du rapport au monde. Ils reflètentles nouveaux enjeux économiques, sociaux et poli-tiques internationaux. Ils vont nécessairement in-fluencer la définition des objectifs économiques,sociaux et politiques des nations souveraines etchanger localement les échelles des valeurs attri-buées aux milieux, aux ressources, aux savoirs etaux pratiques sur la nature, aux règles coutumièreset aux institutions des groupes sociaux. Ils vontdonc changer les comportements collectifs et indi-viduels ; et ceci à toutes les échelles de l’organisa-tion humaine.Il est donc clair que, pour les sciences sociales,

se contenter de continuer à travailler sur la relationentre « changement des systèmes d’usage et d’ac-cès aux ressources et dynamique de la biodiver-sité », c’est prendre le risque de se marginalisertotalement par rapport aux questions qui se posentau niveau des négociations internationales, maisaussi de produire des résultats qui ne seraient quepartiellement pertinents pour l’avenir. Elles se doi-vent non seulement d’intégrer ces évolutions dansla formulation de leur problématique et de leursthématiques, mais aussi d’en fournir une interpré-tation. Nous proposons donc de déplacer en consé-quence le centre de gravité des recherches menéessous l’intitulé « savoirs, usages, accès » et d’élargirle champ des questionnements. Il ne s’agit pas deremettre en question la pertinence de cesconcepts, mais, compte tenu de l’influence qu’ilsont eue sur les évolutions de ces quinze dernièresannées, de comprendre comment s’est effectué,durant cette période, leur passage progressif dudomaine scientifique et du débat d’idées à lasphère du politique, puis, plus largement, au dis-cours social contemporain ; comment ce passage afait évoluer leur sens, leur contenu, leur appréhen-

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sion par les scientifiques et leur utilisation par lesdifférents groupes sociaux qui s’y réfèrent (ex-perts, communautés locales et peuples autochto-nes, ONG de la conservation, ONG indigénistes,politiques, bailleurs de fonds) ; en un mot, com-ment cette évolution a contribué à modifier l’ap-proche politique et pratique de la question de labiodiversité. C’est ce que l’on propose de faire ens’interrogeant sur les conséquences pratiques decette évolution à deux niveaux : celui des actionslocales (ce sera l’objet du premier point, portantsur la liaison communément établie entre biodiver-sité et diversité culturelle), et celui des mesures derégulation prises au niveau international sur la cir-culation, la protection et la valorisation de la bio-diversité (ce sera l’objet du second point portantsur la biodiversité en tant qu’objet de droit).

La liaison biodiversité/diversitéculturelle

Entre les années 1980 et 2000, l’intérêt pour les« savoirs naturalistes locaux » et les pratiquescorrespondantes a été croissant (Friedberg, 1996).Ce sont les ONG indigénistes qui ont les premièresrepris cette notion aux anthropologues (parlant des« savoirs indigènes ») et aux sociologues ruraux(parlant de « savoirs paysans » : Dupré, 1991) ; ellesy ont vu une façon originale d’habiller des revendi-cations identitaires ou foncières anciennes des so-ciétés indigènes. Cette notion a ensuite intéresséles différents gestionnaires de la conservation, quiy ont trouvé la garantie d’une bonne gestion, voireune solution miracle pour la conservation (Lalondeet Aktar, 1994). Les derniers à s’en être emparéssont les industriels, en particulier des firmes phar-maceutiques, qui espéraient trouver dans ces sa-voirs une mine d’informations. Les bailleurs de fondont vite donné corps à cet intérêt par le biais definancements de projets censés mettre ces savoirslocaux en œuvre pour la conservation ou le déve-loppement durable. Aujourd’hui, ces savoirs sontconsidérés comme des éléments des patrimoineslocaux, qu’il convient de conserver et de valoriserau même titre que les diverses composantes de labiodiversité.Cette situation pose cinq questions aux sciences

sociales. Il faut (1) comprendre comment s’estconstruit ce discours sur les savoirs et les pratiquesnaturalistes « locales » ou « indigènes », (2) s’inter-roger sur la pertinence scientifique d’un inventairede ces savoirs et pratiques, (3) examiner de près lelien positif qui est établi entre eux et la conserva-tion de la biodiversité, (4) se demander que penser

de la proposition de les transformer en éléments depatrimoine et en objets de conservation et (5)analyser les incidences de ces conceptions, à por-tée internationale et aux incidences pratiques im-portantes, ne l’oublions pas, sur les discours et lespratiques des communautés locales elles-mêmes.Nous allons les examiner successivement.

La construction d’un discours

L’attribution aux savoirs locaux d’un statut d’ins-trument de gestion et, à ce titre, d’une valeurpatrimoniale, est l’aboutissement d’un long pro-cessus opérant le passage d’une question scientifi-que (« comment les communautés s’organisent-elles pour tirer parti des ressources dont ellesdépendent et en assurer la pérennité ? ») à lasphère du politique et du social, en particulier viales ONG qui ont su médiatiser la question. Un telprocessus ne va pas de soi : les travaux monogra-phiques d’ethnologues à partir desquels elle a étéconçue ne suffisent pas à la valider. Et l’idée qui endécoule d’avoir recours à des savoirs locaux, néces-sairement spécifiques et dont la pertinence est pardéfinition limitée dans l’espace, pour gérer etconserver un bien public global, n’est pas sansposer problème. Il convient donc de comprendrecomment elle a pris corps, les transformations pro-gressives qu’ont subies les concepts sous l’in-fluence de ses promoteurs successifs et leur utilisa-tion, ou leur détournement, par les différentsgroupes d’intérêt (en particulier par les détenteursde ces savoirs et leurs plus ardents défenseurs : lescommunautés autochtones et locales et les ONGindigénistes ou conservationistes). C’est là unepiste de recherche importante. En effet, cettequestion de la réappropriation du discours scienti-fique par d’autres groupes sociaux renvoie inévita-blement aux rapports qui s’établissent entrescience, pouvoir, idéologie et société (Micoud,2002). Elle permet de s’interroger sur le rôle duchercheur, et en particulier sur la place des scien-ces sociales, dans la fabrication du discours officielsur la biodiversité et dans la mise en œuvre prati-que des principes de ce discours. Elle renvoie aussiau poids des financements internationaux et natio-naux de la recherche dans la production du discoursscientifique sur la biodiversité en général ; et, enl’occurrence, à leur poids plus particulièrement surles concepts des sciences sociales dans le domaine.Ces recherches constituent un préalable importantpour les recherches plus localisées. Elles interpel-lent surtout la sociologie et l’anthropologie, maisaussi l’économie et le droit.

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Quel inventaire des savoirset des pratiques ?

La socio-anthropologie souligne que, dit très sché-matiquement, les savoirs et les pratiques d’ungroupe social (et en particulier ce qu’il est convenud’appeler les « savoirs indigènes ») sont indissocia-bles de leur support matériel (les objets de natureauxquels ils s’appliquent et les systèmes de produc-tion dans lesquels ils sont mis en œuvre), de leurfondement idéel (les représentations qu’un groupedonné se fait du monde qui l’entoure et de sa placedans le monde, ses structures cognitives), maisaussi des modes de vie, des relations sociales et,pour finir, de l’ensemble de la société (Godelier,1984 ; Friedberg, 1992 et 1996 ; Descola, 1986 et2001) . Il serait donc vain de vouloir isoler une listede savoirs et de pratiques du cadre cognitif etsocio-culturel dans lequel ils prennent sens (Bahu-chet et al., 2001) et de les retenir en tant que telssans faire référence à celui-ci. L’inventaire brutdes savoirs et des pratiques, et en particulier larecherche rapide des « meilleurs » savoirs natura-listes, ou des pratiques les plus « pertinentes »(pour qui ? pour quoi ?), sont pourtant une directiondans laquelle se sont engouffrés de nombreux pro-jets de recherche-développement (voir par exem-ple le concept de best-bet practices mis en avantdans les programmes du CGIAR2 sur la gestion desressources naturelles). Dans les années 90, lesconceptions ont évolué. En partie en raison del’influence des représentants des peuples indigènesdans la préparation de la Convention sur la Diver-sité Biologique (CDB) lors de la Conférence de Rio,la référence à la notion de « diversité culturelle »,considérée globalement, a pris le pas sur la réfé-rence aux savoirs. Ceux-ci se trouvaient ainsi réin-tégrés dans leur matrice cognitive et socio-culturelle. Même si ce ne sont pas réellement desraisons scientifiques qui ont poussé à cette intégra-tion, en devenant un concept indissociable de celuide biodiversité, la « diversité culturelle » a peu àpeu consacré ce changement de perspective auniveau du discours international. La CDB a réussi àintégrer dans ses objectifs la conservation des« modes de vie traditionnels », leur utilisationdurable et leur valorisation3 au même titre que lesautres éléments de la biodiversité.Mais, en fait, deux conceptions de cette articu-

lation entre biodiversité et diversité culturellecoexistent. La première reconnaît la diversité cul-

turelle (parfois aussi appelée « socio-diversité »)comme une dimension nouvelle, mais essentielle,de la biodiversité, au même titre que les gènes, lesespèces et les écosystèmes (WRI et al., 1992 ;Barrau et Lizet, 1994 ; Aubertin, 2002). À l’échellede la planète, la diversité culturelle devient unbien public global. Les cultures locales doivent êtrepréservées, au même titre que les espèces mena-cées. Elles font partie de ce que la convention deRio n’a pas voulu appeler « patrimoine de l’huma-nité » mais qui, pourtant, y ressemble fort. Repre-nant la terminologie des économistes, on diraqu’elles ont une « valeur d’existence ». La secondevoit la biodiversité comme le produit local d’uneco-évolution entre savoirs et pratiques d’un côté,espèces et écosystèmes de l’autre. Elle est ensomme un héritage social, c’est-à-dire intrinsèque-ment liée à la pluralité des modes de vie, d’organi-sation sociale, de production et de consommation.La diversité biologique dépendrait donc de la diver-sité culturelle4. Les savoirs locaux sont dès lors vuscomme des « instruments de gestion » indispensa-bles pour le maintien de la biodiversité. Pourconserver les trois premiers niveaux de la diversitébiologique (gènes, espèces, écosystèmes), il appa-raît donc indispensable de conserver le quatrième(la dimension culturelle). On pourrait alors parlerde « valeur fonctionnelle » de celle-ci.L’idée selon laquelle la socio-diversité devrait

être vue comme la dimension ultime de la biodiver-sité fait référence à une vision du monde plus qu’àune démonstration scientifique. Par contre, la cor-respondance qui est supputée entre « diversité despratiques et des savoirs » et « diversité des espèceset des écosystèmes » peut – et doit – être soumise àexamen. C’est l’objet du point suivant.

Diversité culturelle et biodiversité

Cette correspondance n’est pas, on l’a vu, scienti-fiquement établie. Progresser dans son appréhen-

2 Consultative Group for International Agricultural Research.3 Voir les dernières recommandations de la conférence des

Parties de La Haye (Avril 2002) et surtout la décision V/16.

4 Pour étayer cette proposition, on « découvre » que lesendroits de « méga-biodiversité » (les « hot spots » de l’ONGconservationiste américaine « Conservation International ») sontaussi les lieux de vie de communautés à culture tout à faitspécifique. Les savoirs locaux sont dès lors vus comme des« instruments de gestion » indispensables pour le maintien de labiodiversité de ces hot spots. Or, ces cultures locales sontmenacées dans la mesure où les communautés elles-mêmes sontà la fois pauvres et touchées par la mondialisation. Le maintiendes poches de haute diversité repose donc sur la survie « enl’état » de ces peuples, seule garante de la conservation de leurssavoirs « ancestraux » et de leurs pratiques « traditionnelles »(Posey, 1999). Les préoccupations de conservation gagnent doncla diversité culturelle : même en dehors de ces hot spots, ladisparition des savoirs anciens et des pratiques qui leur sontliées ferait peser localement des risques sur la biodiversité.

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sion passe par un examen de l’état des connaissan-ces sur trois facettes des savoirs : leur nature, leurformation et leur évolution, leurs fonctions.Nature des savoirs – Nombreuses sont les enquê-

tes (en général le fait de non spécialistes des eth-nosciences) qui, pour évaluer la perception de labiodiversité d’un groupe social donné, se basentdélibérément sur les catégories ou les nomenclatu-res établies par la science écologique moderne. Leprésupposé est que les taxonomies locales sontd’autant plus « riches » qu’elles dénombrent unplus grand nombre d’espèces et d’autant plus« vraies » qu’elles se rapprochent de la classifica-tion linnéenne. C’est une erreur, car c’est oublierque le savoir (y compris le nôtre) qui a cours dansune société donnée est indissociable de la repré-sentation que celle-ci se fait du monde qui l’en-toure et de sa propre place dans ce monde. « Lanature des uns n’est pas celle des autres » (Cormieret al., 2002) et les savoirs mis en œuvre par unepopulation ne sont pas forcément ceux des natura-listes occidentaux. Il convient donc, certes, decontinuer à en faire les inventaires, mais en s’inter-rogeant sur leur signification culturelle, sociale,économique et politique dans la société qui les agénérés. Il convient tout particulièrement, ce fai-sant, de prendre en compte et de comprendrel’importance des différences entre eux et le savoirscientifique dit « moderne » ou « occidental ».De ce point de vue, une des questions qui se pose

actuellement à la recherche, en particulier à l’eth-noscience, est celle de la distinction entre savoirsnaturalistes et savoirs non naturalistes. Cette clas-sification est directement issue de la perceptionoccidentale de la science (fractionnée en domainesdistincts) et de la nature (par essence différente del’humain, de la culture, et objectivée par lascience). Elle a peu de sens pour expliquer lessavoirs de groupes qui ne font pas nécessairementla différence entre objets naturels et objets cultu-rels. Les savoirs que nous qualifions de naturalistessont-ils plus pertinents, dans la gestion même duvivant par un groupe social donné, que ceux d’ordreplus religieux, social ou politique ? À l’heure de lamondialisation, les savoirs locaux sur le mondeextérieur au groupe ne sont-ils pas aussi impor-tants, dans l’évolution observée localement dessystèmes de gestion de la nature, que les connais-sances sur telle ou telle plante à propriété médici-nale ? Quelles sont les relations entre savoir etpouvoir ? Voilà autant de nouvelles pistes de re-cherche qui impliquent une collaboration étroiteentre ethnoscience, anthropologie et sociologie.Mécanismes et finalité de la formation, de la

transmission et de la transformation des savoirslocaux – C’est là un autre domaine peu exploré.

Comment les savoirs sont-ils acquis et transmisdans les sociétés à tradition orale ? Sont-ils stabili-sés ou constamment recomposés ? Comment sont-ils partagés entre les différents membres dugroupe : enfants, adultes, personnes âgées, hom-mes, femmes, cueilleurs, cultivateurs, pêcheurs,shamans ? Quels effets la scolarisation qui proposeun modèle uniforme de savoir et de transmission oules discours des nouveaux mouvements de sensibi-lisation environnementale ont-ils sur eux ? Ils ontété si longtemps disqualifiés par les scientifiques,les politiques et les organismes de vulgarisationqu’ils se sont retrouvés, dans de nombreuses ré-gions du monde, érodés et fragilisés. Leur réhabili-tation par le discours international les fait revivre,voire se redéfinir. Il est important de mieux explo-rer les dynamiques actuelles de leur construction,voire reconstruction, qui repose sur une hybrida-tion entre des emprunts à la modernité et desrecompositions de savoirs anciens. Ces pistes derecherche originales s’adressent aussi bien à l’an-thropologie cognitive qu’à la sociologie.Fonctions des savoirs — Donner de l’importance

aux savoirs locaux pour la gestion et la conservationde la biodiversité revient à statuer sur leurs fonc-tions dans la formation, le maintien ou l’évolutionde celle-ci. Or, en l’état actuel des connaissances,on a du mal à le faire. Ceci est dû à un défaut deconnaissance non pas tant sur les savoirs eux-mêmes que sur leurs fonctions. En effet, ce n’estpas nécessairement parce qu’il y a concordanceentre un système de connaissances et de pratiquesobservé en un temps donné et le maintien d’unebonne qualité de la biodiversité que l’on peut enconclure que ce système est soucieux de sa protec-tion, encore moins que son maintien en l’état estgarant du maintien de celle-ci. On attribue auxsavoirs des qualités qu’ils n’ont pas nécessaire-ment. Ainsi, la sacralisation des éléments de lanature (forêts sacrées, arbres et sources protégés),qui est souvent citée en exemple de la « sagesseécologique » des « peuples premiers », n’est prati-quement jamais liée à des objectifs de « conserva-tion de la nature » (Cormier et al., 2002). Desétudes convergentes montrent que les systèmes degestion locaux, qu’ils soient « indigènes » ou « pay-sans », ne gèrent pas à proprement parler de labiodiversité, ou des ressources génétiques (voir enparticulier les travaux issus de l’approche politicalecology : Dove, Peluso, Agarwal, Doornbos).Ils sont le produit historique d’un jeu de logiques

sociales, politiques et économiques entrecroiséeset celles-ci continuent d’y avoir autant d’impor-tance que les impératifs de valorisation et de repro-duction des ressources et, à plus forte raison, quede protection de l’environnement. Ils mettent en

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interaction une vision du monde, des savoirs, dessavoir-faire, des relations sociales, des rapports depouvoir, des objectifs de production ou de repro-duction, et des ressources biologiques. Or il est rareque les recherches sur ces systèmes menées dansl’esprit de la protection de la biodiversité s’inter-rogent sur ces interactions complexes. De ce fait, lamise en avant par le discours international de lavalidité des savoirs naturalistes et des pratiquesindigènes est quasi incantatoire et ignore souventles conditions réelles dans lesquelles ils s’exercent.Il importe donc de comprendre comment et pour-quoi ces interactions produisent, détruisent ouconservent la biodiversité. Et ceci aussi bien àpropos des différents groupes sociaux et profession-nels du monde industrialisé que des sociétés indi-gènes. La réflexion à engager à propos des interac-tions entre systèmes naturels et systèmes sociauxporte donc sur l’évolution de la biodiversité commeproduit social historiquement construit, et sur lerôle particulier des savoirs et des pratiques dans ceprocessus de construction. Jusqu’à quel point lesdynamiques locales de la biodiversité sont-ellesencore (ou ont-elles jamais été) liées à l’évolutionnaturelle des savoirs et des pratiques ? Aujourd’hui,cette évolution semble de plus en plus liée à desmenaces extérieures, portant essentiellement surla sécurité foncière, la répartition des bénéfices oules droits des populations. Ces nouvelles dynami-ques ont des déterminants sociaux et politiquesbien spécifiques. Comment les savoirs sont-ils mis àcontribution dans ce nouveau contexte ? Les spécia-listes des sciences politiques qui commencent à sepencher sur les systèmes locaux de gestion pour-raient apporter là une contribution précieuse, aussibien en termes de résultats que de théorisation duchamp de recherche.

Des savoirs et des pratiques objetsde conservation ?

Dans le discours international, les savoirs naturalis-tes locaux sont successivement passés du statut deconnaissances à celui d’outils de gestion, puis àcelui d’objets de conservation. Aujourd’hui, cessavoirs et les pratiques qui leur sont associéestendent à être considérés comme éléments essen-tiels des patrimoines locaux ou nationaux, au mêmetitre que les espèces rares ou « emblématiques »(Cormier-Salem et al., 2002). Cette idée de patri-monialisation des éléments de la diversité cultu-relle a été lancée au niveau international, mais elleest de plus en plus reprise à des niveaux pluslocaux. La recherche doit s’interroger sur la légiti-mité, la pertinence et les conséquences de ce mou-vement. La question de sa légitimité renvoie à la

confrontation entre les représentations de la na-ture des différentes sociétés et celle qui prévaut auniveau mondial. En effet, la notion de patrimoine,telle qu’elle est utilisée dans les instances interna-tionales, et plus encore lorsqu’elle est liée à cellede conservation, tend à soumettre les acteurs lo-caux aux représentations écologiques d’interve-nants extérieurs. D’évidence, les savoirs et les pra-tiques, ou les espèces et les espaces, que lesscientifiques et le milieu international de la conser-vation trouvent dignes d’intérêt ne sont pas forcé-ment ceux qui sont valorisés par les populationsindigènes. Qui est légitime pour dire où sont lespriorités ? Cette question se pose d’autant plus quese pose également celle de la pertinence même decette façon de voir.En effet, telle qu’elle est comprise au niveau

international, la conservation implique de figer lessituations. Or, si les savoirs et les pratiques sontbien indissociables de l’identité ou de la cultured’une société, cela ne veut en aucun cas dire qu’ilssont immuables. Ils évoluent par abandon et parintégration, en fonction des besoins du groupe etdes enjeux économiques, sociaux ou politiques aux-quels il est confronté. Les généticiens commencentà s’inquiéter des effets de la conservation in situsur l’évolution des espèces. Il est important que lessciences sociales évaluent de façon similaire lapertinence et les conséquences de la « mise enconserve » d’une culture, en particulier dans lecontexte de l’accroissement des échanges maté-riels et culturels entre le monde occidental et lescultures dites « minoritaires ».Le concept de patrimonialisation a été facile-

ment adopté par les groupes locaux. Et ceci toutd’abord en raison de sa souplesse. En effet, s’ilinclut bien une notion de préservation en vue de latransmission intergénérationnelle, par contre, iln’implique pas une conservation stricte, dans lamesure où les constructions patrimoniales se fontet se défont au fil de l’histoire (Cormier-Salem etal., op. cit.). D’autre part, il renvoie à des référen-ces socioculturelles connues et valorisées (aux« Anciens », à la tradition, à l’ancienneté du peu-plement et de la résidence, aux mythes fondateurset à la religion) et rentre en synergie avec lespréoccupations identitaires, culturelles, territoria-les et politiques des communautés. De ce fait, onassiste actuellement à des processus actifs de « pa-trimonialisation » locale de la nature, bien définispar Cormier-Salem et al., (op. cit.). Les objetsdéclarés patrimoine au niveau local portent surdifférents niveaux de la biodiversité, des gènes(races et variétés de plantes cultivées ou d’ani-maux domestiques) aux paysages, et vont même audelà en intégrant savoirs et pratiques. Il faut ce-

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pendant, ainsi que le soulignent les auteurs, de-meurer vigilant quant à l’interprétation de cespratiques, « dont la cohérence est à rechercherdans des représentations de la nature, une éthiqueet des règles sociales débordant largement lesquestions de conservation des ressources et del’environnement ». On retrouve ici la critique for-mulée plus haut au sujet des fonctions des savoirs.Les anthropologues ont donc ici à intervenir pourévaluer de façon critique les conséquences de cettemise en patrimoine des éléments exotiques descultures naturalistes.

Quelles stratégies autochtones ?

Les communautés sur lesquelles on plaque le dis-cours indigéniste et conservationiste et les projetsde conservation qui l’accompagnent sont, en règlegénérale, économiquement pauvres, politiquementfaibles et socialement marginalisées ; elles se trou-vent dans des contextes où s’exacerbe la compéti-tion pour l’accès aux ressources et aux espaces.Dans ces conditions, que peut bien signifier pourelles le fait de faire appel à la diversité culturelleet à la patrimonialisation ? S’agit-il d’une nouvelletactique, après la référence au progrès, pour leurfaire adopter des projets et des modèles de déve-loppement qui leur sont étrangers ? Le renverse-ment du discours sur les « communautés indigèneset autochtones » au sein des discours internatio-naux ne risque-t-il pas de les enfermer dans uneimage d’Epinal fort éloignée de la réalité ? Ou, aucontraire, le discours mondialiste issu de Rio leura-t-il offert de nouvelles opportunités de se faireentendre ? Leur a-t-il ouvert de nouvelles pistes deréflexion et d’action ? Autant de questions quisupposent un analyse de la façon dont elles adap-tent leurs stratégies à ces nouvelles configurationsdu développement. Dans ce registre, il est impor-tant que la recherche en sciences sociales se pen-che, comme l’a fait en son temps l’anthropologiedu développement à propos d’autres phraséologiesinternationales, sur l’utilisation par les groupeslocaux de l’argumentaire écologique, commemoyen de relancer des revendications identitaireset territoriales, ou comme outil d’une stratégie demainmise sur certaines ressources naturelles.

La biodiversité comme objet de droit

Depuis que la biodiversité est devenue un enjeuéconomique, l’exigence de conservation doit s’ac-corder avec une exigence d’appropriation et de« partage juste et équitable des avantages décou-lant de l’exploitation des ressources » (CDB, 1992).

La question des droits est donc centrale. Elleconcerne aussi bien les droits sur les ressources queles droits sur les savoirs5. Les régimes juridiquesmobilisés, tant internationaux que nationaux, sontmultiples et, dans l’ensemble, peu satisfaisants.Les difficultés de les harmoniser sont tout autantdiplomatiques, voire symboliques ou idéologiques,que techniques. Très schématiquement, on assisteà deux types de dynamiques apparemment antago-nistes. L’une tire vers la privatisation, avec la dis-cussion autour des brevets et des droits de pro-priété intellectuelle, l’autre vers une gestion detype communautaire (Berkes, 1989 ; Ostrom, 1990)ou du moins de partage collectif des risques, maisaussi des compétences, des avantages et des res-ponsabilités. Derrière ces approches différentes, sepose la question de la « gouvernance ». On assisteaussi à des oppositions entre des revendicationstrès localisées, liées à la biodiversité, mais à objec-tif identitaire, territorial ou politique6 et une vo-lonté de partager les compétences au niveau globalpour une gestion mondiale de la biodiversité(Aubertin, Pinton, 2002).Un des grands enjeux des débats internationaux

et des expériences locales sur la biodiversité estdonc de parvenir à un consensus sur la définitiondes divers éléments de la biodiversité comme ob-jets de droit, et ceci aux différents niveaux locauxcomme au niveau international. La solution passepar la mise au point de dispositifs juridiques, éco-nomiques et institutionnels accompagnant les pro-cessus de conservation et de valorisation7 ; ceux-ciont donc une importance cruciale. Pour l’instant,seules les sciences économiques ont vraiment tra-vaillé sur cette question. Il en résulte que l’on en aune vision fort réductrice. Pour les sciences écono-miques impliquées, en effet, un problème de régu-lation en matière environnementale se ramène à unproblème de droits de propriété. Mais les droits depropriété intellectuelle, présentés par l’article16-5 de la Convention sur la diversité biologiquecomme un des meilleurs outils de protection de labiodiversité (Aubertin, 2002), les droits des com-

5 Les droits sur les ressources incluent la définition dessystèmes locaux de droits d’accès aux ressources, mais aussi lesdroits de propriété sur le vivant. Les droits sur les savoirs fontréférence aux droits de propriété intellectuelle et aux régula-tions relatives à la protection de l’innovation industrielle sur levivant.6 Pour les représentants des peuples indigènes, la conserva-

tion de la biodiversité passe par la reconnaissance des « droitsdes peuples à la terre et aux patrimoines ».7 Rappelons à ce propos que l’article 8 J est arrivé à l’ordre

du jour de la Convention en 1996, en même temps que letroisième de la Convention, à savoir l’accès et le partage desavantages (Access and Benefit Sharing).

427Sciences sociales et biodiversité : des problématiques nouvelles pour un contexte nouveau

munautés et des peuples sur leurs ressources, lesdroits des brevets issus du monde industriel,appartiennent-ils au même univers juridique etsymbolique ? Et puis les questions d’appropriationdes ressources et d’accès aux ressources peuvent-elles être réduites à des questions de droits et derégulation ? Ont-elles la même portée selon qu’onse situe au niveau local8 ou au niveau global9 ?L’importance des enjeux implique une mobilisationnovatrice de disciplines jusqu’à présent peu impli-quées.Au niveau global, le but visé est certes de proté-

ger la biodiversité, mais aussi (et peut-être mêmebien surtout) de la valoriser économiquement, cequi veut dire créer un cadre et fixer les règles del’échange marchand des biens et des services quel’on peut en tirer (Aubertin, 2002). Mais d’entrée,une question se pose : quels sont les « objets » deces droits ? Des espèces ? Des gènes ? Des savoirs ?Ainsi, les progrès de la biotechnologie ont-ils crééune nouvelle catégorie de biens échangeables etmonnayables au niveau international : les gènes.Cependant, après deux décennies de bioprospec-tion dans les zones considérées les plus riches enbiodiversité, on s’aperçoit que la découverte et laconservation des gènes dépend moins de l’explora-tion et de la conservation des écosystèmes que dela constitution de bases de données sur les savoirstraditionnels et de l’accès à ces bases. Par ailleurs,à la liste déjà bien fournie des régimes juridiquescréés pour assurer la protection immatérielle desressources génétiques10, s’en ajoute sans cesse denouveaux11 dont il conviendrait d’analyser la diffu-sion, la mise en œuvre et les effets. Cette multipli-

cité et cette complexité croissante ne témoignent-elles pas de la difficulté à définir les gènes et lessavoirs comme objets de droit ?Ces constats posent à la recherche des questions

qui dépassent de beaucoup l’approche économiqueen termes de droits de propriété. Il s’agit de rien demoins que de se demander si, en fin de compte, labiodiversité peut se ramener à un ensemble debiens susceptibles d’appropriation et échangeablesdans une logique de marché, catégorie usuelle de lascience économique. Les sociétés gèrent-elles di-rectement des espèces, des gènes, des savoirs ? Cesespèces, ces gènes, ces savoirs constituent-ils desobjets sur lesquels on peut apposer des droits ? Danscette logique d’appropriation et de valorisationd’une diversité à la fois biologique et culturelle,que deviennent les populations qui ne revendiquentni savoirs ni ressources particulières ? De plus, ilexiste un grand besoin d’innovations d’ordre juridi-que et institutionnel. La patrimonialisation en-traîne en effet une certaine forme de collectivisa-tion des ressources naturelles et des espaces, elledemande donc la mise au point d’arrangementscollectifs et la définition d’instances gestionnairesadaptées, qui diffèrent sensiblement des outils« traditionnels » de gestion collective des ressour-ces dans un but de production. Toutes ces questionsinterpellent, outre l’économie, le droit, l’anthro-pologie et la sociologie.Au niveau local, la question de l’évolution des

droits et des règles d’accès, des arrangements ins-titutionnels, des modalités de concertation et denégociation est centrale dans la gestion de la bio-diversité. Elle a donné lieu, dans les années 90, ànombreuses recherches théoriques12. Plus récem-ment, les chercheurs ont commencé à travailler surles modes de concertation et de négociation (tra-vaux de l’UR « Green » du CIRAD, de l’équipe« Gestion environnementale » de l’ENGREF, pro-gramme Adaptive co-management du CIFOR13). Enofficialisant la notion de « communauté autochtoneet locale », la conférence de Rio a contribué àmettre en place une série de nouvelles normes, deconcepts opérationnels et d’instruments innovantsqui ont refondé toute une partie des projets degestion des ressources et des espaces naturels, enparticulier autour de la « gestion participative ».Ces dernières années, la « gouvernance » est deve-nue un mot clé de la doctrine du développementdurable. Les politiques nationales des pays du Sud

8 Celui de la définition des modalités d’accès aux espaces ouaux ressources, qui comprend aussi bien les systèmes locauxd’appropriation que les contrats de bioprospection.9 Celui de la régulation générale de l’accès à l’information

relative aux caractéristiques et usages du vivant, qui comprendla protection des savoirs traditionnels, l’accès aux bases dedonnées, et tous les brevets industriels.10 Certification d’obtention végétale UPOV, protection par

brevet et par systèmes sui generis pour les variétés végétalesdans le droit de l’OMC (Art. 27.3 b. des accords ADPIC). Les paysdu Sud ont proposé différents systèmes de protection desconnaissances traditionnelles sur les ressources génétiques,mais les savoirs traditionnels codifiés, divulgués depuis dessiècles, comme la médecine ayurvédique, n’appellent pas lesmêmes protections que les savoirs non codifiés, indissociablesde la maîtrise et de la gestion de la plante in situ.11 Parmi ces nouvelles formes, on peut citer les Indications

géographiques (Bérard et Marchenay, 2000) qui font partie desoutils juridiques de protection préconisés par l’OrganisationMondiale du Commerce dans les Accords sur les Droits de pro-priété intellectuelle et le commerce (ADPIC), au même titre queles brevets et le droit sur les obtentions végétales (UPOV) et sontassez répandues dans certains pays industriels. On peut s’atten-dre à ce que, dans les prochaines années, ce système d’Indica-

12 Voir les travaux présentés aux diverses réunions bisannuel-les de l’IASCP : International Association for the Study of Com-mon Property Resources. Voir aussi Ostrom, 1990, Weber 1995.13 Center for International Forest Research, centre dépen-

dant du CGIAR cité ci-dessus.

428 G. Michon

ont peu à peu intégré ce souci du local en donnantdavantage de droits aux communautés et plus delégitimité à leurs savoirs. Dès le milieu des années90, les gouvernements ont collaboré avec lesbailleurs de fonds pour la mise en œuvre de cesréformes politiques par le biais de projets visant àrenforcer le rôle des communautés dans l’aména-gement des milieux forestiers. Enfin, les nombreuxessais de décentralisation, mais aussi l’impuissancedes pouvoirs publics, ont accentué ce besoin deretour vers le niveau local. La mise en avant de lapatrimonialisation a, elle aussi, entraîné une cer-taine forme de collectivisation des ressources natu-relles et des espaces concernés, qui a localementconforté ou revalorisé les systèmes d’accès com-munautaires. Ainsi, même si l’on assiste à unepluralité d’arrangements institutionnels, la plupartdes projets intègrent à l’heure actuelle une démar-che collective et cherchent à s’appuyer sur desorganisations localement légitimées par le projet.La référence au local est aujourd’hui devenue unenécessité politique qui permet à la fois d’acquérirune visibilité et de garantir un accès à des subsides.Il s’agit donc, pour la recherche, d’analyser les

effets sur le terrain de cette mise en avant del’échelon local et, en particulier, d’observer lesnouvelles pratiques ou les nouveaux rapports so-ciaux qui en résultent. L’étude des relations entreles principes de gestion participative, leur mise enœuvre, et la gestion locale réelle constitue en effetun enjeu de recherche essentiel pour ces prochai-nes années (Michon, 2002). La validité des principesmis en avant par le discours international ne peutapparaître que par une confrontation stricte entreles bénéfices annoncés et les résultats obtenus. Cesbénéfices concernent à la fois l’environnement14 etla société15. Il convient toutefois de rappeler quel’on dispose de peu de recul pour évaluer ces nou-veaux processus. L’analyse critique des normes quisous-tendent les projets, les stratégies ou les ins-truments qu’ils mettent en œuvre, commence àpeine à être entreprise. Les études sur les effetsréels de ces réformes, que ce soit au niveau de lagestion durable, de la conservation ou de l’amélio-ration du rôle des communautés locales, restentpeu nombreuses (Wollenberg et al., 2001, surl’Inde, la Chine et les Philippines ; Sellato, 1999 surl’Indonésie ; Brown, 1999 pour l’Afrique centrale)et leurs conclusions sont très variables. Il est pour-

tant essentiel, pour saisir les véritables enjeux decette réorganisation, d’appréhender cette variabi-lité et de l’analyser en termes généralisables. Il esttout aussi essentiel de rendre compte de l’impactde ces formes d’organisation locale non seulementsur la durabilité sociale et environnementale de lagestion, mais aussi sur des questions de portée plusgénérale (la question foncière, l’intégration natio-nale des populations « locales » ou « indigènes »),avec, en filigrane, une analyse fine des alliances oudes conflits qui en ont résulté et des stratégiesparallèles qu’elles ont suscitées pour satisfaire desobjectifs n’ayant pas grand chose à voir avec labiodiversité. On notera que l’on retrouve ici lesquestions que pose la correspondance présuméeentre savoirs indigènes, participation locale et du-rabilité dont on a vu qu’elle n’a jamais été validéede façon scientifique. Le fait de l’avoir mise enavant n’en a pas moins modifié les pratiques à tousles niveaux, du plus global au plus local et chez tousles groupes d’intérêt (dirigeants, administrateurs,ONG, aménageurs, exploitants, locaux). Il convientdonc d’analyser les conséquences locales concrètesde l’appropriation de cette idée.

Entre global et local

Des lignes qui précèdent, il découle qu’il ne suffitplus maintenant d’apporter des connaissances quipermettent de « mieux réguler les pressions anth-ropiques subies par les écosystèmes » afin de « par-venir à des modes de gestion viables et à moindrecoût » (IFB, 2002). Le contexte international ayantprofondément changé, il faut aussi s’interrogerplus largement sur les capacités des groupes hu-mains à prendre en charge la question de la biodi-versité dans le contexte nouveau, sur les conditionsde mise en place et les modalités d’organisationscollectives le permettant, et sur les conséquencesde ces formes d’organisation pour l’avenir des rela-tions sociétés/environnement et pour la gestion dela planète. Cette position du problème englobe lesrelations entre systèmes sociaux et systèmes écolo-giques, mais elle ne s’y restreint pas. Comment lessociétés humaines, armées des outils qu’elles sesont donnés durant ces dix dernières années,traitent-elles actuellement la biodiversité ? Quellesnouvelles relations entre les hommes émerge-t-ilde cette évolution ? Voici les grandes questions quidevraient structurer l’approche des sciences socia-les dans le champ de la biodiversité pour les annéesà venir.Ce déplacement de la finalité des recherches

implique non seulement de réorienter les thémati-ques, mais aussi de modifier le choix des échelles

14 Une gestion plus durable, c’est-à-dire des ressources pé-rennisées, des niveaux de biodiversité conservés et des taux dedéforestation réduits.15 Un réel renforcement, aussi bien au niveau des droits que

de la participation aux négociations et à la gestion de l’environ-nement ou à la répartition des bénéfices.

429Sciences sociales et biodiversité : des problématiques nouvelles pour un contexte nouveau

d’observation. Les recherches visant à comprendreles interactions entre changements des usages etmodalités d’accès aux ressources et dynamique dela biodiversité, impliquent une localisation précisede l’échelle d’observation et d’analyse. L’objet derecherche se situe soit au niveau local, soit à uneéchelle nationale ou régionale, soit au niveau inter-national. Or, ce qui frappe lorsque l’on se donneune vue d’ensemble de la façon dont se poseaujourd’hui la question de la biodiversité, c’estl’importance croissante du niveau mondial, y com-pris pour ce qui se passe au niveau local. D’où lanécessité de mettre ces deux niveaux en regard. Etceci, d’autant plus, qu’on observe une apparentecontradiction entre le discours international ou lesdynamiques globales, et les dynamiques observéesà ce niveau local. C’est ainsi, par exemple, que l’onparie sur le marché et les règles universelles del’OMC (et donc sur le libéralisme économique) pourassurer la conservation génétique au niveau mon-dial, tandis que l’on procède par décrets (donc parintervention de l’État) et par projets localisés fon-dés sur des régulations collectives, voire commu-nautaires, pour les écosystèmes. De même, alorsque les peuples autochtones sont de plus en plus envoie d’absorption sous l’influence de l’impéria-lisme marchand et culturel de l’Occident, voilà quel’on vante les mérites de leurs particularismes so-cioculturels du point de vue de la conservation de labiodiversité, et que leur statut est un symbole derésistance à la mondialisation. On abandonne lanotion de patrimoine mondial de l’humanité, maison pousse à la patrimonialisation des ressources etdes savoirs au niveau local. De ce fait, des savoirslocaux se trouvent promus comme outils pour lagestion d’un bien public global. Dernier exempleparmi d’autres, dans le même temps où la réfé-rence à la biodiversité perd pied dans les relationsinternationales, on assiste à la multiplication desprojets de conservation sur le terrain.S’agit-il là d’une incohérence apparente, d’un

décalage dans le temps entre le discours dominantet sa diffusion vers la périphérie du monde, ou dedeux types de dynamique disjointes ? Quelle rela-tion y a-t-il entre l’émergence de mots d’ordremondiaux et l’évolution des pratiques locales ? Cesquestions méritent un vrai débat scientifique etcelui-ci passe par une confrontation dialectiqueentre le niveau global et le niveau local. Cetteconfrontation devrait donc être au cœur de touterecherche, à quelque niveau qu’elle se situe et quelqu’en soit le thème et l’objet (tels que l’appréhen-sion des savoirs par l’ethnoscience, de la patrimo-nialisation par l’anthropologie, des modalités d’ac-cès par les économistes, etc.). Il s’agit, d’un côté,de procéder à l’analyse critique du discours inter-

national sur le sujet et, par là, de s’interroger surson bien fondé. Ceci suppose de mettre en évidenceles processus à travers lesquels, et les raisons pourlesquelles, des concepts scientifiquement ambiguset encore peu opérationnels — principe de précau-tion, gouvernance, coordination ou concertationentre acteurs, patrimonialisation, etc. — y devien-nent des mots d’ordre à la mode. L’analyse, localepour le coup, des mécanisme sociaux et des consé-quences tangibles de leur diffusion, mais aussi deleur appropriation sélective, dans le cadre de leursstratégies, par les « communautés autochtones etlocales », éclaire sur les rapports entre ce discourset son application, mais est également un moyencomplémentaire de l’analyser lui-même en leconfrontant aux résultats de celle-ci. Il ne s’agitpas de se lancer systématiquement dans des com-paraisons global-local, mais de comprendre le jeudes emboîtements d’échelles qui explique les situa-tions actuelles. Nous proposons donc de resituer lesobjets des recherches en sciences sociales ayanttrait à la biodiversité — et tout particulièrementceux qui se rapportent aux relations entre systèmessociaux et systèmes écologiques — dans une analysede l’interdépendance des niveaux de relations en-tre les groupes humains (relations international /régional par exemple) en matière d’environne-ment.

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