36
· DEUXIEME ANNEE · N° 3 REveE TRIMESTRIELLE DE LA SOCIETE AVRIL 1 - d'Etudes Historiques et Géographiqu�s d'ATHIS - ·MONS Er DE LA PLAINE �e LONG�OYAU RESEAU MEDIATHEQUE BIBLIOTHEQUE ATHIS-MONS (91) 1111111111 11111 11 11 *0005754* SOMMAIRE: OT UE MU ALi BRUNEL : La stntiol alternante de Petit-Mons. - H. LEMOINE : s eaux de Rungis. - M. LEROY : Le Maréchai de Vaux. - L. UNEL :' L� gare éphémère de Viry-Châtillon. - R. SOlON : ori de .Juvisy. - L. BRUNEI, : Les chasses royales et seigneu- les et letS paysans dans le sud de Paris (suite et fin). - Les armoiries d'Athis-Mons. PRn� DU NUMÉRO: 40 francs.

SESAM - n°3 - Avril 1948

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Bulletin de la Société d'Études Historiques et Géographiques d'Athis-Mons et de la Plaine de Longboyau - n°3 - Avril 1948

Citation preview

Page 1: SESAM - n°3 - Avril 1948

·DEUXIEME ANNEE · N° 3 • REveE TRIMESTRIELLE

DE LA SOCIETE

AVRIL 1848

- d'Etudes Historiques et Géographiqu�s d'ATHIS - ·MONS

Er DE LA

.. PLAINE �e LONG�OYAU RESEAU MEDIATHEQUE

BIBLIOTHEQUE

ATHIS-MONS (91)

11 11 111111111111 11 11 *0005754*

SOMMAIRE:

BlBUOT � .. ÇlUE

MU Je ALi

BRUNEL : La stntiolll alternante de Petit-Mons. - H. LEMOINE : s eaux de Rungis. - M. LEROY : Le Maréchai de Vaux. - L. UNEL :' L� gare éphémère de Viry-Châtillon. - R. SOlON : Le ori de .Juvisy. - L. BRUNEI, : Les chasses royales et seigneu­les et letS paysans dans le sud de Paris (suite et fin). - Les

armoiries d'Athis-Mons.

PRn� DU NUMÉRO: 40 francs.

Page 2: SESAM - n°3 - Avril 1948

LA SOCIÉTÉ EST PLACÉE SOUS LE HAUT P.4TRONAGE DE M. A.CHOLLEY

Doyen de la Faculté des Lettres de Pw'is Directeul' de l'Institut de Géographie

PRÉSIDENT D'HONNEUR:

M. H. LEMOINE, ArchiviSte en chef du département, Vice-Pré­sident de la Commissi on des Antiquités' et des Arts de Seine'-et-Oise.

, BUREAU DE LA SOCIÉTÉ POUR 19'48 :

Président.' 1\1. M. LEROY, Directeur honorai re d'école, 25, A�e­nue Voltaire, à Athi s-Mons (S.-et-O.).

Vice-Président.' M. l'Abbé F. LAURENT, 'Curé œAthis-Mons. Secrétaire Géncl'al ." M. L. BRUNEL, 9, rue des GraviHiers , Athis­

Mons.

Secrétaire· Adjoint : Mlle D. LAY GUE, Insti tutrice, lÔ, Ayenue du Plateau, à Juvisy-sur-Orge (S.-et-O.).

Trésorier: M. A. ARBILLOT, 39, Grande-Rue, à Athis-Mons.

Trésorier Adjoint: Mme D. AUGIER, 15, Rue Monttessuy, à Juvisy.

Archiviste.' M. R. SIMON, 13, Ru� de la Cour-qe-France, à Athis-Mons. ' .

Administratellrs .' MUles BEL LÀMY, LA YGUE et YVON, 'Ml\t AR­BILLOT, BRUNEL, D U BLARON , LAMARQUE, LAURENT,

'LEROY, PANDRAUD, SIMON et VIGNARD.

DÉLÉGUÉS COMMUNAUX:

.//lvisy .' M. L. LAMARQUE, D irecteur de l'école Jean-Jaurès, 26, Avenue Frédéric-Merlet.

Morangis.' M. J. JACQUART, 7, Ri,le F,e-rdinand-DuvaJ, à Par is (.je). Villenellve-Ie-Roi : M. P. CSERY, Commis princi pal à la Mairie,

13, Rue du Maréchal-Foch.

Wissous: Milo L.' BONZON, Institutrict;, Ecole de filles.

Vignellx : �( M.' HURTAUT, Instituteur" Ecole Pasteur .

" II sera procédé ultérieurement à la désignation des autrc1s délégués pou

.L'

, ,shacune des communes comprise dans '/' cham d'acti 11

SOcl,ete .

Page 3: SESAM - n°3 - Avril 1948

Deuxième Année. N° 3 lJirecteur .' Lou is BRUNEL.

LA STATION ALTERNANTE

DE PETIT-MONS

ou,

Avril 1948

LES ORIGINES DE LA GARE D'ATHIS-MONS

( 1" avril 1 841 )

Dans l'"atmosphère toute baignée de so leH des prem iers beaux jours du print emps 1839, le calme de la Plaine Basse d 'Athis­Mons, où le léger bruissement des saul es se mêlait au doux murmure des eaux de l'Orge , était brusquement écrasé par le tintamarre des chantiers du Chemin de fer de Paris à Corbeil. . Quelques mois aupa ravant, le 17 mars 1839, le Maire, M. Bau­

dry, avait convoqué le Conseil Municip al dans le but de lui présenter les six pièces déposées à la Mairie pour l 'exécution de la l igne ; el la rumeur, circulant de maison en maison, avait . rapidement sorti de leur torp eur les villages jumeaux, assoupis depuis des siècles au milieu des massifs de verdure et des vignobles.

Quelle allait être l'attitude des édiles de l'époque en face de ce nouveau mode de locomotion déjà en service au nord de Paris, entre la Capitale et Saint-Germain (1)? Nos ancêtres accueillirent cettc innovation avec une prudente réserve, d'au­tant p lus que le Chemin de fer ne faisait que traverser le terri­toire sans y avoir de gare d'arrivée et de départ. Il ne pouvait donc favoriser les habitants de la Commune, puisque ceux qui voùdraicnl en profiter ne le pourraient qu'en se rendant soit à Ablon, soit à Châtillon.

Quant à M. Baudry, propriétaire des Forges et dc la Fabrique d'acier d:Athis, situées au pied du coteau près de J 'ancien mou-. ! ' .

(1) La ligne de Paris à Saint-Germain avec terminus au Pecq fut ouverte l€' 26 aoitt 1837; deux ans plus tard, celle de Paris à Versailles, prenant nai s s ance sur .la l igne précédente à partir de l'embranchement d'Asnières, était inauguré" le 2 août 1839.

Page 4: SESAM - n°3 - Avril 1948

-- 50 --

lin seigneurial, le ChèmÎn de fer ne lui était d'aucune utilité pour transporter ses 2.000 tonnes de marchandises, car il était trop é l oigné de l 'une ou l'autre sta tion (2).

En fin de compte, le « Rail-voie :) semblait être plus une gêne qu'un bienfait; tout au plus le considérait-on comme une _curieuse nouve-auté, sans se douter du rôle extrêmement impor­tant qu'i-) jouerait dans les an nées à venil". N'allait-on pas être oblige d'allendre le passage des wagons pour traverser le Chemin de fer et faire un grand détour pour se rendre à la Seine ou aux poftions de terre situées de l'autre côté de la voie, ce qui entraînait bien entendu lllle grosse perte de temps; sans oublier la plus grande force de traction nécessaire pour tirer les voitures sur les remblais menant aux passages de Iliveau!

Toute fois, le Conseil fut d'avis Wlallime de Ile pas entraver les travaux; mais, en considération des m ultiples désagréments causés par la Compagnie du Chemin de fer de Paris à Orléans, la Commune deman da quelques petites compensations. en par­ticulier la confe ction en macadam de cer tai n s chemins vici­naux (3).

* **

Dès Il' mois de septembre 1839, les travaux de terrassement, poussés avec act ivité, se trouvaient e n grande partie terminés entre Pari s et l'Orge; et, en mars 1840, après s ' être développée en courbe derrièn' les m aisons du vi l lage d 'Ablon, la voie ferrée pouvait fnmchir l 'O rge sur un magnifique pont d'une hauteur totale de 8 m. et soutenu par deux arches en plein cintre de chacune (j lU. d'ouverture. Bâti en pierre de Château­Landon, il portait à la fois le Chem in de fel' et l e chemin vicinal d'Ablon à J uvisy; et- son élégante baIustrade en fer permettait d'admirer la r ivière qu i , à quelques centaines de pas, terminait son cours dans la Seine en pas�ant sous l'an­tique pont de halage (4). . Un peu avant ce pont, les ingénieurs avaient culbuté une viei l le masure, bien connue des voiturz'ers par eau sous le noIp de « Petit-Mons »; e l le était remplacée presqu'aussitôt par une gaie mai so n blanche servant, comme par le passé, de Iieu de station pour les charretiers du chemm de hal age. Tout près de cette auberge , le passage à n iveau n° 11, avec passage par-dessous accolé, laissait travers,er les voitures des particu­liers empruntant le chemin de Mons à la Seine.

Malgré un i ncident provoqué par des gl i ssements de terrains sur le coteau d'Ablon, l ' inauguration officielle de la ligne eut lÏeu le 17 septem bre 1840 et l es voyageurs furent autorisés à l'utiliser à partir du 20 septembre.

Outre les gra nds Embarcadères de Paris et de Corbeil, il avait été construit cin q stations intermédiaires, à savoir Choisy­le-Roi, Abl on, Châtillon, Ris et Evry.

Une initiative purement privée aHait bientôt nous permettre d'avoir une s tation dans l a Commune; car, de toute évidence, les habitants de la l ocalité ne recueillaient qu'un avantage min

.im e du Chemin de fer, e n raison de l 'éloignement de la

statIon d'Ablon.

(2) Arch . de la S.N.C.F. (Bégion Sud-Ouest), 02 (D7). (3) Arch. Corn. d'Athis-Mons, Registre des Délibérations dll Conseil

Mwûcipal (Dé!. 23 du 17 mars 1839, feuillet 14). (4) Arch. S.N.C.F., 02 (H3).

Page 5: SESAM - n°3 - Avril 1948

51

LA STATION DE PETIT-MoNS

Gravure de CHAMPIN. Bib . . '\'I/t. - Cab. des Es/ampes.

D evant 'une telle situa tion, MM. Chodron et 'l'homé, pro­prié taires à Athis-Mons , proposaient au Conse i l d'Administra­tion, dans une leUre datee du 22 novembre 1840, de prendre à l'avance un� quantité de billets représentant ail prix du tarif la somme de 5000 {cs que les sOllssignés payeront comptant ù la C" 'ù condition d'obtenir lin arrêt de.� convois . . . ; lesquels billets donneront droit ail' portellr pendant une année consé­cutive Ù pl'endl'e les /Joitll/res dll Chemin de {el' à Petit-Mons pour les di/Jerses destinations des convois. soit à chacI1ne de ces destinations pOllr descendre à Petit-Mons (5).

M. Chodron essuya avec alitant d'étonnement que de déplaisir un premi er refus qui lui fut communiqué le 28 février 1841. Fina l emen t , cédant allx instances de plusieurs habitants et en considération surtollt des démarches de l'honorable et zélé Maire de la Comm une, la Compagnie consentait à ouvrir une station d'essai au passage à niveau de Petit-Mons à compter du 1"' avril, à la suite d'un arrangement concerté entre M. Chodron et M. 'l'homé et conclu avec elle (6).

L'établissement de ce bureau de station ayant été accordé après que M. Chodron eût offert de garantir un produit de 3500 {cs à la recette de ce bureau et dans la vile seulement d'êtrè agréable aux habitants des localités environnantes, la Compa­gnie se réservait le loisir de le supprimer dans le cas où elle le jugerait convenable .

Aussi, le seul souci de M. Chod ron fut-il de mettre désormais tout en œuvre pour que la nouve lle station alternante de Petit-

(Ii) Id., Carton A2 (D'l, Chf, pt). (6) Id., ... P5. La ,gravure, exécutée dans les premières années d'exis­

tence du Chemin de fer, représente de gauche à droite : le chemin et le pont de halage, l'auberge de Petit-Mons, les bâtiments de la station et, couronnant Ic sommet du coteau, l'égli�, d'Athis.

Page 6: SESAM - n°3 - Avril 1948

� - 52

Mons ne fût jamais supprimée: « ChaclI/I de nOlll'! .'iera bien aise, pouvait-on lire sur une affiche adressée par ses soins au Sous�Préfet de Corbeil (7), de se prévaloir de.'! {acilités nou­velles qui flOIlS SOllt données, et nous cumprendrons tOIl.'i que ce sera seulement en m ultipliant nos relatiuns et en {avorisant ainsi lcs intérêts de la Compagnie que nous pou,rrons nous assu­rer ci nous-mêmes le maintien de la station nouvelle et l'arrêt des cOlll]oi.� ci des heures favorables. »

Il fallait s'empresser en premier lieu d'améliorer les diverses voies qui aboutissaient à Petit-Mons : « Les relations nouvelles que nutre statiun va créer ne pourron t manquer d'exciter parmi nous une salutaire émulation . Ainsi les communes de Morangis et de Chilly nous ameneront certainement de nombreux voya­ge�s, pour peu que nos chemins impraticables ne les repolIs­sent pas. La Vieille-I.?oste, Paray, la terme de Cont in, le petit­Athis et les premières mais 0 ll.'i de Fromenteall (8) auront avantage à venir prendre le train ci notre station. Wissous mème nou.'i cnverra quelques persunnes pour Paris, et SI/l'tout pour Corbei l. »

On sc de vait ensuite de l'econstruire l'embarcadère du pas­sage d'eau de Petit-Mons, parce que, sur l'autre rive de la Seine, Vigneux. ROl/vres et lfainllille, lline portion de Draveil, Châtea/l­Frayé, les Bergeries. Montgeron même, et la partie hal/te de Brunoy, dite les Bausserons, viendraient natureHelllent passer l'eau à cet endroit.

« Ainsi, poursuivait-il, nous recueillerons lm double pro}Ï1 de notre station; el la cumml/ne d'Athis-Mons, demeurée jlls­qu'ici dans llll état d' i.'iolement qui contraste singl1j/ièrement Ul'ec la fertilité de son terroir, le nombre (,9) et l'industrie de se.� habitants, 'la beauté de son site, la salubrité de l'ail' pur qU'OIl y respire, l'abondance et la pureté de ses eau:r, et l'importance nouvelle que llli a dOl/née l/ll ,établissement industriel, qui pr.end de jour en jour plus d'exteIl.�i()n (10), cessera sans doute d'être ainsi délaissée, q uand, à toutes les sources de prospérité qu'elle possede déjà, viendra se joindre l'avantage de la viabilité qui lui manque encore, réduite qu'elle est, pour tout moyen de com­mllnication, au seul chem in du Télégraphe (Avenue ./ean-Pierre­Béllard), et privée jusqu'ici de tOlite relation allec la rive droite de la Seine qui la borde. »

La station de Petit-Mons fut officiellement ouverte au public le 1"' avril 1841. En janvier 1843, elle comprenait u n b ureal). et un hangar d'attente (9() m2), une cour (64 1112) ct 504 Ill\! oceu­pés par la voie sur une longueur de 60 mètres, salt 664 1112 de terrain (11).

{7) Arch. de S.-et-O., Série S. Chemin de ter de PI/ris à Orléans. (8) La ferme du Petit-Athis se trouvait a l'emplaceinent aduel. de

l'Ecole des GraviUiers (Groupe scolaire Jules Ferry). Fromenteau était un hameau de Juvisy sur la Route, royale N° 7.

(9) En 1831 : 690 habitants - 1836 : 724 - 1841 : 705. (10) Le 3 décembre 1826, la Munidpalité accordait à M. Chodron,

notaire royal à Paris, Ia latitude nécessaire pour l'établissement d'une fabrique d'acier dans la Commune; mais cette aciérie fut fondée ulté­rieurement par un Anglais. John Buun, auquel succéda M . . Baudty en 1835,.

(11) Arch. S.N.C.F., Carton Pi (Dl, Chl, P25).

Page 7: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 53-

Le prem ier Receveur. qui était en même temps Gardien de passage, fut pendant plus de dix ans' un habitant d'Athis, M. Jean-Baptiste-}farie Hivière (12). '

A l'origine, les convois qui s'arrêtaient à Petit-Mons étaient: 1" en partant de Paris, celui de !J h. ct celui de 15 h.; 2° en partant de Corbeil, celui de 8 h. 30 et celui de 18 h. 30, passant à la station à 9 h. et 19 h. 11 Y avait en outre un convoi sup­plémentaire les dimanches el jours fériés, à midi de Paris et :i 13 h. 30 de Corbeil (7).

Le Convoi à vapeur mettait 30 minutes pour couvrir le trajet (�ntre Paris et Athis (17 km.), dont le prix revenait respecti­vement à 1 fr. 75, 1 fr. 30 et 90 c� en 1re, 2" et 3" classes. Pour le transport d'un chien, on payait quelle que soit la distance un droit fixe de 50 c. , ct le port des bagages était gratuit jus­qu'à 15 kiIogs (13).

Du jour de son ouverture jusqu'au 3 1 mai 1841, soit une durée de deux mois, il fut dénombré à cette station 1.399 voya­�eurs, c'est-à-dire un chiffre moyen de 23 voyageurs par jour (13).

'

Peu productive dans le principe, la nouvelle gare devint bonne par la suite, grâce à l'établissement d'un service d'Omni­bus qui amenait tous les voyageurs de la rive droite de la Seine. Mais en 1842, l'entrepreneur M. Bonfils, dont les recettes avaient ,été garant i es égalem�nt par M. Chodron, annonça son intention formelIe de cesser ce service à partir du 16 août, M. Chodron voulant restreindr'e pour l'avenir l'étendue de cette garantie: uue subvention lui fut alors accordée par la Compagnie (14).

En juin 1843, l'enLrepreneur de ce s�rvice exigeait à la fois de la Compagnie et de M. Chodron l'octroi d'une subvention journalière de 5 fr. comme moyen de continuer ce service qui a été déjà abandonné pal' plusieurs alltres entrepreneurs (15).

En dépit de ces difficultés passagères, dont il nous est parvenu quelques échos, la station d'Athis-Mons fut toujours maintenue, -et elle put même assister à l'agonie des stations d'Ablon et de <:hâtilIon, supprimées en 1844 au profit de celles de Villeneuve­le-Hoi et de Juvisy.

Il ressort donc que les habitants de notre Commune avaient su saisir l'occasion' de s 'attrib uer une part certaine et durable à la sou rce de prospérité que la nouvelle route d'Orléans com­mençait à verser sur son passage.

Et nous pouvons conclure avec celui qui fut le premier c de <:ourcel » qu'il est doux de rendre grâce de ce bienfait à une Compagnie qui a su voir dans une grande entreprise autre chose .(Iu'un jeu de bourse et qui a compris eHe-même que son intérêt, comme son devoir, était de vivifier les localités qu'elle trn­versait.

Louis BRUNEL, Diplômé d'Etudes Supérieures

de Géographie.

(12) En 1840, M, Rivière était simplement Gardien fi lIil)("1/1 de 3' classe; son traitement était aI{)rs de 800 francs.

,(13) DUPLESSY (Joseph), Guide ... des voyageurs SUr le Chemin de 1er de Paris à Orléans (Section de Corbeil), (Paris, E, Duvl'l'gt'l'. II!4L in-12°). . ' .

;('14) Arch. S,N.C.F., Registre 285 (F" 552). - (15) Id .. 28; (F" ;,!)).

Page 8: SESAM - n°3 - Avril 1948

LES EAUX DE RUNGIS

Lorsqu'au début de l'ère chrétienne, les Romains furent soli­dement installés sUr les hauteurs de la rive gauche dominant l:île de Lutèce, un de leurs premiérs soins fut de chercher li ali menter en eau la nouvelle ville.

Où aller la chercher? Ils reconnurent des sources à fleur de terre sur le plateau compris entre l'Orge, l'Yvette et la _ Bièvre (Plaine de Longboyau), à une altitude d'environ 70-80 mètres. �'est-à-dire supérieure à celle de la Montagne Sainte-Geneviève. qui ne dépasse pas 60 mètres.

L'eau fut soigneusement drainée de- tous côtés et amenée dans un bassin central dont on a reconnu les restes à environ 1 km. sud du village de Rungis, près du chemin de Wissous. Il avait � m. 20 de côté sur 1 m. 70 - de profondeur; en comptant l'épais­seur de la banquette du fond, il pouvait contenir environ 15 mètres cubes d'eau.

L'aqueduc d'alimentation vers Lutèce est un conduit de () m. 40 de large sur 0 m. 50 de haut, minutieusement construit en béton et dont un tronçon sert encore aujourd'hui à alimenter le Château de ChilJy.

De Rungis, il gagnait Fresnes, longeait du côté est la vallée de la Bièvre, qu'il traversait à Arcueil sur un aqueduc dorit H­reste que-:'ques traces à côté et en dessous de celui qui amène de nos jours à Paris les eaux de la Vanne, construit lui-même­"ur celui de Marie de Médicis.

Ainsi, le point de passage avait été si bien choisi Rar les Homains «ue les ingénieurs du XVII" et du XIX· siècle n ont pu trouver mIeux, et que les, trois aqueducs sont superposés. La ri gole traversait ensuite Gentilly, passait au�dessous du Parc de Montsouris et suivait les rues de la Tombe-Issoire, du fau­bourg Saint-Jacques et Saint-Jacques jusqu'l!.U Palais de Cluny où elle se terminait. '

C'est donc pour alimenter ce grand édifice qu'elle fut cons­truite. Mais à quelle époque? Autrefois, lorsqu'on attribuait à Julien le Palais des Thermes, on lui assignait comme date le début du IV" siècle. C'est tout à fait impossible; la cité gallo­romaine de la rive gauche ayant été incendiée par les Barbares à la fin du Ille siècle, ne fut jamais reconstruite.

_ On doit donc assigner à l'aqueduc de Rungis, comme au Palais de Cluny, une origine plus ancienne, très probablement l'époque de Marc-Aurèle (160-180).

Sa longueur, du bassin d'origine à Paris, était d'environ 15 km.; mais les canaux de recherche s'éparpillaient sur p'rès de 8 km. de long. Son débit a été évafué à environ 2.000 metres cubes par jour.

.*.

L'aqueduc de Wissous disparut au IV' siècle et il semblait tout à fait oublié lorsque l'historien de Paris Corrozet en signala les restes vers 1560. -

Cette remarque ne fut pas pe rdue pour tout le monde. Lors­que, vers 1609, Sully se p'réoccupa de fournir en eau le quartier de l'Université qui en etait tout à fait dépourvu, c'est dans la région de Rungis et de, Wissous qu'il fit faire des fouiHes. Qn

Page 9: SESAM - n°3 - Avril 1948

-- 55 --

retrouva naturellement les travaux des Homains, on les utilisa quelque peu et on les détruisit plus ou moins.

Quoi qu'il en soit, les travaux d'adduction commencèrent dès 1612 sous la direction de Thomas Francini, intendant géné­ral des Eaux et Fontaifll's, et de Louis Métezeau, architecte des bâtiments du Roi, qui donnèrent les plans de l'aqueduc d'Ar­cueil en 1614.

Comme nous l'avons dit plus haut, l'aqueduc moderne de la Vanne s'appuie sur son ancêtre du XVIIe siècle.

La rigole dite « de Catherine de Médicis » - car elle devait alimenter le Palais du Luxembourg -- commence au « Carré des Eaux » à Rungis, à 75 mètres d'altitude; elle. se terminait à un réservoir dont les restes subsistent encore 71, rue Den­fert-Rochereau, après un parcours de 13 km. La rtalerie d'amenée avait 1 m. 75 de haut et 1 m. de large; de place en place, vers Rungis et Fresnes, on aperçoit encore dans les champs. les regards par où l'on descendait dans l'aqueduc.

Malgré son impol'tance architecturale, l'aqueduc de Hungis débitait moins que SOn ancêtre gallo-romain. Aujourd'hui, ses eaux, très réduites, ne servent qu'à remplir le bassin du Parc de Montsouris.

Ainsi, les sources du sud de Paris furent le plus ancien moyen d'alimentation en eau de notre Capitale. Nous UtilisüIlS mallltenant, pour y pourvoir, des rivières entières; mais il nous a semblé que ces humbles filets d'eau nés sur notre terroir méritaient de ne pas être oubliés, ct c'est ce qui a motivé ce petit article.

H. LEMOINE, .4.rchiviste en chef

dll département de Seine-el-Oisc.

LES ARMOIRIES D'ATHIS-MONS

A l'instar des anciennes villes qui possédaient leurs armoiries et de nouvelles qui en ont créé, Athis-Mons se devait d'affir­mer sa personnalité en adoptant un blason concrétisant son passé.

S'inspirant des données historiques, M. L. BruneI vient de présenter au Conseil Municipal un projet d'armoiries -- celui-là même qui figure déjà sur la couverture des Bulletins, de la Société - qui sont: parti au premier d'azur: à trois fleurs de lis d'or au bâ,ton de gueules péri en bande, au deuxième de sable à trois chevrons rompus d'or, au chef d'azur chargé d'un escar­boucle pommeté et fleurdelisé d'or.

Sans entrel' dans des détails que nous donnerons ultérieure­ment, indiquons simplement que la première partition de l'écu rappelle que la Seigneurie d'Athis appartint en 1743 à Mlle Louise Anne de Bourbon Condé Charolais (petite-fille du Grand Condé). La deuxième partition évoque le souvenir de la famiHe Viole qui présida si longtemps aux destinées de la communauU. L'escarboucle du chef symbolise enfin l'abbaye Saint�Victor dont dépendait le prieuré Saint-Denis d'Athis.

MUe D. LAYGUE.

Page 10: SESAM - n°3 - Avril 1948

Ci gît . .. parmi les herbes foties le cœur d'un vieux brave_

LE MARECHAL DE VAUX

( 1705-1788)

Le voyageur, qui par l a Route National e n° 7 part de Paris. et se dirige vers Fontainebleau, arrive après avoir franchi le pont jeté sur la voie ferrée de Choisy.le-Roi à Massy-Palaiseau aux abords de l'Aéroport mondial de Paris-Orly qu'i! va longer sur plusieurs kilomètres. Face à l'entrée principale du camp, à l'endroit dit « La Pergola » (du nom d'un café voisin),' au bord du petit chemin rural qui partant de la Nationale va rejoindre la voie conduisant de Rungis à l'ancien emplacement du vHlage de Paray, il aperçoit à environ 250 mètres, isolé au milieu de la plaine, un petit enclos quadrangulaire d'où émer­gent une stèle et ';Iuelques arbres qui l'encadrent.

La carte consultee lui apprend que c'est là, au milieu de cette vieille plaine du Longboyau, autrefois entièrement convertI' de vastes champs de culture et où s'éparpillent depuis une tren­taine d'annees quelques-uns des nombreux lotissements dont l'ensemble constitue la nouvelle COmmune de Parav-Vieille­Poste, un monument élevé ù un maréchal de France.

.

C'est, en vérité, un petit cimetière champêtre que la piété­filiale a consacré, au milieu des terres qu'il possédait au XVIII" siècle, à l'un des plus braves et des plus loyaux serviteurs. de notre pays: Noël Jourda, comte de Vaux, maréchal de France, dont la vie s'écoula durant plus d'un demi-siècle sur­tous les champs de bataille de l'Europe; il dut son élévation au maréchalat, non aux intrigues de cour ou aux bassesses courtisanes, mais uniquement à son courage, à sa valeur mili­taire et à ses longs et. éminents services (1).

Si, la curiosité aidant, le voyageur quitte la route et s'engage dans le petit chemin, en arrivant au petit enclos quelle surprise n'éprouve-toi! pas devant l'état de délabrement et d'abandon dans lequel se trouve aujourd'hui ce simple e t modeste monu­ment, dans cet enclos si tranquille que les herbes folles enva­hissent et �u'encombrent toutes sortes de détritus disparates (2).

Face à 1 entrée béante - la porte a disparu et les piliers écroulés gisent aux alentours - il distingue un entourage très simple aux barres de fer rouillées; à l'intérieur de cet encadre­ment, deux tombes à la pierre moussue et effritée dont les. inscriptions sont presque complètement effacées précèdent un socle à quatre pans inclinés, descellés, sur lequel est érigée une mince stèle à quatre faces, haute de p lus de quatre mètres� s'amincissant vers le sommet, Cette stèle contient le cœur du comte de Vaux que sa fille aînée, la marquise de Vauxborel� fit rapporter de Grenoble et placer en ce lieu.

(1) Il lui faLlut près de soixante allS de combats pour accéder à cette haute dignité.

(2) L'entretien de ce petit cimetière est à la charge' de la commune de Morangis.

Page 11: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 57-

La tombe immediatement près de la stèl{! est celle de la marquise de, Vauxborel qui y fut inhumée sur sa demande en 1832 par les soins de l'abbe Decory, qu 'elle avait institué �on légataire universel.

Quant à la première , elle contient les restes de l'abbé Decory lui-même qui avait fa it preparer sa propre sépul1nre dans J'enclos., où il fut inhumé en 1837.

A La stèle porte, nettement yisibles, les inscriptions suivantes:

De face, sous /ln croissant:

CI-GÎT LE CŒUH D'UN VRAI HÉROS

DANS LA PAIX ET SOUS NOS DRAPEAUX

IL CONSACRA TOUTE SA VIE A BIEN SERVIR SON DIEU

SON PRINCE ET SA PATRIE

A droite, SOLIS Un croi.�sant :

CE CŒUR CHER A TOUTE LA FRANCE

FUT POUR SA FILJ,E AÎNÉE UN I,EGS BIEN PRÉCIEUX

CE MARBRE ATTESTE A TOUS LES YEUX

SES REGRETS SON AMOUR ET SA RECONNAISSANCE

A gauche, SOLlS 1111 rroissant:

NOEL JOURDA DE VAUX MARÉCHAL DE FRANCll MORT A GRENOBLE LE

12 SEPTEMBRE 1788

Sur la quatrième face·

sont gravés dans la p ierre un .J et unY entrelacés au- dessous desquels se trouve un ensemble com­posé de· deux flambeaux verticaux places de chaque côté d'une bande inclinée de gauche à' droite où sont dessinés trois croissants.

Issue d'une très ancienne famille noble du Gévaudan, les .Jourda, une branche tres pauvre s'était fixée dans le Vélay , et e.'es.t là, au château de Vaux, .à proximité ùu Puy, que naquit en 1705 le futur maréchal ùe France Noël .lourda. Comte de Vaux, il était aussi baron de Roche-en-Vélay et seigneur d'As­tias, d'Yrouen ct de Saintes-Vertus dans le duché de Bourgogne.

A 19 ans, il entre dans l'armée comme lieutenant au régiment d'Auvergn e et participe aux opérations entreprises en Italie, où, capitaine en 1734, il est blesse à Parme et à Guastalla. Passé en Corse pour appuyer les Gênois, en 1738-1739, il s'y distingue .et s'impose par sa valeur et son courage. En 1743, toujours avec

Page 12: SESAM - n°3 - Avril 1948

-- 58

le regullcllt d'Auvt'q�nc,. 011 le retrouve en Bohême où il. sc signale d'une façon remarquab le à la (Iéfense de Prague , ce qui 'lui VHJ,lt le commandement du l'égiment d'Angoumois. En 1744 et 1745, passé à l 'Etat-major de l'arnlèt', il combat aux sièges de Menin , Ypres, Furnes, Fribourg , puis ù la bataille de Fontenoy, ensuite aux sièges de Tournay et d'Oudeum'de dont It� Roi, en récompense d€ ses sel'vices, lui contie le comman­dement,

Sous les ordres du f1Iaréehl�l' de Saxe, les dispositions heu­reuses prises pal' lui au siège de Bruxelles et qui contribuent efficacement à la reddition de la ville lu i valent l'honneur de porter au Roi la bonne nouvell€, d'où sa promotion au gI'ade de brigadier, C'est en cette qualité qu'il prend part aux sièges d'Anvers , de Namur, à la bataille de Haucoux ; il est blessé d'un éc lat de bombe ù Berg-op-Zoom, Un nouvel exploit le signale à nouveau à 1'attention: avec les volontaires de Bretagne , i [ t'orct' à la rl'traite dix lDill� hommes qui l'avaient attaqué , II l'N'oit alors le e Ol1lmandem€nf en second de la Franche-Comté.

Nommé au commandement de la place de Gœtti ngue, il y est assiégé par l'armée du prince Ferdwand de Prusse et ['oblige pal' des sorties répétées et réussies à lever le siège, En 1 76 1. il est envoyé dans la région du Weser et de l'Ems; il revient en 1762 ù Gœttingue et combat en 1763 dans les Trois-Evêchés, dont il est nommé commandant en second, Il l'st promu Com­lIlandeur de l'Ordre de Saint-Louis en 17(j4,

Le 15 mai 1768, Choiseul signe a vcc la Hépublique de Gênes le traité par lequel ce pays cède à la France tous ses droits sur la Corse ; Louis XV promulgue l'édit de réunion de la Corse à la France le 15 août suivant, mais la résistance des Corses oblige notre pays à entreprendl'e dans l'He une campagne pour assurer l 'application du traité, Les insuccès du lieutenant-général Chau,velin �Jl1t singulièrelùent ,colllprOJ�is la situation des trou­pes françaIses dans un terrall1 d I ffi cile devant la courageuse résistance des habitants conduits par Pasca1. Pao l i, C'est le comte de Vaux qui est apl;lelé à reparer les fautes commises: après Une campagne de troIs mois qui se termine par l'héroïque défaite des parLisans de l'indépendance il Ponte-Nuovo (9 mai 1769), le comte de Vaux prépare l'annexion définitive de la Corse à la France. Notre pays a alors une position très importante

,dans la Méditerranée, « pistolet chargé au cœur de l'Italie :t. comme dira p,lus tard Mirabeau, Toutefois, le gouvernement militaire de l'Ile, contre toute attente, n'est pas confié au vain­queur, mais à un sous-ordre , Il' lieutenant-général comte Marbeuf,

Noël Jourda r€nh'e donc en Fi'ance et est employé successi­vement dans la Généralité de Paris, en Provence, en Alsace. En 1779-1780, il commande l'armée des côtes .Je Bretagne et de Normandie, puis est placé au commandement du comté de Bourgogne,

Le 14 juin 1783, le roi Louis XVI lui confère la dignité de Maréchal de France, récompense bien due aux nombreuses preuves de courage, de talent et de science militaire qu'il avait données « pendant près de 60 ans, dans 19 sièges, 10 combats et 4 batailles ".

En 1788, l'opposition qui se manifeste sourdement dans le pays éclate à l'occasion de la publication des deux édits rela­tifs à l'impôt du timbre et à la subvention territoriale de gO mil­lions, Elle se traduit dans le Dauphiné par la proclamation de

Page 13: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 59-

Vizille (près de Grenoble) où 600 députés invitent le pays à refuser l 'impôt tant que les Etats Généraux ne seront pas convo­qués (21 juiiIet 1788). C'est le maréchal comte de Vaux que le gouvernement de Louis XVI envoie à Grenoble pour étouffer cette première manifestation de révolte ouverle. C'est là que la mort vient le surprendre, le 14 septembre 1788. ;

Michaud. dans sa Biographie univerulle, donne à la notice qu'il consacre au comte de Vaux la conclusion' suivante: « Observateur zélé de la discipline, sévère mah juste et humain,

désintéressé, ennemi de ce faste qui corrompt une armée autant qu'il j'embarrasse, le maréchal. àe Vaux donna toute' sa vie l'exemple des velius militaires et surtout d'une scrupuleuse probite. Après avoir commandé l'expédition destinée pour l'Angleterre, il demeufait encore, en 1781, à la tête des troupes· rassemblées en Bretagne. A la fin du premier mois de service, Je trésorier de l 'armée lui apporta la mêmé somme qu'il lui avait comptée l'année précédente pour Je mois correspondant: « Il ne m'en faut que la moitié, dit le comte de Vaùx; n'ayant plus les mêmes dépenses à faire, je n'ai plus bc!\oin du même traitement >?, et il écrivit sur-le-champ dans ce sens au minis­tre de la Guerre. Celui-ci lui répondit qu'i l avait mis sa lettre sous les yeux de Sa Majesté, et que le Roi voulait qu'il reç(It la somme entière cornille témoignage de la satisfaction qu'elle avait de ses services. « .Je ne puis accepter, écrivit le comte, cette marque de bonté du Roi, et ce sera le seul ordre de Sa Majesté auquei, dans tout le cours de ma vie, je me serai cru dispensé d'obéir. »

Le maréchal laissait deux filles: la marquise de Vauxbo­rel (1) et la marquise de Maré Pont-Gihaud. La première reçut en partage la terre de Paray et quoiqu'elle ait l aissé de tristes souvenirs, il faut lui tenir compte du geste de piété filiale qui lui fit rapporter à Paray le cœur de son père ct de le déposer sous un cippe, au milieu des champs, sacrifiant ainsi à l'usage ancien de placer les tombeaux près des grands chemins (2) .

L a terre d u maréchal d e Vaux fut conservée par s a fille jus­qu'à sa mort en 1832. Elle fut sur sa demande inhumée près du cœur de son père el institua l'abbé Decory son légataire univer­sel. Celui-ci remplit les obligations qui lui avaient été dictées et fit préparer sa propre sépulture dans le même enclos. Ses restes y furent inhumés en 1837.

Un bien curieux procès surgit à cette époque. Ses héritiers, en l'espèce deux neveux, intentèrent une action judicia ire contre le curé de Morangis pour lui disputer la ren(e qui avait été affectée par leur oncle à l'entretien du tombeàil ct à l'obliga­t ion a n n u eHe de messes. Le tribunal, après un procès qui qura plusieurs années, les débouta et le petit cimetière fut alors clos. de murs.

M. LEROY, Directeur honoraire d'école publique.

(1) Les armes du marécha,J comte de Vaux étaient: D'or à la bande de gueules chargée de trois croissants d'argent. Elles ont cté intro­duites dans les armoiries de la commune de Paray-Vieille-Poste.

(2) A noter dans lIa région, le cimetière des de Courcel sur lc' chemin d'Athis à Villeneuve-Je-Roi.

(1) Jeanne-Marie-Thérèsc de Jourda de Vaux, veuve de Louis-Malo Gabriel de Vauxborel.

Page 14: SESAM - n°3 - Avril 1948

LA GARE EPH EMERE DE VI RY-CHATI LLON

Bien avant la construction e t la mise en service d u ChemIn de

' fer de Paris à Co rbeil , le village d e Viry-Châtil l o n était

relativemen t favorisé au point de vue des communications. De n ombreuses routes, ainsi qqe des chem i n s ruraux en bon état assuraient des liaisons faciles avcc les localités 'environnantcs et i l profitait largement des commodités offertes p a r la proxi­mité de- la Seine et de la grande route d e Fontainebleau.

En ce temps-l à , les dép l acements se faisaient a vec len teur, mais par sa position même, Vi ry ava i t d 'assez grandes p ossi bi­lités de communicati on : outre des voitures d e la localité et celles d e Corbei l , l es habitants avaient encore la ressou rce des nombreùses d i ligences et des coucous qui suivaient l a route royale n" 7, conduisant à Fontainebleau, Montargis, Lyon, et dans l esquels on trouvait ordin airement des places au passage.

On pouvait prendre enfin l'un des six bateaux à vapeur mon­tants et descendants chaque jour, en se ' renda n t au port de Châtillon ; d e là, le passeur menait les voyageurs jusqu'a u bateau qui attendait au m ilieu du fl euve (1 ) .

L'établissement des Chem i n s d e fer en 1 840 p orta u n coup terrible à ces anciens m oye ns de transport, car aucune voiture publique ne pouvait soutenir la con currence. Les entrep rises des grandes dilige n ces l 'avai ent eBes-mêmes for1 bien compris, puisqu'elles faisaient transporter leurs véhicules sur des trucks ' jusqu'aux' stations terminus, reprenant' ensuite leur course vers le sud.

Les villages tranquill es de notre banlieue, qui rep osa i en t et travaillaient depuis des siècles dans le calme et l a paix des champs, a l laient bientôt assister à la naissance de ce que l 'on peut consid érer comme l 'œuvre c apitale de la période contem­poraine.

Nous avons coutume de désigner ce fait, avec juste raison , s o u s l e nom de « Révolution des Chemins de fer » et nous avons tout près la preuve la jJIUS éclatante de cette affirmation, puis­que l 'imm e n s e gare de uvisy est le symbole du brusque accrois­sement d émographique et économique de l' « Agglomération .Juvisienne », déclenché précisément par c ette révolu t i o n toute pa ci fique .

Si nous somm e s ù m ême de mesurer m ainten ant toute l a portée d e s transforma tions étonnantes enge n d rées par l e déve­lopp ement des voies ferrét's autour cIe l a Capitale, i l importe cependant de se reporter Un peu plus d t' cent ans en arrière pour t â cher de d ev i n e r �i l a l m' u r des d o c uments ce qu'en pen­sai e n t n o s aïeux .

LA CONSTRUCTION DU « RAIL·VOIE ;p

A cette époque, bien p e u de communes de notre région prê­tèrent à cette manifestation nou vel le de la locomotion t oute J 'attention qu'el l c méritait. Les « comètes à la chevelure enflam-

( 1 ) Arch . COI1l . de Viry-Châtill o n , 1 D7 (N° 92 - feuUlets 70 et 71).

Page 15: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 6 1- --

me" » q u i d o n! n a v a n t d ë v a i e n t é t ab l i r d e s re·l ati ons plus rapi­des e n t re Pari s et Corbe i l , b i e n qu'evei i l a n t ' u n e certaine curIO­sité chez certa i n s de nos a n d·tres, ne devai en t pas secouer de prime abord une i n différence quasi gén é r a l e ,

O n peut à ce propos, e n ce qui c o n cerne Viry , rappeler quel­ques réflexi o n s adressées plus t ard par le Maire de la Commune aux d iri gl' a n ts d u « H a i l -vo i e » : « Vous voudrez bien n e pas o u b lier q u. e jamai.� V O liS n 'avez ren c o n tré dans la (; ommune qu'indulqen c e , b ienveillan ce, facilité et s o u tien, même avant de .�azJ()ir S I n ous aurions une station (2). »

Or, il ce m oment-l à , le Chem i n d·e fer a v a i t déjà fait ses preu­ves et beaucoup avai e n t c o m p r i s Ic p a rti qu 'on en pouvai t ti rer. Néanmoins, si l 'on s 'e n t i e n t a u compte re n d u d e l 'A ssemblé e extraordinaire convoquee pa r le Maire , M. François , l e 1 9 mars 1839, o n l'st frappé d u p e u d'enthousiasme que m ettent l es Conseillers p o u r accorder certa i n e s fac i l i tés à l a Compagn i e du Chem i n d e .fer d e P a r i s à Orléans : l e Conseil Municip al fil simplemen t r essortir que, m algré les désagl'éments causes par les futures constructions, i l n 'était pas dans ses i ntentions d' entraver la marche de la Compagnie dU1ls ses opérations, d'au­tant plus qu' i l n e l u i é t a i t survenue aUcune déclaration, ni récla­matiOll de la part des propriétaires de la Commune .mr le procès-verbal ou vert à cet effe t aux terme s de l 'article · 7 de la loi du 7 j u il let 1833 ( 3 ) .

Certes, les habitants avaie nt éprouvé qu e l que i n q u iétude a u sujet d e l eurs récoltes e n voya nt s'abattre s u r le pays un grand nombre d 'ouvri ers étrangers attirés par l a construction du Chemin de fer, et l a Commune s'éta I t empressée d e procéder Je 1 1 août 1 839 au choix d'un messiel' p o u r gard e r les v i gnes, en fa isa n t remarquer que le service serait pour cette raison bien plus diffici le que par le passé (4).

, Ces craintes s'évanouirent vite, c a r l es travaux avan çaient

ave c rapidité ; et en §,eptembre 1839 , l es terrassements ' étaient terminés sur l 'ensem ble du territoire d e Viry .

L a Compagp.ie avai t acquis s u r l e terroir châtillonn ai s u ne sup erficie de terrai ns de 79 a. 16 ca. exprop riés p o u r c a use d'uti l ité p ublique et elle a vait entre p r i s a u ssitôt d ifférents - tra­vaux d'art , s e l on les i ns tructi o n s qui lui avaien t été com m u­niquées le 1 3 a oût 1 839 , par le Mi n i stère d e s Travaux P ublics (5 ) .

El le a v ait jeté, en prem i e r l i e u , l e s fondat ions d u nouveau pont qu i franchissait l a fa usse r i vi è re d 'Orge un p eu e n aval du pont d'Anti n ; haut de 8 111 . , i l comp ortait deux arches e n maçonneri e d e 6 m . d 'ouverture chacune et était fon d é sur un ra d i e r gén éral en béton ( 6 ) . Sur l es plans i n it iaux, ce pont D'avait que 8 m'. de l a rge sur 2 m . de flèch e , tandis que le pont d'Anti n mesurait 1 0 m . 50 sur 2 m . 80 ; c ette situ a t io n présen. tait u n grave i nconvéni ent d u fait q u e l e pont d'Antin pouvant à peine s u ffire à l 'écoulement d e s e a u x qu'il recevait lors des cru es, i l apparaissait de toute évi d e n c e q ue l e s d i mensions réduites d u n o u v e a u pont ex p osera i e n t l es terres yo i s i n es il d es

(2) Arch. de la S.N.C.F. (Région Sud-Ou est) , Cart o n V I (D I , Ch8, Pl) (3) Arch. Corn. de Viry, 1 D7 (N° 1 9 _ fo 1 8) . (4) Id., 1 D7 (N ° 33 - fo 28) . (5) Arch. de S.�t-O., Série S , Ch em in de fer de Paris il Orléans . (6) Arch . S.N .C.F. , 02 (H3) .

Page 16: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 6� -

inondations qui s e renouvelaient d'ailleurs assez fréquem­ment ( 3 ) . Des concessions mutuel les permirent d'aboutir rap i­

. demen't à un bon résultat : à la suite d!un détournement du lit de l a fausse rivière, autori sé par la Municipalité , cel le-c i se v.it . doter d'un magn i fique pont de Chem i n de fer l arge à sou­hait (7) .

Bien d 'a utres modificati o n s ava i ent a m e n é des changem e nts sensibles dans le pays et c 'est à pei n e si l 'on p o u va i t recon­naî tre le paysage d e l a P l aine Basse! Les deux écarts de Viry ; l e Grand et l e Pet i t -Châti l lon, se trouvaient mai n ten ant com plè­tement enfermés ent re l a Seine et le B a i l -voi e ; p e n d an t un mois , les remblais barréren t les rues, portant a insi préj u d i ce au commerce d u p ort ( 1 ) , et finalement les hameaux n'eurent d ' issue dans l a campagne que par deux tunnel s ; en fait , deux passages à niveau, avec passage par-dessous accolé de 3 m . d'ouverture s u r 3 m . de haut s o u s poutre (8) , les met taient e n communication a v e c l e vieux vil lage blotti au p i e d des coteaux, l 'un édifié sur le chem i n vicinal d e Chât i l l o n (n° 1 5 , rue Car­n o t ) , l ' autre sur l a ,ru e d u Petit-Châtil lon (n 0 1 6, rue de Seine) .

I l avai t fallu, de p l us , d ét ourner une part i e du chemin pavé qui rel ia i t J uvisy à l a route royale n° 7, à p'art i r du p oint où il rencon tra i t la l igne , et construire un chemi n l atéra l empierré about i ssant a u p assage à n i veau du Grand-Chât i l l o n (5) .

VEMBARCADÈRE DE CHATILLON : ' Ces i nconvé n ients ne const ituaient en réali1é qu 'un tort pas­

sager pour un bJenfait permanent, car, sur )es conseils de M. Francœur, la Com pagnie p,renait l a décision d 'ouvrir une stat ion à Châti l lon , l ors d e la m i se e n service d e la l igne le 20 septembre 1840 .

Situé à 2 0 km. 500 de Paris, l e nouvel Embarcadère joign ait aux charmes de son site les avantages d ' u ne posit i on excep­tion n e l l e : l à se trouvai ent réunies sur un e largeu r d e 300 m . trois gra n des voies d e communicati o n , u n chemin de fer entre u n gran d fleuve ct une route royalè de première classe.

Le pro m e n e u r qui, après avoir marché quelques i nstants sous l es vertes frondaisons de l a Montagne de la Cour-de-France, atteignait le pont des Belles-Fontaines , j o ui ssait à cet endroit d'une vue superbe. D e là, i l pouvait embrasser p ar beau temps · tout le p aysage de l a vallée d e la Seine, et l 'œil prenait alors u n vif p l a isir à se reposer s ur les pentes molles d u vaste pla­teau où s 'é talaient l e s derniers b ouquets de verdure d e la forêt de Sénart . A sa gauche , vis-à-vis du châte a u de Juvisy, il aper­cevait au delà d es méan dres du fleuve, campé à l ' extrémité · , d e so n magnifique parc, le château de Draveil appartenant au · célèbre avocat Dalloz ; puis, face à lui, entre l e s masses b l an­ches des hameaux de Rouvr'cs et de Mainville , la ferme royale des Bergeries , reste d ' u n beau château d a n s lequel MM. Beau­vais frères ava i ent' fondé le p l us important établissement séri­cico l e d u nora de la France, où d e n ombreux élèves s'instrui­saient dan s l 'art d'élever la précieuse phalène de Chi n e. A sa droite, accroché sur le flanc de l'éperon qui se dressait entre . Seine et Orge, c'était Viry , . b ien connu des gourmets pour ses

(7) Sam's cette perm i s s i on , la Ci. aurait été obl igée de construire un pont en écharpe de six arches.

(8) Id., Vi (DI, Cha, }le) .

Page 17: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 63 -

from agu à 1 11 crème ct renomme pOUl' ses belles e a u x , son jardin (f e P i e d - d e-fer d ' A i guemont et cel u i de la Du chesse de Raguse. .

A ses pieds e n fi n , S O I1 a tte nt ion - était attirée par la nouvelle ligne de C h em i n de fer q u i , ét incelant sous les feux du soleil, s'éte n d a it S Ul' la rive gauche du fl euve comm e un long ruban san s fin .

Ce qUI fra ppai t s u r t o u t l e voyageur en abor d a n t l a peti t e ga r e , c'ét a i t l a pauvreté d e ses i n sta l lat ions : le receveur, le vieux M o n s i e ur Séj ou r n é , ava it tout simplement pris place dans la loge du cantonnier d e Peti t-Ch âtil'l o n , preuve que la Com p a­gn i e s ' i n t é res sa i t m é d i ocrenwnt à l 'ave n i r de la st a t i o n .

L' EMB.\ RCADÈIŒ DE CHATIl.I"ON

Grll v u )'e de CHAMPIN. Rib . Nat. - Cab. des Estampes.

E n 1841 , elle était pourtant l a m e i l l eure du Chemin de Corbeil et le personnel comprenait alors un receveur, M. Séjourné (9) , un garde-contrôleur, Prix Mathieu, et · l eI facteur Mauge'. Le prix du v oyage d e Pa ris à Châtil lon revenait respective­ment à 1 fI'. 75, 1 fr. 40 et 1 fI'. 10 en 1re, 2- et 3' dasses (10) ; et -les voy age urs trouvaient à l'arrivée des voitures d volonté

- pour Vi ry, Grigny, Savigny et la val l ée de l 'Orge. Du 20 sep-

(9) Son t-raitem.ent é t a it de 1 .200 fr. en 1.840. Le 9 Janvier 1841, il e Conseil d'Administration décida it que ce receveur aurait 1 .500 fr. d e t.ra itemen t : « C'est un emploi ,très dit,ficile et M. Séjourn é para it un peu dgé . Si M. Mulot, q u i es t aujourd h u i attach é au bureau d e Paris à titre d'essai, fait preuve de capacité, - on pourrai t l'en voyer à Chd-tillon e t M. Séjo urn é viendrait au bu,reau de Paris. .. .

(lO) DUPLESSY (.Joseph) , Guide . . . des voyageurs sur le Ch emin de 1er de Paris à Orléans (Section. de Corbeil), (Paris, E. Duverger. 1841 , in-1 2 ° ) . Sur la gra vure, l a station est vue du Moulin Berger (du nom de son propriétaire) , situé un peu en aval du pont d'Antin ; au second plan, à gauche, la Montagme de la Cour-de-France et, à droite, le olocher d'Athis s'estompant sur l'horizon.

Page 18: SESAM - n°3 - Avril 1948

64 ; - / tembre . 1 840 au 31 mai 1 84 1 , l e mouvement dës voyageurs fut de 30.1 1 0 personnes , soit Un chi ffre moyen de 1 2 8 par jpur ; c'est-à-dire que l a stati on de Châtillon venait par ordre d'im­portance après Paris , Corbeil et Choisy.

Dans l'origine, faisait remarquer le nouveau Maire au Conse i l d'Administration, j'avais seul confiance dans ses avantages : mes instances ont été d'ab ord faiblement entendues. VOltS avez par la suite commencé à soupçonner que j'avais raison, et une maisonnette a été construite aUt receveur. Mais le pu blic n'avait aucun abri contre le vent, la pluie et le soleil; J'insistai alors aupres de M. Delarue pour y obvier, et une petite barraq ue a été élevée. La prospérité de la station vous a paru tellement évidente qlIe la b arraqlIe a été agrandie et c ouverte ... ( 1 1 ) .

Ce furent là cepen dant les d erniers aménagem ents de la station de .Châtil lon qui, (lans l 'esprit des actionnaires d e la Compagnie , n'était que provisoire e t était destinée à s'effacer deux ans plus ·tard devant cel le de Juvisy ; c'est p our cette rai..: son d'ailleurs qu'elle ne -fut j amais construite en maçonnerie, au grand désespo i r et malgré les dém arches i ncessantes d e M. Francœhr.

LES c TRACASSERIES » DE VIRY

. En soi-mêm e , l 'établissement d'une gare ne présente r ien de particulier ; mail! ici, ce fait revêt une importance insQup­çonnée . en raison d e la courte existence de cet embarcadère et du rôle extrêmem en t act�f joué à cette occasion par le>epl1é­sentant de l a Commune. . . . .

-

Depuis le 23 juin- 1 839, date à ]aqueUè Jean-Baptiste Deni� François don nait sa dém ission , les destil,lées de Yiry-ChâtiHon se trouvai en t entre les mains de l'illustre màthématic i e n Louis­Benjamin Francœur. ElevE à la dign it é: de membre de l'Ins,titut; il avait terminé sa carrière comme inspe'ctelii:' de l'Univèrsité et s'était retiré dans la p etite maison d e plaisance qu'il possé­dait dans la localité,

Aussitôt en fonctions, M. Francœur mettait sa grande intel­ligence au service de l a commu nauté, fai san,;t preuve d'une activité débordante, comme en témoigne le volum ineux cour­rier que nous avons . pu retrouver ; mais l e souci d e n e léser en rien les intérêts de la Commune l 'amena à c om m ettre des erreurs irrép arabl es, tout au moins en ce qui concern e l 'obj et de notre étude.

Dès 1 8 4 1 , une série de petits incidents, démesurément exagé­rés et soutenus avec ardeur de part et d 'autre, devait avoir p our résultat d e tendre les rel ations e ntre Viry et la Compa­gnie d'Orléans .

. C'est d ' abord, en mai 1 84 1 , les plaintes du Maire auprès de l'Ingénieur en ch ef, M. Jullien, sur l 'état déplorable où se trouve le passage sous l e p on t au Petit-Châtillon : « Des réclamations universelles se sont élevées contre l'é tat fâcheux de viabilité de ce tonnelle, attendu q ue dans les' mauvais te ms, cette voie est tout à fait impraticable , les eaux pluviales n'y qyant pa.� d'écolIlement et les sables dlI chemin s'y délayant à une pro­fondeur c onsidérable ( 1 2 ) . » L a Comp agnie ne voulut s'Î1n-

(1 1 ) Arch. S.N.C.F., Vi (Dt, Ch8, pa) . (1 2) Arch. Corn. de Viry, 1 D7 (N ° 62 - fo 45) .

/ /

Page 19: SESAM - n°3 - Avril 1948

\ \

65 -

ri1:i scel' en r i en d a n s c e lte . affaire, car son Cahier des charges n e . J'ob ligea it qu'à l ' e x é cut i on d'un passage . à niveau, le passage par de.ç.wus ayan t été l ib rement et volontairement exécuté pour obvier autant que pos .�i ble aux légers inconvénients que pré­.sente toujours un passage à niveau sllr une voie trè�� fré­.quentée ( 1 3 ) .

Cette h isto ire a l la i t connaître u n rebondiss.em ent imprévu. Voy ant q u e l a Compagnie n e vo u lait p as, de toute justice, enten­dre cette p la inte, M. Fran cœur revint à la charge afin d'obtenir .cette foi s lIjIle subvention . pour la réparation des chemins par­courus par les charrois du Chemin de fer.

En effet , d ès j anvier 1 84 1 , la , Compagni e avai t en trepri s la eon struction de l a lign,e pri ncipale d e Juvisy à Orléan s , ce qui n écessitait u n transp ort énorme de matériaux.

.

Tous les sab l es, reti rés ou de' l a Seine par un bateau dra­,gue ur, ou des «( fouil l e s » o uvertes sur le terroir de Juvisy, avaient été amenés par 30 et 40 lombereau.x à 3, 4 et 5 chevaux et chargés d'environ 2000 kilogs vers Villem oisson , afin d'y achever le ra il -voie ; l a rue du P etit-Châtillon et l a « route de Savigny » ( 1 4 ) , tel lement belle qu 'elle constituait une véritable promenade, se trouvaient t otal eme nt défoncées par les charrois. D 'autre p a r t , t outes l es p ierres meul ières extraItes de la Plai ne Haute d e Viry et emp l oyées à la con struction soit des baraques de canton n i e rs depuis Ablon, soit en core des p onts sur l 'Orge �t des bâtiments d es receveurs, soi t enfin du passage sous le reinblai d e l a Montagne de l a Cour-de -Fran ce, non seulement­n 'a vaien t pas acquit té l e dro it d e 1 fI' . 25 par mètre cube con­senti par l es exploi tants d es carrières, mais , encore avaient niis eom pl èt eme n t hors d e service la route de grande communicà­tion n° 31 ( 1 5 ) . De plus , de nombreux charrois d'autres maté­riaux : houi l les , fers, b ois de charpente, rails, pierres de ta i l le , e i ments hy draul iques et arbres tires des forêts sillonnaient sans arrêt l es routes llotoiremen t superbes de Viry-Châtillon .

Tqllt que vos travaux n'ont eu pOUl' o bjet que les constrllJc­lions sur Châtillon, je n'ai pas mis une bien ville ardeur d(ln.� mes réc lamatiolls : les Q llUntages que Il OUS retirons de notre embarcadère, autant que le , désir d'entretenir avéc vous de.� relations bienveillantes, arrêtaient me.ç instances. Mais, deplli.� que nos ro u tes soni écrasée.� par des charroi,ç qu'on emp loie hors de ll o tre territoire, la q llestion a changé de facè. Dans cet état de choses, j'ai dû m'adresser à M. le Préfet qlli, par sa let­tre du. 2 7 novembre , m 'ordonne de v o us mettre en demeure d'exécuter l'art. 1 4 de la loi dll 28 mai 1 836 . S'il faul recourir aux voies judiciaires, . ce sera p O lir mo i /ln chagrin réel de voir que mes fonc tions m 'o b li{len t à entrer en gllerre avec VOllS ( 16 ) .

Après a v o i r i nvité l e s Maires des Communes voisi nes victi­mes des mêmes inconvénien ts à JOIndre leurs p laintes à hl s ien ne , M. Francœur e n était, d ans cette l ettre adressée le 1 2. d écembre 1 84 1 , réduit à envisager une ac�ion j udi ciaire ponI:' obt e n i r satisfaction . La Compagnie, prête à soutenir le p rocès,

(13) Arch. S.N .C .F . , Vi (Di , Ch2, Pi! � N ° 3) . (14) Parta nt de la route roya l e N° 7, cc chem i n . pas sait sur le po'ut

Godeau, suivait à l'extérieur les m a i s ons du village p a r la rue de l a Tournell e, pui s allait, . ,e n l igne à peu près droite, au pont sur l'Orge, en côtoyant le parc de Savigny.

. .

.

(15) 'Cette rou� e traversait Viry par la rue Jean -Thom as et montait l a côt e en d i I'ectioll' de. Fleury-M,érogis.

(16) Arch . S .N .C.F. , VI (Di , Chi!, PI2 - N° 4:) .

Page 20: SESAM - n°3 - Avril 1948

- - 66 -

, sc récusa it , reje tan t toute l a responsabi l i t é des agissemf:'ll ­délictueux s u r I('S l'ntrepreneurs cha rgés de l 'I'xécut i o n des tra-v a ux (5) . ./ - Néanmoins, malgré la gravi té don née à cet incident par ll' i n­tervent ion préfectorale, l 'affaire - tourna court d'une ,façon i natte n d ue et le dossiel' constitué resta l'n som m e i l à la Mai rie­penda n t plusi eurs a n n ées , Ce subit revirement né coïncida i t - il pas avec d'étranges rU ll1 l' u rs q u i c i r c u l a i e n t d a ns le pays lm sujet d e cette pet i te gare dont l ' e x i stence, il ce moml'nt , parut sérieusem ent m e n a c é e ? Et s i cer tu ins parlaient d'une d iminu­tion p robabl e d e son i m portance, d'aucu n s n ' h és i t a i e n t pas il rép a n dre l e' bru i t q u e l e jour de sa sup pression é tait t out pro­che ! Or, devant dl' te ls propos qu i s 'avéraient p l a us i bles et éta ient m ê m e conf irmés par les t r a v a u x efl'ectués à .J uvisy , i l ne r e s t a i t p l us q u ' u n e s e u l e so lu t i on : faire rapidement amende honora b l e afi n d 'e ffacel' l a m a u vaise impress ion causée par-e e s chi eanes,

-

LA GARE DE JUVISY

Alol's que les t r a v a u x se ' .p, oursll i va i t· n t s u r to u t e la l i gne d ' O rl é a n s avec u n e act ivité febrile, l 'att e nt ion des A d m i n i stra­teurs de l a Compagn i e se portait tout naturel l ement sur la « FOll l'ch e d l' J u v i sy » , e'cst-li-di re· sur l a b ifu r c a t i o n d es Che-m i n s de fer d 'Orléan s et d e C orbeiL '

Comme les ru m e urs con t inuai e n t à circ u l e r avec plus d' in­sistance que j a mais , M, Francœur se crut ob l i gé d e réclamer dans un intérêt ghléral contre u ne mesure qui parai ssait i m m i­nente , en mettant l' Il rel i ef l a supériorité de l 'e m b a r c a d ère de Chât i llon sur cel u i d e Juvisy qui ne mènera ll U�le part ,' « Si ie­m'en rapporte aux bru its qui c(J urent, 110l/S ave: l' intention de supprimer les stat ions ci Châtillon pOUl' le,� transporter ci Juvisy. Ce ,�el'ait faire une chose dél'ai,�(Jllnable q l/e de 110 US demant/er­/ln e disposition contraire . al/x al1antages de l10tre Compagn ie , et pur conséquent auui ci cew: du pub lic (2) , » Car, d ès octo-­bre 1 841, des travaux étai ent effectivement entrepri s ' dans ce but il la fourche des deux voies pour l 'établi ssement ({'une gal'e-l'I d'un parc à bestiaux, .

A part ir de ce moment et pendant p l us de trois ans, l e vieux saVlln t ne cessa d e harceler la Compagnie et l es Autorités supérieures d 'ull déluge de lettres qui, - tou tes , p résentaient Juvisy SOUs un jour part icul ièrement sombre,

Quelqu'un qui n'eût point connu le charme et l a dou ceur du pay sage .j uvisien d'alors en aurait été à j uste titre effrayé : « VOI/S regardez la station à l 'em branchement c omme néces­saire, et je crois cette opin ion erronnée " je .pense que l'établis­sement de l'em barcadère de Jlwisy est une conception malheu­reuse pour vous-mêmes , Est-ce une me,�llre bien conçue que d'en voyer les gens au milieu d'u ne plaine, ,mn,� un sentier qui y condu ise direc tement, sans Ul! abri pour eux et leurs bagage." en pro ie aux ven b , li la pluie , peu t-être au sole il? Il n 'y a, elt cet endroit, aucl/n omb rage , aUcune maison où l'on puisse se retirer avec les paquets que l'on apporteta ou rece vra ; "n� solitude absolue sans moyen de se rafraîchir ; le soir, I/ne crainte fondée d'être volé ou attaqué; la montagne barre le passage aux -lieu:r 110isins, fait un o bs tac le insurmontable e t forc e les voya­geurs li se dévier; ICl faib le pop ulation de .Jll vi.çy lI'es t pas IIne

/1

Page 21: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 6 7 -

retiso l�r('e ; lu traversée de la Seine est très difficile à établir et les moyens de (,()lll111 1lnication font tellement défaut qu'aucune ' voitllre p llbliq ue 11e voudra venir les secourir! Bref, mille rai­sons renden t lu station de Châtillon bien préférable, car elle es t ' i n[l/l ime/lt miel/x si tuée à cause de lu grande Route et de la Seill c ( 1 1 ) . »

LA STATION DE J U VISY

Gravun' de CHAMPIN. Bib. Nat. - Cab. des Es tampes.

S i les a l l égat i on s d e ;\1. Francœur éta ient j ust ifiées d ans une certai ne m e s u r e , i l n 'e n rest a i t pas moins vrai que d<:> m u l tip l es considérations m ot iva ie n t ceUe suppression et faisa i e n t appa­raître la stat i on de Juvisy comme nécessaire, u tile et lucrative :

10 La très gran d e . p rox imité d e l a station d e Juvisy pour Viry-Châti l lon n e risquait pas d e léser les habitants de cett e l ocaJi té ; e t les aménagements envisagés devaient ren dre cette 5tation aussi facilemen t accessibl e que celle d e Châti l lon pou r l es l o ca l i t és d e s alentours ( 1 7 ) .

2 ° L e s a igu il l ages , q u i é t a i ent fort l'arcs à ce tte époque, n'étaient pas sans présent e r quelques dang<:>rs ; e t un règlement recom m a n d a i t aux machinistes d e ra lentir !eur vitesse à 500 m. au moins avant d'arriver a u point de croisenl e n t des deux lignes, de t e l l e manière que le convoi puisse être compl ètement arrêté si les circonstances l'exigeaient ( 1 8 ) .

3 0 Les convois devant obligatoiremen t rale ntir à Juvisy, u n second arrêt sur une aussi courte distan ce q u e celle de Juvisy à Châti l lon apportait un retard inuti le sur l a voie : les arrêts

(17 ) Id., Vl (Dl , ChS, P16) . (18) Arch. Corn . de Juvisy, Règlem ent pour la police du Chem in de

le,r de Paris à . Orléans (Art. 3) . La gravure repré sente .la station de Juvisy vue du passage à n i veau de la Grande Rue ; à l'lI,rrière-plan , lin convoi se d i rige vers COI'b e M .

Page 22: SESAM - n°3 - Avril 1948

-- 68 - -

m ult i p l i és étai e n t a l un; un gros i n c o n véni ent p o u r l e méclt­· n i sme des locomo tives e t pour l a c é l érité de l a marche ( 1 7 ) . .

4 " Il fallai t enfin un moyen de communications de Corbeil à la route d 'O rléans, ct cette correspondance n e p o uvait se fa i re qu'à Juvisy .

M. Fra ncœur, qui ne voula i t voi r d a n s Juvisy qu'un s imple « déptit pour l a Hou l e d 'Orl é a n s » , usa de tous l es m oyens en son pouvoir, suppli : w t et menaçant tour il tour, I,>0ur Caire­échouer ce proJet : « Vo us «lIlleZ jamais rencontre dans ma Commune allcunes de ( ' e.� tracassez'ies qu'on ne lIOIIS a pas épar­gnées ailleur.� . l.a bien veillance la plus cOl/stante a encouragtt votre ell l reprise. Quand vos rem blais ont barré les l'Iles de Cllôtillon, nO lis sommes restés enfermés lm mois entre la Seine .et vos travaux; allcuwe plainte Ile IIO lls a été fai te, et le e o m­merce du pori LI sO llffert .�arl.� réclamer d'indemn ité . . . Et, c'est après - ce.ç faits, Messieurs , que II O IlS lIene: slli/primer les .� ta­tZOIl.Ç li Châtillol/ ( 1 9 ) ! :-.

Et d 'opposer a u x arguments mis en avant par la Comp agnie une série d'obj c c li ons ayant, co mme on peut e n j uger, p lus Olt m oins d e valeur :

1 ) On o bjecte que si q uPlque' habitant de Corbeil veUlt aller . « Orléans, il faut lui en donner les moyens. Mais ce sera un sur di:!' mNle pell t être qui sera dans ce cas, et ne pouvez' vous le faire aller ju.çql-fà A this, où il irait prendre les convois d'Or­léans ( 1 1) ?

2) La llOie du Chemill de fer tourne à Châtillon avec uu J'ayon qui n'a lJue 1 200 mètres . Vous devez donc y diminlJ1er la vitesse, non seulement dans la crainte dl! �re sortir lett waggons des rail.ç par l'effet de la force centnfuge, m ais aussi pour ne pas user promptement votre matériel. 11 y a donc pru-'

dence et économie à ralentir la course : alors il n'en cOlite pas plll.� d'y stationner. D'ailleurs ce .�erait une cause de terreur puli l' beaucoup de gens, s'ils vous voyaient diminuer la vitesse sans cause apparen te ; . i ls cro iraient à des dangers qui les éloi­gneraient de prendre vos waggons; vous connaissez l'influence d'ull e panique, s i quelque Ittger accident venait à arriver dans celte partie de la route (20) !

3) La station ne ralentit pas la marche cie Paris à Corbeil. lIn arrêt de 3 min lltes a bien peu d'importance; mais je .�O ll-. tiell.� qu'il est n u l. Presque toUjours, la vitesse actuelle, sans danger po 111' les voyageurs, oblige les convuis à rester q uelqlles min lltes çà et là, puur y attendre l'heure du départ : ainsi ces 3 minll tes seront absorbées Sllr la route entière (21).

Mais l a Compagn ie n e p ouvait s'arrêter à _ d e telles subtili tés san s compromettre à la rois ses responsabi l i tés et s e s propres i ntérêt s . Pour être agréabl e il un fonctionnaire communal dont le c a ractère public et privé méritait toute s a considération et mêm e sa sympa th i l' , elle ne pouvait s onger à s 'accommoder­d'une situat i on provisoire qui ne serait que gêne dans l e fonc­t ionnement d u service d 'une double ligne de Chem i n de fel' se croisant dans l e voi s i n age de Châtillon (22) .

. Quant li �f. Francœ u r , devant l a supp ress ion p résum ée . de l a sta t i o n , conséquence di recte de s p rojets futurs d e la Compa­gni e , i l songeait a mèrement aux m alheurs qui allaient en résul­ter pour sa Commun e : « Pauvre Commune! Si tl l avais lin

(19) Arch . S .N.C.F., VI (DI , ChS, Pll) . - (2�) . . . �. - (2 1 ) ... pts. -(22) . . . P2t .

/

Page 23: SESAM - n°3 - Avril 1948

- - 69 -

mairl', princ e et Jiail' de Franc e , ou /lll député min is tériel, 0 11 ne le t rai terai[ pas ainsi ; mais tll /l'as [iollr défen.çellr qll' Iln faib le savant :

Tu n 'as poi n t d 'a i l t' s , et tu v eu x vole r , rampe !

Toult'fois nOlis a V O ]l S 1/]1 préfet, et /Ill ministI'e q /l i ne l IQl/dront '

pas rlOlls laisser opprimer, et je / l 'abandollnerai [0 partie qlle [()rsq l�'ellt' sera salis t'spoir de succès . En nwltrailanl WI pa!ls qui élait 10 llt déVOilé il votre C O lll pagllie, elle s'en es t fait un enn emi (J l l i n'est pas e n c o re sans p u issan c e . . . (23 ) ! »

CHA TILLON, STA TION D'ESSAI

Il n 'é ta i t pas dou teux qut' l a sta t i on d e Ch :î t i l lon perdrai t d e S O I1 i mp orta n ce quan d l e serv i c t' d e l a l i gn e d e Paris à Orl l� a n s St'rait com plèt e m ent orga nisé .

Mais :\1. Fra n c œ u r c roy a it a voi r prouvé q u 'e l le e n conser­verait une assez notable pOU l' mériter sa conservation ; et. comme les ra ison s S U I' l esquelles i l s'ap puya it n e p ou v aien t avoir de valeur q u 'apl'ès U ll(.' « t'x p é r i e n c e » , il so l l i c i t a de la bienveil­lance d l' l a Compagn ie l e maintj pn de l a stat ion d e Châtillon il titre d 'essa i a u côtl' dt' ./ u v i s\' : « Llli ,çse::: subsis ter 110 11'1' embarcadère pen dant (J llelque.ç nÎois, apN's que le chem in d'Or-, léans allJ'a été mis en activité ; et s'i[ Il e répond pas il mes pro­ll1e.�ses, si en le comparant uux produits de c elui de Juvisy, VOliS trO/wez qu' il Il e /Jous soit pas avantageux, alor,� ,wppri­J1leZ le. Mais attendez dll moins le résultat de cette épremJe '(2 ) ! » Le d iman che 4 j uin, l ' u n des convois n 'avait- i l p as amené 1 53 voyageurs à Châti l lon : « Vraiment, /Jo us voulez tuer la pOille aux œ ufs d'or! »

Accéda nt à cette requète , 'M. Hu nès, J ' li n . des Directeurs, répon­dit qu'un essa i serait tenté il part ir d u 10 juin, d ate de l'ouver­t u rt' officie l le de l a station d e Juvisy. afi n d e trancher l a question.

.

Or, cette expéri e n c e é ta i t l o i n d e s a t i sfaire les habitants d e Viry, car il avait été accordé un seu l arrêt par jour et, qui p lus e s t , à une heure p e u favorable : « Quoi ! Vous mTêterez 4 fois à Ris, 3 fo is il Evry et à A th!lS, qui sont des statiollS de peu d'importance, et une seille fois à Châtillon! Il es t clair que cette disposition doit avo ir pour cOllséquence que (�hâtillon ne produira pas ses frais, et q u e r essai lui ,� el'a défavOI:able. L' expé­rience? POlll' qu 'elle soit c on c luante, qu'elle so it bien faite ! C'est mon métier de faire des expèriences, e t il m'esl impossib le de rien voir qui y ressem b le dans la mes lire ' que V O liS ave:: adoptée ( 1 9 ) . »

De guerre lasse , l e Con seil d'Admin istrat ion , d ésira n t offri r u n témoignagt' pt'rson n e l d e sa gra t i t u de et d l' son respect , finit par accorder un plus gran d n ombre d 'arrêts il part i r d u samedi 24 j uin 1 843, sous résel'\'e cepen dant que Chât i l l on n e jouirait de cet te favt' u r qllt' jusqu'à ce que les abords de la station de Juvisy aien t été complétés e t améliorés : « Quant à l'avenir de cette station, je Ile dois pas vous dis.çimlllCI', Monsieur Te Maire, qu'il y a peu de chunce pour qu'elle soit mail/tenue, la courte expérience q u e nous avons déja faite nous COl/firman! de pllIs en plus dans notre opin ion (24 ) . »

(23) . . . PIO. - (24) . . . PH).

Page 24: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 70 - -

LA SUPPRESSION DE L A STATION

B i e n que les i nsta l l a t i o n s de l a gare de Juvisy n e fussent pas encore p rêtes , l e p rem i er convoi de Ch emin de fer s 'y étai t arrêté l e 10 J u i n 1 843, à l 'occas i on d e l 'application d u service défini t i f d e la l igne d'Orléans (25) .

La Compagni e avait é levé au carrefour des deux voies une baraque p rovisoire qui fît rapidement p l a ce à un soli de bâti­ment e n maçonneri e , a u quel on accédai t p a r deux che m i n s nouve l l e m e n t construits : l e c h e m i n de la S t a t i o n (Huc Hoche) et l e c h e m i n d u Bac (H u e de Drave i l ) .

A u s s i t ô t qu e l e s abords d e l a stat ion furent mis d a n s u n état d e bonne v i ab i l i té . i l a p p a ru t c la irement que le p rovisoire devait cesse r ; c ' es t p o u r q u o i , par décision du Consei l d 'Administra­tion en date du 1 4 févr i e r 1 8H , l a sta t i o n dl' Châtillon éta i t définit ivement · s u p p r i mée , a i n si que cel le d'Ab lon, à p artir du cha n gemen t d e s e r v i e t' pour l ' été d e l a même an n ée ( 1 or avril 1844) ( 1 7 ) .

Malgrl' tou t , M . Francœur ne p ouvait s ' imaginer que le Minis­tre des Travaux P u b l i c s a i t p u autoriser l 'exécutIon de cet t e décision s a n s consulter l e s autorités compétentes . D ' a i l leurs, l e Sou s-Préfet de Corbe i l , pre n a nt fait et cause pour l a Comm une d e Viry, fa isa i t remarquer à l a Compagnie l e 1 8 avril 1844 que l a réclamat ion du M a i re paraissai t j u ste et fondée : « Je ne saurais donc trop insister pres de VOliS, Mes .� ie urs, pOlir qu'elle so·ft prise en c o n,s idérat iun et q ue cette statio n soit J'iétab lie comme all trelois ( :!{i l . » .

Avec ll ll ent ê t e me n t extraord inaire ; M. Francœur expl iqu a i t à qui voulai t j 'enten dre qu'il n e pouvait é l ever s o n i ntellig·en c e jusqu'à compre n d re que l a Compagnie ne p û t p artager les arrêts par m o i t i é en tre l es d e u x st a t ions . Quant aux frais, il démon- , trai t que l a s t a t i o n d e Châ t i llon n 'était p o i n t onéreuse il l a Compagnie : « On [Jaye à Châtillon 5 , 1 0 et 1 5 centimes de plus qu'à Juvisy. Les s eco n des places sont les pills nombre uses, et 10 cen times est le terme q lle je prends : c'est la moyenne des 3 prix. A insi , lin voyageur paye 1 0 centimes de m o ins à Juvisy. S' i l prend les convois de Châtillon, qll'il y ait 3 arrèt.� le matin e t 3 le soir, c'est 6,0 c entimes par jour, et 18 francs par mois que gagnera la C h' par voyage ur en rétablissant la station. Mais ce n'est pas lIl! se ul voyageur qui veut arrête r li Châtillon : c 'est 1 0 , 15, 2 0 et plus ! L orsq u 'en août, 7bre et Sore dun iers il y avait c on C llrrence en tre les deux stations, on cr trouvé, en moyenne, environ 60 fr. de recettes par jOllr li Châtillo n, ou de 1 5 à 1 8 cent francs p al' mois; ainsi, Cil co mp­tant la rece tle de Paris, c'est donc de 3000 à 3600 fI'. de recette totale. Un mo is , même 20 jo urs, payemien t les dépenses de la station dans l'année entiere ( 2 1 ) . » Cc ca lcul avait pour but d e faire apparaître que la s tatio n était l argemen t défray ée par cette somme , c 'est-à-di re que les i ntérêts de l a Compagnie n 'étaient pas compromis : « Et si mes calc uls V()IIS sem blent hypo thétiques, proposez-mo i de vous allouer un.e indemnité et .­probab lemen t IIn e souscriptio n /Jolontaire ; on peut aussi n'éta-

(2 5,) L'inauguration de la ligne de Paris à Orléans eut l ieu le 2 mai 1 843 e t l'ouverture l e 4 .

(26) Arch. S.N.C.F., Vi (Dl, Ch8, pro) .

Page 25: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 7 1

b lil' la station que depuis mai jusqu'en 9bre pOlir ell diminuer 111 dépense (27) ! :.

Mai s la Compagnie avai t déjà prouvé par des con cessions temporaires combien elle étai t animée de bonne volonté. Main­tt'nant, c e temps était révo l u , d'autant pll1s que cette mesure n 'ét a i t pas spécifi quement d ir igée contre la Commune de Viry­C h â t i llon : les consi dérations qu i l 'ava ien t déterm i n ée étant t i rées d e s bes o i n s généraux du service, i l l u i parut impossible d'accuei l l i r la propos i t ion de souscI'Ïpl ion pour couvrir les fra is d e l a stat i on (28) . E l l e éprouvait d 'abord l e regret de n 'êt r'e p oi n t d 'accord avec M. Fran cœu r sur ses c h i ffres, et p u is , à quoi bon d i scuter, puisque Chât i l lon n'avait été dès le début qu'nne sol u t i o n provi soire : « No us l' I l avions depui.� longtemps pré v e ll l l M. Fran CŒur qui flO US rendra dl� moills cette justice que IH J lIs n'allO l/s pas agi jJar surprise Il son égard (22) . »

LA REPRISE DES HOSTILITÉS Comp re n a n t eil J in que la d écisio n était irrévocable, :\1. Fran­

t'Œur Il 'eut d'autre ressource que de sort ir l e s dossiers qu i traî­naient depuis p lus de de ux ans da ns les armoires d e la Mairie, afin de réc l a m e r à n ouveau la fa m euse indem nité pour la répa­ration des chemi ns vicinaux.

L'autorisation d e fa i re une enquête il cc suje t lui avait été donnée par l 'Administration s up ér ie u re dès l a fin d e 1 842 : « Màis m'étant mis en rédamation près de la C i ,' pour en obte­nir des stations, et ensuite des heu,res pl/ls favorab les q u e celles q /l'elle avait fixées pour les arrêts , j'ai enc ore atten d u ; et lorsque j' ai reçu ell ju ille t des pre lives, par I/ne meilleure dis­trib ution, de toute la biell veillan c e de ces Messie llrs , c e n'était pliS le moment de les irriter, en é levan t des prét entions con tre eu:r (29) . »

La repri se l It' ces griefs é ta i t en fait l e corolla i re des d oléan ­t�es au sujet de la suppressio n de la s tation . N o n content de demander la subvent ion p ar voiè de justice, le Maire porta it pl ai nte contre la Compa gn ie pour l 'état déplorable dans l e quel eUe , avait laissé les « Coui l les » dt' sable ouvertes d a ns la p lai ne d e Juvisy . En effet , ces m arais sans écoulement , creusés dans la fourche d e s deux voies, n'étaient séparés d e s maisons d e

_ Châtillon que par la largeur d ' u n che m i n vic i nal : « I l en résl/lte deux effet.� funestes ; l' un que l'air du pays peut être vicié, ce qui produirait de.� fièvres automnales lorsque les végétaux, les insectes et autres anim aux entreraient en putréfaction ; l'autre q ue les maisons de Châtillon perdraient leur oaleur ( 1 ) . ,Juvisy n' en peut pas souffrir ; il.� ont bien d'antres marais; mais un sol montueux, balayé par le vent du n ord, l'end les effets nuls; nous, à C hâtillon, IHJ/tS sommes im médiatement en contact avec lJOS flaques d' eau (30) ! »

Et brandissant le spectre du procès, M. Francœur e n profi­tait u ne dernière fois pour proposer u n marché à la Compa­gnie : « Je m 'engage à ne rien réclamer contre ' vo us à ce suje t, si vou.� rendez ail pays la station de C hâtillon (3 1 ) . � Or, le fait de co nsentir à supporter pareille servitu de sous cette condi­tion était, pour la Compagnie , u ne preuve que ces marais n'étaient pas aussi dangereux qu'on le préte ndait . A quoi le

(27) . . . P22. � (28) . . . P24, � (29) . . . pm. � (30) . . . P26. � (31) . . . m.

Page 26: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 72 -

Maire répliquait : « Les servitudes sont des c oncessions· mutuelles que presque toujours on fait sur ses droits. VOUSI voulez, par exemple, faire traverser mon terrain par une con­duite d'eau ; j' y consens, malgré la gêne que j'en éprouve et la dépréciation de mOn b ien, si vous consentez à me donner de l'eau en passant . Ici, c'est la même chose. Je vellJr vendre ma maison de plaisance , et vous m'enlevez une partie des acqué­reurs qui, à tort ou à raison, pourront craindre les miasmes de vos marais ; VOliS diminuez donc la valellr de mon immeu­ble (32) ! »

LE PASSAGE D'EA U DE JUVISY

Cette fois, l 'absence de réponse fit ressortir que l a trève était belle et bien rompue et que l a Compagnie ne reviendrait j amais plus sur une décis i o n qu'elle considéra it désormais c omme Irrévocable . Contrairement aux allégations antérieures de M. Francœur, l e public ne manifestait aucune hostilité contre le changemen t apporté par l a Compagn i e et s'accommodait fort bien du nouvel emplacement, aussi agréable .et avantageux que celui 'de Châtillon.

De sorte qu'en fin de compte, la Commune de Vi ry ava i t perdu, peut-ètre u n p eu par sa faute, u ne p artie des avantages qu'e l l e avait cru devoir retirer d u Chemin de fer. Non seule­ment on ne parlait plus d e l a station, mais encore les pour­suites engagées restaien t lettre morte. Quant au petit hameau de Châti l lon, i l avait lui aussi perdu u ne grosse source de p rofi t et de prospérité : « Deux restaurants s 'y sont établis ainsi qIF-un cabaret; des constructions se sont faites, des loca­tions; el tout à coup, tout change , les entreprises sont ruinées, les locations annlI:lées ; quatre auberges anciennement prospères n'ont plus de voyageurs (30) . »

Un seul aubergiste, M. Dumont, avait vite compris lout le bénéfice qu'il pouvait retirer de l a position nouvelle de la station à Juvi sy : ven dant son auberge de Châtillon et délais­sant l e passage d'cau dont i l était le fermier, il venait d e faire constru ire non loin de l a gare, a u coin de l a rue du Bac, une auberge toute neuve, l a seule maison existant alors à Juvisy s u r les bords de l a Seine. Payant d'audace, il ouvrait i l l égale­ment u n p assage d'ean à cet e n droit, ce qui lu i valut d e subir, sans aucun résultat d'ail leurs, les foudres d e l a Commune de Viry. Celle-ci avait recueil l i en effe t de n ombreuses p r euves des men ées de Dumont . pour atUrer la marine dans son auberge de Juvi sy, consistant notamment à laisser le passe-cheval se détériorer, à lasser la patience des p ers onnes qui voulaient traverser la Seine à Châtillon , fI. refuser de conduire au bateall à vapeur en reIlvoyan t au passage de .Juvisy, à demander la' b ienveillance des marins qui avaient fréq uenté SOIl cabaret de Châtillon, en discréditant celui de SOIl successel1J' (33 ) . »

Pouvait-on douter d e l 'util ité d u p assage d 'eau d e Châtillon où la berge était élevée, à l 'abri d es gran des eaux ct où le cours de l a Sein e , par la forme .du r ivage, l aissait les bateaux en sûreté ? : « Il est impossib le de tro llver une autre utilité au passage de l'eall fI. .Ju visy que d' abréger d ' /l;n quart d'heul'C la

(32) . . . P28. (33) Arch. Corn. d e Viry, 1 Di (N° 98 - fo 76) .

Page 27: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 73 -

route qui condl/it la moitié cJes habitaIits de Draveil au débar­cadère de Juvisy; et si l'on dirige la rOI/te de fer de Lyon su,.. la rive droite de la Seine, comme on en a le projet, Draveil serait desservi par cette voie qui rendrait complètement le pas­sage d'eau à Ju visy superflu d'ici à de ux ans (33) . »

Pouvait-on sur des m otifs aussi légers compromettre l ' exis­tence de Châ tillon ? La suppression de la statio n avait déj à., en partie , ren d u l e pays malheureux ; faut-il en achever la ruine ?

CONCLUSION A i nsi, pend ant les quelques années qu'il avait consacrées à

défendre l e s intérêts d e la Commune de Viry-Châti l lon, M. Fran­c œur ava it connu d e n ombreux déboires . Il en venait à sc reprocher de s 'être laissé a Uer, de concessions en concessions. li céder sur tous les poin ts avec l a Compagnie et d e n e pas avoir fa it des conditions avec elle .

Il n 'é ta it pas j usqu'aux h abitants de la localité qui imputaient ù tort les raisons de cet i nsuccès à la nonchalanc e de leur :\faire. alors qu e celui-ci avait fai t preuve au contraire d 'une vigueur et d 'une ténacité sans p are i l l es : « Maintenant, je suis accablé par les p laintes générales. On me dit : les Communes de Savi­gny et de Jllvis!}, a insi que les chefs d' lIsine, avaien t raison d� penser qu 'il ne fallait rien concéder à l' égoïsme , et vous avez agi avec trop de bonhommie, vous l'eposant sur lIne fausse et trompez.se séc urité de promesses d'avantages pOlir la Commune, ses propriétés , son public et son indll.�trie, répétées s llr tOIlS les tOl/S et en divers lems. Il fallait vuir les Compagn ies ce qll ' elles sont, avhtes et despotiques dans le urs résolutions , et faire CI<)S l'Ol/ ditiol/S par écrit (34 ) . »

Certes, d ' a u cu n s vantai ent avec raison l es avant ages d Li Che­m i n de fer ct nous avon s v u , dans cet ordre ' d ' idées , comment certai ns pays , p lus favorab lement traités, rend aie n t grâce il. l a Compagn ie d 'avoir c ompr i s que son premier i ntérêt , comme so n prem ier devoir, étai t de vivifier les l ocalités qu'elle tra­versait .

Mais, qui n 'entend qu' u ne cloche, n 'enten d qu'un son ! Et m alheureusement, la Commune de Viry était loin de p artager cl'tte opin i o n : elle sava it t rop à quoi s'en tenir sur une Com­pagn i e qui l 'a va i t honte llsement trompée et elle en était arrivée d e ce fa i t à Il e voi r dans le Ch em in de fer que les i nconvénien ts m ultiples qui en résultaient : campagne coupée par la voie au détri m e nt des p l aisirs champêtres, atteintes p ortées au droit de propriété pa r l es expropriations, ruine et abandon des vil­l ages qui n 'étaient pas desservi s , impossibi l ité e nfin d'é lever u n e concurrencl' . Tout cela était sacrifié al/X voyages rapides des autres pays!

Qu a n t a u vieux Ma i re -c-- il avait al ors 71 ans -, i l n e cessa d 'espérer j usqu'à sa mort , survenue en 1 849, que l'on revi en­drait sur cette mesure qui n 'était fond ée , à son avis, s ur aucun pri ncipe ut i le et qu ' on n e pouvait raiso n n ablement défendre­qu 'e n d is ant :

Hoc !l o fo , sic j/lbeo, sil pro ratiolle volllnlas !

L. BRUNEI ..

(34) Arch . S.�.C.F . . VI (Dl, CliS, Pt7) . La locution latine de la conclusion- se cite en parlant d'une volonté arbitraire : Je le veux. je l'ordonne , que ma I>olon fé tienn e lieu de raison !

Page 28: SESAM - n°3 - Avril 1948

LE P I LORI DE J UVISY

Le 1 :1 l Il a i 1 74 1 , Messire Miche l Coup art de la B l oter ie , Ecuyer, (:onsei ller Secr(' laire d u Hoy, ma Ison couronne de France et de ses fina nces, succéda i t ù ' Monseign e u r l e MarQ,u i s Lou i s de Brancas dans la dign ité d e Seigneu r huult Jus tici er . du b o u rg de .Juvi sy-sur-Orge.

.

Aussitôt en p ossessi on de son dom a ine , le nouve au Seigneur s 'empressa de rappe l er à ses ju stici ables les droits que lui .conférait ceUe c harge ; précaut i o n d 'autant pl us nécessaire que, de 1 73 1 à 1 73 7 , les p aroissien s avaient vu s'affronter avec fougue les deux degrés de Jurid i c tion qui présidaien t alors aux destinées d u vi l l age , chacune d'ell es préte n d ant y fa ire exercer

. l a police par ses Officiers . C 'est pourquoi son premier soin fut Ile fain' rem placer l e v ie u x pilori qui , p rêt à tomber de vétusté, se dressa it dans la plac e p u b lique, aUl carrefour de la Grande 14üe (Grande R u e ) e t dl' ce lle allant à l'Eglise (Rue d u Doc­teur-Vi ll ot) .

Cet app a re i l , que l e s se u l s Seigneurs hauts Justiciers avai ent le droi t d 'éleve ,' , consi stait en llll poteau auque l estait attaché I Ine chaisne avec llll carcan pour y fixer les malfaicteu.rs qlli

JI seroient condamnh pOl/r l'e.remp le jJl/blicq. Le poteau , anciennement p lanté à la diligenc e dll Président

Rossign o l ( l ) co m m e estant Illl droit seigne llrial dépen dant de la hau te justice, esloit to la lemen t pourry dans son pied, et notamm ent all réz de ch(llIssée d/1 pavé , ne tenant presque a rien, et capab le de cal/sel' qllelque accident funeste par s� ('hl/te , surt0ut les jours de march e: ql/i se tiennen t régll lièrt> · ment t()U,� les vendredïs de chaq u e semaine , au pOUl'tollr dd dit p o teau et de la fon taine pllb liqlle qui est t0l4t proch e .

Aussi , Jfondit Sieur COllpart de la Rlo terie se vit-il J a n s l 'obli gation de don 1 1er ses ordres J Loüis Demangeon , maître charpentier demeul'Un t il G rign i, de faire /ln nouvea/l poteau ,de bois de chesne pO lir remplacer l 'ancien qui fut abattu le dimanche 1 2 nov e m b ,'e 'I 7 4 1 il caWie de ,�(J caducité.

Deux j ours après, le mard i 1 4 novembre, à neuf heurc� du mati n , l 'ani mat i on rè gn e d a ns l e petit b ourg de Juvisy, car l e n ouveau p oteau, lait dans la fo rme, figure, grosseur et haulteur de l'ancien, vien t d' estre conduit tout présen temen t dans lln e charette attelé e de deux chevaux par trois cOl1lpagnon.� ouvriers du dit De mangeon, pO Ul' le planler au lien et place de l'ancien .

Tous les Officiers de la haute JustÏce son t présen ts : à l 'a n­n once de l 'arri vée de l a c h arrette, ils ont quitté en grande p ompe la salle d e 1' .4 /1dito ire de la Prévoslé et ha ll lte ./ustice, sise dans le château , p ou r se transporter s ur la place publique. Dn remarque. au p rem i er plan, Messire Jean-Bap tiste Bertrand, a n cien Procureur a u Parlement de Paris, Prévost civil, crimi­nel, de voirie et grurie de la prévosté et hmllte justice du bOllrg de JUlJisy, a ccomp agn é de J ean-Bapt iste Duval, Procureur fisca l, et de .Jean-Ba p t i st e Losmede d e Lari vière , Greffier.

( 1 ) Mess ire Ant oine Ross ignol, si recommandable par son m érite et par le secret si estim é qu'il avait trouvé pour déch iffre r toutes �ortes de lettre s , fut, de jumet 1 6 74 à décembre 1 682, le premier Seigneur h aut Justicier de Juvisy.

Page 29: SESAM - n°3 - Avril 1948

-- 75 -

Estant arrivé au dit lieu, le représentant du Seignem lit son Ordonnance verbale par laque l le i l fait savoir qu'il est 4: cy présent pour, en Nô tre présence et de Notre ordre, ordonne" le plantage du nOlljveau poteau » . De nombreux habitants, tan t de l'un que d e l'autre sexe, s o n t attroupés près de la fontai ne et suivent sans mot dire et avec respect les manœuvres succes-­sives de l 'opération.

C'est d 'abol'd le charpentier Demangeon qui amène le p il ori e t le dispose dans le même trou où il estait, ail dessous et proche la croix, avec toute la sollidité poss ible , pO li r empesch er qu'il ne tombe o u, q u'il ne soit renversé.

P u i s, c 'est au tour d e Mi chel Renaud, maître serrurier du bourg, qui attache la même chaisne de fer garnie de son carcall q u i es toit il l 'anc ien po teall pO lir servir dans les cas qui seront nécessaires .

Les curieux ne peuvent s 'empêcher d ' app rocher l orsque l'ar­tisan appliq lle et cloüe dans lin tablea ll cre llsé dans l ' Ilne des qllatre faces du poteal1;, regardant du costé qui fai t face il la (;rande Rile q ui mon te à l'an cienne Mon tagne (Ru e Gam1iUe­Flammari o n ) , IIne feüi[[e de fer blanc sur laq uelle sont pe intes avec minutie les armes du Sieur C oupart et de Dame M.urie Thérèse Boilillard, son épollse; et il s admirent avec i n t érêt les deux petits écussons, l ' u n : D ' A Z U R A U L I O N D 'AR GENT R E MPANT

s o u s DEUX ÉPÉES D 'ARGENT PASS ÉES EN S A U T O I R , A U CHEF DE G U E U J,LES CHARGÉ DE T R O I S ÉT O ILLES n ' ARGENT RAN GÉES, qui sont les armes d u Seigneur, et l 'autre : D E G U E U LLES A U N E ÉT OILLE D'ARGEI\ T P O S ÉE EN A n I S ME, qui sont l e s armes de :\ladall le son épouse.

Mais l a ceremo n i e touche déjà à sa fin ; et, p e n dant que les Juvisiens eQ.tourent le pilori pour l 'examiner dans ses moindres. détails, le greffier dresse un procès-verbal de tout ce qui vient de se passer, pOUl' s er vir e t valoir eu tem.� et lieux, et dans tous les cas ou les dits Sieur el Dame COl1]Jart de la Blolerie , et leu.rs successellrs Seiglleurs hault Jus ticiers de ce bourg de' Juvisy, pouvroient ell avoir besoin p O lir sou ten ir leur.ç droits de Seigneurs hall li Justiciers.

Ce document, - conservé précieusement aux Archives Dépar­tem entales, nous a perm is d e retracer c es quelques note s d'his­toire l ocale sur le pilori du vieux Juvisy. -

R. SIMON.

Grimod de la Reynière (Seigneur de Villiers-sur-Orge ) , qui fut aussi gra n d philosophe que p arfait gastronome, aimait à répéter cet axiome : 4: Pour beaucoup de gens, un estomac a­toute éprellve est le p rincipe du bonhellr; et chez tous les hom­mes ce viscère influe plus qu' on ne croit sur les actes de la vie. »

Nous pouvons même ajouter, après cet homme illustre, que­l'épreuve de la faim n'est pas la moindre qu'un estomac bien éduqué doive savoir al légrement supporter.

Page 30: SESAM - n°3 - Avril 1948

LES CHASSES ROYALES

ET SEI GNEURI ALES ET LES PAYSANS

DANS LE SU D DE PARIS

(Suite et fin (l )

Les Hois de F m n ce entend a i e n t J;l ourtant restre i n d re le d roi t de chasse sur les terres ensell lencees, deplli.� que le blé c o m ­mence il' être en t lliau jllSqU'Ù ce que la moisson soit fa îte etl dans fes virlnes depl/ü qu'elles c ommencent d'être en bOllrgeons jusqu'à la vendange (2 ) . Et l a raison offi cielle était que le 'blé en tuiau estant une fois accablé, lIersé et rompll, ne se relev a i t p lus.

Ma i s les rapports de llI essiage atteste nt trop s o u vent de l ' inefficacité de ces m esures. C'est ainsi qu'en a06t 1 755, un journali er d e Juyisy dut cess er de fau cher une p ièce d'orge étant imposs ib le de ('onfin /ler le fQl�chage, laquelle pièce d'orge il a voulu soyer, ce qu'il a fait avec beauc oup de mal attend/l que l'orge se troll Ile tropi(/né et tracé des chiens de chasse. D'ai l leurs, l es gardes ne se fai saient point de scrupules d'aller avec leurs chiens e t montés sur leurs chevaux aux travers des grains et vign e.� , som pretexte de dire ql�'ils vont de la part de Je ur Capitaine ou de l'Inspecteur p o ur !J prendre connaissan c e d e l a production d e le llr gibier.

LES PAYSANS ET LE DROIT DE CHASSE

Coml I Ie les a n i m a u x sau vages n ' a p partie n n e n t il person ne, on p ourrait soute n i r que l a chasse est permise il tous l es hom­mes par le droit naturel . Cependant , l es Rois se sont toujours attribués en France le droit d'en ordon ner ; et c 'est dans ce sens que J 'Ordonnance de 1 66 9 fait défense il to us les rotllriers , de qllelque état et qualité qll 'ils soient, nOn possédans Fiefs et Haute Justice, de chasSer sous peine d 'ame n de ou de b annis­sement.

Les paysans n 'a\'aie n t d o n c p a s l e droit de chasser, e t pour être convaincu de cett e vérité il fallait supposer l e pJ,'incipe établi par j 'ap ôtre Saint Paul dans so n EpUre aux Romains : « Tout homme doit être soumis aux puissances s upérieures · parce qu'i l n 'est aucune p uissance sur l a terre qui ne vienne d e Dieu et qu'on ne peut y résister sans désobéir à l 'ordre qui a été établi parmi les hommes. » Or, les pr inces défendant la chasse à tous les roturiers, i l en découlait logiquemen t que ces derniers é ta ient obligés en c onsc ience d'obéir à le llrs justes 'Ordonnances.

Hen ri III, dans son Ordonnance du 10 décembre 1 587, a ren d u pub liques quel ques-unes des raisons de cette défense, d o n t les principales sont : 1 0 que les paisans abandonnent leur travail

(1) Voir Bulle t in �o 1, page 1 2 : - (2) Lire dans le Bulletin N° 2 le para!(raphe sur l e s Ordonnances royales (page 27) .

Page 31: SESAM - n°3 - Avril 1948

--- 77 -

pOUl' chasser; 2 " qu'ils dépeuplent le païs de gibier; et :l a que lu liberté qu ' ils auroÎent de porter des armes le.� rendraient libertins ou vagabonds .

Par co nt re , l es seigneurs et les gent i l shom mes p ouva i ent chas­-ser sur l eurs fiefs e t seign e uries . à condit ion qu'ils fussent éloigné s d 'une l ieue des Plaisirs d u Hoi. C e derni e r avait jugé, e n effet, qu'il étoit de lei justice de laisser aux seuls Nobles le privilège et le plaisir de la chasse en récompense des services qu'ils rendent <lU Roi et il la Patrie en temps de guerre contre les Ennemis de l'Etal .

Quant aux ecclésiastiques, leur obligation la plllS essentielle .étant de vaquer il la prière pu,bliquc ou particulière, il l'étude et aux exercices de piété et de charité, e t de s'y appliquer avec attention et recol/ec tion, i l s devaient par conséquent éviter la eh asse avec un très gr an d soin, suivant la défense de l'Eglise t a n t de foi s réi térée dans ses Conc i les . n'y aiant aucun exercice qlli soit plus dissipan t et moins modeste il l 'égard de ('eux qui �()nt dans les Ordres sacrés.

LA S U RABON DANCE DU GIBIER

Tou tes ces m e s llres avaient pOlir I>ffe t de p rovoquer U !le sura� bond an c e i n im a g i n a b l e de gibier.

En 1 78 8 , d a n s l a seu l e paroisse d e Valenton, près de Ville­n euve-Sai nt-Georges, on p ouva it compter jusqu'à quatre m i lle lièvres , « nombre pl'odigiell:r: qui, quand on n'admettrait pas qu'un lièvre mange anllllellemen t llll setier de grains , qui, quand on n'y joindrait pas toutes les autres espèces de gibier �.�t toujoUl'S seul capable de faire frémir pour les campagnes qui en sont inlectées . N'est-il pas déplorable de voir autou l' des boi.�, des l'emises et des garennes, les récoltes entièrement anéan ties par le lapin ; SUl' les coteaux et dans les jardins, h' plus beau, le meilleur, et la primeu /' des fruits et du raisin être la proie d'une nuée de perdrix, de faisans , de pige ons ; plaines couvertes de tl'oupeau:r multipliés de lièvres quI' .ç'alimentellt .et détruisen t il discrétion l'espérance et le fruit du travail de tant de pauvres cultivateurs ? Faut-il s'étonner si l'on avait tant d'épis sans grains, tant de tuyaux sans épis, tant de places vides ou hachées et coupées ? Faut-z'l s'étonner que, quoiqu'oll a.ugmente la sem ence, les récoltes soien t si modiques, puisq lle ce nom bre indéfini de gibier dévore le grain, ou le printemps .lorsql4,'il croit en épis , Oll l'été lorsqu 'il est mûr et mis el! javelles ? »

A Ablon, s i tuée sur l a Capitain erie r oyale et Plaisirs de Sa Maj esté, il fa llai t mettre jusqu 'à 1 2 boisseaux d e grai ns d e .semence p ar arpent au l i eu de 8 , car, aussitôt que la semence était répan due, les p igeon s , perd rix, fais.ans, moineaux, cor­beaux et l ièvres e n consommaie n t au m oins le quart . A Draveil, o n déplorait l a perte totale d 'un cinquième des moissons, pro­vo quée par l e ravage du grand et d u petit gibier que les gardes­chasse·s m u l t i pliaient p ar tous l es moyens p ossibles « pour la raison que le propriétaire de la chasse, n'ayant pas llll épi de blé, ni grappe de · rais in il perdre » était sans ménagem ents pour les propriétés et sans co n s i dération pour l 'i ntérêt publ ic. A Vitry, où se faisait un important commerce de pépinières, les arbres éta ien t rongés, SUl'tout en hiver, malgré les soins et les dépenses i n o uïs qu'on (·tait obligé de faire pour les empailler.

Page 32: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 78 -

A Soisy-sous-Etiolles, où la culture de la vigne était la p rin­cipale ressource des habitants, les ceps étaient exposés à la voracité du gibier et assujettis aux i n cursions fréquentes des. bêtes fauves : à force d 'être broutées, les vignes nouvel l ement plantées réu ssissaient difficil ement et les vi eilles étaient telleme nt a ttaquées par les lapi ns qu'au moment de la tail le, on n'y trouvait pl us rien à couper ! . . .

.

D'après cette j u ste et véritable représentation, i l ne fau t p lus s'étonn er si les grains, les vins , les fruits, l e fourrage et le bois atteignaient des p rix excessifs à l a veille de la Révolution, m algré le travai l opiniâtre du m alheureux peuple . « C'est encore ulle merve ille étonnante qu ' il puisse même vivQter, écrivait un contemporain , puisque ce tte surabondance de gibier de toufe espèce est I�l/e grêle permanente et beauco up plus fUl/ este que celle quli, le 13 ju illet 1 788 (3) , répandit dans tant de lieux fa désolation et la misère.

LES INF RACTIONS

�I a l gré l a sévérité d es Ordonna nces et le zèle excessi f des. gardes , l e s paysans prenaient un mal in plaisir à contrevenir a u x Lois royales et seigneuriales, bien souvent a leurs dépens. d 'a i lleurs, en se l i vrant aux plaisirs cachés du braconnage.

Le 24 oc t obre 1 76 1 , Lou i s Coudard, garde-chasse des terres et seigneurie de Ju visy, l'ec u li la table de marbre du Palais à Pari$ pOlir Mess ire Charles Pajot , Seigneur de J uvisy, trouva dan s un enclos e n t o u ré de haye "ive un coll et de {il d'archal, al'resfé­par un des bouts dans la lzaye et- posé Il l ' en trée d'un terrier de lapim .

.

Q u e l quefois, gardes et braconniers sc rencontraient de façon i mprévue e n p leine nu it, comme ce fut le cas pour Antoi ne· Lechal l ier ct Louis Noël le 29 mai 1 78 7 . Noël , garde-chasse de la Seigneurie d'Athis, faisait sa ronde habituel l e l o rsque. étant arrivé entre le chemin des Plantes et le chemin des Vignes (Avenue Jul es-Vallès) SUI' une pièce de terre semée en seigle, il aperçut trois collets en {il de talon ou de {el' noué, al/quel étoit attaché l/n e {icelle noué par l'autre bout à une pierre et étoient tendus sur un bâton fiché en terre. Désirant découvrir le cou­pable, Noël et son camarade Guillaume Gary s'en al ièrent faire le i:\uet à la n u it tombante pOl�r épier c ell/y qui viendroit le$ viSi ter ; mais ayant attendu inlltillement jusql/'à l'heure dl! minuit, Gary, se sentant saisy du froid et perdant espérance de voir arriver personne, se retira, laissant l e jeune Noël tout seul. Celui-ci s'était assis sur son carnier à cinq ou six pas de l 'u n des col l ets , ayan.t son fusil à . côté d e luy, n e pou'l)ant se per­s l/ader q u e cell/y qui avoit tendu les collets ne vint pas le$: visiter. Et e{{ecUvement vers l'heure de minuit et demi, il vit arriver un partic l/lier d'environ cinq pieds trois ou quatre pou­ces; ne pouvant dOl/ter que le particulier ne fl�t le braconnier, i l se j eta sur lui pour le saisir et �alors il r auroit reconnu à la­c larté que donnoit la lune quoique couverte de nuages pour' estre le nommé Nico[as Lechallier, vigneron et batteur en grange-

(3) Allu s i olIJ à un teITible orage qui s'abattit sur la région pari­sienne. Lire à ce sujet dans le Bulletin de la Société d'Etude.� Histo­riques e t Géograph iques de la Région Parisienne de juin 1 929 : L'orage du 1 3 juillet 1 788 à .von tr�u il-sous-Boill, par M. BELLAND.

Page 33: SESAM - n°3 - Avril 1948

- 79 -

�e ce lieu d' AtJli.�, leql/ei Illi dit dt' It' lâcher. Mais, s 'étant '(lpperçll que le dit l,cc/rallier cwoit à .m main une b roche de fer d'environ quatre pied8 et demi de longueur, i l lui proposa d e le con d u i rI' au château, ce qu'il al/ l'oit refusé a près s'être fort débattu . Le garde vint enfi n à bout de lui lier le.ç dellx mains tllle c son mOI.choir de poche, ôta la broche de fer, a l la chercher lin c ordon de soye qu'il avoit dans son carnier, le noua autour du bras gauche du déliquunt et , rep'renant la broche qu'il piqua en terre, y attacha le cordon qU' l i avoit noué autonr d /l bras de '�echallier couché iL terre .

Certain que l e prisonnier ne p ourrait s 'échapper. Noë l courut li toutes jambes cherrher Gary ; et les dits Gary e t Noël étant l'l'ven liS ensemble s llr le champ s llr la ditle pièce de seigle , ils Il'y auro ient pills trouvé le dit L erhallier, ni la broche qlle le dit Non auait /ïrhée e n terre . . .

LA C H ASSE ET LES CAHIERS DE DOLÉANCES

La p resque total i t é des Cahiers de 1 789, exposant l es vœux �I doléances de la Nation, nous donne lI ne idée fort précise des monstrueux abus p rovoqués par ce droit féo dal qui mettait J'habitant des campagnes m.-desso/l;; des bêtes fau ves (4 ) ,

Tous l'éel a in e n t ayec fermeté la suppression d e s Capitaim'­ries, des l'l' m i ses et des colombiers, car les paysa n s espéraient de la bonté du Hoi et des Pri nces d u Sang royal qu ' i l s les abo­liraient i mm édiatement pour rendre li l'agriculte llr ton.� les pro­du i ts qll ' il Il le droit d 'attendre natllrcllemelli de ses peines et travallx, e t slIpprimer à jamais tO li tes les 'lieutenances et conser­vations de chasse qll i ne sont qu'm. détriment de l'Etat.

Et si, malgré tout. le Hoi et les Princes du Sang désira i e nt chasser d a n s l e s campagnes, il n 'es t personne qui n e se fasse l/ll �evoir de leur l'amass er le gibier qui se trouvera dans les el/ ui­l'ons pour proc urer de l 'amusemen t !

La Commun e de Valenton osait assurer que s'il était poss ible de ramasser tOllt ce q u e le gibier consume en tOlfe espèce de produrtions pendan t IIll an , la vente et le seul produit de cette énorme consommation aurait bientôt fait disparaître la dette nationale. Sans aller j usqu'à proposer une opération quelque peu utopique, nos villageo is pensaient avec juste raison que s ' il

, .n'existait p(/1I.� de gibier, les cllltivateurs gagneraient ann l/elle­m en t 1(/ perte immensément grande q u' il leur occasion ne, ['abon­danc e s erait plus flrande et les vivres plus à ' la portée dl! [J(//l !1re peuple.

L'ABOLITION DU DROIT DE CHASSE

Mais l a convocation des Etats-Généraux p o u r l e 4 mai 1 789 n 'était qu'une étape paisible vers cette Révo l u tion qui a l la it se déc l e ncher soudaim'ment le 1 4 jui l let , l o rs de la p rise d l' la Bastille ,

La « Grande Peur » de jui l let 89, cette folle p a n iqu e qu i t ra­versa alors la plup art des régions françaises en provoquant de graves désordres, devait d éterminer l 'Assemblée Natio n a l e à se

(4) Lire attentivement dans le Bulletin N ° 2 les ' art i cles 1 , 3, 4 et 5 du Cah ier des Doléances d'A blon (pp. 42 et 43) .

Page 34: SESAM - n°3 - Avril 1948

.s � S f\ M --- . . U

pe ncher sur l e problème ' d es d roits seigneuriaux et à d i s c ut�r l onguement des droits de colom bier et de chasse .

Et, bien que plusieurs députés aient représenté les i n convé­n i ents d e la l i berté d o n n ée à tout proprietaire de chasser s u r­ses terres , ces d roits furent défi n itivement abolis pour tOtlS� l>xcepté pour l e roi, a u cours des séances mémorables qui eurent lieu du 4 au 1 1 août :

Arti cle II. - Le d roit exclusif des fuies et colombiers est aboli ; l es p i geons seront e n fermés aux époques fixées par­les commun autés ; et durant ce temps ils seront regardés. comme gi bi er e t chacun aura l e droit de les tuer sur , son terrain . .

Article III . - Le droit excl usif de la chasse et des garennes ouvertes l' s t p a reillement abol i ; et tout propriétaire a le­(J I'o i t de détruire ct fa ire détruire , seul ement sur ses posses­s i ons, toute espèce d e gibier , sauf à se conformer aux loix. d e pol ice qui pourront être faîtes rela t i vem e n t il l a s ûrdé­p u bl i que.

Toutes capitai neries , llI êm e royal e s e t toute réserve de­chasse sous quel que d é n o m i n a t i o n que ce s o i t , sont pare i l­l ement abol ies ; et i l sera pourvu pa r des moyens compa­t i b l e s avec l e respect dû aux propriétés et il la l iberté, à l a conservati on des p l a i s i rs p erson nels du Roi .

Grâce à ces a rrêtés, l e paysan n 'assisterait p lu s à l a dévas­tat ion méth odique de ses récoltes par le gibier et i l voya i t e ntin disparaître avec satisfa c t i o n u n e d e s charg,>s seign e uria les. parmi l es p l u s l ourdes et l ps plus vexato i res, ce l le qu e l 'on nommait d'un nom il faire tOl l t t rembler : « Les Plaisirs d u ,Roi e t des Seigneurs . »

LouiS BHUNRL.

BIBLIOGRAPHIE RÉGIONALE (Suite)

6. Bulletill des l1mis d'Etampes et de sa région (Etampe s , « La Familiale » , 3' année. n U 4 ri e févr i e r 1 948 , 2,0 pages ) . Nous relevons au som m a i re : L. BALAS, A lexandre Bailly, artiste peintre ( 1 866-1 947) . - Com t e de SAINT-PERRIER, Le jugem ent dernier dll portail de Saint-Basile . -- G. HARLE . Etl'échy : le:; Bénédictins. -- A. GAI GNON. Anne de Bretagne, Comte.çse d'Etampes . - Chanoine GLIBOU RGE, La chapelle du Tom b eau : Eglise Notre-Dame du Fort. - R. MENELX, Un grand pe intre du XVlll< sièc le , Lantara. - G. COURTY, La fal/Ile de .Jœl/l's, entre Etampes et Etréchy.

Nous recommandons vivement l a l ectu re de t'es Bul l et ins à ceux de n os m embres qui s ' i n t ét-essent à l 'histoire d 'Etampes et de sa région . S 'a dresser , pour tous rensei gnements, a u Secré­taire Général de ceUe Société, M. Adrien (;AIGN ON , 1 , p'l a c e­Geoffroy-Saint-Hilaire, il Et amp es .

M:me D. AUGIER.

BIBLIOGHAPHIE. - Cah iers de doléances des Communes de la Banl ieue Sud . - Registres du greffe de la Pré vosté .Ju visy et drc Bailliage d'A this-sur-Orge . - Marc BLOCH, L es cart ' l'es original/X de l'histo ire rurale française.

Page 35: SESAM - n°3 - Avril 1948

RELEVEMENT'

DES COTISATION.. - Par décision du Conseil d'Ad m i nistration , le, taux de la cotisation ai été vorté à 200 francs p our les Membres titulaires et à 300 francs m inimum pour l e s Membres bienfaite urs, en raison d e l'importance crois-sante du Bulletin.

'

ABONNEMENT. - Le :pr i x de l'abonnement �ux 4 Bulletins trimestriels de 1948 a éte fixé à 160 francs. Pour obtenir le • Bulletin n ° 1 (octobr.e 1947) , ajouter au montant de l'adhésion o u de' J'abonnemen la somme de 20 francs. ,

REDAC1'ION DU "BULLETIN. - Ad�esser les travaux, docu­ments, artic les pour l e Bulletin, ainsi que les demandes de ren-

• seignements au Secré taire .Général. M. Louis BRUNEL se fera d'ailleurs u n p laisir d e recevoir l es Sociétaires tous les jeudis de 1 6 heures à 18 heures , 9, rue des Grayilliers (Athis-Mons) . -Tél ._: . BELle-Epin e 48-4 1 . ' , " ' "

Pour tous envois, d'argent, employer ' de préférence le.

COMPTE � H EQUE POSTAL :

Louis BRUNEI., 9, rue ,d.� Qravllll.� ATHIS-MONS.

ris ,08".18.

les publiés dan s les Bul l et i ns de la près ,'entente avec J e D i recteur et

CE. - La. première p rom enade­l'la n che 29 'août d a ns Athis-.Hons et

M . BRUNEL ; el l e sera faite spécia­de . « L'A rt pour to ". ,:. . d 'Ath i s , l 'égl i se · (clocher ) , l a pro­e et l e ' parc d'Avaucourt , panoram a et l a gare de t ri age de Juvisy, l a rc et du chAteau d e Juvisy, l 'obser­ea� de Bel-Fontaine et le pont deS;

'mR�rnn���----Rendez-vous . pour l es m em b res ' de la �oci été d'Athis-Mon s à

1 4 h. 1 5, al! Pont des Bel leS-Fontai ne�, à J�visy. De P aris, pren­dre l e tram aux gares du Pont-SalO t-MIch el ou d'Aus terlitz. Retour par la gare d'Athis-Mons. ,

sur les Communes suivantes ! Athis-Mons, Savi�y, Draveil, Villeneuve-le-Roi, Orly, Uri ... f '''.... Massy, Cham�lan, Morangis, Long­

y-linaltHllon, Grigny, Morsang, Ris-Orangis, Saint-Michel, Villiers. Fleury- .

Page 36: SESAM - n°3 - Avril 1948

Le Directeur : L. BRUNBL. Imp: G. DALBX, 5 et 7, rue Victor-Basch - Montrouge.