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Thème 4- intégration, conflit et changement social
CHAPITRE 2 : LA CONFLICTUALITÉ SOCIALE : PATHOLOGIE, FACTEUR DE COHÉSION OU MOTEUR DU CHANGEMENT SOCIAL ?
INDICATIONS COMPLÉMENTAIRES : On montrera que les conflits peuvent être appréhendés à partir
de grilles de lecture contrastées : comme pathologie de l’intégration ou comme facteur de cohésion ; comme
moteur du changement social ou comme résistance au changement. En s’appuyant sur quelques exemples,
on s’interrogera sur la pertinence respective de ces différents cadres d’analyse en fonction de la nature des
conflits et des contextes historiques. On s’intéressera plus particulièrement aux mutations des conflits du
travail et des conflits sociétaux en mettant en évidence la diversité des acteurs, des enjeux, des formes et des
finalités de l’action collective.
Acquis de première : groupes d’intérêt, conflit
NOTIONS : Conflits sociaux, mouvements sociaux, régulation des conflits, syndicat
Séance 1
Section 1 : Quelles sont les transformations qui affectent les conflits sociaux ?
§ 1- les conflits sociaux : première approche et conditions de mise
en œuvre
A- La mise en œuvre de la conflictualité sociale suppose la possession et l’utilisation de ressources diverses pour passer d’un conflit latent au conflit ouvert….
1° ) Comment définir la conflictualité sociale ?
Travail 1 :
Extrait vidéo Maryflo1 à voir chez soi; http://www.youtube.com/watch?v=I6W-dvRIiCM
Allez voir impérativement cette vidéo qui dure 15 minutes, c’est du documentaire quasi brut
extraordinaire
Texte factuel accompagnant la vidéo : 1° ) Y a t’il conflit latent ou ouvert dans le cas de
Maryflo (terme vu en 1° ES) ? Le conflit ne démarre que tardivement, pourquoi ? 2° ) ; Que
demandent les ouvrières ? Quelle est la portée de leurs revendications ?
Rappel des faits : MARYFLO est une entreprise de confection textile installée à Kervignac, près de Lorient depuis 1992. Les 110
salariés de cette société ne se remettront jamais complètement d'avoir fait la une de l'actualité sociale pendant plusieurs semaines.
La cause de la grève qui a amené les projecteurs dans ce petit coin de Bretagne n'est pas banale : 80 ouvrières ont cessé le travail en
janvier 1997, pour qu'on leur accorde " le droit au respect ".
Hervé NISIC est allé voir, sur les lieux, près de 9 mois plus tard, ce que ce conflit entre les salariées d'une usine et ses dirigeants
avait laissé comme traces dans les esprits et dans les vies de ces femmes, blessées dans leur dignité par un directeur technique peu
scrupuleux.
Historique : - En juin 1996, la Présidente de Maryflo nomme un directeur technique pour tenter de relancer son entreprise en améliorant les
rendements des ouvrières. Si la mission n'est pas facile, elle ne peut pourtant pas excuser le comportement inadapté de ce cadre qui
a très vite commencé à malmener le personnel, à priori de bonne volonté face aux nouvelles nécéssités de production.
A force de subir les injures et les humiliations publiques de l'individu, certaines se sont interrogées sur le " Droit au respect "
qu'elles pensaient pouvoir réclamer. Harcèlement, provocations et menaces durent pourtant pendant plusieurs mois de 6 mois avant
qu'un syndicat ne soit créé (la CFDT) et que la grève ne soit décidée, en Janvier 1997. 2
- 80 salariées quittent donc leur poste de travail en espérant être entendues, tant elles ne peuvent plus supporter les sarcasmes qu'on
leur impose sous prétexte de respecter le chronomètre. La cadence, devenue infernale, est encore moins pénible que l'ambiance qui
règne dans les ateliers où certaines voient leurs collègues fléchir sous le poids des injures. Ces novices des revendications sociales
sortent donc de l'usine pour crier leur révolte et tenter de déstabiliser la direction de l'entreprise qui feint d'ignorer les agissements
du contremaître.
- Après plusieurs semaines de grève, l'affaire est portée devant le tribunal de commerce qui décide finalement du licenciement du
personnage en question. Un administrateur judiciaire est nommé, il reprend la direction des opérations. - En Juillet 1997, un plan
social concernant 50 des salariées de l'usine est mis en place... la déception est considérable pour toutes ces femmes qui croyaient
encore en leur avenir chez Maryflo. Certaines travaillent encore, d'autres ont été mises en prè-retraite et plusieurs sont en formation
pour envisager un reclassement.
La caméra d'Hervé NISIC est allée à la rencontre de ces femmes, a filmé ces visages qui expriment le désarroi, plusieurs mois après
les faits. Leurs mots expriment encore le malaise de ces longs mois, avant que ne soient formulées leurs attentes pour demain. La
bataille fut difficile, longue et angoissante, le résultat n'est pas très encourageant pour l'avenir de l'entreprise mais elles sont fières,
soulagées du caractère d'exemplarité que revêt aujourd'hui leur action : Se battre pour travailler dans des conditions acceptables...en
France en 1997
?
1° ) Y a t’il conflit latent ou ouvert dans le cas de Maryflo (termes vus en 1° ES) ? Le conflit
ne démarre que tardivement, pourquoi ?
Ces conflits potentiels ne deviennent effectifs qu'à partir du moment où les groupes se
mobilisent. Dans le cas de Maryflo les ouvrières sont infériorisées, fragilisées et
individualisées. Au départ elles n’ont pas la capacité pour se mobiliser. Il n’y a pas de section
syndicale, il n’y a aucune culture de l’action collective chez ces filles. Bef elles n’ont pas les
ressources matérielles, symboliques, morales pour se mobiliser.
Cela permet de mieux comprendre ce qu’est un conflit social (l’utilisation du terme
social implique que le conflit est ouvert).Tant que le conflit ne sort pas de l’usine Maryflo, il
est un conflit latent. Dès que les ouvrières se mettent en grève, le conflit devient un conflit
social car une action collective vient révéler ce qui était sous-jacent et le porte dans la
société.
Conflit social : action d’un groupe d’individus dont le but est de défendre des
intérêts particuliers ou des valeurs, dans un rapport conflictuel avec un adversaire
identifié.
Il y a présence d’une opposition mais ..
…Si les acteurs ne se mobilisent pas, on dira
que le conflit est LATENT / OUVERT
Situation potentiellement conflictuelle dans laquelle
des groupes sociaux ont des valeurs, des intérêts ou des
attentes différentes ou opposées, mais n’expriment pas
cette opposition. il peut s'agir d'une répartition inégale des ressources qui
profite à un groupe plutôt qu'à un ou plusieurs autres, même
si la situation est acceptée par ces derniers
…Si les acteurs parviennent à se mobiliser,
on dira que le conflit est LATENT /
OUVERT
Situation conflictuelle explicite dans laquelle
des groupes sociaux expriment leurs
oppositions de façon plus ou moins violente
mais toujours explicite (verbalisation,
manifestations, affrontements…)
L’enjeu est de comprendre comment passe t‘on du conflit latent au conflit ouvert
Le conflit social est donc visible dans la société, donc lisible pour tout le monde dans
l’espace public (importance de la symbolique). On peut souligner le rôle crucial des médias
dans ce phénomène de lisibilité. Pour cela il faut un moyen d’expression, et puiser dans ce
que l’historien américain Charles Tilly appelle, un répertoire de l’action collective (grève,
manifestations, occupations d‘usine, …sont des moyens traditionnels), mais ce répertoire est
évolutif.
2° ) Conflit social ou mouvement social ?
2° ) Retour sur Texte Maryflo; Que demandent les ouvrières ? Quelle est la portée de leurs
revendications ?
Elles demandent la démission du contremaître, que cessent les injures et les
humiliations quotidiennes. Il s’agit donc de revendications de portée locale.
Il ne s’agit donc pas d’un mouvement social
Mouvement social : action collective de portée générale, universelle, et qui vise à
transformer l’ordre social et/ ou politique
Pour le sociologue Alain Touraine (né en 1925, et papa de Marisol, Ministre des
Affaires sociales) un mouvement social doit réunir 3 principes :
1) principe d'identité collective : posséder une conscience de son combat et de ses
revendications.
2) principe d'opposition ; s 'opposer à une situation de domination sociale subie
3) principe de totalité : avoir un projet de société universel et société dépassant ses
propres intérêts et définir ses propres principes d'organisation de la vie en société.
Le mouvement ouvrier est l’archétype du mouvement social car le conflit social,
initialement circonscrit à l’entreprise (prenez la mine de « Montsou » dans « Germinal), s’est
étendu à toute la société, ce qui justifie que l’on parle de classes sociales plutôt que de
groupes sociaux, puisque les groupes ne rassemblent plus seulement, par exemple, les
ouvriers d’une entreprise, mais tous les ouvriers de la société. De même, le conflit social
mérite l’appellation de “ lutte des classes ” parce qu’il prend une valeur générale.
Ainsi, on retrouve les trois principes de Touraine ; identité collective (conscience de
classe) ; opposition (lutte des classes) ; principe de totalité (finalité révolutionnaire ou
réformiste)
Maintenant que nous avons fait cette distinction, appliquons la à des exemples
historiques et contemporains
Exemple : Montréal le 25 septembre 2006 : l’association « En vie sans ma
voiture »
Travail 2 en classe
VIDEO 2 – différents exemples de conflits anciens et contemporains ; Remplir en tableau
(travail en classe)
Exemple
date
Acteurs du
Mode d’action
Objectif/ finalité
Conflit ou
mouvement
social ?
Total 2010 Ouvriers et
direction de Total
Manifestation,
slogans, drapeaux…
défense de l’emploi
Conflit
MLF 1971 Féministe /
gouvernement
Manifestation,
slogans, drapeaux…
Remise en cause de
la domination
masculine
mouvement
Manif anti
CPE
2006
Jeunes /
gouvernement
Manifestation,
slogans, drapeaux…
Anti CPE conflit
Opposition à
Réforme des
retraites
2010
Des salariés,
syndicat../
gouvernements
Manifestation,
slogans, drapeaux
Contre la réforme des
retraites
conflit
Indignés
(Espagne)
Occupy wall
Street
2011 ? Des citoyens /
finances et
capitalisme et
gouvernements
libéraux
Occupation du site
(campement),
manifestation,
Médiatisation forte
Contre la finance et
le capitalisme ; pour
une nouvelle société
Mouvement
Notre dame
des Landes
(Nantes)
2012-
2013
Ecologiste,
citoyens /
gouvernements
Occupation du site
(campement),
manifestation,
Médiatisation forte
Contre la création
d’un nouvel aéroport
dans la région
nantaise
Conflit
mouvement ?
Tous ces exemples illustratifs sont à retenir et nourriront notre réflexion plus tard sur
l’évolution des conflits. La question qui se pose maintenant c’est de savoir comment parvenir
à construire la conflictualité. Nous avons essayé d’aborder brièvement cette question avec le
cas des ouvrières de Maryflo. Allons plus loin.
Séance 2
B- Comment les groupes peuvent ils mobiliser des ressources matérielles et symboliques pour rendre visible le conflit dans la société : l’exemple du « mouvement des pigeons »?
Le sujet est passionnant mais il faudra aller vite
Travail 3
Texte factuel long ; 1° ) lister toutes les ressources qui ont servi à mobiliser et à construire le
mouvement des pigeons et son succès éclair ; distinguez les ressources symboliques et
matérielles. 2° ) Le syndicat de patrons (Le MEDF) a t’il eu à intervenir dans ce conflit ?
"Pigeons" : genèse d'une mobilisation efficace Le Monde.fr | 04.10.2012 par Samuel Laurent
Happy end pour les "pigeons". Les revendications du mouvement des entrepreneurs contre le projet de loi de finances et
l'intégration au barème de l'impôt sur le revenu des plus-values de cessions mobilières, en clair de la revente de parts de société, ont
été entendues. Le gouvernement annonce qu'il va revenir sur ces dispositifs et rencontrer des représentants du mouvement issus du
milieu des start-up et des entreprises high tech.En quelques jours, la mobilisation née vendredi 28 septembre au soir et
abondamment relayée sur le Web et les réseaux sociaux, a payé. Les "pigeons" ont su attirer l'attention sur leur cas, que Bercy avait
quelque peu oublié : celui des jeunes entreprises et des start-up, dont l'économie repose sur des "business angels" qui investissent
dans des sociétés prometteuses avec l'espoir d'en retirer une plus-value quelques années plus tard.Les "pigeons" ont surtout su
fédérer une somme de mécontentements et de frustrations de la part d'entrepreneurs sincères, qui s'estiment peu entendus et mal
représentés par les syndicats patronaux traditionnels, Medef ou CGPME. Pourtant, derrière l'apparente spontanéité de ce
mouvement, on trouve quelques personnalités bien connues du milieu high-tech français, dont l'influence a sans doute été
déterminante.
UNE DISCUSSION SUR FACEBOOK
Tout remonte à une discussion sur Facebook, vendredi soir. Il est un peu plus de 22 heures lorsque Carlos Diaz, PDG de la société
Kwarter et fondateur d'autres start-up, comme BlueWiki, qui réside à San Francisco, aux Etats-Unis, s'indigne sur Facebook .C'est
lui qui a le premier, dans son texte, évoqué ce chiffre de 60,5 % de taxation pour la revente de parts d'entreprises. Un chiffre qui,
sans être faux, est approximatif : la taxation est en fait similaire à celle de l'impôt sur le revenu, et donc fonction du montant de la
transaction. 60,5 % représente un maximum, certes vite atteint en cas de revente de société.
"CRÉER UN MOUVEMENT GENRE LES INDIGNÉS" Fabien Cohen a envie d'agir. :"Faut trouver un nom super cool pour notre mouvement, qu'est-ce que vous pensez des 'pigeons' ?
"'Les pigeons' parfait, on trouvera pas mieux", approuve Carlos Diaz. "Qui crée la page Facebook ?" Ce sera lui, quelques minutes
plus tard. Il est 22 h 39, et "Les Pigeons, mouvement de défense des entrepreneurs français", est né.
La conversation se poursuit le lendemain, alors que la page a déjà été "aimée" par plus d'un millier de personnes. Nathanaël Ramos
propose d'ajouter au texte d'explication du mouvement le cas des auto-entrepreneurs. "Finie l'exonération de charges en l'absence
de chiffre d'affaires, assure-t-il. Les 1,1 million d'auto-entrepreneurs n'auront d'autre choix que soit de repointer au Pôle emploi,
soit de bosser au 'black'." Une affirmation erronée : l'exonération est maintenue s'il n'y a pas ou peu de chiffre d'affaires. Les
"Pigeons" reprendront pourtant la protestation dans leur manifeste.
PRESSE ET POLITIQUES ENTRENT DANS LA DANSE Dimanche 30 septembre, les "pigeons" publient un appel à manifester devant l'Assemblée le dimanche suivant à destination de
"tous ceux pour qui l'esprit d'entreprendre en France compte et qui s'inquiètent face aux intentions de l'actuel gouvernement". Lundi 1
er octobre, le mouvement a pris. Sur Facebook, il a dépassé ses créateurs, et certains "pigeons" prévoient même des
manifestations le week-end suivant. Il faut dire qu'il est relayé par quelques personnalités très influentes, comme Jean-Marc
Potdevin, partie prenante de sociétés comme Kelkoo ou Viadeo, Frédéric Montagnon(Overblog.com, Nomao), Pierre
Chappaz (Kelkoo.com) ou Marc Simoncini, PDG de Meetic, l'un des plus importants patrons de l'économie numérique française.
Les billets de blog abondent également, élargissant la problématique de la seule mesure sur les cessions d'entreprises à une
question plus générale sur la place des entrepreneurs et des start-up en France.
Sans surprise, le mouvement commence rapidement à intéresser la presse, notamment économique. D'EconomieMatin.fr à La Tribune ou BFM, certains médias sentent monter le "buzz" et s'intéressent tôt à cette révolte d'entrepreneurs, parfois sans cacher leur bienveillance à l'égard de ce mouvement nouveau.
LA VICTOIRE ÉCLAIR DES "PIGEONS"
Grands absents de cette polémique, les syndicats patronaux finissent par apporter – un peu tard – leur soutien à ces entrepreneurs
qui les ont débordés et se sont passés de leur aide pour leur mobilisation. La présidente du Medef, Laurence Parisot, évoque dans une interview à L'Expansion le "racisme" anti-entreprises, mais ne parle pas des "pigeons".
Une page Facebook et quelques relais efficaces dans la presse auront suffi à leur faire remporter cette guerre éclair contre un
gouvernement qui n'avait visiblement pas plus vu venir l'affaire que les syndicats patronaux.
1° ) lister toutes les ressources qui ont servi à mobiliser et à construire le mouvement des
pigeons et son succès éclair ; distinguez les ressources symboliques et matérielles..
Ressources matérielles : moyens modernes de communication, maîtrise des TICE,
moyens monétaires pour acheter des pages entières de publicité dans les grands journaux,…
Ressources symboliques : maîtrise de la communication et la capacité à persuader
l’opinion, soutien de personnalités connues et reconnues du monde économique, détention
d’un certain pouvoir dans la société, capacité à rendre légitime son action….
La capacité à mobiliser toutes ces ressources a permis la construction du mouvement,
son transport dans la société et son succès au final.
2° ) Le syndicat de patrons (Le MEDF) a t’il eu à intervenir dans ce conflit ?
Le mouvement a été si rapide et si imprévu que le MEDEF n’a pas eu à apporter ses
propres ressources symboliques ou organisationnelles ; il a même été pris de court. Il est
intervenu juste à la fin.
Si l‘on compare par rapport aux ouvrières de Maryflo on peut noter les dissymétries
dans l’accès à ces ressources. C’est la raison pour laquelle le mouvement ouvrier,
historiquement, s’est construit à en relation avec les syndicats pour parvenir à mobiliser
toutes ces ressources matérielles mais aussi symboliques ; passer par exemple d’une
position de classe laborieuse / dangereuse à une position d’exploité (la théorie marxiste
donnant là aussi des ressources symboliques).
§2- Les mutations des conflits du travail et des conflits sociétaux
A- Que deviennent les conflits du travail et les formes traditionnelles de protestation qui y étaient attachées ?
1° ) Un déclin des conflits du travail et des formes traditionnelles de l’action
collective….
Travail en classe
Le déclin de la grève, forme traditionnelle de mobilisation est visible dans le document
ci dessus. L’indicateur que l ‘on utilise ici est le nombre de JINT (journée Individuelle Non
Travaillée pour fait de grève).
Mais attention nous nuancerons ce constat plus tard car il se peut que l’indicateur
JINT ne soit pas suffisant ou que cette évolution présentée ci soit trop globalisante.
Cette évolution s’accompagne d’une évolution similaire du taux de syndicalisation qui
au final reste faible en France en comparaison d’autres pays européens. N’oublions pas que
les syndicats participent à la mobilisation de ressources à tous niveaux afin de construire la
conflictualité et la porter dans l’espace public.
Un syndicat est une organisation dont le but est de défendre des intérêts
professionnels et statutaires communs. Les syndicats sont par exemple la CGT , la CFT et
FO ….pour les salariés et le MEDEF (Mouvement des Entreprises DE France) pour les chefs
d’entreprises (notez que l’expression « patronat a disparu »).
TD ; rôle et crise du syndicalisme (La notion de syndicat est explicitement au programme)
2° ) Ce déclin des conflits du travail peut s’expliquer par la montée de
l’individualisme en relation avec la moyennisation….
Nous ne ferons que soulever des pistes pour expliquer le déclin des conflits traditionnels et
de la grève en particulier ; cela renvoi fortement à la question des classes et à l’enjeu de la
moyennisation et de la stratification sociale (thème suivant)
a) L’affaiblissement de la « conscience de classe » ouvrière et la diffusion
des valeurs individualistes des couches moyennes….
Polycopié 1
A l’origine, un ensemble de transformations économiques et sociales :
- Depuis le début des années 80, les restructurations industrielles (dans les mines, la sidérurgie, les chantiers navals,
l’automobile) font progressivement disparaître toute une culture ouvrière (pratiques, normes, valeurs propres aux
ouvriers), qui imprégnait aussi bien l’usine avec ses collectifs de travail, que le quartier avec ses associations. Des
régions entières, dans le nord et dans l’est ou dans la région de Marseille sont « sinistrées », elles enregistrent des taux
de chômage et des taux de pauvreté record. On sait que depuis 1975, les effectifs ouvriers (surtout non qualifiés)
reculent.
- La valeur du « travail ouvrier », qui faisait la fierté de l’ouvrier est remise ne cause. Accusé de n’être pas assez
compétitif, menacé par les délocalisations, précarisé, l’ouvrier perd la place qui était la sienne dans la société
industrielle. Il est dévalorisé. La représentation de l’ouvrier devient négative, surtout auprès des jeunes qui ont
fréquenté l’école.
- Les emplois ouvriers se transforment : plus souvent qualifiés, plus souvent exercés dans le secteur tertiaire. Les
ouvriers se rapprochent des employés : conditions d’emploi, de salaires, conditions de travail. Comme de plus en plus
d’employés accomplissent des tâches matérielles, les deux univers tendent à se confondre : même niveau de vie,
pratiques culturelles semblables, alliances matrimoniales (beaucoup d’ouvriers ont pour épouse une employée), même
type d’habitat.
- Les ouvriers comme les employés sont confrontés aux nouvelles formes de gestion de la main d’œuvre (contrats
courts, flexibilité des horaires, individualisation des parcours, obligations de résultats, mise en concurrence …) qui
tendent à casser les collectifs de travail.
- L’ouvrier n’est plus l’acteur central des conflits sociaux, le fer de lance de la lutte contre les patrons, celui qui
portait l’espoir d’une « révolution prolétarienne ». Le parti communiste et le vocabulaire de la lutte révolutionnaire sont
dépassés. Le capitalisme n’est plus concurrencé par le modèle soviétique. Aujourd’hui, le PC recrute davantage ses
électeurs auprès des professions intermédiaires qu’auprès des ouvriers.
Ces transformations tendent à faire disparaître « l’identité ouvrière » et la culture qui l’accompagnait.
Il y a diffusion des valeurs individualistes chez les classes moyennes.
Désindustrialisation et perte d’effectifs chez les ouvriers Tertiarisation et augmentation des effectifs chez les
employés, professions intermédiaires et cadres supérieurs, à tel point que l’on a pu parler de « moyennisation de la
société ». Les classes moyennes, que l’on définira plus précisément dans le prochain cours, sont porteuses de valeurs
individualistes (au sens sociologique) : quête de l’autonomie, culte de la performance mais aussi culte du bien être,
recherche d’un épanouissement personnel …
Les classes moyennes sont porteuses de valeurs qui tendent à se diffuser dans la société toute entière. Les
ouvriers qui désormais se fondent avec les employés dans une classe que l’on pourrait qualifier de « populaire » sont
interpellés par ces valeurs, ils aspirent à mieux participer à la société de consommation et le sentiment d’appartenance à
la classe moyenne progresse parmi eux.
Séance 3
b) ….rend plus difficile la construction d’une cause collective à défendre
L’enjeu est ici de bien comprendre comment le changement social décrit plus haut va
se répercuter sur la construction d’une cause collective à défendre
b1) Parce que la protestation n’est qu’une modalité parmi d’autres pour faire face à la
frustration et à l’insatisfaction des individus comme le montre le modèle de Hirschman
Travail 4
Document 3 page 305 Manuel : Répondez de manière brève. 1° ) Donnez deux exemples de
résistance individuelle face aux difficultés dans le monde du travail 2° ) Est ce de la
conflictualité sociale ?
1° ) Donnez deux exemples de résistance individuelle face aux difficultés dans le monde du
travail
Refus d’heures supplémentaires, absentéisme…
2° ) Est ce de la conflictualité sociale ?
Le répertoire de l’action a évolué vers des formes plus individuelles pour solutionner
les difficultés rencontrées dans le monde du travail. Ces solutions ne peuvent pas être
analysées comme de la conflictualité sociale.
Cette évolution peut être analysée en partie à l’aide des apports théoriques d’Albert
Hirschman
Il vient de décéder en décembre 2012 ; rendons-lui un hommage
Albert Hirschman, sociologue et économiste américain (1915 - 2012) a développé un
modèle passionnant dans un livre célèbre : « Exit, voice and loyalty ». Il montre que la
frustration et l’insatisfaction ne débouchent par forcément sur le conflit. Si un individu n’est
pas satisfait de sa situation sociale ou de ses conditions de travail, il peut se comporter
autrement que par la participation à un mouvement social (VOICE). Il y a deux autres
modalités : la fuite (EXIT) ou la loyauté à l’organisation, par exemple son entreprise
(LOYALTY). Voir aussi document 4 page 313.
Travail 4 (suite)
Insatisfaction
LOYALTY
Loyauté
EXIT
fuite
VOICE
conflit social
Exemple n° :
Exemple n° :
Exemple n° :
Exemple 1 « On a trop de scrupules par rapport aux élèves ! »
Démarrer sa carrière de prof en faisant grève ? Pas facile, selon Céline. Après une année de stage à Bourges
(Cher), cette prof de français de 25 ans vient tout juste d'être titularisée dans un lycée de Saint-Ouen (Seine-
Saint-Denis).Elle a manifesté samedi et soutient une grande partie des revendications. Mais mardi, elle fera
cours : « J'ai peur de prendre trop de retard avec mes classes. C'est typique des jeunes profs : on est débordé
par le rush de la rentrée car on n'a pas les réflexes des anciens. J'ai deux amies dans le même cas : on
voudrait bien faire grève, mais on a trop de scrupules par rapport aux élèves ! » (le monde, novembre 2007)
Exemple 2 : rechercher la promotion pour soi ou ses enfants (mobilité sociale ascendante) pour échapper aux
dures conditions du travail de la chaîne
Exemple3 : émigrer à Londres pour y trouver une nouvelle vie
Exemple 3 : se syndiquer et faire grève pour protester afin d’augmenter son salaire
Exemple 4 : démissionner de son entreprise pour éviter les difficultés
b2) Parce que l’intérêt individuel peut jouer contre la mise en œuvre des conflits : rappel
de la problématique du passager clandestin vue en première ES
Il s’agit d’un rappel très important de première ES ; il faut donc le faire sérieusement mais
on peut y aller en magistral car cela devrait être connu et à la limite on devrait ne pas le
traiter. Fiche possible !
Pour expliquer pourquoi un conflit social éclate ou pas, on peut d’abord se demander ce
que les individus ont à y gagner. On pourrait de prime abord penser qu’ils ont forcément
intérêt à participer au conflit puisqu’ils pourront de cette façon défendre ou améliorer leur
situation. Mais l’analyse se complique dès lors qu’on intègre les coûts que représente un
conflit social pour les individus
Le principal obstacle à la mobilisation collective est la rationalité individuelle selon
Olson (sociologue américain, « Logique de l’action collective »). Il utilise le concept de
rationalité tel que nous l’avons étudié chez les néoclassiques c’est à dire que l’individu fait un
calcul coût / avantage avant de faire ses choix
Travail 5
On remplira la fiche en classe
Question : Quels sont les avantages et les coûts de la participation à un conflit social (du
travail par exemple). Lesquels sont individuels et lesquels sont collectifs ? (aspect
fondamental)
Individu rationnel Mesure les
AVANTAGES de l’action collective : …………………..
…………………………………avantage…………………
…
COÛTS: de l’action collective :………………….……..
…………………………………………………………………
……………………………………coûts………………….
L'individu « rationnel » n'a pas intérêt à s'associer à la cause commune car
……………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………..
C'est la stratégie dite du ……………………………………………………………
La montée des valeurs plus individualistes favorise ce genre de calculs
3° ) ….Mais l’évolution des conflits du travail s’explique aussi par les mutations
de l’emploi et la segmentation du marché du travail
Travail 6
Document 2 page 304 Manuel ; 1° ) Pourquoi le chômage de masse peut il participer à
l’explication du recul de la grève ? 2° ) Quel est l’impact de la segmentation du marché du
travail sur la pratique de la grève et comment l’expliquer ?
1° ) Pourquoi le chômage de masse peut il participer à l’explication du recul de la grève ?
Le chômage rend le salarié plus anxieux face à la perte d’emploi ; il analyse la
participation au conflit social comme un risque ou comme un coût (pour revenir à un calcul
rationnel)
2° ) Quel est l’impact de la segmentation du marché du travail sur la pratique de la grève
et comment l’expliquer ?
La segmentation du marché du travail a un double impact.
- Elle remet en cause l’existence d’intérêts communs entre les salariés ; il est de
plus en plus difficile de transformer un conflit local en un mouvement plus global
(mouvement social dans son acception tourainienne)
- La flexibilité plus forte sur le marché secondaire et en particulier la flexibilité des
horaires (flexibilité quantitative interne) au sein de l’entreprise fait que les salariés se
rencontrent moins, n’entrent pas systématiquement aux mêmes horaires dans l’entreprise ce
qui nuit à la sociabilité et aux collectifs de travail. Il suffit de se rappeler ce qu’était la
l’entrée du matin dans les usines automobiles au cours des années 60, une marée humaine, les
ouvriers ayant parfois passé un moment au bistrot du coin pour boire un café …la sociabilité
et la réalité du collectif de travail n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui.
3° ) Quel est l’impact de la gestion plus individualisante des salaires et des parcours
professionnels ?
Une gestion plus individualisante des carrières et des salaires (mérite individuel)
compromet la réalisation d’intérêt commun et d’un collectif de travail là aussi.
Séance 4
4° ) Il faut cependant relativiser quelque peu l’idée selon, laquelle il y aurait
moins de confits dans le monde du travail
Lecture et réflexions en classe
Certes, depuis l945, la diminution est incontestable mais en même temps depuis 30 ans
le niveau reste à peu près identique. Le nombre de JINT est globalement le même, autour de
2 millions, avec des pics particuliers (1989 ; 1995 : manifestations contre la réforme Juppé de
la Sécurité Sociale ; 2003 : manifestations contre la réforme Fillon des retraites : 2010 :
manifestations contre la réforme des retraites).
Les salariés du secteur privé sont de moins en moins représentés tandis que ceux des
transports (privé et public) et ceux du public le sont plus. On peut donc conclure que les
conflits traditionnels du travail ne disparaissent pas.
On peut également conclure que les conflits traditionnels du travail ont disparu
partiellement dans le privé mais pas dans le public. Cependant les conflits de 1995 étaient
soutenus par l’opinion générale et les salariés du privé (notion de grève par procuration)
Quelles évolutions ont touché le secteur privé qui n’ont pas affecté le secteur public et qui
permettent de comprendre cette différence ?
Le privé a été moins affecté par la segmentation et la précarisation. La
construction de causes communes y est moins difficile. Mais la précarité est de plus en plus
présente par exemple dans l’Education Nationale cependant.
Document 2 page 308 Manuel : ce document montre t’il un déclin de la conflictualité dans le
monde du travail ? Justifiez.
Ce document nous montre qu’il y a ne plus grande diversité dans les formes prises dans
les conflits du travail. Il y a davantage notamment d’établissements concernés par les
grèves courtes (moins de 2 jours), des débrayages et des conflits sans arrêts de travail (manifestations, pétitions. Ces nouvelles formes de contestation nous permettent de relativiser
l’idée selon laquelle les conflits du travail seraient en net déclin. Certes, la voie traditionnelle,
la grève (notamment longue) est de moins en moins usitée.
B- Comment les conflits se transforment t’ils dans les sociétés contemporaines ?
1° ) Le déclin de la conflictualité traditionnelle s’accompagne d’un essor des
Nouveaux Mouvements Sociaux plus diversifiés et davantage orientés vers la
défense de valeurs…..
Ces NMS se développent depuis les années 60-70 (ou même avant) mais certains vont
prendre des caractéristiques encore plus spécifiques à partir des années 80-90
Nous avons déjà vu des exemples dans la vidéo de départ ; on se contentera de reprendre des
photos pour fixer les esprits ; cours magistral ou polycopié pour aller plus vite.
Dans l’ordre ; mouvement des suffragettes (EU, 1912) ; Mouvement pour les droits
civiques et ML King (1963, EU), Mouvement de libération de la femme (France, 1971),
Mouvement gay et lesbien (France), Mouvement altermondialiste, Autonomistes catalans
(Espagne, 2012), collectif jeudi noir avec occupation de locaux vacants, Brigade activiste des
Clowns contre l‘injustice, la précarisation et l’armée par le rire et la dérision.
Pour bien comprendre ces NMS il faut évoquer les modalités et formes de l’action,
les acteurs, les finalités ….qui sont différentes des conflits traditionnels
De nouveaux acteurs des conflits apparaissent ; ce ne sont plus seulement les
ouvriers et la classe ouvrière / capitalistes. Ce ne sont pas des conflits basés sur les
appartenances de classes.
Les NMS sont des mouvements sociaux où les revendications ne sont pas liées au
monde du travail et à la répartition des richesses mais à l’autonomie, à la liberté individuelle
en relation avec des valeurs nouvelles: Ces nouveaux mouvements sociaux vont avoir pour
objet, par exemple, la défense de l’environnement, la réalisation de l’égalité entre hommes et
femmes, la défense des consommateurs, la défense des minorités (les noirs, les homosexuels,
…) ou de la défense des droits (mouvements des sans papier, des sans logement, des sans …).
Par l’affirmation de ces valeurs nouvelles, le groupe cherche parfois à obtenir la
reconnaissance d’une identité particulière.
Les NMS utilisent des formes d’action renouvelées : dans ces nouveaux conflits,
la grève traditionnelle n’est pas toujours possible. L’expression prendra donc des formes
différentes : boycott de certains produits, marches de protestation, occupations d’immeuble,
destructions matérielles, grèves de la faim, sit-in, pétitions, etc… Le registre est varié, mais
vise souvent à occuper l’espace public de manière à être visible et en particulier d’être
médiatisé.
2° ) …….Et d’un militantisme renouvelé plus en phase avec l’individualisme
contemporain
Travail 7
Texte 1 : Comment fonctionne Lutte Ouvrière ? Les militants de Lutte Ouvrière sont organisés au sein de différentes structures, cercles ou cellules, le plus souvent autour
d’activités liées au travail d’entreprise. Ces différentes structures de base sont regroupées au sein de sections et de fédérations.
Il y a, à Lutte Ouvrière, des militants de tous âges : jeunes – étudiants ou travailleurs – qui, révoltés par les inégalités sociales, ont
envie de consacrer l’énergie de leur jeunesse à militer pour les idées révolutionnaires. Mais aussi des militants plus aguerris, des
travailleurs, des intellectuels, et des retraités – qui prouvent que, loin des idées reçues, on peut être ancien par l’âge de ses artères,
mais avoir gardé toute sa fougue militante et toute sa foi dans la révolution.
Nous demandons à tout postulant à une adhésion à Lutte Ouvrière d’en connaître les idées et le programme, et d’être en
accord avec ceux-ci. Nous nous efforçons de transmettre à chacun de nos camarades la culture politique et historique
indispensable pour avoir une compréhension commune de notre programme. À Lutte Ouvrière, il n’y a pas d’un côté des
« dirigeants » qui savent, et de l’autre des « militants de base » qui obéissent. Il y a des militants qui partagent la même culture, les
mêmes idées, un programme qui les lie et qui les soude, fondement d’une véritable démocratie interne. Tous n’ont évidemment pas
la même expérience et les mêmes compétences. Mais la richesse d’une organisation vient justement de ce que peuvent s’apporter
des militants aux expériences diverses.
http://www.lutte-ouvriere.org/qui-sommes-nous/notre-organisation-183/notre-organisation,2504
Texte 2 : document 3 Manuel page 307
1° ) Montrez que militantisme de « lutte ouvrière » ne correspond pas aux formes
renouvelées de militantisme telles qu’elles sont présentées et analysées dans le texte 2
Le militantisme traditionnel (syndical, politique…) tel que l’illustre « Lutte ouvrière »
nous ramène à la « figure du moine-soldat de son mouvement » pour reprendre une
expression d’Erik Neveu (« Sociologie de mouvements sociaux », Repère). Comme on peut
le lire dans le texte 1 (issu du site officiel de LO), les militants seront encadrés pour recevoir
une culture commune, historique et politique ; il y a donc la demande d’un engagement de la
personne sinon total du moins très important, une forme de don de soi pour la cause
commune.
Le militantisme qui fait le ressort des NMS qui sont éclos à partir des années 90 (ce
seraient des nouveaux nouveaux mouvements sociaux si l’expression était possible)
s’inscrirait dans ce refus d’un engagement si prenant. Un militantisme « Post it » (Erik
Neveu) axé sur la réussite d’une action précise, avec un refus de l’idéologie et de la
bureaucratisation qui faisait les caractéristiques des anciens mouvements critiques de la
société. Les opérations menées se signalent par une plasticité et une capacité à se faire
rapidement en se mobilisant grâce aux réseaux sociaux et à se défaire tout aussi vite. Ces
actions peuvent aussi être violentes.
Il faut noter que ce genre de militantisme correspond bien à l’individualisme
contemporain puisqu’il n’accapare par l’être dans sa globalité.
2° ) Quelles peuvent être les limites de ce militantisme ?
Cela pose le problème de la pérennité du mouvement et de sa capacité à s’enraciner et à
poursuivre l’action sur la durée puisque le refus de la bureaucratisation et de
l’institutionnalisation l’empêche.
Séance 5
Section 2 : Quelle analyse des conflits sociaux peut on faire de nos jours ?
On a pu entendre et lire que les conflits sociaux sont dangereux, qu’ils prennent en
otage la société (expression désormais récurrente). Autrement dit, on fait souvent
l’opposition entre la cohésion sociale et les conflits. C’est une question que le sociologue doit
aborder. Dans quelle mesure les conflits sociaux s’opposent-ils à la cohésion sociale ? Ce sera
notre première problématique.
Ensuite nous nous demanderons si ces conflits favorisent les mutations au contraire
sont un frein pour le changement social.
§ 1 – Les conflits : pathologie de l’intégration ou au contraire
facteurs de cohésion sociale?
A- Les conflits ont été analysés par certains sociologues comme liés à un défaut intégration et donc comme une pathologie sociale …
Travail 8
« Ce qui fait la gravité de ces faits, c'est qu'on y a vu quelquefois un effet nécessaire de la division du travail, dès qu'elle a dépassé
un certain degré de développement. Dans ce cas, dit-on, l'individu, courbé sur sa tâche, s'isole dans son activité spéciale ; il ne sent
plus les collaborateurs qui travaillent à côté de lui à la même oeuvre que lui, il n'a même plus du tout l'idée de cette oeuvre
commune. La division du travail ne saurait donc être poussée trop loin sans devenir une source de désintégration. […] La
division du travail exercerait donc, en vertu de sa nature même, une influence dissolvante qui serait surtout sensible là où
les fonctions sont très spécialisées. […] La diversité des fonctions est utile et nécessaire ; mais, comme l'unité, qui n'est pas moins
indispensable, n'en sort pas spontanément, le soin de la réaliser et de la maintenir devra constituer dans l'organisme social une
fonction spéciale, représentée par un organe indépendant. Cet organe, c'est l'État ou le gouvernement. […]
« Pour que la solidarité organique existe, il ne suffit pas qu'il y ait un système d'organes nécessaires les uns aux autres et qui sentent
d'une façon générale leur solidarité, mais il faut encore que la manière dont ils doivent concourir, sinon dans toute espèce de
rencontres, du moins dans les circonstances les plus fréquentes, soit prédéterminée. […] Or, dans tous les cas que nous avons
décrits plus haut, cette réglementation ou n'existe pas, ou n'est pas en rapport avec le degré de développement de la division du
travail. […] Les rapports du capital et du travail sont, jusqu'à présent, restés dans le même état d'indétermination juridique. […]
Ces divers exemples sont donc des variétés d'une même espèce ; dans tous ces cas, si la division du travail ne produit pas la
solidarité, c'est que les relations des organes ne sont pas réglementées, c'est qu'elles sont dans un état d'anomie ».
Emile Durkheim, De la division du travail social, Livre troisième, Chapitre premier, 1893
Question 1 : Normalement la division du travail est source d’intégration. Que dit Durkheim dans le paragraphe en gras ?
Question 2 : Comment expliquer cette contradiction?
Question 1 : Normalement la division du travail est source d’intégration. Mais que dit
Durkheim dans le paragraphe en gras ?
Normalement, la division du travail dans la société moderne produit de la solidarité
sociale organique (voir chapitre précédent) et favorise l’intégration. Or, Durkheim nous
explique ici que cela peut parfois ne pas se vérifier
Question 2 : Commet expliquer cette contradiction?
Pour Durkheim, lorsque la division du travail est trop poussée, ou bien lorsqu’il
manque des règles pour encadrer les comportements, cela signifie que la division du travail
devient pathologique (au sens de maladive) et ne produit pas les effets escomptés (régulation
et intégration sociale)
Lorsque la régulation sociale propre à la division du travail n’est pas développée, il y a
un risque d’anomie.
L’anomie (a privatif + nomos = loi)
D’une manière générale, l’anomie désigne l’ensemble des situations dans lesquelles
l’individu perd contact avec les règles communément acceptées, soit parce qu’il n’est
pas assez intégré dans un groupe (défaut d’intégration), soit parce qu’il n’y a pas de
règles communes (défaut de régulation) pour modérer les désirs et passions
individuelles.
C’est sur ce terrain anomique et d’insuffisance d’intégration que peuvent se produire
des faits pathologiques, c’est à dire ici des formes de conflits anormalement intenses et
dont la fréquence est excessivement élevée.
A noter que le terrain de l’anomie dans le monde du travail peut aussi déboucher sur
des suicides ou de la dépression.
Prenons un exemple : les émeutes de banlieues de 2005 suite au décès de 2 adolescents
poursuivis par la police et réfugiés dans un transformateur EDF.
Travail 9
Les émeutes urbaines : produit de la ségrégation sociale ? Sur 2005, des analyses statistiques ont été conduites, notamment par Hugues Lagrange, qui permettent de dégager des corrélations entre les caractéristiques des villes qui ont été touchées par les émeutes et celles qui n'ont pas été touchées. Trois cents communes ayant été concernées par des violences collectives, l'étude statistique était possible. Parmi le cocktail des facteurs déterminants, bien évidemment les émeutes se déroulent dans les villes qui ont des zones urbaines sensibles, mais surtout dans les villes où l'écart de richesse entre les zones urbaines sensibles et le centre-ville est le plus fort, c'est-à-dire des villes qui ont un fort indice de ségrégation sociale. Ensuite, les villes qui ont connu des émeutes ont une forte population de jeunes – mais ce sont surtout les zones urbaines sensibles dans lesquelles la part des moins de 20 ans est supérieure à 30%. Ce sont des villes où l'on a une forte proportion de familles supérieure à six membres. On a retrouvé cette proportion dans les personnes déférées en comparution immédiate au tribunal de Bobigny. La taille des fratries est très élevée. Ce qui est un indicateur, approximatif, de l'immigration subsaharienne. Le trait saillant des émeutes de 2005, c'était qu'elles touchaient des villes qui accueillait une immigration récente. Les villes qui n'ont pas connu d'émeutes en 2005, ont généralement connu des émeutes dans les années 80 ou 90. Ce qui est une bonne nouvelle: les enfants de ceux qui ont pris part à des émeutes dans les années 80 ou 90 n'ont eux-mêmes pas pris part aux émeutes. Ce qui voudrait peut-être dire que les émeutes sont un mode d'entrée en politique, ou un mode d'expression politique qui correspond à des classes d'âge particulières, dans des quartiers particuliers, et qui vivent une histoire migratoire particulière. C'est un petit moment dans une vie. Et après, on ne recourt plus à ce mode d'expression.
Libération, 4 décembre 2007, Entretien avec le sociologue Fabien Jobard
1° ) Rappelez ce qu’est la ségrégation sociale (voir le TD sur école)
2° ) Quelles sont les spécificités des quartiers qui ont connu le plus d’émeutes urbaines en 2005
3° ) Montrez que les émeutes peuvent être en partie liées à des problèmes d’intégration sociales ?
4°) La violence de ces émeutes est elle régulée ? Quelle est la différence avec un conflit du travail?
1° ) rappelez ce qu’est la ségrégation sociale (voir le TD sur école)
La ségrégation sociale désigne le processus par lequel les groupes sociaux vivent dans
des conditions et des quartiers séparés, au détriment des plus fragiles.
2° ) Quelles sont les spécificités des quartiers qui ont connu le plus d’émeutes urbaines en
2005 ?
Les quartiers qui ont connu le plus d’émeutes urbaines en 2005 sont caractérisés par
une forte ségrégation sociale entre centre-ville et zones urbaines sensibles ; ils regroupent
plus de jeunes et de grandes familles (plus de six membres), et de populations récemment
immigrées.
3° ) Montrez que les émeutes peuvent être en partie liées à des problèmes d’intégration
sociales ?
Les populations jeunes, immigres récemment et vivant dans des familles nombreuses
ont une probabilité plus grande de rencontrer des difficultés d’intégration, selon l’auteur,
en raison notamment des difficultés de réussite des enfants à l ‘école et par-là du chômage
plus élevé. Cette fragilisation de l’intégration peut favoriser le sentiment d’injustice et de
révolte, et fournir un terreau favorable au déclenchement d’émeutes urbaines.
Mais il n’y a rien de mécanique dans ce type d’explication, et l’auteur montre bien
que les mêmes populations, une fois qu’elles sont mieux intégrées, ne s’associent plus aux
émeutes urbaines.
4°) La violence de ces émeutes est elle régulée ? Quelle est la différence avec un conflit du
travail ?
Les émeutes ne sont pas des conflits au sens où nous les avons définis :
pas d’adversaire clairement défini (l’Etat ? la police ?)
Pas de revendications
Comme nous l’avons déjà vu, un confit du travail est la plupart du temps ( !!) encadré
et régulé par les syndicats et des règles sociales, il est institutionnalisé ; ce ne sont pas des
émeutes sans règles avec un tel niveau de violences comme ici (il peut cependant y avoir des
débordements et des formes de radicalisation, nous en reparlerons).
Cela montre aussi que la construction du mouvement social suppose la mobilisation de
ressources ( maîtrise de la parole ou existence des porte-parole, des ressources symboliques,
matérielles… pour construire la légitimité) dont ces jeunes sont démunis.
Le conflit non encadré par des règles et par des acteurs institutionnels
(syndicats…) peut échapper à tout contrôle social et déboucher sur la violence et la remise en cause de l’ordre social. C’est la raison pour laquelle le pouvoir politique cherche
rapidement à délégitimer toute action de ce type (ce qui n’est pas difficile vu le niveau de
violence et l’absence de ressources matérielles et symboliques des protagonistes) et à la faire
cesser le plus rapidement possible (ce qui n’est pas si simple).
Séance 6
B- …mais en général les conflits sont au contraire fortement liés à l’intégration sociale
1° ) Les données empiriques montrent que l’intégration sociale semble favoriser
la participation à des mouvements et des conflits sociaux…
Aller vite ; malheureusement nous n'aurons pas le temps de développer le schéma de
Paugam sur les types d’intégration professionnelles
Groux, « Le potentiel protestataire et le vote. La propension à
manifester », Cevipof, 2007
Question possible (type EC Q 2) : Présentez le document puis montrez que le fait d’être
intégré socialement permet la mobilisation sociale. (on ne vous demande pas d’expliquer)
Ce sont les personnes les plus intégrées socialement qui en général ont une propension
à la manifestation pour défendre leurs intérêts.
Ce ne sont pas les groupes sociaux les moins intégrés qui sont les plus enclins à
manifester, au contraire : quand on compare les différentes catégories de salariés, on observe
que les détenteurs d’un CDI sont plus enclins à manifester que les détenteurs d’un contrat à
durée limitée, pourtant moins intégrateur (faire une phrase avec 54,5 % et 51 %). On peut
faire le lien avec le marché secondaire de l’emploi. De même, les enseignants ne sont pas les
salariés les moins intégrés : ce sont pourtant eux qui, parmi les actifs, sont les plus enclins à
manifester (58 %). La précarisation, paradoxalement, ne favorise pas le syndicalisme et
l’action collective.
Quand on compare les tranches d’âge, on observe que les plus de 65 ans, sortis de la
division du travail social, sont les moins enclins à manifester (27 %), et que les lycéens et
étudiants, pourtant soumis à un fort contrôle social (familial et scolaire), sont les plus enclins
à manifester (62,5%).
Quand on compare les préférences partisanes, on observe que les individus sans
préférence partisane, c’est-à-dire les moins intégrés au système politique, sont aussi les moins
enclins à manifester (37 %).
2° ) …et la conflictualité est productrice d’intégration, de cohésion et de
solidarité mécanique…
Travail 10
Document 3 Manuel ; En utilisant le texte, le thème précédent et votre réflexion, donnez 4
raisons expliquant que le conflit est intégrateur et facteur de cohésion sociale.
Il est possible de voir le conflit comme un facteur de cohésion : cela avait été
souligné par Georg Simmel (allemand, 1858- 1918), dans un petit ouvrage intitulé « Le
conflit » (1903). L'idée est d'abord que le conflit n'est pas le contraire d'une relation sociale
mais bien un type particulier de relation : être en conflit avec un individu ou un groupe,
c'est en connaître et reconnaître l'existence plutôt que de l'ignorer.
Ensuite, le conflit est créateur de liens et de solidarité : solidarité contre
l'adversaire (Simmel prend l'exemple des « unions sacrées » pendant les guerres). On peut
reprendre la vision de Marx lorsqu’il évoque les liens entre la lutte des classes et la
construction de la conscience de classe. C’est dans la lutte que se construit le sentiment
d’appartenance au groupe (notion de classe pour soi que nous verrons bientôt) et l’identité
sociale.
Exemple : le conflit est créateur d’identité politique pour les « sans » ; sans papiers,
chômeurs…toujours identifiés jusqu’à lors par la négative. Le fait de se mettre en grève, de
faire une grève de la faim …(voir hachette page 291 bon texte…mais pas le temps)
Insistons encore une fois sur la capacité du conflit à créer de la sociabilité et du
lien social comme nous l’avons déjà vu dans la vidéo sur le conflit des « molex » ; ou bien
dans la vidéo 2 sur « notre dame des landes » repas pris en commun, piquet de grève la nuit,
discussion prolongée, manifestation, utilisation des bus pour se rendre à Paris……..voyez de
quelle manière la manifestation elle-même est ritualisée, avec des chants communs, danses,
slogans repris à l’unisson…tout ce qui met en émoi le collectif …et qui au final nous ramène
à de la solidarité mécanique.
Enfin il est un point qui mérite un approfondissement particulier car il nous ramène
au thème précédent ; les mobilisations dans le travail sont complémentaires avec les
possibilités de négociation et de régulation pacifique, pas contre. Ceci nous ramène à la fois à
ce que l’on vient de dire sur Simmel mais aussi à l’institutionnalisation de la relation
salariale et à la régulation des conflits et par les conflits que nous allons développer
spécifiquement ci dessous.
3°) Les confits sont régulés mais ils ont aussi régulateurs : cela s’inscrit dans un
processus plus large d’institutionnalisation de la relation salariale
Attention : la notion de régulation des conflits est explicitement demandée. Rappel : Revoir le
chapitre (section 3 § 1) sur le marché du travail et l’emploi. Rappelez ce qu’est la notion
d’institutionnalisation de la relation salariale
Il y a historiquement la construction d’un processus d’institutionnalisation de la
relation salariale, c’est à dire la mise en place d’un ensemble des normes, règles légales
et sociales qui vont encadrer la relation entre un employeur et son salarié.
Document factuel : Travail qui peut être fait en classe (non donné aux élèves)
Les travailleurs du secteur public sont régis par des règles très différentes suivant leur statut. La
réglementation en matière de droit de grève y est donc beaucoup plus complexe et diverse qu’en droit privé,
d’autant que l’existence d’une mission de service public permet de restreindre l’usage de la grève plus
strictement que dans le secteur privé.
Qui peut faire grève ? Tous les travailleurs du secteur public, qu’ils soient fonctionnaires, stagiaires, ou non
titulaires de droit public, et les agents ou salariés de droit privé, en contrat à durée indéterminée ou en contrat
à durée déterminée, sont soumis à l’article 7 du préambule de la Constitution française qui reconnaît à tous
le droit fondamental de faire grève.
Les travailleurs du secteur public ne peuvent pas se mettre en grève tant qu’un préavis de grève n’a pas été
déposé par les syndicats. Ce préavis est déposé par les organisations syndicales considérées comme
représentatives au niveau national dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le
service intéressé. Il doit être déposé 5 jours francs avant le début de la grève auprès de l’autorité hiérarchique
ou de la direction (maire, directeur de l’administration, ministre, président du conseil régional...). Il précise le
champ géographique, l’heure et la date de début ainsi que la durée limitée ou non du préavis, et la fin de la
période de grève, ainsi que les revendications ou motifs de recours à la grève. Pendant la durée du préavis,
syndicats et direction sont tenus de négocier sur les revendications posées par les syndicats.
Il est impossible de sanctionner un agent en raison de l’exercice normal de son droit de grève. La grève étant
un droit, elle ne peut constituer une faute. Les périodes de grève sont sans effet sur les droits à l’avancement
de grade ou d’échelon.
Certaines catégories de personnel ont un droit de grève limité par la loi afin d’assurer un service minimum.
Cela concerne, par exemple, les agents hospitaliers, les agents de la navigation aérienne et les agents du
service public de l’audiovisuel.
Fiche juridique de la CGT, http://www.ferc-sup.cgt.fr/site/spip.php?article1725
1° ) Recensez toutes les règles juridiques qui encadrent l’exercice du droit de grève
2° ) Pourquoi peut on dire que les conflits sont régulés et institutionnalisés ?
3° ) Quel rôle jouent les syndicats dans cette régulation de la conflictualité ?
4° ) Conflit et coopération vont-ils de pair ?
1° ) Recensez toutes les règles juridiques qui encadrent l’exercice du droit de grève
Il y a reconnaissance du droit de grève qui est imprescriptible dans le cadre des lois qui
le réglementent ; le droit de grève date de 1864.
Règles juridiques = obligations légales : Préavis de grève 5 jours dans le public mais
pas dans le privé ; précisions concernant la grève ; obligation de suivre une procédure de
négociation ; réglementation du service minimum pour certaines catégories de personnels…
Ajoutons : obligation de déclarer en préfecture le parcours de la manifestation et
soumission à une autorisation
2° ) Pourquoi peut on dire que les conflits sont régulés et se sont institutionnalisés ?
C’est-à-dire qu’ils suivent tout un rituel et qu’ils se conforment le plus souvent à des
règles (préavis de grève, premières négociations, si échec de ces négociations grève effective,
négociations à nouveau, etc…)
C'est en ce sens que l'on peut parler de régulation des conflits: ceux-ci sont
encadrés et obéissent à des règles et finissent par être institutionnalisés.
3° ) Quel rôle jouent les syndicats dans cette régulation de la conflictualité ?
Les syndicats jouent un rôle de premier plan. les syndicats augmentent l’efficacité
(moyens matériels et humains) de la mobilisation collective (donc favorisent les conflits
sociaux), mais en même temps, ils permettent de “ piloter ” ces conflits et donc de les
rendre moins radicaux et de leur trouver une conclusion. Le syndicalisme rend en quelque
sorte les conflits sociaux plus efficaces, mais plus raisonnables, en les maintenant dans des
formes socialement acceptables.
Si, par exemple, lors d’une manifestation, des violences ou des dégradations sont
commises par les manifestants, ils auront plus de mal à rallier l’opinion publique. Les
syndicats font ainsi fonction de “ service d’ordre ”, pour maintenir la revendication dans
certaines limites.
C’est là une raison essentielle qui a contribué à la reconnaissance et à la légitimation du
syndicalisme par les pouvoirs publics en 1884 ; il fallait un interlocuteur raisonnable afin de
négocier et aider à la sortie du conflit. Le syndicalisme lui-même a été ainsi
institutionnalisé ; on peut dire que les syndicats sont devenus des institutions
incontournables de la vie publique.
4° ) Conflit et coopération vont-ils de pair ?
Oui parce que le conflit a pour objectif l’ouverture de négociations. Et
l’institutionnalisation de la négociation (lois sur les négociations collectives) offre aux
salariés l’opportunité d’exprimer leurs revendications. La négociation peut être un moyen de
résolution pacifique des conflits. Il suffit de voir le vocabulaire utilisé : partenaires sociaux.
Notez au passage que l’adversaire est aussi un partenaire (voir nos propos autour de Simmel
plus haut). Cela s’inscrit dans la procédure d’institutionnalisation de la relation salariale que
nous avons déjà étudiée.
Et nous montre bien qu’il y a un processus de régulation de la conflictualité mai aussi
que les conflits contribuent en outre à produire de nouvelles règles.
Séance 7 et 8
§ 2 – Quels rapports la conflictualité entretient elle avec le
changement social ?
A- Le conflit moteur du changement social..
1° ) Selon Marx a lutte des classes est le « moteur de l’histoire » ; elle cherche à
modifier les rapports de production
En classe : Deux citations de Marx ; On laissera l’essentiel à voir pour le chapitre sur la
stratification sociale
2° citation : MARX : les conflits du travail sont des conflits liés à la lutte des classes,
c'est-à-dire le conflit qui oppose prolétaires et capitalistes. Celle-ci est inéluctable en raison
de l’exploitation et de la polarisation de la société (de plus en plus de prolétaires / de plus en
plus pauvres face à de moins en moins de capitalistes de plus en plus riches).
1° citation : Pour ce qui nous intéresse ici, la lutte des classes dans l’histoire engendre
le passage d’un mode de production à un autre comme on peut le voir dans le tableau si
dessous
Polycopié 2
Mode de
production
Antique Féodal capitaliste socialiste communiste
Type de
rapport de
production
Esclavage Servage salariat: séparation
du producteur et
des propriétaires
des moyens de
production
division du
travail
Disparition des
classes
abolition de la
propriété privée
des moyens de
production
division du travail
Société d’abondance:
« à chacun selon ses
besoins »
Abolition de la
division du travail
Classes en
lutte
maîtres et
esclaves
Seigneurs
et serfs
Bourgeois et
prolétaires
Fin progressive de la lutte des classes
Fin de la préhistoire humaine et de
l’aliénation
Changements
politiques
Révolution bourgeoise Révolution et dictature prolétariat Dépérissement de l’Etat
2° ) …mais dans les sociétés post industrielles, la finalité des mouvements
sociaux est plutôt orientée vers la défense de valeurs
a) L’exemple de la construction historique du mouvement féministe et de
ses objectifs
Polycopié 3
Le féminisme est un mouvement social extrêmement important dans nos sociétés parce
que la transformation du statut des femmes a profondément changé la société, et
continue de le faire. L'égalité entre hommes et femmes, même si elle est encore incomplète,
est un changement social majeur à l'échelle de l'histoire des sociétés humaines.
L’histoire du mouvement : Il n’est pas récent et se retrouve dans tous les pays
développés. À l’origine, dès le 19ème
siècle dans certains pays, la revendication est
essentiellement politique : il s’agit d’obtenir le droit de participer aux élections, d’être
considérées comme des êtres majeurs dans tous les sens du terme (juridique, en particulier)..
Ce mouvement génère de nouvelles solidarités et donc de nouveaux groupes
sociaux : alors que toutes les femmes sont loin d’adhérer à des groupes féministes, les
revendications féministes développent chez de très nombreuses femmes le sentiment
d’appartenance à un groupe dominé, qui doit se défendre,. L’identité féminine est affirmée en
tant que telle, et les conflits, quels qu’ils soient, vont de plus en plus souvent être traversés
par les revendications féministes.
La création de nouvelles règles sociales : Petit à petit, le mouvement féministe a
généré de nouvelles règles, en particulier juridiques : la législation a été transformée dans de
nombreux pays afin de garantir l’égalité des droits. Ces nouvelles règles sont sous-tendues
par une transformation des valeurs, même si elle est lente : la domination masculine n’est plus
jugée comme “ naturelle ” dans notre société.
Ce mouvement des femmes peut illustrer ce que deviennent les conflits dans une
société post industrielle. Il ne s’agit plus de conflit portant sur la répartition des richesses et la
question des rapports de production comme chez Marx. Le sociologue Alain Touraine a bien
étudié » cette évolution contemporaine
b) Les mouvements sociaux cherchent à maîtriser « l’historicité » selon
Alain Touraine
En partant de l’exemple du mouvement féministe, dont l’histoire est longue comme
nous l’avons vu, on peut très bien comprendre la sociologie tourainienne.
Le féminisme est un mouvement social qui réunit les 3 principes tourainien:
travail 11
A partir du polycopié et de la définition d’un mouvement social chez Touraine vue au début
de ce chapitre, montrez que le féminisme est un mouvement social en remplissant le tableau
vide.
Définition du principe Cela se vérifie t’il dans le cas du
féminisme ?
principe d'identité
collective
principe
d'opposition
principe de totalité
Correction
Définition du principe Cela se vérifie t’il dans le cas du
féminisme ?
principe
d'identité
collective
posséder une conscience de son
combat et de ses revendications
C’est le cas du féminisme ;
construction d’un sentiment
d’appartenance au groupe des femmes
dominées
principe
d'opposition
s 'opposer à une situation de
domination sociale subie
droit à l’avortement, égalité dans le
travail…
principe de
totalité
avoir un projet de société
universel et société dépassant
ses propres intérêts et définir
ses propres principes
d'organisation de la vie en
société
contre la domination masculine et
son institutionnalisation =
reconstruction d’un projet sociétal
Dans une société post industrielle, les enjeux des mouvements sociaux ont muté et ont
pour but la maîtrise de ce que Touraine appelle l’historicité, c’est à dire ce que va devenir
la société, leur histoire. Le mouvement féministe, nouveau mouvement social en est une
bonne illustration puisqu’il s’agit de peser sur le changement social et de faire advenir une
nouvelle société offrant une place différente aux femmes.
c) ..ce qui semble caractériser la conflictualité des sociétés post
matérialistes
Ronald Inglehart (américain né en 1934, politologue) souligne, sur la base d'enquêtes
internationales, un passage de valeurs « matérialistes » à des valeurs « postmatérialistes ».
Les conflits concerneraient moins la répartition des ressources, les revenus, les salaires ou le
pouvoir que des questions liées à l'identité, à la reconnaissance ou aux « droits culturels ».
L'opposition est schématique et ne doit pas être surestimée : si, effectivement, certains
mouvements renvoient clairement à des questions de reconnaissance (du mouvement des «
droits civiques » aux États-Unis aux différentes questions liées à la liberté sexuelle), il ne faut
pas oublier que les questions « matérialistes » demeurent importantes. Citons quelques
exemples :
la question des retraites en France depuis 1995 jusqu’à 2010
les mouvements d'opposition aux politiques d'austérité en Europe (Espagne,
Portugal en particulier)
Le mouvement « Occupy Wall Street » aux États-Unis qui a fait des inégalités
économiques son principal cheval de bataille.
Le mouvement des « indignés » en Espagne et les campements prolongés place de la
« Puerta del Sol » à Madrid
Du reste, la distinction entre les deux n'est pas toujours facile : les conflits du
travail mêlent aussi bien les questions « matérialistes » que des questions de reconnaissance
B- ….Ou au contraire facteur de résistance à ce changement social
1° ) Deux exemples de conflits contemporains ayant pour enjeu la résistance au
changement
Polycopié 4
Les évolutions récentes montrent que certains conflits visent plus particulièrement à
s'opposer à des transformations sociales jugées défavorables ou peu souhaitables par certains
acteurs. On peut ainsi observer qu'un certain nombre de conflits prennent pour enjeux la
résistance au changement, en particulier lorsque ceux-ci s'incarnent dans la « modernisation »
des entreprises, de l'État voire de la société globale présentée comme « nécessaire » mais qui
viendrait menacer le statut et l’identité conférés aux personnes. Prenons deux exemples :
Il ne nous appartient pas ici de nos prononcer sur le fond mais on peut sociologiquement
s’intéresser à la construction de la conflictualité récente autour du « mariage pour tous » ou
autour de CNPT
« Manif pour tous » et la remise en question du « mariage pour tous » (en particulier
du mariage accordé aux homosexuels) qui est perçu comme la déstabilisation de la famille et
du mariage en tant qu’institution. Ce confit n’est pas sans rappeler celui qui avait coupé la
France en deux en avril 1998 à propos du PACS (PActe Civil de Solidarité)
Nous pouvons prendre un second exemple : Le mouvement social et politique de
CNPT (chasse –pêche -nature- tradition) illustre une autre forme de résistances au
changement à la fin des années 80.
Il s’agit bien sûr d’un mouvement social, avec ses revendications notamment
identitaires (liées à un sentiment de malaise, de déclin et de dévalorisation de la chasse et de
la ruralité en général dans une société plus urbanisée ….bref liées à un sentiment de perte de
culture et de repère identitaire). Il y a un adversaire identifié : l’Etat, L’Europe
technocratique, …et des modes d’action empruntées au répertoire de l’action collective. C’est
un conflit qui s’est institutionnalisé avec des élections, un parti, des représentants, parfois
courtisés. (Le parti à eu des représentants au parlement européen).
Bien sûr il s’agit de résister au changement social et au bouleversement des modes de
vie qu’il amène et qui peut apparaître comme « ringard » aux autres acteurs de la société.
2° ) Des mouvements de résistance qui peuvent parfois se radicaliser : l’exemple
des « Conti » à Clairoix
VIDEO 3 Les « Conti » et saccage de la préfecture
On les appelait les "Conti". Ils étaient 1 120, hommes et femmes ouvriers, malaxeurs, vulcaniseurs, confectionneurs, agents
d'ordonnancement. Tous fiers de leur emploi, de leur travail, de leur usine.
Pour eux, l'histoire commence par une fin. Nous sommes le 11 mars 2009. Ce jour-là, la direction du fabricant allemand de pneus
Continental annonce la fermeture pure et simple du site de Clairoix, dans l'Oise. Leur usine, implantée ici depuis soixante-quinze
ans, où les fils suivent souvent les pères. Pour les 1 120 salariés de Clairoix, l'événement est forcément très mal vécu. Doublement.
Aux affres du licenciement, aux interrogations et aux craintes pour l'avenir s'ajoute en effet un sentiment de trahison : contre un
retour aux 40 heures, ils avaient obtenu la promesse d'un emploi jusqu'en 2012. "Les Conti", c'est aussi le titre du documentaire
signé Jérôme Palteau, rediffusé mardi soir 31 juillet sur Public Sénat, qui retrace le combat long et exemplaire que vont livrer ces 1
120 employés pour faire valoir leurs droits. Un conflit d'un genre nouveau, très violent parfois, faisant fi des schémas syndicaux
habituels. "Tout était hors-norme", témoigne un représentant syndical.
Jérôme Palteau a filmé cette lutte de l'intérieur, au plus près, s'immisçant dans les manifestations, les réunions, les occupations, les
négociations. Partageant les instants de joie et les accès de colère, les espoirs et les désillusions. Les grands moments de fraternité,
aussi.
Le monde, 1 août 2012 lors de la sortie du documentaire
1° ) Pourquoi les Grévistes de « Continental Clairoix » détruisent il les locaux de la
préfecture ?
Ces conflits font parfois intervenir des acteurs désespérés et qui ont le sentiment de
ne plus rien avoir à perdre. C’est le cas lorsque les Conti apprennent qu’ils ont été déboutés
de leur demande auprès du tribunal. L’occupation de la préfecture tourne à la destruction.
2°) Quel est le risque d’une telle démarche ?
Le risque est multiple : procès pour les protagonistes des violences, passage du statut
de victime à celui de « casseur » et retournement de l’opinion publique contre le mouvement.
Or, nous avons vu le rôle essentiel de la médiatisation et de l’opinion publique. Les
qualificatifs utilisés ont d’ailleurs une importance capitale.
IL est aussi intéressant de noter qu’à la suite de l’épisode la négociation a été relancée
mais les acteurs ont été poursuivis et condamnés
3° ) Pourquoi cette destruction va t’elle mettre la direction nationale de la CGT dans
l’embarras ?
La CGT est coincée entre la nécessité de ne pas désavouer les salariés et ne pas se
couper de leur base et l’impossibilité de cautionner des actes qui sortent du répertoire
classique de l’action collective (n’oublions pas le rôle régulateur du syndicalisme) et qui
risquent d’indisposer l’opinion.
La stratégie utilisée est souvent de noyer le poisson et de peser les mots…ou de ne rien
dire et d’esquiver. Le délégué Xavier Mathieu a d’ailleurs vertement tancé l’absence de prise
de position de la direction de la CGT et le manque de soutien au procès pour destruction. Ce
genre de position en général laisse une impression d’amertume aux salariés de base et
fragilisent les syndicats.