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AkhenatonLe dieu maudit

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Gilbert Sinoué

AkhenatonLe dieu maudit

Flammarion

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AVANT-PROPOS

Se lancer dans une biographie d’Akhenaton relève d’unpari quelque peu inconscient, car à peine commence-t-onà se plonger dans la forêt d’ouvrages spécialisés consacrésau sujet que l’on se retrouve vite confronté à une évi-dence : nous savons peu de chose, et ce peu est lui-mêmesource de perpétuels débats et d’empoignades. Qu’ils’agisse du pharaon lui-même, des hommes et des femmesqui l’entourèrent, la plupart des protagonistes qui évoluè-rent dans la cité solaire sont une énigme, et – à quelquesexceptions près – leurs arbres généalogiques sont impos-sibles à dresser. Si, malgré ces importantes lacunes, lapériode dite amarnienne ne cesse d’exciter l’imaginaire,c’est sans doute parce qu’elle correspond à la première ten-tative de monothéisme ou d’« hénothéisme », ce quirevient au même, de l’histoire humaine.

Tout est mystère dans cette affaire. Qui était Néfer-titi ? Une princesse mitannienne ? Une Égyptienne puresouche ? Quelle fut la cause de la rupture – si tant estqu’il y eut rupture – entre elle et son divin époux dansles dernières années du règne ? Dans quelles circons-tances celle dont le nom signifie « La Belle est venue »est-elle morte ? Où se trouve sa sépulture ?

Pour ce qui est d’Akhenaton, les choses sont encoreplus complexes. Était-il victime d’un désordre du système

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endocrinien, qui lui aurait conféré cette apparenceandrogyne, voire féminine ? A-t-il été assassiné ou est-ilmort de mort naturelle ? Où est-il enterré ? Était-il unsimple illuminé ? Un visionnaire ? L’idée de vénérer undieu, un seul, au détriment des autres a-t-elle germé enlui, est-elle née avant lui ou lui a-t-elle été inspirée parquelqu’un de son entourage ?

Quelle dépouille reposait dans la mystérieuse tombebaptisée KV55, mise au jour en 1907 par TheodoreDavis, avocat américain amateur d’égyptologie ?

Enfin, qui pourra répondre de manière décisive à lafameuse interrogation qui n’a de cesse d’opposer lesexperts : y a-t-il eu corégence ou non ? Dans l’affirmative,alors Akhenaton a-t-il régné avec son père Amenhotep III 1

pendant une longue période ou pendant deux ou troisans ? Dans l’état actuel de nos connaissances, il serait bienrisqué de prendre position sur le sujet, d’autant qu’à cejour aucun document n’indique clairement que telle annéedu gouvernement du père correspond à telle année de celuidu fils. Nombre d’historiens sont convaincus qu’Akhe-naton a succédé à son père seulement à la mort de celui-ciet qu’il a régné seul durant les dix-sept ans qu’on luiattribue. Comme le souligne Cyril Aldred : « Cette hypo-thèse permet d’éviter certains problèmes épineux, commel’existence de deux cours gouvernant simultanément pen-dant onze ou douze ans (c’est la durée optimale retenuepour une corégence). Elle permet également d’écarter lesdifficultés posées par le recouvrement des pouvoirs, la divi-sion des responsabilités et d’autres sujets de perplexité quisemblent inextricables selon notre manière moderne depenser, comme l’existence de deux cultes rivaux quidevaientprobablementêtreanathèmes l’unpour l’autre 2. »Pourtant, certains indices incitent à penser que les

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premières années du règne du fils furent bien contempo-raines des dernières années d’Amenhotep III.

On le voit, le débat est loin d’être clos. Les questionsrestent posées, et l’essentiel demeure à ce jour enfouidans les sables égyptiens.

Les dates qui concernent la fin de la XVIIIe dynastien’étant pas établies avec certitude et de nombreuses dis-cussions opposant encore les scientifiques à propos decette période, j’ai préféré – à l’instar de nombreux égyp-tologues – adopter pour références les années de règneplutôt que les dates calendaires. En effet, à partir duNouvel Empire, un nouveau système fut introduit parles scribes de la XVIIIe dynastie qui fixèrent comme pointde départ de la datation la première année de règne d’unsouverain pour repartir de zéro à chaque nouvel avène-ment. Bien que plusieurs listes royales nous soientparvenues, il s’est avéré impossible de les faire coïnciderparfaitement selon le système de datation moderne. Lesdates du règne d’Akhenaton demeurent donc incertaines.

En conclusion, face à tant d’inconnu, un choix s’impo-sait. Ainsi que l’écrit Marc Gabolde, maître de conférencesenégyptologieà l’universitéPaul-ValérydeMontpellier-IIIet auteur d’un brillant essai sur Akhenaton 3, à propos desthéories qu’il énonce dans son ouvrage : « Pour échafauderle modèle historique [présenté ci-dessus], le recours auxdéductions a été fréquent et l’intuition a souvent été solli-citée. » C’est la voie que j’ai choisi d’emprunter.

L’usage d’expressions contemporaines, voire anachro-niques, n’est pas fortuit. De même, j’ai sciemment optépour l’appellation « moderne » de certaines villes plutôtque d’employer le nom – parfois incertain – qui était le

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Akhenaton

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leur à l’époque. Appeler Thèbes 4 « Ouaset », ou Mem-phis « Men Nefer » n’aurait fait, me semble-t-il, quesemer la confusion dans l’esprit du lecteur.

Écrire une biographie – dans l’acception stricte duterme – de celui que l’on a baptisé l’« hérétique » serévélant impossible, l’instillation d’un ingrédient roma-nesque m’est apparu indispensable. J’en demande pardonaux puristes. Les livres didactiques rédigés par les égyp-tologues les plus éminents foisonnent ; un de plus nem’a pas semblé nécessaire. De même, aborder la vied’Akhenaton de façon purement romanesque eût été unetrahison, non seulement à l’égard de la communautéscientifique, mais aussi des lecteurs. Le seul travail quej’ai tenté d’accomplir a consisté à trouver la juste mesureafin que l’apport d’imaginaire ne fût pas « un mensongevrai ou une vérité mensongère ».

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L’Égypte et le Proche-Orientà l’époque d’Amenhotep IV-Akhenaton

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Chronologie des pharaons du Nouvel EmpireSelon Donald B. Redford 5

Nom Prénom Date (av. J.-C.)

Ahmosis Ier Nebpehtyrê 1569-1545

Amenhotep Ier ouAmenophis

Djeserkarê 1545-1514

Thoutmosis Ier Aakheperenrê 1525-1514

Thoutmosis II Aakheperenrê 1514-1504

Thoutmosis III Menkheperrê 1504-1451

Hatshepsout Maâtkarê 1502-1483

Amenhotep II Aakheperourê 1453-1426

Thoutmosis IV Menkheperourê 1426-1416

Amenhotep III Nebmaâtrê 1416-1377

Amenhotep IV ouAkhénaton

Néferkheperourê 1377-1360

Semenekhkârê Ankhkheperourê 1360

Toutankhamon Nebkheperourê 1360-1350

Ay Kheperkheperourê 1350-1347

Horemheb Djeserkheperourê 1347-1318

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Thèbes, an I deHoremheb, 3e moisd’Epiphi, jour 10 6

Anoukis à Keper

Que le jour te soit propice, ami. J’ai bien reçu ta mis-sive en réponse à la mienne et t’en remercie. Oui. Tu asbien lu. Je travaille à l’écriture d’un opuscule sur « Celuiqui fut bénéfique à Aton 7 ». Pourquoi t’en étonnes-tu ?Étant l’un des rares survivants à l’avoir côtoyé, je medevais d’accomplir cette tâche. On a tellement menti surlui, on a tellement conspué son souvenir, qu’il m’estapparu indispensable d’offrir aux générations à venir uneautre vision que celle que l’on s’efforce de répandre àtravers le Double Pays. Tu me demandes pourquoi main-tenant : alors que treize ans se sont écoulés depuis samort ? À mon tour d’être surpris par ton interrogation.Lorsque Semenekhkârê lui a succédé, puis le « divinpère » Ay, j’ai longtemps cru que les idées défendues parAkhenaton survivraient à la fuite du temps. Je savais lesoppositions qu’elles avaient déclenchées au sein du clergéd’Amon, comme je savais la haine qui couvait, maisj’espérais – naïvement, je l’admets – que, chaque annéepassant, les rancœurs s’estomperaient et que l’amour dudieu unique pénétrerait définitivement le cœur deshommes. Je pensais aussi que jamais les successeurs denotre seigneur aimé n’oseraient remettre en question

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l’héritage. Je me suis doublement trompé. La trahisonest venue plus tôt que prévu, de tous côtés et surtout deson propre frère : Toutankhaton.

C’est au moment où Toutankhaton a blasphémé enoptant pour le nom de Toutankhamon que j’aurais dûavoir le courage de me manifester. Je reconnais que jene l’ai pas eu. Non que j’aie craint pour ma vie ; ma vieest au crépuscule, et je n’y ai jamais vraiment attachégrande importance. J’ai craint pour Ankheri, ma femme,et pour Ptahor, mon fils. Aujourd’hui je ne peux plusme taire. Le bâillon m’étouffe.

Keper, mon ami, tu es l’un des rares, sinon le seul, àavoir pressenti quelles étaient la gravité, l’intensité desliens qui m’unissaient au pharaon défunt. Tu saiscombien je l’aimais ! J’aimais sa démarche lente et sasilhouette trouble, ses épaules étroites, sa poitrine sail-lante, ses hanches de femme et ses cuisses charnues.J’aimais boire à ses lèvres épaisses, et je trouvais mêmede la noblesse à son visage émacié. J’aimais tout de lui,puisqu’il fut mon maître. J’aimais tout de nous, puisqu’ilfut mon amant. Depuis qu’il est parti rejoindre le belOccident, l’astre solaire a perdu de son éclat, et je suistriste. Triste et sec, comme les champs que le limondéserte à l’heure des saisons d’akhet, lorsque l’inondationtant espérée n’est pas au rendez-vous.

En cet instant précis, alors que mon pinceau noircitle papyrus, les coups de marteau blasphématoires réson-nent dans Karnak. On détruit les cartouches, on renverseles statues. Les suppôts de ce scélérat de Horemheb ontordre d’effacer toute trace de l’aimé. Demain, les pierresdu temple sacré seront démontées, les fresques souillées.Bientôt, il ne subsistera rien des dix-sept ans de règne

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d’Akhenaton, et, hormis le vent qui tourne sur les dunes,plus personne ne soufflera son nom.

Il est bien connu que c’est le dieu Thot qui, aprèsavoir créé l’écriture, en a fait don aux hommes. Aujour-d’hui, ce sont les hommes qui assassinent l’écriture.Dis-moi pourquoi ce déferlement de haine ? Qu’a faitmon seigneur pour mériter si terrible châtiment, pourque treize ans après sa mort le ressentiment à sonencontre soit si vivace ? Oh, je ne suis pas dupe ! C’estmon cœur qui pose la question, mais toi et moi savonsla réponse.

Avant d’entamer l’écriture de cet opuscule, je souhaitepartager avec toi les impressions que tu as conservées deces dix-sept années de règne. Il se pourrait qu’ici et làma mémoire me trahisse. Dans ce cas, n’hésite pas, je teprie, à rectifier mes erreurs, ou à pallier mes manques.Par ailleurs, ne sois pas surpris si je me laisse aller àjustifier ou à expliquer le sens de certains termes qui sontaujourd’hui à nos yeux des évidences. Le destin estcurieux qui nous mène où bon lui semble. Aussi, il sepourrait que notre correspondance tombe un jour sousles yeux d’un lecteur qui aura oublié, ou qui n’aura riensu de nos traditions et de nos rites. Je ne parle pas dedemain, mais de beaucoup plus tard. Lorsque l’empireaura fondu au soleil, comme fondent tous les empires.Quand les pharaons ne régneront plus que sur des fres-ques. Car tu n’ignores pas, toi qui fus scribe royal, quela force est fragile, que les puissants disparaissent pourcéder la place à de plus puissants qu’eux. Que seuldemeure le fleuve-dieu. Le Nil.

Je soumettrai ensuite mon opuscule à ton jugement,sachant par avance ton impartialité, et surtout tes

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croyances, ou devrais-je dire ton absence de croyances.Ne t’ai-je pas souvent traité d’impie et d’iconoclaste ?

À présent, écoute. Voici l’histoire du dieu maudit.Akhenaton est né au cours de la vingt-deuxième annéedu règne de son père, Amenhotep III 8.

Sa mère portait le nom de Tiyi. Elle était originairede Basse-Nubie et, bien que n’étant pas de sang royal,elle appartenait à une famille de haut rang qui se situaitdans la lignée de la grande Ahmès-Néfertari, cette reinedivinisée qui fut l’épouse du pharaon Ahmosis Ier, celui-làmême qui remporta la victoire contre les envahisseurshyksos 9. Cette descendance fut souvent rappelée dans lestitres qui qualifiaient la reine : « L’héritière, la très favo-risée, la maîtresse de tous les pays, la dame de la joie,qui emplit le palais d’amour, la dame du Double Pays,souveraine de Haute et de Basse-Égypte ».

De toute façon, quelle est l’importance de l’ascen-dance des reines ? Roturières ou non, ne sont-elles pastoujours fécondées par le dieu ? Dans la chambre nup-tiale, n’est-ce pas lui qui prend la place du pharaon etqui ensemence sa femme ? Et, neuf mois plus tard,n’est-ce pas l’une des divinités de la naissance qui prendla reine par la main pour la mener, le moment venu,dans la salle où elle mettra au monde ? Oui. Qu’importel’ascendance des reines...

Tiyi était une femme troublante. Non. « Troublante »n’est pas le mot. Plutôt déconcertante.

Le jour des épousailles, elle était à peine nubile, et sonépoux juste à peine plus vieux qu’elle. Mais, très vite, lesfragilités et les incertitudes de sa jeunesse s’effacèrent, etelle se révéla un être doué d’une forte personnalité etd’un esprit volontaire qui ne laissaient guère insensible.

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En faisant d’elle sa reine, Amenhotep III bouleversait latradition qui exigeait du roi qu’il prît pour GrandeÉpouse royale une fille de pharaon. Par ce choix, ilmontra un courage certain, ignorant les critiques, lesblâmes et les retombées diplomatiques. Le jour même deson mariage, il fit émettre un nombre impressionnant degros scarabées commémoratifs, sur lesquels il n’hésita pasà faire graver sous le nom de la reine des informationssur ses modestes origines. On surnomma ces scarabéesles « scarabées du lac », appellation qui s’inspirait du vastebassin d’irrigation près du village de Djaroukhâ, pro-priété de la reine. C’est ainsi que, du Naharina 10 jusqu’àSidon, de Meggido au cœur de Babylone, le pharaonimposa le nom de Tiyi.

Le père de Tiyi s’appelait Youya – nom peu usité cheznous –, et sa mère Touyou. Tous deux appartenaient àune élite aisée et instruite. Touyou fut la supérieure duharem d’Amon à Thèbes et occupa une position toutaussi considérable dans le harem de la divinité Mîn 11, àAkhmîm. Quant à Youya, après avoir gravi les échelonsde l’administration, il occupa la fonction de lieutenantgénéral de la charrerie. Il faut croire que le pharaon tenaitce couple en haute estime, puisqu’il leur accorda unefaveur rare, pour ne pas dire exceptionnelle, en les auto-risant à acquérir une chambre funéraire dans la vallée desRois.

Tiyi avait un frère du nom d’Anen. Lui aussi était unmembre très influent du clergé où il exerçait la fonctionde « Deuxième Prophète d’Amon » et de « grand desvoyants ». Il est mort relativement jeune, bien avant sasœur, et fut remplacé par un dénommé Samout. Sadépouille repose dans la nécropole à l’ouest de Thèbes 12.

Au fil des ans, le roi – à l’instar de ses prédécesseurs

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– se mit à entretenir un vaste harem dans lequel lan-guissait un essaim d’épouses, aussi bien égyptiennesqu’étrangères. Certaines étaient des filles de basse nais-sance envoyées à la cour d’Égypte en guise de tribut,d’autres avaient pour parents des vassaux. L’endroit fai-sait penser à une ruche bourdonnante où virevoltaientdes sœurs, des tantes, une myriade d’enfants, et des ser-viteurs qui veillaient à la bonne marche de l’ensemble.Appartenir au statut d’épouse secondaire ou mineure n’arien de dégradant. Au contraire, être élue par le roi esttoujours un privilège. Quoi qu’il en soit, Tiyi, elle,n’avait rien de commun avec ces créatures : elle était laGrande Épouse royale, la seule. Elle fut la première àadopter les cornes d’Hathor 13 et le Globe solaire dans sacoiffure officielle. La première aussi à se voir associer àl’usage du sistre – tu sais, cet instrument dont la poignéeest généralement ornée d’une tête d’Hathor, capable deproduire une musique qui apaise les dieux pendant laprière. Tout au long de son règne, Tiyi manifesta unedévotion particulière à l’égard de Maât, fille de Rê, incar-nation de la Vérité. Ce rapport, tu pourras en juger, nesera pas sans conséquence sur l’attitude qu’adopteraAkhenaton à l’égard du monde, des scribes et surtoutdes artistes.

Ami Keper, j’imagine que tu dois sourire en me lisant,tu te demandes à quoi sert de citer ces détails mineurs,s’ils ne sont pas superflus. Dans cette affaire, vois-tu,tout a son importance. Le destin de mon seigneur futsemblable à une mosaïque formée de pièces disparates.Elles donnent l’impression de n’avoir rien en commun,alors qu’en réalité elles sont intimement liées.

Parlons à présent du père d’Akhenaton.Amenhotep III – telle est en tout cas mon opinion –

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Gilbert Sinoué