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Services à la personne : modes de vie, modes d'emploi

Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

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Services à la personne :modes de vie, modes d'emploi

L’Annexe Statistique

L’Observatoire Caisse d’Epargne et son Annexe sont imprimés sur papier recyclé.

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L’Observatoire Caisse d’Epargne souffle avec cette édition sa cinquième bougie ! Nous quittons cetteannée, pour la première fois, notre univers traditionnel qu’est l’épargne pour nous pencher sur lesservices à la personne. Au-delà de l’implication du Groupe Caisse d’Epargne en tant qu’acteur de cesecteur en développement, il nous a semblé important de montrer que ce sujet économique et socialrenvoie à une évolution plus générale des sociétés européennes.

Fidèles à notre tradition d’observation, parfois dérangeante, des pratiques sociales et des modes de vie,nous avons estimé nécessaire d’insister sur l’enjeu, plus encore de société que simplement d’emploi,que représentent les services à la personne : vieillissement de la population, activité féminine,conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, renouvellement des générations, montée dustress… autant de questions qui appellent de nouvelles réponses.

Partant des réponses apportées (ou non) par nos voisins européens, nos économistes ont exploré ungrand nombre de pistes : l’offre actuelle et les services à venir, la demande des Français et leurs freinséventuels comme leur aspiration à les utiliser, la participation possible des entreprises au dévelop-pement de ce marché, le ressenti et les aspirations des salariés de cette filière professionnelle, lesenjeux du développement de cette dernière…

Enfin, une partie, totalement inédite nous semble-t-il, a été consacrée à une analyse territorialepermettant de comprendre les disparités de consommation des services à la personne dans les dépar-tements. Révélatrice des pratiques en matière de grand âge, comme de conciliation entre vies privéeet professionnelle, donc d’égalité femme-homme dans l’accès à l’emploi, elle apporte de fait un autreregard sur l’attractivité des territoires.

L’Observatoire Caisse d’Epargne conserve sa tradition de participation au débat public, d’agitateur d’idées,et nous espérons qu’il pourra accompagner chacun d’entre vous dans l’analyse de ce vaste sujet.

Charles MilhaudPrésident du directoire

de la Caisse Nationale des Caisses d’Epargne

Nicolas MérindolMembre du directoire de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne

en charge de la banque commerciale et de la stratégie

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Sommaire

1 MODES DE VIE, MODES D’EMPLOIETAT DES LIEUX EN EUROPE ET EN FRANCE

Les sociétés européennes interpellées p. 8Vieillissement et dépendance, un besoin de prise en charge alternatif à la famille p. 8La difficile conciliation enfants-activité féminine à la source du déclin démographique p. 10Un consensus ambigu sur l’égalité des sexes p. 11Un besoin de conciliation qui concerne toute la société p. 12Les services à la personne en Europe : diversité des modèles sociaux et recherche d’alternatives p. 13Le Royaume-Uni : le choix et les limites de la privatisation p. 13La Suède : du « tout public » à l’introduction partielle du privé p. 14L’Espagne : une régulation par la famille, l’emploi direct… et la fécondité p. 15Les Pays-Bas : un modèle qui évolue p. 16

Les services à la personne version française p. 17France – Europe : les particularités hexagonales p. 17Des « emplois familiaux » aux « services à la personne » p. 21Deux décennies de croissance du marché p. 21L’emploi direct et le monde associatif, poids lourds des services à la personne p. 25

DES BESOINS A L’EXPRESSION DE LA DEMANDELes pratiques de consommation des services à la personne p. 30Une utilisation déjà relativement courante p. 30Une utilisation qui évolue au cours du cycle de vie p. 31Un sentiment de contrainte à géométrie intime p. 35Des freins réels, mais en partie contournables p. 37

Les services à la personne, expression de la modernité p. 40

Les femmes au cœur de la décision p. 40Une aspiration montante à déléguer p. 42

Un marché en développement p. 45

Un potentiel important d’élargissement des utilisateurs p. 45Champs traditionnels, nouvelles attentes p. 47Nouveaux besoins, nouveaux services p. 51

La confrontation à l’offre p. 54

Une aspiration à l’intermédiation p. 54Le « travail au noir » : un entre-deux déculpabilisant, mais une solution qui ne fait pas l’unanimité p. 57242

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DES LEVIERS POUR LA DEMANDE, DES BESOINS DE VALORISATION POUR L’OFFRELa « loi Borloo », un potentiel de développement et de passage au travail déclaré p. 59

L’entreprise, un acteur clef qui reste à convaincre p. 60Une prise de conscience progressive p. 60Une forte adhésion et un levier de développement côté salariés p. 63Pourquoi les entreprises y viendront à terme p. 64

Qualité et quantité : l’offre de services au rendez-vous ? p. 64L’attractivité du secteur en question p. 64Conditions de travail et qualité au travail p. 69

2 AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRESUN PANORAMA DEPARTEMENTAL DES SERVICES A LA PERSONNE

Un clivage Est-Ouest p. 77

L’influence de l’âge et de la ruralité p. 78

Les aides publiques, facteur de solvabilité de la demande p. 80

Une présence inégale des organismes agréés p. 80

D’un panorama global à une analyse par domaine p. 82

L’AIDE AUX PERSONNES AGEESLes facteurs de la consommation : dépasser les fausses évidences p. 83

Les huit profils territoriaux de l’aide aux personnes âgées p. 88

LA GARDE D’ENFANTLa crèche, substitut privilégié à la garde individuelle p. 91

Assistantes maternelles : quand l’offre crée la demande p. 92

L’activité féminine, critère cardinal de la demande p. 92

Les cinq stratégies régionales de conciliation p. 94

LES SERVICES DE « FACILITATION DE LA VIE QUOTIDIENNE »Une concentration géographique de la consommation de services p. 96

Les femmes, l’argent et la formation au cœur de la décision p. 97

Des potentiels de développement des services de facilitation de la vie quotidienne p. 9934

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SERVICES A LA PERSONNE1MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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Au-delà du prix des prestations, la nature qualitativedes freins souligne l’importance que revêtiront lacommunication et, surtout, la capacité des offreurs à évaluer et à « réveiller » les besoins des consom-mateurs potentiels.

Le développement futur du marché dépendra de lacapacité de l’offre à répondre aux évolutions de la demande. Celle-ci se modifie en effet, tant entermes de profil (catégories plus jeunes et moinsaisées), qu’en termes de diversification des besoins.Derrière des attentes de solutions « à la carte »,occasionnelles autant que récurrentes, émerge l’idéed’une forme de libre-service de prestations… mais unlibre-service garantissant la qualité et la proximité.Qualité et quantité, l’offre sera-t-elle au rendez-vous ?…. alors que, sous l’effet du vieillissement desintervenants et d’un manque d’attractivité, le secteurpeine à renouveler ses générations de salariés et quel’amélioration des conditions de travail et de la qualitédes prestations nécessite la mise en place d’unevéritable ingénierie.Enfin, le Cesu à montant prédéfini semble constituerun réel levier de croissance de la demande du côté des actifs. Les employeurs restent encore à convaincre, même si les entreprises prennent encompte progressivement le lien entre le stress ou laconciliation vie privée-vie professionnelle et l’effica-cité dans le travail. Pour autant, l’abondement desemployeurs au Cesu doit probablement s’envisagercomme un jeu «gagnant/gagnant », dans lequel l’entre-prise ferait valoir son attractivité et bénéficierait d’unemeilleure efficacité.

Dans un contexte de chômage persistant, la problé-matique de l’emploi est souvent au cœur desdifférentes approches sur les services à la personneen France. Pour autant, la prégnance de ce thèmedans le débat public renvoie aussi à des transfor-mations profondes de la société. La recherche denouvelles réponses aux enjeux démographiques(vieillissement, faible natalité), sociaux (parité femme-homme, gestion des contraintes de vie, prise encharge des « populations fragiles »…) ou économiques(risque de pénurie d’actifs et allongement de la duréed’activité, diminution du stress et amélioration del’efficacité professionnelle, limitation des dépensespubliques) interpelle la plupart des pays d’Europe.

Face à ces enjeux, le développement des services àla personne n’est pas une panacée, mais il peut êtreun facteur de régulation. Il s’inscrit aussi dans unenouvelle idée de la modernité : la diminution descontraintes et l’accès à un meilleur équilibre de vieconstituent des aspirations fortes au sein de lapopulation, notamment du côté des femmes. L’utilisa-tion des services à la personne s’est nettement élargieen France depuis deux décennies : plus de 6 millionsde foyers déclarent y recourir au moins occasion-nellement (dont 2,8 millions passant par du travail nondéclaré) et 4 millions, actuellement non utilisateurs,expriment une aspiration forte à une prise en chargeextérieure de certaines tâches. Toutefois, les freins àun « passage à l’acte » restent importants, qu’ils’agisse du coût ou de l’incertitude sur la qualité desservices, du malaise à assumer un rôle d’employeurou du sentiment d’intrusion dans la sphère familiale.

EN BREF

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ETAT DES LIEUX EN EUROPE ET EN FRANCE

Les sociétés européennesinterpellées

Réponse au chômage élevé et aux délocalisations dansles activités à faible valeur ajoutée selon les uns, risqued’un développement des «petits boulots» selon lesautres… la politique de l’emploi est souvent, en France,la principale clef d’entrée dans les services à la personne.Pour autant, la récurrence de ce thème dans le débatpublic depuis une dizaine d’années, tout comme lapérennité des emplois créés ou attendus dans cesecteur, renvoient d’abord à des transformationsprofondes de la société qu’expérimentent la plupart despays développés, en particulier européens. Ainsi, lesphénomènes démographiques comme le vieillissementde la population et le non-remplacement des générationsse manifestent avec d’autant plus d’acuité que lamodification des pratiques sociales en multiplie les effets.

Vieillissement et dépendance, un besoin de prise en charge alternatif à la famille

Les conséquences de l’allongement de la vie sontrévélatrices à cet égard. Le vieillissement de la popu-lation et plus spécifiquement la montée du grand âgeconcernent l’ensemble des pays européens. Alors qu’ilreprésentait à peine 2% de la population du Royaume-Uni, de la France ou de l’Espagne au début des annéescinquante, le poids des personnes âgées de plus de 80 ans a déjà plus que doublé et pourrait se situer entre

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1 9 et 12% selon les pays en 2050. Sur le continenteuropéen, 25 millions d’habitants ont plus de 80 ans .En France, leur nombre a doublé depuis 1975 et devraitapprocher les quatre millions en 2020. Dès lors, mêmesi l’on note dans certains pays une progression del’espérance de vie sans incapacité, la prise en chargede la dépendance ou de la perte partielle d’autonomie ad’ores et déjà changé d’échelle en Europe et devraitencore prendre de l’ampleur dans les prochainesdécennies.

Pour autant, ce constat est très insuffisant pour appré-hender l’impact du vieillissement sur les besoins relatifsau grand âge. La dégradation du ratio entre les femmesde 45 à 69 ans et les personnes de plus de 80 ansmontre que la population féminine, statistiquement laplus souvent en charge de l’aide familiale aux personnesâgées, devrait assumer une responsabilité de plus enplus lourde dans les années à venir. Or, l’évolution desmodes de vie milite au contraire pour un allégement decette aide. La montée du taux d’activité féminin au-delàde 45 ans et même au-delà de 55 ans limite lacapacité de prise en charge des plus âgés. De façonnotable, la progression de l’activité féminine a étéparticulièrement marquée dans les pays d’Europe duSud (Espagne, Grèce, Portugal), où la prise en chargedes parents âgés au domicile des enfants est la plusrépandue. De plus, par un effet de génération, ce tauxdevrait encore s’élever à l’avenir (les femmes de 45 à54 ans sont beaucoup plus fréquemment actives), et le prolongement de la durée d’activité se généralisedans les pays européens à la suite des nombreusesréformes entreprises pour équilibrer les systèmes deretraite. L’allongement de la durée de vie a aussi pour

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La prévalence de la dépendanceest plus fréquenteaprès 80 ans,quelles qu’en soientles définitions :en Suède, uneincapacité sévèretouche 10 % des 65-74 ans mais35 % des plus de 85 ans ; ce taux estinférieur à 5 % auRoyaume-Uni pourles 65-74 ans maistriple à partir de 80 ans.

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Le taux d’activitéféminin entre 55 et 64 ans est passéde 24 % en 1993 à33 % en 2004 selonl’INSEE (enquêtecommunautaire desforces de travail).

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Méthodologie :Les données utilisées danscette partie proviennentessentiellement de l’OCDE,d’Eurostat, de l’INED (InstitutNational d’Etudes Démogra-phiques) et de la sociéténVision. Les analysess’appuient également sur troissources principales d’études :n les nombreuses études de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et desStatistiques, ministère de la Santé et des Solidarités) ;n les travaux du groupe DELOSdirigés par G. Bentoglio auCommissariat Général au Plan ;n l’étude réalisée par l’institutIEM Finance en 2005 pour le compte de la Caissed’Epargne, portant sur les services à la personne auRoyaume-Uni, aux Pays-Bas, en Espagne et en Suède.

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conséquence de développer les lignées familiales avecla coexistence de quatre, voire cinq générations. Le rôlepivot des jeunes seniors dans le soutien aux jeunesadultes, dans l’aide aux plus âgés et dans l’attentionportée aux petits-enfants conduit alors à une allocationdu temps, voire des ressources financières, qui doittenir compte de l’ensemble des responsabilitésfamiliales, aussi bien vers les descendants que vers lesascendants.

Cette baisse de la disponibilité des aidants potentielsest encore accentuée par l’évolution des modes de vie.L’aspiration croissante à l’autonomie et à la réalisationde soi chez les seniors (cf. Observatoire Caissed’Epargne 2004), comme dans l’ensemble de la popu-

lation, augmente le besoin d’un temps personnel et lavolonté de ne pas dépendre (ou de moins dépendre)d’une tierce personne, fût-elle de la famille. Enfin, lamontée de la divortialité après 40 ans accroît la partdes ménages composés d’un seul adulte (d’où unemoindre disponibilité en temps) et, y compris dans lescouples recomposés, distend en partie les liens belle-fille/beaux-parents. Elle fait donc reposer une part plusimportante de l’aide sur les fils, statistiquement moinsprêts à l’assumer. Ces transformations devraient parti-culièrement peser sur les pays d’Europe du Sud, où lessolidarités familiales jouent encore un rôle fondamentaldans la prise en charge des personnes âgées, à l’imagedu Portugal où (hors institutions) 44% des personnesde plus de 80 ans vivent dans le même foyer que leurs

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Sources : OCDE, Eurostat 2005.

Le vieillissement en Europe s’accompagne d’un recul de la disponibilité des aidants

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été un phénomène général en Europe (y compris enEurope centrale et orientale) : de plus de 2,3 enfantspar femme dans l’Europe des 25 en 1970, le taux estpassé à moins de 1,5 en 2003. Selon les projectionsde la Banque Mondiale, seuls trois pays (Irlande,Norvège et France) bénéficieraient encore d’unexcédent naturel sur la période 2025-2030. Tous lesautres Etats connaîtraient un déclin démographique,en particulier les pays d’Europe centrale et orientale,les pays du Sud et l’Allemagne.

Un rapport récent de l’OCDE dresse un bilan etidentifie les déterminants de cette baisse de lafécondité. Il montre bien que, malgré le report de

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descendants (contre 18 % en France et 2 % auDanemark) .

La difficile conciliation enfants-activité féminine à la source du déclin démographique

Ces effets conjugués de la démographie et desmodes de vie ne se limitent pas au seul vieillissement.Ainsi, la baisse de la natalité, son corollaire, met en jeude la même façon les modes de vie avec un rôlecentral des pratiques féminines. Même si elle a étémoins marquée en France et plus sensible en Italie, enAllemagne ou en Espagne, la baisse de la fécondité a

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Sources : nVision, INED.

Les difficultés de conciliation entre travail et maternité en Europe…

« Trends anddeterminants offertility rates in OECD countries : the role of policies »,Anna Cristina d’Addioand Marco Mirad’Ercole, OCDE2005.

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Source : Panel européen,Eurostat, calcul DREES,cité dans « La prise encharge de la dépendance des personnes âgées :une mise en perspectiveinternationale », L. Assous et P. Ralle,DREES, 2000.

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la naissance du premier enfant et une aspiration desfemmes européennes à un nombre d’enfants plus prochedu renouvellement des générations, « la récupération àdes âges plus élevés est seulement partielle, avec uneplus grande fréquence des enfants uniques et desfemmes sans enfant après quarante ans ». L’élévationdu niveau de qualification et d’emploi des femmes etleur évolution vers un rôle moins traditionnel dans la famille et la société expliquent en partie le recul dela fécondité. Néanmoins, les pays dont l’activitéféminine est la plus importante sont généralementceux dont la fécondité est la moins dégradée. Ceparadoxe n’est qu’apparent.

Face à la double aspiration des femmes à la réussitesociale et à la création d’une famille, c’est l’obligationde sacrifier l’un de ces deux objectifs qui crée lesdéséquilibres les plus nets. Ainsi, en Allemagne, 40 %des femmes de 40 ans disposant d’un diplômeuniversitaire n’ont pas d’enfant. En Allemagne, enEspagne ou en Italie, le dilemme enfants-travailconduit le plus souvent à une éviction du marché dutravail ou à un renoncement à tout ou partie du projetfamilial. En revanche, les pays scandinaves ou laFrance, offrant la possibilité de concilier ces deuxpriorités (via des dispositifs de garde d’enfant, d’aidefinancière et de temps partiel), présentent des taux defécondité parmi les plus élevés.

Un consensus ambigu sur l’égalité des sexes

Cette attente d’égalité dans l’accès au travail correspondaussi à un besoin des économies européennes de

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préserver et, si possible, d’accroître leur populationactive pour maintenir ou élever leur croissancepotentielle, menacée par le départ en retraite desgénérations nombreuses du baby-boom. Elle estégalement en phase avec les nouvelles repré-sentations des femmes et des hommes dans lessociétés d’Europe de l’Ouest : l’opinion selon laquelle« le rôle du mari est de gagner l’argent et celui de lafemme de s’occuper du foyer » y recueille moins de25 % d’assentiment dans la plupart des pays . De lamême façon, environ les deux tiers des Européens del’Ouest estiment que « les hommes devraient plusparticiper aux tâches ménagères qu’ils ne le fontaujourd’hui ». Cette participation plus égalitaire deshommes aux tâches ménagères reste encore unobjectif à long terme en Europe. Aujourd’hui, leurcontribution réelle s’élève à la moitié de celle desfemmes en France et aux deux tiers en Suède.

Pour autant, ce consensus au sujet de l’égalité dessexes est malmené par l’aspiration au bonheur et àl’équilibre familial, première priorité de vie desEuropéens. En majorité, hormis dans les paysscandinaves, ils (et elles) estiment en effet que la vie defamille souffre lorsque la femme exerce un emploi àtemps complet, et seulement 5 à 20% des Européenspensent qu’une femme devrait exercer une activité àtemps complet en cas de présence d’un enfant d’âgepréscolaire dans la famille . Ces aspirations, en pra-tique contradictoires avec l’équilibre familial et l’égalitédes sexes, montrent que le besoin de conciliation dansles sociétés européennes ne concerne pas seulementleurs perspectives démographiques, mais aussi lacohérence de leur socle socioculturel.

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Source : Evolution desmodes de vie enEurope/Eurobaromètre/nVision (1 000 personnesâgées de 15 ans et pluspar pays), 2004.

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Source : InternationalSocial SurveyProgram/nVision (1 200 personnes parpays environ), 2002.

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Un besoin de conciliation qui concerne toute la société

L’attente de conciliation entre vie professionnelle etvie privée dans la société européenne dépassecependant le cadre strict des rapports femme-homme. Plus de la moitié des Européens se disentpressés par le temps dans leur vie quotidienne et20 à 30 % des Européens se disent « régulièrementstressés ». Ce stress et cette pression du temps semanifestent plus particulièrement en France et chezles femmes mais, là encore, cette question renvoieà la performance des économies européennes.

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411 En Europe, le stress au travail toucherait 28 % desactifs (33 % des actifs déclaraient un mal de dos en2000) et serait à lui seul la cause de 30 % des arrêtsmaladie, soit un coût de l’ordre de 20 milliardsd’euros pour l’Union européenne . Les pertes deproductivité, l’absentéisme et les dépenses de santéassociés au stress présentent un coût collectifsuffisamment reconnu aujourd’hui pour que soientmis en œuvre ou testés des dispositifs publics oud’entreprises.Aux Etats-Unis, 40 % des services personnalisésrendus en entreprises le sont à des fins de gestiondu stress, selon le cabinet AT Kearney.

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

Source : nVision.

Le stress, un phénomène de société en Europe(% de personnes qui se disent régulièrement stressées)

Source : Evolution desmodes de vie enEurope/Eurobaromètre/nVision (1 000 personnesâgées de 15 ans et pluspar pays), 2004.

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Source : EuropeanAgency for Safetyand Health at Work,2001.

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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Le manque de temps apparaît de façon récurrentedans les enquêtes ; il conduit aussi à des arbitragescontraints importants en matière de tâches ména-gères comme d’épanouissement personnel. Or, laplace aujourd’hui dévolue à l’univers extraprofes-sionnel dans l’échelle des valeurs européennes setraduit par des attentes fortes de réalisation de soi, devie sociale et de convivialité. Echapper à la pressiondu temps, maîtriser les temps de sa vie, trouver denouveaux gisements de temps… sont autant d’expres-sions de ce besoin de conciliation entre vie familiale,vie sociale et vie professionnelle.

Sans constituer une panacée pour faire face auxeffets conjugués de la démographie et des pratiquessociales en Europe, les services à la personneapparaissent comme l’une des réponses possibles àces nouveaux enjeux. En effet, nombre de solutionstraditionnelles sont insuffisantes. Une politique de cons-truction d’équipements publics, outre son coût dansune période de réduction affichée des déficits, serévélerait en partie inadaptée : l’accueil en institutiondes personnes âgées ne correspond plus guère auxattentes de la majorité et la plupart des payseuropéens ont privilégié l’aide à domicile depuisplusieurs années. Les besoins exprimés dépassentégalement la stricte dimension de l’aide sociale,même s’ils la prolongent plus qu’ils ne s’y opposent.Ainsi, une personne âgée bénéficiant d’un plan d’aide à l’autonomie établi par les services sociaux peut également aspirer à des services dits « de confort »(ménage, bricolage, jardinage…). Ces services s’ins-crivent alors dans la continuité de l’aide sociale, tousdeux participant d’une même logique de facilitation du

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maintien à domicile. La plupart des pays européens, àtravers des expériences diverses, sur la base detraditions politiques et sociales différentes, ont tentéde prendre en compte cette nouvelle donne, parfoisau prix de remises en cause sensibles de leurs choixantérieurs.

Les services à la personne en Europe : diversité des modèlessociaux et recherche d’alternatives

A l’origine dévolue aux politiques sanitaires et socialespubliques, la prise en charge des évolutions socio-démographiques et familiales des sociétés européennessemble avoir trouvé, depuis plus ou moins longtempssuivant les pays, une nouvelle variable d’ajustement dansles services à la personne. Le degré de recours auxservices à la personne est très différent d’un payseuropéen à l’autre et les modalités sont souvent à mettreen regard avec les choix de politique sociale qui ont étéfaits. Ainsi, la part des «services domestiques», donc del’emploi direct par un particulier, dans le total de l’emploivarie de 6,8% en Espagne à 0,02% en Suède, ou 3,4%aux Pays-Bas et 1,8% en France. Outre des disparitésculturelles, ces différences tiennent pour une large partà la disparité des modèles sociaux, notamment ceuxrelatifs à la garde d’enfant et au grand âge ou à la perted’autonomie …

Le Royaume-Uni : le choix et les limites de la privatisation

Le Royaume-Uni se caractérise par une tradition denon-ingérence dans les « affaires privées », d’où une

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Le secteur économiquedes « servicesdomestiques »ne comptabilise que le nombre d’employéssalariés par unparticulier employeur et ne prend pas encompte tous les salariésd’entreprises oud’associations délivrantdes servicesdomestiques. Ainsi, les disparités sontégalement liées auxdifférents modesd’organisation de cesecteur d’activité etnotamment au typed’employeur (état,collectivité locale,entreprise, association,particulier…).

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politique familiale peu active, et par la préférencedonnée à la gestion privée, jugée plus efficace quel’aide sociale publique. Le prix élevé de la garded’enfant (environ 30 % du revenu moyen d’une familleavec deux enfants) et de l’accueil en institution despersonnes âgées, comme la raréfaction de la prise encharge des services à domicile pour les personnesdépendantes, illustrent bien les options du modèlebritannique. Celles-ci ont conduit à reporter sur lesfemmes une grande partie de la prise en charge de parents âgés ou dépendants et les contraintesliées à l’éducation des jeunes enfants. Le bas niveaude la fécondité (1,63 enfant par femme), de nature àcompromettre le renouvellement des générations, le fort recul du niveau d’activité féminin à la naissancedes enfants et l’importance du temps partiel, quiconcerne près de la moitié des femmes actives, sontautant d’indicateurs des difficultés rencontrées.

Avec le double objectif de lutter contre la pauvreté etd’accroître la population active féminine, le gouver-nement a mis en œuvre de multiples actions — dontdes crédits et déductions d’impôt — pour développerl’utilisation et la création de structures d’accueilpréscolaire des enfants.D’abord orientées vers les catégories modestes et lesfamilles monoparentales, ces mesures ont été enpartie étendues aux classes moyennes, notammentpar la diffusion du Childcare Vouchers par lesentreprises : cette épargne en franchise de chargessociales ouvre droit à des déductions fiscales.Néanmoins, la garde d’enfant reste majoritairement le fait de structures commerciales privées dont ledéveloppement est rapide et l’offre diversifiée.

Les entreprises britanniques, sensibilisées au coût del’absentéisme et à la notion de responsabilité socialede l’entreprise (RSE), offrent également fréquemmentdes possibilités d’hébergement de jeunes enfants, etont devancé leurs consœurs européennes en matièrede conciergerie d’entreprise et de gestion du stress :trois millions de salariés britanniques bénéficient del’Employee Assistance Program.

Les services locaux d’aide sociale ont la responsabilitéde la prise en charge à domicile des personnesâgées. Ils gèrent un système mixte public-privé quicomprend l’évaluation (publique) des besoins et lafourniture de services par des sociétés privées. Fautede moyens, leur action s’est focalisée sur l’aide auxpopulations les plus démunies. Cette orientation aconduit au développement d’une offre privée —notam-ment en institutions — accessible à la frange la plusaisée de la population et reportant, une fois de plus,sur bon nombre de femmes la prise en charge deleurs ascendants.

La Suède : du « tout public » à l’introduction partielle du privé

Le développement des services à la personne enSuède est le résultat de l’action d’un Etat providencenon seulement très tôt confronté aux problèmes debaisse de la fécondité et du vieillissement de sapopulation, mais également fortement imprégné desmouvements féministes des années trente. C’est ainsique la politique familiale suédoise a quasiment, dèsl’origine, eu pour objectif la parité femme-homme faceà l’emploi et a ainsi favorisé le travail à temps plein des

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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femmes. La garde d’enfant est donc rapidement ap-parue comme relevant de la sphère publique. Actuel-lement, 78% des petits Suédois de moins de deux anset 83% des moins de quatre ans sont gardés par deséducateurs financés par l’Etat.Grâce à cette très large prise en charge publique, lesSuédoises semblent pouvoir mener de front la consti-tution d’une famille (en moyenne 1,8 enfant par femme)et l’exercice d’une activité professionnelle (81% desfemmes ayant deux enfants travaillent, contre 82%parmi celles qui n’ont pas d’enfant). Dans le secteur dela garde d’enfant, les services à la personne riment doncavec service public, ce qui n’est plus exactement le casdepuis quelques années dans le domaine de la prise encharge de la dépendance.

Pour des raisons à la fois budgétaires et humaines, leschoix de prise en charge en établissement qui avaientété faits dans les années soixante ont été largementremis en cause au début des années quatre-vingt auprofit de l’aide à domicile des personnes âgées. Le choixdes intervenants a également pris une nouvelle orien-tation, puisque l’on est passé d’une offre du secteur publicà une offre fournie par des entreprises privées —et plusrarement des associations— largement subventionnéespar les municipalités. Si les acteurs de l’offre de servicesfont désormais partie de la sphère privée, lesfinancements sont restés très largement publics,puisque les personnes âgées ne contribuent qu’àhauteur de 9% au financement de ces services. Ce quiconstitue tout de même une légère hausse.

A cheval entre offre de service public et prise encharge du recours à un service privé pour les publics

dits « fragiles», la Suède ne semble pas avoir encouragéle développement des services à la personne dans ledomaine des services de facilitation de la viequotidienne (aide ménagère, repassage, jardinage…)par des mesures fiscales. Le très faible niveau dedéveloppement des particuliers comme employeursde personnel d’aide à domicile est notamment lié auxreprésentations socioculturelles des Suédois, qui nesemblent pas envisager facilement une relationd’employeur/employé entre deux particuliers. Lesemployés travaillant dans les services à la personnesont donc soit des salariés du public soit des salariésdu privé, mais très peu sont des salariés departiculiers employeurs. Ainsi, les services domestiquesne représentent que 0,02% de l’emploi total en Suède.

L’Espagne : une régulation par la famille, l’emploi direct… et la fécondité

Qu’il s’agisse de l’importance des solidarités fami-liales, de l’accélération récente du vieillissement, dubas niveau de fécondité ou des modalités de laprotection sociale, l’Espagne est représentative d’unensemble de pays européens méditerranéens quicomprend également l’Italie, le Portugal et la Grèce.La protection sociale pour l’enfance ou la dépendancey est moins développée que dans le reste de l’Unioneuropéenne, mais les solidarités familiales y sont trèsactives et le recours aux services domestiques, c’est-à-dire à l’emploi direct par les ménages, y estfréquent. L’Espagne, comme d’autres pays méditer-ranéens, doit cependant faire face à deux gravesproblèmes démographiques : la baisse de la fécondité

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et un vieillissement rapide. Moins touchée par cephénomène que les autres pays européens dans lesannées quatre-vingt, l’Espagne s’est rapprochée de lamoyenne européenne et devrait compter 2,6 millionsde personnes de plus de 80 ans (6 % de la population)en 2020.

Sur le plan de la prise en charge du grand âge commede la petite enfance, l’Espagne semble très en retard entermes de structure d’accueil collectif. Ainsi, le systèmede crèches publiques est réservé aux familles les plusmodestes et l’offre en maison de retraite ne permetd’accueillir que 6% des plus de 80 ans, contre 2 à 3 foisplus au Royaume-Uni, en France ou aux Pays-Bas. Sur leplan de l’aide à domicile, seuls 2% des plus de 65 anssont pris en charge à domicile en Espagne, contre 7 à10% dans la plupart des autres grands pays européens.De plus, comme pour la garde d’enfant, les aides pourle recours aux services à domicile restent trèsconcentrées sur les populations les plus modestes.

Face à cette faible prise en charge publique de la petiteenfance et de la dépendance, les solidarités familialesprennent le relais avec une aide intergénérationnelle trèsprésente . Le recours à l’emploi direct est égalementfréquent : près de 25% des mères qui travaillent ontrecours à des employés de maison , et 11% despersonnes âgées dépendantes recourent à une aideprivée à domicile. Avec 6,8% des emplois totauxtravaillant dans les services domestiques, l’Espagneapparaît comme l’un des pays européens où le recoursà l’emploi direct est le plus développé. Ces deuxsolutions apparaissent toutefois insuffisantes face aux problèmes de conciliation posés par la société

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espagnole : le taux de fécondité des Espagnoles est l’undes plus bas du monde (1,3 enfant par femme) ; le tauxd’activité des femmes tombe à 52% chez les mères dedeux enfants dont l’un est en bas âge, et l’accélérationdu vieillissement de la population réduira nettement ladisponibilité des aidants .

Une prise de conscience récente par les autoritéspubliques de ce déséquilibre a conduit à l’adoption en2005 d’un plan intitulé «Politiques pour le bien-être desfamilles ». Celui-ci introduit notamment un congéparental, mais aussi une réduction d’impôt pour lesmères d’un enfant de moins de trois ans qui travaillent, afinde les inciter à conserver leur emploi. Les «communautésautonomes» espagnoles ont été, quant à elles, habili-tées à intervenir fiscalement dans le domaine de lapolitique familiale. Concernant les personnes âgées et la dépendance, un rapport publié en 2005 envisage de nouvelles pistes : la création d’un système national de dépendance, la possibilité pour les femmes de choisirentre aide à la famille et activité professionnelle, le déve-loppement d’entreprises privées d’aide à la personnecapitalisant sur l’expertise féminine en la matière. Du faitd’une volonté de contrôle des dépenses publiques, laréponse à ces besoins croissants pourrait doncs’orienter vers le développement de services privés,développement dont l’ampleur serait pour partie fonctiondes politiques de solvabilisation de la demande.

Les Pays-Bas : un modèle qui évolue

Aux Pays-Bas, l’arbitrage classique entre taux defécondité, activité des femmes, prise en charge

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77 % des mères quitravaillent ont un parentproche qui vit dans lamême agglomération et26 % recourentquotidiennement à sonaide pour les tâchesdomestiques.

« Les politiques en faveur de la famille : de nouveaux enjeux pour les pays d’Europe du Sud », S. Cohu, M. Lelièvre, D. Lequet-Slama, O. Thévenon, Etudes et Résultatsn° 449, DREES,décembre 2005.

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Le ratio des femmes de 45 à 69 ansrapporté auxpersonnes de plusde 80 ans devraitpasser d’ici à 2020 de 3,4 à 2,4.

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collective et recours aux services à la personnesemble mettre dans la course une nouvelle variable :la flexibilité du temps de travail des femmes.En effet, en dépit d’une aide informelle importantedes grands-parents, les femmes assument l’essen-tiel de la garde des enfants, y compris au-delà del’âge préscolaire, par le recours massif au tempspartiel : les trois quarts des femmes actives travail-lent à temps partiel. Cette situation perpétue de faitl’inégalité entre femmes et hommes dans le mondedu travail, mais ne semble pas avoir d’incidenceparticulièrement négative sur le taux de fécondité(1,72 enfant par femme), qui se situe dans la moyenneeuropéenne.

Depuis 2005, avec le transfert de compétences duministère des Affaires sociales vers celui de l’Emploipour tout ce qui relève des soins aux enfants, lavolonté de faire de la garde d’enfant un instrumentfavorisant le travail des femmes est clairementaffichée. La prise en charge des enfants s’orientevers une privatisation des services de garde par lebiais de subventions directes aux familles, favorisantainsi l’essor d’une offre de services privés. L’emploidirect constitue probablement une autre solution à laconciliation entre vie professionnelle et vie privée. Lepoids de l’emploi direct par un particulier employeuret la part de la valeur ajoutée de ce secteur placentles Pays-Bas loin derrière les pays méditerranéens,mais à proximité de la situation française.En revanche, cette modalité d’utilisation ne semblepas progresser. Toutefois, la prise en compte du travailnon déclaré offrirait sans doute une approche pluspertinente de l’évolution de ce secteur.

Comme en Suède, les Pays-Bas ont initialement beau-coup développé l’accueil des personnes âgées enmaison de retraite pour finalement revenir sur ce modede prise en charge coûteux et correspondant moinsaux aspirations des personnes dépendantes. Les servi-ces à domicile sont gérés par l’Etat en ce qui concerneles aides domestiques en nature, mais un désenga-gement des instances publiques semble s’opérer par la création de services payés directement par l’usager.En contrepartie, un moyen de paiement direct («budgetpersonnel ») est attribué à la personne âgée et permetune compensation financière de l’aide informelle ou larétribution en direct de services. Pour le moment, cetteprestation en espèces reste faible, mais cette solutionplus souple et plus rapide pourrait se développer àl’avenir, les délais d’attente étant souvent très longspour les prestations en nature. Le marché des servicesà domicile comprend quelques acteurs privés, mais ilssont le plus souvent issus du monde associatif, dontl’importance est tout à fait caractéristique de la sociéténéerlandaise.

Les services à la personneversion française

France — Europe : les particularités hexagonales

Une légitimité de l’intervention publique

La France se distingue tout particulièrement de sesvoisins européens par l’intervention de l’Etat dans lesaffaires privées et par l’ampleur et la variété desmesures incitatives, telles que les aides directes ou

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« La prise en charge de la dépendance despersonnes âgées : une mise en perspectiveinternationale », L. Assous et P. Ralle, DREES, 2000.

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les déductions d’impôt. Politique familiale, politique del’emploi, les interventions des pouvoirs publicsprennent de multiples formes dans le but d’orienterl’évolution de la société.

L’une des particularités du système français concerneen effet la politique familiale, qui est complexe etmêle plusieurs logiques et objectifs, parfois mêmecontradictoires : objectifs natalistes, logiques decompensation des charges financières engendréespar les enfants et de redistribution des richesses…A l’égard des femmes, la « révolution » des objectifsa lieu au cours des années soixante-dix. En effet, lesallocations de mère au foyer, créées en 1938,transformées sous le régime de Vichy et reprises àla Libération, étaient alors un véritable instrumentd’incitation à l’inactivité des femmes, dans un objectif« familialiste » et nataliste. La suppression de cesallocations en 1978 et la politique de développementdes crèches, puis la mise en place des aides aurecours à la garde d’enfant (AGED en 1987,AFEAMA en 1991) marquent un tournant, la poli-tique familiale favorisant le développement del’activité féminine.

Les politiques familiales ont soutenu une natalité parmi les plus élevées d’Europe

La diversité des aides versées aux familles résulte dela confrontation de ces différents objectifs. Le succèsde l’allocation parentale d’éducation (APE ) illustred’ailleurs le côté parfois contradictoire de cesmesures : afin de favoriser la natalité et la conciliationentre vie professionnelle et familiale, l’un des parents

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(en théorie, mais dans la pratique les mères) peutcesser son activité professionnelle pour s’occuper deses enfants pendant un maximum de trois ans. Cetteprestation a conduit à une diminution de l’activitéprofessionnelle des mères, notamment de celles peuqualifiées ou en situation précaire. Ce qui laisse ensuspens les questions d’incitation à la parité femme-homme dans le monde du travail et celles concernantl’insertion des mères dans l’emploi, dans un contexteoù un actif sur dix est au chômage…

Les différents modes de garde des enfants (crèchespubliques ou associatives, assistantes maternelles,garde d’enfant à domicile) bénéficient de plusieurssubventions et déductions fiscales, dont les objectifssont de rendre ces services accessibles au plus grandnombre, tout en favorisant l’emploi des mères et dessalariés du secteur. Contrairement au Royaume-Uni etaux Pays-Bas, les tarifs des crèches et les aides finan-cières (les assistantes maternelles et la garde d’enfant à domicile) sont en effet déterminés en fonction desrevenus.

Les réussites des politiques familiales sur l’activitéféminine et le renouvellement des générations sontcontrastées. Le taux d’activité féminin reste dans lamoyenne européenne, avec une part relativementfaible de temps partiel (30 % des femmes actives). En revanche, le taux de fécondité, en forte hausse ces dernières années, est très élevé au regard des standards européens : avec 1,85 enfant parfemme, la France arrive juste au deuxième rangeuropéen en termes de natalité, derrière l’Irlande(1,92 enfant par femme). Le niveau particulièrement

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AGED : Allocation de Garded’Enfant à Domicile. Elleaide les familles quiemploient une personne àleur domicile pour assurerla garde d’au moins unenfant de moins de six ans. Elle prend la forme dufinancement d’une partiedes cotisations sociales. En janvier 1998, alors quetrois ans auparavant, leremboursement intégral des cotisations socialesavait été institué, le montant est réduit et modulé selon l’âge de l’enfant et lesressources du ménage.

AFEAMA: Aide à la Famillepour l’Emploi d’une AssistanteMaternelle Agréée. Elle permet de couvrir lescotisations patronales etsalariales au titre de la priseen charge des enfants demoins de six ans par uneassistante maternelle agréée.En 1992, elle est renforcéepar la prise en charge d’unepartie du salaire del’assistante maternelle par lebiais d’un complément verséselon le nombre et l’âge desenfants. Depuis janvier 2001, le montant du complémentd’AFEAMA est aussi moduléen fonction des ressources.Depuis 2005, ces différentesaides à l’enfance ont étéregroupées au sein de laPAJE (Prestation d’Accueil duJeune Enfant).

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L’APE, mise en placeen 1985, était audépart destinée auxfamilles de troisenfants et plus ayantau moins un enfantde moins de trois anset dont l’un desparents a réduit ouinterrompu sonactivité profes-sionnelle. Depuisjuillet 1994, elle a étéélargie aux famillesde deux enfants.

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élevé des naissances en 2005 (plus de 800 000enfants) confirme cette spécificité française. En cesens, l’objectif nataliste des politiques familialessemble atteint.

Perte d’autonomie : une réorientation en faveur du maintien à domicile

La prise en charge de la dépendance en France estmarquée par la grande diversité des acteurs et dessources de financement. La Caisse nationale d’assu-rance vieillesse (CNAV) et les caisses de retraitefinancent en partie le maintien à domicile par une priseen charge de l’aide ménagère. Une partie du finan-cement de la perte d’autonomie est égalementassurée par la nouvelle Caisse nationale de solidaritépour l’autonomie (CNSA). Au niveau départemental, les conseils généraux jouent un rôle essentiel, nonseulement en ce qui concerne leurs obligations deversement des prestations liées à la perte d’autonomie(PSD en 1997, et depuis 2002, l’APA ), mais aussipar leurs politiques propres : ils financent ainsi desservices d’aide à domicile pour les personnes âgéesdont les revenus sont très faibles, ainsi que l’aidesociale pour les personnes âgées démuniesaccueillies en établissement. Les communes via lesCCAS fournissent également des prestations à leursrésidents.

Au regard des autres pays européens, la France estdans une situation intermédiaire pour ce quiconcerne l’aide aux personnes âgées dépendantes :l’examen des populations de plus de 65 ansbénéficiant d’une aide à domicile ou vivant en

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institution la place en effet entre le modèle suédoisde forte couverture et le modèle « Europe du Sud »de prise en charge collective faible. A l’image despays nordiques, le système français sembledorénavant évoluer vers le maintien à domicile ens’appuyant sur des politiques de solvabilisation desménages. Cette réorientation est relativementrécente : le nombre de personnes âgées bénéficiantd’une aide en établissement continue certesd’augmenter. Cependant, leur part relative au regardde celles recevant un soutien financier à domicile,après une progression jusqu’en 1997 (63 %, contre37 % pour les bénéficiaires d’une aide à domicile),est en recul depuis lors, et elle est devenueaujourd’hui minoritaire (48 % en 2004, contre 52 %pour celles recevant une aide à domicile).

Les incitations fiscales et l’emploi :deux particularités françaises

L’une des particularités françaises réside dans lesincitations fiscales à l’emploi de personnes à domicile.Dans les autres pays européens étudiés, lesavantages fiscaux, lorsqu’ils existent, ont été mis enplace récemment et ils ne portent que sur desdomaines ciblés (garde d’enfant —sous certainesconditions—, dépendance…). En France, les premièresmesures de déduction fiscale relatives aux services àla personne datent de 1992 et leur application couvrel’ensemble du champ des emplois familiaux, qu’ils’agisse de la petite enfance, de l’aide aux personnesâgées, mais aussi d’un éventail large de servicesréalisés au domicile des particuliers et allant très au-delà des secteurs habituels d’intervention des

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PSD : PrestationSpécifiqueDépendance. Cetteprestation n’étaitréservée qu’auxpersonnes de plus de 60 ans classées enGIR 1 à 3 dans la grilledépendance AGGIR(Autonomie Géronto-logique Groupe Iso-Ressources). Cettegrille va du GIR 1, pour les personnes les plus lourdementdépendantes, au GIR 6,pour celles ne présen-tant aucune perted’autonomie pour les actes essentiels de la vie courante.

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APA : AllocationPersonnaliséed’Autonomie. Par rapportà la PSD, l’APA élargitles droits à aide auxpersonnes classées enGIR 4. L’accès à l’APAn’est pas soumis àcondition de ressources ;en revanche, sonmontant est déterminépar le niveau deressources dubénéficiaire. Alors que le nombre debénéficiaires de la PSD à domicile n’était que de 74 146 en 2001, le nombre de ceuxbénéficiant de l’APA àdomicile était de296 000 dès la fin de 2002, année de sa mise en place. Il a dépassé les 530 000en 2004 (plus de900 000 en incluant lesbénéficiaires de l’APA enétablissement).

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politiques sociales. Ces avantages fiscaux se cumu-lent par ailleurs avec les différentes aides directes àl’enfance et à la dépendance.

Cette particularité hexagonale est en partie liée à uneautre spécificité française : le volontarisme despolitiques publiques en matière d’emploi, qui dépasseles standards européens. Le degré de prioritébudgétaire accordée à la création d’emplois dans lesecteur des services à la personne ou au transfert dutravail non déclaré vers de l’emploi déclaré a certesvarié selon les périodes. Mais le prisme de l’emploi aprofondément marqué les différentes mesuresréglementaires, qu’il s’agisse des possibilités dedéduction fiscale ou de la volonté d’assurer unemeilleure protection des salariés intervenant dans lesecteur (conventions collectives, couverture sociale…).

La « loi Borloo » : un temps d’avance ou une exception culturelle française ?

La problématique de l’emploi est d’ailleurs au cœur du discours et des objectifs affichés dans le cadre de la « loi Borloo » («500000 emplois supplémentairesattendus dans les trois prochaines années »).Toutefois, au-delà du seul objectif de créationd’emplois, la « loi Borloo » constitue une initiative origi-nale, tant par rapport aux ajustements opérés dansles autres pays européens que vis-à-vis des mesuresprises dans le passé en France. En effet, l’ambi-tion affichée est de jouer sur tous les paramètressusceptibles d’aider au développement des services àla personne :- par l’implication directe des pouvoirs publics, avec

la création de l’Agence nationale des services à lapersonne, chargée de promouvoir la communication etl’information sur le secteur, mais aussi de s’assurer du lancement des diverses mesures de la loi et durespect des engagements des acteurs ;

- par la structuration de l’offre, avec la volonté de favori-ser le développement d’enseignes de référence, notam-ment via la création de plates-formes de services ;

- par l’organisation d’une filière de qualité, en dévelop-pant la formation aux métiers, la reconnaissance deces derniers, la professionnalisation du secteur etl’amélioration des conditions d’exercice des salariésde la branche des services à la personne ;

- par une simplification des outils de paiement et de lagestion administrative, via la création d’un moyen de paiement universel, le Cesu ;

- par la solvabilisation de la demande par une réductiondes charges des organismes agréés proposant desprestations de services à la personne , par des aidesaux utilisateurs via des avantages fiscaux et labaisse des charges , ainsi que la possibilité d’unabondement des employeurs ou d’acteurs sociaux àl’aide du Cesu à montant prédéfini ;

- par la mobilisation de tous les acteurs concernés(offreurs de services, collectivités territoriales, em-ployeurs, organismes et filières de formation…).

Dans cette prise en compte globale, la France sembleavoir un temps d’avance par rapport aux évolutionsobservées dans les autres pays européens en matièrede services à la personne. Cette approche inspirera-t-elle certains de ses voisins ou apparaîtra-t-elle fina-lement à leurs yeux comme une exception culturellefrançaise ?

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Le Cesu, ou chèque emploi-service universel, remplaceles actuels chèque emploiservice (CES) et titre emploiservice (TES). Comme lechèque emploi service, leCesu constitue un moyen de paiement permettant derégler tout service à lapersonne et il est assortid’un volet social simplifiant le calcul et la gestion descharges. Deux types deCesu sont mis en place : le Cesu à montant libre,identique au chèque emploiservice, mais dorénavantutilisable dans le cadre d’une prestation de service(et non plus seulement dansle cadre d’un emploi direct) ; le Cesu à montant prédéfini,fonctionnant un peu sur le principe des chèquesvacances, avec possibilitéd’une prise en chargepartielle par les employeursau profit de leurs salariés,des caisses de retraite pour leurs adhérents…

Suppression des cotisationspatronales de sécurité socialeau profit des prestatairesagréés, pour l’ensemble desactivités éligibles aux servicesà la personne dans la limite de1830 euros par an et parsalarié. Auparavant, cetavantage n’était accordé quepour les services à domicile àdestination des «publicsfragiles» (personnes âgées deplus de 70 ans, personneshandicapées ou dépendantes).

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Possibilité de déduirede ses impôts 50%des sommesdépensées (chargescomprises) au titre deservices à la personnedans la limite de 15000 euros de dépenses par an et 20000 euros pour les personnesinvalides.

Allégement forfaitairede 15 points descharges socialespesant sur leparticulier employeur.

En contrepartie de sa participation aufinancement du Cesuà montant prédéfini,l’employeur bénéficie,sur son abondement,d’une exonération descharges sociales etd’un crédit d’impôt de25% dans la limite de 1830 euros par anet par salarié.

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Des « emplois familiaux » aux « services à la personne »

«Personnel de maison», «emplois familiaux», «emplois àdomicile», «services domestiques», les termes définis-sant les services à la personne dans les différentessources statistiques sont très variés. Cette richessesémantique renvoie certes à des métiers, des statuts oudes modes d’activité parfois différents. Elle traduitnéanmoins l’absence de reconnaissance des services àla personne en tant que secteur économique à partentière, qui a longtemps prévalu et qui explique en partiele « flou» relatif des statistiques propres à ce domaine.A cet égard, l’évolution du vocabulaire est elle-mêmesymptomatique d’une modification des représentationsdes activités du secteur et d’une prise de distance avecl’image de «domesticité à l’ancienne». De ce point devue, l’appellation «services à la personne» a le mérite deproposer une dénomination unique et d’ancrer lesmétiers y afférant dans un univers professionnel deservices, même si le spectre qu’elle recouvre est large.

Dans le cadre de la « loi Borloo», les services à la per-sonne recouvrent « les activités de services à la personneà domicile relatifs à la garde des enfants, à l’assistanceaux personnes âgées, aux personnes handicapées ouaux autres personnes qui ont besoin d’une aide per-sonnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dansl’environnement de proximité favorisant leur maintien àdomicile et aux tâches ménagères et familiales, au titredesquelles les associations et les entreprises sontagréées» . Ce périmètre exclut les soins réalisés chez les particuliers par les professionnels de santé.En revanche, il intègre des services pour partie extérieurs

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231 au domicile «à la condition que cette prestation soitcomprise dans une offre de services incluant unensemble d’activités effectuées à domicile » : aide auxdéplacements de proximité des personnes à mobilitéréduite, livraison de repas, de courses, collecte etlivraison de linge repassé…L’esprit de la loi ouvre la voie au développementpotentiel d’une palette large de nouveaux services,même si des restrictions sont parfois apportées à leuréligibilité au Cesu et aux déductions d’impôt. Cependant,les « emplois familiaux » traditionnels élargis auxassistantes maternelles constituent aujourd’huiencore la majeure partie des emplois de services à lapersonne, et c’est sur ces deux catégories que portentla plupart des statistiques disponibles permettantd’évaluer le marché et son évolution.

Deux décennies de croissance du marché

Le secteur des emplois familiaux représentait en2004 un volume de plus de 790 millions d’heurestravaillées (assistantes maternelles comprises), pourun nombre total d’emplois estimé à 1,1 million de salariés et un équivalent temps plein de près de500 000 emplois. Les services à la personne consti-tuent donc un champ d’activité important : à titre decomparaison, ces 500000 emplois en ETP repré-sentent à eux seuls l’équivalent de la moitié dupersonnel enseignant de l’Education nationale.Par ailleurs, les effectifs salariés ont progressé de80 % entre 1994 et 2004, permettant ainsi la créationou la transformation en travail déclaré de 490000emplois en dix ans (244000 en équivalent temps plein).

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Décret n° 2005-1698 du29 décembre 2005 fixantla liste des activités.

Les emplois familiauxrecouvrent tous lesservices rendus à domiciletels que les travauxménagers, les petitstravaux de jardinage, les prestations de petitbricolage dites «hommestoutes mains», la garded’enfant à domicile, le soutien scolaire et les cours à domicile, les aides à domicile auxpersonnes âgées ou auxpersonnes handicapées…

Bien que n’exerçant pas leur activité au domicile d’un particulier, les assistantesmaternelles (ou nourricesagréées) peuventégalement être comprisesdans le champ desservices à la personne :elles exercent leur activitéen dehors d’une structurecollective et ellessemblent devoir êtredorénavant éligibles aupaiement par chèqueemploi-service universel(Cesu).

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Estimation Caissed’Epargne à fin 2004 àpartir des données de laDARES et de l’enquête«Employés de maison»de l’IRCEM. Les donnéesde nombre de salariéspour chaque typed’emplois (emplois directs,emplois par desorganismes dans le cadrede leur activité demandataire, d’une part, et de prestataire, d’autrepart) ne peuvent êtrecumulées, un mêmesalarié pouvant êtrecompté plusieurs fois.L’estimation réalisée adonc pour objet d’exclureles doubles comptes ducalcul total.

ETP : équivalent tempsplein.

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Nature des activitésDistinction opérée par : Lieu de travail Branche d’activité Public concerné

Personnes âgées dépendantes et personnes handicapées à l’exclusion des soinsn Aide personnelle à domicilen Assistante, auxiliaire de vien Assistance aux personnes handicapées, y compris interprète

en langue des signesn Garde-malade

Parentsn Aide familialen Aide familiale en milieu ruraln Assistance familiale

Tous publicsn Entretien de la maison et travaux ménagersn Petits travaux de jardinagen Petits travaux de bricolage dits « hommes toutes mains »

Parentsn Garde d’enfant à domicilen Soutien scolaire et cours à domicile

Personnes âgées dépendantes et personnes handicapéesn Conduite de véhicule personnel du domicile au travail

ou en vacances*n Soins et promenades d’animaux domestiques

pour personnes dépendantesn Soins d’esthétique à domicile pour personnes dépendantesn Accompagnement en dehors du domicile (promenades,

transports, actes de la vie courante)*

Tous publicsn Aide à la mobilité et au transport de personnes

ayant des difficultés de déplacement**n Préparation de repas à domicile, y compris temps

passé aux commissionsn Collecte et livraison à domicile de linge repassé*n Livraison de courses et de repas à domicile*n Assistance informatique et Internet à domicilen Assistance administrative à domicilen Gardiennage et surveillance temporaire à domicile

de la résidence principale ou secondaire

Les emplois familiaux

Services d’aide à domicilen Les professionnels

du secteur social

Services domestiquesn Les professionnels des

travaux domestiques

Autres services aux particuliers

n Amélioration ducadre de vie

n Culture et loisirsn Environnement

Nouveaux services à la personne

Services de soins à domicile

n Les professionnels du secteur sanitaire

Services réalisésau domicile de l’usager

Services de la vie quotidienne

Services auxparticuliers

Services réaliséshors du domicile de l’usager

n Crèchesn Maisons de retraite

Assistantes maternelles

Services éligibles sur le lieu de travail

Source : Caisse d’Epargne, sur la base des travaux d’Anne Flipo et par référence au décret d’application de la « loi Borloo ».

Services à la personne entrant dans le cadre de la « loi Borloo ». *A la condition que cette prestation soit comprise dans une offre de services incluant un ensemble d’activités effectuées à domicile.

**Lorsque cette activité est incluse dans une offre de services d’assistance à domicile.

Cartographie des services à la personne

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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Ces emplois comprennent les assistantes maternelleset les personnes employées directement par lesménages ou par le biais d’un organisme prestataireou mandataire .

Une croissance scandée par les mesuresréglementaires

Le nombre total d’heures travaillées dans le secteurdes services à la personne a doublé entre 1994et 2004. Ce dynamisme global du marché recouvrecependant une alternance de phases de forteprogression et de stabilisation de l’activité, détermi-nées par les options des politiques publiques et lesmodifications réglementaires (déductions fiscales,aides directes, simplification de la gestion adminis-trative…).Selon leur orientation, les mesures retenues ont eu uneffet sensible sur l’évolution du volume d’heurestravaillées et permettent de distinguer cinq périodesrelativement contrastées :

n avant 1987 : le marché des emplois familiaux restelimité en nombre d’utilisateurs et il est stable, voireen régression. Ainsi, le nombre de particuliers em-ployeurs de personnel de maison stagne autour de500 000 et atteint son point bas en 1986 ;

n 1987-1991 : une inflexion et un redressements’opèrent à partir de 1987-1988, avec l’instaurationde l’AGED et l’exonération des charges patro-nales pour l’aide à domicile des personnes âgées ou handicapées, sans pour autant conduire à un« décollage » du marché ;

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29n 1992-1997 : le secteur se développe réellement

au cours de ces années, le nombre d’heurestravaillées enregistrant une croissance de 60 %entre 1994 et 1997. Cette période est marquée parune succession de mesures gouvernementalesvisant tout à la fois à promouvoir l’aide aux « publicsfragiles » (création de l’AFEAMA en 1991 et élargis-sement de l’AGED en 1994, du côté de la petiteenfance ; mise en place de la PSD en 1997, du côtédes personnes âgées) et à développer l’emploi dansle secteur, notamment l’emploi déclaré (instaurationde la déduction d’impôt de 50 % des dépensesd’emploi à domicile en 1992 et multiplication par4,5 du plafond de dépenses en 1995 ; mise enplace du chèque emploi service en 1994 et élargis-sement de son usage en 1996 ; création du titreemploi service également en 1996) ;

n 1998-2001 : à partir de 1998, le changementd’orientation politique est net. La nécessité de réduc-tion des déficits publics et la volonté d’affectationdes ressources budgétaires à d’autres priorités(financement des emplois jeunes, des 35 heures, dela couverture de la perte d’autonomie…) débou-chent sur une série de modifications réglementaireslimitant les aides ou les réductions d’impôt, notam-ment du côté des catégories aisées : diminution demoitié du plafond des dépenses d’emploi à domicileéligibles à la déduction d’impôt et réduction dumontant de l’AGED en 1998 ; plafonnement desexonérations de charges patronales des aides àdomicile aux personnes âgées en 1999 ; modulationdu complément de l’AFEAMA en fonction desressources en 2001… Ces mesures portent un coup

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Les assistantesmaternelles (ou nourricesagréées) s’entendent horssalariées des crèchesfamiliales ou parentales.

D’un point de vuejuridique et statistique,l’emploi direct par unparticulier employeur peutinclure les assistantesmaternelles et le recoursà des organismesagissant en tant quemandataires. Dans laplupart des analysesprésentées, lesparticuliers employeursdirects seront retenushors assistantesmaternelles etorganismes mandatairesou, tout au moins, lechamp observé seraprécisé.

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29 Dans le cadre d’unorganisme agissant entant que prestataire, celui-ci est juridiquementl’employeur del’intervenant qui effectue la tâche et propose une prestation de serviceau particulier bénéficiaire.Dans le cadre d’unorganisme agissant entant que mandataire, le particulier bénéficiairedu service restejuridiquement l’employeur,mais l’organisme s’occupedu recrutement del’intervenant qui effectue latâche et, éventuellement,de sa gestionadministrative. Certainsorganismes peuvent être«mixtes», c’est-à-dire avecune partie de leur activitésous le régimemandataire et une autrepartie en tant queprestataire.

En l’absence destatistiques sur le volumed’heures travailléesantérieures à 1994 pourl’ensemble du secteur,l’indicateur d’évolutionretenu ne porte que sur le nombre de particuliersemployeurs de personnelde maison.

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le rythme des années 1994-1997 et, à un relatif« boom » en 2002 (+ 6,8 %, + 8,2 % hors heuresd’assistantes maternelles), lié notamment à l’ins-tauration de l’APA, succèdent deux années decroissance plus modérée (+ 4,5 % en 2003, + 3,8 %en 2004). Les premières données disponibles surl’emploi intermédié laissent à penser que la ten-dance haussière ne s’est pas interrompue en 2005.

Cette évolution de l’activité par étapes souligne lasensibilité du marché aux fluctuations des orientationsde la politique sociale et le rôle des aides publiques(aides directes et avantages fiscaux) comme facteurde solvabilité de la demande.

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

d’arrêt au développement du marché, essentiel-lement du côté des particuliers employeurs directs.Après des croissances annuelles de 25 % en 1996et de 19 % en 1997, le nombre d’heures travailléesne progresse plus que de 2 à 3 % par an de 1998 à2000 et accuse une baisse de près de 2 % en 2001(- 3,1 %, hors heures d’assistantes maternelles) ;

n 2002-2004 : l’activité se redresse avec la mise enplace de l’APA en 2002 et sous l’effet de deuxrelèvements successifs du plafond des dépenseséligibles aux déductions d’impôt, en 2002, puis en 2003. Toutefois, la progression du nombred’heures travaillées ne retrouve pas pour autant

Source : DARES, évaluation Caisse d’Epargne.

Une dynamique de croissance à long terme, rythmée par les mesures fiscales et socialesEvolution du nombre d’heures travaillées et du nombre d’emplois dans le secteur des services à la personne

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la consommation moyenne d’heures traduit unemodification du profil de la demande : plus d’utilisateurset moins de temps unitaire ; la consommation deservices à la personne semble s’élargir progres-sivement à d’autres populations que celles recourant àla garde d’enfant ou à l’aide aux personnes âgées(toutes deux fortement consommatrices d’heures parutilisateur), ainsi qu’à la couverture de besoins plusponctuels ou plus ciblés.

L’emploi direct et le mondeassociatif, poids lourds des services à la personne

L’architecture des emplois familiaux repose sur lesecteur des particuliers employeurs et sur celui desorganismes agréés de services à la personne (OASP).A l’origine uniquement délivré à des associations etcentres communaux d’action sociale (CCAS ou CIAS,centres intercommunaux d’action sociale), l’agrémentnécessaire pour exercer une activité de services à la personne est depuis 1996 également délivré à des entreprises privées. A la fin de l’année 2004, oncomptait en France 7 048 OASP, dont environ 5 820associations (73 % des OASP), 1 228 CCAS (17 % desOASP) et 710 entreprises (10 % des organismes).

Une prééminence en recul pour l’emploi direct

Malgré la visibilité du monde associatif sur le marchédes services à la personne, celui-ci reste dominé par l’emploi direct par un particulier employeur. La partde l’emploi direct (hors emploi via un organisme

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Une diffusion des services à la personne au-delà des secteurs traditionnels

Le marché des services à la personne demeure trèslargement orienté vers la couverture de besoinsrelevant d’une obligation, qu’il s’agisse d’assurer unmode de garde des enfants en bas âge — sauf àaccepter un arrêt de l’activité professionnelle — oude la nécessité de recourir à une aide en raison del’âge ou de la perte d’autonomie.

Ainsi, sur les quelque 800 millions d’heures annuellesd’emplois familiaux, 27 % relèvent de la garded’enfant à domicile ou chez une assistante mater-nelle. En outre, selon nos estimations , 56 % dutotal des heures seraient dédiées à l’aide à domicileaux personnes âgées, et seulement 16 % relève-raient des autres types de services (ménage, horsaide ménagère aux personnes âgées, petits travauxde bricolage, jardinage, cours à domicile…). Laplace des services aux publics dits « fragiles» (petiteenfance, personnes âgées…) est donc prépondérante.

Toutefois, un processus de diffusion progressive durecours aux services à la personne semble s’opérer au-delà des secteurs prédominants que constituentl’aide aux personnes âgées et la garde d’enfant. Eneffet, le nombre de particuliers employeurs directs ,hors assistantes maternelles, a constamment progres-sé depuis le début des années quatre-vingt-dix.

En revanche, le nombre d’heures moyen par employeurn’a cessé de diminuer. Cette évolution divergente entrela croissance du nombre d’employeurs et la baisse de

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Les statistiques publiquesdisponibles (DARES,IRCEM) permettent dedistinguer les heuresd’assistantes maternelleset les heures de garded’enfant à domicile dutotal des heures d’emploisfamiliaux. Le poids desservices relatifs à la garded’enfant est donc connude façon précise. Pourl’ensemble des heuresrestantes, la répartitionentre celles relevant desservices d’aide auxpersonnes âgées et lesautres types de services àdomicile procède d’unemodélisation Caissed’Epargne (cf. détails etprécisions dans la partie 2de cet Observatoire : «Auservice des personnes etdes territoires»).

Le nombre de particuliersbénéficiaires d’un servicevia les organismesprestataires n’est pasconnu. C’est pourquoi les données utilisées ne portent que sur les particuliersemployeurs directs ou passant par unorganisme mandataire.

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des heures. La garde d’enfant ne concerne que 4% desheures travaillées, et le soutien scolaire moins de 1%des heures intermédiées.

Cette position de référence s’explique largement parl’implication historique de ces structures en matièred’aide à domicile. L’aide à domicile a longtemps été leparent pauvre du traitement social de la vieillesse, quiétait centré, des années soixante au milieu des annéesquatre-vingt, sur l’adaptation et la qualité des établis-sements d’accueil de personnes âgées (humanisationdes hospices, création des maisons de retraite) et sur ladimension sanitaire. En revanche, les préoccupationscommunes d’instances mutualistes et sociales (caissesde retraite, assurance maladie, assurance vieillesse…)ont suscité assez tôt un débat et une réponse dans lesecteur de l’économie sociale. Pendant de nombreusesannées, les structures associatives ont donc pris seulesen charge la problématique du maintien à domicile despersonnes âgées. Dans un cadre spécifique marqué parla dimension médicosociale et régi par une conventioncollective unifiée, elles y ont développé un savoir-faire,une implantation territoriale et un réseau de solidarités.Dans une perspective de développement, elles peuventégalement abriter des structures commerciales dédiéesà la formation, l’informatique, le recrutement… afin dese doter des moyens nécessaires pour faire face auxchangements en cours, notamment l’enjeu de la profes-sionnalisation des structures.

Aujourd’hui, la plupart des grandes fédérations ontadhéré à la logique de plate-forme promue par la « loi Borloo ». Sous la forme d’accords avec un établis-sement financier ou avec des structures relevant de

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mandataire) a reculé de 15 points en dix ans, passantde 80% en 1994 à 65% en 2004, au profit des heuresfournies par les organismes agréés (mandataires etprestataires). Toutefois, depuis 2002, la part del’emploi direct semble se stabiliser, et c’est au sein de l’emploi intermédié que s’opère un reclassement enfaveur de l’activité de prestataire au détriment de cellede mandataire.

Si, en termes de nombre d’heures, l’emploi direct asuivi des évolutions par paliers, le nombre de parti-culiers employeurs (y compris mandataires) n’a cesséde progresser entre 1994 et 2004. Ils étaient un million en 1994, ils sont aujourd’hui 2,3 millions (y compris employeurs d’assistantes maternelles), cequi traduit une diffusion rapide de cette pratique. Ensupposant qu’ils appartiennent à des ménagesdifférents, cela signifierait que 10 % des ménagessont employeurs chaque année.

Les associations et CCAS, acteurs structurants du marché

En 2005, sur les 240 millions d’heures intermédiées —c’est-à-dire effectuées par le biais des OASP—, 236 l’ont été par une association ou un centre com-munal d’action sociale (CCAS). Ces acteurs de l’offredétiennent donc plus de 97% du marché intermédiédes services à la personne. Le secteur de prédilectiondes associations et CCAS est l’assistance auxpersonnes âgées, qui concentre près de 58% de leuractivité en termes de volume horaire, suivi par lesactivités d’entretien de la maison (qui peuvent égale-ment concerner des personnes âgées), avec 32%

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l’économie sociale, ces partenariats montrent que lemonde associatif a opté pour une ouverture plus largede son offre dans une logique de continuum de services.Basculement culturel accompagné d’un renouvellementhumain ou simple prolongement de leur savoir-faire, les associations disposent en tout état de cause d’atoutsimportants : fonds de commerce existants, légitimité et non-lucrativité auprès des collectivités locales,premières expériences de démarches qualité…

Les CCAS et les associations ont employé en moyenne335000 personnes en 2005 dans ce secteur pour unnombre moyen de 14,8 heures par semaine et parpersonne (sur la base de 48 semaines travaillées dansl’année). Ces salariés pouvant cumuler plusieursemployeurs, le nombre d’heures travaillées par chacunpeut être plus important. Si le nombre moyen d’employéspar les associations et les CCAS est relativement élevé(50 salariés), de fortes disparités apparaissent au niveaudépartemental. En effet, certaines structures ont desvolumes d’activité importants et concentrent à l’échelle dudépartement une grande partie de l’activité. D’autrescohabitent avec de petites structures dont le volumed’activité est faible. A titre d’exemple, la DREES évoquele cas d’un département où trois associations effectuent69% des heures d’aide à domicile tandis que, dans cemême département, 22 autres structures couvrent moinsde 1% de l’activité. Dans un autre département, ce sontdeux associations qui couvrent 90% de l’activité, l’uned’entre elles étant en réalité une fédération qui regroupe135 associations locales.La volonté de concentration et d’organisation de cesassociations est en partie encouragée par les conseilsgénéraux. Ceux-ci souhaitent parfois privilégier un

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nombre d’interlocuteurs plus réduit, notamment dansle but de faciliter la mise en place des nouvellesdispositions tarifaires de la loi de janvier 2002. Ils sontégalement soucieux de garantir une offre de qualitéhomogène sur leur territoire et de réduire les coûtsfixes des associations via des économies d’échelle.Confrontées à une montée des coûts liée à la miseenœuvre de la convention collective, voire de lamensualisation, mais aussi de dispositifs d’enca-drement, de qualité et de formation, les associationssont également poussées à optimiser leur organisationet leur modèle économique.

Ce mouvement de regroupement des associations enréseau, enclenché depuis de nombreuses années, estdonc toujours d’actualité et peut suivre différenteslogiques.Plus de 80 % des associations appartiennent à unefédération. L’UNADMR est la plus importante ennombre d’associations adhérentes, suivie de l’UNA ,d’ADESSA , de la FNAID et de la FNAAFP/CSF .Les associations adhérentes à l’UNADMR étant detaille plus petite, en termes de nombre de salariésc’est l’UNA (80 000 intervenants) qui semble couvrirla part la plus importante du secteur de l’aide àdomicile. ADESSA, qui compte relativement moinsd’associations adhérentes, est pourtant, en termesde nombre de salariés (34000), en mesure de se com-parer aux deux leaders que sont l’UNA et l’UNADMR.Même si certaines associations de grande taillepréservent leur autonomie (y compris dans le cadred’une fédération), chaque grande fédération cultiveune identité et des spécificités avec des logiques deconcentration parfois différentes.

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«Les services d’aide à domicile dans le contexte del’Allocation personnaliséed’autonomie», Etudes etRésultats n° 460,janvier 2006.

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UNADMR: Union Nationaledes Associations d’Aide àDomicile en Milieu Rural.

UNA : Union Nationale del’Aide, des Soins et desServices aux Domiciles(anciennement UNASSAD).

ADESSA: fusion entre la FNADAR et la FNAFAD.ADESSA est un réseaud’associations d’aide àdomicile.

FNAID : FédérationNationale d’Aide etd’Intervention à Domicile.

FNAAFP/CSF : FédérationNationale desAssociations de l’AideFamiliale Populaire.

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L’UNA, dont 90 % des associations adhérentes sontprestataires, mise sur une dynamique de réseau avecun regroupement des structures dans un cadrefédératif. Elle donne une part croissante aux salariéspour ce qui concerne l’intervention, les bénévolesayant plutôt un rôle d’orientation. Elle est la seulefédération à accueillir des structures de statutsdifférents (associations, CCAS). Leur rapprochementconcerne essentiellement la représentation auprèsdes pouvoirs publics et des financeurs ; chaquestructure conservant son autonomie de gestion desmoyens techniques, humains et financiers. L’ADMR,qui laisse un rôle important aux bénévoles, poursuitpour sa part une dynamique d’intégration qui consisteà regrouper un nombre important de petitesassociations, avec une mise en commun des moyensau niveau fédéral. Même si chaque associationconserve une autonomie juridique, c’est au niveaufédéral que s’opère la gestion fonctionnelle etstratégique. L’instance fédérale est égalementl’interlocutrice des collectivités et des financeurs.

Les entreprises privées, un nouvel entrant dynamique

Autorisées à intervenir sur le marché des services à lapersonne en 1996 en tant que prestataires, lesentreprises privées —qui n’étaient que 80 en 1998—sont désormais plus de 1000. Leur poids dans le totaldes heures d’emploi à domicile reste très faible encomparaison de celui des associations : elles nerecouvrent que 3% du total des heures réalisées parl’ensemble des organismes intervenant dans le secteur.Toutefois, le nombre d’heures effectuées par les

entreprises privées a été multiplié par 25 (passant de275000 heures à près de 7 millions) en sept ans et leurnombre de salariés par 8 (de 2000 en 1997 à 16000en 2005).

Les entreprises semblent avoir développé principa-lement trois segments de marché :- les services aux entreprises au bénéfice de leurssalariés (conciergeries d’entreprise) : il s’agit de presta-tions qui se situent à la lisière des services à lapersonne au sens strict du terme. En outre, leur diffusion reste limitée (6% des entreprises de plus de 50 salariés déclarent avoir mis en place un tel système ) ;

- les services de soutien scolaire et de cours à domi-cile : cette activité est en pleine croissance (40% deprogression annuelle pour l’un des grands acteurs dumarché) et représente plus du quart du total desheures de services à domicile des entreprises privées ;

- l’assistance aux personnes âgées (entre autres via lessociétés d’assistance en relation avec les assureursou les mutuelles) et le ménage: leur part de marchésur ces deux créneaux reste encore faible. Si leur présence est encore marginale sur le secteurdu ménage et du repassage, les entreprises privéesaffichent presque toutes une croissance à deux chiffres, quand l’ensemble du secteur ne croît que de7 à 8% par an.

L’aide informelle… premier acteur de l’offre

La famille, les amis, le voisinage… voilà le premieracteur d’un marché qui touche essentiellement à lasphère privée, à l’intime. Selon l’enquête Emploi de

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Source : enquêteCaisse d’Epargne –CSA réalisée en décembre 2005auprès de 300responsablesd’entreprise de 50 salariés et plus.

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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l’INSEE de 1998-1999, plus de 32% des Françaisauraient rendu un service à un parent et 22,6% à unami au cours du mois passé. Pour ce qui est de lagarde d’enfant, même s’il ne se substitue quepartiellement à la garde déclarée, le rôle joué par lesgrands-parents reste important. Selon l’ObservatoireCaisse d’Epargne sur les seniors, environ 65% des 60-69 ans déclarent garder leurs petits-enfants réguliè-rement ou de temps en temps.

De même, une étude de la DREES montre que l’APA —et avec elle l’augmentation de l’aide à domicilevers les personnes âgées— n’a pas conduit à undésengagement des familles, mais plutôt à une redis-tribution des rôles ; 75% des bénéficiaires de l’APAseraient soutenus également de façon régulière parleurs proches. Les professionnels se polarisent sur lestâches ménagères, la toilette et l’habillage, alors quel’aide de l’entourage apparaît plus diffuse et consisteplus à coordonner l’ensemble des tâches de la viequotidienne (courses, gestion du budget et des tâchesadministratives, surveillance et présence, préparationdes repas). Ce phénomène confirme ce qui est obser-vé dans d’autres pays. En Suède, où l’aide publique estimportante, elle ne s’est pas substituée aux relationsavec la famille, qui reste, en fréquence, le principalsoutien des personnes âgées.

L’enjeu des comportements de consommation

La montée des besoins liés à la démographie et auxnouveaux modes de vie explique en partie la croissancedes services à la personne depuis une vingtained’années. La mobilisation des acteurs sociaux et privés

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et la solvabilisation des ménages par la puissancepublique ont également joué un rôle décisif.La « loi Borloo» vient donner une nouvelle impulsion àcette politique. Néanmoins, même si l’objectif en estl’emploi, le facteur clef de réussite demeure la capacitédu secteur à susciter une demande autonome par unequalité de service et une valeur d’usage reconnues.L’enjeu est donc la transformation durable ducomportement de consommation des ménages, quidonnerait une place plus importante à la satisfaction debesoins de services latents ou exprimés.

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«Les effets de l’Allocationpersonnalisée d’autonomiesur l’aide dispensée auxpersonnes âgées»,Etudes et Résultatsn° 459, janvier 2006.

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DES BESOINS A L’EXPRESSIONDE LA DEMANDE

Les pratiques de consommationdes services à la personne

Une utilisation déjà relativement courante

Au-delà des références habituelles en termes denombre d’emplois ou de nombre de particuliers em-ployeurs, l’utilisation ponctuelle ou récurrente de servi-ces à la personne apparaît relativement répandue.En effet, 26 % des Français de plus de 25 ans, soitl’équivalent de plus de 6 millions de foyers, déclarentrecourir actuellement à au moins une aide rémunérée.Il peut s’agir de services liés aux enfants , d’aideaux personnes à autonomie réduite ou plus globa-lement d’autres services d’aide à domicile, dénom-més par commodité « services de facilitation de lavie quotidienne ». 11% des personnes interrogées(2,6 millions de ménages) utilisent au moins un servicelié aux enfants (9 % en excluant les modes de garded’enfant d’âge préscolaire) ; 6 % recourent, pour elles-mêmes ou pour un proche directement pris en charge,à des services concernant des situations de handicap,de maladie ou de perte d’autonomie (1,5 million deménages) et, enfin, 14 % font appel à d’autres typesde services domestiques (3,2 millions de foyers).Le rapprochement entre l’étude Caisse d’Epargne dedécembre 2005 et celle réalisée par l’institut Démos-copie pour le compte du Syndicat des entreprises deservices à la personne (SESP) en janvier 1996 sur deux postes identiques (« les tâches domestiques» et 4

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Les services liés àl’enfance recouvrent les différents modes de garde permanents(assistantes maternelles,garde à domicile d’enfanten bas âge) ou plusponctuels (gardes de sortied’école, baby-sitting) et lescours à domicile. La gardeen crèches collectives nerentre pas dans le champdes services à la personne,et elle a été exclue du tauxd’utilisateurs global.

En raison des représen-tations des personnesinterrogées et de leursréponses, les servicesrelatifs à la maladie, au handicap ou à un problème lié à l’âge ne recouvrent de fait que les aides spécifiquesportant sur la perted’autonomie et excluent une large part de ce quirelève de l’appellationhabituelle « aide ménagèreaux personnes âgées ».

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Les «services defacilitation de la viequotidienne» recou-vrent l’ensemble desservices ne portant nisur les enfants, ni surles problématiquesspécifiques de perted’autonomie. Ilsregroupent toutes lesprestations de typeménage, repassage,petits travaux oubricolage à domicile,entretien du jardin…,y compris l’aideménagère auxpersonnes âgées.

La comparaisonentre les deuxétudes ne peut êtrefaite sur le total des utilisateurs, les périmètres des services retenusdans chacune d’ellesétant différents.

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Méthodologie :Outre les données de l’INSEE, de la DARES, de laDREES et d’autres organismes publics, les analysesqui suivent s’appuient sur trois approches complé-mentaires :

n une étude qualitative réalisée par WSA pour la Caisse d’Epargne en octobre-novembre 2005,à partir de six réunions de groupe (de septpersonnes chacune, soit 42 personnes au total,et d’une durée de trois heures) de consom-mateurs actuels ou non de services à la per-sonne, segmentés selon des profils types :couples avec les deux conjoints actifs et desenfants à charge, familles monoparentales, 55-70ans, avec une partie d’entre eux ayant la chargedirecte d’un parent ou d’un proche en situation de perte d’autonomie. Ces six réunions ont, parailleurs, été suivies de trois réunions complé-mentaires ayant pour objectif d’approfondirl’analyse avec une partie des personnes pré-sentes lors des premières réunions et réinter-rogées à titre d’« experts » ;

n une approche quantitative, avec une enquêteréalisée par CSA pour la Caisse d’Epargne endécembre 2005 auprès d’un échantillon de 2 815 personnes âgées de 25 ans et plus, repré-sentatives de l’ensemble de la population fran-çaise correspondante ;

n des entretiens menés auprès d’experts et de res-ponsables d’organismes du secteur des servicesà la personne.

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« la garde régulière d’enfant» hors crèches et assistantesmaternelles) montre une progression sensible du recoursà des aides rémunérées: ainsi, en dix ans, le tauxd’utilisateurs de services de tâches domestiques s’estaccru de 4 points (soit près d’un million de foyerssupplémentaires) et la proportion de ceux recourant à de la garde régulière d’enfant a progressé de plus de 2 points (soit environ 550000 ménages supplémentaires).

2,8 millions de ménages feraient appel au travail non déclaré

Les 26% d’utilisateurs déclarés recourent certes à desservices très variés : entre la taille d’une haie effectuéeune à deux fois par an, le recours ponctuel à une baby-sitter payée de la main à la main, l’aide d’une femmede ménage quelques heures par semaine, la garde d’unenfant huit heures par jour ou la prise en charge d’unesituation de dépendance lourde, la fréquence, levolume d’heures ou la nature des services sont, eneffet, radicalement différents. Par ailleurs, les donnéesissues de l’enquête recouvrent également le travail nondéclaré. Selon nos estimations effectuées à partir decelle-ci, environ 2,8 millions de foyers , soit 45% desutilisateurs de services à la personne, y auraientrecours à des degrés divers. La part du travail nondéclaré reste donc élevée et ce dernier représente unpotentiel important de recyclage vers de l’emploi formel.

Aides rémunérées ponctuelles ou récurrentes, décla-rées ou non, le niveau d’utilisation des services est àgéométrie variable. Cependant, d’une façon ou d’uneautre, une fraction importante de la population a d’oreset déjà intégré dans ses pratiques la recherche de

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solutions permettant d’alléger les contraintes de la viequotidienne, et ces pratiques se sont élargies en dix ans.Au-delà de 25 ans , quelle que soit la tranche d’âgeconsidérée, au moins un cinquième de la population y arecours, ne serait-ce qu’occasionnellement.

Une utilisation qui évolue au cours du cycle de vie

La nature des services à la personne, comme leurfréquence d’utilisation, varie selon l’âge. Celle-ci est,en effet, plus élevée en début et en fin de cycle de vie :d’abord vers 30-40 ans (près de 30 % des foyers), enlien avec les nécessités de garde des enfants, puisaprès 70 ans, en relation avec le vieillissement (45 %des plus de 75 ans).Ce profil d’utilisation selon l’âge confirme le poidsprépondérant des secteurs de la garde d’enfant et a fortiori de l’aide aux personnes âgées dans lemarché actuel des services à la personne.

Les jeunes ménages : des services centrés sur les enfants

Avant 40-45 ans, le recours aux services à la personneest centré sur la sphère des enfants, les différentsmodes de garde constituant l’essentiel des prestationsutilisées. Ainsi, plus de la moitié des familles biactivesavec des enfants de moins de six ans recourent à unmode de garde, mais seulement 10% font appel à desservices rémunérés pour des tâches domestiques, alorsmême qu’il s’agit d’un segment de population particu-lièrement confronté aux contraintes de temps et deconciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

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Estimation effectuéeen mesurant l’écartentre l’extrapolation à l’ensemble des ménages despersonnes déclarantemployer directementune personne pour l’unou l’autre des servicesrecensés et le nombrede particuliersemployeurs directsissu des données de la DARES.

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L’étude ne porte que surles plus de 25 ans. Parailleurs, dès la tranched’âge 25-29 ans, 22 %disent utiliser au moinsun type de services.

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Familles biactives :couples au seindesquels les deuxparents exercent uneactivité professionnelle.

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La focalisation sur les enfants, en début de cycle de vie,s’accompagne donc d’un processus d’éviction desautres types de services d’aide à la vie quotidienne. Celatient en partie à deux raisons, l’une financière, l’autre pluspsychologique. Pour les jeunes ménages, les chargesliées aux modes de garde laissent probablement moinsde place à d’autres dépenses de services à domicile, dufait du niveau plus limité de leurs revenus et du poids desarbitrages budgétaires, notamment en faveur de l’achatou de l’aménagement du logement. A cette cause denature économique, s’ajoute une dimension pluspsychologique ayant trait aux phases de constitution ducouple : l’installation dans une vie à deux et l’arrivée des

enfants tendent, dans un premier temps tout au moins,à valoriser « l’esprit domestique » et à réduire la pro-pension à déléguer à un intervenant extérieur les tâchesde la vie familiale. Cette double explication est cepen-dant moins avérée pour les ménages actifs aisés qui, enraison de leur mode de vie et de leurs revenus, cumulentplus fréquemment la garde d’enfant et les servicesd’aide aux tâches domestiques (17% des indépendants,cadres ou professions intermédiaires ayant des enfantsà charge). Le recours aux services de garde d’enfant estcertes moins fréquent qu’en moyenne au sein desfamilles disposant de revenus faibles, l’interruptionpartielle ou totale de l’activité professionnelle féminine et

8 J.-C. Kaufmann :«Le cœur à l’ouvrage:théorie de l’actionménagère », Pocket,décembre 2005.

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

Source : étude Caisse d’Epargne – CSA, décembre 2005.

Part des personnes interrogées utilisant actuellement au moins un service à la personne selon le type de services et l’âge

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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l’aide de l’entourage se substituant en partie à dessolutions payantes . Mais c’est surtout sur les modalitésde garde retenues et leur éventail que joue le côtédiscrétionnaire du revenu. Au-delà des crèchescollectives, les ménages les plus aisés privilégientdavantage, toutes choses égales par ailleurs, la gardedes jeunes enfants à domicile par rapport aux servicesd’une assistante maternelle, notamment en Ile-de-France.De même, l’utilisation de gardes ponctuelles ou de baby-sitting est près de trois fois plus fréquente chez lesménages cadres (25% d’utilisateurs) que parmi lesfamilles ouvrières (9%).

Du côté de l’aide aux devoirs ou des cours à domicile, letaux d’utilisateurs est certes plus élevé parmi lesménages disposant d’une aisance financière suffisantepour pouvoir en assurer le coût. Cependant, le recours àce type de prestations tient aussi au degré decontraintes, en termes de connaissances ou de temps,auxquelles sont confrontés les parents dans l’accompa-gnement de leurs enfants. Le taux d’utilisateurs atteintainsi l’un de ses niveaux les plus élevés au sein desfamilles monoparentales, pourtant souvent confrontées àde fortes contraintes budgétaires.

Les services d’aide aux tâches domestiques :l’effet déterminant du revenu…

Ce n’est qu’à partir de 45 ans que s’opère unediversification de la consommation vers des presta-tions de « facilitation de la vie quotidienne » (aide auxtâches ménagères, pour l’essentiel) : de 5 % entre 35 et 39 ans et 8 % entre 40 et 44 ans, le taux d’utili-sateurs passe à 13 % au sein des 45-54 ans.

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Toutefois, il convient de distinguer deux cibles depopulation utilisatrices : les ménages actifs, d’une part,les catégories les plus âgées, d’autre part.

Du côté des ménages actifs, la consommation de cetype de services relève d’un choix de vie et le niveaude revenus demeure aujourd’hui déterminant. Ainsi,21 % des ménages cadres ou professions libéralesdéclarent y recourir (contre seulement 9 % desprofessions intermédiaires et 3 % des ouvriers) ; ilsreprésentent à eux seuls 56 % des utilisateurs horsretraités. Au-delà de l’aisance financière, cesdisparités sont aussi le reflet de modes de vie. Lescontraintes horaires auxquelles les cadres sontconfrontés, et notamment les femmes cadres,rendent davantage nécessaire le recours à une aideextérieure pour pouvoir assumer conjointementobligations professionnelles et bon fonctionnement dela vie familiale. Par ailleurs, les femmes cadrestrouvent encore moins que les autres une satisfactionou une valorisation personnelle à l’accomplissementdes tâches domestiques.

… puis de l’âge associé à la solitude

Du côté des catégories âgées, l’utilisation de servicesd’aide aux tâches domestiques répond davantage àune nécessité, sous l’effet conjoint du vieillissement etde la solitude. Le taux d’utilisateurs passe de 31 %parmi les 75-79 ans à 59 % pour les plus de 80 ans.De même, après 75 ans, le recours à une aideménagère est de 10 points plus élevé pour lespersonnes seules que pour celles vivant en couple.La probabilité d’être dépendant, même légèrement,

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Cette mise enbalance est d’autantplus compréhensibleque l’APE permet decompenser en partiela perte du revenud’activité.

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s’accroît fortement après 80 ans. En cas de pertepartielle d’autonomie, l’absence de conjoint augmentela probabilité de devoir recourir à une tierce personneet accroît le besoin d’aide à domicile. Avant 75 ans,l’utilisation de services « de facilitation de la viequotidienne » reste en partie déterminée par le niveaude revenu ; en revanche, il joue beaucoup moins auxâges les plus élevés, en raison des aides permettantde solvabiliser la demande des catégories auxrevenus faibles.Le recours à des services spécifiques relatifs à dessituations de maladie, de handicap ou de perted’autonomie est mentionné par 6 % des personnesinterrogées. Mais, pour la plus grande partie d’entre

elles, il s’agit de prestations délivrées « pour un prochedont elles s’occupent » et non « pour elles-mêmes ».D’ailleurs, le taux d’utilisateurs de ce type de servicesatteint son niveau le plus élevé entre 55 et 64 ans(plus de 10 %), soit la tranche d’âge correspondantaux « enfants aidants » et non aux « aidés ».Cela tient, d’une part, au fait que les personnesfortement dépendantes sont difficilement interro-geables par voie d’enquêtes. Mais, d’autre part, nombrede personnes âgées interrogées, même confrontéesà une perte d’autonomie partielle, et aidées à ce titre,n’identifient pas les services qu’elles utilisent commedes prestations spécifiques liées à la vieillesse ou à un état de santé. Dans leur perception, un service dit

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

Source : étude Caisse d’Epargne – CSA, Observatoire Caisse d’Epargne 2004.

Part des plus de 60 ans recourant à de l’aide ménagère, à des livraisons de coursesou à du portage de repas à domicile selon l’âge, la situation familiale et la catégoriesocioprofessionnelle

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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« de confort » limitant les contraintes des tâchesménagères se situe dans la continuité de l’accompa-gnement d’une perte d’autonomie, sans que s’oppo-sent dans leur esprit ce qui relèverait spécifiquementde la dépendance et ce qui relèverait de la facilitationde la vie.

Un sentiment de contrainte à géométrie intime

Au-delà de l’âge et de la situation familiale oufinancière, le recours aux services à la personne tientaussi au degré de contrainte ou de plaisir ressentidans l’accomplissement de certaines tâches, ainsiqu’au degré de spécialisation ou d’urgence. Ce pointest très structurant dans la compréhension desressorts ou des freins à une délégation des activitéscourantes et des modalités selon lesquelles cettedélégation peut s’opérer.

Ainsi, le ménage, le repassage ou le nettoyage desvitres sont fréquemment perçus comme des tâchescontraignantes et constituent le cœur des activités les plus fréquemment déléguées à une aide exté-rieure. L’entretien de la voiture et la gestion des ques-tions administratives (renouvellement de papiers,démarches administratives, inscriptions, impôts…)sont également des activités jugées contraignantes,mais elles renvoient à la sphère privée (gestion admi-nistrative) ou à une délégation réalisée au sein mêmede la famille : la prise en charge de la voiture, contrai-gnante vue du côté des femmes, est de facto assuréepar les hommes. De plus, dans ces deux domaines,l’offre éventuelle de service paraît faire défaut et elle

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est concurrencée par des solutions alternatives indivi-duelles : chez les actifs, tout au moins, le champ del’assistance aux démarches administratives rencontreun intérêt limité, leurs besoins étant déjà en partiecouverts par le recours direct à Internet ou auxservices d’assistance et de conseil disponibles parailleurs (services d’assistance des assureurs, conseilen mairie…).

Le bricolage ou l’entretien du jardin sont, en revanche,souvent considérés comme des activités de «détente»,et le recours à un service extérieur répond à uncaractère d’urgence (dépannage) ou à des besoinsnécessitant une spécificité technique : taille des haies,petits déménagements, débarras d’une cave… L’aideaux devoirs ou les cours à domicile pour les enfantss’inscrivent de façon ambivalente dans ce schémaglobal. 80% des parents ayant des enfants de 6 à 17 ansdisent effectuer « volontiers » l’accompagnement deleurs enfants sur ce plan, en écho à leur devoird’éducateur. Toutefois, le recours à des tiers répond àune nécessité lorsque les connaissances parentalesdeviennent insuffisantes, mais aussi quand le suiviscolaire débouche sur des situations conflictuelles quidétériorent les relations familiales : plus de 40 % desparents reconnaissent que « les devoirs ou le travailscolaire des enfants sont souvent un moment detension à la maison ».

La notion de contrainte n’est donc pas de mêmenature selon les champs d’activités domestiques, ellevarie aussi selon le profil sociologique. Ainsi, laréalisation des tâches courantes reste revendiquéepar nombre de femmes retraitées comme une façon

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Le taux d’utilisateursretenu dans cetteanalyse recouvre lesutilisateurs actuels etceux qui y ont recouruau cours des cinqannées passées,l’inclusion de cesderniers étant pluspertinente notammentpour les servicesdavantage utilisésoccasionnellement quede façon récurrente(bricolage/petitstravaux à domicile,entretien du jardin,cours à domicile…).

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

Source : étude Caisse d’Epargne – CSA, décembre 2005.

Part des personnes interrogées considérant les activités suivantes comme une contrainteet de celles recourant ou ayant recouru dans les cinq ans passés à un service rémunéré

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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de marquer leur capacité à conserver leur rythme devie : « c’est tous les jours pareil, je passe l’aspirateur,j’aime bien, ça me passe le temps, c’est un peucomme si j’allais au travail ». A l’inverse, les femmescadres sont d’autant plus enclines à déléguer queleurs moyens financiers leur permettent de le faire,mais aussi parce qu’elles trouvent peu de valorisationpersonnelle à prendre en charge les tâches ména-gères. Pour autant, une vision dichotomique entrecatégories sociales serait quelque peu erronée.En effet, près de 40% des femmes ouvrières évoquentle ménage comme une contrainte et cette proportions’élève à près de 60 % pour le nettoyage des vitres età près de 50 % pour le repassage.

Des freins réels, mais en partiecontournables

Les représentations de la sphère domestique etde l’intimité

La tendance à vouloir « faire soi-même» reste affirmée,même parmi les catégories les plus enclines àatténuer les contraintes de la vie quotidienne. Sur ceplan, les freins à une délégation des tâches renvoienttout autant aux représentations du devoir familial, àune dimension d’intimité et au degré de plaisir ou decontrainte éprouvés dans la réalisation des diversesactivités domestiques.

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Source : étude Caisse d’Epargne – CSA, décembre 2005.

Part des femmes considérant les activités mentionnées comme une contrainte : comparaison entre les femmes cadres et les femmes ouvrières

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Du côté des enfants, déléguer est parfois perçucomme un risque de ne pas assumer ses obligationsparentales. Du côté de la prise en charge de parentsâgés, c’est une image d’abandon qui peut prévaloir.Mais c’est surtout dans le domaine des tâchesdomestiques que les freins psychologiques paraissentles plus importants. En effet, le recours à des aidesextérieures met en jeu le rôle ou le savoir-faire,notamment féminin, dans le champ familial et ilreprésente une forme de dévoilement de la sphèreintime avec deux conséquences possibles : soitdégrader la personne ainsi dévoilée en même tempsque l’intervenant, quand il s’agit de tâches jugéessales ou liées au corporel, soit mettre en cause ce qui

fonde implicitement le foyer et son organisation.Certes, les frontières de l’intimité ont tendanceaujourd’hui à reculer, mais les freins sur ce planrestent importants. Contrairement à ce que l’on auraitpu imaginer, ils sont largement partagés, y comprispar les catégories jeunes ou aisées. Ainsi, 46 % desfemmes interrogées estiment que « même si cela doitleur faciliter la vie, avoir quelqu’un pour s’occuper destâches ménagères est une intrusion dans leurintimité », et cette proportion est plutôt plus élevéeparmi les tranches d’âge jeunes que pour les plusâgées. Parallèlement, 47 % des femmes disentcependant « chercher à se dégager au maximum destâches ménagères pour pouvoir consacrer du temps

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

Source : étude Caisse d’Epargne – CSA, décembre 2005.

Attitudes des femmes à l’égard du recours aux services d’aide aux tâches ménagèresselon la catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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à autre chose ». C’est bien entre ces deux paramètresque se situe le curseur du recours ou non à un servicepayant et, sur ce plan, les attitudes diffèrent sensi-blement selon les catégories socioprofessionnelles :43 % des femmes appartenant à des ménagesemployés ou ouvriers cherchent à se dégager aumaximum des contraintes domestiques, mais 55 %estiment par ailleurs qu’un intervenant extérieurconstituerait une intrusion dans leur intimité ; cesproportions sont exactement inversées pour lesfemmes appartenant à des ménages indépendants,cadres ou professions intermédiaires (56 % et 43 %).

Un malaise persistant à se positionner comme employeur

Par ailleurs, la délégation est rendue plus difficile parun sentiment de malaise à être employeur, voiresimplement donneur d’ordre, ou à se représentercomme tel. Cette difficulté à assumer le statutd’employeur peut s’observer notamment chez lespersonnes issues des milieux modestes ou ayantexercé ce type de profession. Ce malaise renvoie plusà une question de posture personnelle dans la relationavec l’intervenant que de capacité à assumer cestatut, que ce soit en termes de compétences oud’image sociale. En effet, seules 16 % des personnesinterrogées « seraient gênées de dire à leur entouragequ’elles emploient une personne pour les tâchesménagères ». La difficulté à se situer dans uneposition traditionnellement hiérarchique, à définir lestâches à effectuer, à gérer la paie et le contrat detravail est fréquemment évoquée : « quelqu’un pourfaire le ménage, le lit, le repassage chez moi, ça

me gêne… Il peut se sentir inférieur, se dire : “elle enprofite” ». Elle conduit d’ailleurs parfois à un méca-nisme d’inversion de la relation avec la crainte de sesentir jugé par la personne qui vient effectuer destâches ménagères. A côté d’un rapport régi par lesrègles du contrat, le registre de la domesticitécontinue à connoter la relation et constituegénéralement un repoussoir dont il est parfois difficilede se démarquer totalement. Entre la relationprofessionnelle avec une prestation attendue et larelation humaine qui s’instaure entre deux personnes(souvent deux femmes), la « gêne » et le « silence »,selon les termes de J.-C. Kaufmann, contribuentencore souvent à l’équilibre délicat entre employeur etemployé.

Enfin, le discours recueilli dans les entretiens qualitatifsmontre l’importance des habitudes dans la façon deconcevoir la prise en charge des tâches domestiques.Néanmoins, les réunions de groupe initiales puiscomplémentaires ont souvent été l’occasion pour lespersonnes interrogées d’une véritable prise deconscience de l’intérêt d’une délégation de certainestâches «obligées », alors même qu’elles y étaientparfois réticentes au départ. Une fois franchi le premierpas du questionnement sur les manières de faireancrées dans les habitudes, les résistances mentalestombent beaucoup plus facilement.

Le coût, un problème majeur mais relativisé par la qualité

Le prix des services constitue bien évidemment unfrein important et, aujourd’hui, le recours à des aides

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Dans la méthode retenue,une partie des personnesinterrogées lors degroupes initiaux étaientamenées à revenir dansle cadre de réunionscomplémentaires, unesemaine plus tard.

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payantes dans les domaines les plus arbitrables(tâches domestiques hors aides destinées auxpersonnes les plus âgées, diversification des modesde garde des enfants…) reste fortement déterminé parle niveau de revenu. Mais le frein relatif au prix estparfois subjectif et le coût, supposé ou réel, desprestations (beaucoup de personnes ne se sont pasrenseignées sur les tarifs), est aussi étroitement lié à laperception ou non d’une valeur ajoutée du servicerendu : si une tâche peut (ou doit) être assumée par soi-même, le prix à payer paraît d’autant plus exorbitant.

A cet égard, les réponses des personnes nonutilisatrices des différents services mentionnés sonttout à fait symptomatiques. Parmi les raisons évo-quées pour les tâches ménagères, « le coût tropélevé » n’est mentionné que par 29 % des enquêtés,loin derrière le fait de « préférer faire cette tâche par soi-même » (74 %). De même, parmi les critèresde choix jugés les plus importants, en cas de recoursà une aide extérieure rémunérée, « le prix » est certescité par 37% des personnes interrogées, mais il n’arrivequ’en troisième position, après « la compétencede l’intervenant et la qualité du travail » (71 %) et « la gentillesse, l’amabilité de l’intervenant » (43 %). En l’occurrence, il ne s’agit pas de minorer le facteurprix. Ce dernier restera probablement un frein impor-tant au développement du marché, mais il est aussimis en balance avec l’utilité et la qualité perçues desservices proposés.

Au-delà du prix des prestations, qui demeure unequestion en soi, la nature très qualitative des freinssouligne l’importance que revêt la communication.

S’appuyant sur des attentes fortes liées à l’évolutiondes modes de vie, elle devra aider à modifier lesreprésentations et les habitudes qui constituent desfreins plutôt que des blocages au recours à desservices à la personne. Mais surtout, l’évaluation desbesoins réels de chaque consommateur potentiel, lacapacité à déterminer ce qui relève de la contrainte oudu plaisir dans les pratiques de vie familiale consti-tueront un point central. A cet égard, hormis pourcertains « publics fragiles », le marché des services àla personne peut certainement être abordé comme unsecteur de consommation à part entière, dont lesoffreurs devront aussi savoir « réveiller » ou « nourrir »les besoins.

les services à la personne,expression de la modernité

Les femmes au cœur de la décision

Les services à la personne renvoient pour une largepart à la sphère domestique et ils interpellent direc-tement les rôles sexués des femmes et des hommes.Aujourd’hui, avec le développement du travail fémininexercé en dehors du domicile et le réinvestissementpar les deux sexes de l’univers de la famille, lediscours des hommes et des femmes souligne deréelles évolutions dans la distribution des rôles dechacun… pour certains champs de l’environnementfamilial tout au moins. Les hommes s’occupent plusqu’avant des enfants. Ils se soucient davantage desavoir comment leur conjointe pourrait se faire aiderpour mieux concilier, d’une part, ses aspirations légi-

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times à une vie personnelle et professionnelle pleinement vécue et, d’autre part, les contraintes del’entretien régulier de la maison. Cependant, ce sont leplus souvent les femmes qui ont (ou ont le sentimentd’avoir) la responsabilité du fonctionnement de la viequotidienne. A la charge de travail s’ajoute l’impres-sion de ne plus avoir de temps pour soi, de ne plusavoir de vie personnelle : « le matin, je me lève tôt pourpouvoir être un peu seule, déjeuner tranquillement ; lesoir c’est le stress, il faut récupérer le petit, allerchercher la grande à la gym ; mon mari n’est pas là,je ne peux pas aller au sport ».

La charge du quotidien ressentie par les femmes,notamment lorsqu’elles sont actives, ne tient passeulement à la durée accordée aux activités domes-tiques, mais aussi au cumul de tâches multiples àréaliser dans un créneau de temps court : ainsi, ausein des couples biactifs à temps plein, les femmesdéclarent effectuer en moyenne 6,5 activités domes-tiques quotidiennes, contre seulement 2,6 du côtédes hommes. Les femmes vivent globalement la viequotidienne de façon plus « pesante » que leshommes. Sur toutes les questions relatives au stress,au manque de temps ou aux difficultés d’organisation,les différences entre les deux sexes sont marquées.Ainsi, 67 % des femmes actives ressentent person-nellement le manque de temps (58 % des hommes) et57 % se déclarent « stressées par l’organisation deleur vie quotidienne » (42 % des hommes).

Par ailleurs, après 45 ans, la préoccupation de la priseen charge des ascendants se substitue pour partie àcelle liée à l’organisation de la vie familiale et, sur ce

point également, la charge en incombe plus fréquem-ment aux femmes qu’aux hommes: 20% des femmesde 45 à 74 ans se disent personnellement « très concer-nées par des problèmes de maladie, de handicap ou liésà l’âge d’un proche dont elles s’occupent», contre 13%des hommes.

Beaucoup d’hommes ressentent une certaine culpa-bilité dans le déséquilibre existant en leur faveur dansla répartition des tâches, et surtout dans le fait de nepas être assez présents. Nombre d’entre eux disentvouloir initier des solutions pour alléger les charges deleur compagne, qu’eux-mêmes n’assument pas ou peu :«mon épouse stresse pour toute la logistique et sonstress me stresse ». Mais, si les hommes semblent apriori ouverts à une prise en charge extérieure decertaines tâches, ils constatent aussi que c’est leurconjointe qui aura à supporter les implications d’unerecherche de solution : informations, recrutement,relations avec les intervenants… Les femmes sontdonc au cœur de la décision effective de recourir àdes services payants. Notamment parmi lescatégories jeunes ou aisées, beaucoup d’entre ellessont d’autant plus ouvertes à une délégation, au moinspartielle, qu’elles aspirent à un meilleur équilibre de vie et qu’elles ressentent moins de reconnaissance et de gratification à l’accomplissement des tâchesménagères.

Une aspiration montante à déléguer

Dans la pratique, la prise en charge des tâchesdomestiques reste donc majoritairement une problé-

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matique féminine. Cependant, une nouvelle idée de lamodernité prend forme dans ce domaine sur la basedu consensus social autour de l’égalité des sexes etde la conciliation entre vie familiale et vie profes-sionnelle. En effet, au cours des entretiens pratiqués,l’adhésion à une certaine représentation de lamodernité qui libérerait des contraintes et faciliteraitl’accès à un équilibre de vie a semblé constituer leprincipal levier d’une prise de conscience despossibilités offertes par les services à la personne.L’idée de bonheur qui émerge dans l’hypothèse d’unedélégation de certaines tâches correspond à la quêted’un état de sérénité où l’on disposerait de temps poursa vie sociale, pour sa vie de couple, pour son proprebien-être. Trois types de population sont très carac-téristiques de cette montée de l’aspiration à déléguer :les couples biactifs avec des enfants, les seniors etles familles monoparentales.

Les couples biactifs : les aides extérieureslégitimées par les contraintes quotidiennes

Chez la plupart des parents actifs, à côté despréoccupations d’ordre financier, la vie quotidienne estd’abord abordée sous l’angle du stress engendré parles difficultés à conjuguer obligations professionnelleset familiales. Les tensions apparaissent d’autant plusvives que les revenus sont limités. A contrario, plus de souplesse dans le budget rend la vie plus « trépi-dante », « variée », « pétillante ».Mais, au-delà de cette différence de vécu, plus difficilepour les uns, plus « dans le rythme » pour les autres,les emplois du temps sont avant tout ressentiscomme chargés et lourds à gérer. Le discours des

entretiens qualitatifs souligne un manque chronique detemps : « il faut courir, tout concilier comme le travail,les enfants, la famille, les activités, le conjoint », « le rythme, les horaires, le travail, les impératifs…, ilfaut se démultiplier ».

Les résultats de l’étude quantitative viennent large-ment confirmer cette perception qualitative. 70 % descouples biactifs avec des enfants à charge déclarentsouffrir du manque de temps (33 % le ressentent trèsfortement), 57 % se disent personnellement stresséspar le travail et 55 % par les problèmes d’organisationde la vie familiale. Dans ce classement des difficultés,« le manque d’argent » ne vient qu’en quatrièmeposition. Il est certes plus fréquemment évoqué parles ménages moins aisés, mais même parmi cesderniers, « le manque d’argent » n’est mentionnéqu’après « le manque de temps ».

Cela ne signifie pas que l’aspiration à gagner plusd’argent soit secondaire, la question posée évaluantdes contraintes et non des souhaits. Mais, lesfrustrations liées à la question du temps et le stressinduit par les difficultés à concilier vie professionnelleet vie familiale l’emportent sur les contraintes d’ordrestrictement financier : pour près de 85 % des couplesbiactifs avec enfants, « pouvoir mieux équilibrer ouconcilier sa vie professionnelle et sa vie privée »constitue une attente « importante » (« très importante »pour 45 %). Pour les ménages avec enfants, la doubleactivité conduit à une course permanente et le recoursà des aides pour un meilleur confort de vie est pour euxparfaitement légitime. Questionnés sur les différentsservices à la personne, ce sont eux qui se sont

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montrés les plus intéressés par la plupart des champsévoqués. A leurs yeux, le développement de cesservices s’inscrit dans une modernité bien acceptée.

Les seniors : les limites du « faire par soi-même »

De façon globale, la consommation de services d’aideà la personne est fréquente pour les plus de 75 ans etsurtout les plus de 80 ans, en raison de la difficultécroissante à accomplir certaines tâches avecl’avancée en âge. En revanche, entre 55 et 75 ans, le recours aux services « de facilitation de la viequotidienne » renvoie à des attitudes relativementcontrastées selon le niveau d’aisance financière. En cequi concerne les catégories aisées, le recours à uneaide rémunérée pour les tâches domestiques, en casde besoin, se pratique «sans état d’âme», et il le seraitsans doute davantage en cas d’extension de l’offre :près de la moitié des retraités aisés seraient ouvertsà l’utilisation éventuelle de services « de facilitation dela vie quotidienne », 23 % exprimant des intentions« fermes » (« oui, certainement »).

Pour ceux disposant de revenus plus faibles,l’utilisation de services d’aide aux tâches domestiquesreste moins fréquente (15 % d’utilisateurs parmi les retraités anciennement employés ou ouvriers,contre près de 30 % pour les retraités précédemmentindépendants, cadres ou professions intermédiaires).Cette moindre propension à une délégation destâches ménagères tient à un effet de mode de vie etde génération. Nombre d’activités de la vie quoti-dienne, notamment celles relatives au ménage, sont

vécues comme pesantes par une proportion impor-tante des 25-44 ans, voire des 45-64 ans. Au-delà de65 ans, cette perception devient moins marquée,notamment pour les femmes.Dans leurs représentations, ces dernières privilégientdavantage le fait de « faire par soi-même », et ced’autant plus que la contrainte du temps est moinsforte. La délégation d’actes élémentaires de la viecourante renvoie à une image de perte d’utilité, voirede début de dépendance : « déléguer mon ménage ?Je penserais que je ne suis plus bonne à rien, inutile »,« ne plus faire ses courses, c’est ne plus faire lesactes élémentaires de la vie ».

Toutefois, une évolution semble s’opérer dans lesesprits, avec un recentrage sur son propre bien-être etune aspiration à déléguer davantage, au moins lestâches les plus lourdes : le grand ménage (plutôt quele ménage courant), les vitres, le ramassage du bois,les petits travaux de réparation… Plus du tiers desretraités anciennement employés ou ouvriersexpriment des souhaits dans ce sens, et 15 % desintentions « certaines » (« oui, certainement »). Après lasoixantaine, la vie quotidienne apparaît aussi pourpartie rythmée par l’aide aux autres générations : « jen’ai pas de soucis pour moi, mais plutôt pour mesenfants ; en fait, on a les trois à gérer : les personnesâgées, c’est-à-dire nos parents, nos enfants et lespetits-enfants ». L’aide aux parents âgés est dansl’ensemble quasi revendiquée comme allant de soi, dumoins dans un premier temps, et les réticences àdéléguer restent importantes. Néanmoins, la prise encharge d’un proche en situation de perte d’autonomieest souvent génératrice de souffrance, voire d’un

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sentiment de dépossession de sa propre viepersonnelle ou sociale. Dans ce type de situation, lerecours éventuel à des aides extérieures est assezfréquemment envisagé (36 %).

Les familles monoparentales : une aspiration contrariée par les capacitésfinancières

Invitées à parler de leur vie quotidienne, les famillesmonoparentales, en l’occurrence majoritairement lesfemmes, ont largement évoqué une vie difficile. Lacontrainte financière, notamment, conditionne un faiblerecours à des aides extérieures payantes, là où lesautres difficultés du quotidien les rendraient particu-lièrement nécessaires : « un seul salaire ; on a desaides jusqu’à 6 ans pour les enfants, mais il faudraitque ça aille au-delà pour les femmes seules».Outre les difficultés financières, la multiplicité destâches à accomplir dans une course continue et lanécessité d’une improvisation permanente contribuentà renforcer le stress au quotidien et laissent peu deplace aux «bulles » de détente personnelle : « toujourscourir, ne pas pouvoir sortir », « il faut trouver quelqu’unpour garder les filles le week-end, c’est dur, alors on secoupe du monde».

Le recours au réseau familial et relationnel pour desaides extérieures de toutes sortes est à la foisobligatoire, du fait de ressources limitées, mais aussiprobablement source de réconfort. Ceci est particu-lièrement vrai pour tout ce qui touche aux enfants, àl’exception notable de l’aide aux devoirs et des cours àdomicile, ce type de services demandant davantage de

« technicité ». Pour autant, l’ouverture, en soi, à unedélégation de certaines tâches est tout aussi présenteque dans les autres segments de population active,notamment pour le ménage ou les services defacilitation des courses. Mais les projections dans cedomaine paraissent plus relever d’une aspiration qued’intentions fermes, nombre des services proposésétant jugés pour partie inaccessibles.

Un marché en développement

Un potentiel importantd’élargissement des utilisateurs

Quatre millions d’utilisateurs supplémentaires ?

Questionnées sur leurs intentions futures, plus de 40%des personnes interrogées déclarent souhaiter recourirà au moins un type de services à la personne («oui,certainement » : 18% ; «oui, peut-être » : 23%). Cetteproportion n’est certes pas directement extrapolable àune évaluation du marché potentiel. Cependant, en yajoutant les utilisateurs actuels (26%), elle montre que67% des ménages de plus de 25 ans sont aujourd’huiouverts à l’idée d’un recours à des aides payantes. Surla base des intentions certaines, le marché pourraits’accroître de quatre millions d’utilisateurs.Par ailleurs, une extrapolation effectuée à partir desréponses des enquêtés permet d’estimer à 7,1 milliardsd’euros le budget annuel total affecté aujourd’hui parles ménages aux dépenses de services à la personne(hors assistantes maternelles et dépenses liées à ladépendance).

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Cette estimation est trèscohérente avec celleeffectuée à partir del’enquête Budget desfamilles réalisée parl’INSEE en 2001, sur les postes recouvrant le mieux les services à la personne :7,9 milliards d’euros,mais dépenses decrèches et assistantesmaternelles comprises.

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Les personnesinterrogées étaientamenées à indiquerleurs dépensesmensuelles sur lesdifférents types deservices mentionnés,hors crèches et assis-tantes maternelles. Lerésultat global a étéobtenu en extrapolantces données àl’ensemble desménages et sur uneutilisation annuellerapportée à 10 mois. Il s’agit des dépensesprises en charge par les ménages eux-mêmes (emplois nondéclarés compris) etnon d’un volume dechiffre d’affaires dumarché. En effet, nombre deservices utilisésbénéficient d’aidespubliques directes(AGED, AFEAMA, PAJE,APA…) permettant deréduire une partie ducoût des services prisen charge par lesménages.

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De même, un calcul opéré à partir du montant que lesutilisateurs actuels et ceux exprimant des souhaits« fermes » (« oui, certainement ») accepteraient deconsacrer à ces services permet d’évaluer à 12 milliardsd’euros le montant total des dépenses potentiellesque les ménages pourraient leur dédier. Ce sont doncprès de 5 milliards d’euros supplémentaires qui pour-raient être dégagés par les ménages vers ce secteurd’activité.

Une sensibilité accrue aux problèmes de perte d’autonomie

Cette estimation exclut les emplois d’assistantesmaternelles, dont l’évolution dépend conjointement dela démographie (nombre des naissances et desenfants d’âge préscolaire) et de l’évolution des places encrèches. De même, elle ne tient pas compte de laprogression des besoins liés aux situations de perted’autonomie, difficiles à mesurer par voie d’enquête: les personnes interrogées ne peuvent, en effet, seprojeter sur ce plan tant qu’elles ne sont pas directementconfrontées à une telle situation.Dans ce domaine, le potentiel de développement estprobablement important, non seulement en raison del’effet « mécanique » du vieillissement de la population,mais aussi parce que la question de la perted’autonomie s’inscrit de plus en plus fortement dansles esprits : ne pas être un fardeau pour sonentourage, alléger les contraintes de la prise encharge d’un proche du côté des aidants.Ainsi, près de 20 % des personnes interrogées sedéclarent « personnellement très concernées » pardes problèmes de maladie, de handicap ou liés à

l’âge, pour elles-mêmes ou pour un proche dont elless’occupent, et près de 30 % d’entre elles (soit 6 % des ménages de plus de 25 ans) envisageraient« certainement » le recours à des services supplé-mentaires.

Une modification du profil de la demande

Le potentiel de développement du marché est doncimportant et, hors secteur de la perte d’autonomie, cesont sur les services de « facilitation de la viequotidienne» (ménage, petits travaux/bricolage, entre-tien du jardin…) ou les cours à domicile que portent pourl’essentiel les intentions. Toutefois, la confirmation desanticipations exprimées par les ménages reste soumiseà conditions. Elle dépendra pour partie de la capacitéde l’offre à répondre à l’évolution des besoins et à leverles freins existants. Elle tiendra aussi au degréd’incitation des mesures de solvabilisation de lademande contenue dans la « loi Borloo» et, notamment,à l’implication des différents acteurs dans le succès duCesu à montant prédéfini .

En effet, le profil des utilisateurs potentiels (horsservices liés à la dépendance et prestations de garded’enfant ) s’avère très différent de celui des utilisateursactuels, avec une réorientation de la demande vers lesjeunes ménages actifs et les catégories moins aisées :les 25-44 ans, qui ne constituent que 18% des utilisa-teurs actuels, représenteraient 28% des utilisateurspotentiels ; de même, ceux-ci comprendraient 18% de ménages employés ou ouvriers, contre seulement8% aujourd’hui. Cette déformation du profil de lademande future souligne un net élargissement de

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Cesu, pour partieabondé par lesemployeurs ou diverstypes d’organismes(caisses de retraite,mutuelles, assureurs,collectivitésterritoriales…).

Utilisateurs actuels + personnesenvisageant« certainement »le recours à ces services.

La prise en compte des services degarde ne serait paspertinente : en effet,il s’agit en large partd’un marché derenouvellement, lesenfants actuellementsusceptibles d’êtregardés étant rem-placés au fur et àmesure par d’autresplus jeunes.

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l’aspiration à déléguer certaines tâches de la viequotidienne au sein de la population. Encore faut-il quecette aspiration puisse se concrétiser.

Champs traditionnels, nouvelles attentes

La perte d’autonomie : atténuer l’isolement et aider les aidants

Les difficultés actuelles ou potentielles liées à lamaladie, au handicap ou à l’âge constituent une fortepréoccupation pour une partie importante de la popu-lation. 13 % des personnes interrogées (soit 3 millions

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de foyers) se disent personnellement « très concer-nées » par l’une ou l’autre de ces questions pour unproche dont elles s’occupent et 9 % pour elles-mêmes.Au-delà des prestations actuelles les plus fréquentes(aide ménagère, portage de repas, services de soinsplus spécifiques en cas de dépendance lourde), lademande renvoie à trois types de préoccupations.La première concerne la continuité des services dansle temps. Il s’agit en l’occurrence de pouvoir bénéficierdes services proposés à des créneaux horaires ou àdes périodes où ceux-ci sont plus difficilementaccessibles, ou de disposer d’un continuum deprestations à certains moments importants (retourd’hospitalisation…). Ainsi, 15 % des utilisateurs de

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Source : étude Caisse d’Epargne – CSA, décembre 2005.

Profil des utilisateurs actuels et potentiels de services de « facilitation de la vie », selon l’âge et la catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage

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services liés à la maladie, à un handicap ou à l’âgedisent avoir rencontré, pour eux-mêmes ou pour unproche, « des difficultés à trouver quelqu’un pour lanuit, les week-ends ou pendant les périodes devacances », et une proportion équivalente mentionne« des problèmes pour organiser un retour à domicileaprès une hospitalisation ».

Rompre ou atténuer l’isolement des personnes àmobilité réduite constitue une deuxième préoc-cupation forte. Les besoins affectifs, d’échange oud’ouverture sur l’extérieur sont fréquemment évoquéspar les personnes directement concernées et « pouvoir sortir davantage de chez soi et avoir plus devie sociale » représente une attente « très importante »pour plus de 40 % d’entre elles (contre 28% de l’ensemble des personnes interrogées). A cet égard, siles aides fournies à domicile apportent une réellecommodité, la demande porte aussi sur les facilités àse déplacer hors du logement tant que la santé lepermet : «ma grand-mère est inscrite au club dutroisième âge, mais elle n’y va qu’une fois par mois aulieu d’y aller toutes les semaines ». Parmi les différentsservices envisagés par les personnes concernées, lesaides les plus fondamentales (aide ménagère, aides aulever et au coucher) figurent certes en tête descitations, mais « l’accompagnement pour des dépla-cements à l’extérieur » se situe en troisième position etl’emporte sur « le portage de repas » ou « la livraison demédicaments à domicile ».

Au-delà des seuls aspects de commodité, le recours àdes services extérieurs renvoie également à un besoinplus psychologique de présence et d’écoute. L’aide

ménagère joue fréquemment ce rôle, avec parfois unecertaine ambiguïté dans la relation tripartite avec lapersonne aidée et l’entourage familial. Dans certainscas, la réponse au besoin de communication de lapersonne aidée semble en effet s’effectuer, aux yeuxde la famille, au détriment de l’efficacité dans lestâches à accomplir : « la femme de ménage arrive etma mère lui dit : « on va boire un petit café » ! Ça fait unlien social, mais nous — les enfants —, nous disonsque le ménage n’est pas fait, même si ça lui fait dubien ». Ce besoin d’écoute et de lien social se retrouvedans les attentes vis-à-vis des services de téléassis-tance et, à cet égard, l’expérience du SIRMAD esttout à fait illustrative : « un appel d’un abonné n’estjamais anodin. Soit il est émis pour informer d’un faitnouveau (chute, malaise, besoin particulier), ce quireprésente environ 16 % des appels, soit il se veutrassurant (pour vérifier que le matériel fonctionnebien), ce qui représente 22% des appels, soit c’est unedemande de rentrer en contact avec quelqu’un pourrompre le sentiment de solitude. C’est la majorité desappels. Ils représentent 62 % des déclenchementsqu’ils soient avérés ou dits “intempestifs” ».

La troisième préoccupation est exprimée par lesaidants pour eux-mêmes. Ils aspirent à être relayésdans leur action afin de pouvoir se ménager desespaces de liberté — soit ponctuels au cours de lasemaine, soit à certaines périodes de l’année — : « jesuis fille unique, à certains moments j’ai besoin devacances… En hiver, j’ai l’impression d’être aussi vieilleque ma mère ; j’ai demandé au médecin-conseil unepermission d’un mois dans une maison de repos unefois par an ; ça nous permet de partir en vacances ».

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Le SIRMAD est une antenne de la Fondation Caissesd’Epargne pour lasolidarité dont les activités recou-vrent notamment des plates-formes de téléassistance.Dans sa logique de prestation deservice, le SIRMAD atout particulièrementmis l’accent sur le suivi et l’écoute de proximité des abonnés, ainsique sur la formationdes intervenants àune telle écoute.

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Ils souhaitent également être soutenus et accom-pagnés dans la prise en charge de leurs proches : « il faut aider les proches qui entourent la personnemalade au quotidien, soulager leur souffrance… Il faudrait créer des coaches familiaux qui aident etstimulent l’entourage ». Près du quart des personnesconfrontées à ce type de situation se disent intéres-sées par « des conseils et une aide psychologique ».

Les enfants : gérer l’imprévu et assurer le parcours scolaire

La garde permanente des enfants d’âge préscolaireconstitue certes une préoccupation centrale, et ced’autant plus que, faute d’offre disponible, la recherched’une solution est souvent vécue comme un« parcours du combattant », notamment dans lesgrandes agglomérations. Mais, au-delà des modes de garde permanents, les attentes renvoient aussi à lapossibilité de trouver des solutions en cas d’imprévuet d’urgence. Cet aspect est celui pour lequel les besoins apparaissent les moins bien couverts, ledegré de l’urgence conduisant de plus à mettre en jeu la confiance dans la qualité de l’intervenant : « il faudrait trouver quelqu’un qui le garde, au moins letemps qu’on se retourne…, un service très rapide,SOS dépannage-assistance » ; « moi, je pose unejournée dans ce cas, je stresse trop si je ne connaispas la personne qui vient le garder ». Cette dimensiond’imprévu est très importante : en effet, les besoinsexprimés par les ménages avec enfants portent toutautant sur des solutions permettant de faire face à uneurgence qu’à des aides récurrentes ou systématiques.A titre d’exemple, la garde ponctuelle des enfants en

cas de maladie représente « un casse-tête » pour plusde 40 % des parents d’enfants de moins de 10 ans.

L’élargissement de la demande s’effectue égalementen direction de l’aide aux devoirs et des cours àdomicile. La grande majorité des parents se montrenttrès concernés par ce thème : leur désir de bien faireet de remplir au mieux leur rôle d’éducateur estlargement exprimé, d’autant que la réussite scolaireest de plus en plus perçue comme nécessaire carengageant fortement l’avenir. Dans ce contexte defort investissement, l’aide aux devoirs des enfants estlargement prise en charge par les parents ou, tout aumoins, décrétée devoir l’être, d’où l’expression d’uneréticence de principe à une délégation extérieure dansce domaine. Toutefois, cette réticence s’atténue aprèsle passage au collège ou en cas de situation conflic-tuelle. L’ouverture au recours à des services payantsdans ce domaine est importante et largement répartieau sein des différentes populations concernées : lesintentions d’utilisation éventuelle dépassent 30 %parmi les parents d’enfants de 11 à 17 ans, et ellessont aussi élevées chez les ménages employés ououvriers qu’au sein des familles cadres ou professionsintermédiaires.Cependant, entre les deux préoccupations centralesque constituent les modes de garde adaptés et laqualité du parcours scolaire des enfants, les besoinssemblent aussi s’orienter vers des solutions mixtes,notamment lorsque les enfants grandissent. En effet, lerecours à une garde régulière, de type sortie d’écolepar exemple, est parfois perçu comme un servicepartiel et insuffisant pour occuper pleinement lapersonne intervenante, si elle ne peut assurer en même

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temps une activité complémentaire de suivi/contrôledes devoirs : «quand vous avez quelqu’un à domicile, ilgarde les gamins, mais il ne fait pas grand-chose». Or,sur ce plan, les expériences mentionnées paraissentpeu satisfaisantes. Entre la seule garde des enfants etle recours à des cours à domicile requérant une réellespécialisation, se situe donc un espace intermédiairequi semble aujourd’hui mal couvert.

L’aide aux tâches ménagères : du récurrent à l’occasionnel

L’aide aux tâches ménagères représente le secteuroffrant le potentiel de développement le plus

important. 37 % des ménages seraient favorables aurecours à des prestations dans ce domaine, 14 %l’envisageant de façon « certaine » (« oui, certai-nement »). De plus, les intentions exprimées recou-vrent des publics beaucoup plus diversifiés que lesutilisateurs actuels, en termes d’âge ou de profil socio-professionnel.

En revanche, cet élargissement de la consommationpotentielle s’accompagne d’une modification de lademande. En effet, le discours recueilli dans l’approchequalitative souligne une aspiration fréquente à unedélégation seulement partielle ou occasionnelle destâches domestiques: «si je suis fatiguée, si j’ai mal au

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Part des utilisateurs actuels et des intentions d’utilisation des différents types de services à la personne

Source : étude Caisse d’Epargne – CSA, décembre 2005.

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dos, pour le repassage ou le lavage par terre, j’aimeraisbien une aide des fois, pas tout le temps, maisponctuellement » ; «ça m’intéresserait si c’est ponctuel,à la carte ; la régularité peut être une contrainte parceque parfois, il n’y a pas grand-chose à faire ». Dans lesintentions exprimées par les personnes interrogées,« le ménage de fond » de temps en temps est d’ailleursautant évoqué que « le ménage courant » effectué defaçon récurrente. La possibilité de solutions « à lacarte » est d’autant plus importante que la crainte d’unengagement dans la durée ou le sentiment d’absenced’offre pour des besoins limités confortent souvent lesréticences à recourir à des aides extérieures. Derrièreces attentes, émerge l’idée d’une forme de « libre-service » de prestations, où chacun pourrait trouver laréponse correspondant à ses besoins… et à sespossibilités financières.

Le bricolage et les petits travaux à domicile renvoientaussi à des besoins occasionnels, vis-à-vis desquelsles solutions offertes actuellement paraissent peusatisfaisantes. La difficulté à trouver des prestatairesest largement évoquée en raison du désintérêt desartisans traditionnels pour les petites réparations :« aucun artisan n’accepte de se déplacer, il fautgrouper les petits travaux » ; « personne ne veutchanger le robinet qui fuit, ça n’intéresse personne ».Dans ce domaine, les attentes portent sur la rapiditéde réaction des intervenants — le recours au services’effectuant souvent dans un contexte d’urgence — etsur une offre labellisée de services, d’autant plussouhaitée que les sociétés actuelles de dépannageinspirent de la méfiance. Le fonctionnement imaginélors des groupes qualitatifs est celui d’une mise en

réseau des artisans locaux, fédérés par un organismecaution, permettant souplesse et réactivité, voirel’offre d’un service permanent de dépannagemultifonction : « le lave-vaisselle fuit, on appelle uneplate-forme qui nous bascule vers le plombier le plusproche ; chaque artisan a un talkie-walkie et peutrecevoir les appels » ; « payer une société au mois ouà l’année ; il y aurait pas mal de corps de métiers eten cas de panne, une personne se déplacerait ».

Nouveaux besoins, nouveaux services

Si l’aide aux personnes âgées, les services à l’enfanceet la prise en charge des tâches ménagèresconstituent l’essentiel de la consommation deservices à la personne, de nouveaux marchésémergent aujourd’hui en réponse à des besoins dontl’expression est récente et la couverture encorelimitée. Qu’il s’agisse de coiffure, de soins de beautéou d’aide informatique à domicile, de gardiennage oude coaching, ces services se situent à la périphérie,voire en dehors des activités habituellement prises encharge par un membre de la famille. La question de ladélégation à une tierce personne ne se pose donc pasdans les mêmes termes. En particulier, les freins liésà l’intimité, à l’image de soi ou aux habitudes ont peude prise sur ces nouveaux services. De même, laréférence à la domesticité est de facto moinsprésente. La technicité ou, à tout le moins, la spécia-lisation qui caractérise ces nouveaux services favorisel’instauration d’une relation professionnelle etcontractuelle et neutralise le malaise à être employeur.Lors des entretiens, à l’évocation de ces services, il a

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été frappant de voir à quel point certains seprojetaient facilement, voire avec enthousiasme, dansleur utilisation, à condition bien sûr de disposer demarges de manœuvre financières.

Au total, à un titre ou à un autre, 27 % des personnesinterrogées disent utiliser ou avoir utilisé au moins unefois l’un de ces services, et 28 % supplémentairesenvisagent de le faire. Cette forte sensibilité tient enpartie à une certaine insatisfaction face aux réponsestraditionnelles — ou à l’absence de réponse — à cesbesoins. La défiance à l’égard de certaines formesorganisées, voire industrielles, d’assistance informa-tique, les problèmes de disponibilité en temps ou les difficultés d’accès en zone rurale à certainesprestations de coiffure ou de soins de beauté, ladifficulté à utiliser véritablement dans le temps unabonnement pour participer à des séances de remiseen forme, sont autant d’exemples d’opportunités dedéveloppement d’offres nouvelles ou de qualité. Au-delà de questions de rareté ou d’insuffisante qualitédes solutions actuelles, les réactions positives à l’idéed’une large palette de services spécifiques renvoient ànouveau à l’idée de « libre-service » de prestationsrépondant à l’émergence de multiples aspirationsindividuelles. Celles-ci recouvrent le bien-être et laréalisation de soi, la sécurisation et la commodité.

Les services de bien-être suscitent un réel attraitauprès des catégories actives et relativement jeunes.Pour ces dernières, ils s’inscrivent dans les valeurscontemporaines de droit au plaisir et à la réalisationde soi, mais ils renvoient aussi au devoir de s’assu-mer et de s’adapter à un environnement social ou

professionnel de plus en plus « exigeant ». Ainsi, lecoaching, même s’il reste peu utilisé et fait parfoisréférence à un univers lointain (« ça fait américain » ;« ça paraît inaccessible, ça fait star »), et s’il ne donnepas lieu à des intentions affirmées d’utilisation, estaujourd’hui présent dans les esprits. Le mot lui-mêmea été évoqué spontanément dans les groupesqualitatifs, en ville moyenne comme en grandeagglomération. Le coaching est mentionné en relationavec la forme physique, mais aussi en termes d’aideau développement personnel pour une meilleureassurance ou réussite dans la vie : « pour avancerprofessionnellement, nous dire ce qu’il ne faut pasfaire » ; « mon épouse, après quatre enfants, avaitbeaucoup de mal à retrouver du travail ; un copain psylui a redonné une autre image d’elle-même, il lui a dit :« il faut que tu fasses attention à ton look » et c’estcomme ça qu’elle a retrouvé du travail ; le coach, çaconcerne aussi la remise en forme psychologique ».

Les résultats de l’étude quantitative confirment d’ailleurscette perception qualitative : parmi une sélection de huitattentes concernant la vie quotidienne, « pouvoiraccorder plus d’attention à sa forme physique et à sonbien-être » figure en troisième position dans leclassement des priorités mentionnées par les Français.De même, les services de coiffure ou de soins debeauté à domicile (ou chez des amis) sont déjà utilisés,au moins occasionnellement, par 12 % des personnesinterrogées : ils répondent à des besoins de commo-dité, notamment en zones rurales, mais aussi à unattrait pour des formes nouvelles d’offre et à unedemande de convivialité (lorsque le recours à cesservices s’effectue en commun avec des amis, avec à

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la clef, une limitation des coûts), du côté des populationsjeunes ou aisées.Le second champ offrant un potentiel de développementrelève de la sécurisation de la vie quotidienne, qu’ils’agisse du gardiennage/télésurveillance du logement oudes services de téléassistance relatifs à des per-sonnes concernées par des problèmes de santé ou deperte d’autonomie. Le recours à ces prestations estencore limité (10 % d’utilisateurs de services de télé-assistance parmi les plus de 80 ans) mais, dans lasphère des « nouveaux » services, ces deux domainesrecueillent les intentions d’utilisation à venir les plusimportantes : 8 % d’intentions positives en ce quiconcerne le gardiennage ou la télésurveillance dudomicile, 9 % du côté des services de téléassistance.

Pour ces derniers, le potentiel de souscription atteintson niveau le plus élevé parmi les 45-74 ans (plus de10 %), et non au sein des catégories les plus âgées(5 % d’intentions chez les plus de 80 ans), pourtantdirectement concernées par ces services. Ce para-doxe souligne les réticences des personnes suscep-tibles d’être aidées et l’importance de la prescriptionde l’entourage familial.L’aide informatique à domicile est également assezfréquemment évoquée et elle correspond à un vraibesoin, même si l’utilisation de prestations payantessemble en partie limitée par la rareté des offres dequalité actuellement disponibles, le coût imaginé pourdes services potentiels et le recours fréquent à l’aidede l’entourage. Les attentes et les intentions dans ce

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Source : étude Caisse d’Epargne – CSA, décembre 2005.

Part des personnes interrogées ayant déjà recours et envisageant de recourir àdifférents types de services rémunérés à domicile

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domaine sont davantage exprimées par les femmesau sein des catégories jeunes, et au contraire par leshommes parmi les retraités. Sur un plan plus général,les différentes prestations regroupées sous le label« nouveaux services » ne sont pas toutes éligibles auCesu et aux possibilités de déductions d’impôt corres-pondantes. Elles s’inscrivent, cependant, dans unmouvement de multiplication et de personnalisation debesoins très disparates. Certains domaines ressor-tent davantage, et il s’agit d’un marché importantglobalement. Mais chaque type de services constitueun créneau de « niche » impliquant, pour des grandesenseignes d’offres, une capacité à effectuer unesélection de qualité des intervenants et à disposer derelais de proximité suffisants pour répondre auxdemandes potentielles.

La confrontation à l’offre

Une aspiration à l’intermédiation

Satisfaction ou accommodement ?

Sur la plus grande partie des services testés lors del’enquête Caisse d’Epargne – CSA, le taux de satis-faction des utilisateurs est de l’ordre de 80 %, avecune proportion s’élevant souvent à plus de 50 % depersonnes très satisfaites. Il semble toutefois qu’àbien des égards, les utilisateurs se contentent d’avoirtrouvé une solution convenable plutôt qu’ilsn’expriment une satisfaction pleine et entière. Ainsi,en matière de tâches ménagères, 22 % desutilisateurs actuels ou passés évoquent un manquede compétence ou de qualité et 12 % un manque de

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confiance. Concernant la garde d’enfant, 24 % disentavoir rencontré des problèmes d’horaires ou devacances et 14 % un manque de compétence et dequalité. Qu’il s’agisse des services liés à la perted’autonomie, à l’enfance ou aux tâches ménagères,environ 40 % des utilisateurs actuels ou passés disentavoir rencontré au moins une difficulté liée auxmodalités de prestation du service. L’insatisfaction etles problèmes rencontrés à l’occasion d’une pres-tation de services sont beaucoup plus fréquents dansles grandes agglomérations et, en particulier, enrégion parisienne : effet d’une rareté de l’offre dansles grandes villes ou bien degré d’exigence plus forten milieu urbain ?

Par ailleurs, certains services comme les cours àdomicile et l’aide à la perte d’autonomie, à la maladieou au handicap présentent des taux de satisfaction enretrait. Cette insatisfaction relative est d’autant plusmarquée que les fonctions ont été prises en chargepar un organisme. Ces différences d’appréciationsuivant les services et les modes de délégationrenvoient certes à des questions de qualité ou d’orga-nisation de l’offre. Cependant, elles traduisent aussi undegré d’exigence plus élevé quand le bénéficiaire n’estpas l’employeur ou quand la prestation concerne unproche plutôt que le donneur d’ordre directement.

Les accommodements de l’emploi direct semblentdonc céder la place à des exigences plus précises,dès lors qu’un intervenant joue le rôle d’intermédiairespécialisé sur le marché. Ces offreurs devront doncprioritairement faire la preuve de la qualité de leursprestations pour se développer.

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Enfin, l’intérêt latent pour divers types de services à la personne a du mal à se concrétiser en l’absenced’une visibilité suffisante des offres existantes.Lors des entretiens qualitatifs, le faible niveau d’infor-mation sur les services proposés (de même que surles aides financières accessibles et les démarchesadministratives à effectuer) et la communicationréduite des enseignes ou des organismes intervenantdans ce secteur, contribuent à freiner le recours àdes prestations extérieures : « on ne pense pas à fairele premier pas » ; « on ne sait pas où aller, ça paraîtpénible, difficile, on ne sait pas que les chosesexistent ».

De l’emploi direct à la prestation de services

Cette absence de visibilité de l’offre et des acteurs,hormis les créneaux spécifiques que sont la petiteenfance et les personnes en situation d’autonomieréduite, constitue un des facteurs explicatifs de lafréquence du recours à l’emploi direct effectué surrecommandation de l’entourage dans l’utilisationactuelle des services à la personne. Pour la plupartdes champs analysés, l’emploi direct par un particulierdevance de loin le passage par un organisme(mandataire ou prestataire) : la part des utilisateurs deservices employant directement quelqu’un varie entre65 % et près de 80 % dans la plupart des domaines.Le recours à des organismes est cependant plusfréquent en ce qui concerne les cours à domicile(45 % des citations), et surtout les services liés augrand âge ou à la perte d’autonomie, pour lesquels laplace de l’offre intermédiée est prépondérante (67 %des utilisateurs). De même, le « bouche à oreille » reste

la principale source d’information quant au choix desintervenants dans les domaines de prestations les plusarbitrables (gardes ponctuelles des enfants, tâchesménagères, petits travaux à domicile, entretien dujardin…).

Pour autant, le recours à des offres intermédiées n’estpas récusé, bien au contraire. Placées en situation dechoix potentiel, plus de 65 % des personnesintéressées par une utilisation future de services à lapersonne privilégient le passage via un organisme parrapport à l’emploi direct et cette proportion atteint85 % pour les aides relatives à la perte d’autonomie.Le report de l’emploi direct vers une prestation deservices est envisagé d’autant plus naturellement quela demande nécessite des réponses impliquant unespécialisation et de véritables compétences (aide auxpersonnes âgées, cours à domicile, entretien du jardin,petits travaux ou dépannage…). Il s’impose égalementde fait pour des besoins « à la carte », occasionnels ouliés à une urgence, la structure d’intermédiation jouantalors un véritable rôle de facilitation d’accès auxservices souhaités.En revanche, plus l’investissement affectif dans lasphère concernée est important, plus les relationsinterpersonnelles et la recherche individuelle desolution sont privilégiées : c’est notamment le cas pourtout ce qui touche à la petite enfance, exception faitedes gardes pour un dépannage d’urgence.

Une forte attente de qualité

Les utilisateurs potentiels de services à la personneperçoivent d’ailleurs les bénéfices du passage du

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statut d’employeur à celui de client dans le cadred’une prestation. Les avantages potentiels renvoientcertes à des attentes de qualité et de compétence,mais également à des dimensions de liberté, detranquillité d’esprit et de commodité. Au-delà de laprise en charge des aspects administratifs, c’est bienle fait de ne pas être trop lié par un engagement et dedisposer d’une liberté de manœuvre qui sembleprévaloir : « c’est plus facile avec un organisme, onn’ose pas toujours dire à la personne que ça ne vapas » ; « on n’a pas la contrainte de devoir licencier lapersonne qu’on salarie… On est libre, on domine lasituation » ; « on se sent moins lié, c’est plus facile dese désengager, on ose plus demander des choses,une heure de plus… ».

La contrepartie au passage par un organisme estimplicitement une attente de qualité du travailpermettant de justifier un coût jugé a priori plus élevéque celui proposé dans le cadre d’emplois directs, a fortiori lorsqu’ils ne sont pas déclarés. Et, aux yeuxdes personnes interrogées, la compétence et laqualité ne sont pas toujours avérées. L’un des enjeuxprincipaux des prestataires de services sera denourrir la confiance des clients potentiels sur lerecrutement des intervenants, mais aussi sur leurcapacité à diagnostiquer les besoins effectifs et àsuivre dans le temps la qualité de la prestation : « la confiance, ça ne s’achète pas, ça se crée par ladiscussion ». Ce commentaire, certes émis par unepersonne plutôt réticente au recours à desorganismes, est néanmoins symptomatique del’importance de la relation directe et de la proximitécomme facteurs de confiance.

Recommandation et proximité

Aujourd’hui, le « bouche à oreille » et la recomman-dation de l’entourage restent les principales sourcesd’information pour le choix des intervenants etconstituent une forme de caution par rapport à ladécision retenue. Cette caution est égalementimplicitement demandée lorsqu’il s’agit d’unorganisme prestataire. Les acteurs les plus fréquem-ment évoqués dans les intentions d’utilisation future deservices sont les collectivités territoriales et lesassociations. Leur légitimité est tout particulièrementperçue dans les secteurs relevant peu ou prou del’aide sociale (aide aux personnes handicapées ouâgées…). Cette « prime » accordée aux secteurspublic, parapublic ou associatif renvoie d’ailleurs auxreprésentations de l’offre existante. Néanmoins, leconcept d’enseignes nationales multiservice, testédans les groupes qualitatifs, tend à ancrer l’idée d’unrecours à des services à la personne à la carte quiferait évoluer les méthodes des offreurs vers destechniques commerciales classiques: «être sollicité,trouver un papier dans sa boîte à lettres ; une heuregratuite de ménage ou de repassage, on essaie, on faitle bilan et on voit si ça va ou si ça va pas» ; «on auraitplus tendance à consommer si on avait un créditd’heures qu’on peut utiliser comme on veut pour duménage, du déneigement ».

Mais ces enseignes devront parvenir à marier lesatouts d’une offre structurée et large avec une imagede proximité, relationnelle et géographique. La concur-rence entre les différents types d’intervenants s’estélargie ; ils sont cependant pour partie complé-

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mentaires, tant en termes de relais de soutien etd’information (les collectivités territoriales, notam-ment), que de capacité à construire des offresdisponibles sur l’ensemble du territoire et conjuguantles savoir-faire de chacun.Enfin, les entreprises d’insertion semblent bénéficierd’un positionnement et d’une image spécifique dansce panorama des acteurs : elles sont évoquées, etutilisées, comme des alternatives possibles(repassage, petits travaux d’entretien), parfois enraison de leurs tarifs supposés compétitifs, mais aussid’une dimension sociale et humaine à recourir à leursservices : « ça les aide, on a quand même du cœur, onne sait pas si ça ne peut pas nous arriver ». Preuvequ’entre une vision marchande et une vision sociale, leregard porté sur les services à la personne demeureambivalent.

Le « travail au noir » : un entre-deux déculpabilisant, mais une solutionqui ne fait pas l’unanimité

Si la pratique du « travail au noir » reste très fréquenteen France (plus de 2,8 millions de ménages utilisa-teurs pour les seuls services à la personne), sonimage sociale renvoie à celle, très dégradée, desemployeurs qui ne déclarent pas leurs employés. Par divers moyens, cette image est détournée, voireretournée, pour déculpabiliser l’utilisateur.

Ce n’est pas du travail…

Ainsi, pour beaucoup de Français, n’entrerait pas danscette catégorie un travail qui ne serait pas susceptible

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d’être exercé au sein d’entreprises par des profes-sionnels dont ce serait la principale source derevenus. Comme l’évoque une femme active élevantseule son enfant : « une baby-sitter, ce n’est pas dutravail au noir. Elle ne prend pas le travail de quelqu’un,elle dépanne deux ou trois heures, c’est un petitservice. Par contre, femme de ménage, c’est un vraitravail, je ne veux pas de travail au noir ».

Dans un autre registre, la justification tient à la logiquenon marchande dans laquelle l’utilisateur s’inscrit.L’employeur se situe alors dans un système de troc etde solidarités de proximité, plutôt que de consom-mation : « un petit jeune me donne des cours d’infor-matique, 15 euros de l’heure… C’est un échange, untête-à-tête ». La relation qui s’instaure alors estprésentée comme équilibrée, « d’égal à égal », voirede participation commune. Pour ceux qui répugnent àentrer dans une relation hiérarchique, elle apparaîtégalement satisfaisante : plus facile à gérer, elle nesuscite pas de contradiction chez les personnesrefusant par principe d’instaurer un lien de subor-dination.

De façon générale, la tolérance est beaucoup plusmarquée pour des interventions ponctuelles que pourdes activités récurrentes. Enfin, il est fréquentd’associer au travail non déclaré une finalité d’aide. Il procure alors un sentiment gratifiant de pouvoir« rendre service » à des personnes en leur offrantl’occasion de gagner de l’argent : « je préfèreavantager ma voisine » ; « je préfère avantagerquelqu’un qui a besoin de travailler, un chômeur quel’on dépanne ».

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Une conscience croissante des risques, un intérêt financier en question

Le coût et la commodité sont les principaux avantagesmentionnés à propos du travail non déclaré. L’intérêtfinancier des deux parties (prix plus faible et non-déclaration) à ne pas assumer les charges fiscales etsociales se doublerait de plus de simplicité et desouplesse de fonctionnement : « les choses se fontcomme ça, d’un commun accord ». Les délais d’inter-vention seraient plus courts et les modalités mieuxadaptées aux contraintes horaires ou matérielles dudonneur d’ordre : « il vient quand vous êtes disponible,il s’adapte à vos horaires, il fait ça en dehors de sontravail ».

Ces bénéfices clairement identifiés s’accompagnentcependant de peurs ou de réserves qui, occultéesdans la pratique, ne sont pas pour autant jugéesnégligeables. La crainte d’être identifié par l’admi-nistration n’émerge guère. En revanche, certainespréoccupations sont fortes : le risque pris en casd’accident (risque moral, comme risque juridique oufinancier : «en cas d’accident, on peut le payer cher ») ;l’absence de garantie et de recours en cas d’insatis-faction ; une relation qui manque de clarté avec unrisque d’engagement moindre ou déséquilibré (« il y aune relation d’interdépendance car on n’ose pas direvraiment ce que l’on pense » ; « je compte sur elle etelle peut partir du jour au lendemain si elle trouvequelque chose de mieux »).

Par ailleurs, l’avantage financier est finalement mis enquestion : l’absence de déduction fiscale, les tarifs

effectivement pratiqués, les risques encourus…autant de raisons de relativiser un avantage qui aperdu beaucoup de son pouvoir de conviction. Enfin,en mineur, l’interrogation éthique est présente : lerisque de priver une personne de ses droits sociaux,comme celui d’être assimilé à un exploiteur, affleurechez certains, même si « ça les arrange ».

En effet, autre forme de déculpabilisation ou réalité demarché, le constat est souvent fait d’un mode derelation imposé par les employés : « les femmes deménage n’acceptent pas le travail déclaré. Là, c’estnet, elles aiment mieux avoir 10 euros dans leurpoche ». La volonté d’éviter de déclarer ses revenusou une partie d’entre eux, chez les personnesemployées, aurait donc un impact majeur sur l’impor-tance du « travail au noir ». Cela supposerait soit unmauvais fonctionnement du marché, qui ne permetpas un accès facile à l’ensemble de l’offre disponible,soit une insuffisance de l’offre, qui pourrait être plusfréquente dans les grandes agglomérations.

Les leviers pour lutter contre le « travail au noir » sontdonc multiples. En matière de coût et de commodité,la communication sur les aides, les déductionspratiquées et le fonctionnement des outils desimplification administrative (notamment le Cesu)devraient certainement être mis en avant. Cependant,d’autres leviers semblent plus prometteurs : mettre enévidence les risques encourus par les employeurs (« il faudrait faire peur »), élargir l’offre et expliciter pourles salariés les pertes réelles (en termes de couver-ture sociale, voire de pouvoir d’achat) associées à lanon-déclaration.

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Méthodologie :Indépendamment des enquêtes qualitative et quanti-tative sur le recours des ménages aux services à lapersonne présentées en début de deuxième partie,l’analyse qui suit s’appuie principalement sur desenquêtes et des travaux menés par la DARES etl’IRCEM, ainsi que sur trois études ad hoc :

n une enquête réalisée pour la Caisse d’Epargne parCSA en décembre 2005 auprès de 300 respon-sables des ressources humaines d’entreprises de50 salariés et plus : l’échantillon, construit selon laméthode des quotas afin de disposer d’un nombresuffisant d’entreprises dans les diverses stratesd’effectif salarié, a ensuite été redressé selon le profil de l’ensemble des entreprises de plus de50 salariés ;

n l’enquête Emploi de l’INSEE menée en compilant les enquêtes Emploi réalisées de 1994 à 2002. Encroisant la classification des emplois par codeNAF700 (Nomenclature d’activités française détail-lée en 700 postes) avec la classification des emploispar profession, il est possible d’isoler plus finementles activités qui composent les emplois desservices à la personne et non pas uniquement lesemployés de maison ou les aides à domicile ;

n une approche qualitative réalisée par Brigitte CroffConseil et associés pour la Caisse d’Epargne sur labase de 24 entretiens approfondis d’intervenants àdomicile, répartis selon le type d’emploi (garded’enfant, femme de ménage, aide aux personnesâgées) et le statut (emploi direct ou salarié d’unorganisme).

DES LEVIERS POUR LA DEMANDE, DES BESOINS DEVALORISATION POUR L’OFFRE

La « loi Borloo », un potentiel de développement et de passage au travail déclaré

Interrogés sur le caractère incitatif des mesures de la« loi Borloo » à destination des particuliers, les répon-dants à l’enquête CSA pour la Caisse d’Epargne sontplus de 60 % à déclarer que, dans l’ensemble, cesmesures devraient les conduire à utiliser davantageles services à la personne, avec 25 % d’affirmationscertaines. Ces intentions certaines de recours plusimportant suite à la mise en place de la loi vont crois-sant avec l’âge, au moins jusqu’à 75 ans. Ce sontd’ailleurs les retraités appartenant auparavant à descatégories aisées qui se déclarent les plus intéressés(33 %), juste après les chefs d’entreprise et lesprofessions libérales (35 %), les réponses des cadresou des employés se situant dans la moyenne, soitautour de 25 %.

Ces mesures pourraient avoir un double impact sur laconsommation de services. Elles devraient non seule-ment développer le volume de consommation desutilisateurs actuels — 32 % d’entre eux sont certainsd’y recourir —, mais aussi convertir certains non-utilisateurs : 21 % d’entre eux sont certains de franchirle pas suite à ces mesures et 13% qui, non-utilisateurs,avaient déclaré n’avoir aucune intention de recoursfutur, se disent désormais certains de faire appel àces services. Au-delà de l’effet d’entraînement sur la

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Parmi les mesures de la« loi Borloo», quatre ontfait l’objet d’uneinterrogation au cours del’enquête. Il s’agit du faitde mobiliser de grandesenseignes, de disposerd’une garantie de qualité, de simplifier les tâchesadministratives et dedéduire de ses impôts50% des sommespayées.

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consommation, celui-ci est susceptible de modifier lafaçon de consommer des ménages. En effet, 30% desutilisateurs pensent qu’avec ces nouvelles règles du jeu,ils seront certainement incités à s’adresser à unorganisme plutôt que d’employer directement quelqu’un.Ce sont les utilisateurs de services d’aide au maintien àdomicile pour leur compte ou pour celui d’un proche quisemblent les plus incités à se rediriger vers des orga-nismes en raison de ces mesures (51% de «oui, certaine-ment »). Pour ce qui est de la volonté affichée detransformer en travail déclaré une partie de l’activitésouterraine, les résultats de l’enquête semblentprometteurs. Ainsi, 56% des utilisateurs de servicespensent que ces mesures sont de nature à les inciter àrecourir davantage à des emplois déclarés. Cetteproportion atteint même 64% chez les utilisateurs deservices de petit bricolage et 63% chez les utilisateursde services d’aide au maintien à domicile. Il est éga-lement intéressant de noter que la « loi Borloo» semblejouer un effet préventif plus encore qu’un effet « réédu-cateur » dans l’utilisation du « travail au noir ». En effet,65% des non-utilisateurs qui évoquaient avec certitudele fait de recourir à l’avenir à un service déclarent queles mesures du plan les encourageraient à recourirdavantage à du travail déclaré, alors qu’ils ne sont que56% chez les utilisateurs actuels.

Parmi les quatre grands leviers mis en exergue par la« loi Borloo» afin de dynamiser la demande de services,derrière l’intérêt porté à la défiscalisation, la garantied’une qualité des prestations et la simplification des tâches administratives sont citées par environ un tiers des enquêtés. Si les consommateurs semblentcomprendre tout l’intérêt de mettre en place des

contrôles de qualité et des instruments de facilitationdes démarches, l’apport que pourrait représenterl’implication de grandes enseignes, le quatrième levier,leur semble encore à démontrer. Il ressort trèsclairement de l’enquête que la déduction d’impôt est deloin la mesure la plus incitative, tout particulièrementchez les utilisateurs actuels de services. Ce résultatconduit à s’interroger sur le niveau d’information, delisibilité et d’intégration par les utilisateurs des mesuresprises à différentes époques. En effet, cette défiscalisation—même si elle est aujourd’hui remise en avant— existedepuis 1992 et a vu son plafond à nouveau élevé en 2003. Au-delà de la solvabilisation de la demande,l’information jouera un rôle incitatif important dansl’émergence de la demande de services.

L’entreprise, un acteur clef qui reste à convaincre

Le plan Borloo prévoit également d’agir sur l’offre deservices via les entreprises, les mutuelles, lescollectivités locales et les caisses de retraite, avec lamise en place du Cesu à montant prédéfini . Cettestratégie de mobilisation des acteurs, non seulementcomme offreurs, mais aussi comme prescripteurs etvecteurs de diffusion, est nouvelle, en particulier pour lesecteur privé où elle renvoie aux initiatives britanniques,qui ont connu un large écho.

Une prise de conscienceprogressive

Les responsables de ressources humaines interrogésmettent logiquement au premier rang de leurs

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Celui-ci sera vendu par les entreprises à leurssalariés pour un montantinférieur à sa valeurfaciale et permettra à cesderniers de payer unemployé ou un organismede services à la personne.Les utilisateurs devrontpar ailleurs s’acquitter des charges sociales, si elles ne sont pascomprises dans le prix de la prestation. Ilspourront ultérieurementdéduire de leurs impôts50% du coût total duservice, hors abondementde l’entreprise (prix duchèque payé à l’entrepriseplus les charges sociales).

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préoccupations des questions relatives à l’efficacitééconomique. Toutefois, la productivité ou la réductionde l’absentéisme sont reléguées derrière la motivationet la fidélisation des salariés. La création de valeursemble donc reliée à la valorisation du capital humainde l’entreprise, tout autant qu’à l’optimisation de cecapital humain. Les préoccupations de parité femme-homme, de réduction du stress ou d’articulation entrevies professionnelle et familiale sont moins fortes,même si elles ne sont pas marginales, notammentdans les entreprises où les femmes sont majoritaires.Ce niveau d’adhésion semble montrer que les respon-sables d’entreprise ont dépassé l’effet de mode, untemps associé à ces problématiques, et prennent en

compte progressivement le respect de certainespratiques que le concept de développement durable apromues. Néanmoins, contrairement à ce que l’onpeut constater au Royaume-Uni, le lien ne semble pasétabli de façon directe entre la productivité, l’absen-téisme ou la motivation, d’une part, et la réduction dustress ou la conciliation entre vie familiale et vieprofessionnelle, d’autre part. La conviction que cesdémarches contribuent à l’efficacité économique resteprobablement à renforcer.

La faible diffusion d’offres de services aux salariés sur lelieu de travail vient corroborer cette analyse : seulement7% des salariés interrogés disent en bénéficier et 6%

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Une prise de conscience progressive par les responsables RH des enjeux liés au stress et à l’équilibre de vie des salariésQuelles sont les principales préoccupations RH de votre entreprise ?

Source : étude Caisse d’Epargne – CSA réalisée auprès de 300 responsables RH d’entreprises de plus de 50 salariés, décembre 2005.

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des entreprises proposent des services de conciergerieou des solutions pour la garde d’enfant, le pressing,l’entretien de la voiture, une billetterie/réservation, desinformations ou conseils divers… Cette proportionn’augmente significativement que dans les plusgrandes entreprises (au-delà de 500 salariés), dont13% offrent ces prestations ; 6% d’entreprises supplé-mentaires, et 13% pour les plus grandes, envisagentde façon certaine de mettre en place de tels servicesà l’avenir.

Au total, si 12% des entreprises de plus de 50 salariésapparaissent ainsi très motivées par cette démarche,plus de 60% d’entre elles s’y refusent. Pourtant, 48%

des salariés se déclarent intéressés par des servicessur leur lieu de travail, dont 18% très intéressés. Quelleque soit leur catégorie socioprofessionnelle, les femmesseraient plus intéressées que les hommes, même si le«cœur de cible» reste constitué des femmes cadres…

Le principe du Cesu à montant prédéfini est jugéintéressant par les deux tiers des responsables desressources humaines. 9 % seulement l’estiment « trèsintéressant », mais ce pourcentage s’élève à 22 %dans les entreprises dont plus de 55 % du personnelest féminin. Cette circonspection dans les marquesd’intérêt rejaillit sur les intentions de mise en œuvre.En effet, quelle que soit la segmentation (secteur,

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Le Cesu à montant prédéfini, un accueil circonspect en entreprise…Votre entreprise pourrait-elle envisager de proposer à l’avenir à ses employés des chèques emploi-service universels et si oui, dès 2006 ?

Source : étude Caisse d’Epargne – CSA réalisée auprès de 300 responsables RH d’entreprises de plus de 50 salariés, décembre 2005.

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taille, proportion de femmes, etc.), le Cesu bénéficierarement de plus d’un tiers d’intentions favorables…L’introduction d’une notion de délai (décision de miseen place dès 2006) permet de préciser le degréd’implication des entreprises : 8 % des responsablesdéclarent envisager une offre en 2006.Seules les entreprises les plus importantes et cellesdont la population est majoritairement féminine sedistinguent, avec respectivement 14 % et 16 % d’inten-tions de passer à l’acte dès 2006. In fine, pour desraisons de moyens financiers, mais aussi d’importancede la fonction RH, les grandes entreprises pourraientêtre les plus promptes à diffuser le Cesu.

Les raisons mises en avant par les sociétés opposéesau déploiement de ce dispositif ne sont pas stric-tement financières. L’inadaptation à la taille et au modede fonctionnement des établissements est la plus sou-vent citée, devant le manque d’intérêt supposé des salariés. Cet argument est révélateur du fossé qui s’estcreusé entre les entreprises et leurs salariés.

Une forte adhésion et un levier de développement côté salariés

En effet, dans une écrasante majorité (82%), les salariésseraient prêts à souscrire des Cesu à montant prédéfini

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Source : étude Caisse d’Epargne – CSA réalisée auprès de 300 responsables RH d’entreprises de plus de 50 salariés, décembre 2005.

Les intentions de souscription à des Cesu à montant prédéfini par les salariés dans l’hypothèse d’un abondement de l’employeur à hauteur de 20 %

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si leur employeur les proposait. Parmi eux, 44 %indiquent des intentions certaines. Il est significatif quecette proportion varie peu selon les catégoriesd’actifs : le Cesu semble faire écho à une attentegénérale, même si les services associés ne sont pastous identifiés. Les femmes, quelle que soit leurcatégorie socioprofessionnelle, seraient davantagemotivées que les hommes, probablement du faitqu’elles imaginent plus directement leur utilisation et legain (temps, stress, etc.) qui en découlerait…Logiquement, ce sont les utilisateurs actuels deservices qui répondent le plus massivement demanière favorable à la souscription de Cesu.Cependant, même parmi les non-utilisateurs, 39 %déclarent qu’ils souscriraient certainement, ce quilaisse penser que le Cesu à montant prédéfini, plusque les autres mesures de la « loi Borloo », pourraitconstituer un élément « déclencheur », un levier pourune utilisation beaucoup plus fréquente de services.

Pourquoi les entreprises y viendront à terme

Après le titre emploi service, dont la diffusion a étélimitée et qui constitue sans doute une premièreexpérience peu satisfaisante pour les entreprises, leCesu à montant prédéfini présente au contraire desperspectives plus favorables. Son succès supposebien sûr une évolution des représentations desentreprises. Celle-ci aura probablement lieu. Le Cesupeut en effet constituer dans un premier temps un outilpour lutter contre l’absentéisme, notamment parmi lepersonnel féminin. Dans un second temps, il pourraitapparaître comme un moyen de mettre enœuvre des

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actions concrètes en matière de parité et d’égalitéprofessionnelle, et plus encore de fidéliser les salariésqualifiés, dont les attentes, au-delà de la rémunération,se portent souvent sur l’équilibre et la qualité de vie.Les entreprises pourraient bien se saisir de ce dispositifpour faire évoluer leur offre, encore réduite, de servicesà la personne pour leurs salariés. D’une part, l’impact surla performance économique du stress et des problèmesde conciliation entre vies privée et professionnelle estmieux appréhendé par les entreprises. D’autre part, ellesseront incitées à proposer des offres de servicesattractives pour les personnels qualifiés en raison de lararéfaction des compétences induite par le départ à la retraite de la génération du «baby-boom».

Nécessairement plus tourné vers les organismesprestataires du fait des caractéristiques du Cesu àmontant prédéfini et moins centré sur l’aide auxpersonnes âgées et la garde d’enfant que l’offreactuelle, ce dispositif pourrait devenir un instrumentd’élargissement et de diffusion de l’offre, dès lors queles entreprises verront clairement leur intérêt à s’enemparer.

Qualité et quantité : l’offre de services au rendez-vous ?

L’attractivité du secteur en question

L’étude des raisons pour lesquelles les employés demaison —qui, rappelons-le, sont à 89% des femmes—ont choisi ce métier est éloquente quant à l’attractivitéactuelle du secteur des services à la personne. Cette

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activité est majoritairement choisie par défaut : 53 %des employés de maison déclarent pratiquer cemétier car « ils ne trouvaient pas d’autres emplois, ilsn’avaient pas le choix », et 30 % « parce qu’ils n’avaientpas de qualification ». Seul le troisième item renvoie àun choix délibéré : 19 % déclarent « avoir choisi cemétier parce qu’elles souhaitaient s’investir dans l’aideaux personnes âgées, parce qu’elles aimaient lescomposantes de ce métier ».

Pour ce qui concerne les gardes d’enfant à domicile,le choix de ce métier apparaît moins subi. Elles sont66 % à déclarer avoir souhaité s’investir dans

l’éducation des enfants, mais toujours 33 % à déclarerne pas avoir eu le choix, ne pas avoir trouvé d’autreemploi .L’étude qualitative menée auprès de personnesexerçant cette profession confirme ces résultats : lemanque de qualification, le parcours personnel difficile(rupture conjugale, perte d’un emploi, notammentouvrier, émigration…), l’urgence économique et l’acces-sibilité à ces emplois sont les principaux déterminantsde cette orientation. Cela n’empêche pas, dans unsecond temps, que se manifeste un intérêt pour letravail, notamment dans la relation aux personnesâgées ou aux enfants.

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Pyramide des âges comparée des emplois totaux et des emplois dans les services à la personne en 1994 et 2002

Source : «Etudedescriptive desemployés de maisonet des gardesd’enfants à domicile »,IRCEM, juin 2002.

Source : étudequalitative réaliséepar Brigitte CroffConseil et associéspour la Caissed’Epargne endécembre 2005.

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Source : enquête Emploi de l’INSEE, exploitation Caisse d’Epargne.

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D’ailleurs, pour quelques employés, il s’agit bien d’unvéritable choix : soit par inclination personnelle, soit encohérence avec un projet professionnel d’évolutionvers le secteur sanitaire et social.

Vieillissement et non-renouvellement,indicateurs d’alerte

La démographie du secteur constitue un autre indicateurde son déficit d’attractivité. Comme la majorité desbranches de l’économie, les services à la personnesubissent les effets du vieillissement général des actifs.Néanmoins, cette tendance se double d’une difficulté

manifeste à attirer les plus jeunes. Entre 1994 et 2002,la pyramide des âges s’est donc déformée au profit des50-64 ans mais, à la différence de l’emploi total, cesecteur n’a pas bénéficié d’un renouvellement de sesemployés lié à l’entrée de jeunes actifs de 15 à 24 ans .

En revanche, contrairement aux autres emplois, la partdes 45-49 ans dans les services à la personne aaugmenté entre 1994 et 2002. Cette différenced’évolution est liée à l’entrée dans le secteur desservices à la personne de femmes en deuxième partiede vie active. Celles-ci reprennent un emploi après unelongue période d’inactivité ou travaillent pour la

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Un défaut d’offre plus marqué dans les grandes agglomérations et pour les services de facilitation de la vie

Source : enquête Emploide l’INSEE, exploitationCaisse d’Epargne, cf. noteméthodologique.

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Source : enquête Emploi et recensement de la population de 1999 – INSEE.

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première fois et, sans diplôme, optent pour ce type defonctions accessibles en termes de qualification. Selon la DARES , en 2002, les embauches d’employésde maison ont été plus importantes parmi les plus de 50 ans (21,1% du total) que parmi les moins de 30 ans (15,9%).

Le cumul des problématiques de vieillissement et denon-renouvellement des actifs fait courir le risque, àterme, d’une pénurie de main-d’œuvre dans les servicesà la personne. Dès aujourd’hui, même s’il est difficile dela mesurer très précisément, une tension entre offre etdemande apparaît dans les zones urbaines. Ainsi, plusde 60% des cadres (les plus concernés par la demandede services de facilitation de la vie) habitent l’agglo-mération parisienne ou une ville de plus de 200000habitants, alors que seuls 34% des employés desservices à la personne y résident. Ce défaut d’offredans les plus grandes agglomérations françaises estégalement visible pour les publics cibles de l’aide auxpersonnes âgées (personnes seules de plus de 80 ans),mais de façon plus atténuée .

Formation : entre le risque de la sous-qualification…

En 2002, près de 50% des employés dans les servicesà la personne ne disposaient d’aucun diplôme de forma-tion classique (hors diplôme de type «validation desacquis d’expérience»…). Cette proportion de non-diplô-més est certes en recul. Pour autant, le niveau généralde formation reste très inférieur à la moyenne des autresbranches (20% de non-diplômés en 2002) et progresseplus lentement que dans l’emploi total. Ce recul du

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nombre d’employés n’ayant aucun diplôme se faitessentiellement au profit des titulaires d’un CAP ou d’unBEP, soit 28% des emplois. Pour autant, seul un quartde ces diplômés semblent disposer d’une compétencedirectement utilisable dans l’exercice de leurprofession . La majorité des employés de maison quiont un CAP ou un BEP ont été formés pour d’autrestypes d’emplois . Au-delà du manque de formation sepose donc la question de l’inadéquation des formationsacquises. Par ailleurs, le secteur des services à lapersonne attire de plus en plus les personnes «sansdiplômes». Ces dernières semblent donc se replier deplus en plus fréquemment vers ce type d’emplois.

L’amélioration de la qualité et la professionnalisation,enjeux majeurs du développement d’une demandeautonome, ne pourront donc pas s’appuyer sur laformation initiale des intervenants et nécessiteront uneffort important de formation continue et de déve-loppement de filières spécialisées. Néanmoins, selonune enquête de l’IRCEM réalisée en 2002 auprès de671 employés de maison et gardes d’enfant àdomicile, seuls 24 % souhaiteraient être davantageformés. La professionnalisation devra donc faire faceà un double défi : la création ou le développement de formations adaptées et le besoin de convaincre les salariés, voire les employeurs et les clients finaux,de leur utilité.

… et les périls de l’évolution

Les employés des services à la personne sontnombreux à vouloir évoluer vers « un vrai métier ».Cette expression est certainement à mettre en relation

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Ces diplômes serépartissent ainsi :sanitaire et social,17%; puériculture et enfance, 2,2%;cuisine, restaurationet hôtellerie, 4,5%.

Ces formationsconcernent lacomptabilité ou lagestion pour 29,5%,le commerce et la vente pour 12,5%,la couture pour15,2%.

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Source : enquête Emploide l’INSEE, exploitationCaisse d’Epargne, cf. note méthodologique.

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Source : «Famillesprofessionnelles – vingtans de métiers – Portraitsstatistiques 1982-2002»,les dossiers de la DARES,2004 – n° 2.

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avec les modalités du (non-) choix qui les y a conduits.Le sentiment d’une situation transitoire, acceptée àdes fins alimentaires, peut donc prévaloir.

Le plus souvent animées par la satisfaction de faire unmétier utile dont la dimension la plus gratifiante est lacréation d’un lien social, ces personnes se projettentplus aisément dans des métiers relevant du domainesanitaire et social, comme aide-soignant, infirmier ouéducateur… Cependant, selon la DARES, le passaged’un secteur à l’autre est peu fréquent et s’opère toutautant à destination de l’hôtellerie-restauration que del’action sociale.

Cette faible ouverture, en limitant les perspectivesd’évolution, ne contribue certainement pas à trans-former l’image du secteur. Au contraire, elle peutcontribuer à inciter les professionnels ayant obtenu un diplôme à l’utiliser rapidement pour changer defilière. Dans la pratique, c’est un risque mis en avantpar les associations concernant les personnes diplô-mées, dont les départs vers les établissementsmédicosociaux sont fréquents : « la fédération a moins de personnes diplômées qu’auparavant, alors que l’investissement dans la formation est plusimportant . »

La satisfaction d’une demande potentielle de servicessupérieure au recours actuel pourrait donc buter surune pénurie de l’offre. Qu’il s’agisse de la qualité — àmettre en relation avec une formation réduite et peuadaptée — ou de la quantité et de la localisation géo-graphique de cette offre, le renforcement de l’attrac-tivité du secteur apparaît essentiel.

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Conditions de travail et qualité au travail

Au-delà du salaire…

Le salaire est certes un instrument important derevalorisation d’une filière, mais son rôle estcertainement, à l’heure actuelle, moins déterminantqu’il n’y paraît. Selon l’enquête Emploi de l’INSEE,seuls 15 % des employés des services à la personnedéclarent rechercher un autre emploi pour être mieuxpayés. Le salaire horaire des employés de maison sesitue en moyenne, sur la période 1994-2004, 80 centimes d’euros au-dessus du SMIC horaire et ena suivi fidèlement l’évolution (en moyenne + 3,4 % paran depuis 1994). Par ailleurs, la mise en œuvre desconventions collectives et des accords de branche,notamment par une meilleure reconnaissance et unevalorisation de l’ancienneté et des diplômes, devraitconduire à des pratiques salariales progressivementplus favorables. Ainsi, l’agrément de l’accord debranche de l’aide à domicile intervenu en janvier 2003et le développement de la mensualisation dans le sec-teur associatif devraient déboucher d’ici à juillet 2006sur une revalorisation salariale de la branche, del’ordre de 24 %.

… la question du temps

Toutefois, la gestion du temps joue souvent un rôledéterminant dans l’attractivité du métier, comme dansla formation du pouvoir d’achat des salariés.Les entretiens individuels conduits pour notre enquêtemettent en évidence une insatisfaction récurrente

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Thierry Rivard, «Les services d’aide àdomicile dans le contextede l’Allocation person-nalisée d’autonomie»,Etudes et Résultats,n° 460, janvier 2006,DREES.

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Page 69: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

Source : « Familles professionnelles – Vingt ans de métiers – Portraits statistiques 1982-2002 », Les dossiers de la DARES, 2004 – n° 2.

Sont en situation desous-emploi lespersonnes qui« travaillent involon-tairement moins quela durée normale dutravail dans leuractivité et qui sont à la recherche d’untravail supplémentaireou disponibles pour un tel travail, durantla période deréférence».

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Pratiques et attitudes en matière de temps partiel : comparaison entre les emplois de services à la personne et l’ensemble des emplois

concernant non seulement le nombre d’heures sala-riées, et donc leur revenu total, mais aussi le temps, lafatigue et les dépenses liés aux déplacements, et enfinl’organisation du travail. Les délais parfois réduits pours’ajuster à l’emploi du temps fourni, les difficultés àajuster les temps d’intervention et de transport sontaussi régulièrement évoqués.L’attrait pour le secteur médicosocial tient d’ailleurs en partie aux problèmes de gestion du temps : lastabilité des horaires et du revenu, en même tempsque celle de l’emploi et les moindres contraintes dedéplacement s’opposent, dans l’esprit des salariés desservices à la personne, à l’incertitude, voire à l’insé-curité auxquelles ils se sentent exposés dans l’exer-cice de leur activité.

L’enquête Emploi de l’INSEE met aussi en évidence ceproblème d’horaires : les situations de «sous-emploi »dans les services à la personne sont beaucoup plusfréquentes que pour la moyenne des actifs (21 %contre 5 % en 2002). Ainsi, 43,5 % des employés desservices à la personne déclarent travailler à tempsplein (contre 85 % dans les autres emplois) et, parmiles employés travaillant à temps partiel, 27,6 %travaillent moins de 15 heures par semaine (contre8,6 % dans les autres emplois).

La demande n’est pourtant pas nécessairement celled’un temps plein : sur 100 employés à temps partiel,seuls 29 souhaiteraient véritablement un plein temps,ce qui est légèrement moins que pour les employés à

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Page 70: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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temps partiel des autres métiers. En revanche, ils sontdeux fois plus nombreux à souhaiter travailler plus,sans pour autant aller jusqu’au plein temps. Cet écartest sans doute plutôt lié à la part des femmes (96 %contre 43 % dans les autres emplois) qu’à unespécificité propre à ce secteur. Il est probable qu’uncertain nombre de femmes travaillant dans lesservices à la personne souhaitent réserver une partiede leur temps à leur propre famille. Et cela, d’autantplus qu’elles sont proportionnellement plus nom-breuses que les autres à avoir des enfants.

Contraintes et libertés d’un salariat «multicarte »

La difficulté à trouver un nombre d’heures suffisant dansce type d’emploi conduit à la multiplication du nombred’employeurs par employé (selon l’IRCEM, en moyennetrois employeurs par salarié), ce qui accentue lesproblèmes de transport et nécessite de s’adapter àdes environnements et à des besoins différents.

Cette diversité peut également être vécue par lesemployés comme un avantage. La variété desactivités et des publics peut rendre les journées detravail moins éprouvantes d’un point de vue physiquecomme psychologique (notamment pour les employéss’occupant une partie de leur temps de personnesâgées lourdement dépendantes). Chez ceux ayantacquis le plus d’autonomie dans leur travail, parfois lesplus expérimentés, cette diversité est aussi gage de liberté : elle évite de dépendre d’un seulemployeur ; elle confère un pouvoir de négociation,donc une capacité à obtenir un temps de travail plusadapté, voire une rémunération plus élevée ; elle conduit

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à se projeter dans un statut d’indépendant plus gratifiant ;elle permet une optimisation des opportunités du métier(formation et apport de clientèle grâce aux organismes,gestion de son temps et choix de sa clientèle, avecéventuellement un recours au «travail au noir», pour sonpropre compte).

Utilité, lien social et représentation de soi

Les emplois de service relèvent à la fois de la tâchetechnique et du rapport social. Quand la compétenceassociée à la tâche technique n’apparaît pas valo-risée, la qualité du rapport social joue un rôle plusimportant dans la représentation de soi. Le sentimentde ne pas exercer un « vrai métier » est d’ailleurssouvent contrebalancé par l’expression d’un véritableplaisir au travail découlant de l’utilité de la fonction etdu lien social créé.

Chez les employés ayant plutôt une clientèle âgée etdépendante, cette dimension ressort très fortement.Certains verbatim sont révélateurs : « j’aime m’occuperdes personnes âgées, les stimuler, les aider à faire cequ’elles ne peuvent plus faire » ; « je prends du plaisirauprès des personnes âgées, même si ce n’est pastoujours facile parce qu’elles ont leur caractère etleurs habitudes ». Les employés travaillant chez descouples actifs, pour les décharger de certaines tâchesménagères ou pour garder les enfants, éprouventégalement de la satisfaction à fournir une prestationqui apporte confort et équilibre à la famille : « je mesens utile, je vois que les parents sont très soulagésquand j’arrive » ; « la liberté… c’est vrai que j’ai eu desfamilles qui me prenaient parce qu’ils travaillaient en

Selon une enquête del’IRCEM, près de 35%des employés demaison qui ont plusd’un employeurdéclarent avoir àsupporter des fraisjugés importants pourles déplacements entreces différentsemployeurs dans une même journée.

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Page 71: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

journée… ces parents-là étaient très débordés donc àcette famille-là, je crois que j’ai apporté un certainéquilibre ».

Un besoin de médiation et d’ingénierie

Dans l’emploi par un particulier, comme par un orga-nisme, d’autres difficultés récurrentes sont évoquéeslors des entretiens avec les intervenants. Pour unepart, les difficultés renvoient à l’exercice de lamission : une définition des tâches peu précise, laconfrontation à des conditions d’hygiène choquantes,une gestion des remplacements problématique, uneméconnaissance des droits sociaux, et bien sûr lacoordination géographique et horaire des inter-ventions. Pour une seconde part, elles ont trait àl’environnement relationnel, notamment au client final,voire à ses proches, s’il s’agit d’une personne âgée. Le manque de respect réel ou perçu, la faiblereconnaissance des compétences et de la qualité dutravail, l’arbitrage des conflits, le poids du non-dit,l’incompréhension, voire la condamnation, de certainespratiques familiales, sont souvent évoqués. La distancesociale ou souvent culturelle entre l’intervenant et leclient, le manque de connaissance du système devaleurs de chacun (relation à la famille et à l’intime) etl’ambiguïté du lien de subordination créé par le salariatconstituent autant de facteurs aggravants.Du point de vue des employés, le développement desservices à la personne passe donc par la mise enœuvre d’une capacité de médiation et d’ingénieriepour faire face à ces difficultés.La médiation à travers l’identification des besoins, ladéfinition de la prestation et sa commercialisation,

la valorisation des compétences mises en jeu et la conciliation entre les parties, en cas de situationscomplexes ou conflictuelles, apparaissent aussinécessaires à l’amélioration des conditions de travaildes employés qu’à la satisfaction des clients.

De la même façon, le besoin d’ingénierie concerne denombreuses phases de la prestation du service :l’organisation des interventions en fonction de la naturede la mission et de sa localisation pour tenir comptedes attentes des clients, comme des compétences etdes aspirations des salariés ; la transmission desinformations (remplacements, changements d’ho-raires, évolution des besoins…) ; la gestion du tempsde travail des salariés ; l’offre de formation… Cebesoin d’ingénierie se manifeste aussi bien dans lecas de l’emploi direct (sous des formes à développer)qu’en ce qui concerne le salariat dans des entrepriseset associations (avec des organisations qui s’adaptentprogressivement).

Entre ces deux formes d’emploi, dont l’une valorise laliberté des acteurs et l’autre la mutualisation desmoyens, un statut d’indépendant mériterait d’être exploré, en relation avec la culture d’autonomie dansle travail que développent nombre d’intervenants etavec l’attente de qualité dans le service qu’exprime lademande. Un tel statut n’échapperait pas pour autantà la double exigence de médiation et d’ingénierie, quiconditionne le développement et l’attractivité de cesmétiers, en particulier si la baisse du chômage accroîtla liberté de choix des entrants sur ce secteur.

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MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

Page 72: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

MODES DE VIE, MODES D’EMPLOI

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Page 73: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS2AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

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Page 74: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

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ce n’est pas le cas des établissements pour personnesâgées, plus complémentaires que substituables aumaintien à domicile. La démographie est également unefausse évidence : la population des plus de 80 ans n’estpas le critère prépondérant de l’aide aux personnesâgées et le nombre d’enfants par foyer détermine peula demande de garde.

Dans le cas des services aux personnes âgées, le faitd’être seul module l’influence de l’âge. L’importance dessolidarités familiales, les politiques de maintien àdomicile ou la prévalence de la dépendance selonl’origine sociale sont aussi des critères importants. Pour la garde d’enfant et la facilitation de la vie, l’activité féminine joue un rôle décisif. La biactivité dans le couple, le recours au temps partiel et le taux defemmes cadres déterminent largement la demande de garde sur un territoire. A contrario, une offre insuffi-sante concourt souvent à l’inactivité féminine. Pour lesservices de facilitation de la vie, la proportion defemmes cadres, d’actives à temps plein, de même quele niveau de formation des conjoints sont des critèresmajeurs qui l’emportent sur l’effet du revenu pourexpliquer les disparités. Enfin, l’importance et la densitéd’une offre structurée contribuent au développement dela consommation de services à la personne.

Révélateurs des modes de vie et des choix de sociétésur un département, les services à la personne parti-cipent également de son attractivité : les possibilités demaintien à domicile des personnes âgées ou de conci-liation entre vies privée et professionnelle, en répondantaux aspirations des citoyens, concourent à la compéti-tivité d’un territoire.

Les services à la personne sont à la croisée depratiques sociales, de questions démographiques, maisaussi d’options de politique sociale qui présententtoutes de fortes disparités départementales. Ilsmobilisent également des acteurs qui ont souvent un champ d’action régional plutôt que national. Pourtraiter cette dimension territoriale, l’Observatoire est le premier à dresser un état des lieux par départementde la consommation de services à la personne, globa-lement et par grand domaine (l’aide aux personnesâgées, la garde d’enfant, la facilitation de la vie). Ladémarche adoptée permet d’identifier les principauxdéterminants socio-démographiques de ce recours etde mesurer leur influence.

La consommation de services à la personne faitapparaître un clivage Est-Ouest (l’Ouest étant plusconsommateur), mais aussi de fortes disparités dépar-tementales (51 heures par an et par ménage à Paris,14 heures en Seine-Saint-Denis). Les différences sontencore plus marquées en matière de facilitation de la vie(16% des heures) ou de garde d’enfant (26% desheures) avec un rapport de 1 à 5, voire de 1 à 10 entreles départements. Pour l’aide aux personnes âgées(56% des heures), l’Ariège ou le Gers bénéficient de200 heures par an et par ménage de plus de 75 ans,contre environ 70 heures pour l’Ardèche.Pour chacun de ces trois domaines, environ 80% desécarts entre départements peuvent être expliqués. Pourl’ensemble des services, le revenu médian n’apparaîtguère discriminant, l’APA et certaines aides à l’enfancey concourent certainement. Les équipements collectifsne constituent pas toujours une alternative : si lescrèches concurrencent les prestations de garde,

EN BREF

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AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

SourcesOutre les données de l’INSEE (recensement, enquête HID …), l’analyse départementale s’appuie principalementsur les sources statistiques des organismes suivants :

n la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques, ministère de l’Emploi,de la Cohésion sociale et du Logement) en ce qui concerne les données relatives aux organismes agréés deservices à la personne (OASP) et le nombre d’heures travaillées dans le secteur des emplois familiaux ;

n l’IRCEM (Groupe de Protection Sociale des Emplois de la Famille) pour toutes les données (nombred’employeurs, de salariés, volumes horaires…) concernant les particuliers employeurs (que ce soit parl’intermédiaire d’organismes mandataires ou en direct) ;

n les DRASS (Directions Régionales des Affaires Sanitaires et Sociales, ministère de la Santé et desSolidarités) et les enquêtes EHPA, FINESS, SAE pour les équipements en hébergements collectifs pourpersonnes âgées (maisons de retraite, logements-foyers, établissements de long séjour…) ;

n la FINESS, la CNAF (Caisse Nationale d’Allocations Familiales) et les conseils généraux pour leséquipements relatifs à la petite enfance (crèches collectives, crèches familiales…) ;

n la CNAF et la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques, ministèrede la Santé et des Solidarités) pour les données relatives aux prestations versées au titre des différentsdomaines de services à la personne (aides aux personnes âgées, aux personnes handicapées, à la petiteenfance…) et aux dépenses d’aide sociale ;

n la DGI (Direction Générale des Impôts) pour les revenus fiscaux et les charges de services à la personneouvrant droit à une déduction fiscale ;

n le CNTCES (Centre National de Traitement du Chèque Emploi Service) : l’exploitation de cette source fournitprincipalement des informations sur les effectifs d’employeurs et de salariés, la durée mensuelle du travail etle salaire moyen. Cet organisme devient le CNCESU (Centre national du chèque emploi-service universel).

1Enquête «Handicaps-Incapacités-Dépendance».

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Page 76: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

2

Au-delà des traits marquants de la demande et desconditions de l’offre au plan national, l’approcheterritoriale dessine une autre réalité et met enévidence une grande diversité des comportementsselon les départements. Cette diversité n’estpourtant pas synonyme de fragmentation. Au contraire,apparaissent plutôt, si l’on en fait une analyse trans-versale, des modèles de recours aux services à lapersonne, souvent en cohérence avec les caractéris-tiques sociales, démographiques et économiques desterritoires.L’analyse départementale qui suit constitue uneapproche originale et novatrice. Elle renvoie, en effet,à une double ambition :- offrir une vision globale du recours aux services àla personne par département, tous servicesconfondus, mais aussi par grand domaine (aide auxpersonnes âgées, garde d’enfant, autres services à domicile), sur la base de données fiables ethomogènes ;

- mettre en relation le niveau de consommation de ces services avec les caractéristiques socio-démographiques des départements et les conditionsde l’offre dans ces derniers (équipements collectifs,aides publiques, place des organismes agréés…).Cette mise en perspective permet de dégager desfacteurs explicatifs de la demande de services à lapersonne et de procéder, selon les cas, à desregroupements de départements offrant des profilscomportementaux comparables.

Le champ des services identifiés à partir desstatistiques départementales correspond au périmètredes « emplois familiaux », élargi à la garde d’enfant2

par les assistantes maternelles (nourrices agréées). Cepérimètre est, certes, un peu réducteur par rapport auspectre d’application potentielle de la « loi Borloo » ; ilreprésente néanmoins environ 90 % des emploisactuels de services à la personne .

Ce périmètre recouvre trois grandes catégories deservices, chacune correspondant à des besoins, desprofils d’utilisateurs et des conditions d’exercice del’offre très différents : les services d’aide auxpersonnes âgées, les services liés à la garded’enfant, et les autres types de services, qui serontdénommés par convention « services de facilitationde la vie quotidienne ». Les frontières entre ces troisdomaines sont certes poreuses, mais chacun d’entreeux renvoie à une logique distincte. Aussi unepremière approche permettant de dresser un pano-rama départemental de l’utilisation des services à lapersonne pris globalement sera-t-elle complétée pardes approfondissements spécifiques à chacun deces trois grands domaines.

UN PANORAMA DEPARTEMENTALDES SERVICES A LA PERSONNE

Un clivage Est-Ouest

Le nombre d’heures annuelles de services à lapersonne rapporté à l’ensemble des ménagesdessine une géographie départementale contrastée,avec un maximum de 51 heures à Paris et un niveauplancher de 14 heures en Seine-Saint-Denis. De même, entre la moyenne des dix départementsles plus « consommateurs » d’heures de services à la

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Le nombre d’heures est rapporté à l’ensemble des ménages,que ceux-ci soient ou non utilisateurs deservices à la personne.

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Pour cette raison, les termes de «services à la personne» ou d’«emplois familiaux»seront utilisésindifféremment dans la suite de l’analyse.

3

Le secteur des emplois familiaux est un sous-secteur des services à la personne;il regroupe toutes les activités réalisées audomicile du bénéficiairepour des servicesdomestiques (employésde maison, gardesd’enfant à domicile,hommes et femmestoutes mains, employésau pair, aide familiale…)ou des services d’aide àdomicile (aides à domicile,gardes-malades, dames et hommes decompagnie…).

2

Page 77: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

mentionnés ci-dessus) affichent des heures annuellespar ménage inférieures à la moyenne nationale.

L’influence de l’âge et de la ruralité

Cette répartition géographique de l’utilisation desservices recouvre en partie celle des âges. Ainsi, la plupart des départements du quart Sud-Ouest de la France, fortement utilisateurs, figurent égalementparmi ceux dont la part des plus de 75 ans dans lapopulation est la plus importante. A l’opposé, ceuxde la moitié Nord-Est de l’Hexagone (Nord, Ardennes,Meurthe-et-Moselle, Moselle, Alsace, Ain, Haute-Savoie, Savoie, Isère…), et la majeure partie de ceuxde l’Ile-de-France élargie à l’Oise sont à la fois moinsutilisateurs de services et moins âgés que lamoyenne nationale.

L’influence de l’âge tient à la part prépondérante del’aide aux personnes âgées dans le nombre totald’heures de services à la personne. En effet, celle-cireprésente, à elle seule, 56 % de l’ensemble desheures effectuées, contre 27 % pour la garded’enfant (assistantes maternelles comprises) et 16 % pour les services de « facilitation de la viequotidienne ».

Toutefois, la relation avec l’âge est insuffisante pourconstituer une norme explicative des comportementsterritoriaux. Ainsi, l’Ouest de l’Ile-de-France (Paris,Hauts-de-Seine, Yvelines), la Somme, la Seine-Maritimeou le Calvados, pourtant «consommateurs» de servicesà la personne, offrent un profil relativement jeune.

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AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

Sources : DARES 2003, INSEE 2003, Calculs Caisse d’Epargne.

Nombre annuel d’heures de services à la personne par ménage

personne et celle des dix départements les moins« consommateurs », le rapport est de 2,2 (45 heurescontre 20 heures annuelles).

Trois départements de l’Ouest francilien (Paris, lesHauts-de-Seine et les Yvelines) se situent certes enhaut du classement. Mais le recours à ces servicesest globalement plus important qu’ailleurs dans lesdépartements situés autour d’un axe Nord-Sud allantde l’estuaire de la Seine aux Pyrénées. Outre laSomme et la Seine-Maritime, cet espace recouvrel’ensemble des départements bas-normands, laSarthe, les régions Poitou-Charentes et Limousin,ainsi qu’une majeure partie des régions Centre,Aquitaine et Midi-Pyrénées. A l’inverse, la plupart desdépartements du Nord-Est et du Sud-Est de la France,ainsi que ceux de l’Ile-de-France (hormis les trois

n Supérieur à 37

n Compris entre 33,1 et 37

n Compris entre 27,7 et 33

n Compris entre 24,1 et 27,6

n Inférieur ou égal à 24

Page 78: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

2

Hautes-Alpes, Haute-Loire) et quatre d’entre eux ont pourparticularité d’offrir une couverture de places enéquipements collectifs à destination de la petite enfance(crèches) et des personnes âgées (maisons deretraite…) plus élevée qu’ailleurs : dans ces dépar-tements, le niveau de prise en charge par des structurescollectives rend probablement moins nécessaire lerecours individuel aux services à la personne .

Comme pour l’âge, le lien entre la ruralité et la consom-mation globale de services à la personne renvoie aupoids de l’aide aux personnes âgées. Il montre aussi lerôle important des services à domicile dans les zoneséloignées des pôles urbains, en dehors desquels ladensité des commerces, des structures de prise encharge collective ou des professionnels de santé estplus faible.

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7

79

Source : INSEE, 2002. Source : INSEE, Recensement de 1999.

La population en zonerurale est en général plusâgée que celle habitantdans les grandesagglomérations urbaines.

En raison du poidsdémographique desgrandes agglomérationset de la concentration de la population dans un nombre restreint de départements trèsurbanisés, la médiane des départements paraîtpréférable à la moyennenationale comme étalonde référence. La médianeest la valeur centrale quipartage une population endeux groupes de mêmeeffectif : 50% au-dessuset 50% en dessous.

6

5

Nombre de places encrèches collectives parenfant de moins de trois ans et nombre de places en héber-gements permanents pour personnes âgéesrapporté à la populationdes 75 ans et plus.

La relation entre le tauxd’équipement en structurescollectives (crèches,maisons de retraite…) et le degré d’utilisation des services à la personnen’est pas avérée pourl’ensemble des dépar-tements, notamment en ce qui concerne lespersonnes âgées, maiselle semble jouer dans le cas des quatre dépar-tements mentionnés ici.

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7Part des ménages de plus de 75 ans dans l’ensemble des ménages (en%)

n Supérieur à 17

n Compris entre 15,5 et 17

n Compris entre 13,3 et 15,4

n Compris entre 11,1 et 13,2

n Inférieur ou égal à 11

n Supérieur à 60

n Compris entre 41,1 et 60

n Compris entre 28,1 et 41

n Compris entre 15,1 et 28

n Inférieur ou égal à 15

A contrario, nombre de départements du quart Sud-Est(Alpes-Maritimes, Var, Pyrénées-Orientales, Corse-du-Sud, Haute-Corse, Ardèche ou Lozère) enregistrent une faible consommation d’heures de services à lapersonne par ménage, malgré un profil de populationsensiblement plus âgé que la moyenne nationale.

En cohérence avec l’âge , la localisation des services àla personne oppose aussi pour partie les espaces rurauxaux zones fortement urbanisées. Parmi les 25départements enregistrant les consommations d’heurespar ménage les plus élevées, 17 ont une proportion deleur population habitant en zone rurale supérieure à 40%(contre 37% pour la médiane des départements ).De même, au sein des 25 départements les moinsutilisateurs, seuls cinq présentent des taux de ruralitéimportants (Lozère, Ardèche, Alpes-de-Haute-Provence,

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5

Part de la population rurale dans la population totale (en%)

Page 79: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

d’heures de garde d’enfant — et a fortiori de celledes services de facilitation de la vie quotidienne —,mais il joue conjointement à d’autres facteurs expli-catifs. Par ailleurs, la consommation réelle d’heures estpeut-être minorée dans certains départements «aisés»,le recours aux services informels (aide de l’entourage etemplois non déclarés) pouvant y être plus important,faute d’une offre suffisante ou adaptée .

Une présence inégale des organismes agréés

Les organismes agréés de services à la personne(OASP) recouvrent les centres communaux ou inter-communaux d’action sociale (CCAS ou CIAS), lesassociations et les entreprises privées intervenant

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AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

Source : INSEE, 2002.

L’aide de l’entourage et les heures d’emplois non déclarés ne sont bien évidemment pasrecensées dans les statistiques utilisées.

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Revenu médian des ménages parunité de consommation (en euros)

Les aides publiques, facteur de solvabilité de la demande

La carte départementale des revenus offre un profiltrès largement en décalage avec celle de l’utilisationdes services à la personne.A l’exception de Paris, des Hauts-de-Seine et desYvelines, les départements les plus aisés affichentsouvent des niveaux de consommation de services à la personne inférieurs à la moyenne nationale : l’Estde l’Ile-de-France, l’Oise, l’Eure-et-Loir, le Loiret, la Marne, l’Alsace, la Savoie et la Haute-Savoie, l’Isère,les Alpes-Maritimes… De même, nombre de dépar-tements enregistrent conjointement des revenusfaibles et un nombre important d’heures par ménage :la Somme, la Manche, l’Orne, la Haute-Saône, la Creuse,la Dordogne, le Lot, l’Aveyron, le Gers ou l’Ariège, sontdans ce cas de figure.

Au plan départemental, la consommation globaledes services à la personne ne semble donc pas directement liée au niveau de pouvoir d’achat.Cela tient notamment au rôle des aides publiquesdirectes dans la solvabilité de la demande, qu’il s’agisse des prestations liées à la garded’enfant (AFEAMA, PAJE, AGED…) ou, plus encore,de celles relatives à la perte d’autonomie (APA àdomicile pour l’essentiel). En volume, ces aidesl’emportent sur les déductions d’impôt au titre desemplois familiaux et elles viennent largementcompenser une moindre aisance financière, notam-ment en ce qui concerne les personnes âgées auxrevenus modestes. Le niveau de revenus intervient,certes, davantage en faveur de la consommation

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AFEAMA : Aide à la Famille pour l’Emploid’une AssistanteMaternelle Agréée ; PAJE : Prestation d’Accueil du Jeune Enfant ; AGED : Allocation de Garded’Enfant à Domicile.

APA : AllocationPersonnaliséed’Autonomie.

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Il s’agit des revenusmédians par unité deconsommation. L’unité de consommation permetde tenir compte deséconomies d’échelleréalisées au sein d’unménage selon le nombrede personnes qui lecomposent: le chef deménage compte pour 1,son conjoint pour 0,75 etle poids de chaque enfantest ensuite dégressif. Le revenu par unité deconsommation est ainsidavantage représentatif du pouvoir d’achat effectifd’un ménage.

9

n Supérieur à 14 600

n Compris entre13 800,1 et 14 600

n Compris entre 12 700,1 et 13 800

n Compris entre 12 000,1 et 12 700

n Inférieur ou égal à 12 000

Page 80: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

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dans l’aide à domicile. La part des OASP dans le total des heures de services est de 28 % (34 % enexcluant les heures d’assistantes maternelles), lereste relevant de l’embauche et de l’emploi directspar les particuliers employeurs.

La part de marché des organismes agréés estcependant très inégale selon les régions, avec des disparités de un à quatre entre certains dépar-tements situés en périphérie de l’agglomérationparisienne (10 % du total des heures de services àdomicile en Eure-et-Loir ou en Seine-et-Marne) et ceuxdu Sud de la France (plus de 40 % en Dordogne, dansl’Aveyron, le Gard, l’Hérault, les Alpes-de-Haute-Provence ou les Pyrénées-Orientales).Les OASP sont plus présents dans certains terri-toires ruraux (Sud-Ouest de la France, notamment).Mais c’est surtout dans les départements où la partde l’aide aux personnes âgées dans le total desheures est la plus élevée que le poids des orga-nismes agréés est le plus important, ce qui estcohérent avec le rôle central joué par les collectivitéslocales et le secteur associatif dans les services àdestination des « publics fragiles » (personnes âgées,personnes handicapées…).

Toutefois, la place des OASP sur les marchés dépar-tementaux des services à la personne tient aussi auxformes d’action sociale des collectivités territoriales ouaux particularités ayant conforté la présence du secteurassociatif. Du côté des collectivités territoriales, auxaides réglementaires des départements (APA…)s’ajoute l’action sociale facultative des communes,par la voie des CCAS ou par délégation à des

13

81

Sources : DARES 2003, IRCEM 2003, Calculs Caisse d’Epargne.

Activité des OASP à titrede mandataire comprise.Dans le cadre de l’activitémandataire, l’organismeproposant le services’occupe du recrutement,et éventuellement de la gestion administrative de la personne employée,mais le particulierbénéficiaire du servicereste juridiquementl’employeur. En revanche,dans le cadre d’une activitéprestataire, l’organisme estl’employeur de la personneeffectuant la tâche etpropose une prestation de services.

13 Part des heures effectuées par des organismes agréés dans le totaldes heures de services à la personne(en%)

n Supérieur à 40,5

n Compris entre 35,1 et 40,5

n Compris entre 26,1 et 35

n Compris entre 17,1 et 26

n Inférieur ou égal à 17

associations. Le secteur associatif, quant à lui, s’estdéveloppé en réponse à des besoins qui n’étaientpas couverts par d’autres structures ou institutions ;cependant, sa présence territoriale est aussi le fruitd’une « histoire » parfois déterminée par despersonnalités ou des initiatives locales spécifiques.

La consommation globale d’heures de services à lapersonne par ménage n’est que partiellement liée à la part de marché des OASP. Le croisement de cesdeux critères permet de distinguer quatre groupes dedépartements :

n les départements du quart Sud-Ouest de laFrance, la Normandie, la Somme, la Nièvre,

Page 81: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

n le reste de l’Ile-de-France et ses alentours(Oise, Yonne, Loiret, Eure-et-Loir), l’Alsace, le Nord, la majeure partie des départementsde Rhône-Alpes et certains départements del’Ouest (Ille-et-Vilaine, Morbihan) : le poids desOASP y est inférieur à la moyenne nationale, pourdes raisons se rapprochant de celles évoquées pour les trois départements de l’Ouest de l’Ile-de-France (profil du marché selon les trois domaines,voire niveau de revenus), mais la consommationglobale d’heures de services à la personne parménage y est faible.

D’un panorama global à une analyse par domaine

Au-delà d’une analyse globale de l’ensemble desservices à domicile, il est possible d’approfondir cetteapproche par département en distinguant : lesservices d’aide aux personnes âgées — notammentceux liés à la perte d’autonomie —, la garde d’enfantet les services de facilitation de la vie quotidienne.Cette analyse par grand domaine permet de mieuxcomprendre les logiques territoriales de recours auxdifférents services familiaux. En effet, les mécanismesde formation de la demande diffèrent sensiblementselon qu’il s’agit d’un public dit « fragile » (personnesâgées, enfants en bas âge) bénéficiant d’aidespubliques ou de populations sans problème spécifiqueayant recours à des services d’amélioration de leur viequotidienne.

La DARES collecte auprès de l’IRCEM et du CNTCESun nombre d’heures travaillées dans le secteur des

51

la Haute-Saône et le Territoire-de-Belfort :le poids des OASP y est important et les heures deservices à la personne par ménage se situent au-dessus de la moyenne nationale. La conjonctionde ces deux caractéristiques tient souvent à unprofil du marché plus orienté qu’ailleurs vers l’aideaux personnes âgées ;

n les départements du Sud-Est, ainsi que laSeine-Saint-Denis, les Ardennes et les Vosges :la part de marché des OASP y est importante, maismoins du fait d’un volume élevé d’heures prises encharge par les organismes agréés qu’en raison d’unfaible recours des particuliers à l’emploi direct (toutau moins à l’emploi direct déclaré). En effet, cesdépartements sont globalement peu consom-mateurs d’heures de services à la personne ;

n les trois départements de l’Ouest de l’Ile-de-France (Paris, Hauts-de-Seine et Yvelines), lesPyrénées-Atlantiques, la Sarthe et les Deux-Sèvres : la part de marché des OASP y est faible,alors que la consommation globale d’heures deservices y est importante. Pour les trois dépar-tements de l’Ile-de-France, tout au moins, la moindreprésence des organismes agréés tient à un doubleeffet de « richesse » et de structure du marché desservices à la personne. En raison de revenus plusélevés, la demande y est moins concernée par lesoffres relevant de l’action sociale. De plus, la part dela garde d’enfant et des services de facilitation de lavie quotidienne dans le total des heures y estbeaucoup plus importante qu’ailleurs, et il s’agit dedeux domaines sur lesquels les OASP sont tradi-tionnellement moins présents que sur celui despersonnes âgées ;

82

AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

Page 82: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

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Elle est par ailleurs directement solvabilisée par uneaide sociale, en cas de revenus insuffisants.

Les facteurs de la consommation : dépasser les fausses évidences

L’analyse qui suit (comme celles portant sur la garded’enfant ou la facilitation de la vie quotidienne) reposesur la construction d’un modèle. Ce procédé a pour butde mesurer conjointement l’influence de plusieursfacteurs sur la consommation d’heures de servicesd’aide aux personnes âgées. Il permet de tester cer-taines hypothèses explicatives en confirmant ou eninfirmant leur influence sur le nombre d’heures mesuré.Le modèle obtenu n’est pas un « sésame», mais

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emplois familiaux hors garde d’enfant. Cependant, s’ilest possible d’extraire des emplois familiaux tout cequi a trait à l’enfance, les données disponibles pardépartement ne permettent pas d’identifier ce quirelève des services de facilitation de la vie quoti-dienne (services domestiques) des services relatifsaux personnes âgées (aide à domicile).

Ainsi, faute de données départementales consolidéeset homogènes, un procédé économétrique a étéélaboré par les économistes de la Caisse d’Epargnepour effectuer une partition des heures d’emploisfamiliaux (hors garde d’enfant) entre ces deuxmarchés. Les services d’aide aux personnes âgées,ainsi définis, ne se limitent pas aux seules prestationsassociées à la stricte dépendance (garde de jour ou denuit, aide aux soins…) ; ils incluent plus largement desservices d’assistance dans la vie quotidienne, tels quel’aide ménagère…, mais s’adressant à un public âgé.

L’AIDE AUX PERSONNES AGEES

Le nombre moyen d’heures d’aide aux personnesâgées de plus de 75 ans (par ménage concerné) estde 136 heures 30 par an, soit environ deux heures etdemie par semaine. Cette consommation moyennetrès significative s’explique par la nature et lasolvabilisation de la demande. En cas de perted’autonomie, même limitée, une personne âgée quisouhaite se maintenir à son domicile est fréquemmentcontrainte de recourir à ce type de services. Laréalisation des tâches quotidiennes les plus élémen-taires étant en jeu, elle est dans une situation où ses besoins en heures sont souvent importants . 15

2

14Ce procédé consiste enune modélisation à deuxvariables censéesreprésenter le mieuxpossible le recours à cesdeux types de services à la personne. En l’espèce,c’est le nombre defemmes cadres qui a étéretenu pour la consom-mation de services defacilitation de la viequotidienne, et le nombrede solos de plus de 80 ans pour le recours aux services d’aide auxpersonnes âgées. Cesdeux variables donnent un modèle qui explique à92% le recours à cesservices à la personne.

14

Selon l’enquête«Handicaps-Incapacités-Dépendance» de l’INSEE,en 1999, entre 6,6% et7% de la population de 60 ans ou plusprésentaient un état dedépendance nécessitantl’aide d’une tiercepersonne, dont 66%quotidiennement, voireplusieurs fois par jour.

15

Page 83: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

il constitue un outil d’aide à la compréhension descomportements.

L’hébergement collectif plus complémentaireque substituable à l’aide à domicile

L’un des premiers déterminants qui vient logiquement à l’esprit pour comprendre le recours aux services àdomicile pour les personnes âgées est l’équipement enstructures d’accueil collectif, dans la mesure où ellesconstituent une alternative au maintien à domicile.Cependant, l’équipement des départements en maisonsde retraite ou autres foyers-logements ne semble pasinduire une consommation de services d’aide aumaintien à domicile plus faible. En effet, le taux d’équi-pement des départements en maisons de retraite nejoue pas de façon significative dans le modèle.A contrario, il ne semble pas que le recours à une aidepour le maintien à domicile vienne en réponse à undéfaut d’offre en équipements collectifs. Pour lespersonnes âgées et leur entourage, le fait de resterchez soi, même en cas de dépendance, relèveraitdonc plutôt d’un choix positif et non d’une obligationou d’une contrainte. On peut émettre l’hypothèse qu’ily a plus continuité que substitution entre ces deuxsolutions : alors que l’aide à domicile apparaît plus tôtdans le cycle de vie, lorsque la perte d’autonomie estlimitée, l’accueil en structure collective intervient plustard, au moment où la dépendance devient tropimportante pour rester chez soi . L’aide à domicileapparaît donc de façon probante comme une réponseadaptée à la préférence généralement accordée parles personnes âgées au maintien dans leur logementaussi longtemps que possible.

16

L’âge : un critère important mais pas suffisant

Un autre facteur intuitivement déterminant de laconsommation de services d’aide aux personnesâgées est l’âge. La plus forte probabilité de perted’autonomie après 85 ans, la plus grande fréquencedu veuvage après 75 ans, faisant reposer sur un seulla charge d’entretien (ménage, jardin…) qui pouvaitêtre auparavant partagée, conduisent effectivement àune utilisation plus fréquente de services à domicile.Cependant, l’âge seul ne suffit pas à bien expliquer laconsommation d’heures d’aide aux personnes âgées.Celle-ci est davantage déterminée par la part despersonnes de plus de 80 ans vivant seules , qui17

84

AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

Voir «Les bénéficiairesdes services d’aide àdomicile : des publicsdivers», DossiersSolidarité et Santé,n° 1, 2003, DREES.

17

Voir «Les différents modes deprise en charge des personnesâgées dépendantes» inHandicaps-Incapacités-Dépendance: premiers travauxd’exploitation de l’enquête HID,DREES, Série Etudes, n° 16,juillet 2001. Martine Neiss, Gilles Rouvera,«L’entrée en institution est liée à l’aggravation de la dépendance», Informationsrapides, n° 76, juin 1996, SESI.

16

Sources : FINESS 2003, INSEE Recensement 2004, Calculs Caisse d’Epargne.

Taux d’équipement en maisons deretraite et soins longue durée (en %)

(Nombre de places en maisons de retraite et soins longuedurée rapporté aux personnes de 75 ans et plus)

n Supérieur à 14,5

n Compris entre 12,6 et 14,5

n Compris entre 10,1 et 12,5

n Compris entre 8,6 et 10

n Inférieur ou égal à 8,5

Page 84: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

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permet de saisir cette problématique conjointe d’âge et de solitude. Au-delà de 80 ans, la proba-bilité d’existence de la dépendance, même légère,s’accroît fortement. En cas de dépendance lourde,une personne seule est souvent placée en maison deretraite, mais en cas de dépendance légère, l’absencede conjoint augmente la probabilité de devoir recourirà une tierce personne et accroît le besoin d’aide àdomicile.

Le paradoxe du revenu

Le revenu constitue également un facteur explicatifde la demande. Mais, de façon assez paradoxale, laproportion de foyers fiscaux déclarant un revenu netde plus de 39 000 euros par an influe négativementsur la consommation d’heures d’aide aux personnesâgées. Ainsi, plus forte est la proportion de revenusélevés, moins les plus de 75 ans consommentd’heures de services à domicile.Cette variable peut être interprétée comme unindicateur supplémentaire de prévalence de la dépen-dance . En effet, on constate généralement qu’unniveau de vie plus élevé repousse l’âge auquel laperte d’autonomie intervient et peut réduire la duréede la dépendance. Par ailleurs, l’orientation des aidesvers les publics aux revenus limités contribue à la foisà solvabiliser leur demande et à leur faciliter l’accèsà l’offre quand la prestation est directement associéeà l’aide . Il ne semble donc pas exister de barrière àl’entrée pour les bas revenus qui bénéficient de trèsnombreuses aides pour l’emploi d’aides à domicile.En revanche, certaines catégories non éligibles auxaides pourraient limiter leur recours formel aux

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18

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La prévalence de la dépendance est laproportion de personnesdépendantes dans une population donnée.

Une personne âgée quidemande à bénéficier de l’APA voit se dérouler un processus complet de prise en charge de sa demande. Ce processus va dudiagnostic de ses besoinsen termes de nombred’heures et de type deservices préconisé jusqu’àla mise en place concrète du service avec la venued’une employée à sondomicile.

19

18

services à domicile, non seulement pour des raisonsde coût, mais aussi de facilité d’accès : la recherched’informations, la sélection du prestataire et la gestionde la relation restent à leur charge.

L’ouverture aux services, une préférence géographique ?

Une troisième explication relevant de la demande deservices d’aide aux personnes âgées et qui joue unrôle très important est le nombre d’heures defacilitation de la vie (par ménage de 30 à 75 ans).Plus ce nombre d’heures consommées dans ledépartement est élevé, plus le nombre d’heuresd’aide aux personnes âgées l’est aussi. Ce lienpositif peut s’entendre comme un effet d’habitude etde prescription. En effet, quand l’utilisation deservices à la personne est relativement banalisée,ceux-ci paraissent d’autant plus nécessaires oulégitimes pour des personnes âgées subissant uneperte d’autonomie. De même, une population d’actifsutilisant couramment ces services aura tendance àprojeter son expérience sur les personnes âgées oudépendantes dont elle a la charge . Enfin, si l’offreest présente pour un type de public, elle l’estégalement pour un autre. Sans que l’on puissepréjuger d’un lien de cause à effet, l’expression de lademande de services est facilitée par une plusgrande accessibilité de l’offre.

Le jeu des solidarités familiales

Du côté de l’offre, l’élément explicatif le plus signi-ficatif est la prise en charge d’une partie ou de la

20 On constate que 60 % des personnes âgéesbénéficiant d’une aide ne sont pas à l’origine du recours. « Les personnes âgéesentre aide à domicile etétablissement », DossiersSolidarité et Santé, n° 1,2003, DREES.

20

Page 85: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

L’offre associative, soutien de la demande

Deux autres caractéristiques de l’offre ont uneinfluence positive sur la consommation d’heuresd’aide aux personnes âgées : le poids des orga-nismes agréés et le degré de présence de cesorganismes . Ce sont deux indicateurs de l’acces-sibilité et de l’organisation de l’offre sur un territoire,notamment de la facilité à trouver une personnequalifiée. La pression de l’offre est égalementrévélatrice de l’importance de la proximité géogra-phique, non seulement dans le choix du prestatairede services, mais aussi et surtout dans la décisionde recourir à ce service.

Plus un département compte d’organismes fournis-sant ce type de services, plus la consommationsemble importante. La structuration de l’offre estsans doute plus importante encore lorsqu’il s’agit de« publics fragiles » comme les personnes âgéesdépendantes qui auraient des difficultés à mener àbien des démarches de recrutement. Cette hypothèseest toutefois à nuancer : la plupart des personnesâgées utilisatrices de services à domicile n’ont pas àsouffrir d’une perte d’autonomie telle que la difficultéà recruter devienne insurmontable. D’autre part, encas de dépendance, le rôle des enfants est souventdéterminant dans le choix de l’aidant.

Des spécificités départementales

Ces six critères — la part des solos de plus de 80 ansdans la population, la proportion de foyers fiscaux

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21

86

AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

Sources : INSEE Recensement 1999, Calculs Caisse d’Epargne.

Part des heures deservices à la personne(hors garde) assurées par des organismesagréés de services à la personne (OASP),qu’il s’agissed’associations,d’entreprises ou decentres communauxd’action sociale.

Cet indicateurcorrespond aunombre d’organismesagréés de services àla personne (associa-tions, entreprises,centres communauxd’action sociale) parménage.

22

21

Part des personnes de plus de 75 ansvivant chez leurs enfants (en %)

n Supérieur à 8

n Compris entre 6,9 et 8

n Compris entre 5,9 et 6,8

n Compris entre 5,5 et 5,8

n Inférieur ou égal à 5,4

totalité des personnes dépendantes par leursdescendants. Cette prise en charge limite laconsommation de services d’aide aux personnesâgées. Il s’agit d’une offre informelle qui vient souventsuppléer une aide formalisée et payante, voire s’ysubstituer en partie. La part des personnes de plusde 75 ans vivant chez leurs enfants est trèsrévélatrice des disparités départementales quiexistent en termes de comportement d’assistance à ses parents âgés.

Que cette entraide familiale soit facilitée par laproximité géographique des différentes générationsd’une famille, ou qu’elle soit révélatrice de compor-tements plus traditionnels, elle vient se substituer enpartie à l’aide formelle.

Page 86: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

2

déclarant un revenu net de plus de 39 000 eurospar an, le nombre d’heures de facilitation de la vie(par ménage de 30 à 75 ans), la part des personnesde plus de 75 ans vivant chez leurs enfants, le poidsde l’offre structurée dans l’offre totale et la pressionde l’offre — permettent d’expliquer près de 80 %des disparités départementales de consommationd’heures de services à domicile aux personnesâgées. Pour les quelques départements moins bienexpliqués par ces six critères, deux facteurs supplé-mentaires pourraient venir compléter cette analyse :le fait que les personnes âgées d’un départementsoient plus sujettes à la dépendance et le fait queles politiques départementales de santé publiqueencouragent plus ou moins le maintien à domicileversus l’accueil en maison de retraite.

Faute de données départementales précises , lesindicateurs de prévalence de la dépendance mis enévidence par l’enquête HID de 1999 peuvent être utilisés. Il s’agit notamment, au-delà du revenu,de l’origine sociale des personnes âgées. La dépen-dance est beaucoup plus fréquente chez les anciensouvriers et agriculteurs que chez les anciens cadresou professions intermédiaires.Ainsi, les départements à tradition agricole ououvrière sont susceptibles, à âge égal, de connaîtreune proportion plus élevée de personnes dépendanteset de devoir assurer un plus grand nombre relatifd’heures d’aide à domicile.

L’orientation de la politique sanitaire des dépar-tements peut également avoir un impact sur lenombre d’heures de services à la personne utilisées.

23

87

Sources : FINESS 2003, INSEE Recensement 2004, Calculs Caisse d’Epargne.

Les seules donnéesrelatives à la mesure de la dépendance des personnes âgées sontfournies par l’enquête HIDde l’INSEE, mais elles nesont pas disponibles auniveau départemental.Ainsi, les données quenous utilisons pourmesurer ces deux effetssont imparfaites etmasquent parfois certainseffets. Il est parconséquent difficile de fairela part des choses entrece qui relève de la plusgrande dépendance et ce qui relève d’un choix depolitique départementale.

23

Nombre de bénéficiaires de l’APAà domicile rapporté aux 75 ans et plus(en %)

n Supérieur à 13

n Compris entre 10,6 et 13

n Compris entre 8,1 et 10,5

n Compris entre 5,7 et 8

n Inférieur ou égal à 5,6

n Non renseigné

L’indicateur choisi est la part de l’aide à domicile dansle total de l’aide aux personnes âgées. Cet indicateurn’est certes pas seulement le reflet de l’orientationdes départements —c’est aussi l’expression du librechoix des personnes âgées—, mais il permet d’amé-liorer la compréhension des disparités entre dépar-tements : l’accent porté spécifiquement sur l’aide àdomicile plutôt que sur l’aide en établissement a effec-tivement une influence sur les choix globaux desménages dans les départements.

Cette approche transversale permet d’identifier lesfacteurs qui ont une influence sur l’ensemble desdépartements. Cependant, le degré d’utilisation del’aide aux personnes âgées met aussi en évidence

Page 87: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

anciens agriculteurs sont nettement supérieures à lamoyenne. La solvabilisation de cette population parl’aide sociale dépasse également les standardsnationaux, qu’il s’agisse du nombre de bénéficiairesde l’APA à domicile ou du montant moyen de l’aidesociale aux 75 ans et plus. En revanche, pour laplupart de ces départements, le taux d’équipementen maisons de retraite est en deçà de la moyenne,tout comme la fréquence de l’APA en établissement.

n La Bretagne et la partie Ouest des Pays-de-la-Loire (Mayenne, Loire-Atlantique et Vendée)présentent à la fois des caractéristiques socio-démographiques assez proches du groupe précé-dent et l’exemple d’une politique différente d’aideaux plus âgés. La forte proportion de solos de plus

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AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

Nombre annuel d’heures de servicesd’aide à domicile aux personnesâgées par ménage de 75 ans et plus

des logiques territoriales. Sur un département donné,chaque facteur explicatif peut être plus ou moinsmarqué et donc avoir un impact plus ou moins fort.De plus, les spécificités locales ou régionalespeuvent conduire à retenir des critères qui ne sontpas représentatifs dans le modèle général.

Les huit profils territoriauxde l’aide aux personnes âgées

Autour de la moyenne nationale d’utilisation desservices d’aide aux personnes âgées qui est de 136 heures 30 par an, les différences départementalessont très marquées. Les départements où l’usage est leplus développé, comme l’Ariège ou le Gers, se situent au-delà de 200 heures par an, soit presque trois foisplus que les départements les moins utilisateurs :environ 70 heures pour la Seine-Saint-Denis etl’Ardèche. Au-delà des spécificités de tel ou tel dépar-tement, ces disparités mettent en évidence quelquesgrands groupes géographiques au sein desquels lesterritoires présentent de nombreuses caractéristiquescommunes.

n Le grand quart Sud-Ouest, constitué des régionsAquitaine, Poitou-Charentes, Limousin et Midi-Pyrénées(Haute-Garonne exclue), se situe généralement au-delàde 150 heures par an. Pour l’essentiel, il regroupe une population âgée, souvent rurale et bénéficiantd’une politique d’aide à domicile développée, mais d’une offre d’établissements d’hébergement de personnes âgées inférieure à la moyenne. Danspresque tous ces départements, la part des 85 anset plus, celles des solos de plus de 80 ans et des

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Sources : Estimation Caisse d’Epargne à partir des données INSEE, IRCEM et DARES.

n Supérieur à 166

n Compris entre 146,1 et 166

n Compris entre 123,1 et 146

n Compris entre 110,1 et 123

n Inférieur ou égal à 110

Page 88: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

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de 80 ans, d’anciens agriculteurs, et le bas niveaudes revenus médians des 75 ans et plus,s’accompagnent en effet d’une aide sociale plus limitée pour le maintien à domicile et plusfréquemment apportée dans le cadre d’un accueilen établissement d’hébergement. Le taux d’équi-pements collectifs y est d’ailleurs plus élevé qu’enmoyenne. Ce dispositif, plutôt orienté vers la priseen charge collective, limite probablement l’utilisationdes services à la personne. Il est d’autant plusmarqué qu’il concerne l’une des régions où la partdes plus de 75 ans vivant chez leurs enfants est laplus faible.

n La partie Sud de la région Centre et la partieEst des Pays-de-la-Loire présentent comme laBretagne une solvabilisation relativement limitéevia l’APA à domicile. Leurs habitants, plus âgés et vivant très rarement avec leurs enfants, sontcependant beaucoup plus consommateurs de services à la personne.

n La Haute- et la Basse-Normandie, élargies à la Somme et à l’Aisne, sont également trèsutilisatrices de services à la personne, malgré unefaible proportion de 85 ans et plus. Toutefois, l’importance des anciens ouvriers — et,pour l’Orne et la Manche, des anciens agriculteurs—parmi les plus de 75 ans explique sans doute quela perte d’autonomie se manifeste plus fréquem-ment (le taux de bénéficiaires de l’APA estimportant) et plus précocement. Dans ce modèlemixte qui associe un bon niveau d’équipement enétablissements d’hébergement et une aide à

domicile via l’APA supérieure à la moyenne, lesservices d’aide à la personne bénéficient d’uneutilisation élevée.

n Le Nord-Pas-de-Calais et Champagne-Ardennese rapprochent du groupe précédent à la fois par ladémographie et par l’origine sociale. Leur utilisationplus proche de la moyenne des services à lapersonne est sans doute à mettre en relation avecune prise en charge au domicile des enfants plusfréquente et, pour Champagne-Ardenne, par un niveaud’aide sociale aux plus âgés inférieur à la moyenne.

n Dans le quart Nord-Est (Lorraine, Alsace etFranche-Comté, à l’exception du Territoire-de-Belfort, voire de la Haute-Saône), la consommationde services à domicile aux personnes âgées seréduit encore. Un niveau d’aide sociale par ménageâgé en retrait, une prise en charge familiale plusfréquente, une faible part des plus de 85 ans, sontquelques-unes des composantes d’un modèle demoindre facilitation et utilisation de ces services. En Alsace et dans les Vosges, le taux d’équipement enmaisons de retraite accentue encore cette tendance.A contrario, le faible équipement en structurescollectives du Doubs n’aboutit pas à une utilisation plusmarquée des services à domicile. Ce modèle semblese prolonger vers l’Ouest de la Bourgogne et la régionRhône-Alpes, avec une consommation de services àdomicile inférieure à la moyenne, quel que soitl’équipement en maisons de retraite.

n Sur le pourtour méditerranéen, l’utilisation desservices à la personne se redresse, sans pour

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Page 89: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

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AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

autant atteindre des niveaux importants, malgré le faible taux d’équipement en structures collectivessur l’ensemble du littoral. Cette consommationmoyenne semble toutefois renvoyer à deux logiquesdifférentes.Sur une grande partie du Languedoc-Roussillon(hors Pyrénées-Orientales), le grand âge est moinsprégnant, la prise en charge chez les enfants plus fréquente et la solvabilisation par l’aide socialeplus significative. En revanche, dans les Pyrénées-Orientales, le Var et les Alpes-Maritimes, l’aidesociale semble plus concentrée sur un petit nombrede personnes âgées, la prise en charge par lesenfants est moindre, mais le grand âge, notammenten solo, est plus fréquent. Avec le niveau élevé deleurs revenus médians, les plus de 75 ans de cesdépartements autofinancent probablement plussouvent leur recours aux services à la personne.Par ailleurs, il est probable que le caractère plusurbain de ces trois départements limite l’utilisationdes prestations de maintien de l’autonomie, grâceà la concentration des services collectifs etmarchands accessibles sans difficulté, notammentmédicaux. Enfin, le coût des services à domicile, s’il n’est pas subventionné, est nécessairement unfacteur limitatif de la demande (dans les zones plusurbaines, ce coût est traditionnellement plus élevé).

n A cet égard, l’Ile-de-France (élargie ici à l’Oise età l’Eure-et-Loir), voire le Rhône et les Bouches-du-Rhône, présentent un certain nombre de carac-téristiques communes avec les Pyrénées-Orientales,le Var et les Alpes-Maritimes : moindre fréquence del’aide sociale, salaires locaux plus élevés, proximité

En termes de revenumédian des plus de 75 ans.

24

des services collectifs, notamment médicaux. Pourcette population, par ailleurs moins touchée par legrand âge, l’utilisation de services à domicile est nette-ment plus réduite et parmi les plus basses de France.Toutefois, les trois départements franciliens les plusriches (Paris, Yvelines et Hauts-de-Seine) échappentà cette règle : dans un contexte a priori peu différentpar ailleurs, l’écart de pouvoir d’achat avec lesdépartements précédents explique un recoursbeaucoup plus récurrent aux services à domicile,malgré une aide sociale limitée.

LA GARDE D’ENFANT

Le champ des emplois familiaux concernant l’enfanceest couvert à plus de 90% par la garde d’enfant, que cesoit au domicile des parents ou à celui d’une assistantematernelle. Les données de la DARES et de l’IRCEMpermettent d’appréhender ce secteur en termes denombre d’heures. Rapportées au nombre de ménages,ces données permettent d’établir des comparaisons auniveau départemental.Le nombre moyen d’heures annuelles de garde d’enfantpar ménage hors crèches est de 8 heures 25, mais ilexiste un rapport de un à dix entre les deux dépar-tements les moins utilisateurs (ceux de Corse) et lesdeux plus fortement consommateurs (Paris et Hauts-de-Seine). Au-delà de cette opposition, la garde d’enfantprésente de nombreuses similitudes dans le Grand-Ouest et les régions Rhône-Alpes et Franche-Comté.Hormis l’Ile-de-France, ces régions concentrent tous lesdépartements où le recours à la garde d’enfant est leplus élevé : l’importance de l’activité féminine, desfamilles plus nombreuses et la disponibilité d’une offre

3

24

Page 90: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

Nombre d’heures de garde d’enfant(hors crèches) par ménage et par an

n Supérieur à 10,3

n Compris entre 8,1 et 10,3

n Compris entre 6,7 et 8

n Compris entre 4,4 et 6,6

n Inférieur ou égal à 4,3

DEPARTEMENTS

2

structurée via les assistantes maternelles, concourent àce résultat.Le pourtour méditerranéen s’oppose à ces régionsavec un nombre d’enfants par ménage plus faible, uneactivité féminine moindre et une offre de garderelativement pauvre. C’est le territoire le moinsutilisateur de gardes d’enfant. L’Alsace et l’Ile-de-Franceprésentent un profil beaucoup plus «appétant » : laproportion de couples biactifs y est très élevée, maisl’offre de garde est en décalage par rapport auxbesoins, en particulier dans les départements où lesfamilles nombreuses sont les plus répandues : Yvelines,Val-d’Oise, Seine-Saint-Denis, Haut-Rhin. Le MassifCentral, au contraire, dispose d’une offre collectivesubstantielle, mais l’activité féminine et surtout lenombre d’enfants sont très inférieurs à la moyennenationale. Au total, sa consommation est dans

la moyenne française. Enfin, le Sud-Ouest cumule uneoffre limitée, peu d’enfants et une activité féminineréduite : les heures de garde d’enfant sont en deçà de la moyenne nationale.

La crèche, substitut privilégié à la garde individuelle

Les différences en termes d’offre organisée sont l’un des principaux déterminants des disparités denombre d’heures de garde d’enfant entre les dépar-tements. Avec une moyenne de moins de 5 places encrèche pour 100 enfants d’âge préscolaire, le tauxd’équipement en crèches collectives dessine uneFrance où se distinguent la plupart des départements

13

91

Sources : IRCEM 2003, INSEE 2003, Calculs Caisse d’Epargne.

Taux d’équipement en crèchescollectives (en %)

(Nombre de places en crèches collectives, hors crèchesfamiliales, rapporté au nombre d’enfants de moins de trois ans)

n Supérieur à 7,5

n Compris entre 5,5 et 7,5

n Compris entre 3,9 et 5,4

n Compris entre 2,6 et 3,8

n Inférieur ou égal à 2,5

Sources : FINESS 2003, INSEE 2003, Calculs Caisse d’Epargne.

Page 91: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

incluant une métropole régionale : Toulouse, Bordeaux,Montpellier, Marseille, Lyon, Strasbourg, Nancy,Reims et l’Ile-de-France. Seules les métropoles duNord et de l’Ouest de la France ne sont pas mieuxéquipées que la moyenne nationale. Contrairementaux établissements d’accueil de personnes âgées, laprésence d’une offre substantielle de crèches dansun département limite la nécessité de recourir à unegarde d’enfant à domicile ou chez une assistantematernelle. Un effet de substitution apparaît avec unepréférence implicite accordée à la crèche sur lesmodes de garde individuels.

Assistantes maternelles : quand l’offre crée la demande

Si l’on raisonne en termes d’offre structurée globale,en cumulant nombre de places en crèches et nombrede places chez les assistantes maternelles (assimiléau nombre d’employeurs d’assistantes maternelles),c’est le Grand-Ouest, ainsi qu’une partie de la Franche-Comté et de la région Rhône-Alpes, qui recueillent lesmeilleurs taux d’équipement. L’ensemble des dépar-tements du pourtour méditerranéen, qui semblaitbien équipé en crèches, fait en réalité partie des 20 départements les moins bien dotés en offrestructurée de garde. Il en va de même pour l’Ile-de-France. Le quart Nord-Est de la France (excepté laMeurthe-et-Moselle et les Vosges) ne compense passa faible dotation en crèches par une forte présenced’assistantes maternelles. Même si l’effet est demoindre ampleur que pour les crèches, l’abondancede l’offre de garde des assistantes maternellescontribue, toutes choses égales par ailleurs, à

23

92

AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

Sources : FINESS 2003, INSEE 2003, Calculs Caisse d’Epargne.

Taux d’équipement en crèches et assistantes maternelles (en %)

(Nombre de places en crèches collectives et nombred’employeurs d’assistantes maternelles rapporté au nombred’enfants de moins de trois ans)

n Supérieur à 56

n Compris entre 47,1 et 56

n Compris entre 38,6 et 47

n Compris entre 27,1 et 38,5

n Inférieur ou égal à 27

accroître le nombre d’heures de garde non collectivepar les ménages. Cette observation tend à montrerque les critères qui contraignent la consommationd’heures de garde ne sont pas seulement liés auxcaractéristiques de la demande d’un département,mais aussi à la structuration de son offre.

L’activité féminine, critère cardinal de la demande

Des modes de garde déterminés par l’activitéet le statut professionnel des femmes

Des différents facteurs qui pouvaient s’avérer struc-turants pour la demande de garde (nombre d’enfants

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Page 92: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

2

par famille, statut matrimonial, chômage…), c’estl’activité féminine qui se révèle la plus déterminantepour expliquer les disparités départementales.

Le taux de familles composées de couples biactifsapparaît notamment prépondérant. La présence d’un double revenu permet de recourir plus aisémentà une garde d’enfant formelle et payante, paropposition à une aide informelle (souvent gratuite ounon déclarée), qui ne figure donc pas dans les heurescomptabilisées par l’IRCEM. A la capacité financières’ajoute la contrainte de temps induite par la doubleactivité. Celle-ci rend plus difficile le recours à une garde collective —aux horaires souvent contraignants—comme à une aide informelle —par nature moinsstable et régulière.

Paradoxalement, le taux de femmes de 25-44 anstravaillant à temps partiel est également un bonindicateur d’une forte utilisation des modes de gardenon collectifs. Plus le temps partiel est développédans un département, plus ces modes de garde sont recherchés. En effet, le mode de sélection desfamilles « éligibles » à la crèche « disqualifie » souventles femmes travaillant à temps partiel, qui ne sont pas prioritaires pour l’obtention d’une place. Celles-cisont donc plus nombreuses à recourir à des heures de garde, même si le volume horaire par famille estmoindre.

Le taux de femmes cadres parmi les activesoccupées constitue également un critère discri-minant. Comme pour les couples biactifs, ce tauxindique un niveau de revenu suffisant pour l’emploi

d’une garde d’enfant formalisée. A cela s’ajoute lebesoin d’un mode de garde relativement flexible, enraison des contraintes horaires des cadres, qui nes’ajustent pas nécessairement avec les horairesd’ouverture des crèches, voire ceux des assistantesmaternelles. Il n’est alors pas rare que la garded’enfant suppose le recours à deux intervenantesdifférentes, l’une pendant la journée et la seconde endébut de soirée.

De l’accès des femmes à l’emploi…

Environ 75% des disparités départementales en termesde consommation d’heures de garde d’enfant parménage peuvent être expliquées par ces quelquesfacteurs essentiels (taux d’équipement en crèches,part des familles composées de couples biactifs, partdes femmes de 25-44 ans travaillant à temps partiel,taux de femmes cadres parmi les actives occupées).Cependant, d’autres variables de moindre influencepour expliquer le choix de garde apportent un éclairageintéressant sur la parité femme-homme face à l’emploi.

Ainsi, pour les Alpes-de-Haute-Provence, la Haute-Corse, les Hautes-Alpes, l’Ardèche, les Ardennes, lesHautes-Pyrénées, l’Hérault et le Gard, le taux d’enfantsde moins de trois ans vivant dans une famille active(couple biactif ou famille monoparentale avec un actif)est inférieur à la moyenne nationale. Ceci laisse àpenser que les enfants sont fréquemment gardés parune mère inactive. La carte du taux d’inactivité desfemmes de 25-44 ans est effectivement presquel’exacte complémentaire de celle du taux d’enfants demoins de trois ans vivant dans une famille active.

93

Page 93: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

94

AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

APE: cette allocation est destinée à aider les parents à concilierleurs vies profes-sionnelle et familialeavec l’arrivée d’un enfant. Ellepermet un arrêt totalou partiel de l’activitéprofessionnelle dès la naissance oul’adoption d’un 2e enfant, souscertaines conditions.

25

Ces cinq zones ontété déterminées àl’aide d’une classi-fication ascendantehiérarchique distin-guant des groupes de départementsaussi homogènes quepossible sur la basedes facteurs qui se sont avérés avoir un caractère explicatifdans le choix de la garde d’enfant.

26

Sources : INSEE Recensement 1999, Calculs Caisse d’Epargne.

Taux d’inactivité des femmes de 25 à 44 ans (en %)

(Nombre de femmes n’étant pas au chômage et n’occupant pas un emploi au moment du recensement)

n Supérieur à 23

n Compris entre 19,1 et 23

n Compris entre 16,6 et 19

n Compris entre 15,1 et 16,5

n Inférieur ou égal à 15

des modalités de conciliation entre vie familiale et vieprofessionnelle dans les différentes régions. L’allocationparentale d’éducation (APE ), même si elle n’est pasconsidérée comme une inactivité, constitue une autreforme d’arbitrage, a priori temporaire, de l’activitéféminine. Dans certains départements du Grand-Ouestet de la région Rhône-Alpes, l’APE est clairementprivilégiée.

Dans ceux du Sud-Ouest, elle est au contraire peuexploitée, tandis que d’autres, comme dans le Nord,font coexister un fort taux d’inactivité des femmes etun fort taux d’APE. Enfin, si le nombre d’enfants estmoins déterminant que l’activité féminine, il constitueégalement un facteur explicatif.

Au regard de l’ensemble de ces critères, la garded’enfant révèle des stratégies de conciliation entrevies familiale et professionnelle très marquées au planterritorial. Tous ces facteurs explicatifs permettentde distinguer cinq zones présentant des logiques trèsdifférenciées .

Les cinq stratégies régionales de conciliation

L’Ile-de-France : le projet familial à l’épreuve de la biactivité et d’un défaut d’offre de garde (type 1)

L’Ile-de-France constitue un groupe à part. Son tauxtrès élevé de femmes cadres et de couples biactifs,combiné à un nombre d’enfants supérieur à la moyennedans les Yvelines, le Val-d’Oise, la Seine-Saint-Denis ou

43

26

25

De même, dans les Hauts-de-Seine et en Vendée, cetaux est très supérieur à la moyenne nationale et letaux de femmes de 25-44 ans inactives est inférieur àla moyenne nationale.L’inactivité féminine à cette période du cycle de vieest donc directement liée à la problématique de lagarde d’enfant et apparaît clairement comme unarbitrage de la vie professionnelle de la femme enfaveur de la vie familiale.

… à la conciliation entre vie familiale et vieprofessionnelle

A côté de l’inactivité féminine, d’autres variables appor-tent un complément d’analyse pour la compréhension

Page 94: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

2

la Seine-et-Marne, est facteur de besoins trèsimportants. Or, si le taux d’équipement en crèchescollectives y est relativement élevé, la faiblesse del’offre côté assistantes maternelles se traduit par un netdéficit par rapport aux besoins estimés.

Par ailleurs, avec d’importantes plages horaires detravail et des temps de transport dépassant fréquem-ment les deux heures par jour, les femmes d’Ile-de-France passent un temps record hors de leur foyer.Il est fort probable qu’une offre de garde individuelleplus importante se traduirait par un nombre d’heuresde garde déclarées autrement plus élevé. Sanssacrifier au temps partiel ni à l’inactivité, la montéede l’APE au-delà de la petite couronne montre ladifficulté à rendre compatibles projet familial et

projet professionnel en Ile-de-France.Enfin, l’aide informelle de l’entourage (grands-parents,parents, amis…) est sans doute moins fréquente danscette région, pour des raisons de modes de vie, maisaussi de mobilité de la population. En raison de l’attrac-tivité du marché de l’emploi, les jeunes ménages franci-liens sont, pour une part importante, originairesd’autres régions. L’éloignement géographique de l’envi-ronnement initial conduit à rendre plus difficiles etmoins fréquents qu’ailleurs les services informels fournispar l’entourage, notamment pour la garde d’enfant.

Le pourtour méditerranéen : l’activité féminine, variable d’ajustement d’un défaut d’offre (type 2)

Malgré un nombre d’enfants par ménage très inférieurà la moyenne, le pourtour méditerranéen combine leplus fort taux de femmes de 25-44 ans inactives et le plus faible taux d’APE. Le taux de couples biactifs yest également des plus faibles.

Plus qu’une demande importante, c’est un défaut d’offreglobale de garde d’enfant qui contraint aussi fortementl’activité féminine. En effet, comme en Ile-de-France,l’équipement en crèches est satisfaisant, mais le déficitd’assistantes maternelles pèse sur l’offre globale de garde d’enfant. Le cumul de la précarité familiale et de la précarité dans l’emploi dans un univers où, en dehorsde la crèche, l’offre de garde est très peu développée,limite le recours à des services de garde individuelle. Unelogique d’éviction des femmes du marché de l’emploi estglobalement à l’œuvre, renforcée par un chômage élevéet des salaires féminins souvent peu attractifs.

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Sources : Modélisation Caisse d’Epargne à partir des données INSEE, IRCEM et DARES.

n Type 1

n Type 2

n Type 3

n Type 4

n Type 5

Garde d’enfant : les cinq types de comportements départementaux

Page 95: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

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AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

Frontière Nord-Est : l’activité féminine, variabled’ajustement du projet familial (type 3)

La frontière Nord-Est est également caractérisée parun très fort taux de femmes de 25-44 ans inactives. Il s’explique par un faible taux d’équipement en crèchesnon compensé par l’offre individuelle, mais aussi pardes familles plus nombreuses que dans le Sud-Est.L’APE apparaît comme une alternative à l’inactivité, maisla faiblesse de l’offre de garde, associée, là encore, àun chômage et à une précarité économique élevés,renforce l’éviction des femmes du monde du travail.

Le Grand-Ouest : l’optimisation des stratégiesféminines de conciliation (type 4)

Le Grand-Ouest, également au-dessus de la moyennepour le nombre d’enfants, semble avoir développé des stratégies alternatives à l’inactivité relativementefficaces. Privilégiant l’activité sous toutes ses formes,les femmes exploitent toutes les possibilités deconciliation existantes : temps partiel et APE sont fréquents et leur évitent de sortir du marché del’emploi tout en préservant la place, semble-t-ilmajeure, du projet familial. Le taux d’équipement encrèches y est certes faible, mais, contrairement auxprécédentes régions, se trouve compensé par uneoffre individuelle de garde conséquente.Une stratégie gagnante pour des femmes qui arriventà combiner emploi et construction d’une famille —voire nombreuse— grâce à des offres de garde etdes aides publiques très présentes et bien utilisées.Cette stratégie s’exprime d’autant mieux que laprécarité est moindre et le contexte d’emploi

plus favorable que dans le Nord ou sur le pourtourméditerranéen.

Le quart Sud-Ouest : un recours aux services de garde limité par l’aide informelle et le faiblenombre d’enfants ? (type 5)

Le quart Sud-Ouest se situe dans la moyenne àbeaucoup d’égards : pour l’activité féminine commepour la présence d’une offre de garde à la foiscollective et individuelle. En revanche, l’APE est peudéveloppée. Au total, le faible recours à la gardeindividuelle renvoie sans doute à un moindre nombred’enfants, voire à une aide informelle plus déve-loppée dans ce territoire de forte solidarité intergéné-rationnelle. Ces départements semblent respecterun certain équilibre de vie entre emploi et famille,mais le taux de natalité relativement faible et desemplois souvent peu qualifiés pour les femmes fontdouter de l’atteinte d’un équilibre optimum.

LES SERVICES DE « FACILITATIONDE LA VIE QUOTIDIENNE »

Une concentrationgéographique de la consommationde services

Le recours aux services de « facilitation de la viequotidienne » est moins contraint par la nécessitéqu’en ce qui concerne le grand âge ou la garded’enfant. Par ailleurs, la demande n’est aidée que parle seul jeu des déductions d’impôt. Aussi n’est-il passurprenant que les disparités départementales soient

27

14

4

Dans l’analyse, les servicesde «facilitation de la viequotidienne» recouvrenttous les services à lapersonne ne relevant ni de la garde d’enfant ni de l’aide aux personnesâgées.

27

Page 96: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

2

importantes : la consommation annuelle d’heures parménage de 30 à 75 ans varie ainsi de moins de4 heures dans 17 départements à près de 20 heuresà Paris .Les départements de la moitié Ouest de la Francesont globalement plus utilisateurs de services defacilitation de la vie quotidienne que ceux de la moitiéEst. Toutefois, le recours à ce type de services estlocalisé sur un nombre relativement réduit deterritoires : seuls 18 départements affichent unnombre d’heures par ménage supérieur à lamoyenne nationale (contre 45 en ce qui concernel’ensemble des services à la personne). De même,dix départements concentrent à eux seuls 42 % du total national des heures de services de

28

facilitation de la vie, alors qu’ils ne recouvrent que24 % des heures d’aide aux personnes âgées et27 % des foyers de l’Hexagone. A cette concen-tration territoriale correspond aussi une consom-mation de services focalisée sur les catégories depopulations les plus aisées au sein de quelquesdépartements : en effet, le nombre d’heures parménage est d’autant plus important que la part desfoyers se situant dans la tranche supérieure derevenus fiscaux (39 000 euros et plus) est élevée ;mais, si l’on exclut les trois départements les plus« riches » de l’Ile-de-France (Paris, Hauts-de-Seine etYvelines), la relation entre ces deux critères estbeaucoup moins étroite.

Les femmes, l’argent et la formation au cœur de la décision

La consommation de services de facilitation de la viequotidienne est, par essence, arbitrable : elle nepeut, certes, s’exercer sans un minimum d’aisancefinancière, mais elle est aussi le reflet de modes devie et de facteurs culturels ou psychologiques(capacité à déléguer certaines activités, représen-tations de la sphère intime, répartition et valorisationou non des activités ménagères au sein de lafamille…). Six critères permettent d’expliquer prèsde 80 % des disparités départementales.

L’activité féminine, facteur central de la demande

Le facteur le plus déterminant de la demande résidedans la proportion de cadres parmi les femmes

24

97

Sources : Estimation Caisse d’Epargne à partir des données INSEE, IRCEM et DARES.

Le nombre d’heures est ici rapporté à l’ensembledes ménages de 30 à 75 ans, qu’ils soient ounon utilisateurs de servicesde facilitation de la vie, ce qui explique le faibleniveau d’heures annuellespar ménage.

28

Nombre annuel d’heures de servicesde facilitation de la vie quotidiennepar ménage de 30 à 75 ans

n Supérieur à 7,5

n Compris entre 6,2 et 7,5

n Compris entre 4,9 et 6,1

n Compris entre 4,1 et 4,8

n Inférieur ou égal à 4

Page 97: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

actives. Une proportion élevée constitue un indicateurd’aisance financière propice à l’utilisation de services.Cependant, au-delà du seul effet de revenu, lescontraintes horaires auxquelles les femmes cadressont confrontées rendent davantage nécessaire lerecours à une aide extérieure pour pouvoir assumerun certain nombre de tâches de la vie familialequotidienne. A cette contrainte de temps s’ajoute le fait qu’elles déclarent moins fréquemment quela moyenne prendre du plaisir à effectuer des tâchesdomestiques .La carte de la consommation de services de facilitationde la vie quotidienne par département recouvre donc enpartie celle du taux de femmes cadres, avec notamment

29

une utilisation plus marquée dans la plupart desdépartements incluant une métropole régionale. Ceuxde l’Est de la France (Bas-Rhin, Meurthe-et-Moselle et Côte-d’Or), les Bouches-du-Rhône et les Alpes-Maritimes font cependant exception à la règle, de même que certains départements de la périphérie de l’Ile-de-France, tels que l’Oise ou la Seine-et-Marne.

La part des femmes de 25 à 59 ans travaillant àtemps plein est, de même que pour les femmescadres, révélatrice d’un manque de temps et d’unpouvoir d’achat supérieur à la moyenne. En l’occur-rence, le pouvoir d’achat tient moins au seul niveau de rémunération qu’au cumul de deux sources derevenus d’activité dans le ménage. Le fort tauxd’activité féminin à temps complet explique ainsi laconsommation de services relativement élevée danscertains départements pourtant ruraux tels que le Loir-et-Cher ou la Corrèze. A contrario, la faible activitéféminine à temps plein semble peser sur la consom-mation de services dans certains départementsurbains du Sud-Est de la France (Var, Bouches-du-Rhône, Pyrénées-Orientales).

En revanche, le nombre d’enfants par ménage n’a pasd’influence sur le nombre d’heures consommées.Comme le montre une étude de l’INSEE , à revenudonné, la probabilité de recourir à une aide pour les tâches ménagères ne varie pas significativementavec le nombre d’enfants. L’arrivée d’un enfant supplémentaire renforce le besoin de services, mais elle induit aussi une contrainte budgétaire accruepesant sur le recours effectif à une aide extérieurerémunérée.

30

Sources : INSEE Recensement 1999, Calculs Caisse d’Epargne.

AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

98

INSEE Première,«Recourir à unefemme de ménage»n° 411,novembre 1995.

30

Taux de femmes cadres parmi les femmes actives occupées (en %)

(Femmes cadres parmi celles qui ont une profession et l’exercent au moment du recensement)

Anne Flipo, Lucile Olier,«Faut-il subventionner les services à domicile?»,Economie et Statistique, n° 316-317, INSEE, 1998.

29

n Supérieur à 10,4

n Compris entre 8,6 et 10,4

n Compris entre 7,3 et 8,5

n Compris entre 6,8 et 7,2

n Inférieur ou égal à 6,7

Page 98: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

DEPARTEMENTS

2

Le niveau d’études et l’accessibilité de l’offre renforcent l’expression de la demande

Au-delà de l’activité féminine, le niveau d’études duchef de ménage intervient également. L’élévationdu niveau d’études s’accompagne d’une moindreréticence culturelle à accepter de déléguercertaines tâches à un intervenant extérieur au foyer.Certaines approches sociologiques soulignent eneffet qu’au sein des catégories peu aisées, la normesociale conforme davantage la femme à tenir son rôlede « maîtresse de maison » et à accomplir elle-mêmel’ensemble des travaux ménagers (J.-C. Kaufmann ).

Ce constat est confirmé par les travaux d’AnneFlipo et Lucile Olier sur les services domestiques :« à revenu identique, les couples de cadres ont uneemployée de maison dans une proportion plusgrande que dans l’ensemble des couples (respec-tivement 18 % et 6 %) » .

Le taux de résidences principales de plus de quatrepièces renforce le besoin de recourir à une aide pourl’entretien de logements de surface importante, etpar ailleurs souvent assortis d’un jardin. Cettecaractéristique peut expliquer pour partie le niveaud’utilisation de services de certains départementsruraux du Sud-Ouest de la France.Si les facteurs relatifs à la demande sontprépondérants, deux éléments caractéristiques del’offre jouent un rôle non négligeable dans laconsommation de services. Ainsi, plus la part des organismes agréés dans le total des heures

32

31

est importante par rapport à l’emploi direct, plus la consommation de services est importante. De même, plus un département compte d’organismesagréés par ménage, plus le recours aux services defacilitation de la vie quotidienne est élevé. Ce dernierindicateur est également révélateur de l’importancede la proximité géographique des offreurs.

Des potentiels dedéveloppement des services defacilitation de la vie quotidienne

La consommation départementale de services defacilitation de la vie est donc très largement expliquéepar ces six facteurs (taux de cadres parmi lesfemmes actives, part des femmes travaillant à tempsplein, niveau d’études du chef de ménage, taille desrésidences principales et les deux critères relatifs à la présence des OASP). Ce modèle explicatif permetégalement de simuler ce que devrait être laconsommation d’heures de chaque département(nombre d’heures simulées), compte tenu de ces sixprincipaux critères. L’écart entre le nombre d’heuressimulé et le nombre d’heures effectivement observéaujourd’hui permet ainsi de déterminer, dans certainscas, une propension particulière à la consommationde services de facilitation de la vie quotidienne ou,dans d’autres cas, des comportements de « sous-consommation ».

La confirmation d’un clivage Est-Ouest

Ici ou là, les écarts obtenus peuvent certes tenir à desfacteurs spécifiques qui ne peuvent être pris en compte

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J.-C. Kaufmann, «Le cœur à l’ouvrage:théorie de l’actionménagère», Pocket,décembre 2005.

31

Anne Flipo, Lucile Olier, «Faut-il subventionner les services à domicile?»,Economie et Statistique, n° 316-317, INSEE, 1998.

32

Page 99: Services à la personne: modes de vie, modes d'emploi

dans le modèle, mais celui-ci est suffisamment robustepour pouvoir dégager des tendances intéressantes etdéterminer les zones géographiques où se situent despotentiels éventuels de développement (départements«sous-consommateurs»). Bien entendu, ces potentielsde développement s’analysent toutes choses égalespar ailleurs, et n’intègrent pas les effets incitatifs de la« loi Borloo » (abaissement des charges patronales,simplification de l’accès aux services, abondement des employeurs ou de diverses entités via le Cesu àmontant prépayé…).Hormis les départements bretons, la simulationobtenue vient à nouveau confirmer le clivage entre lamoitié Ouest de l’Hexagone, plus encline à consommerdes services de facilitation de la vie quotidienne, et la moitié Est «sous-consommatrice». Compte tenu dela méthode utilisée, la «sous-consommation observée»ne tient pas à des caractéristiques socio-démogra-phiques ; elle renvoie soit à des postures culturellesspécifiques, soit à un défaut d’offre adaptée, soit à unrecours plus marqué aux services informels (aide del’entourage ou emploi non déclaré), éléments quiéchappent aux statistiques disponibles. Au sein desterritoires «sous-consommateurs», deux groupes dedépartements peuvent être distingués.

Sous-consommation urbaine…

Les départements incluant une métropole régionale,ou périphériques à une grande agglomération consti-tuent le premier groupe. Ils sont principalement situésdans la moitié Est de la France (Marne, Côte-d’Or,Doubs, Ain, Rhône, Savoie, Isère, Hérault, Bouches-du-Rhône) ; s’y ajoutent certains départements de

la périphérie de l’agglomération parisienne (Oise, Val-d’Oise, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Seine-et-Marne), ainsi que l’Ille-et-Vilaine. Ces départementsenregistrent une consommation d’heures par ménage certes dans la moyenne nationale, ou parfoissupérieure. Mais celle-ci reste en deçà du nombred’heures qu’ils devraient obtenir, compte tenu deleurs caractéristiques socio-démographiques. Cesdépartements réunissent, en effet, tous les critèresconcourant à une forte demande, qui, pour lemoment, ne paraît pas s’exprimer à hauteur desattentes, tout au moins via les circuits formalisés.Sauf à imaginer des freins culturels spécifiques, lepotentiel de développement des services sembledonc relativement élevé dans ces territoires.

… et sous-consommation rurale

Les départements plus ruraux du second groupeenregistrent une faible consommation d’heures deservices de facilitation de la vie, mais leur profil socio-démographique est insuffisant pour expliquer leurécart à la moyenne nationale. Pour la plupart, ils sontégalement situés dans la moitié Est de la France(Ardennes, Aube, Meuse, Vosges, Haute-Saône, Jura,Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche,Lozère), mais l’on y trouve aussi des départementsbretons (Finistère, Côtes-d’Armor). Leur « sous-consommation » tient peut-être à une présence plusmarquée de l’aide de l’entourage (famille, mais aussiamis et voisins). Compte tenu de leur niveau actuel deconsommation, ces départements offrent un potentielde développement, même si celui-ci est probablementmoins important que dans le groupe précédent.

100

AU SERVICE DES PERSONNES ET DES TERRITOIRES

Document réalisé par la Direction Etudes et Prospective (A. Tourdjman, Y. Benoist-Lucy, E. Buffandeau, P. Michon, V. Lopez, A. Mpacko Priso et R. Marti, M. Parienti, A. Quéron, J. Trojman, M. Cherpeau) et la Direction de la Communication externe (S. Godquin, D. Perdreau-Bourricard, A. Grussi). Caisse Nationale des Caisses d’Epargne.

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Société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 7 251 677 773,50 € - RCS Paris 383 680 220 - Siège social : 5, rue Masseran - 75007 Paris

Caisse Nationale des Caisses d’Epargne50, avenue Pierre Mendès-France - 75201 PARIS Cedex 13 - Tél. : 01 58 40 41 42 - Fax : 01 58 40 48 00

http://www.groupe.caisse-epargne.com

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