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CENTRE JURIDIQUE FRANCO-ALLEMAND Universität des Saarlandes Séance 4 : Les vices du consentement, l’erreur Objectifs : Connaître les conditions d’admission de l’erreur Connaître les différentes théories quant à la notion de qualités substantielles Connaître les hypothèses d’erreur pouvant entraîner la nullité, erreurs opérantes et inopé- rantes Pour quelles raisons et dans quelles mesures une erreur sur la valeur est-elle considérée comme inopérante ? Les étudiants sont priés de rédiger une fiche d’arrêt pour chacune des décisions présentées. Résolution des cas proposés en fonction du programme déjà vu (document annexe). Erreur du vendeur sur les qualités substantielles : Doc. 1 : Cass. Civ 1 ère , 24 mars 1987, n° 85-15736 , Bull. civ. I, n°105 Doc. 2 : Cass. Civ. 1 ère , 17 sept. 2003 , n°01-15306, Bull. civ. I, n°183 Doc. 3 : Cass. Civ. 1 ère , 28 mars 2008, n°06-10715 Doc. 4 : Cass. Civ. 1 ère , 16 oct. 2008 , n°07-12147 Doc. 5 : Cass. Civ. 1 ère , 8 décembre 2009 , n°08-16471 Doc. 6 : Cass. Civ. 3 ème , 2 oct. 2013, n°12-13302 Erreur sur les motifs : Doc. 7 : Cass. Civ. 1 ère , 13 févr. 2001, n°98-15092, Bull. civ. I, n°31 Doc. 8 : Cass. Civ. 1 ère , 12 juillet 2005, n°04-15275 . Doc. 9 : Cass. Com., 11 avril 2012 , n°11-15429, Bull. civ. IV, n°77 Erreur sur la valeur: Doc. 10 : Cass. Civ. 3 ème , 31 mars 2005, n° 03-20096, Bull. civ. III, n°81 Doc. 11 : Cass. Com., 12 févr. 2008 , n°06-19204 Erreur sur le prix : Doc. 12 : Cass. Civ. 3 ème , 4 juillet 2007, n°06-15881, Bull. civ. III, n°123 Erreur inexcusable : Doc. 13 : Cass. Soc., 3 juillet 1990 , n°87-40349, Bull. civ. V, n°329 Le moment de l’appréciation de l’erreur : Doc. 14 : Cass. Civ. 3 ème , 23 mai 2007, n°06-11889 Doc. 15 : Cass. Civ. 3 ème , 12 juin 2014 , n°13-18446 Doc. 16 : Commentaire de l’arrêt Civ. 3 ème , 12 juin 2014, par Gatien CASU, (Petites affiches, 07 octobre 2014 n° 200, p. 15 et s.)

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CENTRE JURIDIQUE FRANCO-ALLEMAND Universität des Saarlandes

Séance 4 : Les vices du consentement, l’erreur

Objectifs : � Connaître les conditions d’admission de l’erreur � Connaître les différentes théories quant à la notion de qualités substantielles � Connaître les hypothèses d’erreur pouvant entraîner la nullité, erreurs opérantes et inopé-rantes � Pour quelles raisons et dans quelles mesures une erreur sur la valeur est-elle considérée comme inopérante ? Les étudiants sont priés de rédiger une fiche d’arrêt pour chacune des décisions présentées. Résolution des cas proposés en fonction du programme déjà vu (document annexe).

• Erreur du vendeur sur les qualités substantielles : Doc. 1 : Cass. Civ 1ère, 24 mars 1987, n° 85-15736, Bull. civ. I, n°105 Doc. 2 : Cass. Civ. 1ère, 17 sept. 2003, n°01-15306, Bull. civ. I, n°183 Doc. 3 : Cass. Civ. 1ère, 28 mars 2008, n°06-10715 Doc. 4 : Cass. Civ. 1ère, 16 oct. 2008, n°07-12147 Doc. 5 : Cass. Civ. 1ère, 8 décembre 2009, n°08-16471 Doc. 6 : Cass. Civ. 3ème, 2 oct. 2013, n°12-13302

• Erreur sur les motifs : Doc. 7 : Cass. Civ. 1ère, 13 févr. 2001, n°98-15092, Bull. civ. I, n°31 Doc. 8 : Cass. Civ. 1ère, 12 juillet 2005, n°04-15275. Doc. 9 : Cass. Com., 11 avril 2012, n°11-15429, Bull. civ. IV, n°77

• Erreur sur la valeur: Doc. 10 : Cass. Civ. 3ème, 31 mars 2005, n° 03-20096, Bull. civ. III, n°81 Doc. 11 : Cass. Com., 12 févr. 2008, n°06-19204

• Erreur sur le prix : Doc. 12 : Cass. Civ. 3ème, 4 juillet 2007, n°06-15881, Bull. civ. III, n°123

• Erreur inexcusable : Doc. 13 : Cass. Soc., 3 juillet 1990, n°87-40349, Bull. civ. V, n°329

• Le moment de l’appréciation de l’erreur : Doc. 14 : Cass. Civ. 3ème, 23 mai 2007, n°06-11889 Doc. 15 : Cass. Civ. 3ème, 12 juin 2014, n°13-18446 Doc. 16 : Commentaire de l’arrêt Civ. 3ème, 12 juin 2014, par Gatien CASU, (Petites affiches, 07 octobre 2014 n° 200, p. 15 et s.)

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Erreur du vendeur sur les qualités substantielles :

Doc. 1 : Civ. 1ère, 24 mars 1987 Attendu que, selon les juges du fond, Jean, André Vincent, depuis lors décédé, a vendu

en 1933 aux enchères publiques, comme étant “ attribué à Fragonard “, un tableau intitulé Le Verrou ; que, l’authenticité du tableau ayant été ultérieurement reconnue, l’arrêt confirmatif atta-qué a refusé d’annuler cette vente, pour erreur, à la demande des héritiers de Jean, André Vin-cent;

Attendu que ceux-ci reprochent à la cour d’appel (Paris, 12 juin 1985) de s’être détermi-née au motif essentiel que l’expression “ attribué à.... “ laisse planer un doute sur l’authenticité de l’oeuvre mais n’en exclut pas la possibilité ; qu’ils soutiennent, d’une part, qu’en s’attachant seulement à déterminer le sens objectif de la mention “ attribué à.... “ et en s’abstenant de re-chercher quelle était la conviction du vendeur, alors que leurs conclusions faisaient valoir qu’il était persuadé, à la suite des avis formels des experts, que l’authenticité de l’oeuvre était exclue, la cour d’appel a violé à la fois les articles 1110 du Code civil et 455 du nouveau Code de procé-dure civile ; qu’il est, d’autre part, prétendu qu’en toute hypothèse, le vendeur commet une erreur quand il vend sous l’empire de la conviction que l’authenticité est discutable, alors qu’elle est en réalité certaine et que tout aléa à ce sujet est inexistant ; Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte des énonciations souveraines du jugement con-firmé “ qu’en vendant ou en achetant, en 1933, une oeuvre attribuée à Fragonard, les contractants ont accepté un aléa sur l’authenticité de l’oeuvre, que les héritiers de Jean-André Vincent ne rap-portent pas la preuve, qui leur incombe, que leur auteur a consenti à la vente de son tableau sous l’empire d’une conviction erronée quant à l’auteur de celui-ci “ ; que le moyen, en sa première branche, ne peut dès lors être accueilli ; Et attendu, en second lieu, que, ainsi accepté de part et d’autre, l’aléa sur l’authenticité de l’oeuvre avait été dans le champ contractuel ; qu’en conséquence, aucune des deux parties ne pouvait alléguer l’erreur en cas de dissipation ultérieure de l’incertitude commune, et notamment pas le vendeur ni ses ayants-cause en cas d’authenticité devenue certaine ; que le moyen doit donc être entièrement écarté ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Doc. 2 : Civ. 1ère, 17 septembre 2003 Attendu que le 25 octobre 1985, Mme X..., propriétaire d' un tableau de l'école française

du XVIIe siècle, a requis la société civile professionnelle Perrin-Royère-Lajeunesse (la SCP), commissaire priseur, pour le vendre aux enchères publiques dans les six mois ; que l'acte char-geait l'officier ministériel d'une mission préalable de recherches et investigations par tout expert, sachant ou procédé scientifique, aux fins de déceler l'origine de l'oeuvre et la dire de l'atelier de Nicolas Poussin ou du maître lui-même, stipulait à ce propos l'assistance des experts Y... et Z..., et fixait un prix de réserve à 100 000 francs ; que le tableau a été présenté au catalogue sous les formules "Atelier de Nicolas Poussin, La fuite en Egypte, huile sur toile", suivies, références bi-bliographiques à l'appui, des indications selon lesquelles les spécialistes considéraient l'oeuvre originale comme perdue, à moins, selon l'un d'eux, qu'elle ne figurât dans une collection suisse ; qu'estimé entre 150 000 ou 200 000 francs, il a été adjugé le 2 mars 1986 pour le prix de 1 600

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000 francs à la société Galerie Pardo, avant de devenir, en conséquence de la liquidation amiable de celle-ci, la propriété indivise de MM. Richard et Robert A... ;

Attendu que la venderesse, convaincue en 1994, par la lecture de publications relatives à Poussin et relatant les opinions nouvelles de personnes qualifiées, que le tableau était de la main de l'artiste, a, en 1995, assigné MM. A... et le mandataire ad hoc de la galerie liquidée, en nullité de la vente, et la SCP et M. Z... en responsabilité ; qu'un premier arrêt (Paris, 27 février 1998), frappé par ceux-ci de deux pourvois rejetés par la Cour de Cassation (Civ1, 27 juin 2000, D 98-15.483 et E 98-15.714), après avoir énoncé en son dispositif qu'"aucun aléa permettant l'attribu-tion de la toile à Nicolas Poussin n'existait pour la venderesse lors de la vente intervenue le 2 mars 1986", a ordonné avant dire droit une expertise, laquelle a conclu le 24 mars 2000 qu'il en était certainement l'auteur, et que la valeur de l'oeuvre litigieuse se situait entre quarante-cinq et soixante millions de francs ; Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que MM. A... et les autres membres de la société liquidée font grief à l'arrêt at-taqué (Paris, 28 juin 2001) d'avoir prononcé la nullité de la vente sans préciser les éléments éta-blissant que Mme X... avait fait du défaut d'authenticité du tableau une qualité substantielle l'ayant déterminée, méconnaissant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et pri-vant sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;

Mais attendu qu'en rappelant le dispositif précité de sa décision du 27 février 1998, ainsi que les motifs par lesquels elle avait alors dit les termes du catalogue exclusifs de toute possibili-té d'attribution au peintre puis souligné l'extrême modicité de l'estimation initiale du tableau comme de son prix de réserve, et en ajoutant que c'est précisément parce que Mme X... avait ac-quis la certitude que le tableau n'était pas de l'artiste qu'elle avait accepté de le laisser mettre en vente sous l'appellation "Atelier de Nicolas Poussin", la cour d'appel a légalement justifié sa dé-cision ; Sur le deuxième moyen et la troisième branche du premier :

Attendu que les consorts A... font aussi grief à la cour d'appel, d'une part, de les avoir déboutés de leur action en responsabilité civile contre la SCP, sans rechercher si sa "déclaration mensongère" faite à Mme X..., par lettre du 29 janvier 1986 selon laquelle le tableau avait été montré à l'un des meilleurs spécialistes de la peinture française du XVIIe siècle sans être reconnu par lui comme une oeuvre du maître, ne constituait pas une faute contractuelle envers sa man-dante, préjudiciable aussi à l'acheteur par la conviction erronée suscitée chez la venderesse qu'il ne pouvait être de Poussin et par l'annulation consécutive de la vente, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1165 et 1382 du Code civil, et, d'autre part, d'avoir méconnu, en violation des articles 1110 et 1984 du même Code, que la faute du mandataire, génératrice de l'erreur de la mandante, ouvrait seulement à cette dernière une action en responsabilité à l'en-contre du commissaire priseur, mais faisait par ailleurs obstacle au prononcé de la nullité de la vente ;

Mais attendu que la cour d'appel a vérifié, par référence aux données acquises au moment de la vente, l'exactitude des mentions du catalogue quant au sort supputé de l'original du tableau "La fuite en Egypte" ; qu'elle a ajouté que la non-réponse du spécialiste sollicité à une lettre de M. Z... accompagnée d'une photographie et d'une demande d'avis avait pu être interprétée par lui et par la SCP comme un désintérêt témoignant de la non attribution de la toile au maître, les con-

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fortant ainsi dans leur opinion épistolairement exprimée et dans leur résolution de la présenter comme une oeuvre d'atelier ; qu'elle a relevé qu'un nettoyage ou des mesures scientifiques ou ra-diographiques ou d'autres investigations encore n'auraient pas suffi à établir son authenticité par rapport à une copie d'époque ; que par ces constatations et appréciations souveraines, elle a léga-lement justifié sa décision de ne retenir aucun manquement de la SCP à ses obligations de pru-dence et diligence ; d'où il suit que le moyen manque en fait ; Et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est subsidiairement reproché à l'arrêt, en violation des articles 1371 du Code civil et 695 du nouveau Code de procédure civile, de débouter les consorts A... de leur ac-tion en enrichissement sans cause dirigée contre Mme X..., alors que, condamnés aux entiers dé-pens, ils supportent la charge des expertises menées à partir d'analyses scientifiques entreprises à leur demande par les Laboratoires des Musées nationaux et qui ont abouti à la reconnaissance de l'authenticité du tableau ;

Mais attendu que l'enrichissement dont s'agit n'est pas dû au fait des consorts A... mais à l'initiative prise par Mme X... de faire prononcer la nullité de la vente ; d'où il suit qu'en ne dé-rogeant pas au principe de la condamnation de la partie perdante aux dépens posé par l'article 696 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Doc. 3 : Civ. 1ère, 28 mars 2008 Vu les articles 1109 et 1110 du code civil ;

Attendu que le 10 septembre 1984, Daniel X..., agissant pour le compte de la société du même nom, a acquis auprès de Mme Y..., au prix de 300 000 dollars US, un portait de Claude Monet réalisé par John Z... ; que le 13 mai 1985, la société X... a assigné la venderesse en nullité de la vente pour erreur sur la substance, trois experts, spécialistes des oeuvres du peintre améri-cain, ayant émis des doutes sur l'authenticité de l'oeuvre ; que par acte du 11 mars 1986, les par-ties ont signé une transaction confirmant la vente à moitié prix du tableau attribué à Z... par sa propriétaire, celle-ci prenant acte de l'intention de la société d'en faire donation à l'Académie des beaux-arts pour être exposé au musée Marmottan ; qu'en 1996, Mme Y... constatait que le tableau avait été inséré dans la nouvelle édition du catalogue raisonné des oeuvres de Monet, publié par l'Institut X... et rédigé par Daniel X..., comme étant un autoportrait du peintre ; qu'elle a alors as-signé les susnommés en annulation de la vente et de la transaction pour erreur sur la substance et pour dol ; que l'arrêt attaqué l'a déboutée de ses demandes ;

Attendu que pour rejeter la demande en nullité pour erreur sur la substance l'arrêt énonce que le doute apparu sur la paternité de l'oeuvre en raison du refus de trois experts d'attribuer celle-ci à Z... justifiait l'acceptation de Mme Y... de rembourser la moitié du prix à l'acquéreur, lequel avait accepté de s'en dessaisir au profit de l'Académie des beaux-arts ; qu'en confirmant la vente intervenue alors que l'attribution à Z... était incertaine, les parties étaient convenues de ne pas faire de cette attribution une qualité substantielle du bien et qu'ayant accepté l'aléa sur l'auteur du tableau objet de la vente Mme Y... ne pouvait prétendre avoir contracté dans la con-viction erronée que le tableau ne pouvait pas être de la main de Claude Monet, l'attribution à ce peintre, intervenue postérieurement n'étant en rien exclue ; qu'au surplus, la preuve qu'il s'agirait

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d'une oeuvre de Claude Monet n'est pas rapportée, le seul fait que le tableau ait été attribué à ce peintre pour la première fois dans la réédition de 1996 du catalogue raisonné qui lui a été consa-cré étant insuffisant en l'absence de toute étude critique et certains jugeant cette attribution peu convaincante tant au point de vue formel qu'au point de vue historique puisqu'elle ne figurait pas dans l'inventaire de la succession du peintre ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi la réduction du prix n'était pas exclu-sive de l'attribution possible du tableau à un peintre d'une notoriété plus grande que celle de Z..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris

Doc. 4 : Civ. 1ère, 16 octobre 2008 Attendu que lors d'une vente aux enchères publiques organisée par la SCP Delobeau et

M. X..., commissaires-priseurs, la société Colnaghi de droit anglais (aujourd'hui dénommée so-ciété Jean-Luc Baroni) s'est portée adjudicataire, au prix de 38 112,25 euros, d'un tableau, mis en vente par M. Y..., présenté au catalogue sous les mentions suivantes : "Ecole française vers 1600 - Vénus, Minerve et Junon écoutant une femme jouant de la viole - HST - 129 X 105 cm" ; que la société Baroni fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 9 février 2006) de l'avoir déboutée de ses de-mandes en nullité de la vente pour réticence dolosive et erreur sur la substance ;

Mais attendu que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la cour d'appel a constaté que le tableau litigieux, s'il reproduisait de façon quasi identique la composition iconographique de l'oeuvre attribuée en un temps au peintre Mazzola dit Le Parmesan, comme il était de pratique courante à l'époque, n'en constituait pas pour autant la copie, étant de facture différente et exécu-tée dans le style propre à l'Ecole française ; qu'elle a pu en déduire que la mention portée au cata-logue, présentant l'oeuvre par simple référence à "l'Ecole française vers 1600", était exacte et constituait une information suffisante dès lors que, conformément aux dispositions de l'article 6 du décret du 3 mars 1981, dont elle fait implicitement application, une telle mention garantit seu-lement que le tableau offert à la vente a été réalisé pendant la durée d'existence du mouvement artistique désigné dont la période est précisée et par un artiste ayant participé à ce mouvement, sans pour autant exclure que ce dernier ait pu s'inspirer de la composition d'une oeuvre préexis-tante ; que par ces seuls motifs, propres à faire écarter l'existence tant du dol par réticence que de l'erreur sur une qualité substantielle de l'objet vendu, la cour d'appel a légalement justifié sa dé-cision ; PAR CES MOTIFS :rejette

Doc. 5 : Civ. 1ère, 8 décembre 2009 Vu les articles 1108, 1109 et 1110 du code civil ;

Attendu qu'ayant été adjudicataire, lors d'une vente aux enchères publiques organisée par la société Sadde hôtel des ventes, d'une coupe de cristal montée sur un socle en bronze argenté, Mme X... a refusé de prendre livraison de cet objet et d'en payer le prix en alléguant son mauvais état ; que la société Sadde l'a fait assigner en paiement de la somme de 2 698,87 euros corres-

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pondant au prix d'adjudication augmenté des frais ; qu'invoquant une erreur sur les qualités subs-tantielles de l'objet, Mme X... a sollicité l'annulation de la vente ;

Attendu que pour déclarer la vente parfaite et accueillir la demande en paiement de la so-ciété Sadde, la cour d'appel, a retenu que Mme X..., exerçant une activité d'antiquaire au moment de la vente, est une professionnelle et connaissait donc parfaitement les précautions à prendre avant de se porter acquéreur d'un objet dont la vente est mise aux enchères ; qu'elle ne peut donc soutenir qu'elle a été victime d'une erreur ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé de le faire, si, nonobstant sa qualité de professionnelle, Mme X..., se fondant sur les indications du catalogue, la photographie de l'objet et les réponses données par la société Sadde aux questions qu'elle avait posées antérieurement à la vente sur l'état de l'objet, ne s'était pas portée adjudicataire dans la croyance erronée que l'objet était en bon état, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré la société Sadde hôtel des ventes recevable en son action, l'arrêt rendu le 23 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon.

Doc. 6 : Civ. 3ème, 2 octobre 2013 Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 décembre 2011), que la SCI Delfimmo, propriétaire, dans un centre commercial, d'un local n° 41, précédemment occupé par la société Sephora, l'a donné à bail par acte du 29 septembre 2010, à compter du 1er octobre 2010, à la so-ciété Marionnaud Lafayette (la société Marionnaud) ; qu'à cette date, il est apparu que la société Sephora, exploitant la même activité de parfumerie, cosmétiques et produits de beauté s'installait dans le local mitoyen n° 42 ; que la société Marionnaud, invoquant l'erreur sur les qualités subs-tantielles, a assigné la SCI Delfimmo en nullité du bail ;

Attendu que la SCI Delfimmo fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du bail, alors, se-lon le moyen : 1°/ que l'erreur n'est cause de nullité que si elle porte sur les qualités substantielles de la chose ou de la personne de sorte qu'elle est sans effet sur la validité du contrat lorsqu'elle n'a pour objet que les motifs du contractant ; qu'en énonçant que l'erreur de la société locataire résultait de « la démonstration d'un consentement donné dans la croyance, contraire à la réalité, que le bail des locaux permettait l'exercice de son activité sans concurrence dans le centre commercial » et que « cette erreur a porté sur une qualité substantielle de la chose louée, comprise dans le champ con-tractuel et exempte d'aléa », la cour d'appel a retenu une erreur sur les motifs de la société Ma-rionnaud et a ainsi violé l'article 1110 du code civil ; 2°/ que l'erreur n'est cause de nullité que si elle porte sur les qualités substantielles de la chose ou de la personne de sorte qu'elle est sans effet sur la validité du contrat lorsqu'elle n'a pour objet que la valeur de la chose ; qu'en retenant en l'espèce que « la situation de non-concurrence » était une « qualité substantielle » « tacitement convenue entre les deux parties » après s'être fondée sur « le niveau des prix de négociation et de conclusion du contrat », la cour d'appel a porté une appréciation d'ordre économique sur la rentabilité de l'opération sans nullement relever une er-reur sur les qualités substantielles de la chose ; qu'en conséquence, elle a ainsi derechef violé

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l'article 1110 du code civil ; 3°/ que (subsidiaire) l'erreur sur les motifs n'est concevable que lorsque les motifs erronés sont entrés dans le champ contractuel ; que seul le motif déterminant partagé par les parties et érigé par elles au rang de condition de l'expression de leur volonté peut être considéré comme une qua-lité substantielle ; qu'en l'espèce, la SCI Delfimmo faisait valoir que Marionnaud ne pouvait pas justifier d'une mention expresse du contrat liée à l'absence d'environnement concurrentiel ; qu'en retenant dès lors que la situation de non-concurrence était « tacitement convenue entre les parties » quand ce motif, pour être cause d'erreur annulable, aurait dû faire l'objet d'une stipulation ex-presse, la cour d'appel a encore violé l'article 1110 du code civil ; 4°/ que (subsidiaire) l'erreur sur les qualités substantielles n'est cause de nullité de la convention que si l'errans démontre l'absence de tout aléa ; qu'une qualité affectée d'un aléa connu lors de la conclusion du contrat ne peut être tenue pour substantielle dès lors qu'en contractant néanmoins les parties ont accepté que cette qualité puisse ne pas se rencontrer ; qu'en l'espèce, la SCI Del-fimmo faisait valoir que la condition alléguée était affectée d'un aléa lié notamment au fait que n'étant pas propriétaire de la galerie marchande, le bailleur ne pouvait consentir aucune exclusi-vité; que pour retenir que la qualité substantielle liée à un environnement commercial non con-currentiel était exclusive de tout aléa, la cour d'appel a énoncé que l'absence de concurrence à la date de conclusion du bail était certaine, « était-ce de fait et non juridiquement » ; qu'en statuant par un motif inopérant impropre à exclure l'aléa affectant la condition alléguée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société Marionnaud justifiait de la matérialité de son erreur en démontrant avoir conclu le bail dans la croyance erronée qu'il permettait l'exercice de son activité sans concurrence dans le centre commercial et que la perspective d'une situation avantageuse, qui avait été prise en compte dans la détermination du prix du bail constituait une qualité substantielle de la chose louée, comprise dans le champ contractuel et exempte d'aléa, la cour d'appel en a justement déduit qu'il y avait lieu de prononcer la nullité du bail ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Erreur sur les motifs :

Doc. 7 : Civ. 1ère, 13 février 2001 Attendu que, par un acte passé le 20 novembre 1981 en l'étude de M. Geoffroy d'X..., no-

taire, M. Alain Y... a acquis, de la Société anonyme de gestion de patrimoines (SAGEP), des lots d'un immeuble en copropriété à rénover ; que M. Y... a subi, par la suite, différents redresse-ments fiscaux ; que, faisant valoir qu'il avait acheté ce bien immobilier pour bénéficier d'avan-tages fiscaux qui n'avaient pu être obtenus, il a, en 1992, assigné la SAGEP, aujourd'hui en liqui-dation judiciaire et représentée par M. Villa, liquidateur, le syndicat des copropriétaires de la ré-sidence le Cloître Saint-Martin, et M. Geoffroy d'X..., en nullité pour erreur ou en résolution de la vente, et en dommages-intérêts ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Orléans, 23 mars 1998) l'a dé-bouté de ses prétentions ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

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Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de s'être ainsi prononcé, alors, selon le moyen : 1° qu'en refusant d'annuler la vente faute de réalisation de l'objectif de défiscalisation, bien qu'il résultât des constatations de l'arrêt que la cause de l'engagement de M. Y... avait été le désir de réaliser des économies fiscales et que la SAGEP connaissait ce motif déterminant, la cour d'appel aurait méconnu les conséquences de ses constatations et violé l'article 1110 du Code civil ; 2° qu'en ne recherchant pas, comme il lui était demandé, si en sa qualité de professionnel de l'immobilier spécialiste de la défiscalisation, la SAGEP n'était pas censée connaître et maîtriser parfaitement les prescriptions de la loi Malraux et n'avait pas manqué à son devoir de conseil, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que l'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci n'est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant ; que c'est donc à bon droit que l'arrêt énonce que l'absence de satisfaction du motif considéré savoir la recherche d'avantages d'ordre fiscal alors même que ce motif était connu de l'autre par-tie, ne pouvait entraîner l'annulation du contrat faute d'une stipulation expresse qui aurait fait en-trer ce motif dans le champ contractuel en l'érigeant en condition de ce contrat ; qu'ensuite, ayant relevé qu'en 1983, la SAGEP pouvait croire à l'adéquation de l'opération avec les prescriptions de la loi Malraux, étant observé qu'il n'était pas démontré qu'à l'époque de la vente cette société ait eu connaissance du risque de ne pas bénéficier des avantages fiscaux de cette loi, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision au regard de l'article 1116 du Code civil ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ; Sur le deuxième moyen : (Publication sans intérêt) ; Et, sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : (Publication sans intérêt) ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

Doc. 8 : Civ. 1ère, 12 juillet 2005 Attendu que, par acte authentique des 5 et 8 novembre 1993, contenant reconnaissance

par la société Façonnage Balbis Industriel (la société FBI) à l’égard de la société LEGEPS d’une dette née d’un prêt, les époux X... se sont portés cautions hypothécaires du remboursement de cette dette ; qu’après que la liquidation judiciaire de la société FBI eut été prononcée, la société LEGEPS a recherché la garantie des époux X..., lesquels ont assigné celle-ci en décharge de leur engagement ; que l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 27 juin 2003) a rejeté cette demande ; Attendu, d’abord, que l’erreur sur un motif du contrat, extérieur à l’objet de celui-ci, n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu’une stipulation expresse ne l’ait fait entrer dans le champ contractuel en l’érigeant en condition du contrat ; que les époux X... n’ayant pas prétendu avoir commis une erreur sur un motif déterminant qui aurait été érigé en condition de leur engagement, c’est à bon droit, que la cour d’appel a retenu que, faute pour eux de prouver qu’ils auraient commis une erreur sur la substance même de cet engagement, ils n’étaient pas fondés à agir, de ce chef, en annulation de celui-ci ; qu’ensuite, la cause de la reconnaissance de dette litigieuse étant présumée exacte, il incombait aux époux X..., qui contestaient l’existence du prêt constatée par celle-ci pour sollici-ter leur décharge, d’apporter la preuve de leurs allégations ; qu’ayant constaté que cette preuve

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n’était pas apportée, la cour d’appel en a exactement déduit que leur contestation ne pouvait être accueillie ; qu’aucun des griefs n’est fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

Doc. 9 : Com., 11 avril 2012 Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 7 décembre 2010), que Mme X... a souscrit le 3

juillet 2002, pour financer l'acquisition d'équipements médicaux destinés à l'exercice de son acti-vité d'infirmière libérale deux contrats de crédit-bail auprès de la société BNP Paribas et deux contrats de crédit-bail auprès de la société Lixxbail, ces quatre contrats représentant une charge totale mensuelle de 1 529,82 euros toutes taxes comprises ; que les matériels fournis par la socié-té Formes et performances ont été livrés à Mme X..., qui a signé un procès-verbal de réception ; que cette dernière ayant cessé de payer les loyers à compter du mois de novembre 2003, la socié-té Lixxbail lui a notifié la résiliation des contrats et fait procéder à la saisie des matériels qui ont été revendus pour la somme de 0,18 euro chacun ; que le tribunal d'instance a déclaré recevable l'opposition de Mme X... aux ordonnances d'injonction de payer prononcées à son encontre ; que devant le tribunal de grande instance, Mme X... a demandé l'annulation des contrats de crédit-bail, invoquant une erreur substantielle et recherché subsidiairement la responsabilité du crédit-bailleur pour manquement à ses obligations d'information et de conseil ; Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation des con-trats conclus avec la société Lixxbail, alors, selon le moyen : 1°/ que constitue une qualité essentielle toute caractéristique du bien entrée dans le champ con-tractuel qui détermine son usage ; qu'en jugeant, pour débouter Mme X... de sa demande de nulli-té du contrat de crédit-bail que "Mme X... en faisant valoir que la colonne d'électrothérapie et la colonne bilan louées à la société Fores et performances ne répondaient pas à ses besoins dans son activité paramédicale d'infirmière en milieu rural, n'invoque aucune erreur sur les qualités subs-tantielles de ces matériels" sans rechercher si la destination commerciale n'était pas inhérente aux biens donnés à bail et entrée dans le champ contractuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil ; 2°/ que Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions, que le matériel donné à bail ne pouvait être utilisé que par un médecin ; qu'en se bornant à juger pour débouter Mme X... de sa demande de nullité du contrat de crédit-bail que l'inadéquation du matériel "à ses besoins dans son activité para-médicale d'infirmière en milieu rural" n'était pas une qualité substantielle des biens objet du contrat litigieux, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu que l'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci n'est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu'une sti-pulation expresse ne l'ait fait entrer dans le champ contractuel en l'érigeant en condition du con-trat ; qu'après avoir énoncé que l'erreur n'est une cause de nullité du contrat que lorsqu'elle porte sur les qualités substantielles de la chose qui en est l'objet, et que seule l'erreur excusable peut entraîner la nullité d'une convention, l'arrêt retient que Mme X..., en faisant valoir que les équi-pements litigieux ne répondaient pas à ses besoins dans son activité para-médicale d'infirmière en milieu rural, n'invoque aucune erreur sur les qualités substantielles de ces matériels, mais se

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borne à constater leur inadéquation à cette activité ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'erreur invo-quée par le preneur ne portait pas sur les qualités substantielles des matériels litigieux, mais sur les motifs de leur acquisition, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen : Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en responsabilité

contre la société Lixxbail, alors, selon le moyen : 1°/ que la qualité de client averti ne saurait se déduire de ce que ce dernier a volontairement agi dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'en affirmant que Mme X... avait "agi en qualité de cliente avertie" aux motifs inopérants qu'elle n'aurait pas été démarchée par la société Lixxbail et qu'elle avait choisi de prendre à bail du matériel pour les besoins de son activité pro-fessionnelle sans préciser en quoi elle était suffisamment qualifiée pour mesurer, au regard de ses capacités financières, les risques de l'endettement nés du crédit-bail litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; 2°/ qu'un établissement de crédit qui propose un montage financier qu'il a réalisé ou auquel il a contribué doit faire état des risques inhérents à l'opération conçue ; qu'en jugeant que la société Lixxbail n'avait pas manqué à son obligation d'information au motif inopérant qu'elle n'aurait pas "démarché" Mme X... sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'opération de financement n'avait pas été conçue par l'établissement de crédit et si ce dernier n'était pas ainsi tenu, nonobs-tant la qualité d'emprunteur averti de Mme X..., de l'informer des risques inhérents à investisse-ment ainsi réalisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'un côté, que Mme X..., qui agissait en tant qu'infir-mière travaillant en mode libéral, avait fait le choix de prendre en crédit-bail divers matériels pour les besoins de son activité professionnelle, de l'autre, qu'elle pouvait choisir à son gré le mode de financement approprié pour les matériels de son cabinet et était en mesure d'apprécier les risques d'endettement nés de l'octroi des crédits souscrits, eu égard à sa capacité financière, enfin, qu'elle ne justifie pas que la banque aurait eu sur cette situation financière des informa-tions qu'elle-même aurait ignorées, et qu'elle a agi en cliente avertie ; qu'ayant par ces constata-tions et appréciations fait ressortir que Mme X... était un emprunteur averti et que le crédit-bailleur ne disposait pas, sur sa situation financière, de renseignements qu'elle aurait ignorés, ce dont il résultait que la société Lixxbail n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde, la cour d'appel a, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la seconde branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Erreur sur la valeur

Doc. 10 : Civ. 3ème, 31 mars 2005

Met hors de cause la SCP Gueroult-X...-Martin- Maulen-Bontoux et M. X... ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 septembre 2003), que, suivant acte reçu par M.

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X..., notaire, un bail à construction a été passé entre la Société civile d'attribution les Cottages de Guermantes (la SCA) et la Société civile immobilière Boissières de Guermantes (la SCI), pour une durée de vingt-cinq ans, en vue de l'édification par le preneur, sur diverses parcelles de terre, de dix-huit maisons individuelles à usage d'habitation ; qu'il était prévu qu'au terme du bail, les constructions deviendraient la propriété du bailleur, sans indemnité au profit du preneur ; que la SCI a demandé l'annulation du bail ; Sur le premier moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen : 1 / que l'attribution de l'usage des biens sociaux aux associés étant de l'essence de la société d'at-tribution, celle-ci ne dispose elle-même d'aucun droit de jouissance et ne peut valablement con-clure de bail à construction portant sur l'immeuble à construire ; qu'en affirmant que le bail à construction était un moyen de remplir l'objet social de la société d'attribution, la cour d'appel a violé l'article L. 212-1 du Code de la construction et de l'habitation ; 2 / que l'erreur sur la rentabilité ou viabilité économique d'un contrat constitue une erreur sur la substance qui entraîne la nullité du contrat dès lors qu'aucun aléa n'a été accepté par les parties et que l'erreur est excusable ; qu'en se bornant à affirmer que l'appréciation erronée de la rentabilité économique de l'opération n'est pas constitutive d'un vice du consentement, sans rechercher si les parties avaient accepté un aléa ou si l'erreur commise était inexcusable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé, d'une part, que la construc-tion d'immeubles étant dans l'objet d'une société d'attribution, le recours à un bail à construction n'était pas contraire à cet objet et était même un moyen de le remplir, et, d'autre part, retenu, à bon droit, que l'appréciation erronée de la rentabilité économique de l'opération n'était pas cons-titutive d'une erreur sur la substance de nature à vicier le consentement de la SCI à qui il appar-tenait d'apprécier la valeur économique et les obligations qu'elle souscrivait, la cour d'appel a lé-galement justifié sa décision de ce chef ; Mais, sur le deuxième moyen : Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour condamner la SCI au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la présente action a été engagée après l'échec d'une première procédure tendant aux mêmes fins, dont la SCI a été déboutée ; Qu'en statuant ainsi, alors que, dans cette précédente procédure, la demande de la SCI tendant à l'annulation du contrat de bail à construction avait été déclarée irrecevable comme nouvelle et que les deux actions ne tendaient donc pas aux mêmes fins, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ; Et, sur le troisième moyen : Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour condamner la SCI au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que l'appel qui ne fait que reprendre des moyens que les premiers juges ont clairement et de façon motivée rejetés, apparaît guidé par la mauvaise foi ; Qu'en statuant par de tels motifs, qui ne suffisent pas à établir le caractère abusif de la procédure intentée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ; PAR CES MOTIFS :

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CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il confirme le jugement entrepris en ce qu'il condamne la SCI Boissières de Guermantes à payer à la SCA Cottages de Guermantes la somme de 2 000 euros pour procédure abusive, et, d'autre part, en ce qu'il condamne la SCI Bois-sières de Guermantes à payer à la SCA Cottages de Guermantes la somme de 2 000 euros pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 24 septembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Pa-ris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans

Doc. 11 : Com., 12 février 2008 Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 juin 2006), que M. X... a, le 24 avril 2002, cédé aux époux Y... l'intégralité des parts sociales qu'il détenait dans la société à responsa-bilité limitée Elorem (la société) pour un prix unitaire de 15 euros ; que M. X... les a assignés en annulation du contrat de cession sur le fondement des articles 1109 et 1110 du code civil ; que la cour d'appel, sur le fondement de l'erreur sur les qualités substantielles des actions, a accueilli sa demande ;

Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1109 et 1110 du code civil que ne peut cons-tituer une cause de nullité d'une cession de parts, l'erreur invoquée par le cédant, et portant, non sur les qualités substantielles de l'objet du contrat, appréciée souverainement par les juges du fond, mais sur la valeur desdites parts ; qu'en affirmant néanmoins, en l'absence de dol ou de lé-sion, qu'en cédant la moitié des parts de la de la société Elorem aux époux Y..., pour leur valeur nominale, sans commune mesure avec leur valeur objective, M. X... aurait commis une erreur, non sur la valeur, mais sur la substance même de la chose objet de ladite cession, les juges d'ap-pel ont violé les articles 1109 et 1110 du code civil ;

Mais attendu qu'en relevant que M. X..., dépressif et peu versé dans la pratique des af-faires, et incapable dans ces conditions de mesurer la portée des actes qu'il signait, avait cédé les parts qu'il détenait dans la société pour leur valeur nominale, sans commune mesure avec leur va-leur objective, se trouvant ainsi écarté d'une société florissante sans contrepartie réelle, la cour d'appel a pu décider qu'il avait commis une erreur sur la substance même de la chose qui était l'objet du contrat ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Erreur sur le prix

Doc. 12 : Civ. 3ème, 4 juillet 2007 Vu l'article 1110 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 mars 2006), que suivant promesse du 7 juillet 2003, Mme X..., marchand de biens, a vendu un immeuble à la société civile immobilière du Res, constituée entre les époux Y..., pour le prix de 457 347 euros ; que l'acte authentique est interve-nu, au même prix, le 14 août 2003 ; que Mme X... a demandé l'annulation de la vente pour erreur sur le prix résultant d'une conversion erronée du prix de francs en euros ;

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Attendu que pour déclarer la vente nulle, l'arrêt retient que l'erreur commise par la ven-deresse portait sur la substance de la chose objet de la convention et qu'elle était excusable puis-qu'elle résultait d'une mauvaise conversion effectuée par la secrétaire notariale, qu'il ne pouvait être reproché une faute de négligence à Mme X... à raison de la confiance accordée au notaire et que sa qualité de marchand de biens lui conférait plus un avantage fiscal qu'une expérience pro-fessionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que tous les actes portaient le prix iden-tique de 457 347 euros et alors qu'il entre dans la compétence d'un marchand de biens, profes-sionnel de la vente, de savoir déterminer et contrôler la conversion d'un prix négocié en francs, en euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens ; CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2006, entre les par-ties, par la cour d'appel de Poitiers

Erreur inexcusable

Doc. 13: Soc., 3 juillet 1990 Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : Vu l'article 1110 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que la société Cart Expert, admise au règlement judiciaire par jugement du 30 mars 1984 et autorisée à poursuivre son exploitation, a, assistée du syndic M. Y..., engagé à compter du 21 mai 1984 M. Z... en qualité de directeur ; que le 27 juillet 1984, l'employeur a immédiatement mis fin aux fonctions du salarié en invoquant par un courrier ulté-rieur la découverte du fait que M. Z... avait caché, lors de son embauche, que le 25 avril 1984 une société, dont il était alors le président-directeur général, avait été mise en liquidation de biens et que cette information aurait été de nature à faire écarter sa candidature au poste de direc-teur de la société Cart Expert ; que M. Z... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement des indemnités de rupture et de congés payés et de paiement de salaires, la société in-troduisant de son côté une demande d'annulation du contrat ;

Attendu que pour prononcer l'annulation du contrat de travail et débouter M. Z... de sa demande l'arrêt attaqué, qui a joint les deux instances, après avoir dit que le dol du salarié n'est pas établi, énonce que les circonstances dans lesquelles a été recruté M. Z... et les qualités qui ont été alors mises en avant en ce qui le concerne, montrent suffisamment que la considération de la personne a été la cause principale de l'engagement de Cart Expert X... et de son syndic à l'égard de M. Z..., et que l'erreur sur sa personne doit donc entraîner la nullité du contrat de tra-vail ;

Attendu cependant que l'erreur n'est cause de nullité que dans la mesure où elle est excu-sable ; que l'arrêt relève que la société Cart Expert et son syndic avaient été informés par le can-didat lui-même qu'il avait été président-directeur général d'une société dont le nom était donné dans le curriculum vitae appuyant cette candidature, et qu'ils ne s'étaient pas renseignés plus complètement sur le candidat directeur et n'avaient pas procédé à des investigations plus pous-sées qui leur auraient permis de découvrir que M. Z... venait de déposer le bilan de cette société aussitôt mise en liquidation de biens ;

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Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres énonciations, desquelles résultait la faute inexcusable de la société Cart Expert X... et de son syndic, les con-séquences juridiques qui en résultaient ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris

Le moment de l’appréciation de l’erreur

Doc. 14 : Civ. 3ème, 23 mai 2007

Vu l'article 1110 du code civil ; Attendu que pour accueillir la demande en annulation de la vente, l'arrêt, qui relève que

le retrait fait disparaître rétroactivement la décision qui en fait l'objet laquelle, de ce fait, est ré-putée n'avoir jamais existé, retient qu'il est établi que le caractère constructible du terrain en cause était un motif déterminant du consentement donné par les époux Z..., dans la mesure où ceux-ci avaient fait insérer dans l'acte sous seing privé en date du 9 novembre 1998 une condi-tion suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire, et que l'arrêté municipal du 4 fé-vrier 1999 rapportant le permis de construire précédemment accordé et refusant tout permis con-sacre le caractère inconstructible du terrain en cause ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la rétroactivité est sans incidence sur l'erreur, qui s'appré-cie au moment de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Et sur le moyen unique du pourvoi incident : Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter les époux Z..., l'arrêt retient qu'ils n'ignoraient pas que le ter-rain dont ils faisaient l'acquisition était situé dans une zone inondable, que M. X... et M. Y..., no-taires, ont pris la précaution de leur faire signer la fiche intitulée "renseignements d'urbanisme", qui a été annexée à l'acte authentique en date du 29 décembre 1998 et dans laquelle il a été ex-pressément indiqué "inondable de 0 à 1 mètre - limite crue centennale", que dans cet acte, après le rappel du contenu de la note, il est précisé "de laquelle note d'urbanisme, l'acquéreur reconnaît avoir pris connaissance et s'engage à faire son affaire personnelle des indications et prescriptions qu'elle contient" et qu'il apparaît, dès lors, qu'il ne peut être reproché aux notaires intervenants à l'acte d'avoir manqué à leur devoir de conseil en l'état des informations dont ils avaient alors connaissance, étant précisé que les époux Z... qui achetaient ce terrain dans le cadre de la loi Pé-rissol ne contestent pas qu'ils devaient signer cet acte avant le 31 décembre 1998 pour pouvoir mener à bien cette opération sur le plan fiscal ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les notaires n'avaient pas manqué à leur devoir de conseil en omettant d'éclairer leurs clients sur les risques qu'ils encouraient en s'engageant avant que le permis de construire n'ait acquis un caractère défi-nitif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ; PAR CES MOTIFS :

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CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2005, entre les par-ties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence

Doc. 15 : Civ. 3ème, 12 juin 2014 Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 23 janvier 2013), que le 27 novembre 2008, les époux X... ont vendu à M. Y... et Mme Z... (les consorts Y...) un terrain destiné à la construction d'une maison d'habitation ; que le permis de construire délivré aux acquéreurs le 13 octobre 2008 a été retiré le 5 janvier 2009 en raison de la suspicion de la présence d'une cavité souterraine ; que les consorts Y... ont assigné le notaire et les époux X... en annulation de la vente et en répa-ration du préjudice subi ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'accueillir les demandes des consorts Y..., alors, selon le moyen : 1°/ que la rétroactivité est sans incidence sur l'erreur, qui s'apprécie au moment de la conclusion du contrat ; que la parcelle vendue était constructible à la date de la signature de l'acte, le 27 no-vembre 2008 ; que la cour d'appel qui a déduit du caractère rétroactif du retrait du permis de construire intervenu postérieurement à la vente, le 5 janvier 2009, que l'erreur sur la constructibi-lité immédiate du terrain existait au moment de la formation du contrat, pour prononcer la nullité de celui-ci, a violé l'article 1110 du code civil ; 2°/ que l'erreur s'apprécie au moment de la formation du contrat ; que la cour d'appel, qui a cons-taté que le retrait du permis de construire était intervenu à la suite d'une suspicion de cavité sou-terraine et que cette suspicion avait été mise en évidence postérieurement à la vente, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que la cause du retrait de permis de construire préexistait à la vente, et a violé l'article 1110 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la constructibilité immédiate du terrain était un élément déterminant du consentement des acquéreurs et constaté que le risque lié à la présence d'une ca-vité souterraine existait à la date de la vente, la cour d'appel a pu en déduire que la décision de retrait du permis n'avait fait que prendre en compte la réalité de ce risque empêchant les acqué-reurs de construire et que la vente était nulle ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Doc. 16 : Commentaire de l’arrêt Civ. 3ème, 12 juin 2014, par Gatien CASU Petites affiches, 07 octobre 2014 n° 200, p. 15 et s. Droit des obligations Erreur sur la substance (Cass. 3e civ., 12 juin 2014) L’effet du retrait de permis de construction sur la vente du terrain censé la recevoir est une ques-tion débattue de longue date. Les vingt dernières années témoignent d’arrêts difficilement conci-liables auxquels celui du 12 juin 2014, consacrant la notion de « risque », semble a priori ajouter un surcroît d’incertitude. Une lecture attentive de l’arrêt permet pourtant de lever toute équi-

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voque et de déceler en lui une confirmation, par la Cour de cassation, de sa jurisprudence la plus récente. Erreur sur la substance. Risque. Permis de construire. Retrait. Cavités souterraines. Arrêt (...) NOTE Gatien CASU Docteur en droit « Vérité dans un temps, erreur dans un autre... » (1) . En 1721 déjà, le baron de Montesquieu sou-lignait la difficulté d'appréhender une réalité par nature évanescente. Parfois capricieux, souvent contingent, le réel n'est pas plus tangible qu'il est incontestable. Trois siècles plus tard la Cour de cassation nous rappelle cette certitude. Elle le fait toutefois à l'occasion d'un arrêt qui manque cruellement d'évidence. En l'espèce, un couple avait acheté un terrain nu dans l'objectif d'y élever sa maison d'habitation. Suspectant la présence d'une cavité souterraine, l'Administration avait décidé le mois suivant de retirer le permis de construire qu'elle lui avait accordé peu avant la signature de la vente défini-tive. Les acquéreurs ont alors demandé la nullité du contrat sur le fondement de l'article 1110 du Code civil. La cour d'appel de Rouen, infirmant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Dieppe, a décidé d'annuler la vente. Elle a considéré que « le retrait du permis de construire (...) a fait disparaître rétroactivement, et donc nécessairement au moment de la formation du contrat, toute constructibilité immédiate du terrain » ; or ce caractère constituant, « dans la commune in-tention des parties, un élément déterminant et substantiel de la vente », les acquéreurs avaient ainsi commis une erreur justifiant la nullité du contrat. Les vendeurs ont alors formé un pourvoi en cassation. Son unique moyen est divisé en deux branches. Il fait d'abord valoir que, conformément à une jurisprudence constante, l'erreur s'ap-précie au moment de la formation du contrat ; or le terrain étant constructible à cette date, l'er-reur était purement et simplement inexistante. Il relève ensuite une contradiction dans le raison-nement de la cour d'appel qui ne pouvait tout à la fois affirmer que la cause du retrait de permis préexistait à la vente et relever que le permis avait été retiré en raison du risque lié à la présence d'une cavité souterraine mis en évidence après la vente. Finalement, la Cour de cassation confirme la décision des juges d'appel et rejette le pourvoi. « La constructibilité immédiate du terrain étant un élément déterminant du consentement des acqué-reurs » et « le risque lié à la présence d'une cavité souterraine ayant existé à la date de la vente », les juges d'appel ont, à bon droit, considéré que les acquéreurs avaient commis une erreur justi-fiant la nullité du contrat. Cet arrêt de la Cour de cassation est important car il s'inscrit dans un contexte jurisprudentiel particulièrement instable. L'effet du retrait du permis de construction sur la vente du terrain cen-sé la recevoir est une question débattue de longue date. Les vingt dernières années témoignent d'arrêts difficilement conciliables auxquels la décision du 12 juin vient a prioriajouter un sur-croît d'incertitude. La consécration de la notion de « risque » comme cause de nullité d'un contrat pour erreur ne laisse pas d'interroger, notamment quant à la portée qui doit lui être accordée. Si certains auteurs ont déjà imaginé des prolongements nombreux à cette dernière évolution ju-risprudentielle (2) , une lecture attentive de l'attendu de principe inspire une conviction contraire.

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L'arrêt traduit la volonté de la Cour de stabiliser sa jurisprudence, de confirmer et de préciser la position de principe adoptée en 2007. Elle ne fait jamais ici qu'appliquer sa jurisprudence la plus récente, résorbant le trouble qui l'entourait et concourant ainsi à son éclaircissement. Malheureu-sement, l'affaire en question n'était sans doute pas l'occasion rêvée pour réaliser ce dessein. La volonté pédagogique de la Cour est mise à mal par la spécificité de l'affaire. La lisibilité de son discours est entachée par un attendu ramassé où elle consacre la notion nébuleuse de « risque » sans vraiment s'en expliquer. La portée de l'arrêt est donc délicate à cerner. Cet arrêt pourrait facilement être pris pour une profonde évolution jurisprudentielle. Il n'en n'est rien. La complexité ne vient pas de la règle, elle vient du cas. C'est arrêt n'est que l'application d'une jurisprudence limpide (I) à un cas com-plexe (II). I. Une jurisprudence limpide L'acquéreur d'un terrain dont le permis de construire est retiré peu de temps après l'achat peut-il demander la nullité de la vente pour erreur ? Si la question paraît simple, les réponses apportées ces dernières années par la jurisprudence sont difficiles à synthétiser. La portée des arrêts est douteuse, quant ils n'apparaissent pas contradictoires. L'arrêt commenté est salutaire à cet égard. Il vient dissiper le trouble jurisprudentiel existant (A), livrant une grille de lecture particulièrement claire de la position définitivement adoptée par la Cour de cassation (B). A. Le trouble jurisprudentiel antérieur Enjeux du débat. Il est bien établi en jurisprudence que l'erreur doit s'apprécier au temps de la formation du contrat. L'erreur naît d'un décalage entre la réalité au moment de la vente et la ma-nière dont elle a été perçue par l'acquéreur. Inversement, si la situation vient à changer après la signature du contrat, l'erreur est inexistante puisque au moment de sa signature, l'acquéreur s'est fait une représentation correcte de la réalité. Appliquée au cas particulier du retrait de permis de construire, la règle fournit une solution simple. Au moment de la vente, le terrain était bien constructible ainsi que le pensaient les ac-quéreurs. C'est après la vente que le projet de construction s'est avéré irréalisable du fait du re-trait du permis de construire. En l'absence de distorsion au moment de la vente entre la croyance des acquéreurs et la réalité, l'erreur doit en principe être exclue. Logique, la solution est pourtant loin d'être évidente. Il faut en effet compter avec la magie créa-tive du droit qui lui permet parfois d'user de la fiction pour travestir la réalité. L'exercice de ce pouvoir a un visage et un nom : la rétroactivité. L'annulation rétroactive du permis de construire bouleverse le passé et produit des conséquences en cascades. L'acte étant censé n'avoir jamais existé, le permis de construire est censé n'avoir jamais été délivré et le terrain est réputé n'avoir jamais été constructible, pas plus au moment du retrait du permis de construire qu'au moment de la formation du contrat. Il s'ensuit que les acquéreurs ont bien commis une erreur puisqu'ils ont cru immédiatement constructible un terrain qui, en fait, ne l'était pas véritablement. La position historique. Ces deux théories sont à la fois également recevables et parfaitement in-conciliables. Pendant longtemps, l'arbitre naturel de ces deux théories a livré une jurisprudence équivoque. Les arrêts de la Cour de cassation en la matière sont difficiles à synthétiser. Trois ar-rêts de 1983 (3) , 1999 (4) et 2003 (5) ont manifestement consacré la théorie de la rétroactivité. Dans le premier arrêt, la Cour avait censuré la cour d'appel, considérant que « le retrait pour illé-

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galité d'un acte administratif avait pour effet son annulation rétroactive » et qu'il devait dès lors être « réputé n'avoir jamais existé » (6) . Le second arrêt parvenait à la même conclusion. Le droit de construire, octroyé à un acquéreur en 1991, avait été annulé peu après sur le fondement de la loi Littoral de 1986. L'effet rétroactif de l'annulation entraînait l'inconstructibilité du terrain dès 1986 et caractérisait l'erreur au moment de la formation du contrat. Dans le dernier arrêt au con-traire, la Cour avait refusé d'annuler le contrat de vente pour erreur, faute de l'existence d'une décision rétroactive. En effet, l'inconstructibilité du terrain faisait suite à une révision du plan d'occupation des sols postérieure à la vente. Cette révision étant dépourvue d'effet rétroactif, le terrain n'est véritablement devenu inconstructible qu'au moment de son prononcé. Au moment de la vente, le projet de construction était tout à fait réalisable. Les acquéreurs n'avaient alors pas commis d'erreur. Ces trois arrêts manifestent clairement la faveur jurisprudentielle faite à la théorie de la rétroac-tivité. L'annulation rétroactive d'un permis de construire fonde l'erreur des acquéreurs au moment de la vente. Le doute. La jurisprudence semblait bien établie jusqu'à ce qu'un arrêt du 23 mai 2007 (7) vienne jeter le trouble. Dans cette affaire, le permis de construire délivré avant la vente avait été retiré en raison de la crue d'un ruisseau intervenue peu après l'acquisition. Si la Cour de cassation avait fait application de sa jurisprudence antérieure, elle aurait dû annuler la vente pour erreur. En ef-fet, le retrait du permis de construire étant rétroactif, le terrain aurait dû être considéré comme inconstructible au moment de la vente, entraînant de facto la nullité du contrat de vente. À la grande surprise, la Cour de cassation a pourtant refusé de prononcer la nullité au motif que « la rétroactivité est sans incidence sur l'erreur, qui s'apprécie au moment de la conclusion du contrat ». La portée de ce nouvel arrêt était délicate à cerner. La formulation ramassée de l'attendu de prin-cipe invitait à le considérer comme un véritable revirement de jurisprudence ; mais en même temps, la radicalité de la règle apparaissait excessive. Pris au pied de la lettre en effet, l'attendu laissait croire qu'un acquéreur dont le permis de construire était annulé ou retiré après la vente ne pourrait en aucun cas obtenir l'annulation du contrat pour erreur. Face à cette difficulté d'interprétation, la Cour de cassation avait à cœur de remettre les choses à plat. L'arrêt commenté lui a permis d'éclaircir sa position, de confirmer l'arrêt de 2007 et de li-vrer la clé de compréhension de sa jurisprudence. B. Une mise au point salutaire La lecture de l'attendu de principe livre trois informations importantes permettant de lever le voile sur la position jurisprudentielle de la Cour de cassation. Celle-ci confirme d'abord que la rétroactivité est sans incidence sur l'appréciation de l'erreur. Elle confirme ensuite que cette er-reur doit s'apprécier au moment de la conclusion du contrat. Elle termine enfin et surtout par pré-ciser et expliquer la marche à suivre pour caractériser cette erreur. Première confirmation. La rétroactivité est sans incidence sur l'appréciation de l'erreur. Si la vente doit être annulée, ce n'est certainement pas sur ce fondement et il faut s'en féliciter. Cer-taines solutions fondées sur la rétroactivité étaient en effet difficilement tenables. Il suffit pour s'en convaincre d'imaginer deux personnes achetant chacune deux terrains contigus et construc-tibles. La première sollicite un permis de construire délivré avant la vente. Ce permis est retiré peu après la vente par application de la loi Littoral votée avant la vente. Le POS est ensuite révi-

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sé et les terrains sont définitivement classés inconstructibles. Dans cette situation, l'erreur serait constituée à l'égard de l'acheteur dont le permis a été retiré, car ce retrait est rétroactif. En re-vanche, la vente serait maintenue à l'égard du second acquéreur car la révision du POS, elle, n'est pas rétroactive. Fonder l'erreur sur la rétroactivité entraînerait donc une rupture d'égalité selon que l'inconstrucibilité immédiate du terrain est le fruit d'une décision administrative rétroactive ou non. Il est donc heureux que la Cour de cassation enfonce ici le clou planté en 2007 et refuse de fonder sa décision sur le caractère rétroactif du retrait de permis de construire. Seconde confirmation. L'erreur s'apprécie au moment de la conclusion du contrat. Reprenant son attendu de 2007, la Cour confirme que l'erreur doit s'apprécier « au moment de la vente ». La précision est utile, mais elle demeure équivoque. Si le juge doit ignorer la rétroactivité du retrait de permis et s'il doit se placer au moment de la formation du contrat, on voit mal comment la vente pourrait être annulée. Au moment de la vente, le terrain est nécessairement constructible puisqu'un permis autorise les acquéreurs à élever leur construction. La précision. C'est là que la Cour de cassation livre la clé de lecture de sa jurisprudence. Pour déterminer s'il y a erreur au moment de la vente, il faut rechercher la raison qui justifie le retrait du permis de construire. En l'espèce nous dit-elle, l'erreur est constituée car « la décision du re-trait de permis de construire n'a fait que prendre en compte » la présence suspecte des cavités souterraines. Dès lors, ce qui compte, ce qu'il faut rechercher pour caractériser l'erreur, c'est la raison, la cause du retrait du permis de construire. Pourquoi le permis a-t-il été retiré ? Pourquoi le terrain est-il inconstructible immédiatement ? Si la cause du retrait préexistait à la vente, les acquéreurs ont bien commis une erreur au moment de la conclusion du contrat. Si le permis est retiré à cause d'un événement postérieur à la vente, l'erreur ne peut être caractérisée. Fort de cette précision, la jurisprudence passée apparaît d'un jour nouveau. Elle explique le refus de caractériser l'erreur dans l'arrêt de 2007. Dans cette affaire, le retrait du permis de construire était fondé sur la crue d'un ruisseau intervenue après la signature définitive de la vente. Les ac-quéreurs n'avaient donc commis aucune erreur puisque l'inconstructibilité du terrain était liée à une modification de la chose postérieure à la vente. Au moment de la conclusion du contrat, le terrain était objectivement constructible, ainsi qu'ils le pensaient. En revanche, lorsque le permis de construire est déclaré illégal après la vente définitive, sur le fondement d'une loi entrée en vi-gueur avant cette date, l'erreur est caractérisée. En effet, la cause de l'annulation (ou du retrait) du permis de construire existait au moment de la vente. Aussi pertinente soit-elle, l'application de cette règle jurisprudentielle était rendue délicate dans l'affaire en cause. Les faits présentaient, il est vrai, un caractère atypique obligeant la Cour à s'aventurer sur un terrain mouvant et à consacrer la notion nébuleuse de « risque ». Cette incise sème malheureusement le trouble quant à l'interprétation de l'arrêt, situation regrettable alors que ce dernier entendait justement dissiper toute équivoque. II. Un cas complexe Si l'énoncé de la règle jurisprudentielle est limpide, il n'est pas certain que l'affaire en cause ait été la plus appropriée pour la recevoir. Les faits de l'espèce étaient d'une particularité indéniable que la Cour de cassation a refusé de prendre en compte (A). Elle a appliqué sa règle sans l'adap-ter. Cette politique de la Cour est critiquable pour ses conséquences (B). La complexité du cas rejail-lit sur l'attendu de principe. Il devient hermétique et génère une solution vulnérable.

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A. Une complexité niée Les circonstances de l'affaire soumise à la Cour de cassation étaient complexes, complexité qui tenait à la cause justifiant le retrait du permis de construire. En effet, le permis n'a pas été retiré en raison d'un fait établi (la présence de cavités souterraines), mais en raison d'un risque (la sus-picion de leur présence). Cette spécificité rendait malaisée l'application de la règle jurispruden-tielle. Si le retrait avait été fondé sur la présence certaine des cavités souterraines, il aurait été facile de l'appliquer. Il aurait suffi de considérer que, les cavités souterraines ayant existé bien avant la si-gnature du contrat de vente, le terrain n'avait en fait jamais été constructible. « De la même ma-nière qu'un tableau a pu être authentifié comme étant de la main de Picasso au moment de la vente alors que de nouvelles expertises ont ensuite révélé qu'il ne l'était pas, un terrain a égale-ment pu être, à tort, déclaré constructible à la date de la vente avant qu'une décision administra-tive retire l'autorisation jugée illégale » (8) . Dans cette hypothèse, le retrait du permis de cons-truire n'aurait fait que prendre en compte la réalité existante au moment de la vente, réalité que les acquéreurs avaient mal appréciée. Les acquéreurs auraient alors bien commis une erreur. Le problème en l'espèce est que le retrait du permis de construire était fondé, non sur la présence des cavités souterraines, mais sur la suspicion de leur présence. Le retrait du permis de construire était donc lui-même fondé sur un risque, risque dont la Cour devait apprécier l'existence au mo-ment de la vente. Deux solutions étaient alors envisageables : soit le risque à l'origine du retrait du permis de construire existait au moment de la vente, le permis n'aurait jamais dû être délivré et les acquéreurs auraient bien commis une erreur en croyant le terrain immédiatement construc-tible ; soit le risque était inexistant au moment de la vente, le terrain était immédiatement cons-tructible et les acquéreurs n'auraient commis aucune erreur. Le raisonnement est simple, convainquant et certaines situations factuelles viennent naturelle-ment à l'esprit pour attester de sa pertinence. On imagine le cas d'un permis de construire retiré en raison du risque d'éboulement créé par des pluies diluviennes. Dans cette situation, il faut, pour caractériser l'erreur, vérifier si le risque d'éboulement existait au moment de la vente. Ce risque étant né le jour de l'orage, il suffit d'apprécier si la vente définitive s'est déroulée avant ou après celui-ci. L'erreur sera caractérisée dans le premier cas. Elle sera écartée dans le second. Malheureusement, en dehors de quelques cas exceptionnels, il est bien difficile de déterminer la date à laquelle un risque prend naissance. Là est la spécificité de l'affaire et le talon d'Achille de la règle jurisprudentielle. À la différence d'un fait établi, la détermination de l'existence du risque au jour de la vente confine à la gageure. Pour sortir de cette indétermination, les juges auront sans doute tendance à regarder si le risque s'est finalement réalisé dans un futur proche, car lorsqu'une situation se réalise, c'est en principe que le risque de sa réalisation existait auparavant. Il y a donc fort à croire que, pour une même situation, la qualification de l'erreur au moment de la signature du contrat dépendra de la réalisa-tion future du risque. Cette solution est difficilement acceptable. L'affaire en cause permet de l'illustrer. En l'espèce, la présence suspecte des cavités souterraines fut confirmée par une carte géologique dressée en juin 2009. L'existence des cavités étant avérée, le risque de leur présence existait né-cessairement au moment de la vente. Il existait d'ailleurs depuis des millions d'années, depuis la date de leur création. La révélation de leur existence certaine n'a fait que transformer ce risque

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en réalité. Les acquéreurs ont donc bien commis une erreur puisqu'ils ont ignoré un risque qui existait au moment de la vente et qui fait obstacle à leur projet de construction. Imaginons maintenant une situation identique, à cette différence près que la présence des cavités ne puisse être scientifiquement établie. Il est possible que les cavités existent, mais il est impos-sible de le démontrer. Comment, dans cette situation, déterminer la date à compter de laquelle le risque prend naissance ? Dans cette situation, en l'absence de certitude quant à la présence des cavités souterraines, la tendance naturelle sera sans doute de considérer que le risque est né au jour de sa révélation. Le risque n'existe en fait qu'à compter du jour où il est connu. En l'espèce, le risque a été révélé par une étude provisoire en date du 16 décembre 2008, soit une quinzaine de jours après la vente définitive. Dans cette situation, le risque serait considéré comme inexis-tant au moment de la vente, l'erreur serait donc légitimement écartée. La solution pourrait donc s'avérer radicalement différente selon la réalisation future du risque, ou non. La Cour de cassation fait donc application de sa jurisprudence de 2007 sans remarquer les spéci-ficités d'une affaire qui justifiait peut-être son adaptation. Fidèle à sa position de principe, elle recherche si l'erreur existait au moment de la formation du contrat, elle vérifie si la cause qui fonde le retrait du permis de construire existait à cette date. Le problème ici est que le retrait du permis de construire n'est pas fondé sur un fait établi, mais sur un risque dont la date de nais-sance est souvent impossible à déterminer. Il y a fort à croire que cette date sera fixée différem-ment selon que le risque s'est réalisé ou non dans un futur proche. L'œuvre jurisprudentielle de la Cour de cassation livre ici ses limites. B. Une négation dommageable L'application par la Cour de sa jurisprudence de 2007 est ici doublement dommageable. La solu-tion à laquelle elle aboutit ne laisse pas indifférent. Peut-être la particularité des faits aurait-elle justifié une modification de la règle jurisprudentielle entraînant, par voie de conséquence, une solution inverse. Sans doute la particularité des faits aurait-elle justifié une motivation plus ex-plicite susceptible d'éradiquer ab initio tout problème d'interprétation. En d'autres termes, il semble que l'attendu de principe de la Cour de cassation aurait mérité d'être adapté aux faits ou, à tout le moins, d'être davantage expliqué. Une solution contestable. En définitive, la Cour de cassation rejette le pourvoi. L'arrêt de la cour d'appel caractérisant l'erreur est confirmé. Si le raisonnement de la Cour de cassation est re-doutable d'efficacité, il n'est pas certain toutefois qu'il aboutisse à une solution parfaitement équitable. Pour le comprendre, il faut s'échapper de la technique juridique, rappeler la chronolo-gie des faits, identifier la vraie question posée par cette affaire et prendre suffisamment de hau-teur pour la trancher. Si l'on s'émancipe du droit et de ses règles, l'analyse des faits permet d'identifier le véritable problème. En substance, la difficulté tient simplement au fait qu'un terrain constructible vaut bien plus cher qu'un terrain qui ne l'est pas. Toute la question est alors de savoir qui doit suppor-ter la dépréciation du bien liée à la révélation de son inconstructibilité lorsque cette révélation intervient à l'occasion d'une transaction immobilière. En l'espèce, la question était de déterminer qui du vendeur ou de l'acquéreur devait supporter la dépréciation liée à la révélation de la pré-sence des cavités souterraines.

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Lorsque l'inconstructibilité tient à un fait établi (présence d'une cavité souterraine, présence d'es-pèces protégées par exemple), il est logique que, conformément au droit commun des contrats, l'acquéreur puisse invoquer l'erreur si ce fait, révélé après la vente, existait au jour de sa signa-ture. Les règles de la prescription extinctive sont alors chargées de limiter l'effet perturbateur in-hérent à l'annulation des conventions. En revanche, lorsque l'inconstructibilité résulte d'un risque, la dépréciation du terrain tient au ha-sard d'une révélation incertaine. Il n'y a rien d'anormal à ce que la désignation du malheureux tienne alors à l'adversité. Instinctivement, la solution qui vient à l'esprit consiste à faire peser la dépréciation du terrain sur celui, du vendeur ou de l'acquéreur, qui est propriétaire au moment de la révélation du risque. En l'espèce, le risque de présence des cavités ayant été établi trois se-maines après la vente définitive du terrain, l'acquéreur aurait logiquement dû en supporter la charge. Ce résultat relève de l'évidence si l'on considère, ainsi que le soutenait le pourvoi, qu'un risque n'existe véritablement qu'à compter du moment où il est révélé, qu'il ne naît qu'avec la conscience de son existence. En l'espèce, les acquéreurs n'ont pas commis d'erreur, car le risque justifiant le retrait du permis de construire n'est apparu qu'après la signature de la vente défini-tive (9) . Une motivation lapidaire. L'attendu de principe de la Cour de cassation est rédigé de manière très concise. Il livre beaucoup d'informations et consacre le risque, notion toujours délicate à manipuler. Il n'est donc pas étonnant que l'arrêt ait été livré à la spéculation interprétative. Cer-tains auteurs en ont étendu la portée, considérant par exemple qu'une « simple procédure en an-nulation de permis, même sans garantie de succès, pourrait [désormais] entraîner la nullité pour erreur par le risque qu'elle engendre sur la constructibilité » (10) . C'est sans doute donner à l'arrêt plus d'importance qu'il n'en a réellement en confondant le risque d'inconstructibilité, d'une part, et l'inconstructibilité fondée sur un risque, d'autre part. L'arrêt commenté se limite à la seconde hypothèse, une hypothèse dans laquelle il doit être contenu. Sa portée doit demeurer cantonnée au cas où un permis de construire est retiré en raison d'un risque existant au moment de la vente. Sans doute ne faut-il pas attendre de cet arrêt à l'attendu intriguant qu'il dépasse le cadre de l'af-faire qui lui a donné naissance et de celles qui lui seront analogues. L'avenir nous le dira...