2
320 lu pour vous être portée aux perfusions intraveineuses car l’on se rend compte qu’un apport libéral qui, en première approximation peut paraître sans conséquence, participe en fait à la morbidité postopératoire. Enfin, en ambulatoire, cette complication comme la douleur ou les nausées et vomissements peut retarder la sortie et « gripper » ainsi le système de prise en charge du patient. Francis Bonnet Hôpital Tenon, Paris. Références 1. Nordin P, Zetterstrom H, Gunnarsson U, Nilsson E. Local, regional or general anesthesia in groin hernia repair: multicentre randomised trial. Lancet 2003;362:853-8. Prévention des nausées et vomissements après cholécystectomie Randomized clinical trial of the effect of preoperative dexamethasone on nausea and vomiting after laparoscopic cholecystectomy. Feo CV, Sortini D, Ragazzi R, De Palma M, Liboni A. Brit J Surg 2006;93:295-9. Près de la moitié des patients opérés de la vésicule ont en postopé- ratoire des nausées et des vomissements. Ils cumulent en effet plu- sieurs facteurs de risque tels que le sexe féminin, l’absence de taba- gisme, l’administration d’opiacés et éventuellement une anesthésie par halogénés, sans compter le rôle spécifique de la chirurgie. Il faut donc entreprendre une stratégie de prévention de ces NVPO. Les auteurs de cet essai clinique ont évalué de façon prospective et ran- domisée, contre placebo, l’intérêt de la dexaméthasone dans cet objectif, en sachant qu’elle s’était avérée efficace en chirurgie géné- rale. 107 patients ont été inclus dans l’étude et répartis au hasard selon qu’ils recevaient après l’induction anesthésique un placebo ou 8 mg de dexaméthasone. L’entretien de l’anesthésie se faisait avec du sévoflurane et du fentanyl. L’incidence des nausées et des vomis- sements a été de 8 % dans le groupe dexaméthasone et de 27 % dans le groupe placebo pour chacun des symptômes et de 14 % et 46 % respectivement pour les deux symptômes cumulés. L’ondansé- tron a été administré chez 10 % des patients du groupe dexamétha- sone contre 44 % des patients du groupe placebo. Cette étude confirme donc, dans un contexte spécifique, l’efficacité de la dexa- méthasone. Compte tenu de son délai d’action (de l’ordre de 1 à 2 heures), elle doit être administrée dès l’induction anesthésique. Son mécanisme d’action reste toutefois imparfaitement connu. Une méta-analyse récente a objectivé l’absence de risque septique lié à cette administration (1). Si l’on ajoute le coût extrêmement modi- que de la dexaméthasone, son utilisation en préventif semble justi- fiée lorsque l’incidence prévisible des NVPO dépasse 25 %. Francis Bonnet Hôpital Tenon, Paris. Références 1. Henzi I, Walker B, Tramer M. Dexamethasone for the prevention of posto- perative nausea and vomiting: a quantitative systematic review. Anesth Analg 2000;90:186-94. SDRA : on recrute toujours ! Lung recruitement in patients with the acute respiratory distress syndrome. Gattinoni L, Caironi P, Cressoni M, Chiumello D, Ranieri M, Quintel M, Russo S, Patroniti N, Cornejo R, Bugedo G. N Engl J Med 2006;354:1775-86. L’idée de recruter ou « d’ouvrir » les alvéoles collabées du fait des lésions parenchymateuses qui caractérisent les syndromes de détresse respiratoire a maintenant une vingtaine d’années. Les groupes de Luciano Gattinoni en Italie et de Goran Hedenstierna en Suède ont largement contribué à populariser ce concept. Le groupe italien présente ici un travail (20 ans après !) qui évalue par scan- ner thoracique l’impact de l’augmentation du niveau de PEP sur le recrutement alvéolaire, en fonction de l’état du parenchyme pulmo- naire. La proportion de poumon potentiellement recrutable a été définie en comparant des coupes obtenues lors du plateau d’inspira- tion à 45 cmH 2 O et en fin d’expiration, avec un niveau de PEP de 5 cmH 2 O, en analysant au scanner la densité parenchymateuse. Un niveau de PEP à 15 cmH 2 O a également été appliqué. Les 49 patients souffrant de SDRA inclus dans l’étude ont été comparés à un groupe de 19 patients analysés rétrospectivement et qui souf- fraient de pathologie pulmonaire mais non de SDRA. Comme on pouvait s’y attendre, la proportion de poumon pouvant être recruté variait considérablement d’un patient à l’autre, de 0 à plus de 45 % (moyenne 13 +/– 11 % = 217 +/– 232 g de poumon recrutable). Les patients ont ensuite été répartis en deux groupes selon le pour- centage de poumon recrutable (plus ou moins de 9 %). Les patients chez qui la possibilité de recrutement était la plus importante avaient une valeur de PaO 2 : FIO 2 plus basse, une valeur de PaCO 2 plus élevée, un shunt pulmonaire et un espace mort plus importants et une compliance respiratoire plus faible. Le poids du poumon était plus élevé et la proportion de zones non aérées plus importante dans le groupe qui bénéficiait le plus de l’effet de la PEP. Dans le groupe

SDRA: on recrute toujours !

  • Upload
    francis

  • View
    217

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: SDRA: on recrute toujours !

320

lu pour vous

être portée aux perfusions intraveineuses car l’on se rend comptequ’un apport libéral qui, en première approximation peut paraîtresans conséquence, participe en fait à la morbidité postopératoire.Enfin, en ambulatoire, cette complication comme la douleur ou lesnausées et vomissements peut retarder la sortie et « gripper » ainsile système de prise en charge du patient.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.

Références

1. Nordin P, Zetterstrom H, Gunnarsson U, Nilsson E. Local, regional or general anesthesia in groin hernia repair: multicentre randomised trial. Lancet 2003;362:853-8.

Prévention des nausées et vomissements après cholécystectomie

Randomized clinical trial of the effect of preoperative dexamethasone on nausea and vomiting after laparoscopic cholecystectomy.

Feo CV, Sortini D, Ragazzi R, De Palma M, Liboni A. Brit J Surg 2006;93:295-9.

Près de la moitié des patients opérés de la vésicule ont en postopé-ratoire des nausées et des vomissements. Ils cumulent en effet plu-sieurs facteurs de risque tels que le sexe féminin, l’absence de taba-gisme, l’administration d’opiacés et éventuellement une anesthésiepar halogénés, sans compter le rôle spécifique de la chirurgie. Il fautdonc entreprendre une stratégie de prévention de ces NVPO. Lesauteurs de cet essai clinique ont évalué de façon prospective et ran-domisée, contre placebo, l’intérêt de la dexaméthasone dans cetobjectif, en sachant qu’elle s’était avérée efficace en chirurgie géné-rale. 107 patients ont été inclus dans l’étude et répartis au hasardselon qu’ils recevaient après l’induction anesthésique un placebo ou8 mg de dexaméthasone. L’entretien de l’anesthésie se faisait avecdu sévoflurane et du fentanyl. L’incidence des nausées et des vomis-sements a été de 8 % dans le groupe dexaméthasone et de 27 %dans le groupe placebo pour chacun des symptômes et de 14 % et46 % respectivement pour les deux symptômes cumulés. L’ondansé-tron a été administré chez 10 % des patients du groupe dexamétha-sone contre 44 % des patients du groupe placebo. Cette étudeconfirme donc, dans un contexte spécifique, l’efficacité de la dexa-méthasone. Compte tenu de son délai d’action (de l’ordre de 1 à2 heures), elle doit être administrée dès l’induction anesthésique.Son mécanisme d’action reste toutefois imparfaitement connu. Uneméta-analyse récente a objectivé l’absence de risque septique lié à

cette administration (1). Si l’on ajoute le coût extrêmement modi-que de la dexaméthasone, son utilisation en préventif semble justi-fiée lorsque l’incidence prévisible des NVPO dépasse 25 %.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.

Références

1. Henzi I, Walker B, Tramer M. Dexamethasone for the prevention of posto-perative nausea and vomiting: a quantitative systematic review. Anesth Analg 2000;90:186-94.

SDRA : on recrute toujours !

Lung recruitement in patients with the acute respiratory distress syndrome.

Gattinoni L, Caironi P, Cressoni M, Chiumello D, Ranieri M, Quintel M, Russo S, Patroniti N, Cornejo R, Bugedo G. N Engl J Med 2006;354:1775-86.

L’idée de recruter ou « d’ouvrir » les alvéoles collabées du fait deslésions parenchymateuses qui caractérisent les syndromes dedétresse respiratoire a maintenant une vingtaine d’années. Lesgroupes de Luciano Gattinoni en Italie et de Goran Hedenstierna enSuède ont largement contribué à populariser ce concept. Le groupeitalien présente ici un travail (20 ans après !) qui évalue par scan-ner thoracique l’impact de l’augmentation du niveau de PEP sur lerecrutement alvéolaire, en fonction de l’état du parenchyme pulmo-naire. La proportion de poumon potentiellement recrutable a étédéfinie en comparant des coupes obtenues lors du plateau d’inspira-tion à 45 cmH

2

O et en fin d’expiration, avec un niveau de PEP de5 cmH

2

O, en analysant au scanner la densité parenchymateuse. Unniveau de PEP à 15 cmH

2

O a également été appliqué. Les49 patients souffrant de SDRA inclus dans l’étude ont été comparésà un groupe de 19 patients analysés rétrospectivement et qui souf-fraient de pathologie pulmonaire mais non de SDRA. Comme onpouvait s’y attendre, la proportion de poumon pouvant être recrutévariait considérablement d’un patient à l’autre, de 0 à plus de 45 %(moyenne 13 +/– 11 % = 217 +/– 232 g de poumon recrutable).Les patients ont ensuite été répartis en deux groupes selon le pour-centage de poumon recrutable (plus ou moins de 9 %). Les patientschez qui la possibilité de recrutement était la plus importanteavaient une valeur de PaO

2

 : F

I

O

2

plus basse, une valeur de PaCO

2

plus élevée, un shunt pulmonaire et un espace mort plus importantset une compliance respiratoire plus faible. Le poids du poumon étaitplus élevé et la proportion de zones non aérées plus importante dansle groupe qui bénéficiait le plus de l’effet de la PEP. Dans le groupe

Page 2: SDRA: on recrute toujours !

321

lu pour vous

à forte potentialité de recrutement, on a retrouvé un plus grandnombre de pneumopathies, tandis que dans le groupe à faiblepotentialité de recrutement il y avait plus de SDRA sur sepsis. Fina-lement, la mortalité a été la plus élevée dans le groupe qui avait lerecrutement le plus important. La prédictibilité du recrutement étaiten revanche médiocre. Les meilleurs résultats ont été obtenusquand on associait au moins deux des facteurs suivants : une PaO

2

 :F

I

O

2

< 150 mmHg à PEP 5 cmH

2

O, une diminution de l’espace mortet une augmentation de la compliance quand la PEP augmentait de5 à 15 cmH

2

O (Se 0,79 ; Spe 0,81).Cette étude montre que l’évaluation de l’altération de la fonctionrespiratoire peut laisser présager de l’efficacité de la PEP, ensachant que les atteintes les plus sévères sont les plus accessiblesà ce traitement. Elle confirme d’une part que cette appréciation nepeut se fonder sur des éléments cliniques tels que les critères degravité (SAPS), d’autre part que le recrutement améliore leséchanges gazeux mais ne traite pas la maladie pulmonaire, puis-que la mortalité ne semble pas modifiée par l’application de la PEP.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.

Corticoïdes et SDRA : bénéfiques ou maléfiques ?

Efficacy and safety of coticosteroids for persistent acute respiratory distress syndrome.

The National Heart, Lung, and Blood Institute Acute Respiratory Distress Syndrome ‘ARDS) Clinical Trial Nework.. N Engl J Med 2006;354:1671-84.

Un syndrome inflammatoire et une prolifération fibreuse sont lescaractéristiques du SDRA persistent qui se traduit cliniquementpar l’impossibilité de sevrer les patients de la ventilation assistée.Les modifications histopathogéniques observées sont susceptiblesde répondre aux corticoïdes mais les essais cliniques effectuésjusqu’à présent avec de fortes doses de corticoïdes administrées àla phase aiguë du SDRA se sont avérés négatifs. Toutefois, on a faitétat de l’efficacité clinique des corticoïdes dans le cas où leprocessus du SDRA persistait au-delà d’une semaine. Cependant,ce traitement comporte un risque potentiel de majoration descomplications septiques et d’aggravation des neuromyopathiesobservées chez les patients de réanimation. Cet essai multicen-trique (25 centres) de grande taille, portant sur 180 patients, adonc eu pour objectif de préciser l’efficacité et les complicationsd’un traitement corticoïde dans ce contexte. L’inclusion dansl’étude se faisait entre le 7

e

et le 28

e

 jour d’évolution du SDRA(défini comme un rapport PaO

: F

I

O2 < 200, la persistance d’une

ventilation assistée et d’infiltrat bilatéraux). Les patients ont reçusoit du placebo soit de la méthylprednisolone à la dose initiale de2 mg/kg suivie de 0,5 mg/kg toutes les 6 heures pendant14 jours ou 0,5 mg/kg toutes les 12 heures pendant 7 jours.

Sur 180 patients inclus, 91 ont reçu du placebo et 89 de la méthyl-prednisolone ; 41 sont décédés alors qu’ils étaient encore en venti-lation assistée (24 dans le groupe placebo et 17 dans le groupe cor-ticoïde) ; 137 ont été sevrés de la ventilation (65 dans le groupeplacebo et 72 dans le groupe corticoïde) et, parmi ceux-ci, 5 sontdécédés (2 dans le groupe placebo et 3 dans le groupe corticoïde) ;26 ont dû être reventilés (6 dans le groupe placebo et 20 dans legroupe corticoïde) et 7 sont décédés à cette occasion (2 dans legroupe placebo et 5 dans le groupe corticoïde) ; 6 étaient encorehospitalisés après 180 jours et 100 sont retournés à domicile (55dans le groupe placebo et 45 dans le groupe corticoïde). Au total, lamortalité à 60 jours était de 28,6 % dans le groupe placebo et de29,2 % dans le groupe corticoïde et la mortalité à 180 jours respec-tivement de 31,9 et 31,5 % dans les groupes placebo et corticoïde,soit des chiffres statistiquement comparables. Cependant, parmi lespatients ayant reçu de la méthylprednidsolone plus de 14 joursaprès le début du SDRA, la mortalité à 60 jours était plus élevée(respectivement 8 et 35 %). À l’inverse, la méthylprednisolone adiminué la mortalité quand il existait un taux élevé de procollagènepeptide de type III dans le lavage broncho-alvéolaire (4 % contre19 % chez les patients de ce groupe traités par placebo). La méthyl-prednisolone a augmenté le nombre de jours de sevrage de la venti-lation (amélioration de la compliance et des échanges gazeux) et lenombre de jours sans état de choc (diminution de la durée destraitements par vasopresseur). Enfin, si l’incidence des complica-tions septiques n’a pas augmenté, tel n’a pas été le cas de celle descomplications neuromusculaires.

Si les résultats globaux sont décevants, les auteurs avancent plu-sieurs hypothèses : l’absence de bénéfice en terme de mortalitéest probablement liée à la nécessité de reventiler un plus grandnombre de patient dans le groupe corticoïde ; ceci s’expliqueraitsoit par un rebond de prolifération fibreuse à l’arrêt du traitement,soit par l’aggravation ou l’apparition d’une neuromyopathie, soitpar un état de choc faisant suite au sevrage en corticoïde. Si lescorticoïdes sont administrés après une évolution trop prolongéedu SDRA, ils ne semblent pas avoir d’effet sur l’évolution et peu-vent aggraver la mortalité : le moment opportun pour débuter letraitement reste donc à déterminer. Finalement, c’est le profil despatients susceptibles de bénéficier de ce traitement (et ceux chezqui il peut s’avérer néfaste) qui reste à déterminer, et il sembleétabli qu’il ne faut pas traiter systématiquement tous les patients.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.