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SERIC 2012 Au Sommaire - semaineseric.eu€¦ · bénévoles musulmans en leur sein (voir l’article du journal La Croix ci-dessous qui ... associations, à Pantin avec la SSVP et

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92 bis, boulevard du Montparnasse - 75014 PARIS - FRANCE

Tél : 00 33 1 43 35 41 16 - 00 33 9 61 21 36 50

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SERIC 2012

- La 12ème

édition de Semaine de Rencontre Islamo-Chrétiennes a été organisée du 15 au 25 novembre.

- Vous trouverez dans ce document les comptes-rendus reçus à la mi-janvier 2013. D’autres comptes-rendus en attente de réception pourront être consultés sur le site : « semaineseric.eu ».

Bonne année 2013

Au Sommaire …

1. Comptes rendus Paris

2. Comptes rendus IDF

3. Comptes rendus Province

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PARIS

Rencontre du 14 novembre à Paris - 6ème

l'Etat Laïque et les Connivences Religieuses

Le 14 novembre 2012, le centre de réflexion et d’action sociale de la Plateforme de Paris a organisé, à l’Assemblée nationale, une conférence intitulée « l'Etat laïque et les connivences religieuses » dans le cadre de la 12e édition de la Semaine de Rencontres Islamo-Chrétiennes (SERIC). L’événement a pour objectif de discuter du rôle de l'Etat dans les relations entre les différentes religions dans une société pluri-religieuse elle-même et de découvrir les réflexions sur le vivre ensemble. Des élus, chercheurs et acteurs locaux se sont réunis pour partager leurs points de vue sur la problématique. En ouvrant la soirée le président de la PDP, Nihat Sarier, a mis en valeur les motivations qui avaient amené à organiser le débat. Il a indiqué notamment que la Plateforme de Paris a fixé le vivre-ensemble comme un thème de réflexion pour cette année. De même, l’association a voulu contribuer à la SERIC puisqu’elle trouve l’initiative importante dans le développement du vivre-ensemble dans le pays. Selon lui, le choix du terme de « connivence » n’est pas dû au hasard, celui-ci permet de mieux signifier une entente entre différents cultes dans dans une société multiconfessionnelle.

La députée (UMP) de l'Yonne (89) Marie Louise Fort a souligné que l’un des objectifs de la loi 1905 sur la laïcité est la distinction entre les sphères politiques et privées. La loi, a dit Mme Fort, garantit «l’égalité entre croyants et non croyants». Elle a qualifié la manifestation de la Plateforme comme un moyen qui permet de mieux se comprendre et de vivre ensemble après avoir présenté la SERIC, Madame Myriam Bouregba, vice-présidente du Groupe d'Amitié Islamo-Chrétienne (GAIC), a qualifié cette Semaine comme un moyen de prévention contre le repli des communautés sur elles-mêmes. Elle a souligné aussi un manque de présence médiatique des événements liés au dialogue interreligieux.

Madame Valentine Zuber, maitre de conférences, historienne et sociologue, a estimé que la laïcité « n’est pas une doctrine mais une discussion ». La spécialiste de la laïcité en France pense que l’Etat, par les lois de 2004 sur le port de voile à l’école et celle de 2010 interdisant la burqa, perd de sa neutralité puisqu’il intervient dans la sphère des libertés religieuses. Pour Jean Michel Cros, chercheur et chargé de mission à Strasbourg, le dialogue entre l’Etat et les communautés est nécessaire pour assurer le vivre-ensemble. M. Cros, en donnant l’exemple du Concordat en région Alsace-Moselle, a démontré l’expérience positive de l’interaction entre les institutions et les cultes.

Selon les observations de Kamel Meziti, historien des religions, secrétaire général du Groupe de Recherches Islamo Chrétiennes (GRIC), il y a des laïcités en France. Le chercheur croit que la laïcité est un acquis mais constate une dérive sur la question notamment par une médiatisation outrancière de la vie de la communauté musulmane.

« Je suis amplificateur du dialogue interreligieux », a déclaré Hamou Bouakkaz, adjoint au maire de Paris, chargé de la vie associative et de la démocratie locale. Selon l’auteur de « Aveugle, arabe et homme politique, ça vous étonne ? », le dialogue sert à déconstruire les ignorances et les préjugés. Monsieur Bouakkaz a expliqué l’apport de la mairie de la capitale dans la question de la coopération entre les différents cultes.

Enfin, Fréderic Rousse, attaché parlementaire et conseiller national de l'UMP, a souligné l’importance de la nécessité d’empêcher la religion à prendre le pouvoir. Rousse a fait part de son inquiétude vis-à-vis des questions sur la burqa et sur le menu hallal dans les écoles. C’est la loi qui a la primauté, dit-il, et « les principes religieux ne doivent pas être politisés ». Nihat Sarrier, président de la Plateforme de Paris

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Rencontre du 15 novembre à Paris 9ème

« La fraternité ensemble au service de tous »

En partenariat entre la SSVP (Société Saint de Paul) le SIF (Secours Islamique France), le GAIC

et le MIRC (Mouvement International des Responsables Chrétiens). Le succès de la rencontre qui s’était tenue lors de la SERIC 2011 a amené ses partenaires

organisateurs à en renouveler en 2012 le déroulement dans les locaux de l'Espace Bernanos (paroisse de Saint-Louis d'Antin) au cours de la soirée du jeudi 15 novembre, de 20h. à 22h. Le thème retenu cette année était "La fraternité ensemble au service de tous".

Président du Mouvement international de responsables chrétiens, Norbert Ducrot, accueille les présents. Il souligne l'importance à ses yeux de cet engagement pour le dialogue entre chrétiens et musulmans, dans le droit fil des valeurs défendues par Edmond Michelet, fondateur du M.I.R.C.; c'est ce qui l'a conduit depuis 2000 à susciter chaque année dans les murs de l'Espace Bernanos une manifestation s'inscrivant dans les initiatives des SERIC. Il entend bien poursuivre, en revenant sur les deux points faibles de cette année : diffusion de l'information un peu tardive, et modification des horaires (mieux vaut revenir et rester à la tranche 18h.30-20h). Il fait ensuite état des récentes prises de position des évêques de France sur les relations entre chrétiens et musulmans (qu'ils encouragent très vivement), à Lourdes lors de leur session annuelle et à Rome, à l'occasion de leurs visites au pape Benoît XVI. Puis il passe la parole à Antoine Poirier qui anime le déroulement du reste de la soirée.

Le but de la soirée était de mettre en relief l’action de solidarité des bénévoles à qui pour la première partie de la soirée la parole a été donnée. Pierre Boutevin, président de la Conférence de la SSVP de Mérignac et Mohamed Sajil tous deux bénévoles on ainsi témoigné du travail remarquable réalisé de concert dans leur ville, où les bénévoles de la SSVP sont aussi des musulmans. Mohamed Sajil nous a dit combien l’imam de Mérignac a encouragé leurs participations pour la distribution des colis aux nécessiteux. Pierre Boutevin a dit, comme président de la SSVP, dont la vocation est de s’appuyer sur la dimension spirituelle pour l’aide aux démunis, comment il s’appuyait sur le respect de l’altérité religieuse des musulmans, pour les intégrer pleinement à La Conférence de la SSVP de Mérignac. Il a ensuite pu, dans le prolongement de cette action avec les musulmans, rendre compte auprès des autres Conférences SSVP de France de la nécessité de s’élargir afin d’inclure des bénévoles musulmans en leur sein (voir l’article du journal La Croix ci-dessous qui rend compte de cette expérience).

Les bénévoles musulmans venus témoigner pour cette soirée, Myriam Ghedj et Mehdi El Boutouti, ont fait part du travail en commun autour de plusieurs actions qu’ils ont menées avec plusieurs autres associations, à Pantin avec la SSVP et le Secours Catholique, ou pour les Palestiniens avec le Secours Populaire et d’autres collaborations aussi. Ils ont beaucoup insisté sur le fait que la solidarité du SIF vise tous les publics sans discrimination aucune d’obédience religieuse ou autre.

Dans un deuxième temps les responsables des organisations caritatives, Bertrand Ousset, président national de la SSVP et Salah-Eddine Benzine, responsable des relations avec les donateurs au SIF, ont redit leur volonté de promouvoir » la fraternité ensemble au service de tous », selon l’intitulé de la soirée. Myriam Bouregba, vice-présidente du GAIC et coordonnatrice de la SERIC France, a dit l’importance, dans la rencontre interreligieuse, de la dimension de l’agir ensemble pour le bien commun, la solidarité et la fraternité et de l’importance de cette dimension dans la SERIC.

Les organisateurs sont convenus en conclusion de renouveler leur partenariat pour la SERIC 2013.

LA CROIX. COM mis à jour le 15/11/12 - 16 H 14 À Mérignac, chrétiens et musulmans s’unissent pour les plus démunis La semaine de rencontres islamo-chrétiennes se déroule dans toute la France jusqu’au 25

novembre. À Mérignac, musulmans et chrétiens travaillent ensemble toute l’année pour l’association Saint-

Vincent-de-Paul. « Vous avez vu, ici, chrétiens et musulmans travaillent main dans la main », lance Pierre-Jean-

Marc Boutevin, président de l’association Saint-Vincent-de-Paul de Mérignac, près de Bordeaux.

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Chaque mardi, au Burck, un quartier populaire, des représentants des deux confessions

distribuent du pain, de la viande, des produits laitiers à 500 personnes dans le besoin. Dans les cuisines de cette association catholique reconnue d’utilité publique, les deux communautés sont complémentaires. « Avec nous, les bénéficiaires musulmans se sentent plus à l’aise. Nous servons parfois de traducteurs à ceux qui parlent mal français », souligne Mohamed, 36 ans, un bénévole.

Lorsque ce musulman évoque son arrivée à Saint-Vincent-de-Paul, l’émotion perce dans sa voix. « J’ai été accueilli avec beaucoup de chaleur à un moment difficile de ma vie. Je venais de perdre mon travail de mécanicien, à la suite d’un accident de moto. »

Toutefois, Marie-Claude, 63 ans, une bénévole catholique, membre du conseil pastoral de Mérignac, consent qu’il y eut d’abord un peu de « méfiance », au regard des préjugés mutuels des catholiques et des musulmans.

« Je suis heureux de voir que les barrières tombent » Houssine, 40 ans, un autre bénévole, cuisinier de métier, pensait ainsi que « la religion catholique

était raciste ». Au fil des discussions, il a dépassé ses préjugés et considère aujourd’hui « Saint-Vincent-de-Paul comme sa deuxième famille ». Mohamed, quant à lui, est désormais convaincu que « les deux religions se ressemblent énormément », liées par des valeurs communes : « la générosité, l’écoute, le partage, le respect ».

Pour stimuler et enrichir ces échanges interreligieux, des actions ont été mises en place. Une fois par trimestre, musulmans et chrétiens de l’association se retrouvent pour dialoguer et lire à voix haute des textes catholiques (encycliques de Benoît XVI…). Par ailleurs, lors du Carême, les musulmans prient avec les chrétiens et prennent le « bol de riz ». De même, en cas de décès parmi les bénévoles, « des musulmans demandent même à venir chanter le Je vous salue Marie avec nous », souligne Pierre-Jean-Marc Boutevin. Sans oublier le repas de rentrée, en septembre, où bénévoles, bénéficiaires et représentants locaux de toutes les religions communient ensemble.

Jusque-là, « ces échanges étaient unilatéraux », reconnaît Marie-Claude. Mais la donne change. La semaine prochaine, les bénévoles vont rencontrer l’imam de Mérignac. Celui-ci a proposé de faire une quête à la sortie de la mosquée pour offrir des cadeaux de Noël aux bénéficiaires de l’aide de Saint-Vincent-de-Paul. « Je suis heureux de voir que les barrières tombent », se réjouit le P. Michel Sallaberry, curé de Mérignac. Le 22 novembre, tous partiront au berceau de saint Vincent de Paul, dans le village landais de Pouy.

Nicolas César

Rencontre du 15 novembre à Paris 13ème

La résurrection dans nos traditions religieuses

Séance publique de l’Atelier « Vivre les Textes » du Groupement d’Amitié Islamo-Chrétienne

Exposés à partir de textes de la Bible et du Coran, avec le point de vue d’un bibliste juif, puis discussion libre

jeudi 15 novembre20h30-22h30

Salle Saint-Albert

127 rue de la Santé, Paris XIIIème

Métro Glacière – Bus 21 Daviel

La rencontre n’a rassemblé que 20-25 personnes, y compris les membres de l’Atelier. C’est dommage, car le contenu en a été fort intéressant. Il faut incriminer : - une inclusion tardive dans les programmes de la SERIC - une mauvaise diffusion du tract - un souvenir mitigé de la séance de l’an dernier chez les paroissiens de Saint-Albert ; séance jugée trop ardue, pour « initiés ».

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Cette année, 3 exposés, s’appuyant chacun sur un choix de textes rassemblés sur des feuillets distribués aux participants : - par Hanan Ben Selma, commentaire de l’évangile de Jean 20, 11-18, le témoignage de Marie-Madeleine, - par Nacer Khalfi, à partir d’une sélection de versets coraniques, la résurrection pour un musulman, à savoir celle des morts au dernier Jour, celle de Jésus posant le problème de sa mort, un peu abordé en fin d’exposé. - par Bernard Lecat, la résurrection des morts pour les chrétiens et ses liens avec celle de Jésus, à partir de la 1

ère épitre de Paul aux Corinthiens, 15, 1-58 et son exégèse par Michel Hubaut (Du corps mortel au

corps de lumière : fondements et signification de la résurrection, Paris, Editions du Cerf, 2009). Entre chaque exposé, quelques questions ont été posées par l’assistance, témoignant d’une bonne écoute. Un quatrième exposé par Hervé-Elie Bokobza a présenté le fruit d’une étude du Talmud offrant une solution pour concilier les opinions chrétienne et musulmane sur la mort de Jésus. Une version électronique d’un article écrit par l’auteur sur le sujet est diffusable. Les discussions, très animées, se sont achevées autour d’un pot amical.

Rencontres du 18 Novembre à Paris 5ème

« Aux quatre vents des religions »

Le dimanche 18 novembre après midi « La Maison Fraternelle » liée au Temple Port Royal a accueilli à nouveau notre rencontre qui a rassemblé environ 70 personnes, autour du thème : LA VIOLENCE : A QUI LA FAUTE ? Ce thème dit notre désir de contribuer à une réflexion partagée…« ensemble pour la paix ! » Et la rencontre s‘ouvre par l’écoute de textes introductifs qui en explicitent le choix. Comme les années précédentes nous avons demandé à un représentant qualifié de chacun des trois monothéismes, de commenter le texte de l’Ecriture qu’il a choisi. Genèse : Chap 2, versets 2 et 19 par le Dr Berdugo, (desservant de la synagogue Ohr Hahaim, 223 rue Vercingétorix, Paris 14

ème)

Evangile de Luc : 12, 49-53 par le Père Jacques Mérienne, responsable du Centre Pastoral « les Halles-Beaubourg de Saint Merri, 76 rue de la Verrerie, Paris 4

ème

Sourate VII Al- A’Raf : 10-2 par le Dr Leila Hamidou, croyante musulmane.

Après un temps d’échange avec les intervenants les personnes présentes sont invitées à un temps de recueillement puisant aux sources des trois traditions. La rencontre se termine par le « pot de l’amitié » qui permet des échanges moins formels !

Notre « public » s’enrichit de nouveaux auditeurs…mais force est de reconnaître que les chrétiens sont de beaucoup les plus nombreux !

Rencontre du 20 novembre à Paris 11

ème, Paroisse St Ambroise

Une méditation chrétienne en partage autour du livre « la Terre sainte et le symbolisme de l’Olivier »

Dans le cadre de la SERIC – Réunion Interreligieuse. Avec la participation de Madame Paulette DOUGHERTY –MARTIN, Ecrivain, Théologienne, autour de livre pour une « Médiation Chrétienne sur le symbolisme de l’olivier, dans nos trois traditions monothéistes, en Terre Sainte ». Du Père Jean LOUUVEAU, Aumônier du G.D.I.R de Saint Ambroise. Et de Francis GRAS, du GAIC, membre dirigeant de l’Atelier Israël-Palestine. Nous avons bénéficié de l’annonce parue sur notre demande, dans le journal diocésain « Paris Notre-Dame ».

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Par contre une Association Interreligieuse du 11

ème, réunion ayant lieu à Notre Dame d’Espérance, même

jour et même horaire, nous a certainement privés d’une partie de nos sympathisants. La soirée a débuté, après présentation de nos intervenants et comme nous en avons l’habitude par un instant de prière afin de nous mettre sous le regard de notre Seigneur. Lecture du Psaume 132 « vivre ensemble, être unis » Puis lecture de Madame DOUGHERTY-MARTIN a fait une synthèse de son ouvrage en trois parties :

I) Introduction – Un héritage conflictuel

« L’olivier selon Saint-Paul »

II) Le temps des Nations

III) Le Mystère d’Israël

Avec la lecture par le Père LOUUVEAU de K. Palestine et développement sur la situation actuelle, dramatique de Gaza et de la Palestine. Merci à Paulette pour son analyse magistrale, Merci au Père LOUUVEAU pour son soutien. Merci à Francis pour ses précisions sur le Moyen-Orient Toutes les personnes présentes (22) ont participé au débat, très touchées par cet état déplorable, de l’état des lieux –terrible, injuste et oblitéré par beaucoup. Un peu de thé, boisson, petit en-cas, en conclusion de la réunion, nous ont permis de partager nos impressions et de constater l’impact de la conférence de Madame DOUHERTY-MARTIN. Intervention de Paulette DOUHERTY-MARTIN :

PRESENTATION DE « L’OLIVIER »

Pourquoi le public occidental a-t-il la vue brouillée dans le conflit israélo-palestinien ? Pourquoi ne discerne-t-il pas dans la colonisation de l’occupant un délit de droit commun ? Pourquoi, surtout lorsqu’il est chrétien, n’ose-t-il jamais se prononcer contre l’Etat d’Israël et sa Politique ? Pour plusieurs raisons, s’il s’agit de chrétiens : Il y a la culpabilité ressentie pour l’antijudaïsme qui a mené à l’antisémitisme… et à terme, à la Shoah. Il y a l’incapacité psychique, après avoir soutenu une victime, (la communauté juive), de faire de la place à une deuxième victime (le peuple palestinien)… surtout si cela implique de revenir sur le soutien donné à la première. Il y a la méconnaissance de l’histoire, qui fait oublier qu’il y a des chrétiens de la première heure qui subsistent en ce lieu, que l’on persiste à croire peuplé seulement de musulmans. Le préjugé anti-islamique peut alors jouer à fond. Il y a les réminiscences bibliques savamment entretenues par les noms de lieux (Judée-Samarie, tombeau de Rachel etc.) pour la réaction pieuse qu’elles suscitent. Et d’abord par le nom d’Israël. Il y a le profond désir de voir les promesses bibliques comme accomplies après l’holocauste – ce qui conforte une foi chrétienne souvent mise à mal. Il y a l’espérance messianique qui incorpore le « retour » d’Israël dans sa perspective eschatologique. Le combat d’Armageddon permet de donner à l’islam le mauvais rôle. En France, il y a eu, de surcroît, l’interprétation de la métaphore paulinienne de l’Olivier dans un sens unique – le devoir de reconnaissance des « nations » envers l’olivier franc qui figure Israël – afin de favoriser une réconciliation entre Juifs et chrétiens. On a préféré oublier que saint Paul catégorise « ceux

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de la synagogue » de branches coupées. (Même si c’est momentanément). En France, cette métaphore a porté de nombreux fruits : l’influence charismatique de Mgr. Jean-Marie Lustiger a longtemps favorisé un esprit de conciliation vis-à-vis de la communauté juive, pour qui revenir sur un soutien inconditionnel à Israël était vécu comme un retour à l’antisémitisme. C’est dans ce bain d’une entente retrouvée que les études bibliques se sont développées avec brio. C’est aussi à cause de l’avancée du dialogue judéo-chrétien qu’existe une réticence, aussi bien chez la majorité des évêques que chez les fidèles, envers le dialogue islamo-chrétien.

Ce sont les raisons pour lesquelles, s’il est absolument nécessaire, pour régler ce conflit sur le

plan politique, de s’en tenir strictement au Droit International sans aucun mélange de considérations religieuses, il est tout aussi essentiel de se tourner vers la théologie, lorsqu’il faut prendre en compte le déterminant religieux.

Le but de cet essai est donc de fournir un cadre théologique à la rencontre tripartite entre Juifs, chrétiens et musulmans par le biais de cette image concrète, l’Olivier – arbre emblématique de la paix, auquel on ajouterait une nouvelle branche : l’islam. Pour que l’image soit capable de s’imposer à des consciences chrétiennes, l’important est de démontrer que l’islam est porteur des mêmes valeurs que ses religions sœurs, qu’il procède de la même racine – la Loi et les prophètes – et qu’il exerce un contrepoids aux deux autres, ce.qui est sans doute voulu.

En incorporant l’islam à l’Olivier commun, on combat efficacement le préjugé anti-islamique. On

modifie, parallèlement, le regard porté sur le conflit au Moyen Orient. Difficultés de l’entreprise : Puisque l’islam est apparu en troisième place, après les deux autres, et qu’il se revendique comme la

révélation définitive, il est difficile pour un chrétien de lui assigner une place véritable dans ce dialogue qui se passe déjà très bien sans lui ! Tant que les contradictions doctrinales dictent les rencontres, l’impasse semble incontournable. Sur le plan doctrinal, l’islam apparaît comme une régression. Par contre, sa simplicité le rend d’emblée universel. Aussi, le chrétien peut trouver une place valable à l’islam dans l’Histoire du Salut : celle d’être un « judaïsme des nations ». (Les musulmans préféreraient qu’on dise «une Loi universelle »). Ce rôle, ainsi que celui qu’il revendique d’être « un rappel » pour les deux autres, permettent de reconnaître son authenticité. Les points de friction qui fonctionnaient comme des vecteurs d’exclusion mutuelle se transforment alors en moyens d’allumer de nouvelles étincelles de lumière !

N’est-ce pas ainsi, à travers de nouveaux défis, que procèdent toutes les connaissances, de remises

en cause en avancées, puis en de nouvelles remises en cause? C’est en voyant ce dernier-venu comme un acteur qui étend le soubassement de la Loi à de nouvelles aires géographiques, qui ramène leurs spiritualités communes à une essence intangible, qu’on peut lui reconnaître un rôle moteur dans la poussée d’ensemble. L’Arbre croît le long des siècles en largeur comme en hauteur. S’agissant de la hauteur, résumons-en la logique interne ainsi : le christianisme marque une rupture aussi bien avec la foi hébraïque qu’avec la foi musulmane, en révélant par la croix le Visage du Dieu tout-Amour. L’Incarnation est ce pas de plus qui n’est possible que par pure grâce.

S’agissant de l’élargissement, par contre, l’une et l’autre branche, la juive comme la musulmane, se

rattachent à ce tronc unique indispensable au couronnement final ; elles sont porteuses de « la Loi et des Prophètes ». Pour le chrétien individuel, d’ailleurs, ce serait une erreur de penser qu’il peut se passer de ce que saint Paul appelait « une pédagogie ». Nous avons toujours besoin d’émulation, nous avons toujours besoin les uns des autres.

Un bénéfice parallèle pour le processus de paix dans ce territoire d’Israël/Palestine, si exigu et si

dense de sens, serait de voir la coexistence en ce lieu des trois communautés comme des prémices prometteuses pour le monde entier. Tous y seraient impliqués, tous seraient obligés au même dépassement d’intérêts immédiats et particuliers. L’islam s’intègrerait ainsi dans la perspective eschatologique à laquelle le chrétien se réfère avec « la Jérusalem céleste », point de rencontre commune aux trois monothéismes. Sion, en ce cas, pourrait être le lieu d’exercice d’une paix réelle, le point de naissance d’une Humanité nouvelle. Qui ne rêverait à cette résolution-là ?

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Rencontre du 24 novembre à Paris 19ème

-Mosquée Addawa « Entre liberté et morale : quelle parole des croyants aujourd’hui ? »

7/15 rue Porte de la Villette, Paris 19

ème (M° Porte de la Villette, sortie n°4)

Entre liberté et morale : quelle parole des croyants aujourd’hui ?

9h00 - Accueil des participants 9h15 - Allocution d’ouverture de Larbi Kechat, recteur de la Mosquée Addawa 1

ère table ronde - Morale chrétienne et morale musulmane principe et enjeux actuels

9h45 à 11h - : avec Christian Pian, Maître de Conférences, à l’Institut Catholique de Paris et Selami Varlik, philosophe et acteur du dialogue islamo chrétien. 2

ème table ronde - Une Economie au Service de l’homme

1 - 11h15 à 12h30 - Eléments de réflexion avec Tarik Bengarai, imam, chercheur en droit islamique, ingénieur financier, auteur et acteur du dialogue interreligieux et Bernard Perret, socio économiste, enseignant à l’Institut Catholique de Paris. 2 - 13h30 à 14h30 - La solidarité avec Mahieddine Khelladi, directeur exécutif du Secours Islamique France et Bernard Pinaud, délégué général du CCFD - Terre solidaire.

Trois Ateliers

1 - 15h00 à 16h30 - La finance solidaire avec Djilali Benboura du Secours Islamique France et (sous réserve)

Christian Schmitz, directeur de la SIDI- Solidarité Internationale pour Développement et l’Investissement

L’accompagnement et le choix de fin de vie, avec Marie-Dominique Trébuchet, bénévole à la Maison Jeanne Garnier et Saïd Ali Koussay, aumônier à l’hôpital Avicennes de Bobigny, co-président du GAIC.

La liberté d’expression: Dominique Fontlup, journaliste à l’hebdomadaire La Vie et présidente des GFIC (Groupes des Foyers Islamo Chrétiens) et Hawwâ Huê Trinh Nguyen, rédactrice en chef de SalamNews

2 - 16h30 à 17h00 - Restitution et clôture.

Partenaires : Mosquée Addawa – Institut Catholique – GAIC

www.semaineseric.eu

Intervention du Christian PIAN : Morale chrétienne et morale musulmane : principe(s) et enjeux actuels

Deux remarques préliminaires :

1. 1ère

remarque : Le titre même de l’apport demandé suppose qu’il existe une « morale chrétienne » et pose donc la question d’une spécificité de la morale chrétienne ou, pour être encore plus précis, de la façon de comprendre l’affirmation selon laquelle « il y a du spécifique dans la façon chrétienne d’envisager la morale »… ce qui n’est plus déjà tout à fait la même chose. Pour le dire en un mot, on peut considérer :

Qu’il n’existe pas réellement de spécificité d’une morale chrétienne quant à son contenu ou corpus normatif (ex : pas une façon chrétienne d’être honnête). Un point clef lié, dans lequel je me retrouve avec un de mes maîtres dans le champ de la théologie morale, Xavier Thévenot, est que « tout ce qui se

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commande au nom de Jésus Christ (et de Dieu…) doit pouvoir se justifier du point de vue de la vérité de l’homme, et tout ce qui est prescrit par la raison droite doit pouvoir montrer sa cohérence avec la vérité de la foi chrétienne ».

En fait, plutôt que de dire qu’il y aurait une morale chrétienne spécifique, il vaudrait mieux tenir qu’existe une inspiration chrétienne spécifique dans l’agir moral, dans la vie morale. X. Thévenot, pour le citer encore, préférait dire qu’ « il y a une spécificité de l’apport du christianisme à la vie morale, car le christianisme représente un système original et complexe d’influence morale »

Par ailleurs, parler de morale chrétienne au sens « d’une morale » qui vaudrait pour tous les chrétiens ne serait pas respectueux de la pluralité interne au christianisme. Ce doit être, il est vrai, un horizon à viser, mais ce n’est pas un état de fait. Et il serait indélicat de faire le raccourci : morale chrétienne = morale catholique et morale catholique telle qu’elle est enseignée par le magistère même si je m’efforce personnellement de recevoir cet enseignement).

2. 2ème

(brève remarque préliminaire) : Ceci nous conduit au dossier des principes au pluriel, car il y en a plusieurs (et pas un principe comme pourrait le laisser penser le titre…). Ce sera le premier volet de cette brève intervention ; le second étant consacré aux enjeux actuels pour être cette fois-ci parfaitement fidèle au titre !

I Les principes donc…

Il existe un lien constitutif entre la foi en Jésus Christ et la vie morale, l’engagement éthique. Le

témoignage des Écritures, déjà, associe intimement la foi et la morale :

o Cf. les Évangiles synoptiques qui réduisent tous les commandements au double commandement d’amour de Jésus – envers Dieu et envers le prochain.

o Cf. aussi en Matthieu 25 la scène du jugement dernier qui signifie que notre relation avec Dieu est connue et manifestée de façon ultime dans notre relation avec nos prochains, particulièrement les nécessiteux. Ce n’est pas une confession de foi en soi qui conduit à Dieu en nous associant au Christ ; c’est dans l’engagement éthique que l’union au Christ est réalisée au final pour entrer dans le Royaume de Dieu : seul l’accueil de celui qui a faim, qui a soif, qui est sans toit, qui est malade, prisonnier, étranger peut être un bon indicateur. La relation aux blessés de la vie est le lieu de la communion promise à Dieu. Ce qui est décisif, ce n’est pas la conscience que nous pouvons avoir de l’enjeu ultime de nos relations humaines. En Matthieu 25, personne, parmi les élus comme les condamnés, n’a conscience d’avoir accepté ou rejeté le Christ lorsqu’ils secouraient ou ignoraient ces blessés de la vie. Et pourtant c’est l’effectivité de ces relations qui importe pour la relation ultime à Dieu. Le champ des relations à autrui, notamment aux plus démunis, ne se situe pas à l’extérieur des enjeux de la foi. Avec le Christ, il est à jamais central dans la perspective du Royaume à venir.

L’Église chrétienne, en tant que communion des disciples témoins de Jésus et de son enseignement, s’est ainsi toujours reconnu pour tâche d’enseigner la morale et de mettre au jour ce qu’exige, en différents lieux et à différentes époques, la condition de disciple. C’est ainsi aussi que s’est développée une théologie morale (comme on l’appelle en milieu catholique) à côté d’une théologie dogmatique (portant sur les « vérités à croire »).

Dans sa tradition, l’Église a reconnu la légitimité de plusieurs sources pour envisager la vie morale et le discernement éthique d’un point de vue chrétien en faisant une place à des sources « non révélées » à côté des sources révélées mais non sans débats et sans options.

o Il s’agit d’abord de savoir quelle place doit être faite aux sources non révélées (au regard des sources révélées elles-mêmes), sources qu’on range habituellement sous la rubrique de la « raison humaine ».

o Ceci a à voir avec l’articulation de la loi naturelle et de la Révélation. La grande majorité des auteurs, au cours des siècles, a ainsi admis que la raison permettait, dans une certaine mesure, d’atteindre une sagesse et une connaissance morale ; et ce, en se fondant sur la doctrine de la création : la raison, en réfléchissant sur l’humanité et le monde créés par Dieu, est capable d’accéder à la vérité morale. Mais certains ont rejeté l’usage de la raison au nom du péché inhérent à l’existence humaine, ne voulant

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connaître que l’autorité exclusive de l’Écriture et du Christ (la question étant alors de savoir par quelles médiations).

o Quoi qu’il en soit, beaucoup d’auteurs retiendraient aujourd’hui quatre sources pour informer le chrétien dans sa vie morale : l’Écriture, la tradition, la raison et l’expérience.

Un point important concerne le rapport à l’Écriture en elle-même, à la Bible en tant que « norme

normante ». Comment « utiliser » les Écritures ? Un facteur déterminant sera de savoir dans quelle mesure on accepte les limitations historiques et culturelles du témoignage scripturaire et ce qu’on en fait. Il reste que le récit biblique, pour le chrétien, est appelé à affecter profondément sa personne, son imagination et sa motivation morale en tant que sujet éthique.

Au titres des principes, retenons encore que la plupart des élaborations théologiques chrétiennes en

matière de morale se référent, implicitement ou explicitement, à des modèles qui relèvent de diverses approches que l’on retrouve d’ailleurs en philosophie morale.

o On retrouve ainsi le modèle téléologique qui a ici partie liée avec la fin (telos) dernière, typiquement le bonheur pour le croyant, en lien avec la participation à la gloire de Dieu ou au Royaume. Ce modèle aura tendance à juger toute chose relativement à cette fin. Il mettra aussi l’accent sur la configuration requise en termes de qualités morale chez le croyant (cf. éthique des vertus). En régime chrétien, il aura l’intérêt de proposer comme projet prioritaire la configuration au Christ, de laisser toute sa place à Jésus dans la vie morale des chrétiens. Jésus-Christ sera vraiment honoré comme la « norme concrète et universelle de la morale » pour le chrétien. Son histoire pourra inspirer les dispositions de notre cœur pour la vie morale et façonner notre identité personnelle et communautaire de sujets éthiques et croyants.

o On retrouve aussi le modèle déontologique qui envisage la vie morale en termes de devoir (deontos), de loi ou d’obligation : ce sont ici souvent les Dix Commandements qui servent de référence. Et, en un monde aux repères éthiques brouillés, il est nécessaire de ne pas oublier les injonctions de la loi de Dieu jusque dans la vie des hommes. Jésus ne dit-il pas lui-même qu’il n’est pas venu abolir la loi mais l’accomplir.

o Mais un troisième modèle, intrinsèquement théologique, mérite encore d’être évoqué : le modèle relationnel. Dans une perspective théologique, celui-ci envisage la personne humaine en tant que responsable et devant répondre, d’abord devant Dieu et, conséquemment, devant le prochain, soi-même, le monde et l’environnement. Il a l’avantage de montrer que la morale chrétienne n’est pas d’abord légaliste sans pour autant être laxiste. Il pointe aussi cet aspect essentiel selon lequel le critère supérieur de l’éthique chrétienne est l’amour, l’agapè selon le grec du Nouveau Testament. Un amour qui n’est toutefois pas une vague charité mais qui est compris à partir du Dieu d’amour qui révèle l’amour dans la vérité (Caritas in veritate selon le titre de la dernière encyclique du pape Benoît XVI).

II et les enjeux actuels

Le premier enjeu, non pas tant d’une morale chrétienne vécue, puisqu’il faut bien en rendre

compte et y appeler, est la question des publics de cette morale explicitée, enseignée, proposée. Cette question n’est pas neutre au regard de la façon dont la théologie morale s’est comprise dans l’histoire et de ses développements. La théologie morale s’est ainsi adresser historiquement à trois publics potentiels différents : l’Église, l’Université et la société dans son ensemble, et sa démarche varie en fonction du destinataire visé. Le cadre ecclésiastique accentue par exemple l’aspect pastoral et pratique ; le cadre universitaire tend en revanche à souligner le caractère scientifique de la discipline. Le cadre général de la société (cf. théologien dans un comité d’éthique) obligera à d’autres accentuations avec en particulier l’obligation de devoir rendre compte, en raison, dans un cadre non confessionnel, de ce qui provient cependant d’une élaboration qui s’inscrit dans une démarche de foi.

Les autres enjeux sont liés à quelques traits majeurs de la scène contemporaine. Rappelons quelques uns de ces traits depuis la Seconde Guerre mondiale :

o Le pluralisme qui règne, aucune école et aucun théologien particulier ne pouvant prétendre dominer la scène.

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o L’ouverture œcuménique qui s’est accompagnée d’un souci commun des Églises envers les problèmes moraux, en accordant une place accrue à leurs aspects sociaux. En parallèle avec les encycliques sociales promulguées depuis le concile Vatican II dans la veine de la Doctrine Sociale de l’Église catholique, on peut ainsi mentionner l’engagement du Conseil œcuménique des Églises sur les questions sociales.

o Quelle que soit sa confession de rattachement, la théologie morale chrétienne s’est par ailleurs trouvée, dans le cadre académique, particulièrement en contact avec de nombreuses autres disciplines touchant à la réalité humaine, comme l’anthropologie et l’éthique philosophique, les sciences politiques, etc. La société dans son ensemble a soulevé des interrogations éthiques toujours nouvelles et posé aux théologiens moralistes le défi de leur présence aux débats publics sur ces questions éthiques, dans le contexte d’un extrême pluralisme dans ce genre de débats, en général, mais aussi largement au sein de leur propre Église et tradition.

Pour répondre à ses évolutions, s’il n’existe pas de conception dominante, on peut distinguer un certain déplacement de la vision majoritairement optimiste illustrée par la théologie séculière du XIX

e siècle (cf. la

théologie libérale protestante) vers une perspective plus pessimiste marquée par les événements de ce XX

e siècle. Au cours de la période contemporaine, les thèmes du postmodernisme sont progressivement

passés au premier plan, mettant en cause ces présupposés des Lumières et de la modernité que sont le pouvoir de la raison universelle, l’autonomie individuelle, le mythe du progrès et le possible contrôle humain de la nature. Deux illustrations sur lesquelles je terminerai :

o Parmi les divers courants méthodologiques ou de réflexions spécifiques apparus ces dernières décennies on rappellera que la défense des marginaux et des opprimés n’a pas constitué simplement un sujet ou un domaine d’intérêt supplémentaire, parmi d’autres. On pense aux théologies de la libération tournées non seulement vers les pauvres du monde entier (en Amérique du Sud en particulier), mais aussi vers les minorités (ou considérées telles) : les noirs, mais aussi les femmes… Ces mouvements présentent l’intérêt de questionner l’approche prétendument objective et neutre d’une raison universelle qui serait affranchie de toute valeur et de tout intérêt. L’attention accordée à la praxis, l’engagement et le primat épistémologique accordé au point de vue des opprimés, fondent une nouvelle approche méthodologique.

Un phénomène important est aussi celui de toutes ces approches communautariennes qui se sont développées en réponse à l’individualisme libéral. Si l’on ajoute à tout cela l’option de certains théologiens de se dissocier de tout fondationnalisme (c’est-à-dire de l’idée selon laquelle il existe une réalité fondatrice, telle que l’humanité commune ou la nature humaine, sur laquelle il serait possible d’asseoir une morale), on voit bien qu’on touche ici au plus grand défi pour la théologie morale en ces temps dits de postmodernité, défi qui est tout à la fois celui de la possibilité d’une problématique, d’un discours et d’un accord à caractère universel. Face à ce défi, certains optent pour une éthique liée à la tradition, renonçant à ce que celle-ci puisse être étendue au-delà d’une sphère culturelle particulière. Mais beaucoup maintiennent la possibilité d’une discussion universelle et d’un certain accord, malgré la diversité et le pluralisme. A titre personnel et en tant que chrétien il me semble difficile de renoncer à cette recherche.

Intervention de Selami Varlik :

Le Coran et l’éthique du décentrement

Nous poserons la question de la forme que pourrait avoir aujourd’hui une morale d’inspiration islamique à travers une réflexion sur l’effort mené par plusieurs réformistes modernes pour voir dans le Coran la primauté du moral sur le juridique. Ils jugent en effet le normatif trop présent, voire oppressant, dans la façon actuelle de comprendre et de vivre l’islam ; et proposent de poser la question de l’intention morale de Dieu, qui serait en accord avec le monde moderne.

Toutefois cette approche pose un certain nombre de difficultés que nous allons évoquons dans un deuxième temps, après l’avoir préalablement décrite. Nous aurons ainsi l’occasion de nous demander en quoi, contre la lecture conservatrice qui enferme le texte dans le passé, cette lecture l’enferme dans le présent en réduisant son potentiel de signification. Nous verrons dès lors comment le fait de voir le texte plus comme une question que comme une réponse peut permettre de penser une éthique du décentrement. La lecture intentionnaliste du texte

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Ces intellectuels, parmi lesquels nous pouvons inscrire l’indo-pakistanais Fazlur Rahman (m.

1988), Nasr Hamid Abou Zeid (m. 2010) ainsi que le tunisien Mohamed Talbi, proposent de lire le Coran de façon intentionnaliste, ou finaliste, afin que ce Dieu avait voulu dire prime sur ce qu’il a dit en révélant sa Parole. Ils considèrent que l’intention divine transcende le contexte historique de révélation du Coran. Il faut donc se demander ce que le Coran voudrait changer dans la vie des hommes. Il propose ainsi davantage une dynamique d’action qu’un modèle de société qui serait clos. Dans Plaidoyer pour un islam moderne, Mohamed Talbi a ainsi recours à la métaphore du « vecteur orienté », qu’il met en relation avec les finalités (maqāṣid) de la loi. « Comme un mathématicien », l’historien doit déterminer les points permettant de tracer un vecteur. Dès lors, une bonne exégèse doit aller dans le sens de ce vecteur afin d’aller dans le sens même voulu par Dieu.

Cette approche nécessite la prise en compte de l’évolution historique de la société qui reçut la révélation, en tenant notamment compte de ce qu’elle était avant et de ce qu’elle devint après. Dans son herméneutique du double mouvement, Fazlur Rahman propose que l’interprète aille à la période de la révélation pour, à partir des circonstances particulières, comprendre les finalités objectives du texte qui sont morales et non juridiques. Dans un deuxième temps, il revient à la période contemporaine pour se demander comment appliquer aujourd’hui ces finalités morales. De même, pour Talbi, la lecture historique est « une étape épistémologique et méthodologique pour pénétrer le sens du texte, dans son point de départ et son but, ce qui permet de mettre en évidence les solutions et de définir la route à suivre ».

Abou Zeid établit une dichotomie entre le sens historique (ma‘na) et son « importance » actuelle (maghza), c’est-à-dire la signification. Le sens désigne « l’interprétation immédiate des textes résultant de l’analyse des structures linguistiques telles qu’elles fonctionnent dans une culture donnée », c’est-à-dire ce que les premiers récepteurs comprirent immédiatement et qu’il faut comprendre en tenant compte du contexte linguistique et historique. Tandis que la signification a une dimension contemporaine. Le sens est stable alors que la signification est mobile, car elle varie en fonction des horizons de la lecture et de ses paramètres. Ce sont ces significations qui représentent les intentions réelles de la Révélation. Elles sont le fruit de l’interaction entre le sens historique et le contexte du lecteur. En plus de la contextualisation historique, l’approche intentionnaliste propose également de lire le Coran à travers une lecture globale, faisant intervenir la dialectique entre le tout du texte et ses parties. La certitude ne peut jamais appartenir à des parties précises du Coran, mais seulement au tout du système moral qu’il met en place, soit sa finalité. Les parties doivent être comprises à partir du tout, qui permet de comprendre l’esprit du texte et qui lui-même doit être compris par le biais des parties. Pour Rahman, c’est précisément la lecture atomiste qui a privilégié le juridique à l’éthique en aboutissant à des prescriptions normatives à partir de versets qui ne l’étaient absolument pas.

Parmi les principales valeurs que permet de justifier cette approche figurent la justice, la liberté ainsi que l’égalité, entre tous les hommes (à travers la question du refus de l’esclavage par exemple) ainsi qu’entre l’homme et la femme (à travers, entre autres, la critique de la polygamie ou des règles d’héritage). Selon Fazlur Rahman, l’intention de Dieu que contient le Coran, soit la finalité même du message de l’islam, est moral : constituer une société juste et égalitaire. Il donne un fondement théologique à ce point de vue puisque c’est précisément parce que Dieu est Un et au-dessus de toutes les créatures, que celles-ci ne peuvent être qu’égales entre elles. Ainsi, si dans une société où la femme était avant tout un bien, un objet de droit, le Coran en fait une personne, un sujet ayant des droits, le Coran est vu comme tout à fait en accord avec le discours contemporain défendant les droits de la femme, y compris ceux dont ne parle pas le Coran. De même pour ce qui est de l’esclavage qui est plus toléré qu’accepté dans le Coran. Étant donné toutes les directives quant au fait de bien traiter les esclaves et toutes les incitations à les libérer, il est clair, pense Talbi, qu’à terme, Dieu voudrait d’une société sans esclaves ; conclusion à laquelle arrive également Fazlur Rahman. L’approche d’Abou Zeid est sur ce point assez proche des deux auteurs précédents. A propos du fait que, selon le Coran, la femme hérite de la moitié de l’homme, il rappelle que dans le contexte culturel de la révélation, « c’est un progrès par rapport à la situation antérieure, où les femmes n’héritaient pas ». L’islam est donc « par excellence la religion de l’égalité », puisqu’un pas décisif a été franchi dans le sens de son émancipation totale et de son accès à une entière égalité avec l’homme. Le Coran fait preuve de « gradation », à l’image de l’interdiction de l’alcool en trois étapes, pour proposer un modèle de justice sociale où l’homme comme la femme seraient libres.

La violence des bonnes réponses

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Aussi légitime et riche en perspectives cette approche puisse-t-elle être, notamment dans un

contexte où le normatif est incontestablement trop (et mal) présent, il n’en demeure pas moins qu’elle soulève un certain nombre de difficultés. L’intention divine est-elle si facilement connaissable ? Comment le lecteur moderne, lui-même historiquement déterminé, situé dans un contexte socio-politique ayant des enjeux et des stratégies propres de lecture, peut-il prétendre connaitre avec une totale objectivité quel a toujours été le message moral du Coran. Autrement dit, le problème ici ne touche pas le fait de penser que le vouloir-dire de l’auteur dépasse le dire du texte, mais de prétendre connaitre avec certitude et une fois pour toute en quoi consisterait cette intention. D’autant que, même s’il ne fait aucun doute que l’intention de ces penseurs est bonne, ce terme même d’« intention » nous invite à questionner les finalités mêmes du modèle de lecture qu’ils proposent. Dans un contexte tendu où l’on se demande si l’islam est compatible avec ceci ou cela (démocratie, droits de la femme, République, tolérance, égalité, Occident…), la réponse qui semblait la meilleure aux yeux de ces intellectuels était de répondre de façon affirmative – ce qui est légitime – en réduisant le Coran à un discours de confirmation, d’approbation – ce qui l’est moins… Le désir de construction d’un islam moderne risque alors de faire du Coran un réservoir de solutions venant systématiquement accréditer des conclusions obtenues ailleurs. La lecture scientifique du texte sacré fonctionne de la même façon. On lit toujours le texte de façon pour y trouver la confirmation a posteriori de quelque chose.

Or, ces lectures ne voient pas à quel point elles sont elles-mêmes historiques et dans quelle mesure le contenu qu’elles donnent au message moral du Coran est tributaire d’un contexte bien spécifique. Lisant le passé à travers les grilles de lecture du présent (à l’inverse du littéraliste qui fait la même erreur dans l’autre sens), elles ne voient le texte que comme un moyen de justifier un certain nombre de valeurs morales, dont la légitimité et la primauté ne pose d’ailleurs, bien évidemment, absolument pas question. Ici, encore le texte est enfermé dans une période, sauf que celle-ci a la particularité d’être celle dans laquelle nous vivons, et non celle dans laquelle vivaient les musulmans il y a plus de dix siècles. Il ne s’agit donc ni de dire que le Coran n’a pas de message moral dépassant la dimension juridique, ni de refuser que ce message moral soit en accord avec une morale universelle, mais de pointer le risque de réduire cette dernière à une éthique particulière propre à un temps donné en restant déterminer par des stratégies inconscientes de lecture. Le danger est dès lors de stopper le potentiel de signification éthique du texte, sous prétexte que le véritable message moral du Coran, parfaitement en accord avec le monde dans lequel nous vivons, a enfin été trouvé une bonne fois pour toute. Ainsi, la réduction du texte à un simple « oui » au monde ne pose pas moins de difficultés que sa réduction à un « non », propre au discours conservateur et réactionnaire. Il s’agit là de deux attitudes extrêmes où le religieux sert de faire-valoir au politique et où le texte est considéré comme un stock de réponses aux questions qu’on lui pose. Dès lors, le Coran est vu comme ayant enfin apporté les bonnes réponses aux questions qu’on lui avait posées.

Alors que le texte lui-même devrait poser question, et préserver, par ce biais, autant son sens de l’approbation que sa capacité à la contestation. Mais cette contestation peut tout toucher, y compris le croyant dans ses certitudes les plus solides. Autrement dit, le texte sacré questionne, bouscule, décentre le lecteur en l’invitant sans cesse à voir les choses autrement. Et, le geste éthique fondamental du Coran se trouve précisément dans ce décentrement de soi, qui libère un espace dans lequel l’autre lecteur peut trouver une place. Car la violence de l’interprétation ne se situe pas uniquement dans le fait de parler de violence ou de la prôner, mais également dans l’arrogance d’une interprétation qui, aussi légitime et pertinente puisse-t-elle être dans son contenu, se présente comme la meilleure et la dernière. Tandis que l’éthique du décentrement, nourrie par une dialectique entre le oui et le non au monde, enseigne la remise en question du soi narcissique, grâce à laquelle l’autre peut enfin pleinement exister. L’autre trouve une place dans l’espace qui s’ouvre dans un soi qui se distancie de ses certitudes, permettant l’émergence d’une véritable éthique de l’altérité. Intervention de Shaykh Tarik Bengarai Abou Nour, Expert Finance Islamique et Risque, Hafiz, chercheur en droit musulman, auteur, porte parole du Chari’a Board du CIFIE (Comité Indépendant de Finance Islamique en Europe) (www.cifie.fr), membre d’Artisans de Paix : L’homme au centre de l’économie : vision de l’islam Introduction : Comme introduction je cite deux versets coraniques :

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« Nous leur montrerons Nos signes dans l'univers et en eux-mêmes, jusqu'à ce qu'il leur devienne évident que c'est cela la Vérité. » (Coran, Sourate 41, verset 53). « S’ils observaient la Thora, l’Evangile et les révélations que leur Seigneur leur a envoyées, ils jouiraient certainement des biens du Ciel et de ceux de la Terre. Certes, il existe bien parmi eux des gens du juste milieu, mais il en est tant d’autres dont la conduite est déplorable. » (Coran, Sourate 5, verset 66). Le premier incite l’humain à méditer sur les signes de Dieu. Dieu manifeste Ses signes à travers les épreuves, pour ceux qui croient en Lui. Il les invite à se remettre en question, à repenser leur modèle, leur mode de vie, leurs intentions, leurs habitudes, leurs objectifs....Les crises financières cycliques qui ont fait trembler le monde ne sont pas le fruit du hasard mais font bien partie des signes de Dieu les plus manifestes, ils sont bien sûr la conséquence normale du principe du laisser-faire, pas de barrière et du court-termisme qui fondent le capitalisme. Ainsi ce principe a poussé les investisseurs à prendre toutes sorte de risques démesurés, à spéculer sur toutes sortes d’éléments volatiles, à vendre ou acheter des produits « toxiques », manquant de transparence, ou encore des produits qui n’existaient même pas, à avoir des stratégies purement individualistes et court-termistes et des réactions aveugles et moutonnières pilotées par la recherche du profit sans aucune considération morale et sans aucune réflexion pour les futures générations. Il suffit de citer le cas de pays et d’institutions qui agonisent à cause de ce qu’on appelle désormais la crise de la dette. Lorsque la dette d’un état ou d’une institution sert essentiellement à payer d’autres dettes, ou à financer/amortir les dépenses publiques et les intérêts qui ne cessent d’augmenter, on parle de faillite à petit feu, d’une destruction aveugle de valeur (économique, morale et sociétale). Il serait naïf de considérer le cas de la Grèce comme une anomalie isolée, car rappelons-nous que la dette de notre pays par exemple- la France- augmente chaque seconde de plus de mille euro !1 1 Voir utilement l’émission France 3 du 12 novembre de Franz-Olivier Giesbert consacrée à la dette française : http://programme-tv.orange.fr/programme/france-3/le-monde-d-apres_6685578.html Et le compteur en direct de la dette : http://www.oxoty.com/ 2 Crédits hypothécaires à taux variable accordés à une clientèle peu solvable et aux conditions modestes. La crise des subprimes a été révélée l’été 2006 avec le krach de ces prêts à risque aux États-Unis, que les emprunteurs n'étaient plus capables de rembourser, déclenchant la crise financière en 2007. Cette crise est devenue mondiale car ces créances ont été titrisées et vendues (transférées) sous emballages à différentes institutions financières dans le monde ! Le marché des Subprimes avait gonflé à des niveaux jamais vus en raison de l'utilisation de la titrisation car plus les organismes de crédits titrisaient leurs prêts déjà octroyés, plus ils avaient de finance pour en octroyer de nouveaux. De plus, les subprimes titrisés ont été mélangés à d’autres produits puis re-titrisés plusieurs fois successives à l’échelle mondiale, de sorte qu’il est devenu très difficile de savoir qui détient des produits liés à des subprimes et en quelle quantité… 3 Bernard L. Madoff, ancien vice-président du Nasdaq, a monté un fonds spéculatif géré de manière à payer les intérêts des premiers investisseurs avec le capital apporté par les derniers entrés. Certains clients ont souhaité retirer leurs fonds avec la crise financière en 2008, faisant alors s’écrouler le système. La fraude avoisinerait 50 milliards USD, ce qui en fait la plus grande fraude réalisée par un seul homme. 4 Jérôme Kerviel, ancien opérateur de marché de la Société Générale, est accusé d'être le responsable de 4,82 milliards d'euros de pertes par la banque en janvier 2008, suite aux prises de position dissimulées d'environ 50 milliards d'euros sur des contrats à terme sur indices d'actions entre 2007 et début 2008. On comprend ainsi aisément le deuxième verset cité qui appelle l’humain à prendre en compte la révélation divine pour son salut et son équilibre, nous développerons cet aspect plus loin… Dans le contexte de crise économique aux conséquences sociales désastreuses impactant la vie de tous les jours (les Subprimes2 aux Etats-Unis en 2007), de scandales financiers sans précédent en termes d’ampleur (affaires Madoff3 et Kerviel4 en 2008), mais aussi d’effets géophysiques pour le moins inquiétants (dérèglement climatique), l’économie mondiale s’intéresse de plus en plus à la finance éthique et islamique pour modifier le mode de pensée financier actuel, moraliser un capitaliste indompté pour qu’en entreprise des concepts de management orientés vers l’éthique, la morale et le développement durable puissent s’affirmer pleinement, et que l’idéologie d’une finance plus responsable puisse s’imposer à terme. Ces crises de l’économie ont ainsi sensibilisé le monde à la nécessité d’une

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moralisation de la finance et des investissements, laissant envisager la finance islamique comme un acteur potentiel pour une gestion « sage » qui met au centre des décisions économiques, l’Homme et l’intérêt à long terme, visant à assurer ainsi une croissance « saine », « morale » et durable. L’islam et l’argent : L’Islam troisième et dernière religion monothéiste précise à l’Homme sa responsabilité sur terre. Pour ce qui est de l’argent (les biens), l’Homme sera interrogé devant Dieu son Seigneur et Créateur sur sa provenance et sa dépense. Nos biens doivent ainsi provenir de source licite et dépensés dans le licite (Halal). L’Islam considère l’argent (de Dieu) comme un moyen et non un but et il est en même temps une épreuve pour tester la foi du croyant. Est-ce que le croyant va remercier Dieu en donnant de ses biens (que Dieu lui a octroyé et gratifié) à ceux qui le méritent et en utilisant l’argent dans l’utile et le bien et non dans la désobéissance, la destruction et la débauche? Est-ce que le coeur du croyant est attaché à Dieu ou à l’argent et cette vie éphémère d’ici bas ? Le croyant est-il l’esclave de la matière ou plutôt du Créateur de la matière, auquel cas la matière sera mise à son service par Son Créateur omnipotent. Le modèle économique islamique est différent du capitalisme et du communisme. L’argent en Islam est à Dieu (comme dépôt chez l’homme qui est Son lieutenant5) et non pas à l’individu ni à l’Etat. Néanmoins, l'islam reconnaît bien sûr la propriété privée, la respecte et la protège, il déclare sacré l'Homme, sa vie, ses biens et son honneur. 5 Le terme coranique Khalîfa est cité dans le Coran pour qualifier le père de l’humanité : Adam que Dieu a établi sur terre et lui a précisé sa mission (droits et devoirs). L'islam prône un juste milieu entre l'individualisme/libéralisme exagéré du capitalisme et le collectivisme injuste du communisme. L’Islam a mis en place la zakât (l’aumône purificatrice légale) comme pilier de l’Islam pour mieux distribuer les richesses et subvenir aux besoins des pauvres… Le but de la zakât (l’aumône purificatrice légale) est ainsi de réaliser l’équilibre et la justice sociale, d’empêcher le monopole de l’argent par les riches et encourager la circulation des biens. Celui qui s’acquitte de la zakât protège son argent et le bénie. Il purifie par là son coeur, élève son âme et fait fructifier ses biens. Dieu lui multiplie les mérites. C’est ce que nous précisent les sources scripturaires de l’islam. Un compagnon du Prophète de l’islam, Ibn ‘Umar a dit au sujet de l’essence et du sens de la zakât : « Toute richesse sur laquelle on prélève la zakât n’est pas considérée comme thésaurisée, même si elle est enfouie au fin fond du sol. Mais toute richesse sur laquelle la zakât n’est pas prélevée est considérée comme thésaurisée même si elle n’était pas cachée». A l’époque du deuxième Calife Omar, le modèle socio-économique de l’Etat musulman de Médine bien que fraichement établi, permis de mettre fin au déséquilibre social et les chroniqueurs rapportent qu’au moment de distribuer la zakât annuelle, on ne trouva point d’indigents dans toute Médine, et les collecteurs étaient obligés de quitter Médine et sa région pour enfin trouver ceux à qui ils distribuèrent cette aumône...La solidarité sociale et fraternelle a ainsi permis au modèle socio-économique musulman –lorsqu’il fut réellement appliqué- de gagner le combat contre la pauvreté et la précarité en un temps record ! L’Islam a encouragé également les aumônes volontaires, les dons, les actes de charité et a mis en place le Waqf (une sorte de fiducie) tout ceci pour amener la société à la solidarité, au partage, à la compassion, à la générosité et même à l’altruisme pour aboutir ainsi à l’équilibre et la justice social et par là à la sécurité et la paix. Réflexion spirituelle sur « le court termisme » ambiant : Le monde dans lequel nous vivons est rempli d’injustice sociale et de contradictions qui mettent en cause le modèle socio-économique adopté et les politiques en place. Chaque projet doit avoir une dimension humaine pour qu’il puisse réussir sur la longue durée. La notion d’utilité temporaire ou de plaisir temporaire est le moteur du modèle actuel qui fait de nous des consommateurs dépourvus de raison, de morale et de sagesse. L’industrialisation à outrance, la soif du profit, le « time to market » obligent les décideurs à accélérer les cadences pour rester à la hauteur de la concurrence toujours rude et impitoyable. L’organisation et la modélisation y compris celles des risques (risques du crédit, du marché et des process) pour mieux les anticiper, l’automatisation des procédures, la qualité et la normalisation pour

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répondre aux besoins de l’internationalisation, la veille technique et technologique…Tout cela est beau, et même nécessaire, mais tout cela a un seul but : le profit. L’humain, qui est à l’origine de tout cela, qui est à la fois l’ouvrier, le producteur, le client et le consommateur, se trouve exclu, aussi bizarre que cela puisse paraître, de la réalisation effective du confort auquel son management aspire. Son pseudo-bonheur est loin derrière lui, car finalement il amasse une richesse qu’il n’utilisera pas, il consomme son temps et son énergie dans un travail qui ne finira pas, mais qui le consume jusqu’à sa retraite ou son destin fatal (sans pouvoir profiter de la vie ou avoir un jour la paix intérieure). Le pire, dans tout cela, est que dans ce processus global, l’être humain contribue parfois à sa destruction à petit feu. Il utilise toujours les énergies polluantes sans une vision du long terme. Il invente les machines de guerre les plus destructrices et les armes chimiques et bactériologiques pour accélérer son déclin. Il mange des produits transformés sans mesurer les conséquences à long terme ou sur sa progéniture.... Dans l’approche du modèle socio-économique actuel, aucune étude ni aucune mesure n’existe pour prévenir et anticiper les risques sur l’Humain et sur son environnement (la nature) à long et à très long terme. Aucune étude n’a été menée pour mesurer le ratio : confort/risque à long terme, ou encore le ratio : capitale santé/degré d’industrialisation, ou encore le ratio : environnement/croissance économique sur le long terme et la capacité de cette terre à supporter les excès de l’homme. Les industriels et les chefs d’entreprises ne pourront pas maîtriser ni même estimer les risques à long terme sur l’humain et sur son environnement naturel, car ils sont inéluctablement les esclaves du marché et du profit. C’est là leur survie à court et à moyen terme. Mais le long terme alors, qui a pensé aux générations futures ? Leur faut-il encore plus de confort ? Est-ce réalisable encore ? Est-ce que cette terre supportera encore pour longtemps des habitants qui la malmènent (par les péchés et par cette industrialisation aveugle) ? Est-ce que nous sommes vraiment heureux ? Comment avoir un bonheur sans faille et un plaisir sans regret ? Pour le soufisme, coeur de l’Islam et qui y représente la station de l’Excellence, la solution réside dans la capacité de l’être humain à utiliser ses moyens internes que Dieu a déposés en lui pour voir plus clair et pour prendre la voie du juste milieu et le recul nécessaire vis-à-vis de ce bas monde. Le Coran précise : « C’est ainsi que Nous fîmes de vous une communauté du juste milieu… » (Coran, Sourate 2, verset 143). Ce bas monde, justement, est la passerelle de l’Humain vers l’au-delà. Le corps de l’être humain, son esprit ainsi que son environnement sont, selon le Coran, le dépôt sacré (Al-Amâna) que Dieu lui a confié. Il doit veiller scrupuleusement sur ces éléments pour ne pas avoir à être jugé par le Roi des rois au jour du jugement dernier : « Le jour où ni les biens ni les enfants ne seront d’aucun secours ou utilité, sauf celui qui vient à Dieu avec un coeur sain ». Chacun est responsable devant Dieu de préserver son corps, son esprit, son bien, ainsi que ceux des autres, en utilisant son corps et son esprit dans l’obéissance du Seigneur et dans l’utile, en respectant la vie et la nature et en aimant son prochain. Selon les paroles du Coran : « Entraidez vous pour l’accomplissement du bien et de la piété et ne vous entraidez pas dans le péché et l’agression. » (Coran. Sourate 5, verset 2). Et : « Nous vous avons créé de mâle et de femelle, et nous avons fait de vous des nations et des tribus pour que vous vous entre-connaissiez. Le meilleur d’entre vous est le plus pieux. » (Coran, Sourate 49, verset 13). Donc le but de la création est de réaliser le meilleur pour le bien réel de l’humanité, s’aider (pour cela), échanger et se connaître (pour s’aimer). Le pluralisme de nos sociétés est une force et une richesse si et seulement si le ciment de nos relations est fait de respect mutuel et d’entraide fraternelle. En direction de l’autre agir donc avec respect et non jugement et en direction de nous-mêmes chaque croyant devra réaliser un vrai travail sur son âme, pour purifier son coeur, le guérir de ses maladies, le parer des beaux caractères et s’attacher réellement à Dieu l’Eternel, et non aux futilités de ce monde éphémère, tout en y assumant dans le même temps ses responsabilités légales. L’homme « spirituel » ainsi défini aura certainement un comportement commercial et une économie plus responsables qui vont être dictés d’abord par sa conscience spirituelle ainsi éveillée et non uniquement par la soif du profit. La voix d’un coeur purifiée dirigera la voie de l’humain vers la lumière de la clairvoyance pour que finalement l’homme et son environnement soient au centre des préoccupations de l’économie. Contrairement aux idées reçues, la religion vise à apporter clairvoyance, bonheur et protection dans cette vie et dans l’autre au croyant, ce que confirme effectivement le Coran : « Quiconque a fait bonne œuvre, qu'il soit homme ou femme, tout en étant croyant, Nous lui assurerons certainement une vie agréable

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dans ce monde et Nous leur donnerons leur salaire (dans l’autre monde) selon le meilleur de ce qu'ils faisaient. » (Coran, Sourate 16, verset 97). Fondement et principes de la finance islamique, un moteur pour une nouvelle économie réelle et solidaire : Dans son éthique englobant, et pour protéger l’homme de lui-même et protéger notre patrimoine commun, l’islam s’est intéressé ainsi (entre autre) aux comportements commerciaux, il imposa le respect de certains principes de bases (qui découlent entre autre des grands principes islamiques de la justice, de l'équité, de la transparence et du consentement mutuel des contractants). Ce sont ces principes qui fondent désormais les banques et assurances dites islamiques ou plus généralement la finance islamique : On en cite essentiellement : *L’interdiction du préjudice : ce qui suppose une relation saine entre les parties contractantes basée sur la transparence et sur un consentement mutuel, sans tromperie, dégât ou dommage sous quelque forme qu’il soit. *L’interdiction du Ribâ : ce qui implique essentiellement la non facturation du délai du crédit, ainsi que l’interdiction des pénalités de retard lorsque le client est réellement en difficulté financière jusqu’à ce qu’il revienne à meilleure fortune. En revanche, des sanctions demeurent pour les clients récalcitrants et de mauvaise foi. Le Nombre de versets qui traitent du Ribâ est de 8 (sourate 2 : Versets : 275, 276, 278, 279 et 280 ; sourate 3 : Verset 130 et sourate 30 : Verset 39). Une banque respectant les principes de l’islam se comportera ainsi comme un investisseur et partagera les risques et les rendements. Le crédit est perçu en islam comme un acte volontaire « exceptionnel » d’entraide mutuelle et non comme une industrie. Ainsi l’argent ne produit pas l’argent mais il est un moteur de l’économie et une dynamo d’investissement réel qui doit circuler et contribuer à notre bonheur et notre confort commun. Cette interdiction correspond parfaitement à la logique saine et juste, car comment peut-on pénaliser davantage un client débiteur qui est déjà en difficulté de payement du capital ! * L’interdiction du Gharar : Gharar étant défini comme tout élément aléatoire susceptible d’engendrer une lésion ou une tromperie. Il désigne toute vente à caractère aléatoire ou possédant un élément vague, imprécis, ambigu, incertain, caché ...Le Gharar porte notamment sur l’objet de la vente, le prix ou le délai de livraison. *L’interdiction du Maysir/Qimâr : Le Qimâr et le Maysir se définissent comme toute forme de contrat dans lequel le droit des parties contractantes dépend d'un événement aléatoire. C'est notamment ce principe que l'on trouve dans les jeux de hasard et les pariages avec mise. Spéculer, parier sont des synonymes de Maysir. Comme alternative aux assurances commerciales fondées largement sur ce concept d’aléa on cite l’assurance « mutuelle » islamique(Takafoul). *Principe des 3 P: Partage des Pertes et Profits. *Secteurs d’investissement illicites (filtre exclusif) : on en cite l’industrie du tabac, l’industrie de l’alcool et du vin, l’industrie des jeux de hasard, la pornographie, l’industrie de l’armement etc... Ces principes impliquent les valeurs suivantes :

Transparence Justice (partage des bénéfices en pourcentage/partage des risques) Equité

investisseur (partenaire actif) et non comme un organisme de crédit

actifs tangibles et détenus / matérialité des échanges

Quelques témoignages : En septembre 2008, au moment fort de la crise financière qui ébranlait le monde et à l’occasion de la venue du pape Benoît XVI en France, Vincent Beaufils-rédacteur en chef du magazine Challenges- revenant sur l’ouvrage d’André Comte-Sponville sur la morale et le capitalisme (Le capitalisme est-il moral ?), l’éditorialiste invite à lire le Coran. « C’est plutôt le Coran qu’il faut relire », écrit-il. Il nous révèle

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son témoignage sincère et osé : « En réalité, et Benoît XVI nous pardonnera, au moment où nous traversons une crise financière qui balaie tous les indices de croissance sur son passage, c'est plutôt le Coran qu'il faut relire que les textes pontificaux. Car si nos banquiers, avides de rentabilité sur fonds propres, avaient respecté un tant soit peu la charia, nous n'en serions pas là. Il ne faut pourtant pas voir la finance islamique comme un exercice de troc moyenâgeux, car les pays du Golfe nous ont montré combien leur mentalité entrepreneuriale savait épouser le XXIe siècle. Simplement, leurs banquiers ne transigent pas sur un principe sacré : l'argent ne doit pas produire de l'argent. La traduction de cet engagement est simple : tout crédit doit avoir en face un actif bien identifié. Interdits, les produits toxiques; oubliés, les ABS et CDO que personne n'est capable de comprendre. Autrement dit, l'argent ne peut être utilisé que pour financer l'économie réelle. Il n'y a donc pas de hasard : si les banques du Golfe sont sorties indemnes de la crise du subprime, c'est qu'elles n'y sont pas entrées. Le respect de ce principe du Coran est également fort utile dans la relation que chacun entretient avec l'argent, qu'il s'agisse des entreprises ou des particuliers : les personnes morales n'ont ainsi pas le droit de s'endetter au-delà de leur capitalisation boursière ...»6 6 Extrait du Journal Challenge : www.Challenges.fr/magazine/0135-016203/ Le_pape_ou_le_Coran.html Edito 11 Septembre 2008. 7 Sukûk - Sakk est une valeur mobilière, un produit financier adossé à un actif ou activité tangible, le sakk confère un droit de propriété sur les actifs de l’émetteur. Son porteur reçoit du profit attaché au rendement de l’actif sous jacent. En pratique, un véhicule (société, fiducie, trust) détient un actif tangible (un immeuble par exemple) ou une activité licite. Ce véhicule émet des sukûk, une rémunération est versée aux porteurs de sukûk qui est directement liée à la performance de l’actif ou l’activité tangible. La valeur des sukûk fluctue directement en fonction des variations de valeur de l’actif sous-jacent. Ref. notre livre Comprendre la finance Islamique, aux éditions les 4 Sources. Un peu plus tard en juillet 2009, Bloomberg nous apprend que le quotidien officiel du Vatican, l’Osservatore Romano, venait de publier un article vantant les mérites de la finance islamique « pour l’Occident en Crise ». Trois ans après Ratisbonne, et le discours polémique du pape, voir le Vatican faire l’apologie de l’islam, qui plus est dans le propre organe de presse vaticane, a de quoi surprendre. Le titre de l’article est à cet égard plein de sens « Dalla finanza islamica proposte e idee per l’Occidente in crisi » (Idées et propositions de la finance islamique pour l’Occident en crise). Il ne s’agit pas simplement pour le Vatican de voir en la finance islamique, cette finance qui refuse de faire de l’argent avec de l’argent, une conception parmi d’autres de l’économie financière, le Vatican va jusqu’à suggérer que l’on se fonde sur les règles de la finance islamique pour repenser l’économie mondiale: «Pensiamo che la finanza islamica potrà contribuire alla rifondazione di nuove regole per la finanza occidentale, visto che stiamo affrontando una crisi che, superati gli iniziali problemi sulla liquidità, ora è diventata eminentemente una crisi di fiducia verso il sistema » (Nous pensons que la finance islamique peut contribuer à la refondation de nouvelles règles pour la finance occidentale, vu que nous sommes confrontés à une crise qui est essentiellement une crise de confiance dans le système). Et les auteurs de l’article de finir en proposant de financer l’industrie automobile ou les jeux Olympiques de Londres (sic) au moyen des sukûk7. Bibliographie choisie et pour en savoir plus : • «Comprendre la Finance Islamique : Principes, Pratiques et Ethique» par Tarik Bengarai,éditions Les 4 Sources, Paris, année 2009. • «La Crise, nouvelle édition revue et augmentée, Alternatives économiques, hors-série n°43bis, avril 2010 » • Emission du Lundi soir 12 novembre de Franz-Olivier Giesbert, consacrée à la dette sous le signe : ne rien cacher de l’abîme du déficit public : http://programme-tv.orange.fr/programme/france-3/le-monde-d-apres_6685578.html Et le compteur en direct de la dette : http://www.oxoty.com/ • «Le Système bancaire islamique: aspects théoriques et pratiques» du docteur Mohammed Boudjellal, éditions de l'institut international de la pensée islamique à Paris, année 1981. • « L'Islam et le monde des affaires » du docteur Lachemi Siagh, éditions d'Organisation : année 2003 (en français et en anglais). • Finance islamique à la Française : un moteur pour l’économie (Secure Finance). • Michel Ruimy, la Finance islamique, édition sefi, 2008. • Article sur la crise de la dette : http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_de_la_dette_dans_la_zone_euro Livres de l’auteur :

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*«Comprendre la Finance Islamique : Principes, Pratiques et Ethique» par Tarik Bengarai,éditions Les 4 Sources, Paris, année 2009. *« L’essentiel de la religion musulmane, Tawhîd, Fiqh et spiritualité ». Ed Iqra, 2007. *« Ibn ‘Ashir : L’essentiel de la religion musulmane, Tawhîd, Fiqh et spiritualité 2éme édition augmentée. » Ed Iqra, 2010. *« Muhammad l'intercesseur de la 'Umma, l'élu de Dieu, le bien aimé des croyants, préface du Shaykh Abderrahmane Belmadi ». Ed. Centre Islamique de France (C.I.F), 2009. * « Le guide du musulman, la voie du croyant selon le Coran et la Sunna (questions/réponses) », éditions Les 4 Sources, Paris, année 2011. * « Contribuer au bien vivre ensemble », mai 2012 chez l’Harmattan/Paris (compilation d’articles de conférences interreligieuses: sujet : l'apport de l'islam à la civilisation: l'exemple du comportement et de la spiritualité des valeurs qui transcendent le temps et l'espace) * "Finance islamique, un alternatif solide et durable» article publié dans la revue « Ethique et Economie » de la fraternité d'Abraham, hors série, Paris, mars 2012. Intervention de Bernard PERRET : Le message chrétien face aux défis économiques et écologiques Les grands principes de la « doctrine sociale » de l'Eglise catholique Comme l'a rappelé Christian Pian, la morale chrétienne se définit moins par un contenu spécifique que par la radicalité avec laquelle sont affirmés quelques grands principes qui découlent ultimement de l'identité des deux commandements (amour de Dieu et amour du prochain). Sur cette base, la doctrine sociale de l'Eglise a plus particulièrement développé quelques grands thèmes : justice sociale et solidarité, destination universelle des biens (à laquelle est subordonné le droit à la propriété privée), option préférentielle pour les pauvres, subsidiarité, nécessité d'une gouvernance mondiale, rôle des corps intermédiaires, dignité du travail humain, importance centrale de la famille comme cellule de base de la société. Pour ce qui concerne l'économie, l'Eglise à toujours défendu une vision positive de l'activité économique comme participation à l'oeuvre créatrice de Dieu. Mais la croissance n'est pas un but en soi, elle doit être mise au service de ce que le pape Jean-Paul II a appelé à « développement vrai et intégral de l’homme et des peuples ». Actualité de ce message On assiste actuellement à une interrogation sur les finalités du développement économique, à une remise en cause de la croissance comme idéal d'accumulation matérielle. On voit se développer des réflexions sur les dimensions non monétaires du « bien-être » et de la « qualité de la vie ». Dans le même temps, la question du « développement durable » et, à travers elle, la question du rapport de l'homme à la nature, prend davantage d'importance. Cette volonté de dépasser une vision purement matérialiste de la croissance rencontre l'affirmation de l'Eglise selon laquelle l'activité économique doit être mise au service du développement intégral de l'homme. Les accents nouveaux de l'encyclique de Benoît XVI Caritas in veritate (2010) Importance de la gratuité Dans la doctrine sociale, la justice est abordée le plus souvent sous l'angle de la redistribution. On fait confiance au système économique (entreprises, économie de marché) pour produire le plus efficacement possible, et ensuite chacun doit avoir la part qui lui revient de la richesse produite. Dans Caritas in Veritate, Benoît XVI apporte un élément nouveau en insistant sur la nécessité de cultiver l'esprit de gratuité au cœur même de l'activité économique, dans les échanges marchands comme dans la vie des entreprises : « Si hier on pouvait penser qu’il fallait d’abord rechercher la justice et que la gratuité devait intervenir ensuite comme un complément, aujourd’hui, il faut dire que sans la gratuité on ne parvient même pas à réaliser la justice. »

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Cet accent mis sur la gratuité fait écho à de nombreuses initiatives qui visent à concilier l'esprit d'entreprise, les valeurs économiques et l'impératif de solidarité : finance éthique, microcrédit, économie solidaire, etc. Tout en reconnaissant la valeur de ces initiatives, Benoît XVI formule l'exigence que « toute l’économie et toute la finance soient éthiques et le soient non à cause d’un étiquetage extérieur, mais à cause du respect d’exigences intrinsèques à leur nature même ». La responsabilité vis à vis de la création et des générations futures L'encyclique marque un vrai tournant vers une prise en compte de la question écologique par l'Eglise, avec des accents qui font écho à l' « éthique de la responsabilité » du philosophe H ans Jonas : « Nous devons avoir conscience du grave devoir que nous avons de laisser la terre aux nouvelles générations dans un état tel qu’elles puissent elles aussi l’habiter décemment et continuer à la cultiver. » Sur ce sujet, on note aussi que Benoît XVI cherche un juste équilibre entre l'affirmation d'une responsabilité de l'homme vis à vis de la création, et le refus d'une « divinisation » de la nature qui constitue une tentation récurrente pour une partie du mouvement écologique : « considérer la nature comme plus importante que la personne humaine elle-même est contraire au véritable développement. Cette position conduit à des attitudes néo-païennes ou liées à un nouveau panthéisme: le salut de l’homme ne peut pas dériver de la nature seule, comprise au sens purement naturaliste. » Une pierre d'achoppement, la question démographique On notera toutefois que la réconciliation entre l'Eglise et les écologistes risque de buter sur la question du contrôle des naissances. Celui-ci est jugé par la plupart des experts absolument nécessaire pour parvenir à une stabilisation rapide de la population mondiale, sans laquelle il sera difficile d'éviter une aggravation dramatique des déséquilibres entre l'homme et son environnement. Intervention de Bernard Pinaud, délégué général du CCFD-Terre Solidaire : Le Comité catholique contre la faim et pour le développement–Terre Solidaire est l’une des plus anciennes ONG de France. Nous avons fêté nos 50 ans l’an passé. Le CCFD-Terre Solidaire a été créé en 1961 comme une réponse, de la part de mouvements catholiques et des évêques de France, pour relayer l’appel du Pape Jean XXIII à appuyer la campagne de la FAO pour éradiquer la faim à travers le monde. Aujourd’hui le CCFD-Terre Solidaire est à la fois la 1

ère ONG de développement de France et à la

fois un organisme d’Eglise.

Les chiffres clés, en 2011 pas d’expatrié 169 salariés en France dont 50 en province 15.000 bénévoles 29 mouvements catholiques membres de l’Assemblée générale 350.000 donateurs 402 projets dans 60 pays 40 millions € de budget

Notre mission : La solidarité internationale

La solidarité, qu’est-ce que c’est ? La solidarité, nous dit le Petit Larousse, c’est « la dépendance mutuelle entre les hommes (et les femmes) ». C’est aussi « le sentiment qui pousse les hommes (et les femmes) à s’accorder une aide mutuelle ». Pour nous, CCFD-Terre Solidaire, ce que nous mettons en œuvre c’est la dimension internationale de la solidarité. C’est-à-dire la dépendance (je dirais l’interdépendance) mutuelle entre les peuples, les Nations, les États. C’est pourquoi, nous pensons que « rien ne changera là-bas dans les pays du Sud, si rien ne change ici chez nous ».

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Les projets économiques

Micro crédits. Pour cela le CCFD-Terre Solidaire a créé une filiale, la SIDI (atelier à 5h00)

Création de projets productifs urbains

Appui aux petits producteurs au Sud (commercialisation, création de coopératives…

La solidarité internationale c’est la prise de conscience d’appartenir à une même planète, confrontée de plus en plus à des problèmes globaux (crise financière, crise environnementale, crise économique,…) et sur laquelle les destins des hommes et des femmes sont inéluctablement liés.

Mais la solidarité internationale, c’est aussi un acte volontaire (et pas seulement un sentiment), fruit

de notre liberté, qui pousse des peuples, des Nations, des États à s’accorder une aide mutuelle.

Les fondements de la solidarité internationale selon le CCFD-Terre Solidaire

Ils sont d’abord humanistes

Tout homme, toute femme de bonne volonté ne peut supporter que dans un monde de plus en plus riche la pauvreté augmente, la faim perdure, les inégalités se creusent, etc. 870 millions de personnes souffrent de la faim à travers le monde. Les personnes souffrant de la faim sont passées de 170 millions à 234 millions, en Afrique, entre 1992 et 2012, donc en 10 ans ! En 2007, à l’échelle mondiale, 10 % des personnes les plus riches détenaient 85 % des patrimoines des ménages. Cette situation est moralement scandaleuse et socialement explosive. Notre première réaction doit être de nous indigner ! Notre deuxième réaction doit être d’agir pour changer les choses à notre mesure et donc d’être solidaire.

Ils sont aussi liés à notre foi

Pour un chrétien, comme pour un musulman, la solidarité avec les plus pauvres n’est pas un additif à notre foi. La solidarité est constitutive de notre foi. D’ailleurs l’Évangile nous dit « Si tu dis que tu aimes Dieu, mais que tu n’aimes pas ton prochain, alors tu es un menteur ». Bien plus, pour un chrétien en rencontrant le « pauvre », c’est Dieu lui-même qu’il rencontre. L’Église encourage les chrétiens dans ce sens et les encourage à s’organiser pour cette charité, cette solidarité. D’où l’importance d’organismes comme le Secours catholique ou le CCFD-Terre Solidaire. L’une des dernières encycliques (texte important) du Pape, DIEU EST AMOUR, le réaffirme : « L’Église ne peut jamais se dispenser de l’exercice de la charité en tant qu’activité organisée des croyants ». Le CCFD-Terre Solidaire est aussi l’un des instruments de l’Église de France pour exprimer sa solidarité avec les populations les plus pauvres de la planète.

Comment le CCFD-Terre Solidaire exprime-t-il cette solidarité internationale ?

De 3 manières qui sont 3 leviers d’action :

L’appui à des projets dans les pays du Sud et l’Europe de l’Est

400 à 450 par an, 20.000 depuis 50 ans. Ce sont des projets économiques, de formation, de santé, de défense des droits humains qui appuient financièrement des actions mises en œuvre par des organisations locales, des sociétés civiles de ces pays. Nous croyons que ce sont les populations locales qui ont les réponses à leurs propres besoins. Les organisations sont nos partenaires. Quel que soit le projet appuyé, ce que nous recherchons c’est le renforcement de ces organisations de la société civile du pays. Nous les accompagnons dans la durée, pendant 10, 20, 30 ans. Exemple : syndicats paysans au Bénin (Synergie paysanne, SYNPA) et au Togo (Mouvement pour une alliance paysanne togolaise, MAPTO). Nous avons commencé à les appuyer fin 1990 alors qu’ils n’étaient que 30 jeunes paysans. Ils sont aujourd’hui 1.500 au Bénin et 20.000 au

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Togo et sont devenus les syndicats les plus importants de leur pays, interlocuteur des pouvoirs publics de ces pays. Mais aussi au Tchad où nous appuyons un espace de dialogue entre musulmans et chrétiens pour favoriser la tolérance religieuse et la paix dans le pays. Ces 450 partenaires, environ, sont pour moitié des organisations d’Église et pour moitié des organisations non confessionnelles ou d’autres religions : organisations musulmanes comme en Égypte et en Indonésie et 1 organisation bouddhiste en Thaïlande.

L’éducation au développement

Il s’agit de sensibiliser les enfants, les jeunes et les adultes à l’importance de la solidarité internationale. Pour notre réseau de bénévoles nous organisons des conférences, des animations dans les écoles, des expositions dans les mairies ou les lieux publics, etc… Nous rejoignons ainsi 50 à 60.000 personnes tous les ans. Sur les questions économiques : interpellations sur les modes de consommation, promotion de la finance solidaire, du commerce équitable, mais aussi interpellation sur les paradis fiscaux, … Nous rappelons ainsi que « C’est l’homme qui est l’auteur, le centre, et la fin de toute vie économico-sociale » (Gaudium et Spes).

Le plaidoyer

Il s’agit d’agir sur les causes structurelles de la pauvreté en pesant sur les politiques publiques. Cette action d’influence se mène avec d’autres actions, la société civile française, européenne, internationale et avec ses partenaires des pays du Sud. C’est pourquoi nous serons à Tunis pour le Forum social mondial où se réuniront des dizaines de milliers de citoyens actifs qui viendront de tous les continents pour échanger, créer des réseaux, élaborer des propositions concrètes. Par exemple notre combat contre les paradis fiscaux. L’évasion fiscale vers les paradis fiscaux des multinationales présentes dans le pays du Sud qui ne payent que peu ou aucun impôt représentent 125 milliards d’euros, soit plus que l’aide publique au développement.

Par notre présence au côté du Secours islamique nous voulons témoigner que :

- Nous considérons les musulmans comme des frères et des sœurs, - Nous reconnaissons que pour vous aussi la solidarité internationale est liée à votre foi. « Pour les

musulmans, la charité, le partage, sont consubstantiels à la foi », Imam Tareq Oubrou.

- Le dialogue inter religieux est fondamental pour un « bien vivre ensemble » et un témoignage de paix auprès de la population française.

- Intervention de Marie-Dominique Trébuchet :

-

- Atelier fin de vie, témoignage de bénévolat en Soins Palliatifs

- Bénévole à la Maison Médicale Jeanne Garnier (MMJG) et de religion catholique,

j’interviens dans la Maison Médicale au sein d’une association aconfessionnelle (AIM,

Accompagner Ici et Maintenant). Nous sommes des bénévoles d’accompagnement de tous sans

distinction de croyances et de religion.

- La MMJG est un centre de soins palliatifs de 81 lits. Ce centre a une longue histoire qui date de

la fin du 19ème

siècle. A l’origine en effet, ce sont des veuves chrétiennes à la suite madame

Jeanne Garnier qui, guidées par leur foi, recueillaient et prenaient soin des malades incurables et

des mourants dont plus personne ne s’occupait dans la société. Bien avant les soins palliatifs

modernes (qui arrivent en France au milieu des années 80) et désormais participant au service

public des Hôpitaux de Paris, la Maison médicale accueille des personnes qui arrivent à la fin de

leur vie. Elle accueille les personnes qu’on ne peut plus guérir, et parmi elles, celles qui sont le

plus en souffrance pour des raisons de douleur physique, de souffrance morale, de difficulté

sociale, d’épuisement familial.

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- Les soins palliatifs sont simplement les soins qu’on dispense aux personnes malades, non plus

en vue de la guérison car elle n’est plus possible, mais en vue de permettre à la personne de

vivre le mieux possible les moments de sa vie qui restent à vivre.

- Ces soins prennent en compte toute la personne et pas seulement la maladie qui atteint son

corps. Ce sont des équipes pluridisciplinaires qui prennent soin et qui accompagnent ces

malades. Parmi ces personnes, il y a des bénévoles qui viennent les mains vides sans autre

chose à proposer que leur présence et leur écoute, sans rien à faire que d’être là auprès des

malades et des familles, de proposer une présence, dans un échange de parole ou simplement

de gestes et de regards.

- Les personnes malades arrivent au bout du rouleau, après un parcours de plusieurs années, de

quelques mois, ou de quelques semaines à l’hôpital. Epuisées, choquées souvent par l’annonce

qui leur est donnée sous la forme d’un couperet : « on ne peut plus rien pour vous », « il n’y a

plus rien à faire », elles trouvent un endroit où le seul enjeu est de vivre jusqu’au bout. Elles se

réapproprient le temps qui est à vivre.

- La première attention est de les soulager, par des traitements, mais aussi et surtout par la

présence afin qu’elles-mêmes et leur famille ne se sentent plus exclues, marginalisées par la

souffrance et la mort que la société ne veut pas voir. L’accompagnement de la personne prend

en compte ses dimensions physiques, psychologiques, morales, spirituelles. Ici, me disait la

mère d’une jeune femme qui était en train de mourir, « ici on peut parler de la mort, ce n’est pas

un gros mot. On peut en parler sans que la personne qui est en face de vous ne s’effondre.

Dehors, on n’ose pas, ça ne se dit pas ».

- Une femme de 50 ans, pleine de vie, m’a dit récemment : « ici j’ai trouvé un espace ouvert pour

penser, j’avais besoin de ce temps, pour penser à qui je suis, pour penser à la mort, au temps qui

reste ». Quand je parle de temps, m’a dit cette femme, je ne compte plus ce temps. « Aujourd’hui

je vis, je réfléchis, je cherche, je repense à ma vie, aujourd’hui j’ai peur aussi ». Une autre

femme, encore jeune, m’a dit qu’elle vivait ces moments en savourant la chance d’aimer ses

enfants, son mari, devenu si merveilleux avec la maladie. On écoute, les personnes malades, les

familles, il y a des larmes, des cris, des rires aussi et de la tendresse. Chacun vit ce temps de vie

avec tout ce qu’il est, son histoire, sa relation avec les autres. Certaines personnes sont très

isolées, certaines se réconcilient avec un fils éloigné depuis longtemps, certaines se disent je

t’aime pour la première fois. Un chemin de vie est possible même quand la mort se fait proche et

inéluctable.

- Certaines personnes arrivent à la maison médicale en disant : « je veux mourir », « c’est trop

long, il faut que cela se termine », mais dire « je veux mourir » ne signifie pas « tuez-moi » ou

faites-moi mourir. Elles expriment une grande fatigue, une peur de la mort mais aussi la peur de

peser sur les autres, d’être de trop. Accompagnées, les personnes retrouvent souvent une

relation avec les autres et les familles sont plus sereines, elles peuvent reprendre leur place

auprès de celle ou de celui qu’elles aiment.

-

- Tout cela s’oppose-t-il à la liberté dont chacun pense pouvoir user pour faire ce qu’il veut, tout

cela s’oppose-t-il à la liberté de décider de sa vie ou de sa mort ? Non, nous ne le pensons pas.

Comme chrétiens nous croyons que la morale est ce qui permet à chaque être humain de trouver

son chemin de vie. Nous pensons que la vie est vraiment un chemin de liberté, liberté de devenir

celui ou celle que nous sommes appelés à devenir, liberté d’être soi jusqu’au bout, infiniment

digne. Parce que la dignité, à la différence du prix, n’est pas relative, elle nous constitue être

humain avec les autres, jusqu’au bout, malgré les déformations, malgré les pertes.

- A cette éthique, qui guide notre action à la MMJG, la proximité de la mort ne change rien.

Simplement, dès lors que la maladie est là, dès lors que la souffrance manque de broyer la

personne, dès lors la mort approche, nous pensons qu’il faut être particulièrement attentif à ne

pas abandonner celui qui devient très fragile et vulnérable. Ce qui pourrait enlever du sens à la

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vie n’est finalement pas la mort, même proche, mais la grande solitude, l’abandon, le désespoir,

la douleur. C’est pour cette raison que nous accompagnons les personnes, pour qu’elles aient la

liberté de vivre jusqu’au bout leur vie.

Rencontre du 25 novembre à Paris 14

ème

« Pardon de Dieu, pardon des hommes. Chez les chrétiens, chez les musulmans »

Le dimanche 25 novembre de 16h à 18h, 21bis rue Dareau Paris 14

ème, dans le cadre de la

SERIC l'atelier "Fêtes en partage" du GAÏC a organisé une rencontre sur le thème : “Pardon de Dieu, pardon des hommes, chez les chrétiens, chez les musulmans.” Les intervenants étaient : Amina Tougui, membre d'une confrérie soufie et Etienne Heyse prêtre. Chacun des intervenants a dit comment la Bible, le Coran parlent du pardon. Il y a eu ensuite une approche psychologique puis la réflexion a porté sur la question : Comment les chrétiens, les musulmans vivent le pardon ? Les exposés ont été suivis d'un échange. Il a montré que les participants n'étaient pas venus pour satisfaire une curiosité intellectuelle. Ils se sont impliqués. Le pardon est à la fois une grande chose, un grand cadeau de Dieu. Il n'est pas facile à vivre. C'est parce que la question s'est posée au sein de l'atelier "Fêtes en partage" que celui-ci a choisi de le traiter pendant la SERIC. Le Pardon de Dieu : une grande fête ! 25 à 30 personnes ont répondu à ce rendez-vous qui s'est terminé par un moment de convivialité. Paul Bissardon

Rencontre du 27 novembre à Paris 15ème

« Prisonniers palestiniens : quelle solidarité ?»

Le 27 novembre, dans le cadre de la SERIC 2012, à l’initiative des Ateliers Israël Palestine du GAIC

et du réseau Chrétiens de la Méditerranée, s’est tenue une rencontre publique au Foyer de Grenelle (15

ème – Paris), sur le thème : « Prisonniers palestiniens : quelle solidarité ? » . Pour parler de ce sujet

douloureux étaient invités Stéphanie Latte Abdallah, chercheuse au CNRS sur la question et les représentants de deux associations palestiniennes spécialisées sur le soutien aux prisonniers et à leurs familles avec Gevan Kelly pour Adameer et Halima S. Abdallah pour « Tulkarem-prisonners Club ». De leurs interventions, on peut souligner quelques points qui suscitent particulièrement l’indignation.

Depuis 1967, on assiste à un emprisonnement massif (800.000 personnes) qui atteint pratiquement toutes les familles palestiniennes. Cette pratique est étroitement liée à la politique de l’Etat israélien de colonisation et de séparation conduisant à une gestion quasiment schizophrénique. Il s’agit à la fois à d’annexer des territoires de plus en plus étendus au détriment des Palestiniens, en refusant toute idée de frontières définies, et en même temps à séparer les deux populations israélienne et palestinienne avec la construction de la clôture, en fait le mur d’apartheid.

L’internement a pour but de renforcer cette politique en établissant une continuité carcérale entre le territoire israélien où se trouvent toutes les prisons (sauf une) où sont incarcérés les palestiniens et les territoires palestiniens où les arrestations sont le fait de l’armée et où s’applique la justice militaire.

La politique carcérale appliquée aux Palestiniens (et à eux seuls) ne repose sur aucune base juridique « normale » dans un Etat démocratique. Par exemple, les condamnations sont basées sur l’AVEU et non sur la PREUVE. Ce système implique la pratique de la torture. La torture peut être physique (coups, station dans une position inconfortable (…). Elle peut être psychologique avec notamment les menaces sur les membres de la famille du détenu. Halima S. Abdallah a mentionné une pratique où les mineurs sont obligés de boire l’urine des gardiens. Ce tout carcéral a en outre pour objectif de contrôler à distance les enclaves palestiniennes, notamment grâce aux ex-prisonniers qui ont flanché devant la torture et les menaces à l’encontre de leurs familles. Il a aussi pour objectif de s’opposer par avance à toute velléité de résistance en arrêtant n’importe quand et n’importe où. Cette politique carcérale a un coût énorme que l’Etat israélien peut supporter financièrement en confiant à des sociétés privés la gestion des prisons et aussi il faut bien le dire grâce notamment au soutien financier des Etats Unis d’Amérique.

Les témoins ont également dénoncé la pratique à grande échelle et sans explication de la détention administrative qui permet de maintenir en prison sans jugement en renouvelant indéfiniment les périodes

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de détention provisoire. Ils ont également dénoncé l’incarcération des enfants de moins de 16 ans qui a touché 8000 enfants depuis l’an 2000. Si, depuis 2009, les enfants passent devant des tribunaux spécifiques, en réalité ils sont sous le pouvoir discrétionnaire des juges militaires.

Une table ronde a ensuite permis aux représentants de l’Association de Solidarité Franco-

Palestinienne (AFPS), au Comité de Bienfaisance et de Secours aux Palestiniens( CBSP), et à l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) de présenter leurs activités de soutien au Peuple Palestinien. A signaler notamment la campagne de parrainage d’un prisonnier politique Palestinien engagée par l’AFPS (www.france-palestine.org/parrainer -un-e-prisonnier-e).

* Francis GRAS, co-animateur de l’Atelier Israël-Palestine du GAIC et membre du réseau Chrétiens

de la Méditerranée.

Les interventions peuvent être consultées, à compter de la mi-janvier 2013, sur le site de la SERIC www.semaineseric.eu, rubrique comptes-rendus, 27 novembre 2012.

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Evêché de TROYES 5 rue du Cloître St. Etienne CS 40071 10004 TROYES Cedex T. 03 25 80 58 30 Fax 03 25 80 48 50

[email protected]

Le 26 novembre 2012 A Madame Myriam BOUREGBA Vice-présidente du GAIC

Chère amie, Il y a un an, à notre invitation et celle de Militza Ruhl, j’intervenais à la 11ème édition de la Semaine

de Rencontres Islamo-Chrétiennes. Je n’oublie pas Militza, convaincue parmi les convaincus, de l’importance de se rencontrer dans un vrai dialogue avec l’autre, différent. Elle était une adversaire farouche de toute récupération idéologique. Elle avait le culte du respect de l’autre et de l’engagement pour des hommes et des femmes qui sur la terre de Palestine vivent des situations très difficiles du fait de leurs semblables.

C’est le cas des prisonniers palestiniens dont vous parlerez au cours de cette 12ème rencontre. Par fidélité pour Militza et pour la justice, j’aurais bien aimé y être présent. Mais ce n’est malheureusement pas possible. Voilà pourquoi, en tant que Président de Pax Christi et membre fondateur de Chrétiens de la Méditerranée, je tenais à vous adresser ce message et à vous dire combien je considère le thème des prisonniers comme important.

-Tout d’abord, parce que parler des « prisonniers palestiniens » c’est au fond parler de tout le peuple de Palestine. C’est tout un peuple qui est « prisonnier », mortifié, humilié, enchaîné. Les récents évènements de Gaza montrent comment le droit du plus fort continue à s’imposer, là où seule la négociation dans le respect du droit international peut être un chemin de paix.

-Pour moi il est clair qu’aucun recours à la violence n’est acceptable, où qu’il se situe, et quelles que soient les raisons qui le fonde. Si on ne respecte pas ce principe absolu, on entre dans le cycle infernal du déni mutuel de responsabilité. Mais ceci n’empêche pas qu’un fait est clairement établi : le peuple de Palestine est « en prison », la liberté lui est refusée par le « bon plaisir » d’un occupant, qui au nom de son aspiration légitime à la sécurité, décide de négocier ou de ne pas négocier, d’ouvrir les frontières ou de ne pas les ouvrir, etc. Il impose dans une relation très déséquilibrée le droit du plus fort, celui qui a la clef du verrou. Cela en soi est totalement inacceptable car c’est une violence majeure.

-Je sais qu’il y a des prisonniers palestiniens en Israël. Indépendamment du contexte détestable des

relations israélo-palestiniennes, ils ont à être traités avec justice et humanité. L’Etat d’Israël se déconsidère, si ce n’est pas le cas, au titre du simple respect des droits de l’homme. Le fait de dire que les prisonniers palestiniens demandent un traitement particulier en raison précisément du contexte est injustifiable, à ce titre des exigences des droits de l’homme. Puisse la réflexion partagée que vous allez mener être un bon exercice de vigilance.

Bien cordialement.

+Marc STENGER Evêque de Troyes Président de Pax Christi France

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ÎLE-DE-FRANCE

Rencontre du 18 novembre à la basilique de Longpont

« Marie, vue par les catholiques et les musulmans»

Par Nacer Khalfi et P.Gâtineau Une centaine de personnes dont un seul musulman et une trentaine de paroissiens de la

Basilique ; les autres sont les habitués aux conférences à 2 voix sur le département. Nacer Khalfi : Il lit les versets du Coran et explique au fur et à mesure Marie a une place particulière dans le Coran S3 v 33-49 et S 19 v 16-34 Elle fait partie de l’intention créatrice de Dieu. L’histoire de Zacharie et de Jean Baptiste est insérée dans celle de Marie : ce sont 2 textes de miséricorde où le temps historique passe dans le temps divin ex v 33 « le Jour où je naquis, où je mourrai, où je ressusciterai »Marie c’est l’histoire d’une élection comme Noé, Abraham. Dieu veille sur sa naissance. Elle a été vouée par ses parents au Temple (vocation à la prière) .Elle est placée sous la protection de Dieu : elle est d’ailleurs nourrie par Dieu. Les anges parlent directement à Marie. Elle fait des miracles. Jésus, son enfant, parle dès le berceau : Il est le VERBE .Il donne la Vie, la Mort, la Résurrection. Il connait tout sur la Torah

Elle est « buisson ardent « et Arche d’Alliance »

P. Gatineau : Marie doit être contente de nous voir ensemble Elle nous aide à nous comprendre nous même car ce n’est pas une déesse. Les Evangiles en parlent différemment : Chez Marc 2 mentions. Chez Matthieu et Luc, on en parle beaucoup Son chant est le résumé du 1

er Testament. C’est celui d’une croyante qui met sa foi dans sa vie. Puis

miracle à Cana « faites tout ce qu’Il vous dira » Puis la Croix : Marie est donnée à Jean comme sa mère. On se reconnait tous là : nous sommes enfantés à Dieu par Marie ; Elle est vierge c'est-à-dire disponible à Dieu. Dieu s’incarne en elle : c’est prodigieux !!!! C’est sa Résurrection qui atteste que le Christ est Fils de Dieu. Il fait parler cf. Elisabeth à la Visitation. Cet enfant nous parle … Marie enfante la Parole et cela prend du temps « elle gardait tout dans son cœur » Elle est la Mère de Dieu : infini respect car Dieu a voulu souffrir pour nous, Il a été sur la Croix, Il est mort, Il a tout donné, même sa Mère. Oui c’est prodigieux !!! Oui il y a des traces du mystère de Marie dans l’Ancien Testament « buisson ardent »et « arche d’alliance »

Viennent ensuite les questions qui s’adressent toutes au musulman. Les personnes ont aimé

le souffle, l’enthousiasme et l’intelligence des réponses. Nous comprenons que l’interlocuteur est soufie et donc son interprétation du texte est particulière.

Rencontre du 21 novembre à Bobigny « Ecouter cet autre malade, Il me parle de moi »

Cette année encore s’est déroulée la rencontre d’amitié islamo-chrétienne dans le cadre de la Séric, à l’hôpital Avicenne à Bobigny. Une trentaine de personnes se sont retrouvées dans la « salle du conseil » mise à disposition par la Direction de l’hôpital. Les aumôniers et leurs bénévoles étaient entourés de personnes extérieures, notamment les prêtres et les religieuses du secteur, le pasteur de Noisy-le Sec, des membres de deux ONG agissant auprès des personnes en grande précarité, du personnel soignant et médical, des amis de l’aumônerie. Le thème traité s’articulait entre le fait religieux et le contexte hospitalier laïc : « Ecouter l’autre, malade, qui me parle de moi. » Ce sujet a été abordé dans le sens spirituel et religieux et non dans le sens psychologique. Chaque intervenant a développé, selon son approche spécifique religieuse et sa tradition, un axe qui lui semblait important : qu’est-ce qu’écouter ? La finitude de la vie. La fragilité de l’existence. Nos limites. L’espérance. Après un moment de convivialité et

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de débats avec l’assistance, moment toujours riche de partage d’expériences et de réflexions, nous nous sommes séparés après trois heures d’échanges intenses et constructifs. Anne THÖNI

Rencontre du 23 novembre à Mantes-la-Jolie « L'engagement du croyant dans la société »

Dès 20 h 15, malgré l’humidité et les travaux d’envergure sur la place de la Mosquée, les personnes

commencent à affluer. Nous nous retrouvons pratiquement 200, autant de chrétiens que de musulmans. Une petite collation proposée par Aboubakar AÏT-OUMGHAR contribue tout de suite à briser la glace et à favoriser l’échange. Le thème «L’engagement du croyant dans la cité», choisi précédemment en commun, prévoit l’intervention de : Guillaume DOUET, responsable du département bénévolat au Secours Catholique, Ancien délégué départemental du Secours Catholique dans les Yvelines, Et de : Abdelghani BENALI professeur à l'École Polytechnique, Enseignant chercheur à l’INALCO, Maître de Conférences à Sciences Po

Premier intervenant, Guillaume DOUET se présente brièvement :

40 ans «dans 5 jour», marié et père de 3 enfants,

Éducateur de formation,

Travaille depuis 8 ans au Secours Catholique.

Il rentre dans le cœur du sujet, vu du point de vue catholique, en partant de 2 points de théologie : 1° L'Église fête cette année les 50 ans du Concile Vatican II, un texte fondateur a précisé

l’engagement de l'Église dans la société. Ce texte, c’est «Gaudium et Spes». Une phrase a marqué Guillaume DOUET : «Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout, et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs des disciples du Christ. Et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. La Communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire.» On devient chrétien par le baptême. Celui-ci implique 3 missions, celles de prêtre, de prophète et de roi. C’est-à-dire :

d’annoncer la Parole

de célébrer (prière, sacrements)

et d’être roi, mais roi à la façon du Christ en étant serviteur.

Dès le début, le chrétien est invité à vivre ces 3 dimensions. Cela ne peut pas être l’une sans l’autre. Le service de la société fait partie intégrante de la Mission. Il n’est pas «facultatif».

2° En 1891, le Pape Léon XIII promulguait le texte «Rerum Novarum» qui nous donne l’enseignement social de l'Église. Pour agir dans la société, il faut se donner des repères. Guillaume DOUET retient les 2 critères qui expliquent pourquoi le chrétien s’engage dans la société :

- le respect de la dignité de la personne humaine. Chaque vie est sacrée du tout début à la toute fin que l’on soit pauvre, exclu, handicapé, migrant, Rom…

- le bien commun. On s’engage pour que la société aille mieux, dans le respect de chacun.

L'engagement du chrétien dans la société, c'est de chercher à vivre cet engagement dans le monde tel qu'il est, en essayant que chaque vie soit respectée, et que la société entière puisse avancer.

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Le combat auprès des plus pauvres est peut-être plus marqué par les générations les plus anciennes

tandis que les jeunes sont peut-être plus engagés sur des sujets tels que l’avortement. Mais, dans les 2

cas, c’est un engagement pour la dignité de la personne.

Pour finir, Guillaume DOUET attire notre attention sur la liberté du croyant dans ses choix sociaux et

politiques, et sur l’importance de la conscience. Il nous rappelle cette autre phrase du texte de Vatican II :

«La conscience est le centre le plus intime et le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec

Dieu, et où Sa voix se fait entendre».

L'Église ne dicte pas des choix, elle donne des repères avec lesquels le chrétien, en conscience, va se

décider.

Deuxième intervenant, Abdelghani BENALI remercie et félicite son «frère» Guillaume pour son exposé. Il

se réjouit de l’existence de ce dialogue pacifique islamo-chrétien, année après année, à l’église ou à la

mosquée. Les sujets d’accord avec ce que vient de dire Guillaume sont bien plus nombreux que ceux où

la discussion prévaut.

Pour évoquer le sujet du jour, Abdelghani BENALI choisit un texte du Prophète, l’un des plus tardifs et

des plus synthétiques de la religion musulmane : le «Discours de l’Adieu».

Le Prophète est un Mecquois de souche. Il a vécu à La Mecque jusqu’à 53 ans, et, après l’exil, a passé

les 10 dernières années de sa vie à l’oasis de Médine, où il reçut le quart de la révélation. Là-bas, avec

ses compagnons, le Prophète put expliquer et édicter les 5 piliers de l’Islam :

la théologie dogmatique (le «credo», la foi),

la prière,

le jeûne du Ramadan,

l’aumône légale à verser aux pauvres,

et le pèlerinage à La Mecque une fois dans la vie.

«Les grandes religions monothéistes, les religions abrahamiques sont toutes fondées sur des valeurs

humaines : le respect de l’autre, la tolérance…» souligne Abdelghani BENALI qui revient sur le Discours

de l’Adieu. Le Prophète fit un seul pèlerinage dans sa vie, et ce Discours de l’Adieu, assez long, fut

prononcé lors de ce pèlerinage. 5 grands axes furent traités par le Prophète dans ce Discours :

les 2 premiers sont d’ordre spirituel, o le 1

er concerne la foi (croire en Dieu et exercice spirituel)

o et le 2e vise à refouler ses pulsions négatives (combattre le mal, Satan…). Ces 2 principes font que

chaque humain, au jour de la résurrection, sera un heureux ou un malheureux.

Les 3 autres traitent de l’engagement du musulman, de l’individu dans la Cité, avec un C majuscule, dans laquelle il évolue. Les 3 sont très importants :

o le lien de fraternité, o le soutien aux faibles, aux démunis, o la coopération entre l’autorité officielle et les membres de la société afin de mettre en œuvre des

principes de justice. Tout le discours est une tradition prophétique.

C’est donc presque un pléonasme de dire qu’un croyant doit s’engager, participer à la vie de la cité. La

société dans laquelle vivait le Prophète était une société où coexistaient des tribus juives, des tribus

arabes, où il y avait des pratiques païennes, où régnaient le paganisme, l’idolâtrie, les sectes. Et toutes

ces tribus, ces sensibilités (comme dans le sud de l’Espagne à une certaine époque), cohabitaient dans

le respect et la tolérance, qui doivent être vécus en actes et pas seulement dans les discours.

Sur le sol français, quel type d’engagement dans quelle société ?

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Le musulman français, en tant que citoyen français, doit se sentir concerné par toutes les lois, et aussi

par les devoirs. Le Prophète de l’Islam rappelle inlassablement que ce n’est pas parce qu’un dirigeant est

corrompu que tous les dirigeants sont corrompus. Et ce regard juste du prophète on le retrouve dans une

société où, malheureusement, certains croyants font un amalgame et considèrent qu’il y a un abîme entre

la religion, la foi, et le politique. C’est une erreur manifeste. En remontant à Montesquieu, et même aux

premiers philosophes grecs, on se rend bien compte que la gestion de la cité est fondamentale pour

n’importe quel groupe humain. Les croyants ont la double mission de gérer la cité, et aussi d’être les

ambassadeurs, les représentants des prophètes qui ordonnent le bien et condamnent le mal. «Celui qui

sauve une âme sauve toute l’humanité, celui qui tue une âme tue toute l’humanité».

L’action doit être visible et porter ses fruits. Avoir de très bonnes intentions toute sa vie et ne pas agir n’a

aucune recevabilité.

Merci à Dieu de faire que beaucoup d’hommes et de femmes soient concernés par le monde dans lequel

ils évoluent. Agir n’empêche pas d’être croyant, d’être pieux, d’avoir un exercice spirituel intense et

régulier. Certains pensent à tort que spiritualité et engagement politique sont incompatibles. Abdelghani

BENALI souscrit à toutes les paroles de Guillaume DOUET concernant la dignité de la personne, le

respect, la famille, le sens civique, l’honnêteté, le courage, la justice. «Nous croyons que Dieu est le

créateur et nous avons à préserver la beauté de cette création de Dieu. Dieu ne fait pas de différence

entre les êtres humains. Veillons à être accueillants, respectons-nous les uns les autres. Au nom du Dieu

unique, nous voulons dépasser tout esprit prosélyte et témoigner au sein de la société d’un esprit de

fraternité, d’entraide. Que Dieu nous aide à instaurer un dialogue régulier pour nous permettre d’être au

service de nos communautés respectives et de toute l’humanité».

*

Une série de questions-réponses fait suite aux 2 interventions. Après ¾ h d’échanges ponctués par le

témoignage de frères chrétiens évangélistes précédemment absents de ce genre de rencontres, la soirée

se termine par une courte prise de parole de Patrick NARDON, du P. Philippe POTIER, et de Mohammed

AÏT-SAGHIR.

*

Un petit regret personnel : aucune femme ne s’est manifestée lors des questions, ni chez les chrétiennes,

ni chez les musulmanes. A suivre…

Patrick NARDON

Rencontre du 25 novembre Colonisation, décolonisation

Groupe d’Amitié Islamo-Chrétienne de Châtenay-Malabry

Nous étions une cinquantaine, chrétiens et musulmans, à participer à la rencontre organisée à

l’occasion de la Seric 2012 à Châtenay-Malabry. Nous avions choisi de demander à des amis de témoigner sur le thème : « Colonisation, Décolonisation, vivre ensemble avec notre passé et notre histoire, de quoi souhaitons nous témoigner aujourd’hui ? » Ces témoignages ont été centrés sur l’Algérie, les témoins retenus ayant été profondément marqués, depuis leur jeunesse, par cette histoire commune.

Il est une chose commune à ces différents témoignages : le grand attachement de chacun à

l’Algérie et à la France. Abdelmadjid Aït Saadi a insisté sur le drame de la colonisation. Henri Claude Berbain a été très sensible à la qualité des rapports interpersonnels. Christine Berger est restée très marquée par la méconnaissance de la culture de l‘autre, elle nous pose la question : « Comment aborder la décolonisation des esprits, celle de la pensée ?».

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Myriam Bouregba1, dans le message qu’elle nous a envoyé, voit dans l’analyse du passé, une

des raisons de son engagement pour l’avènement d’un Etat palestinien.

Jean-Pierre Bacqué, Mustapha Kordjani

Témoignage d’Abdelmadjid Aït Saadi

Je suis né en Kabylie et à 8 ans je n’avais jamais vu un français, je gardais les chèvres, et je n’étais jamais allé à l’école. Mon père qui faisait partie de l’Assemblée des Oulémas avait été en 1945 interdit de séjour en Kabylie… Ce dont je voudrais témoigner :

Un peu d’histoire

A l’aube de l’histoire, ce qui est aujourd’hui l’Algérie était peuplé par les Numides, une peuplade d’essence amazighe (berbère). L’Algérie connut la conquête romaine, l’invasion vandale, l'invasion byzantine, puis la conquête arabe et la conversion à l’Islam avec l'instauration de royaumes berbères, puis les conquêtes espagnoles contre certains de ses ports, puis ensuite l'établissement des Ottomans et enfin, la conquête française.

Le colonialisme français prétend avoir créé l’Algérie, cela occulte les relations d’État entre la France, depuis François 1

er et surtout, avec la Révolution française, qui sera reconnue par l'Algérie en

1785. Louis XIV avait un ambassadeur à Alger. La régence d'Alger offrira à la France une aide en

céréales, à titre gratuit, durant une dizaine d'années. Talleyrand, a signé avec les négociants algériens, un achat de blé, qui ne sera jamais payé par la France. Il était destiné à l'expédition française en Égypte. Le non-paiement de ces livraisons peut être à l’origine du soufflet donné par le Dey d'Alger au Consul de France… un prétexte pour justifier le débarquement de l’armée française à Alger, début 1830. La flotte algérienne avait été détruite avec celle d’Égypte et de Turquie, par la coalition chrétienne à Navarin, en 1827.

Se développe alors en Algérie un recul de la population urbaine indigène - des centaines de milliers de morts, seront enregistrés entre 1830 et 1870 – et une colonisation européenne de peuplement.

Cette politique conduira à une forte migration des populations expropriées dont les terres, suite à la loi de 1873 sur la propriété indigène dite loi Warnier, deviendront propriétés de colons européens. Cette loi a ainsi permis de "légaliser le vol et le séquestre des terres algériennes", pour être offertes aux colons désireux de s'implanter en Algérie. Les populations dépossédées, se réfugieront dans les massifs montagneux, et dans le désert, selon les vœux des généraux, qui voudront christianiser la population, et déplacer la "population arabe", pour laisser place nette aux Européens.

Parmi les mesures vexatoires, on change l’Etat civil, pour diviser les tribus, et les disperser… on fait disparaitre les noms patronymiques… On affiche, en parallèle, une volonté « d’assimilation » et pour ce faire de « christianisation » de la société. Dans sa lettre pastorale du 6 avril 1868, le cardinal Lavigerie ne dit-il pas :

« Il faut relever ce peuple, il faut cesser de le parquer dans son Coran, comme on l’a fait trop longtemps par tous les moyens possibles, il faut lui inspirer, dans ses enfants du moins, d’autres sentiments, d’autres principes, il faut que la France lui donne, je me trompe, lui laisse donner l’Evangile, ou qu’elle le chasse dans les déserts, loin du monde civilisé... Hors de là, tout sera un palliatif insuffisant et impuissant. »

Le plus grave des effets de la colonisation fut une régression ; Alexis De Tocqueville chargé d'une enquête parlementaire en 1847 écrit : "La société musulmane n'était pas incivilisée, elle avait seulement une civilisation arriérée et imparfaite. Il existait en son sein un grand nombre de fondations pieuses, ayant pour objet de pourvoir aux besoins de la charité ou de l'instruction publique [...] nous avons laissé tomber les écoles et dispersé les séminaires. Autour de nous, les lumières se sont éteintes. C'est-à-dire que nous avons rendu la société musulmane plus ignorante et plus barbare qu'elle n'était avant de nous connaître…"

2

1 Vice-présidente du GAIC, coordonnatrice SERIC France.

2 Extrait de Alexis De Tocqueville, Rapport sur l'Algérie, 1847 - cité dans Benjamin Stora, "Histoire de l'Algérie

coloniale, 1830-1954", Paris, édition La Découverte, 1994, p. 28

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Quelques chiffres enfin : en 1911, seuls 3.8% de la population indigène était scolarisée, en 1948; 8.9% et en 1954, ce chiffre était de 16,7%… Pendant toute la période coloniale, l’œuvre de formation française, se résume à la formation de seulement 4 ingénieurs et 28 techniciens, 350 médecins, pharmaciens, dentistes…

Quelques réflexions personnelles :

Si, pour les populations indigènes, l’accès à l’école était limité, lorsque l’on était dans l’institution, il n’y avait aucune discrimination…et si on était brillant on pouvait devenir la coqueluche de toute la classe…

Français et Algériens, nous ne pouvons déchirer la page d’une histoire de 132 années … un vecteur porteur pour l’avenir…je pense que la main est tendue des deux côtés de la Méditerranée…

Pour l'aspect humain, et quant aux relations humaines et linguistiques ou culturelles tissées, à notre corps défendant durant cette affreuse période, je peux tout de même, avouer avoir une très grande sympathie pour les Français.

Entre l’Algérie et la France, il y a une multitude de relations humaines. Nous avons beaucoup de choses en commun, mais rien n’est fait pour que se tissent de véritables relations d'égal à égal, ou mieux, que les Français, avouent l'injustice coloniale, pour permettre aux Algériens, d'avoir un autre regard, sur la France actuelle, qui doit être distinguée de la France coloniale, injuste et oppressive. L'exemple de la réconciliation franco-allemande, devrait nous guider dans cette voie.

La révolution algérienne n’aurait pu se développer sans l’aide du Maroc et de la Tunisie…

Des souhaits :

En ces moments où le sens des migrations s’est inversé, que des deux côtés de la Méditerranée, Europe et Maghreb sachent construire l’avenir…

Témoignage d’Henri Claude Berbain J’avais 16 ans lorsque j’ai quitté l’Algérie, c’était en 1956. Dans les années 30 mon père, ingénieur, travaillait en Algérie dans les engrais. La famille de ma

mère qui vivait à Istanbul au début du siècle dernier, était venue s’installer en Algérie chassée de Turquie par la montée du nationalisme Turc et l’arrivée au pouvoir d’Atatürk.

Je suis né à Oran et j’ai vécu toute mon enfance avec mes cinq frères et sœurs dans le quartier PLM de Maison Carrée (El Harrach), peuplé à 100°/° par des Algériens. Dans ce quartier, il n’y avait que deux familles européennes, le boulanger et nous-mêmes. Ce quartier était très populaire, j’ai eu une enfance heureuse.

A cette époque, l’Algérie comptait 9 millions d’Algériens et 1 million « d ‘immigrés ». Je me considérais comme tel, nous n’étions pas des « colons » au sens romain du terme, les agriculteurs ne représentaient que quelques dizaines de milliers de personnes. Mon père était alors directeur de l’usine d’engrais d’El Harrach et ma mère infirmière. Elle avait de ce fait énormément de contacts avec la population indigène.

Nous partions en vacance tous les deux ans, Algériens issus de l’immigration, nous allions à l’étranger, c’était en France…

Les « Evènements » ont débuté en 1954, au départ, rien n’a changé et puis un militaire a été tué à EL Harrach. En 1956, mon père qui avait un rendez-vous dans les Aurès a failli être enlevé. Il a alors pris la décision de rentrer en France. Avant notre départ, ma mère a reçu de nombreux témoignages de reconnaissance de toutes les familles qu’elle avait rencontrées au cours de ses nombreuses années de travail d’infirmière.

Ce fut pour moi un véritable exil. On me reprochait ici mon français, je venais d’Algérie, je n’étais pas français !

Plus tard je suis retourné en Algérie, dans le cadre de mes responsabilités professionnelles. Je suis étranger à tout sentiment de repentance. Je ressentais une blessure, un certain sentiment de gâchis pour tout ce qui s’était passé, un conflit en moi entre la mémoire et la réalité. J’avais une certaine appréhension pour ce nouveau contact… Dans la pratique, tant en ce qui concerne les contacts que la discussion des contrats, tout s’est remarquablement bien passé …J’ai éprouvé un réel plaisir à travailler avec des ingénieurs parlant français, formés dans des écoles françaises, …

Et puis je suis retourné à El Harrach cherchant à retrouver la maison que j’avais habitée. Les lieux avaient terriblement changé. Interrogeant un vieux monsieur vivant sur place pour localiser la

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maison, j’ai eu la surprise de l’entendre dire : « Ah oui, la maison de Monsieur Berbain »… lorsque j’ai dit que j‘étais son fils, j’ai aussitôt été invité à prendre un thé la menthe chez mon interlocuteur…

Je voudrais ici témoigner de ce qui à mon avis donne une clé d’un dialogue constructif. Il s’agit de la petite communauté Focolari de Tlemcen. Des chrétiens et des musulmans se retrouvent dans cet ancien monastère bénédictin pour travailler ensemble et approfondir leur foi respective, la parole de Dieu et prier : « Lorsque j’ai connu les Focolari après l’indépendance, j’ai eu des doutes, mais j’ai peu à peu compris que ce à quoi j’étais invité, ce n’était pas une conversion au christianisme, mais à une conversion de moi-même et un approfondissement de la parole de Dieu qui est la mienne, en islam, et qui nous exhorte à l’amour »

Témoignage de Christine Ray

Je ne suis pas née en Algérie. J’y suis arrivée à trois ans … Mon père était ingénieur des Ponts et Chaussées. Fonctionnaire, il avait été chargé de construire

les premières routes goudronnées au Sahara, une mission qui le passionnait. Il était ébloui par cette vie. Nous vivions à El Biar, sur les hauteurs d’Alger, loin de la ville arabe, nos populations étaient

très séparées. J’allais à l’école de la Sainte Famille, sur les hauteurs d’Alger, je n’y rencontrais aucune algérienne… et pourtant, bien que jeune, je ne pouvais pas ne pas être interpellée par la violence qui se développait …

Lorsqu’en 1959, j’ai dû quitter l’Algérie, j’avais huit ans… je savais alors que j’y reviendrai…

En 1979, mon mari et moi avons, pour notre première affectation, décidé de partir en Algérie. Il souhaitait travailler dans un pays en voie de développement, j’étais heureuse de retrouver ce pays… joie de vivre à Alger…joie de connaître l’Algérie et les Algériens.

Correspondante de La Croix en Algérie, « Je découvre les villes mythiques de mon enfance : Bejaïa, Ghardaïa, El Oued, les Aurès, Oran, Constantine… je parcours les déserts sur des routes que mon père a tracées... Je ne suis pas sur les traces d’un passé, je cherche plutôt l’Algérie ancestrale, celle qui nous était inconnue autrefois, qui se protégeait de nous. Et je veux connaître l’Algérie multiple qui se construit. »

3

En 1983, ma mission en Algérie se terminant, je suis rentrée en France.

Ayant rencontré Karima Berger, nous décidons d’écrire un livre à deux4. Une tâche difficile… toi

l’Arabe, l’Algérienne, la musulmane, immigrée en France et moi la Française, la chrétienne, deux fois immigrée en Algérie…un voyage dont on ne connaissait pas l’aboutissement…Comment aborder la décolonisation des esprits, celle de la pensée ?

Paul Ricœur nous propose un chemin : « La mémoire pourra être dite heureuse pour autant qu'elle rend possible, au jour le jour, le petit miracle de la reconnaissance

5.

Qui est l’autre ? Qui es-tu, toi Karima, l’enfant des deux mondes, l’autre face d’une même histoire, travaillée par le même manque que moi ? Quelle distance existe-t-il entre nous ? Comment la traverser ? Divisées intérieurement, ayant conscience d’une part manquante, la part de l’autre…

Notre expérience fut comme une visitation, une porte ouverte, sur le seuil de l’autre, surprises, bonheur de l’inattendu, hospitalité… et puis la découverte des grandes figures qui nous ont nourri, Massignon, Abdelkader, Monseigneur Duval…

Je voudrais terminer mon témoignage en citant Karima :

3 Karima Berger, Christine Ray – Toi, ma sœur étrangère, Algérie-France, sans guerre et sans tabou – p 170 4 Lettre de Karima Berger lue par Christine Ray : "Je croyais me connaître mais non, Christine m’a révélé des choses de mon être arabe, musulman, français, européen et méditerranéen. Cet échange m’a donné plus de consistance encore, loin de me noyer dans la culture de l’autre je me suis affermie grâce à son regard, à ses interrogations. Le passé algérien certes nous a unies mais nous avons travaillé pour aujourd’hui et pour demain aussi ! Chacun de nous est responsable de la France de demain, à nous de nourrir la maturité d'un pays qui a à changer et qui doit vivre avec en son sein une diversité pleine de promesses et qui peut aussi aider l'Occident à se souvenir de sa part spirituelle. A la condition de n'avoir pas fait de l'islam juste un corps de règles à respecter et de l'avoir laissé vivre et grandir lui aussi à la mesure des enjeux de notre siècle. Avec Christine, nous avons vécu un vrai dialogue, sincère, un vrai GAIC à toutes les deux.

Je vous souhaite un bel échange avec ma sœur étrangère et regrette de ne pas être parmi vouss, une prochaine fois, Inch Allah ! 5 Paul Ricoeur – L’itinérance du sens – p290

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« Abd el-Kader avait le culte de la pensée, de l'écrit, de la lecture, se souvenant que c'est par la chair de l'écrit que le prophète Mohammed reçut le message divin. Le premier mot de l'Ange qu'il entendit fut: « Lis, Iqra! Lis au nom de ton Seigneur ... >)

A Damas, il est le maghrébin, El Djazaïri. Les gouvernants français s'inquiètent, ne va-t-il pas renouer avec la lutte, la révolte? Non, au contraire! Ceux qui répugnent à lui rendre sa liberté (il n'a pas le droit de sortir de Damas sans autorisation) vont être étonnés, l'Émir va surprendre par la conversion de son djihad qu'il va opérer, un djihad intérieur, intime, mystique, il enseigne à la madras a El-Acharafiyeh, il instruit, beaucoup de ses élèves seront des initiateurs de la future Nahda (Renaissance arabe) qui développa ses idéaux dans les années 1880, il conseille, il est membre du Conseil communal de la ville de Damas, on lui demande de raconter en héros ses faits de guerre, ses razzias, ses coups contre l'armée coloniale mais lui ne veut se remémorer que de Dieu et témoigner. En 1860, il accueille les chrétiens menacés par des fanatiques sunnites qui attaquent leurs quartiers, tuant plus de trois mille habitants, c'est une atroce poussée de haine, l'Émir s'interpose au risque de sa vie, avec l'aide de ses hommes il les protège.

6 »

Lettre témoignage de Myriam Bouregba

Je ne peux pas être avec vous cette après-midi, et je le regrette d’autant plus que le thème que vous abordez est un thème cher à mon cœur.

50 après la colonisation, que transmettre à nos enfants ? Et quelle trace laisser dans la société ? J’avais tout juste 3 ans le 1

er novembre 1954. Nous vivions à Paris. Mon père, après avoir fait son

service dans l’armée française et être arrivé en métropole, en 1946, son organisation politique lui avait demandé d’y rester pour préparer l’immigration à la lutte d’indépendance. Il a épousé ma mère Française. Et nous étions déjà plusieurs enfants nés de cette union.

Mon père m’amena en promenade le dimanche suivant pour que je reçoive une parole de sa part, à ce moment : « - Ma fille, les Algériens sont entrés en guerre contre la France.

- Et toi aussi ?

- Moi aussi.

- Tu n’aimes pas la France ?

- J’aime la France, mais je veux l’indépendance de l’Algérie »

Par la suite, j’ai tremblé tout au long de la guerre et jusqu’à l’indépendance. J’avais peur qu’il soit arrêté. Depuis ce premier échange entre nous, je cherchais à tout savoir et je savais qu’il était en danger de mort. Un ballet de dames avec des valises arrivait chez moi. Et notre armoire croulait de boîtes en carton, pleine de billets de banque. Je crois bien aussi, que j’ai fait une dépression quand après plusieurs jours d’absence, il est revenu en ambulance. Il avait été laissé pour mort dans un fourré du bois de Vincennes, par des policiers qui l’avaient passé à tabac.

Pourtant, je n’ai jamais senti de haine. Mon père ne haïssait pas les Français. Et même, à sa façon, il les aimait. Quant à nous les enfants, si nous ressentions le racisme de la part d’enfants de notre classe et de certains adultes, nous sentions aussi la solidarité d’autres qui cherchaient à nous protéger autant qu’ils le pouvaient. Et toujours en alerte devant les informations, j’entendais parler de manifestations avec des Français solidaires.

Aussi, les enfants d’Algériens engagés qui ont vécu cette période en France se sont, par la suite,

pour beaucoup trouvés dans les mouvements de solidarité avec les immigrés, et au-delà toujours dans les luttes au côté des dominés.

Ma façon aujourd’hui d’être fidèle à l’espérance de libération et de justice de mon père, c’est

d’être solidaire des Palestiniens qui aspirent eux aussi à recouvrir leur droit à un Etat. C’est aussi, alors que se développent les crispations identitaires, d’être présente dans le dialogue islamo chrétien. Et je vois que ces valeurs, je les ai transmises naturellement à mon fils.

6 Karima Berger, Christine Ray – Toi, ma sœur étrangère, Algérie-France, sans guerre et sans tabou – p 202-203

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Bon succès à votre rencontre.

Rencontre du 28 novembre à Saint-Ouen Quel avenir pour Jérusalem ?

Intervention de Paula Kasparian, Présidente des Artisans de Paix. Chargée du suivi du Programme de recherche et de formation N°4 d’AIDOP « Pardon, réconciliation, justice ». Présidente du Séminaire spécialisé de recherche et de formation AIDOP “Spiritualité de l’interreligieux” (Artisans de Paix) : Du 11 au 18 novembre, les Artisans de Paix ont fait un pèlerinage interreligieux en Terre sainte. Ils en sont ressortis transformés… L’aventure pour nous a commencé au mont des Oliviers, « panorama du centre du monde » dans une Révélation trine où le centre du monde est pour chacun, le lieu où « Je suis qui je serai» : Parole reçue au Sinaï dans la Mémoire duquel s’enracinent les Artisans de Paix, en continuité avec l’appel d’Abraham... «Lekh lekha » (Va pour toi, vers toi) est la parole intérieure qu’entendit Abram avant de devenir Abraham. Elle est Appel à devenir pèlerin en Terre Sainte. Advenir à soi en portant le nom que Dieu veut nous donner, suppose un décentrement par lequel chacun devient bénédiction pour les autres. C’est dans ce mystère initiatique qu’il s’agissait pour nous d’entrer en Terre Sainte… Accueillir jour après jour, les sept demeures spirituelles de la « Cité de Paix » auxquelles nous nous préparons depuis 2010, la Paix qui nous vient mystérieusement de « Jérusalem » la ville la plus divisée si l’on en croit les media... Le Seigneur tient toujours ses promesses, à lui rien d’impossible, nous lui rendons grâce : nous avons reçu sa bénédiction donnée par des frères juifs, chrétiens et musulmans, à Jérusalem tandis que les roquettes tombaient autour de nous. Nous étions à Bethléem le jour où les roquettes fusaient à leur comble, nous avons connu des alertes à Jérusalem, vu la souffrance dans les yeux du peuple palestinien, rencontré des femmes manifestant dans la rue pour la paix. Ceci a fait surgir en nous, la compassion et l’amour, une prière qui jamais ne tarit. Nous avons rencontré des rabbins qui sont des justes, un cheikh qui est un saint. Le ciel s’est ouvert au dessus de nos têtes, nous avons reçu une bénédiction les uns des autres. Une délégation des Artisans de Paix est née à Jérusalem. Une autre est en gestation à Bethléem. A Dieu rien d’impossible, à Lui très haute gloire et joie éternelle, nous sommes ses serviteurs inutiles, ne cherchant que sa grâce. Le reste nous est donné de surcroît.

TEMOIGNAGE PERSONNEL EN LIEN AVEC L’ITINERAIRE DES 7 DEMEURES

Le séjour des Artisans de Paix en Terre sainte s’est engagé sous le signe du Pardon Mutuel si difficile entre les hommes (Gen 50,15-21/Matth.18,21-22/Co.3,129-135)… Ce Pardon est le ferment des Fraternités Artisans de Paix promises comme une Bénédiction de Dieu à se donner les uns aux autres. Sensibles à cette promesse, les Artisans de Paix s’engagent dans une voie de sanctification (ce qui est l’objet de toutes les religions), en s’appuyant les uns sur les autres avec la diversité des traditions qui sont les leurs (ce qui les spécifie). Leur vocation est de manifester l’unité des enfants de Dieu dispersés, ou encore l’unité plurielle des serviteurs de Dieu que nous appelons « Les Fraternités Artisans de Paix » : l’hébraïque, l’eucharistique, l’islamique et la bouddhique. Celles-ci sont le ferment d’une Transfiguration de l’univers parce qu’elles rendent visibles l’unité du divers qui se rend présent parmi eux. Gageure impossible aux hommes, qui ne peut être que l’œuvre de Dieu.

Durant ce séjour, du 11 au 18 novembre 2012, nous avons fait l’expérience que nous sommes

parfaitement imparfaits, comme l’est d’ailleurs le peuple juif selon ce que nous rapportent les écritures saintes et comme le sont tous les peuples de la terre selon ce que nous pouvons voir des autres et de nous-mêmes. Dans toutes ces imperfections qui nous conduisent à la mort - nous en avons été témoins avec les roquettes qui tombaient sur la terre sainte à cette période -, le Seigneur des mondes tient sa promesse d’Amour - nous en avons été témoins aussi… « L’amour fort comme la mort », ni plus - ni moins mais « comme » la mort est la Parole du Cantique des cantiques qui m’a accompagnée dès le jour de notre arrivée à Jérusalem, où nous ont été données à contempler les icônes de Notre Dame du Mont

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Calvaire tracées par la main de sœur Marie Paule, bénédictine du Mont des Oliviers : l’une montre Jésus le cœur transpercé et Marie le cœur brisé, l’autre dessine le cœur transfiguré de Jésus ne faisant plus qu’un avec celui de Marie. Ce propos du « Cantique des cantiques » était le préféré d’André Chouraqui chez qui son épouse, Annette, nous a accueillis le lendemain avec beaucoup d’amitié. André l’avait choisi comme intitulé de son autobiographie. Notre pèlerinage à Jérusalem s’inscrit ainsi sous le signe de l’amitié avec lui. Jean David nous a chanté inlassablement et merveilleusement les strophes de ce Cantique qui a scandé nos jours et nos nuits, Cantique qu’il avait interprété en primeur à André Natân Chouraqui.

C’est sous ce signe des Fiançailles spirituelles (6

ème demeure) annoncées avec les icônes de sœur

Marie-Paule, qu’a commencé notre pèlerinage en terre sainte où nous sommes venus célébrer une alliance entre les peuples de la terre. En effet, si la finalité de notre séminaire 2010-2011 sur « La Cité de Paix – Entrer dans les 7 demeures spirituelles » était l’union à Dieu, celle de notre pèlerinage à Jérusalem était sa transposition dans une union entre les peuples de la terre, à commencer par les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans présents en terre sainte. Rien de moins évident, rien que nous puissions nous donner nous-mêmes, pur don de Dieu à chercher…

Cette expérience du cœur brisé, je l’ai éprouvée dès le jour de notre arrivée au point que ma

première nuit fut une nuit de veille et de prière. Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’au matin, Mina Ennasri me dit « Merci pour ta prière ». Je lui ai alors demandé « De quoi parles-tu ? ». Elle m’a dit « Lorsque j’ai prié ce matin, j’ai senti la lumière de ta prière ». Les muezzins appelaient à la prière à 4 heures du matin… Le miracle de Jérusalem opérait, avec la promesse de ses 7 demeures unissant les peuples de la terre par la prière…

Le désir de Dieu nous unit, il nous donne la guérison des fractures de notre commune humanité :

l’entrée dans la Cité de Paix que signifie Jérusalem (1ère demeure). Le combat spirituel que manifeste la prière nocturne, nous donne de persévérer dans la Cité (2

nde demeure), au bout de quoi nous

recevons un nom. L’illumination accompagne le don de ce nom, nous faisant passer derrière le miroir du monde : vient alors le don d’interprétation des langues (sans être polyglotte pour cela), avec l’écoute de la parole sans bruit de mots qui rend possible l’interreligieux (3

ème demeure). La parole de Mina

en était le premier signe concret, dans la ville de Jérusalem. C’est une expérience très concrète du même ordre qu’il m’a été donné de vivre à Jérusalem, avec

Shaykh Ibrahim Abu El-Hawa : nous communiquions avec les gestes de la main, par l’échange de regards, dans la vie du souffle en reddition de lui-même (vers celui que les Juifs et les Chrétiens appellent le Père, l’au-delà de tout pour chacun de nous). « J’ai touché la lumière de votre cœur » m’a dit Shaykh Ibrahim. Je sais que c’est vrai, parce que j’ai touché la sienne. France Pierrat m’a fait remarquer que la communication qui s’est instaurée avec Shlomo Hizak était de même nature, sans doute aussi la diversité des relations instaurées en terre sainte.

Ce « Toucher de l’Esprit », ce n’est pas nous qui l’opérons mais Celui qui en nous, fait offrande de sa

vie. « Ce n’est pas moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » nous dit saint Paul. Et encore : « Je fais le mal que je ne veux pas faire ». Persévérer dans le « Toucher de l’Esprit » suppose que nous posions nos énergies sur la bonne base, comme nous l’a rappelé Arlette Fontan le 7 octobre 2012, lors de notre séminaire « Spiritualité de l’interreligieux pour la paix ». Et ceci n’est jamais acquis, c’est pourquoi le combat spirituel doit être constant, semblable au combat de Jacob avec l’ange dont Jacobl attend d’être béni. Cette bénédiction est le fait d’un don gratuit de Dieu, celui de la marque de l’altérité radicale entre Lui et nous dont il imprègne notre chair (4ème demeure), nous faisant toucher les trois qualités du Souffle primordial : la force inhumaine d’Elohim (son Souffle intérieur à l’humain et le dépassant, avec la force duquel se font les guerres quand l’homme se laisse dominer par l’expiration qui le traverse), la puissance unitive de YHWH (qui retient sa force dans le Buisson Ardent, le laissant être soi-même, un soi qui ne doit pas se confondre avec l’inspiration qu’il reçoit de YHWH), la consécration qui est offrande de Dieu en l’homme (qui fait participer ce dernier à la vie d’un autre et fait de nous des frères, en posant l’énergie des hommes sur la base du sacré). La fraternité est un miracle, un pur don de cette offrande de Dieu en l’homme, dont il nous a été donné d’être témoins à Jérusalem.

Demeurer dans le « Toucher de l’Esprit » suppose que notre souffle reçu d’En Bas à la Racine du

Souffle, demeure en reddition de lui-même orienté vers l’En Haut où il retourne à la Racine dont il

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provient. « Demeurer à la Racine du Souffle » est l’appel lancé aux Artisans de Paix du monde entier. Répondent à cet appel, ceux qui font élection de la Cité de Paix (5

ème demeure) en faisant leur, cette

parole de Jésus à Gethsémani : « Non pas ma volonté, la tienne ». Une séance de notre séminaire « Spiritualité de l’interreligieux pour la paix » a été consacrée à cette question le 7 octobre 2012. S’ouvre alors pour l’homme, le don de prophétie avec lequel sa vie devient parabole de la Parole de Dieu. Un exemple tout simple de contrariété de notre propre volonté qui a porté son fruit : pour entrer sur l’esplanade des Mosquées, nous devions passer par un poste de contrôle. Sur injonction d’un policier et suite à une mécompréhension, nous avons dû reculer à l’arrière de la queue très longue que nous avions déjà faite… Là, Olivier Sayada a rencontré un homme qui lui a donné l’adresse de la synagogue des « peacemakers » que nous cherchions et où nous avons pu ainsi nous rendre l’après-midi du Shabbat…

S’ouvre alors la 6

ème demeure sous le signe de laquelle s’est présenté notre pèlerinage à Jérusalem

dès le jour de notre arrivée et que j’ai évoquée au Carmel du Notre Père en tenant par la main Mina Ennasri (musulmane) et Olivier Sayada (juif), proclamant que nous sommes venus à Jérusalem pour y célébrer des Fiançailles spirituelles entre les peuples de la terre, en nous fondant sur la substitution du cœur de Dieu au cœur brisé de la Femme, tous les deux traversés par le glaive qui tue mais aussi qui fait déborder le cœur d’amour, quand c’est le cœur de Dieu qui est transpercé et qu’il vient en lieu et place de celui de la Femme qui n’a plus que ses yeux pour pleurer. « Tu as parlé de la transverbération de sainte Thérèse d’Avila » m’a dit Assomption Cervera. Sans doute, mais vraiment sans y penser, à cause de la réalité en jeu… Grand moment que ce partage avec les sœurs du Carmel du Notre Père. La Femme, c’est la part féminine de l’humain représentée par Marie au pied de la croix dans les icônes de sœur Marie Paule de Notre Dame du Mont Calvaire – qui se trouve en face du Carmel du Notre Père. Le don de l’Esprit, fruit de cette demeure, est le don de Sagesse qui est connaissance corporelle de Dieu, engendrement de l’Esprit dans le corps de l’homme par participation.

Par-delà ce que nous pouvions imaginer, des gestes de Mariage spirituel entre les peuples de la terre (7

ème demeure) ont été posés. D’abord un grand merci à Mgr Joseph Kelekian, Exarque Patriarcal de

l’Eglise Arménienne Catholique en Terre Sainte (Jérusalem et la Jordanie), qui nous a reçus avec une réelle affinité et nous a permis de célébrer une réunion interreligieuse de prières avec beaucoup de liberté, au-dessus du seul lieu de Jérusalem où se pratique l’adoration eucharistique permanente. Il a accepté d’être Délégué des Artisans de Paix à Jérusalem, pour la Fraternité Eucharistique. C’était le Jeudi de notre semaine sainte à Jérusalem. L’après-midi du même jour, au Champ des Bergers où ceux-ci ont vu l’Etoile leur indiquant la direction de Bethléem, Sheikh Ibrahim Ahmad Abu El-Hawa m’a glissé une bague au doigt en signe d’alliance dans le Seigneur, tandis que nous étions en prière, main dans la main. Il sera le Délégué des Artisans de Paix à Jérusalem, pour la Fraternité Islamique. A Bethléem enfin, la rencontre avec Jihan Anastas accompagnée d’un témoin de la dureté inimaginable de la vie palestinienne mais aussi du retournement toujours possible du cœur de l’homme inaugurant des voies de paix encore plus inimaginables, fut un grand moment interrompu par la guerre qui battait son plein et la demande de Bipel que nous rentrions de toute urgence à Jérusalem. Nous rendons hommage au courage d’Olivier Sayada et du rabbin Gabriel Hagai qui étaient avec nous à Bethléem, sachant que la plupart des Juifs, y compris des guides israëliens, ne s’y risquent pas. Olivier Sayada a accepté d’être Délégué des Artisans de Paix à Jérusalem. Nous remercions Jihan qui est revenue nous voir à Jérusalem et nous a dit vouloir créer un groupe Artisans de Paix à Bethléem où elle est membre du Conseil municipal. Enfin le jour du Shabbat a dépassé nos espérances. Emile Moatti avait obtenu que notre groupe participe discrètement à l’office du Shabbat de la Synagogue, 31 de la Rue Jabotinsky à Jérusalem. Ce jour-là, devait être lue la "Paracha" ("Section") N° 6 de la Genèse, "Toldot", c'est à dire l'histoire de la "postérité" d'Isaac, le second patriarche. L'homme répond à Dieu par la prière (d'une part collective et codifiée: les 18 bénédictions, devenues en fait 19 ; et d'autre part spontanée et individuelle). Après l'office, il est habituel que l'un des membres de la Communauté offre un Kiddouch (une petite collation) aux présents, en imitation de l'hospitalité d'Abraham. Shlomo Hizak qui dirige la communauté sépharade de la synagogue, dirige aussi un centre de formation à la culture juive destiné à des pèlerins non juifs. Il nous a accueillis après la prière du Samedi matin pour le "Kiddouch" qui est sanctification du jour du Chabbat, signe d'Alliance entre Dieu et les hommes : on célèbre la création (le ciel et la terre) et la perception de notre âme, qui nous lie à Dieu. Et le miracle de la Bénédiction des peuples de la terre dans une synagogue s’est opéré…

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En terminant notre pèlerinage interreligieux à Jérusalem dans un lieu juif, nous voulions manifester la responsabilité messianique forte de la tradition hébraïque d’accueillir les nations, les cultures et les religions à Jérusalem pour y célébrer ensemble le Dieu Un qui nous appelle diversement mais tous à la Paix. A charge pour les autres traditions, de reconnaître cette vocation messianique de nos frères aînés dans la foi. Notre finalité étant cet échange de bénédictions dont doit venir la paix de Dieu sur la terre, chacun bénissant les autres selon le rite de sa propre tradition. La grâce de Dieu nous a conduits à la synagogue Yssa Brakha qui signifie "Il portera Bénédiction". Emile Moatti m’a écrit : « Ce que tu envisages, ma chère Paula, et à quoi je souscris sans hésitation, n'est pas habituel. Nous allons innover quelque chose qui existe en potentiel, mais qui ne s'est pas encore, je pense, incarné concrètement et clairement dans notre monde, du moins à ma connaissance » ... « Notre synagogue s'appelle "Yissa Berakha", "Il portera Bénédiction" (comme les "justes" qui suivent la volonté de Dieu en se mettant totalement à Son service), en mémoire du rabbin Shaul Eliachar. Porter bénédiction est précisément notre vocation de croyants. Et c'est ce dont nous voulons témoigner ensemble. ». Et c’est ce qui se produisit en présence d’Emile Moatti, de Shlomo Hizak et d’Olivier Sayada, et du groupe entier des pélerins Artisans de Paix, devant les rouleaux de la Tora, en pleine Synagogue "Yissa Berakha".

De retour de Jérusalem, je ne suis plus celle que j’étais. Mgr Philippe-Marie a été témoin de la transformation. Le rabbin Gabriel Hagai qui me connaît bien, l’a sans doute remarqué. Un nouveau mode de communication est né dans ma vie. Pour la première fois à Jérusalem, j’ai communiqué avec des personnes humaines, à la façon dont Dieu se communique à moi dans l’intimité de mes retraites : sans bruit de mots, à travers la vie du souffle, dans la voix du silence fin. De retour en France, j’ai dit à mon père spirituel : « Je suis au 8ème ciel. Je prie le jour, la nuit, en respirant et mon souffle rejoint celui des artisans de paix rencontrés à Bethléem et à Jérusalem. Nous respirons d’un seul cœur. Ce doit être ce que Pierre Teilhard de Chardin appelle la noosphère qui enveloppe la terre. ». Le 28 novembre, à la Mosquée Naqshbandi, j’ai rencontré Faïza avec cette qualité-là d’harmonisation des souffles et d’unité du Cœur. Dieu en l’une, se donne à Dieu en l’autre… Cette unité ne supprime pas l’altérité, ni des personnes, ni des religions et surtout pas de Dieu et de l’homme. Elle leur donne leur sens plein d’unité plurielle qui est Une en étant Relation. Le nom propre est Une Relation singulière caractérisant Une Personne dont l’essence est d’être Relation. Non, l’unité plurielle n’est pas une abstraction, c’est une réalité du corps et du souffle qui fait de nous un Peuple de peuples, artisans de paix. Là est notre espérance pour l’avenir de Jérusalem

Intervention du Père Jacques Cusset :

En « Echo de Jérusalem » le 19 novembre 2012

… Du Mont des Olivers, qui fut notre première ‘halte spirituelle’, dès notre arrivée à Jérusalem, le dimanche 11 novembre, chers amis, frères et sœurs des Artisans de Paix, juifs, chrétiens et musulmans, sans oublier les autres,… nous avons pu accomplir tout notre Pèlerinage de Paix spirituelle à grandes enjambées, même si cela tint parfois du miracle, comme au contrôle de police au Kôtel (le Mur Occidental) où « l’ange de Dieu », (en l’occurrence, notre frère de la Tradition hébraïque, Olivier-Raphaël qui porte bien son nom !), est intervenu pour nous sortir, au dernier moment, d’une situation assez délicate ! Alors, nous avons pu poursuivre plus sereinement que jamais notre Chemin vers les principaux Hauts-Lieux de nos Traditions spirituelles hébraïque, chrétienne et islamique au rythme des sons incomparables de Jean-David qui nous plongeait, avec son luth, régulièrement dans le Souffle qui anime la Prière des Psaumes et sa magique transposition en contes d’autrefois et toujours d’aujourd’hui…De l’Eglise Sainte Anne, si significative du Mystère de la Paix du fait de la naissance de Marie, Mère de Jésus et donc du Prince de la Paix ! en passant par l’Esplanade des Mosquées et le Mur Occidental, la formidable Fondation du Temple, l’Eglise du Saint Sépulcre,… et en achevant, le dimanche 18 novembre par la tombe de la grande mystique que fut Rabi’a au 9

ème siècle de notre ère, puis l’accueil eucharistique

à Abou Gosh… Oui ! Nous avons pu poursuivre notre Pèlerinage, notre Itinéraire spirituel, notre Mission de Paix pour les hommes objets de la Miséricorde divine (la ‘Rahmatu l’Lah’), et cela, dans le plus grand respect les uns envers les autres, sans confusion ni syncrétisme mais dans l’attention fraternelle débarrassée de tout cliché destructeur !

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Ce qui s’est vécu entre nous et nos amis de Jérusalem et Beïtléhem est absolument prodigieux ! Car, c’est vrai, il y a les « Lieux Saints », que nous avons visités avec une très forte émotion ! Mais encore plus et surtout, il y a eu, durant ces huit jours, tant de cœurs qui se sont rencontrés, qui se sont parlé, qui ont prié ensemble en s’ouvrant mutuellement à l’Unique et Tout-Miséricordieux… C’était l’autre aspect de notre Pèlerinage, sa raison la plus profonde : la Paix à accueillir du Cœur-même de Dieu pour nous bénir les uns les autres dans son Pardon et sa Victoire sur toutes les forces de mort qui grèvent encore notre Famille Humaine !… Et c’est bien cela qui restera le grand acquis de notre démarche tant pour nous que pour nos amis, ‘cela’…reçu comme une ‘confirmation spirituelle’, au Souffle de l’Esprit !

Nous n’avons cessé de rencontrer des Messagers de la Paix, des Artisans de Paix, nos chauffeurs et nos divers hôteliers, mille étoiles dans le Ciel divin, et… nos sœurs bénédictines et carmélites, nos frères Pères Blancs de Sainte Anne chez qui nous avons confié notre Démarche de Paix à la Vierge Marie, Mère de Jésus, notre « Passerelle » providentielle entre juifs, chrétiens et musulmans. Il y eut la rencontre merveilleuse avec Annette Chouraqui et, à travers elle, le message de Paix de son regretté mari, André sur la tombe de qui nous sommes allés nous recueillir…Il y eut l’accueil si chaleureux d’Emile Moatti et de son épouse. Emile nous a permis d’entrer au cœur de la prière du Peuple béni entre tous ; nous avons pu ainsi vivre intensément et intégralement une journée de Shabbat ! Il y eut le Père Rafik Naha, témoin de la délicate rencontre judéo-chrétienne. Puis le professeur Aslanov qui nous a ouverts, en tant que linguiste confirmé au mille et un secret de l’Ecriture biblique hébraïque ; la figure inénarrable du cheikh Ibrahim, vraiment un ‘Juste de Dieu’, le cheikh Abdul ‘Aziz Bokhari près de la mosquée d’Omar dans cet inoubliable petit café, à quelques mètres seulement de ce lieu où Omar, le troisième khalife, conclut un pacte de Paix (mithaque) en 638 avec le Patriarche Sophrone pour l’assurer du respect et de la liberté des chrétiens. Il y eut aussi Djihan et une personnalité importante de Béïtléhem pour témoigner de la souffrance de toute une population que nous porterons toujours dans notre prière et le soutien de notre amitié. Toutes ces personnes et celles que j’oublie de nommer, sont inscrites, comme des « justes », dans le cœur de Dieu, par-delà tous les drames de l’Humanité encore blessée, par-delà la Shoah historique et dramatique dont témoigne Yad Vashem, mais aussi tant de ‘shoah’ qui blessent encore, et en tant de lieux de notre ‘petite terre’ d’aujourd’hui notre Famille humaine à « vocation unique et universelle à la Paix de Dieu ».

Nous avons rencontré des Responsables des diverses Communautés chrétiennes ; et nous mesurons, alors, quel chemin d’unité nous avons encore à parcourir, nous chrétiens, pour une réelle conversion à l’Unique Amour qui s’accomplit en Dieu seul, en tout et en nous tous, Unique-Amour que nous confessons Trinitaire-Amour selon une réalité combien mystérieuse qui nous dépasse tous absolument !. Le matin-même de notre départ, le dimanche 18, le « Premier Jour de la Semaine de la Nouvelle Création », nous étions de nouveau au Mont des Oliviers, à deux pas des Eglises du Notre Père et de l’Ascension de Jésus comme les disciples avant son Elévation définitive dans les Cieux… Notre chère Mina, avec le cheikh Ibrahim, nous introduisait alors dans le tombeau de Rabi’a, la plus grande soufie musulmane de tous les temps, dont le cœur était embrasé par la Lumière, la Paix et l’Amour de Dieu. Puis nous fûmes comme des disciples encore cheminant vers Emmaüs ! Et là, guidés par le visage rayonnant du frère Olivier, nous avons pu, tout notre petit troupeau des artisans de Paix, petit certes, mais déjà en voie d’élargissement par la Grâce infinie de Dieu et l’engagement indéfectible, le sourire et la prière de Paula, nous avons pu juifs, chrétiens et musulmans, remercier le Seigneur avec nos frères Olivétains-Bénédictins issus de l’Abbaye du Bec-Héloin, et rendre grâce à Dieu, dans la belle église romane d’Abou Gosh, pour ses merveilles, comme Marie en son Magnificat,… avant de repartir comme des envoyés de Dieu vivre et témoigner de la Présence et de l’Amitié absolument gratuite de Dieu, et poursuivre le Dialogue du Salut et de la Paix reçu des mains de Dieu et conjugué à la Réflexion et à l’Action, comme le Trépied divin de l’Unique Amour : Dialogue-Réflexion-Action !… C’est ce qu’attendent de nous nos amis de Jérusalem, comme co-bâtisseurs de cette Paix qui ne peut nous venir que de Jérusalem, Cité de la Paix et Don de Dieu ! Alors nous vient la belle chanson de Patrick Richard, que nous avons si souvent reprise dans nos belles veillées ou nos marches parfois laborieuses pour nous redonner le courage d’aller de l’avant :«Salam a shalom, Shalom a Salam, déposons nos armes, pour que vive l’homme ! Shalom a Salam, Salam a Shalom. La Vie nous proclame : Paix à tous les hommes ! »

En conclusion de cette trop brève rétrospective où je n’ai voulu retenir que l’essentiel comme des petits cailloux blancs jetés sur le Sentier de la Paix, certains pourraient s’étonner que je l’ai intitulée seulement « Echo de Jérusalem », au singulier, et ce, dans les circonstances dramatiques que traversent

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actuellement, mais en fait, depuis si longtemps, les peuples israëlien et palestinien, circonstances dramatiques dont nous avons été directement témoins. Mais c’est bien volontairement qu’en dépit de tout, je n’ai voulu retenir que l’écho positif, « l’Unique Echo de l’Amour » Cet Amour-là est plus fort que tout ! Et nous en avons été amplement témoins au cours de ces huit jours ! Entrons pleinement dans cette Voie, certes étroite, mais unique, en Orient (al Machrek) où le Soleil de l’Amour se lève, comme en Occident (al Maghreb) où Il se couche (heureusement que la terre est ronde !), et soyons réellement au cœur de ce fameux Trépied Divin de l’Amour : ‘Dialogue du Salut – Réflexion – Action’, qui caractérise les Artisans de Paix, notre divin Secret, notre indestructible Château Intérieur, notre « inhabitation divine » : « Oui, je mettrai en vous de mon Esprit. Vous serez mon Peuple, et je serai votre Dieu…(Ezéchiel ) « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous et qui vous vient de Dieu ? »(première de Paul aux Corinthiens, 6,15-17) « Ils n’entendront ni parole futile, ni incitation au péché, mais une seule parole : Paix ! Paix ! » (sourate 56,25) et : « Par la nuit lorsqu’elle recouvre et par le jour lorsqu’il se dévoile,… c’est Nous qui disposons de l’Ultime Demeure comme de ce bas monde… pour l’homme pieux qui n’agit que par le Désir de la Face de son Seigneur, le Très-Haut ! Celui-là sera satisfait ! » (Sourate 92, La Nuit, 1-21) Pour le reste, comme l’a dit Abraham, notre père commun dans la foi, à son fils bien aimé : « Dieu pourvoira ! ». Cela seul compte vraiment : Entrons pleinement dans la Danse divine de l’Epoux avec son Epousée, comme le conseille la Vierge Marie aux serviteurs aux noces de Cana ! « Faîtes tout ce qu’Il vous dira » ! (cf . le Cantique des cantiques et Jean 2) ; nous savons quelle profusion il en advint !…Oui ! vive le Banquet des Cieux, dans la Jérusalem Eternelle à laquelle nous aspirons tous et qui scelle notre mystérieuse mais déjà réelle Communion dans le Messie de Dieu, Alpha et Oméga de l’Histoire ! « Avant son Heure déjà, Il indiquait, par-là, « Qu’avec l’Humanité, il venait faire Alliance, « Que Lui était l’Epoux, l’invitant à la danse ! »

« Noces de Cana, extrait de « Oratorio sur l’Amour de Dieu»

Rencontre du 30 novembre aux Mureaux « Communiqué de la rencontre interreligieuse chrétiens-musulmans »

Dans une ambiance chaleureuse et conviviale, nous étions 23 personnes autour de la table ce soir là,

rassemblées pour un partage d'expérience et un échange sur les projets à mener ensemble, chrétiens et musulmans.

Etaient présents les représentants de la communauté chrétienne catholique des Mureaux (dont le

Père Xavier Chavane, curé), les représentants de la mosquée Es-Salam des Mureaux (dont M. Mahouche, Président de l'association) ainsi que ses invités du comité interreligieux de Cergy Pontoise (dont Monsieur Saïd El Moudden, Président de la mosquée Avicenne de Pontoise, Président du CRCM Ile de France Ouest), les représentants de la jeunesse ouvrière chrétienne, la "JOC", (dont Anaïs Tavarès, la responsable aux Mureaux), les représentants de la mosquée Tariq Ibn Zyad des Mureaux (dont M. Madani, responsable de la communication extérieure), l'association Le Rocher (dont Stéphane de Saint-André, éducateur) et, par la pensée car prévenu trop tardivement pour être des nôtres, le pasteur Lionel Charles pour la communauté protestante.

Nous nous sommes tout d'abord rappelés nos objectifs : "le dialogue entre les religions oblige à

témoigner du vivre ensemble dans le respect de nos différences." 1

er axe de réflexion : la solidarité

Venir en aide aux plus démunis est un axe fédérateur et un souci commun aux chrétiens comme aux musulmans.

Depuis janvier 2009, une collecte alimentaire au profit des Restos du Cœur de la ville est organisée aux Mureaux par les chrétiens et les musulmans. Elle rencontre chaque année un beau succès. Il est décidé de la reconduire. Cette collecte est programmée au samedi 02 février 2013.

Le souci du problème de logements est ensuite soulevé avec une proposition d'étudier un accueil d'urgence dans les mosquées et à l'église. Les obstacles sont nombreux, notamment le volet "accompagnement" qui reste à travailler.

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ème axe de réflexion : la communication

Les amis de Cergy Pontoise décrivent leur expérience. Trois ou quatre conférences sont organisées en commun : juifs, chrétiens et musulmans.

Aux Mureaux, un travail de réflexion avec les habitants avait était envisagé sur le thème de la délinquance juvénile ou plus généralement l’éducation des jeunes à la non-violence. Il serait peut-être bon d'y revenir !

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ème axe de réflexion : les jeunes

Les jeunes de la JOC ont évoqué leur projet de dialogue interreligieux entre jeunes chrétiens et musulmans.

Des contacts fructueux furent échangés pour faciliter leurs démarches. 4

ème axe de réflexion : Un comité interreligieux aux Mureaux

Il s'agit de créer une instance commune capable de faire avancer les projets. Avec beaucoup d'enthousiasme, il est convenu d'entreprendre cette réflexion dès janvier 2013

PROVINCE

Rencontres du 9 au 11 novembre à Lyon et ses Banlieues

Pièce de théâtre « Pierre et Mohamed »

Pièce de théâtre Pierre et Mohamed Algérie, 1 août 1996 Message d’amitié et de dialogue interreligieux entre Pierre Claverie, dominicain et évêque d’Oran et Mohamed Bouchikhi, son chauffeur, assassiné en 1996 à Oran. Avec Jean Baptiste Germain Mise en scène et musique Francesco Agnello

« L’amitié nouée entre Mohamed, le musulman et Pierre, le chrétien (…) Des textes disant la

richesse de cette humanité plurielle, sa présence en Algérie « comme au chevet d’un ami malade » et sa détermination d’aimer celui-ci plus que sa propre vie » (voir l’affiche sur le site)

Rencontre du 17 novembre à Toulouse

« Moussa-Moïse » Témoignage par Claude Champs et Marie-Christine Thircuir : Dans le cadre de la semaine nationale de rencontres Islamo-Chrétienne, nous avons vécu à

Lafourguette une journée intense de fraternité et de partage rassemblant une centaine de croyants Chrétiens et Musulmans. Une belle fresque illustrant quelques épisodes de la vie de Moïse apportait une note artistique et pédagogique. Les uns et les autres faisons l’expérience de l’enrichissement que procure la rencontre de l’autre et le vivre-ensemble harmonieux qui en découle dans tous nos milieux de vie : travail, quartiers, associations…

Thème : Moïse, Moussa, celui à qui Dieu a parlé !

Au programme :

- un repas partagé dans la convivialité avec des spécialités de différentes cultures - un éclairage biblique par Jean-Marie Fehrenbach - un éclairage coranique par Driss Rennane, responsable des scouts musulmans

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- carrefours autour de cette question : « Comment Dieu me parle-t-il au quotidien ? » et mise en commun.

Du côté de la Bible : Moïse est cité 700 fois Une grande diversité de fonctions est assurée par Moïse : guérisseur, chef charismatique, fondateur de la religion, enseignant de la thora, prophète. Moïse est le modèle anticipé du chrétien : prêtre, prophète et roi. Moïse assure une relation et une médiation permanentes entre Dieu et son Peuple. Moïse, serviteur de Dieu, connaît lui aussi des moments de doute mais il reste toujours solidaire de la misère du Peuple : ce peuple à la nuque raide. Moïse par sa foi en Dieu est le modèle du croyant Du côté du Coran : Moïse est cité 131 fois Moïse « le parlant » au nom de Dieu. Il a un projet social pour le Peuple, celui de libérer les esclaves et de soustraire le Peuple de l’oppression. Sans jamais perdre espoir car il sait que la justice adviendra et que la lumière jaillira. Nous avons comme Moïse la mission de nous engager contre la misère. Mise en commun des carrefours : quelques retours… Ce que je fais de la parole : je la rumine, je la relis avec d’autres, elle me met en action. La parole : un enrichissement dans notre rapport à la foi. Nous ne percevons pas le moment où Dieu nous parle, on ne le sait qu’après. Il faut nous exercer à trouver les signes de sa présence. Dieu m’a parlé quand ma foi grandit Etre confiant dans une parole bénéfique qui nous veut du bien.

Nous étions six participants du doyenné et déjà nous pensons à la prochaine rencontre du relais Chrétiens-Musulmans des Minimes qui se fera en Janvier 2013

Comment Dieu me parle au quotidien ? Qu'est-ce que je fais de cette Parole ? (Quelques notes d'un petit groupe)

La lecture allégorique est vénérable ; je me retrouve bien dans ce qu'a dit Driss. C'était aussi la lecture des premiers siècles de l'Eglise.

Est-ce que ça ne nous renvoie pas à ce qu'on vit ? Ce n'est qu'après coup qu'on va voir.

C'est vrai : si Dieu me parle, le sens de ses Paroles n'apparaît qu'après.

Après coup ... Ce n'est pas notre temps ; c'est son temps. L'épisode du Buisson Ardent nous dit qu'on ne s'approche pas de Dieu comme ça.

Dieu s'adapte à nous ; nous avons des doutes, des hésitations ... Dieu nous donne des étapes, pour nous aider à nous comprendre nous-mêmes.

Dieu est toujours premier dans l'action. Si on fait le mauvais choix, il continue à cheminer avec nous ; mais il a toujours le dernier mot.

La source est unique.

Des évènements me parlent tout de suite et d'autres non.

Il faut se demander comment nous écoutons Dieu aujourd'hui. Selon notre état, nous entendons différemment.

Je crois que ce qu'il se passe entre nous, dans cette assemblée, c'est une Parole de Dieu.

L'allégorie casse la rationalité ; il faut rester humble et reconnaître nos contradictions.

Ce que produit la Parole de Dieu, c'est qu'elle oriente notre vie "vers ...". Aller vers les autres !

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Dans ce cas là, ce n'est pas ma rationalité qui compte ; cette rationalité peut produire la haine. Ça me dépasse ; il faut que je m'accepte dans l'humilité.

Il ne s'agit pas seulement de l'écouter, mais de vivre avec Lui.

Il faut être humble pour entendre.

Mon prof de philosophie dénigre la foi.

La rationalité n'est pas tout ; c'est une forme de compréhension. Mais il y a aussi toute la part d'intuition dans l'art (par exemple) ; il y a des choses qui dépassent la rationalité.

Au niveau spirituel, qu'est-ce qu'on nous propose ?

La Parole de Dieu n'a pas pris la forme de la Loi. Si tu entends cette Parole, elle te dira toujours : "Va vers tes frères". Cette Parole te pousse à l’action

Il s'agit de construire le "vivre ensemble avec les autres"

Va vers l'autre en te dépouillant toi !

Vous parlez de "sacrifice" ; ça veut dire "se sacrifier", s'abandonner ?

Le sacrifice nous tourne vers le "sacré"

Qu'est-ce qui fait la crédibilité d'une parole ?

Quand on donne la parole à celui qui est méprisé, il reprend confiance en lui, il se redresse. La Parole de Dieu appelle toujours à la vie.

Compte rendu de la table de : Benoît, Gilles, frère Franck, Hamid, Michèle, Loubna, frère Alain, Marie-Claude, François Comment Dieu nous parle-t-il aujourd'hui ? Qu'est-ce que je fais de cette Parole ? Lorsque Dieu nous parle, c'est souvent de manière indirecte et, assurément, c'est « plus tard » que l'on se rend compte qu'Il était là. Le temps de Dieu n'est pas le même que le nôtre. Dieu est toujours premier, c'est Lui qui prend l'initiative. La réception de la Parole ressortit à l'humilité de l'orant comme au mystère ; Dieu sait bien ce qu'il nous faut ; il y a pour nous nécessité d'un temps de maturation avant que la Parole ne donne du fruit. Aussi convient-il de discerner ce qui relève du domaine de l'entendre de ce qui relève de celui de l'écoute. Les exposés de Jean-Marie et de Driss nous ont rappelé à la fois la grande humanité de Dieu s'adressant à Moussa/Moïse ainsi que l'actualité de cette parole : nous sommes tous des Moïse/Moussa, cad des envoyés de Dieu.

Nous pouvons répondre de travers à l'appel de Dieu mais cet appel est incoercible : nous ne pouvons

que répondre. Lorsque nous répondons de travers, Dieu peut seulement ne pas nous accompagner. Pour mieux « coller » à la Parole et à ce que Dieu a comme dessein pour nous, il convient sans doute de faire acte « d'obéissance » ce par quoi nous pouvons entendre de se faire humble et pauvre, mais aussi de choisir d'ordonner, orienter sa vie tout entière, sa vie de tous les jours, dans sa famille, au travail, etc. à Dieu.

Dans notre société d'hyperrationalité, la Parole de Dieu revêt toute sa valeur et sa saveur ; elle nous

apporte plus que ce que la rationalité nous impose comme limite à notre entendement ; il ne s'agit nullement de rejeter la rationalité mais d'accepter que celle-ci provient de l'homme et que ce dernier est créature de Dieu.

Nous sommes des vases d'argile, c'est-à-dire des réceptacles de la Parole ; afin que ce vase reste

malléable sous les doigts du Potier, que le vase reste humide et ne se dessèche pas.

Comment Dieu me parle aujourd'hui ? Qu'est – ce que je fais de cette Parole ?

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Au sein de notre groupe, le partage des expériences et des rencontres a permis de répondre à

ces deux questions de manière très liée et presque indissociable. Avec les rencontres, la nécessité de lire et de prendre le temps de méditer et d'écouter la Parole

de Dieu est peut-être le deuxième point fort qui ressort de ce qui se dit dans notre groupe ; de même la recherche d'une cohérence entre la vie quotidienne - et les rencontres comme celle de ce jour - et la Parole lue.

Cette Parole pousse chaque croyant à un travail constant vers l'humilité ; les rencontres, et la constatation de pratiques autres ne sont qu'un chemin vers cette humilité, car elles nourrissent l'Amour de Dieu en nourrissant la Foi personnelle de chaque croyant.

Chercher à comprendre la Parole de Dieu dans Sa volonté de voir l'Humanité partir à la rencontre

des uns et des autres, car ces rencontres construisent nos vies respectives et collectives, et cela ne peut être autrement.

Dieu est présent tout autour de nous, même dans les périodes difficiles, ou les guerres ; ce sont les lieux de la mise à l'épreuve de notre compréhension de Sa Parole, et c'est à travers notre manière de réagir, à travers la responsabilité que nous mettons dans nos relations aux autres que l'on peut percevoir, sentir Sa Présence. Plus on approfondit Sa Parole, plus on pratique le Coran, l'Evangile, plus on se rend compte que Dieu nous parle à travers et dans nos relations avec les autres. La méditation sur nos textes implique une ouverture aux autres. C'est ainsi que les deux questions se rejoignent. La Parole de Dieu permet d'unifier nos relations dans notre humanité, et l'apaisement que cela procure laisse la place pour accueillir l'humanité de l'autre, tout en étant conscient de ses différences, qui ne sont qu'un plus dans la relation. Enfin, cela implique ce que l'on peut appeler le circuit de la vie de Sa Parole : la recherche de cohérence entre ce que les Textes nous disent, et ce que la Vie nous apporte.

Cela a été rapporté d'une manière très résumée lors de la rencontre, mais voici ce qui se

rattachait au résumé, et qui ne manque pas de richesse : Chacun se présente rapidement, puis viennent les témoignages. Voici rapidement ce qui a pu être dit

dans notre groupe : - Vivre avec les gens qui nous entourent ; il est fait référence à Charles de Foucauld. Les

rencontres : une dame raconte comment elle a été en contact avec des personnes qu'elle n'aurait pas rencontrées, ou vers qui elle ne se serait peut-être jamais tournée, si il ne lui avait pas été proposé de s'impliquer dans une action d'aide, d'entre-aide de personnes en difficulté. Cette rencontre, amenant d'autres rencontres, enrichit et ouvre vers des horizons insoupçonnables, et c'est sans doute par des chemins inattendus, qui sont autant de signes de Dieu, que l'on peut ainsi s'ouvrir à cette écoute de Dieu ; l'action menée ensuite sur le terrain est sa manière de « faire » quelque chose de cette Parole.

- Vivre nos relations en fraternité, en travaillant dans le vivre-ensemble. La question de la

présence de Dieu au sein des vicissitudes de la vie est aussi posée : au milieu des guerres, des difficultés, Dieu est-il présent ? nous demandent les athées. Nous pouvons leur répondre en soulignant que Dieu est partout ; en effet, toutes ces guerres seront abolies par elles-mêmes, parce que toute société qui ne se confirme pas par la paix se voue à l'échec, à sa propre destruction. De ce fait, Dieu est partout, car Il oriente l'Humanité vers les rencontres ; dans le Coran, il est dit : « Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d'entre vous, auprès d'Allah, est le plus pieux. » (S. 49, v. 13). Donc la rencontre est voulue par Dieu, et notre place d'Homme est dans la responsabilité que nous avons envers l'Autre.

- C'est à travers ces relations de fraternité et de vivre-ensemble que l'on peut peut-être voir ou

sentir la Parole de Dieu. Dieu est visible, quand on veut bien ouvrir les yeux, il y a des signes posés là, et que nous attrapons en nous ouvrant à l'Autre.

Dieu nous parle, oui, mais comment ? A travers Jésus, pour les Chrétiens, et il nous enseigne

l'Amour, et à aller vers les autres. Pris dans le rythme effréné de sa vie, l'on ne prend pas le temps de méditer ses textes ; une fois à la

retraite, une dame raconte comment disposer de temps a contribué à une réflexion sur sa foi, sur elle-même, lui permettant de mieux accueillir l'Autre, et d'être plus à l'écoute.

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- L'enrichissement mutuel des croyants : chez les musulmans également, on retrouve l'Amour, et

l'attention portée à la Parole de Dieu, à travers la récitation quotidienne du Coran, la pratique régulière de la prière par exemple, et cette imprégnation quotidienne apporte une sérénité qui permet de s'ouvrir aux autres et de les accueillir dans leurs différences.

Les Chrétiens aussi apprennent à fréquenter la Parole de Dieu autrement, en rencontrant d'autres croyants, notamment les musulmans ; une chrétienne souligne le fait que depuis ces rencontres, elle a pris l'habitude de se tourner et de consacrer de manière quotidienne et régulière une place à la lecture de la Bible et à sa méditation ; elle parle d'une sorte de circuit de la Parole de Dieu, qui se vit de manière individuelle, puis ressurgit à travers des rencontres de croyants – qui vivent une pratique de la foi autre que la sienne – et qui nourrissent à nouveau sa pratique personnelle, sa manière de vivre sa relation à Dieu.

C'est l’apaisement qu'apporte la Parole de Dieu qui permet d'accueillir l'humanité de l'Autre.

Merci pour cette journée de partage sur la Foi. Le groupe à répondu aux deux questions en intégrant à chaque fois les deux dimensions , personnelle et collective.

Comment Dieu me parle aujourd'hui?

Pour la dimension personnelle, les termes employés sont "c'est intérieur"; une expérience; s'entretenir avec Dieu comme on parle à un Père, dans le secret "on le ressent au fond de son cœur". Certains éprouvent une difficulté à répondre à cette question: "Dieu, je ne l'entends pas ; c'est difficile à définir". Quand est-ce que Dieu me parle? Le groupe est d'accord pour dire:

- Quand je lis le Coran ou la Bible? - Quand je prie, rester en contact avec Dieu dans la journée. - A travers les rencontres avec les autres, les gestes d'accueil, comme ce matin un sourire offert! - A travers les évènements de la vie, qu'ils soient heureux ou malheureux; - La relecture de vie, en particulier le soir, appelée dans la pratique musulmane "Mohassa

Pour la dimension collective: - il est important de lire ensemble, avec d'autres, la Bible ou le Coran; - de prier avec d'autres; - de se rencontrer en petits groupes: quel est mon comportement? Va-t-il dans le sens de Dieu? - Relire les actions collectives avec un groupe de croyants. Qu'est-ce que je fais de cette Parole?

Sur le plan personnel, la Parole reçue me nourrit, me transforme petit à petit; elle m'apprend la patience: "Pour adorer Dieu il faut demander la patience!".

Elle m'apprend à rester "proche de Dieu", à essayer de mettre en cohérence ma vie et ma foi; elle me dispose au partage, à l'accueil, à la rencontre des frères. Collectivement,

- partager et relire les évènements de la vie; - prier ensemble est nécessaire: "m'entourer de personnes croyantes et priantes fait grandir ma Foi et

m'aide à avancer, à surmonter la peur, l'inconfort du croyant" - nos religions ont une dimension sociétale: comme le croyant a à poser des actes, à être un parlant

à qui Dieu a parlé. Exemple: l'un de nous fait l'expérience de Dieu " libérateur" au cours de la manifestation de

Sanofi; son groupe a écrit un texte avec à la fin quelques versets de la lettre de l'Apôtre Saint Jacques pour la distribuer aux employés: il y aura une réponse avec une demande de rencontre "pour en parler" - Dieu nous parle aujourd'hui de façon différente; nous devons nous exercer à reconnaître les signes de Sa présence.

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Intervention de Jean-Marie Fehrenbach : Contribution à la réunion du GAIC tenue le 17 Novembre 2012 à Toulouse La figure de Moïse pour un chrétien - Quelques mots d’introduction : Le personnage de Moïse appartient fondamentalement à la Bible juive où son nom est cité plus de 700 fois. Il est cité également dans le Nouveau Testament où ce nom présente quelque 80 occurrences. Ceci montre que, pour les premières communautés chrétiennes, la figure de Moïse a représenté une importance certaine dans l’histoire de la révélation de Dieu aux hommes, dans cette histoire du salut qui, pour les chrétiens, culmine dans les évènements majeurs que sont l’Incarnation et la Passion-Résurrection de Jésus de Nazareth. En revanche, et malgré cette multitude de références, la théologie chrétienne ne donne pas à Moïse une place particulière dans le contenu de la foi : ainsi par exemple Moïse n’est pas cité dans le texte du Credo qui est le résumé de la foi des chrétiens proclamé par l’assemblée au cours de la liturgie de la messe. Si nous voulons cerner ce qu’est la figure de Moïse pour un chrétien, il nous faut donc sans doute procéder d’abord à une brève recherche sur les textes, au terme de laquelle nous tenterons de résumer en quelques mots les principaux traits qui peuvent caractériser cette figure majeure de la Bible telle qu’elle est perçue par un croyant chrétien aujourd’hui. - A la recherche de la figure de Moïse selon la Bible : Rappelons d’abord que la Bible des chrétiens incorpore en totalité les 39 livres de la Bible juive, en lui ajoutant 7 livres de la tradition juive qui sont de composition tardive et ont été écrits en langue grecque, auxquels s’ajoutent les 27 livres dits du Nouveau Testament. La Bible apparaît donc comme une bibliothèque de textes produits par diverses communautés en des temps distincts, et non comme un livre au caractère homogène. Lorsqu’on parcourt avec un peu d’attention les références faites à Moïse dans les livres du Nouveau Testament, on constate que les auteurs des textes correspondants s’alignent sans réserve sur ce qui nous est dit de Moïse dans la Bible juive. Or celle-ci consacre la quasi-totalité de quatre de ses cinq premiers livres au récit de la vie, des actes, et des discours de ce personnage. C’est la raison pour laquelle, cet ensemble des cinq premiers livres, appelé aussi le Pentateuque (le mot nous vient du grec et signifie « cinq rouleaux »), et qui constitue la Torah des Juifs, est souvent appelé le « livre de Moïse ». En revanche, autant Moïse est omniprésent dans ces quatre livres, autant il est peu cité, voire parfois pas du tout, dans les autres livres de la Bible juive. C’est donc dans ces quatre livres du Pentateuque qu’il nous faut travailler et puiser si l’on veut caractériser la figure de Moïse selon l’Ecriture.

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- Une grande diversité de fonctions attribuées à Moïse : a-La fonction de thaumaturge, un exemple : en Nb 20, 11 : le peuple sorti d’Egypte affronte le désert et la sécheresse, il en veut à Moïse de cette situation de pénurie et réclame de l’eau pour lui et pour son bétail. Sur l’ordre reçu de Dieu, Moïse, secondé par son frère Aaron, procure de l’eau au peuple de manière miraculeuse : Moïse leva la main ; de son bâton il frappa le rocher par deux fois. L'eau jaillit en abondance et la communauté eut à boire ainsi que ses troupeaux. Ce qui frappe très vite un lecteur attentif, c’est la grande diversité des fonctions assurées par le personnage telle qu’elle se dégage des textes : selon les passages étudiés, Moïse se manifeste en effet comme un thaumaturge (c’est-à-dire un guérisseur ou un faiseur de miracles), un chef charismatique, un fondateur de religion, un prêtre en charge de l’enseignement de la Torah à son peuple, un prophète… 2 b- La fonction de chef charismatique, un exemple : la sortie d’Egypte. Les chapitres 5 à 15 du livre de l’Exode rapportent comment, selon les ordres reçus de Dieu, Moïse s’impose auprès de Pharaon, à travers une suite de prodiges où intervient le pouvoir de thaumaturge qu’il a reçu de Dieu, et parvient à obtenir de Pharaon son accord pour que le peuple quitte la terre d’Egypte pour se rendre au désert et y prier son Dieu. Le récit fait ici de Moïse un personnage qui tient tête avec succès face à Pharaon et qui s’impose de même à ses frères esclaves pour les convaincre de quitter ensemble l’Egypte au terme d’une nuit de célébration de ce qui sera la première Pâque du peuple hébreu. Notons toutefois que, selon le récit biblique, derrière la main de Moïse, c’est Dieu lui-même qui agit. Car le véritable chef d’Israël, en effet, n’est pas Moïse, et ce ne sera pas plus tard le roi, mais c’est bien Dieu qui, dans la Bible, revendique l’autorité royale sur son peuple. c- La fonction de fondateur de religion, un exemple : Les derniers chapitres du livre de l’Exode et la plus grande partie du livre du Lévitique rapportent comment Moïse instaure le culte du Dieu qui s’est révélé à lui, organisant un clergé, prescrivant selon les ordres reçus de Dieu les détails des sacrifices et les conditions de leur exécution, mettant en place un sanctuaire mobile, la Tente de la Rencontre. d- La fonction sacerdotale de l’enseignement de la Torah à son peuple, un exemple : Dt 4, 10-14. Je cite : [10] Tu étais debout en présence du SEIGNEUR ton Dieu à l'Horeb, le jour où le SEIGNEUR m'a dit : " Rassemble le peuple auprès de moi ; je leur ferai entendre mes paroles pour qu'ils apprennent à me craindre tous les jours qu'ils vivront sur la terre, et pour qu'ils l'apprennent à leurs fils. " [11] Et ce jour-là, vous vous êtes approchés, vous vous êtes tenus debout au pied de la montagne : elle était en feu, embrasée jusqu'en plein ciel, dans les ténèbres des nuages et de la nuit épaisse. [12] Et le SEIGNEUR vous a parlé du milieu du feu : une voix parlait, et vous l'entendiez, mais vous n'aperceviez aucune forme, il n'y avait rien d'autre que la voix. [13] Il vous a communiqué son alliance, les dix paroles qu'il vous a ordonné de mettre en pratique, et il les a écrites sur deux tables de pierre. [14] Et à moi, le SEIGNEUR m'a ordonné alors de vous apprendre les lois et les coutumes pour que vous les mettiez en pratique dans le pays où vous allez passer pour en prendre possession. e-La fonction prophétique : On peut relever d’abord que les chapitres 3 et 4 du livre de l’Exode, qui rapportent l’épisode du buisson ardent et la réticence de Moïse à accepter la mission qui lui est demandée, s’apparentent étrangement aux récits de vocation concernant les prophètes bibliques, récits que nous rencontrons soit dans les livres historiques (vocation de Samuel), soit dans les livres prophétiques (Isaïe, Ezéchiel, Jérémie…). On notera ensuite que Moïse assure une relation permanente entre Dieu et son peuple, agissant vis-à-vis de ce dernier comme l’unique porte-parole autorisé du Dieu de l’Alliance. Moïse peut donc être sans erreur qualifié du titre de prophète. Plus jamais en Israël ne s'est levé un prophète comme Moïse, lui que le SEIGNEUR connaissait face à face, Ce rôle de prophète est encore affirmé par le prophète Osée en Os 13, 13 : Mais par un prophète le SEIGNEUR a fait monter Israël hors d'Egypte, et par un prophète Israël a été gardé. A partir de ces constats, les biblistes ont vu en Moïse une sorte d’archétype et de modèle anticipé d’un personnage qui aurait rassemblé de manière exemplaire et unique dans le récit biblique vétérotestamentaire les trois fonctions de prêtre, de prophète et de roi. - La position de Moïse selon l’Ecriture : une position de médiateur entre Dieu et le peuple.

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Selon l’Ecriture, Moïse assure ces multiples fonctions parce qu’il a été choisi par Dieu pour être son médiateur, pour assurer une relation de personne à personne entre Lui et le peuple hébreu. Le mot « médiateur » n’existe pas dans le texte hébreu, mais on le trouve en Ga 3, 19, employé par Paul pour qualifier Moïse dans son rôle de transmetteur de la Loi reçue de Dieu1. Et, de fait, la Bible ne cesse de montrer que Dieu a choisi Moïse parmi ses frères pour Le représenter auprès du peuple, comme auprès de Pharaon, et corrélativement pour représenter Israël auprès de Dieu. Moïse est ainsi l’homme biblique qui rencontre Dieu et lui parle en face comme un homme parle à un homme. Ce qui conduit Moïse à plaider pour son peuple auprès de Dieu ou de Pharaon, se faisant solidaire de ce peuple y compris lorsque ce peuple est dans l’erreur, et à agir auprès de son peuple pour obtenir qu’il accepte les exigences formulées par Dieu et lui obéisse en toute occasion, ce qui peut aussi conduire Moïse à devoir affronter ses frères. Une telle position est donc difficile à tenir et Moïse nous est présenté par l’Ecriture comme un médiateur qui souffre. 1 Dès lors, que vient faire la loi ? Elle vient s'ajouter pour que se manifestent les transgressions, en attendant la venue de la descendance à laquelle était destinée la promesse : elle a été promulguée par les anges par la main d'un médiateur. A ce titre, Ex 32, 30-32 nous fournit un bon exemple de premier cas de médiation où Moïse plaide auprès de Dieu pour son peuple fautif. La scène se situe au lendemain de la construction du veau d’or qui a eu lieu pendant l’absence de Moïse appelé sur la montagne de l’Horeb : [30] Or, le lendemain, Moïse dit au peuple : " Vous avez commis un grand péché, mais maintenant je vais monter vers le SEIGNEUR ; peut-être obtiendrai-je l'absolution de votre péché. " [31] Moïse revint vers le SEIGNEUR et dit : " Hélas ! ce peuple a commis un grand péché ; ils se sont fait des dieux d'or. [32] Mais maintenant, si tu voulais enlever leur péché... Sinon, efface-moi donc du livre que tu as écrit. " Le passage Ex 5, 20-21 nous fournit un bon exemple du cas où Moïse, par son action conforme à la volonté divine se voit rejeté par ses frères. Suite à une demande présentée par Moïse à Pharaon pour que ce dernier laisse le peuple hébreu aller au désert pour y célébrer son Dieu, Pharaon a décidé d’aggraver les conditions du servage auquel le peuple hébreu est soumis. Moïse est alors vivement contesté par les scribes d’Israël : [20] Sortant de chez le Pharaon, ils (les scribes des fils d’Israël) se précipitèrent sur Moïse et Aaron qui les attendaient. 4 [21] Ils leur dirent : " Que le SEIGNEUR constate et qu'il juge : à cause de vous, le Pharaon et ses serviteurs ne peuvent plus nous sentir ; c'est leur mettre en main l'épée pour nous tuer. Cette position de médiateur est donc vécue par Moïse comme une réelle épreuve, une épreuve dont il se plaint amèrement auprès de Dieu. Je citerai ici le passage Nb 11, 11-15 qui ressemble de manière significative aux plaintes de Jérémie présentes dans les 25 premiers chapitres de son livre: [11] " Pourquoi, dit-il au SEIGNEUR, veux-tu du mal à ton serviteur. ? Pourquoi suis-je en disgrâce devant toi au point que tu m'imposes le fardeau de tout ce peuple. ? [12] "Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple ? Moi qui l'ai mis au monde. ? pour que tu me dises : "Porte-le sur ton cœur comme une nourrice porte un petit enfant", et cela jusqu'au pays que tu as promis à ses pères. ?" [13] "Où trouverais-je de la viande pour en donner à tout ce peuple qui me poursuit de ses pleurs et me dit : "Donne-nous de la viande à manger" ?" [14] Je ne puis plus, à moi seul, porter tout ce peuple ; il est trop lourd pour moi. [15] Si c'est ainsi que tu me traites, fais-moi plutôt mourir-si du moins j'ai trouvé grâce à tes yeux ! Que je n'aie plus à subir mon triste sort ! " - Moïse le serviteur de Dieu par excellence : Il est un titre que la Bible applique à Moïse dans l’un et l’autre Testament, c’est celui de serviteur, en hébreu ‘obed. Ce titre est amplement mérité. Il résume à lui seul à quel point, selon l’Ecriture, Moïse, à partir du chapitre 5 du livre de l’Exode, ne cesse de se dépenser, tant pour remplir les missions que Dieu lui donne, tant pour convaincre son peuple d’obéir, tant pour assurer une interface entre Dieu et ce peuple à la nuque raide. Je citerai deux textes qui témoignent à ce propos : Dt 34, 5 conclut lors de la mort de Moïse : Et Moïse, le serviteur du SEIGNEUR, mourut là, au pays de Moab, selon la déclaration du SEIGNEUR. Le dernier livre du Nouveau Testament, le livre de l’Apocalypse, dans une des visions de Jean, rapporte, dans la description d’une liturgie céleste en Apo 15, 3 : Ils chantaient le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu,…

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- Essai de conclusion : Nous avons évoqué ci-dessus la multiplicité des fonctions assurées par Moïse selon l’Ecriture, nous avons souligné sa position difficile de médiateur, un médiateur choisi par Dieu pour assurer une relation à double sens entre celui qui est le Transcendant et le peuple des hommes qu’il a élu comme son peuple. Nous avons aussi noté que les deux Testaments le qualifient du titre de Serviteur de Dieu. Mais, au terme de ce bref parcours de bibliste, quelle appréciation un regard chrétien peut-il porter sur Moïse, quelle dimension de cette figure importante de l’histoire du salut peut-elle être privilégiée pour le croyant chrétien aujourd’hui encore ? me semble que le chrétien est ici en droit de relever combien Moïse peut figurer comme le modèle du croyant : Un croyant qui accepte de répondre à l’appel de Dieu qui vient à sa rencontre au sein du buisson ardent selon le chapitre 3 du livre de l’Exode, qui s’engage non sans réticence car il ne se sent pas en mesure de faire face à la mission qui lui est proposée, (le chapitre 4 du livre de l’Exode décrit les multiples protestations et réticences de Moïse lors de son appel à servir) un croyant à qui il arrive de douter, de se rebeller contre Dieu, un croyant qui s’engage totalement dans l’action pour la cause de Dieu mais aussi pour la cause de son peuple.5 Les récits bibliques mettent donc bien en évidence à travers la figure de Moïse combien la foi en Dieu est essentiellement acte de confiance, mais acte réfléchi, démarche non dépourvue d’hésitations, acte d’adhésion consécutif à un travail de discernement personnel, acte qui engage aussi toute la personne au service de Dieu et des frères en humanité… - Complément : Une remarque sur la manière chrétienne de lire la Bible aujourd’hui : Au terme de ce parcours quelque peu rapide, un bref complément peut être ici utile, à l’attention de nos amis musulmans, comme aussi de nos amis chrétiens, à propos de l’esprit dans lequel les chrétiens abordent aujourd’hui l’étude de la Bible, et des conséquences de ce mode de lecture sur ce que nous avons dit de Moïse : Les chrétiens considèrent bien les textes de la Bible comme porteurs d’une parole de révélation de Dieu aux hommes, mais cette conviction ne saurait se traduire par une lecture de caractère littéral ou « historicisant ». L’étude critique des textes montre en effet que ceux-ci appartiennent à des genres littéraires de leur époque, que les auteurs s’y expriment avec des mots et dans un contexte culturel qui ne sont pas les nôtres, et qu’il y a donc lieu de se placer à une certaine distance du texte pour mieux en approcher son sens profond. C’est pourquoi, pour ce que nous avons dit de la figure de Moïse, la lecture chrétienne actuelle prend garde à ne pas être « « historicisante », c’est-à-dire à ne pas attribuer à chaque détail des récits une valeur historique au sens moderne, mais à faire plutôt une lecture que nous pouvons ici qualifier de typologique : ainsi Moïse est indiscutablement une grande figure de l’histoire du salut, un modèle pour le prophète, pour le roi, pour le prêtre, un modèle aussi pour le croyant, et l’ensemble des valeurs que transmet cette figure constitue une des bases pérennes de la foi des chrétiens en un Dieu qui déploie dans l’histoire un dessein de salut au profit de toute l’humanité.

Bilan de la journée SRI du 17 Novembre.

Pour résumer simplement disons que tout le monde l'a trouvée réussie! Le matin, rencontre et visite à la Mosquée As-SALAM à Tabar: ce temps partagé a été une première pour le GAIC de Toulouse; L'accueil par les responsables de la Mosquée a bien débuté la journée! Un pas de plus dans la rencontre; Nous avons été sensibles à cette ouverture dans la simplicité et la vérité. Nous nous sommes quittés en restant ouverts pour préparer ensemble une nouvelle rencontre l'an prochain, en particulier pour la prochaine SERIC.

Les questions posées par les visiteurs étaient variées et l'Imam, Monsieur Saïd Meddah y a répondu clairement en particulier celles concernant les rites et le déroulement de la prière; il s'est lui-même présenté en nous faisant part de son parcours depuis le Maroc, sa formation d'électricien et son parcours en région parisienne où il a déjà participé à des rencontres avec des chrétiens…

Nous avons découvert la Mosquée dans son architecture, (Château transformé et aménagé en lieu de culte à l'intérieur avec une capacité de 1600 places), projet de

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construction d'une nouvelle Mosquée sur le terrain de l'Association des Musulmans de Toulouse -AMT- ; nous avons aperçu les salles d'école coranique et les ateliers culturels. Nous avons été touchés par l'accueil personnel de l'Imam qui nous a reçus dans sa maison pour nous offrir le traditionnel thé et gâteaux… Merci à Benoît d'avoir préparé des cadeaux! Et merci à Abdellatif Mellouki et Monsieur Hassan Idmiloud, vice président de l'AMT, accompagné de son Président grâce à qui cette rencontre a été possible.

A partir de midi le repas partagé a été un moment chaleureux, et convivial où la variété des plats préparés dans l'abondance témoignait du soin apporté par chacun et chacune de son désir de participer concrètement; occasion pour tous de se mélanger et de faire connaissance; c'est une expérience appréciée et à renouveler comme les années précédentes! Une belle fresque relatant la traversée de la Mer Rouge préparée et présentée par Jacques "a illustré quelques épisodes de la vie de Moïse apportant une note artistique et pédagogique"; elle a été une bonne mise en route pour notre thème de rencontre: Moïse. Nos deux intervenants, Jean Marie Fehrenbach et Driss Rennane ont pris la parole pour nous faire découvrir Moïse à travers chacune de nos deux religions. Les participants se sont ensuite regroupés en carrefour pour répondre à deux questions: "Comment Dieu me parle aujourd'hui" et "Qu'est-ce que je fais de cette Parole aujourd'hui?"

(Les textes des deux intervenants et les comptes rendus des carrefours vous seront communiqués dès que nous les aurons tous reçus…) quelques paroles échangées entre nous: - échos enthousiastes de ceux qui ont participé à la matinée à la Mosquée. - à la Mosquée, deux femmes de l'atelier d'alphabétisation ont été étonnées de voir des chrétiens qui vont à la Mosquée:" tu vas prier ou tu vas faire quoi?" - La salle de La Fourguette est très bien par son espace et son emplacement - Le repas est très sympathique - Il y avait beaucoup de monde (près de 100 personnes pour la journée) - Avoir un thème chaque année c'est bien. - Par chaque intervenant on apprend quelque chose sur l'autre religion. - Dans les carrefours, il est important de permettre à chacun de se présenter et d'exprimer sur ce qu'il vit. - Bon partage au niveau de chaque carrefour et remontées des carrefours très positives et d'une grande richesse dans la variété des réponses, on a pu discuter très franchement! - Nous sommes dans une même démarche spirituelle: on ne sait pas si c'est un chrétien ou un musulman qui a parlé! - Nous sommes dans une démarche spirituelle et non théologique. - Il y a "quelque chose" (fraternité, écoute, respect…) qui se passe dans cette journée. - Il y avait peu de gens du Quartier Mirail: on aimerait qu'ils soient là! Comment les inviter à participer à une rencontre? - Où sont les jeunes chrétiens? Les jeunes vivent l'inter religieux à l'école, en famille, au sport…cela fait partie de leur environnement quotidien. -Tout le monde s'est exprimé dans les carrefours, y compris les jeunes présents - Deux couples de la paroisse sont venus grâce aux flyers - Nous avons longtemps échangé par rapport à la présence de vin au repas; grâce à la confiance qui s'est construite entre nous, nous arrivons à nous dire des choses pour lesquelles nous ne sommes pas d'accord. Nous avons pris du temps pour échanger à ce sujet… la discussion n'est pas close! - La présence de deux frères de l'Abbaye d'En Calcat a été remarquée : c'est un témoignage pour les participants et un encouragement dans notre démarche.

Quelques idées à retenir pour la prochaine SERIC: et pour améliorer la qualité de notre

rencontre: - être moins nombreux dans les carrefours, essayer à l'avance de choisir un animateur et un

rapporteur. - Prévoir une prière au début du repas

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- Faire deux événements dans la semaine dont une avec les responsables de la Mosquée de Tabar; pourquoi pas un spectacle comme " Pierre et Mohamed"

- Eviter la présence d'alcool au repas - Demander à une personne de photographier. - Proposition d'un thème pour la prochaine rencontre: L'eau - Aller à la rencontre de jeunes chrétiens: scouts de France, aumôneries d'Ecoles, (Lycée Myriam,

Ecole saint Nicolas…) - Sur les affiches indiquer Salle Candie et non salle de Notre Dame de La Fourguette.

Du 14 novembre au 27 novembre

Marseille 14 novembre à 18h30 Une Conférence à deux voix La miséricorde dans la tradition chrétienne, avec Sr Bénédicte de la Croix, cistercienne. Dans la tradition musulmane, avec Mr Denis Grill, universitaire. Au Centre le Mistral

Un petit bilan du café couple de Marseille qui s'est déroulé le 18 novembre.

Nous étions 17 adultes et 10 enfants. Les échanges se sont révélés très riches et le temps d'une après-midi beaucoup trop court. Les couples qui sont venus étaient tous à des moments de leur vie différent : marié depuis plusieurs années, avec ou sans enfants, avec un projet de mariage, .... Nous nous sommes quittés avec le projet de nous retrouver. Nous avons le projet de faire évoluer le café couple en pique-nique couple qui aura lieu au printemps prochain : cela nous permettra de ne pas avoir de contrainte de lieu (trop exigu, inadapté pour les enfants) et de disposer de plus de temps. Nous vous tiendrons au courant de l'évolution de ce projet. Merci de la mobilisation de chacun d'entre vous pour permettre la réussite de ce moment. Belle soirée à tous. Murielle et BouAlem

27 novembre Pièce de théâtre Pierre et Mohamed Algérie, 1 août 1996 Message d’amitié et de dialogue interreligieux entre Pierre Claverie, dominicain et évêque d’Oran et Mohamed Bouchikhi, son chauffeur, assassiné en 1996 à Oran. Avec Jean Baptiste Germain Mise en scène et musique Francesco Agnello Au Lycée St Vincent de Paul (la Petite OEuvre)

Strasbourg et Agglomération du 15 au 25 novembre

Les grandes figures de nos religions Rencontres dans les quartiers de Strasbourg Samedi 17 novembre - 19h00 Soirée d’ouverture Projection du film «La source des femmes » suivie d’un débat avec les membres du GAIC 67. STRASBOURG NEUDORF Création & conception graphique : bruno boulala / 7x7 - [email protected]

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Bischheim-Schiltigheim Jeudi 15 novembre à 20h Église protestante Saint-Michel, « Les grandes figures de nos religions » : Abu Hamid Al-Ghazali, Frédéric Oberlin,Charles de Foucauld. Soirée d’ouverture Samedi 17 novembre à 19h Strasbourg Neudorf Projection du film «La source des femmes » suivie d’un débat avec les membres du GAIC 67. Centre-Ville Lundi 19 novembre à 20h30 Munsterhof « La figure de Marie dans les traditions catholique, musulmane et protestante » Table-ronde et débat avec Christine Aulenbacher, directrice de l’Institut de Pédagogie Religieuse de la Faculté de Théologie Catholique de Strasbourg, Lilia Bensédrine-Thabet, diplômée en Islamologie, religion, droit et société, et le pasteur Bettina Cottin, aumônier universitaire protestant. Débat animé par Camille Andrès, journaliste aux DNA. Hautepierre Mardi 20 novembre à 20h Soirée de chant choral interreligieux avec les jeunes musulmans de DITIB et la chorale interreligieuse de l’Aumônerie Universitaire Catholique (Hannah Wunran) Mercredi 21 novembre à 19h Dîner-débat. Les grandes figures de nos religions : regards croisés sur deux personnalités marquantes de notre histoire commune : Emir ‘abd Al-Qâdir Al-jazâ’iri et Charles de Foucauld. Avec Jean-Marie Hirsch et Mohamed Latahy. Lingolsheim Jeudi 22 novembre à 20h Foyer Oberlin Stammtisch islamo-chrétien : « Convictions, tolérance…et humour ? » Illkirch Vendredi 23 novembre à 20h « Marie et le rôle de la femme dans les religions » Conférence-débat avec le Pasteur Jean-Marc Heintz, le Père Gérard Lachivert et Hamida Palagi. Aumônerie de l’hôpital de Hautepierre Pendant toute la semaine, les aumôneries catholique, musulmane et protestante visitent ensemble les malades et leur offrent un cadeau. Contact : Groupe d’Amitié Islamo-Chrétienne de Strasbourg 03 88 32 39 06 [email protected]

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Rencontre du18 à 25 novembre à Mulhouse et environs « Journées de Rencontres et d’Amitiés »

JOURNÉE FAMILIALE ET FESTIVE

Dimanche 18 novembre 2012 - Salle "Le Hangar" à Kingersheim Expositions, animation enfants, saveurs culinaires variées, chants, sketches, danses

LE MESSAGE COMPOSE POUR LA SEMAINE : FRATERNITÉ

La Fraternité, une utopie, un rêve ? La Fraternité, devise de notre République, invitation au Vivre ensemble dans nos cités, nos réalités quotidiennes La Fraternité, dimension essentielle pour nos religions. Pour nous, Chrétiens et Musulmans, … Etre frères, c'est reconnaître Dieu comme créateur de tout homme sans distinction de race, d'origine, de rang social. … Devenir frères, c'est un choix libre et exigeant qui trouve sa source dans la bonté et la miséricorde de Dieu … Devenir frères, c'est s'engager dans une relation basée sur le partage et le respect de l'autre.

Parole du Prophète Muhammad : "Aucun d'entre vous n'est croyant tant que vous n'aimerez pas pour votre prochain ce que vous aimez pour vous-mêmes"

Parole de Jésus-Christ : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même"

Au moment où les replis et les crispations s'accentuent, nous croyons que nos religions doivent témoigner du Don de Dieu et de Son appel à vivre la paix, la justice et l'ouverture respectueuse à l'autre.

Que cette semaine d'amitié, d'échanges et de rencontres soit une expérience fraternelle forte !

Que cela nous engage toujours davantage à tisser des liens dans notre vie quotidienne, avec nos voisins, dans nos lieux de vie respectifs.

Dieu nous appelle à être frères. Apprenons à le devenir ensemble au cœur de notre humanité !

A la DECOUVERTE DE NOS TRADITIONS RELIGIEUSES

Samedi 24 novembre à l’église du Sacré Cœur à Mulhouse

Messe en présence des communautés protestantes et musulmanes Et partage du dessert de l’ACHOURA

DIMANCHE 25 NOVEMBRE VISITE DU CHANTIER AN-NOUR

Une occasion de découvrir un espace de prière, de formation et d’entraide.

*La fête de l’Achoura rappelle notamment l’épisode de la fin du déluge avec le prophète Noé. * Pour consulter l’ensemble du compte-rendu et des photos se reporter au site de la SERIC : »semaineseric.eu ».

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Rencontre du 19 à 25 novembre à Montpelier

Faits sociétaux et les textes des Evangiles et du Coran « A quoi notre Foi nous engage- t- elle ? »

Evènements réalisés par rapport à la fiche signalétique:

- repas avec le groupe de pilotage et les conférenciers. - conférence le 19 Novembre 2012 sur le thème :"à quelle relation aux autres notre foi nous appelle". - exposition de photos réalisées par Olivier Coret sur: "Palestine-Israël au pied du mur" par le biais de

l'agence "in- visu»: ce fut impossible, car ces photos sont presque un patrimoine. Il aurait fallu les louer ce qui obligeait un transport, une assurance, des frais importants.//J'ai juste fait un panneau avec la photo d'Olivier Coret

pour l'ouverture de l'exposition au musée de Roche belle dans le Gard; puis des photos émanant de "chrétiens de la Méditerranée" sur Gaza ; puis le texte de l'aventure du navire de la solidarité "Est-elle «en route pour Gaza ; puis les textes et photos d'artistes palestiniens parus dans le journal du CCFD ; puis la présentation des œuvres d'écrivains palestiniens à l'Unesco, dans le cadre de l'association "La feuille d'or»; puis la présentation écrite du film "Palestine, une terre d'histoire», en hommage à Simone Bitton et pour faire connaitre cette œuvre majeure au public de la conférence.

Dans le prolongement de la seric 2012,rencontre avec l'association "Aissa" qui vient de se créer à Montpellier, pour la réalisation d'une fête pour les enfants musulmans et chrétiens de couples mixtes, pour leur faire connaitre la vraie signification et le vrai sens de Noël, faite le 22 Décembre ,à la maison paroissiale Saint-Thomas, avec 3 ateliers sur le sapin, la crèche, les textes de l'Evangile et du Coran sur la naissance de Jésus; puis un goûter; puis un concert de musique orientale. L'association "Toutes", pour toutes les femmes nous a rejointes.

D’abord, présentation de la seric 2012 qui se déroule en France, et en Europe. Puis présentation des

conférenciers.

Exposé de Khaled Roumo : il nous invite à réciter la prière des musulmans, puis la prière des chrétiens./Il précise qu'il n'aime pas le terme de "partage islamo-chrétien», car il voit plutôt un dialogue spirituel entre nous sur nos relations à Dieu. Il part, dans son exposé, des noms-de Dieu-en arabe, regrettant que la réflexion de l'Islam n'ait pas pu encore trouver des traductions satisfaisantes en langue française. Les mots par lesquels on désigne Dieu: Allah : l'amant, le bien-aimé, l’amour ...Voilà le nom de Dieu.

- Le pieu, l’enracinement de l'amour, la racine: personne ne peut arracher le lien entre la racine et

le pieu. Il évoque la semence, l'arbre, les fruits.

- La tendresse, l’amour protecteur-

Dieu transforme nos actes et établit des relations entre nous et notre communauté proche. Œil-Oreille. La foi est une question de relations avec Dieu et avec les autres, basées sur la confiance./Les musulmans sont appelés de la part de Dieu à être témoins./La fraternité est l'ultime de la relation entre les croyants. Les musulmans qui sont aimés rendent cet amour. C’est une caractéristique de la foi en Dieu/Il faudrait que mon regard sur la Création soit celui du Créateur sur la Création.!

Le seul voyage qui compte, c’est le voyage vers Dieu ...quand on l'a découvert, on revient vers les autres.

Exposé de Sœur Elisabeth Robert : la question qui nous était posée appelle l'éthique particulière dans notre relation à l'autre.Je suis appelé pour tendre vers le bonheur pour moi et pour les autres. Cette question se déploie dans notre existence depuis notre enfance. Mais la question qui se pose aussi à tous les hommes pour un vivre ensemble est : quoi faire pour faire grandir l'humanité? Ce n'est pas si simple d'y répondre, car les cultures, les temps, les pays ont des images de l'homme différentes. C'est donc une réponse à reformuler toujours. Au nom de quoi? Quels sont les fondements de notre humanité ? Aujourd'hui, la réponse n'est pas évidente, il suffit de suivre les débats actuels, par exemple, sur la famille. Les diverses traditions et cultures ont fait des codes et des lois pour organiser le vivre ensemble

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1°/Y-a-t-il une morale chrétienne ? Des comportements spécifiques aux chrétiens ? Non, rien n'est propre aux chrétiens....L'Evangile renvoie toujours à l'humanité.

2°/Le spécifique est du côté de l'appel:-c'est parce qu'il y a un Dieu qui est créateur et sauveur que j'ai tel ou tel comportement.

- C'est à cause de lui que je choisis la vie. La finalité est de devenir ce que je suis. - Nous avons un modèle dans cette démarche: Jésus pleinement humain: fils et frère....car on ne

peut parler de fraternité sans référence à un père. Il n'y a pas de commandement nouveau pour les chrétiens : la norme c'est lui avec des points d'insistance: l’amour sans exclusive. La vie morale, la raison pour laquelle je suis appelée à donner du sens à ma vie vient de ce que je reconnais à l'origine un Père aimant, un Dieu qui s'est fait l'un des nôtres, qui a donné sa vie pour sauver l'humanité, et que je crois à la dynamique de l'Esprit qui conduit à toujours continuer de chercher, d'actualiser, un Dieu créateur et sauveur qui nous appelle à faire alliance avec lui. Le Vicaire Général de l'Archevêché a été présent à la conférence du 19 Novembre. Puis le Vicaire Général nous a soutenu pour la rencontre du 22 Décembre pour le Noël avec les enfants musulmans et chrétiens des couples mixtes. Enfin l'Archevêque a nommé un prêtre sur le diocèse pour les relations avec les religions, ce qui est une avancée. Danièle LAFOND

Rencontre du 21 novembre à Chambéry L’histoire des Religions «le fait Religieux »

Maison des Associations : 85 personnes.

Notre association a produit un diaporama représentant les religions les plus importantes du

monde. Son objectif est d’apporter des informations sur le fait religieux, grâce aux conférences, sur les

expositions que nous voudrions faire auprès des enfants des Lycées et Collèges. Une vingtaine de

panneaux sont déjà confectionnés, sept ont été présentés pendant la conférence. M. Marc GILLETTE

responsable de la FOL a été contacter et tenu informé sue ce programme. La fédération des œuvres

laïques avait initiée en 1980. Nous rappelons que nous nous sommes rapprochés d’une association

genevoise coordonnée par M. J. NERFIN du groupe citoyen « Culture religieuse et humaniste » à

Thônex. A partir de nos objectifs communs, nous voudrions faire partager les connaissances

incommensurables des livres saints de l’ensemble des religions :

OUI A L’ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX. Mais les écueils sont annoncés.

- Tout croyant d’une religion dite révélée voit sa religion avec les lunettes que celles-ci lui ont

mise sur le nez et qu’il lui est très difficile, sinon impossible de les ôter.

- Le croyant voit les autres religions, toujours, à partir de sa propre religion.

- Se considérant par définition comme étant la seule vraie, celle-ci lui impose les classements en

fonction de sa + ou – grande proximité.

- Le piège se referme avec les années et nous sommes dans l’ethnocentrisme.

- L’ethnocentrisme englobe aussi l’incroyant, acculturé. La pensée et le discours se referment sur le

tautologique, sur l’apologétique.

- Chacun prend la religion de sa culture comme juge et jauge toutes les autres, ce qui d’un point de

vue scientifique est inacceptable. Nous sommes dans la religion sans culture. L’ignorance est

revendiquée, selon le titre du livre d’Olivier Roy : La sainte ignorance. (Seuil, 2008).

Le rapport Debray est très clair : personne ne peut confondre catéchèse et information, proposition

de croyance et offre de savoir. Parmi les arguments en faveur de la prise en compte du fait religieux, on

peut noter qu’il doit permettre aux jeunes « de mieux connaître leur racines », et plus encore, de leur

« donner des bases culturelles pour mieux comprendre ». Connaître la culture des autres, c’est être à

l’aise dans celle ambiante et mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.

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Rencontre du 21 novembre à Poitiers « Fin de vie : expérience humaine et éclairage de foi »

Pour notre (désormais traditionnelle) rencontre de novembre, nous avions cette année choisi d’organiser une soirée sur le thème « La fin de vie : expérience humaine et éclairage de foi ». Nous nous sommes retrouvés le soir du 21 novembre 2012, à environ une cinquantaine, dans une salle municipale qui avait été mise gracieusement à notre disposition. Pour introduire nos échanges, nous avions décidé cette année de demander au Dr. Laurent Montaz, chef du service de soins palliatifs du CHU de Poitiers, de témoigner de son expérience de soignant. Dans une courte intervention, il nous a ainsi mis en face des difficultés, des souffrances, mais aussi des joies et de l’espérance de ceux qui, quotidiennement, accompagnent les personnes gravement malades en étroite association avec leurs proches. Réunis ensuite en petits groupes, nous avons mis en commun nos expériences, nos coutumes communautaires et nos interrogations dans ce domaine qui nous touche tous personnellement et collectivement, à un moment ou à un autre. Ces échanges, sur un sujet souvent douloureux qui nous atteint en profondeur, nous ont permis de constater de nouveau combien notre humanité commune transcende les différences de nos coutumes et de nos croyances. Leur austérité fut atténuée par le service convivial de pâtisseries et de boissons, préparées par les deux communautés, en particulier le thé à la menthe qui est maintenant un élément essentiel toujours très attendu dans nos rencontres ! La joie de se retrouver (ou bien de faire connaissance, pour ceux qui étaient présents pour la première fois à une soirée SERIC) était toujours au rendez-vous. Et les discussions sont allées bon train : il a été difficile de les interrompre –mais nous avions des horaires à respecter ! – pour terminer avec un petit temps de mise en commun. En nous séparant, nous avons bien décidé de ne pas attendre la prochaine SERIC pour trouver d’autres occasions de nous revoir. Une telle occasion sera par exemple la « journée portes ouvertes » qui est programmée au mois de janvier 2013 à la nouvelle Mosquée de Poitiers.

Rencontre du 22 novembre à Bordeaux La liberté de conscience

Intervention de Nicolas Cochand : Critique du sentiment de liberté, loi du moindre effort qui consiste à se contenter d’être en conformité

avec une pensée dominante. La liberté de conscience est moins une possibilité qu’une exigence et un appel. Va-t-elle de soi ? Chèrement acquise, elle est réelle quand elle est exercée.

Notion chère aux protestants, en particulier en France, car dans l’histoire de cette confession, elle est étroitement liée à la liberté de culte.

Fondement biblique : la liberté du chrétien reçue de Christ : « C’est pour que nous soyons vraiment

libres que Christ nous a libérés. Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de l’esclavage. » (Galates 5, 1). La condition du croyant est d’être libéré par l’action de Dieu en Jésus-Christ. Le croyant est libéré de lui-même, il est libéré de toute obligation qui lui serait imposée. Dans sa vie, cette liberté se manifeste concrètement par une éthique de la liberté, qui n’est pas une invitation à faire ce qui nous plaît, mais à examiner chaque situation et à choisir un comportement adapté, selon le critère de l’amour chrétien, un esprit de service : « Quant à vous, frères, vous avez été appelés à être libres. Seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon les désirs de votre propre nature. Au contraire, laissez-vous guider par l’amour pour vous mettre au service les uns des autres. » (Galates 5, 13) Chez Paul, l’instance d’examen et de décision est la conscience. Ou plutôt, la conscience décrit l’être humain dans sa capacité de connaître, de comprendre une situation et de choisir une manière d’agir appropriée. De ce point de vue, il est possible de dire que l’idée de liberté de conscience trouve une de ses sources dans le Nouveau Testament.

Au 16e siècle, Martin Luther définit à son tour la condition du croyant selon les deux catégories de la

liberté et de la servitude, dans son Traité de la liberté du chrétien. La liberté du chrétien est fondée sur la conviction centrale du mouvement réformateur : le salut par grâce, reçu par la foi seule.

En France, dès 1559 (Confession de foi dite de La Rochelle, art. 4), les réformés affirment la primauté de l’Écriture seule comme règle de foi et de vie. C’est également une prémisse de la liberté de

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conscience, dans la mesure où cette norme est attestée « … non tant par le commun accord et consentement de l’Église, que par le témoignage et persuasion intérieure du Saint-Esprit… ». On voit bien qu’il ne s’agit pas d’opposer la dimension collective et la conviction individuelle. Au contraire, on peut dire qu’elles vont de pair. Mais ce qui est déterminant, ce qui fonde la possibilité d’un accord commun et d’une règle d’Église, c’est la conviction intérieure, l’approbation individuelle interprétée comme un témoignage intérieur du Saint-Esprit.

On voit donc apparaître une articulation entre les notions de liberté, de conscience personnelle, et de règle. La liberté de conscience, de ce point de vue, c’est la liberté offerte au croyant d’adopter sa propre règle de foi et de vie, en référence à l’Écriture, et selon le critère de l’amour du prochain.

Entretemps, deux évolutions majeures interviennent : premièrement, les Lumières instaurent la raison

en instance critique de toute réalité humaine, y compris la foi. Certains aiment à souligner que des penseurs réformés ont joué un rôle prépondérant de précurseurs. Deuxièmement, le romantisme marque l’avènement de l’individu comme mesure de l’humanité dans la pensée dite occidentale.

Ces évolutions sont-elles nécessaires et irréversibles ? C’est sans doute un des enjeux de notre discussion, dans la mesure où la mondialisation met en contact des populations et des cultures qui n’ont pas intégré dans la même mesure ces évolutions.

La réalité dans laquelle il faut penser aujourd’hui la liberté de conscience est celle de la pluralité, qui est un état de fait : la diversité des modes de pensée et des règles de vie qui se côtoient et qui cohabitent. La véritable question est donc, pour moi, de savoir comment la liberté de conscience, qui s’impose à moi comme une nécessité, est exercée dans une société pluraliste.

Comme chrétien, je revendique la liberté de conscience comme une qualité fondamentale de l’existence. Non seulement elle ne me fait pas peur, mais elle est inscrite dans ma foi, comme un appel à être libre.

Ensuite, je la reçois non comme un fardeau mais comme une liberté et une exigence : beaucoup renoncent à l’exercer, cette liberté, soit en se conformant sans recul à l’air du temps, soit en cherchant des valeurs refuge. L’ennemi de la liberté, c’est la peur, le refus des différences, mais aussi le désir de pouvoir. Nous vivons dans une société ouverte, et cette société a des ennemis.

Ce qui fonde la liberté du croyant, c’est la confiance en Dieu. Ce qui la structure, c’est la

norme de l’amour du prochain. Intervention de Tareq OUBROU : Liberté et raison A partir du texte commun révélé aux différentes traditions monothéistes, l’être humain est né à

l’image de Dieu lui-même, il vit donc de la liberté absolue de Dieu prolongée dans l’être humain. Dieu, qui se prescrit des normes comme la miséricorde, s’est auto limité dans sa liberté, il s’est

interdit l’injustice et l’a interdite aux hommes. Ainsi la liberté suppose l’exercice de la pensée et de l’intelligence chez l’homme, cela le différencie de l’animal.

La foi, parce qu’elle est pensée, est un choix et une grâce, elle est au terme d’un acte réfléchi. Par l’intelligence et la raison l’homme est libre.

Le passage à la pratique est un acte libre, c’est la liberté d’agir au sein de limites car on ne peut faire n’importe quoi. Les convictions métaphysiques et philosophiques s’expriment en théologie, elles naissent d’un acte intérieur et individuel mais le droit et l’éthique sont indispensables pour agir car ils concernent la collectivité et l’avenir de la société. L’acte doit s’autolimiter comme Dieu lui-même.

Le savoir de Dieu est plus grand que son action et le croyant est en quête d’imitation du modèle divin. C’est ainsi que plus on est libre plus on est responsable mais celui qui ignore la loi n’est pas responsable. Notre destin est lié au savoir, ce savoir crée la liberté.

Foi et liberté On est libre de croire ou de ne pas croire, c’est un droit inaliénable car la vérité ne s’impose que par

elle-même et non par la force ou la contrainte. La multiplicité des croyances est une interpellation divine car « si Dieu l’avait voulu il aurait fait de vous une seule communauté » (Coran 5,48). Le croyant a donc un rôle de transmission, de partage et non de contrainte, de proposition et non d’imposition. « Malgré ton désir ardent toute l’humanité ne sera pas croyante ».

Pour le croyant musulman Dieu sollicite l’esprit avant d’agir. Abraham, le « soumis » parfait, est dans

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une soumission intelligente et exigeante. Il demande à Dieu comment il ressuscite les morts et Dieu lui démontre la résurrection des morts, car le doute méthodique fait progresser la foi.

Loi et délibération Dieu n’est atteint que par asymptote, il reste dans l’invisible. Il y a une démocratisation de la

recherche de foi, tu auras le Dieu que tu cherches. Abraham rêve de l’immolation de son fils et révèle à son fils qu’il était en train de l’immoler en rêve, puis l’interroge : qu’en penses-tu ? Est-ce un ordre de Dieu ou un désir profond qui s’est ainsi exprimé ? La loi n’est pas arbitraire en islam, elle est faite pour l’homme et il y a délibération dans la collectivité. Le fils répond : « fais ce qu’on te demande » (Coran 37, 102) et ne nomme pas Dieu car on ignore la source de cette pensée. Dieu alors intervient : « tu as cru en ton rêve » (Coran 37, 105), je te propose l’animal et il instaure ainsi, dans une relation triangulaire, la place de l’animal dans l’ordre de la création et le sens du sacrifice.

Interprétation des normes et société Le musulman est invité à fonder la raison de la loi, d’où découle l’interprétation du texte.

L’interprétation individuelle et l’autonomie de la raison sont reconnues. Dieu parle à travers les situations, l’histoire et le texte. L’interprétation n’est pas le texte, elle n’est pas sacrée, il faut assumer individuellement cette interprétation dans la liberté, comprendre le monde et se responsabiliser dans l’action. Je ne peux penser la loi hors du contexte, je dois intégrer l’altérité, l’autre. Il y a Dieu, le texte, la religion et le monde. On ne peut penser la loi dans l’abstraction des concepts, le monde est concerné par l’interprétation et la loi doit donc être un lien avec le monde. C’est pourquoi il y a plusieurs droits musulmans selon les théories, les réalités et les cultures qui ont été intégrées au cours du temps. On passe de la lettre du texte au méta-texte, de la parole de Dieu à l’intention de Dieu et au vouloir divin dans une réalité donnée. Pour comprendre une norme il faut la situer dans une réalité donnée.

Au nom du Coran on respecte les engagements, c’est un contrat moral, théologique, politique et canonique. En occident le contrat de citoyenneté est un contrat moral et le musulman doit respecter cette réalité démocratique. Il ne peut être question d’une application mécanique d’une charia qui serait une reproduction automatique. La loi est une invention permanente, notre responsabilité est de repenser sans cesse les normes pour vivre et respecter les lois, de penser la religion au sein de la démocratie.

La liberté de conscience n’est pas une liberté sauvage. Intervention du père Didier Monget : 1/ Liberté religieuse et liberté de conscience La liberté religieuse et la liberté de conscience sont articulées l’une à l’autre comme le versant social

et le versant personnel ou subjectif d’une même liberté. A/ La liberté religieuse concerne le libre exercice de la religion dans la société.

B/ La liberté de conscience est « la faculté laissée à chacun d’adopter librement les doctrines

religieuses ou philosophiques qu’il juge bonnes, et d’agir en conséquence de ce choix » 7[1]. 2/ La liberté du chrétien : principes théologiques A/ La liberté est au cœur du message chrétien : Dès l’AT, l’acte fondateur d’Israël, l’Exode, est un acte de libération L’attitude de Jésus envers ses interlocuteurs : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »

St Paul développe longuement ce thème du chrétien, homme libéré par le Xt : libéré du poids du péché, libéré de la Loi (la Torah), libéré de la mort.

Par conscience, on entend ce sanctuaire intérieur où la personne prend ses décisions. Toutes les traditions philosophiques attribuent ce rôle majeur à la conscience, la Tradition chrétienne, elle, y entend ‘la voix de Dieu’.

Mais, objectera-t-on, la conscience peut se tromper ? Oui, la conscience peut se tromper, c’est pourquoi nous avons le devoir d’éclairer notre conscience par l’étude, le dialogue, l’écoute de la Tradition, et si

7[1] Valentine Zuber, Encyclopedia universalis

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nous sommes croyants, l’écoute de la Parole de Dieu.

Mais l’obligation d’obéir à sa conscience, demeure toujours - même si elle est dans l’erreur 8[2] : la conscience est l’instance ultime de la vie morale 9[3].

Il y a donc dans la Tradition chrétienne une affirmation massive et de la liberté et du primat de la conscience.

B/ La Bible parle de « l’obéissance de la foi » : Tout est déjà dit à la suite du récit de la création, au ch 2-3, au jardin d’Eden Dieu dit : « tu peux

manger de tous les arbres du jardin. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu deviendras passible de mort » 10[4]. La liberté de l’homme n’est pas un absolu, elle est située d’emblée dans une relation (la créature devant le Créateur) et guidée par une parole, un commandement, qui lui indique le chemin de la vie.

Mais le premier acte de liberté est un acte de défiance à l’égard du Créateur, l’homme et la femme préfèrent écouter la voix du serpent plutôt que celle de Dieu. (écouter et obéir ont la même origine en latin : audire/oboedire).

Grands témoins de la foi (Abraham, la Vierge Marie) sont aussi de grands ‘obéissants’. Jésus lui-même, très paradoxalement, (car il est ‘de condition divine’ nous dit St Paul) se fera obéissant jusqu’à mourir et à mourir sur une croix 11[5].

Voilà donc posé le paradoxe chrétien : - Le chrétien est un homme libre, parce que libéré par le Christ. Dieu attend de lui des choix de liberté. - Mais le chrétien, s’il est chrétien, se veut serviteur et obéissant ; il y a un devoir d’obéissance à la vérité et à la loi morale, inscrite par Dieu dans notre conscience.

C’est pourquoi – je le note ici – la Tradition catholique est toujours restée très réservée quant à

l’expression-même de « liberté de conscience », car on peut entendre par là une liberté absolue, qui exclurait en toute hypothèse que la conscience puisse s’incliner devant quelque autorité que ce soit, y compris celle de Dieu lui-même. Le Pape Pie XI, en 1931, dans son encyclique contre le fascisme de Mussolini, écrivait qu’il voulait se battre pour la liberté DES consciences, mais non pas pour la liberté DE conscience, au sens que je viens d’indiquer

3. Une histoire mouvementée ! Comment ces principes ont-ils été appliqués tout au long de l’histoire ? - On ne peut qu’évoquer une longue histoire de l’intolérance religieuse, une histoire plus compliquée qu’il n’y paraît.

A/ Du point de vue de l’Etat : Cette histoire obéit au moins autant à des motifs politiques qu’à des motifs religieux. Dans l’Antiquité, la religion se confond avec l’Etat et s’impose à tous les citoyens. L’édit de

Constantin, qui autorise légalement le Christianisme, date de 313, et l’interdiction du paganisme, sous l’empereur Théodose I°, de 392.

Jusqu’à la Révolution française prévaut l’idée : unité du royaume implique unité de religion. C’est ainsi que les partisans de la Réforme protestante (dés 1517) sont combattus. Henri IV publie

l’édit de tolérance à Nantes en 1598, mais il est révoqué par Louis XIV en 1685 : 200 000 huguenots fuient à l’étranger.

Cette nécessité de l’unité de religion atteint même l’intérieur du catholicisme ainsi de Port-Royal : en 1709, Louis XIV fait raser entièrement ce monastère et déterrer les corps des religieuses qui y étaient enterrées !

8[2] Conséquence qui peut surprendre : « la conscience erronée oblige ». Si je suis convaincu en conscience que je dois accomplir tel acte (alors que, objectivement, il est mauvais) je dois l’accomplir. St Thomas l’enseigne : STh 1a IIae, q 19, a5. 9[3] Cf Vatican II, Gaudium et spes n°16. 10[4] Gn 2,16-17 11[5] Ph 2,8

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Si les mouvements religieux dissidents sont bannis, on imagine combien l’irréligion ou l’athéisme sont

inconcevables. Agé d’à peine 17 ans, le Chevalier de la Barre est accusé d’avoir tailladé un crucifix avec un couteau, et de refuser de se découvrir au passage d’une procession. Il est condamné à mort et décapité en 1766, à l’âge de 21 ans.

B/ Du point de vue de l’Eglise, la tradition doctrinale repose sur deux grands impératifs

théologiques (en excluant une liberté absolue de la conscience): 1/ le rapport à la vérité : devoir absolu pour chaque conscience de chercher la vérité, et d’obéir à la

Vérité une fois reconnue ; 2/ le rapport au salut, qui découle du rapport à la vérité : s’il y a un seul vrai Dieu, révélé par Jésus-

Christ, dont l’Eglise institué par JC est témoin authentique, alors il y a une seule voie de salut : « Hors de l’Eglise, point de salut ».

En fait, cette formule a été sortie de son contexte: au III° s, l’évêque de Carthage St Cyprien s’adresse à des chrétiens dissidents, qui veulent quitter l’Eglise pour en fonder une autre ; c’est à eux qu’il dit : ce n’est pas en sortant de l’Eglise que vous serez sauvés. Il ne faut pas lui faire dire que tous ceux qui ne sont pas membres de l’Eglise catholique ne peuvent être sauvés, cette formule ne visait pas cela. De ces deux impératifs théologiques vont se déduire des positions pratiques :

1/ quant aux droits de la conscience, on dira : - Seule la vérité a des droits publics - L’erreur n’a pas de droits publics.

On tolère, par exemple, le droit, pour des parents non catholiques, d’éduquer leurs enfants selon leurs convictions, mais non d’exprimer ou de manifester publiquement leurs croyances.

2/ Au plan légal ou institutionnel, le principe sera : le catholicisme étant la seule vraie religion, il doit être la seule religion de l’Le degré de tolérance à appliquer dépend avant tout de la préservation de la paix publique La conscience d’une nécessaire adaptation de la pensée de l’Eglise se manifeste avec le Pape Pie XII qui pousse le plus loin possible l’idée de tolérance. Le Pape Jean XXIII12[6] (1958) et le concile Vatican II (1962) recueilleront les fruits de cette évolution et indiqueront comment l’Eglise entend se situer dans le monde d’aujourd’hui, marqué notamment par une conscience vive des Droits de l’homme et par le pluralisme culturel13[7].

C/ Il faut souligner qu’on a toujours gardé la conscience plus ou moins confuse, de cette nécessaire

liberté de la foi 14[8] : St Thomas d’Aquin (1226-1274), dans la Somme Théologique, pose les questions suivantes :

- « Faut-il pousser les infidèles (càd les non-chrétiens) vers la foi ? » - Réponse : ceux qui n’ont jamais reçu la foi, non « parce que croire est un acte de volonté ». Ceux qui ont déjà reçu la foi et l’ont quittée, devenant hérétiques ou apostats, il faut les obliger à « remplir ce qu’ils ont promis »15[9]

- « Les infidèles (= les non-chrétiens) peuvent-ils avoir autorité ou même souveraineté sur les fidèles (les chrétiens) ? » – Réponse : s’il s’agit d’instituer à neuf, pour la première fois, une autorité : non. Mais dans le cas où cette autorité existe déjà, par droit humain, on doit la respecter.16[10]

- « Les rites des infidèles (non-chrétiens) doivent-ils être tolérés ? » - Réponse : il faut imiter en cela la libéralité de Dieu, qui permet qu’il se produise des maux dans l’univers. « Par conséquent, bien que les infidèles pèchent dans leurs rites, ceux-ci peuvent être tolérés, soit à cause du bien qui en provient, soit à cause du mal qui est évité. Pour ce qui est des juifs, il y a un bien réel à ce qu’ils continuent d’observer leurs rites : ce sont les rites dans lesquels jadis était

12[6] Encyclique Pacem in terris, 1963. 13[7] Le concile affirme « qu’il entend développer la doctrine des Souverains Pontifes les plus récents sur les droits inviolables de la personne humaine et l’ordre juridique de la société » et cite Léon XIII, Pie XI, Pie XII, et Jean XXIII (DH fin n°1). 14[8] Le concile Vatican II l’affirme : il y a eu beaucoup d’errements, mais on a gardé cette conscience : DH 12. 15[9] IIa IIae q 10, a8 16[10] Ibid. a 10

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préfigurée la vérité de la foi que nous tenons »17[11].

4/ La Déclaration du Concile Vatican II sur la liberté religieuse (1965)

Ces informations données et l’évolution de la doctrine catholique au cours des siècles connue, on

comprend l’événement remarquable que fut la Déclaration de Vatican II sur la liberté religieuse. Ce texte a suscité le plus de débats dans l’assemblée des évêques, et a été voté avec la plus faible majorité (cela est relatif, puisqu’au concile, on exigeait une majorité des 2/3, habituellement largement dépassée) ; ce point de doctrine a entraîné plus tard la dissidence de ceux qu’on a appelés ensuite les catholiques intégristes.

A/ Le concile commence par reconnaître que deux aspirations contemporaines sont parfaitement

conformes à la vérité et à la justice :

La reconnaissance de la dignité de chaque personne entraîne la juste revendication de la liberté, de la responsabilité, la volonté d’agir selon ses propres options, dans la conscience de son devoir ;

La nécessaire limite du champ d’exercice du pouvoir dans la société, afin que soit assurée la liberté d’exercice des personnes et des associations.

B/ Le concile réaffirme la double conviction théologique et morale de l’Eglise Catholique :

Il n’y a qu’une seule « vraie religion », elle nous a été révélée par Dieu, et nous croyons qu’elle « subsiste dans l’Eglise catholique»18[12] ;

Tout homme a le devoir de chercher la vérité, surtout en matière religieuse, et quand il la connaît, le devoir de lui être fidèle.

C/ Le point décisif est sans doute celui-ci : le texte comporte la conjonction ET 19[13] là où on aurait

plutôt attendu un MAIS : « et la vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance ».

D’où cette conclusion du concile : il n’y a pas de contradiction entre l’acceptation de la liberté religieuse, et l’affirmation du devoir de chaque personne à l’égard de la vraie religion, puisque ce devoir concerne l’intime de chaque conscience.

Et donc cette affirmation solennelle : « Le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. »20[14]

D/ Tout est dit. J’ajoute cependant deux précisions données dans la Déclaration :

La liberté religieuse est fondée en Droit naturel, càd qu’elle ne dépend pas des circonstances, de l’évolution des sociétés, etc… Elle fait partie des droits inaliénables de toute personne.

S’il y a un devoir de chercher la vérité, encore faut-il préciser comment on la cherche : on la cherche en créant un climat de liberté, « par l’éducation et l’enseignement, par l’échange et le dialogue par lesquels les uns exposent aux autres la vérité qu’ils ont trouvée ou pensent avoir trouvée, afin de s’aider mutuellement dans la quête de la vérité »21[15].

LA CROIX. COM mis à jour le 15/11/12 - 16 H 14

17[11] Ibid. a 11

18[12] (subsistere credimus in catholica et apostolica ecclesia) 19[13] Nec aliter veritatem sese imponere nisi vi ipsius veritatis (DH 1) 20[14] DH n°2. 21[15] DH n°3

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Rencontre du 23 novembre 2012 A Pont de Beauvoisin « La révélation » comment Dieu se révèle aux hommes

Après une dizaine d’année de rencontres et d’échanges c’est avec un réel plaisir que nous nous

retrouvons autour de ce thème, base de notre croyance en notre Dieu Unique, notre Dieu qui continue à se révéler dans l’intimité du cœur de tout homme.

Tous les prophètes sont reconnus dans l’Islam. Révélation divine de Dieu vers l’homme qui exécute les ordres divins sur la terre et accepte de prendre cette responsabilité. Lorsque l’on dit « Révéler » on parle de quelque chose de caché, alors qu’en Islam, Dieu n’est pas caché, Il est tout près des hommes, Il est là quand on le demande. Il dit « demandez-moi, je suis tout près » La foi dépend de nous et seul Dieu en juge, il faut se garder de juger la foi des autres. Notre confiance absolue en Dieu est une chose qui n’est pas uniquement le fait de croire, elle doit transparaitre et se manifester de tout notre être, délivrer l’âme des lourdeurs matérielles inhérentes à la condition humaine, la morale est un agir qui honore Dieu et permet d’entrevoir qui Il est. Dans le 1

er livre de la Bible, la genèse, il y a déjà un dialogue entre Dieu et l’homme qu’Il vient de créer.

La Bible est le livre dans lequel est transmise la révélation de Dieu. Son projet d’amour pour tous les hommes, à travers l’histoire et les prophètes, d’un peuple choisi par Lui, Israël, jusqu’au point de plénitude de cette histoire, la vie du Christ et l’effusion du St-Esprit. De ce don de l’Esprit nait l’église. Jésus, nous révèle le seul commandement de Dieu « Aimer Dieu et son prochain » Chaque prophète s’exprime selon ses connaissances, selon les mœurs de son temps, avec son langage et selon les circonstances. Après un débat très animé, nous nous recueillons pour un temps de prières chrétienne et musulmane, un beau partage, suivi du traditionnel verre de l’amitié. M.Massiago Pour le groupe « Fontaines de Miséricorde ».

Rencontres du 25 novembre – Le Mans

« Place des femmes dans les Ecritures »

Intervenants : Gabriel Hagaï : Rabbin, philologue, linguiste, paléographe, codicologue Agnès Lefranc : Pasteure de l’Eglise Réformée du Mans Mamadou Kâ : Musulman, membre de la communauté Soufie (Tijania)

Un soixantaine de personnes pour la plupart des retraités ont assisté à la conférence. Le Rabbin Gabriel débute par cette affirmation afin de détendre l’atmosphère : « Trois preuves que

Jésus était juif : à 30 ans, il vivait encore chez sa mère, il croyait que celle-ci était vierge et sa mère le prenait pour un dieu ».

Selon lui, dans le judaïsme orthodoxe, les hommes et les femmes ne sont pas égaux dans le culte, la femme est la gardienne de l’orthodoxie. Son rôle, au foyer est de permettre à l’homme d’étudier la Torah. Parmi les évolutions chez les juifs orthodoxes, on avance par consensus. Mais « les fonctionnaires de la foi », frileux de changements, ont souvent peur de sauter le pas. Et avec un autre pôle qui va de l’avant.

Le tout dans le contexte du Talmud, « le témoignage d’une femme vaut celui de deux hommes. » Et où « un homme ne doit pas écouter une femme chanter ».

Pour la Pasteur Agnès « la place que font les Evangiles aux femmes est une place de choix. Par

exemple Marie Madeleine, l’apôtre des apôtres. Elle est le témoin privilégié dans certains courants de l’Eglise qui n’ont pas été majoritaires dans l’Histoire. La preuve : dans beaucoup de peintures, Marie Madeleine est représentée comme une prostituée avec sa longue chevelure détachée.

Jésus né sans papa. « Le Seigneur a tout crée en double, sauf Lui est Un Unique, explique

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Mamadou Kâ, membre de la communauté Tijania. Selon la religion musulmane, Jésus n’a pas de père. Il est né de Marie (Myryam). Et nos mères, nos femmes, nos sœurs, les seules à pouvoir donner la vie, ont été à l’avant-garde. Elles ont fait ce qu’elles avaient à faire.

Mais nous les hommes, n’avons jamais reconnu leur rôle par hypocrisie, car les hommes ont toujours

peur de leur reconnaître en tant que telles. Or, les hommes ne pourront jamais enfanter. Ce sont elles qui ont réglé les problèmes : ex de Asya, la femme du Pharaon. Mais aussi des autres femmes telles que Khadidja, Afsa, Aïcha… Les questions du public ont plus tourné autour : « En occident, on critique le Prophète de l’Islam, en disant qu’il aimait les femmes, il en avait 9 » Réponse de Mamadou Kâ : c’est vrai, Le prophète aimait les femmes mais pas uniquement par plaisir. Il voyait en elle la mère de l’humanité, le berceau du monde qui contient la matrice, C’était plutôt une sorte d’adoration ».

« Une femme musulmane n’a pas le droit de se marier à un non-musulman » rappelle Mr Kâ. Par

contre, un musulman peut se marier avec une non musulmane à condition qu’elle appartienne à une autre religion ».

En terme de polygamie, qu’en est-il des musulmans qui n’ont pas de femme ? C’est bien réglé, dans la nature, les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Il n’y aura jamais de rupture de stocks ! sourit Mamadou Kâ

« Nos sages disent : « Aime ta femme comme ton corps mais respecte ta femme plus que ton

corps ! » pointe le rabbin Gabriel. Selon le rabbin : une religion doit toujours être en avance sur son temps, moi, j’aurai du mal à affirmer que nous sommes en avance car je me trouve en décalage avec notre temps. On est toujours à contre-courant. Ni en retard, nu en avance. On ne sait pas communiquer, ni transmettre, ce qu’on a d’innovateur, d’original. On garde toujours ce côté conservateur dans les médias. On est très mauvais pour cela. Adji Dramé

29 novembre : Abraham - Aix-les-Bains

Salle du « Vieux Moulin : 60 personnes dans la salle.

Avec le concourt de Jean Albert Romeu, prédicateur protestant, Albert Fachler de la communauté juive,

Clément Danckaert communauté catholique et Foudil Benabadji, communauté musulmane. Une

soixantaine de personnes ont participé, passionnées par les échanges. On peut avoir une culture ou une

religion différente et se respecter.

Contenu de la prestation de Foudil Benabadji : ABRAHAM, LE PREMIER MUSULMAN.

Qui était Abraham pour les musulmans ? Nous musulmans, nous disons qu’Abraham, est le

premier musulman… Pourquoi ? Parce qu’il a été le premier à se soumettre à Dieu. La soumission,

c’est l’Islam pour les musulmans. Nous disons que « cette soumission, que cet Islam a été le

testament d'Abraham - pour l’humanité ». Les musulmans sont des soumis, impliquant l’idée de nous

en remettre à l’Eternel.

Les trois religions monothéistes (Judaïsme, Christianisme, Islam) se réclament toute

d’Abraham et le considèrent comme le père du monothéisme. Mais elles divergent sur son rôle, sur sa

généalogie et sa première descendance. Sur ce point les sources juives comme les sources

musulmanes sont incertaines, contradictoires et souvent invraisemblables.

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Pour l'Islâm, Abraham est un personnage historique. Sur sa généalogie les données de l'Islam

concordent en grande partie avec celles de la Bible. Par référence aux sources bibliques et

talmudiques, la tradition musulmane fait naître Abraham en 1263 avant JC, après le déluge.

Descendant par Sem de Noé, à la dixième génération, il mourut à l’âge de 175 ans, selon les chiffres

de la Bible. Il est enterré à Hébron, bourgade de l’actuelle Jordanie, devenue depuis un lieu de pieuses

visites. D’après l’ère chrétienne, il aurait vécu à une date difficile à préciser, mais qu’on pourrait situer

autour de l’an 2000 avant Jésus-Christ. Certains l’imaginent contemporain d’Hamourabi, roi de

Babylone, qui a régné au XVIIIe siècle avant JC.

Lequel de ses deux fils, Ismail ou Isaac, est concerné par l’histoire de l’immolation ? Ce sera

la 2e partie de mon exposé. Etait-il un hébreu, comme l’affirme les juifs et les chrétiens ? Il était

babylonien, de race sémitique, mais non spécifiquement juive.

Le grand rabbin Jaïs de Paris à qui nous nous sommes adressés, nous dit Dalil Boubakeur, pour

connaître l’opinion officielle du Rabbinat sur l’origine ethnique d’Abraham, nous a loyalement affirmé

que sur ce point… le Judaïsme et l’Islam sont d’accord : Abraham n’était pas juif. Un verset du Coran

reprend cette assertion : (Chapitre 3 verset 67)

A la suite d’un rêve annonciateur de malheurs, plus la naissance d’un grand rival, le roi

Nemrod initiateur de la légendaire Tour de Babel, avait ordonné de mettre à mort tous les nouveau-

nés, comme le pharaon plus tard, au sujet de Moïse. Nemrod, avait hérité des tuniques d’Adam et

d’Eve, ces dernières lui avaient conférées des pouvoirs surnaturels. Terriblement despote, Nemrod

allait s’opposer à Abraham, jusqu’à vouloir l’anéantir.

Usha, la mère d’Abraham, le mit au monde dans une grotte et c’est là qu’il resta caché de

Nemrod, jusqu’à ses douze ans. A cet âge, il du quitter sa grotte. Il ne tarda pas à être choqué par les

croyances des idolâtres, à commencer par celles de son père appelé Térah qui pratiquait l’adoration

des astres et des idoles. Aussi prit-il la résolution de le combattre et de faire prévaloir le culte du seul

vrai Dieu. Dans la sourate Marie, le Coran soulève le conflit d’Abraham avec son père. On organisait

en Babylonie d’alors, un pèlerinage annuel sous l’égide du souverain. Il donnait lieu à de grandes

démonstrations de piété. Le culte comportait une procession entre deux rangées de statues de

divinités alignées par ordre de taille. A ces cérémonies tout le monde devait être présent, sauf les

impotents.

Abraham avait dix-sept ans quand il dut participer à l’un de ces pèlerinages. Il s’arrêta aux

approches du sanctuaire, jurant de faire un mauvais sort à une telle débauche. Ces menaces

proférées furent entendues par des pèlerins qui s’empressèrent d’en faire état, lorsqu’à leur sortie du

temple et au comble de l’indignation, les Babyloniens constatèrent la destruction de leurs idoles. On le

blâma, on le fustigea, on décida de le livrer au bûcher. Mais il en sortira indemne à leur grande

stupéfaction. Nemrod l’enchaîna dans une catapulte, d’où il le projeta au cœur d’une « fournaise

ardente » et son père à la vue de son fils près de mourir, poussa un dernier soupir. Il aura vécu 205

ans. L‘Ange Gabriel sauva Abraham en le saisissant et en le maintenant dans les cieux. C’est ce que

la légende a transmis, entre autre, et qui se répercute sur les générations futures.

Abraham quitta Ur sur ordre de Dieu avec sa femme Sarah et son neveu Loth, pour se rendre,

tour à tour, en Syrie, en Palestine. A la suite d’une grande famine, en Egypte, profitant des largesses

du pharaon, ébloui par la beauté de Sarah, Abraham se serait fait prudemment passer pour le frère de

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Sarah. Là, en raison de son célibat fictif et bénéficiant de ses bonnes relations avec la cour royale, il

épousa une fille d’une famille égyptienne honorable, Hagar, que les écrits de la Bible traitent tantôt de

servante, tantôt d’esclave.

Hagar, enceinte, sera chassée par Sarah. L'ange du Seigneur la rencontra près d'une source

au désert et lui dit : « Je multiplierai ta descendance tellement qu'on ne pourra pas la compter... Tu es

enceinte et tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom d'Ismaël, car Allah a entendu ta détresse ».

FIN

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