5
Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 297 RUBRIQUE PRATIQUE Sélection et information du patient ambulatoire Pierre Albaladejo (photo), Marc Gentili, Laurent Jouffroy La chirurgie ambulatoire permet au patient de retourner à son domicile le jour même de l’intervention. L’évolution des techniques chirurgi- cales et anesthésiques permet de pro- poser cette approche à des patients opérés de chirurgies de plus en plus délabrantes. La majorité des études concernant la chirurgie ambulatoire provient d’Amérique du Nord. La pratique de la chirurgie ambulatoire est moins développée en France en comparaison avec la Grande-Bretagne où 50 % des actes chirurgicaux sont réalisés en ambulatoire (1). SÉLECTION DE L’OPÉRÉ AMBULATOIRE Les critères de sélection des patients ont également évolué. Seule la possibi- lité de complications chirurgicales semble être un frein à la pratique de la chirurgie ambulatoire. La durée de l’intervention, la nécessité d’une trans- fusion et même la chirurgie non pro- grammée ne sont plus des limites à la réalisation de la chirurgie ambulatoire. La sélection, la pré- paration et l’information des patients sont des moments essentiels de la phase préopératoire, menés conjointement par l’opérateur et l’anesthésiste, qui peuvent solliciter d’autres avis dont celui du médecin traitant. La sélection des patients a plusieurs objectifs : – garantir leur sécurité ; – préserver la qualité des soins ; – prévenir le risque d’annulation, de modification du pro- gramme opératoire ou d’hospitalisation. Avec le développement de la chirurgie ambulatoire des interventions plus complexe sont proposées à des patients en moins bon état général. Le vieillissement de la popula- tion est également un facteur qui contribue à augmenter le nombre de patients ayant des pathologies diverses plus ou moins stables ou intriquées. Les critères de sélection doi- vent donc être extrêmement pertinents pour garantir cette pratique (2). Ces critères sont d’ordre médical, anesthési- que, chirurgical et social. Les critères médicaux incluent : – l’absence de pathologies instables ou déséquilibrées ; – l’absence de symptômes traduisant une décompensation ; – l’absence de risque de décompensation du fait de la chi- rurgie, Les critères anesthésiques incluent : – l’usage de techniques anesthésiques éprouvées et prati- quées par l’équipe ; – l’adaptation des techniques au statut du patient ; – la prise en charge des effets secondaires de l’anesthésie avant la sortie ; – une prise en charge efficace de la douleur à domicile. Les critères chirurgicaux incluent : – des interventions de durée réglée (90 min) ; – des pertes sanguines ou des compensations liquidiennes faibles ; – un matériel adapté et éprouvé (laparoscopie etc.) ; – des soins postopératoires de durée limitée ; – un risque limité de complications. Les critères sociaux incluent : – le retour accompagné au domicile ; – la présence d’une tierce personne au domicile ; – la capacité de comprendre les ins- tructions ; – la possibilité de contact téléphonique permanent ; – la possibilité de joindre un médecin traitant ou une unité de soins proche ; – la capacité pour le patient de détecter une complication et de comprendre l’acte ; – la possibilité de revenir dans la structure chirurgicale en cas de complications. Les critères de sélection des patients varient selon les pays et selon le mode de prise en charge économique des dépenses de santé. Ils sont plus larges aux États-Unis où la programma- tion opératoire et le bilan préopératoire sont souvent du res- sort de l’opérateur. En Grande-Bretagne, cette phase est gérée le plus souvent par le personnel infirmier. Un question- naire détaillé rempli par le patient vient compléter l’entre- tien. En France, à la différence d’autres pays où la consultation pré-anesthésique obligatoire n’existe pas, l’anes- thésiste joue un rôle essentiel de filtrage et de régulation (3). L’évaluation préopératoire permet de déterminer les élé- ments du bilan complémentaire qui ne devrait reposer que Les critères médicaux permettant la chirurgie ambulatoire sont de plus en plus larges.

Sélection et information du patient ambulatoire

  • Upload
    laurent

  • View
    215

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Sélection et information du patient ambulatoire

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 297

R U B R I Q U E P R A T I Q U E

Sélection et information du patient ambulatoirePierre Albaladejo (photo), Marc Gentili, Laurent Jouffroy

La chirurgie ambulatoire permet aupatient de retourner à son domicilele jour même de l’intervention.L’évolution des techniques chirurgi-cales et anesthésiques permet de pro-poser cette approche à des patientsopérés de chirurgies de plus en plusdélabrantes. La majorité des étudesconcernant la chirurgie ambulatoireprovient d’Amérique du Nord. La

pratique de la chirurgie ambulatoire est moins développéeen France en comparaison avec la Grande-Bretagne où 50 %des actes chirurgicaux sont réalisés en ambulatoire (1).

SÉLECTIONDE L’OPÉRÉ AMBULATOIRE

Les critères de sélection des patientsont également évolué. Seule la possibi-lité de complications chirurgicalessemble être un frein à la pratique de lachirurgie ambulatoire. La durée del’intervention, la nécessité d’une trans-fusion et même la chirurgie non pro-grammée ne sont plus des limites à laréalisation de la chirurgie ambulatoire. La sélection, la pré-paration et l’information des patients sont des momentsessentiels de la phase préopératoire, menés conjointementpar l’opérateur et l’anesthésiste, qui peuvent solliciterd’autres avis dont celui du médecin traitant.La sélection des patients a plusieurs objectifs :– garantir leur sécurité ;– préserver la qualité des soins ;– prévenir le risque d’annulation, de modification du pro-gramme opératoire ou d’hospitalisation.Avec le développement de la chirurgie ambulatoire desinterventions plus complexe sont proposées à des patientsen moins bon état général. Le vieillissement de la popula-tion est également un facteur qui contribue à augmenter lenombre de patients ayant des pathologies diverses plus oumoins stables ou intriquées. Les critères de sélection doi-vent donc être extrêmement pertinents pour garantir cettepratique (2). Ces critères sont d’ordre médical, anesthési-que, chirurgical et social.

Les critères médicaux incluent :– l’absence de pathologies instables ou déséquilibrées ;– l’absence de symptômes traduisant une décompensation ;– l’absence de risque de décompensation du fait de la chi-rurgie,Les critères anesthésiques incluent :– l’usage de techniques anesthésiques éprouvées et prati-quées par l’équipe ;– l’adaptation des techniques au statut du patient ;– la prise en charge des effets secondaires de l’anesthésieavant la sortie ;– une prise en charge efficace de la douleur à domicile.Les critères chirurgicaux incluent :– des interventions de durée réglée (

≤ 90 min) ;– des pertes sanguines ou des compensations liquidiennesfaibles ;– un matériel adapté et éprouvé (laparoscopie etc.) ;

– des soins postopératoires de duréelimitée ;– un risque limité de complications.Les critères sociaux incluent :– le retour accompagné au domicile ;– la présence d’une tierce personne audomicile ;– la capacité de comprendre les ins-tructions ;

– la possibilité de contact téléphonique permanent ;– la possibilité de joindre un médecin traitant ou une unitéde soins proche ;– la capacité pour le patient de détecter une complicationet de comprendre l’acte ;– la possibilité de revenir dans la structure chirurgicale encas de complications.Les critères de sélection des patients varient selon les pays etselon le mode de prise en charge économique des dépensesde santé. Ils sont plus larges aux États-Unis où la programma-tion opératoire et le bilan préopératoire sont souvent du res-sort de l’opérateur. En Grande-Bretagne, cette phase estgérée le plus souvent par le personnel infirmier. Un question-naire détaillé rempli par le patient vient compléter l’entre-tien. En France, à la différence d’autres pays où laconsultation pré-anesthésique obligatoire n’existe pas, l’anes-thésiste joue un rôle essentiel de filtrage et de régulation (3).L’évaluation préopératoire permet de déterminer les élé-ments du bilan complémentaire qui ne devrait reposer que

Les critères médicauxpermettant la chirurgie

ambulatoire sont de plus en plus larges.

Page 2: Sélection et information du patient ambulatoire

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4298sur les antécédents du patient (4, 5). Les examens complé-mentaires augmentent le coût des dépenses de santé ce quiva à l’encontre d’au moins un des buts de la chirurgie ambu-latoire.

La phase préopératoire est aussi le moment de donner aupatient et à l’entourage, s’il s’agit d’un mineur ou mêmed’un patient âgé peu autonome, toute l’information et lesexplications concernant le déroulement de la procédure etses complications éventuelles. La possibilité d’une hospita-lisation ou d’une ré-hospitalisation en cas de problème peutêtre abordée à ce moment de l’entretien de même que lesmodalités pour joindre l’établissement. Des recommanda-tions sont données concernant les modalités du jeûne oul’abstention de conduite automobile pendant 24 heures. Lacapacité pour le patient et son entourage de comprendreces informations, et les implications qui en découlent sontune part importante du bilan social du patient (6, 7). Il estnécessaire dans cette phase de juger du degré d’autonomiesociale du patient : une personne seule, un couple très âgéet isolé, une femme avec plusieurs petits enfants peuventrencontrer des difficultés en cas de retour à domicile.

Les critères de sélection médicaux tendent, avec l’expé-rience des praticiens et des unités, à s’assouplir. En Europede l’Ouest, un certain nombre de recommandations ad hoca été édité, soit par les sociétés savantes soit par les tutellesde santé (exemple : Conférence de consensus de la SFARou Guidelines du NHS) (8, 9).

Le bilan médical devra évaluer, chez les patients présentantune pathologie touchant une des grandes fonctions del’organisme : le degré d’atteinte, les limitations fonctionnelleset la stabilisation thérapeutique. L’interaction potentielleavec le geste chirurgical sera appréciée. Les traitementsseront adaptés et modifiés en fonction des impératifs opé-ratoires. Chez certains patients, le bénéfice d’une hospitali-sation postopératoire sera à considérer avant d’opter pourune stratégie ambulatoire.

L’âge d’un patient n’est pas une réelle contre-indication à lachirurgie ambulatoire y compris aux extrêmes de la vie : ilconvient de juger du retentissement fonctionnel voire émo-tionnel de l’intervention.

L’hypertension artérielle constitue une cause de complica-tions postopératoires surtout chez les patients souffrant decardiopathie ischémique (10, 11). Des valeurs de pressionsystolique de l’ordre de 175 mmHg, sont considérées commeune limite acceptable en chirurgie ambulatoire.

Les patients souffrant d’un infarctus récent, d’un angor derepos ou pour un effort minime, relèvent d’une hospitalisa-tion traditionnelle.

Un asthme bien contrôlé n’exclut pas la chirurgie ambula-toire. Inversement une modification de la symptomatologieou une prise récente de corticoïdes imposent des précau-tions.

L’insuffisance respiratoire chronique relève d’un raisonne-ment proche de celui appliqué à l’asthme. L’adaptation àl’effort est un élément pronostique important. Une dyspnéede repos ou pour un effort minime de la vie quotidienne,est une contre-indication. L’anesthésie loco-régionale et lesblocs périphériques peuvent simplifier l’approche de cespatients. La pratique de la chirurgie ambulatoire a parcontre l’intérêt de diminuer le risque d’infection nosoco-miale relative à un séjour hospitalier.

Les infections respiratoires peuvent constituer une caused’annulation de la programmation opératoire surtout si lachirurgie concerne les voies aériennes supérieures (12). Encas d’hyperthermie associée à des signes respiratoires, unenouvelle programmation est nécessaire.

L’obésité ne constitue pas une contre-indication : la naturede l’acte chirurgical est cependant à considérer en premier.Le Body Mass Index (BMI) peut guider la réflexion : entre35 et 40 kg.m–

2 le patient peut être inclus dans un pro-gramme ambulatoire sans réserve (8) comme le suggèreune étude rétrospective récente (13), au-delà la prudences’impose.

Le diabète sucré type I ou II impose le jeûne préopéra-toire avec reprise rapide des thérapeutiques usuelles dupatient. Dans les deux cas le bilan préopératoire recher-chera une cardiopathie ischémique (silencieuse) ou unedysautonomie. L’anesthésie loco-régionale est une solu-tion adaptée à ces patients lorsqu’elle est possible, carelle diminue la réponse neuro-encocrine au stress chirur-gical et elle favorise une reprise immédiate de l’alimenta-tion orale.

L’insuffisance rénale est difficile à prendre en charge enambulatoire en dehors de la réalisation de fistules artério-veineuses. Les altérations modérées de la fonction hépato-biliaire sont compatibles avec ce type de procédure. Lesreflux gastro-oesophagien en dehors des formes sévèresfacilitées par le jeûne, ne posent habituellement pas de pro-blème. Les patients ayant eu des nausées et des vomisse-ments lors de précédentes anesthésies ou souffrant de maldu transport nécessitent un traitement préventif des nau-sées et vomissements postopératoires pour éviter l’hospita-lisation (11, 14).

Les antécédents d’intubation difficile sont à prendre encompte comme pour toute anesthésie ; le recours au mas-que laryngé est recommandé lorsque son usage est compa-tible avec la chirurgie.

L’épilepsie stabilisée par le traitement et les maladiesneurologiques non évolutives ne constituent pas unecontre-indication à cette prise en charge ; de même que lespathologies neuromusculaires à condition de respecter lesréserves usuelles quant à l’utilisation des curares.

Dans l’ensemble les traitements sont poursuivis y comprisle jour de l’intervention ; les traitements hypoglycémiants

Page 3: Sélection et information du patient ambulatoire

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 299sont administrés dans la phase postopératoire et justifientdes prescriptions détaillées. Les diurétiques sont suspendusle jour de l’intervention. En amont de l’acte opératoire, la sélection des patients estdonc un temps essentiel de la préparation à la chirurgieambulatoire ; elle repose sur le binôme opérateur-anesthé-siste : elle est un gage de réalisation avec succès de la pro-cédure.

INFORMATION DU PATIENT AMBULATOIRE

Dans une enquête réalisée au Canada, des patients opérésen ambulatoire ont été interrogés sur les aspects les plusimportants, à leurs yeux, de la prise en charge anesthésique(15). Pour chaque étape de soins, les patients ont choisi leséléments qui avaient trait à l’information et à la communi-cation. La même enquête réalisée auprès d’anesthésistes,montre que ceux-ci sous-évaluent l’importance de lacommunication et de l’information des patients. Lorsque lespatients expriment leur insatisfaction à propos de la priseen charge anesthésique ambulatoire,c’est l’absence de communication oud’information qu’ils dénoncent (16)(comme c’est d’ailleurs le cas, à chaquefois qu’un médecin est mis en cause(17).L’information, la communication etplus largement la qualité de la relationentre le patient et le médecin sont deséléments clés pour le bon déroulement du soin, y comprisdu soin anesthésique. Ceci est particulièrement vrai lorsquele patient bénéficie de soins ambulatoires. En effet, c’estparce que le patient comprend et partage les décisionsmédicales qui le concernent qu’il se conforme aux exigencesde la prise en charge en ambulatoire.L’information médicale permet au patient de s’intégrer auprocessus de l’anesthésie (indispensable pour l’anesthésieambulatoire) ; elle cimente la relation patient-médecin etpermet le consentement. Dans le cadre d’une interventionréalisée en hospitalisation, le patient est cependant plutôtpassif. L’hospitalisation permet d’imposer un contrôle aupatient (les règles du jeûne), la compréhension de cesrègles a pour but d’obtenir leur acceptation.L’information conditionnelle est celle qui est nécessaire aupatient pour qu’il devienne opérationnel dans le processusde l’acte médical en l’occurrence ambulatoire. Dans ceprocessus, l’autonomie du patient et sa capacité décision-nelle sont plus importantes. Il doit, en effet, comprendre leprocessus, connaître les contraintes, les interdits et les auto-risations, les complications les plus communes, gérer lesressources à sa disposition. Les consultations chirurgicale et

anesthésique ont pour but de sélectionner les patients nonseulement sur le type d’acte à réaliser mais sur leur aptitudeà comprendre les informations indispensables à les rendreopérationnels dans le processus ambulatoire. Si ces condi-tions ne sont pas remplies, le programme de chirurgieambulatoire n’est pas réalisable. La douleur postopératoire,les NVPO, la gestion des complications mineures sont leséléments limitants de la chirurgie ambulatoire. C’est sou-vent par manque d’information que les patients se sententinsatisfaits face à ces évènements.Les patients se souviennent-ils de l’information donnée enconsultation ? Les études sont discordantes et dépendentdu type d’information (18). Les résultats d’enquêtes mon-trent que les informations abstraites concernant les aspectsmédico-techniques sont volontiers oubliées au profitd’informations plus pragmatiques.Les ressources mises à la disposition du patient pour pal-lier un oubli ou un manque d’information sont multiples.Outre la consultation, le patient peut trouver de l’informa-tion par différents moyens. Alors que le document remisclassiquement en consultation d’anesthésie est un texte

structuré autour des complications etdes éléments médico-techniques (19),le document écrit spécifique à l’ambu-latoire est une aide pratique au bondéroulement de l’intervention. Que lepatient ne le lise pas n’est pas gênantpuisque ce texte n’est là que pourrappeler au patient les élémentsimportants. Ces éléments peuvent

être retrouvés sur un site internet. La vidéo permet d’illus-trer un aspect technique particulier anesthésique ou chi-rurgical (20).Les réseaux tissés autour du centre d’ambulatoire sont dessources potentielles d’information pour le patient, à condi-tion que ces réseaux d’infirmiers et de médecins de villessoient eux-mêmes informés (21). L’anesthésiste et l’opérateur responsables sont évidemmentjoignables et responsables des soins postopératoires dupatient.

Information et consentement à l’anesthésieLa difficulté de raisonner sur le consentement à l’anesthé-sie réside dans le fait que l’anesthésie permet de pratiquerune intervention préalablement consentie par le patient.Le consentement à une anesthésie peut donc paraître impli-cite, dès lors qu’elle est une étape obligée pour bénéficierde l’acte diagnostique ou thérapeutique proprement dit. Leconsentement du patient à l’anesthésie doit pourtant êtreobtenu après une information loyale, simple, intelligible etadaptée à sa personnalité au même titre que n’importe quelautre acte.

Les patients soumis à la chirurgie ambulatoire doivent non

seulement comprendre mais aussi maîtriser le processus.

Page 4: Sélection et information du patient ambulatoire

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4300Information et communicationSi le contenu médico-technique de l’information peut paraî-tre clair, la façon de dispenser les information est laissée àl’appréciation de chacun, en fonction de ses capacités àcommuniquer et en fonction des capacités de compréhen-sion du patient. La qualité de la relation devient préémi-nente pour pouvoir aboutir à un consentement éclairé et àune décision partagée (22).Il existe de grandes différences d’attitude en pratiqueconcernant la nature et la quantité des informationsdonnées au patient. Certains pensent qu’éviter les infor-mations explicites concernant les risques, diminuel’anxiété préopératoire, d’autres que le contraire est pré-férable. Les patients eux-mêmes, ne souhaitent pas tousavoir le même type d’information. Schématiquement, onpeut distinguer deux types de patients : les « inquisi-teurs » sont avides d’une information qui calmera leuranxiété, au contraire des « esquiveurs » qui évitentl’information qui les rendra plus anxieux vis-à-vis d’unacte menaçant comme une anesthésie ou une chirurgie(23, 24). Ces différents types de personnalité expliquenten partie la discordance des étudessur la valeur anxiolytique de l’informa-tion (25, 26). Ceci est confirmé par uneenquête française reprenant un ques-tionnaire anglo-saxon où 35 % despatients interrogés ne souhaitaient pasavoir d’information sur les complica-tions de l’anesthésie (27). Il n’estmalheureusement pas possible dedétecter ces traits de personnalitépar des tests simples, et seule l’expérience permet de lesdifférencier intuitivement ; c’est certainement dans cetteoptique que l’information doit être « adaptée à la person-nalité du patient ».

Contenu de l’information et exigence médico-légale

Il peut paraître délicat de faire coïncider les exigences de laloi imposant une information exhaustive et la relation deconfiance que le médecin est censé proposer au patient.L’ambition de l’ANAES était de mettre le patient en mesurede faire des choix grâce aux différents renseignements quele médecin lui communique (28).Selon le code de déontologie et les recommandations duconseil de l’ordre, l’information doit porter sur :– l’état du patient, son évolution prévisible et les investiga-tions ou soins nécessaires ;– la nature et les conséquences de la thérapeutique proposée ;– les alternatives thérapeutiques éventuelles ;– les suites normales d’un traitement ou d’une intervention(durée de l’hospitalisation, temps de convalescence,précautions à prendre), avec la réserve des complications

éventuelles pouvant entraîner un allongement de l’hospita-lisation ou de la convalescence ;– les risques des investigations ou des soins. Ce dernierpoint fait l’objet de la quasi-totalité des procès civils et posela question des risques graves, des risques exceptionnels etdes limites de l’information ;– les risques graves : un catalogue étant impossible, il s’agit,après avoir décrit en termes simples la nature des soins,d’attirer l’attention du patient sur les conséquences des ris-ques graves ;– les risques exceptionnels : le médecin n’est pas dispenséde l’information par le seul fait que ces risques ne se réali-sent qu’exceptionnellement. Mais lorsqu’il apparaît aumédecin que l’information est de nature à avoir uneinfluence négative sur la réussite des informations ou dessoins, il garde la faculté (même si elle doit rester exception-nelle) de la limiter pour des raisons légitimes et dans l’inté-rêt du patient (bulletin du conseil de l’ordre, janvier 1999).La cour de cassation conserve la notion de « privilège théra-peutique », c’est-à-dire de rétention prudente et temporairede l’information dans l’intérêt du patient.

Les sociétés savantes ont donc élaborédes fiches d’information, majoritaire-ment considérées sur un mode défen-sif par les médecins, qui se soucientsurtout des moyens à retenir pourapporter la preuve devant les tribu-naux qu’ils ont bien donné l’informa-tion. L’ANAES a porté un jugementcritique sur le contenu de ces docu-ments qui portent une attention parti-

culière aux risques inhérents à une technique, et sontsouvent rédigés dans un langage technique peu compré-hensible pour le patient « L’information sur le risque, endonnant un ordre de grandeur, permet à un patient de sedéterminer en appréciant sa probabilité en général. Mais s’iln’est pas possible de dire a priori à une personne en parti-culier si le risque se réalisera, il est nécessaire cependantque soit pris en considération le fait que l’événement, s’ilsurvient, est supporté en totalité par cette dernière ». Danstous ces cas, le médecin est amené à « apprécier seul l’inté-rêt du patient et à prendre les décisions qui lui paraissentadéquates : soit la situation est telle (il faut agir immédiate-ment ou la personne ne peut pas être informée) qu’elleempêche que la personne soit en mesure de choisir, soitcette dernière souhaite ne pas savoir et s’en remet aux déci-sions du médecin » : le patient peut donc refuser de pren-dre connaissance de l’information qui lui est proposée. Lepremier arrêt du 7 octobre 1998 a précisé que le médecinest tenu de donner une information au patient « hormis lecas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’êtreinformé ».

Les « inquisiteurs » sont avides d’une information qui calmera

leur anxiété, au contrairedes « esquiveurs » qui évitent l’information.

Page 5: Sélection et information du patient ambulatoire

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 301Signature et défianceL’arrêt du 14 octobre 1997, repris depuis par cinq nouvel-les décisions de la cour de cassation et par de nombreuxjugements et arrêts de tribunaux a décidé que « celui qui estlégalement ou contractuellement tenu d’une obligation par-ticulière d’information doit apporter la preuve de l’exécu-tion de cette information ». Le médecin doit donc prouverqu’il a exécuté l’obligation d’information. Cette preuve estdite libre et « peut être faite par tous moyens » (les juristesinsistant sur la « prééminence de l’écrit »), selon les cinqmodalités énumérées par l’article 1316 du code civil : écrit,témoignages, présomptions (dossiers médicaux), aveu, ser-ment, les deux derniers modes étant d’application margi-nale (28). Le conseil de l’ordre estime pertinent de fairesigner les fiches d’information au consentement. L’ANAES,quant à elle, fait le constat que l’accord écrit du patienttransforme « ce qui constitue une obligation pour le méde-cin » en « une contrainte pour le patient » et introduit ladéfiance dans la relation. Il semble prudent de signaler dansle dossier d’anesthésie que le patient a été informé et qu’ilaccepte la technique d’anesthésie proposée.

RPC AMBULATOIRE : DROITS ET DEVOIRS DU PATIENT

Des recommandations pour la pratique clinique récemmentexposées, proposent un certain nombre de points concer-nant l’information :– le patient doit être informé des précautions particulièresque ce mode de prise en charge requiert : en pré-opératoire(respect des consignes de jeûne, poursuite, arrêt ou relaisdes traitements personnels, horaires des dernières prises,règles d’hygiène), en post-opératoire (accompagnant, pas deconduite de véhicules, pas d’alcool, pas d’auto-médication) ;– Un document écrit sur ces précautions est souhaitable ;– Il apparaît souhaitable de demander au patient de signer lesrecommandations pré-anesthésiques et les conditions deretour à domicile dans le but de lui faire prendre consciencede l’importance de ces consignes pour sa sécurité. Cette signa-ture ne dégage en rien la responsabilité du médecin anesthé-siste. Elle prouverait l’acceptation des règles de la procédurespécifique à la pratique ambulatoire par le patient.

CONCLUSION

La qualité de la chirurgie ambulatoire se mesure à partir de4 items :– la morbi-mortalité ;– l’hospitalisation prolongée ;– la réadmission ;– la satisfaction du patient.

Pour tous ces items, la sélection et l’information ont uneimportance considérable car bien plus que pour l’anesthé-sie en structure traditionnelle, elles sont indispensables pourla bonne marche de l’unité de chirurgie ambulatoire.

RÉFÉRENCES1. Payne K, Moore EW, Elliott RA, Pollard BJ, McHugh GA. Anaesthesia for

day case surgery: a survey of adult clinical practice in the UK. Eur J Anaes-thesiol 2003;20:311-24.

2. Fleisher LA, Yee K, Lillemoe KD et al. Is outpatient laparoscopic cholecys-tectomy safe and cost-effective? A model to study transition of care. Anes-thesiology. 1999;90:1746-55.

3. Smith I, Cahill C. Workshop: Making all basket cases day surgery. J One-day Surg. 2002;12:7.

4. Callaghan LC, Edwards ND, Reilly CS. Utilisation of the pre-operativeECG. Anaesthesia. 1995;50:488-90.

5. Johnson H Jr, Knee-Ioli S, Butler TA, Munoz E, Wise L. Are routine preo-perative laboratory screening tests necessary to evaluate ambulatory surgi-cal patients? Surgery 1988;104:639-45.

6. Cheng CJ, Smith I, Watson BJ. A multicentre telephone survey of compliancewith postoperative instructions. Anaesthesia. 2002;57:805-11.

7. Correa R, Menezes RB, Wong J, Yogendran S, Jenkins K, Chung F. Compliancewith postoperative instructions: a telephone survey of 750 day surgerypatients. Anaesthesia. 2001;56:481-4.

8. NHS Modernisation Agency. National good practice guidelines on preope-rative assessment for day surgery. 2002.

9. Royal College of Surgeons of England. Guidelines for day case surgery.1992.

10. Chung F, Mezei G, Tong D. Pre-existing medical conditions as predictorsof adverse events in day-case surgery. Br J Anaesth. 1999;83:262-70.

11. Chung F, Mezei G. Factors contributing to a prolonged stay after ambula-tory surgery. Anesth Analg. 1999;89:1352-9.

12. Fennelly ME, Hall GM. Anaesthesia and upper respiratory tract infections--a non-existent hazard? Br J Anaesth. 1990;64:535-6.

13. Davies KE, Houghton K, Montgomery JE. Obesity and day-case surgery.Anaesthesia. 2001;56:1112-5.

14. Pollard BJ, Elliott RA, Moore EW. Anaesthetic agents in adult day case sur-gery. Eur J Anaesthesiology 2003;20:1-9.

15. Fung D, Cohen M. What do outpatients value most in their anesthesia care?Can J Anaesthesiology 2001;48:12-9.

16. Tong D, Chung F, Wong D. Predictive factors in global and anesthesia satis-faction in ambulatory surgical patients. Anesthesiology. 1997;87:856-64.

17. Levinson W, Roter DL, Mullooly JP, Dull VT, Frankel RM. Physician-patient communication. The relationship with malpractice claims amongprimary care physicians and surgeons. JAMA 1997;277:553-9.

18. Cheng BCP, Chen PP, Cheng DCK, Chu CPW, So HY. Recall of preopera-tive anaesthesia information in Hong Kong Chinese patients. Hong KongMed J 2002;8:181-4.

19. SFAR. Information médicale sur l’anesthésie : proposition de la SFAR. AnnalesFrançaises d’Anesthésie et de Réanimation Chirurgicale. 1998;17:fi2-4.

20. Done ML, Lee A. The use of a video to convey preanesthetic informationto patients undergoing ambulatory surgery. Anesth Analg. 1998;87:531-6.

21. Robaux S, Bouaziz H, Cornet C, Boivin JM, Lefevre N, Laxenaire MC. Acutepostoperative pain management at home after ambulatory surgery: aFrench pilot survey of general practitioners’ views. Anesth Analg. 2002;9:1258-62.

22. (Comité Consultatif National d’Éthique). Consentement éclairé et informa-tion des personnes qui se prêtent à des actes de soins ou de recherche. 1998.

23. Miller SM, Mangan CE. Interacting effects of information and coping stylein adapting to gynecologic stress: should the doctor tell all ? J Pers SocPsychol 1983;45:223-36.

24. Miller SM. Monitoring and blunting: validation of a questionnaire to assess sty-les of information seeking under threat. J Pers Soc Psychol. 1987;52:345-53.

25. Egbert LD, Battit GE, Trundort H. The value of the preoperative visit by ananesthetist. JAMA 1963;185:553-5.

26. Langer EJ, Janis GL, Wolfer JA. Reduction of psychological stress in surgicalpatients. J Exp Soc Psychol 1975;11:155-65.

27. Asehnoune K, Albaladejo P, Smail N, et al. Information et anesthésie: quesouhaite le patient ? Ann Fr Anesth Réanim 2000;19:577-581.

28. ANAES. Information des patients: Recommandations destinées aux méde-cins. 2000 Mars 2000.

Tirés à part : P. ALBALADEJO,Département d’Anesthésie-Réanimation,

Hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général Leclerc,92100 Clichy, France