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Revue internationale du Travail, vol. 145 (2006), n o 4 Copyright © Organisation internationale du Travail 2006 Seuils de pauvreté: une nouvelle méthode de calcul au service des comparaisons internationales Richard ANKER * a lutte contre la pauvreté est une priorité des politiques nationales. L A l’échelle internationale, sans doute le plus important des objec- tifs du Millénaire pour le développement que se sont fixés les Nations Unies est-il de réduire le taux mondial de pauvreté de moitié d’ici à 2015. Par conséquent, l’affectation des ressources budgétaires des pays, comme l’aide au développement dépendent des seuils de pauvreté nationaux et des progrès réalisés par les pays à cet égard. Malgré l’ampleur de la pauvreté, sa mesure à l’échelle internatio- nale reste problématique. La méthode la plus largement utilisée, celle de la Banque mondiale, avec des seuils de 1 ou 2 $EU par jour, présente de graves lacunes. La Banque mondiale elle-même reconnaît que cette méthode n’est pas adaptée à la mesure de seuils de pauvreté nationaux et ne s’applique qu’aux estimations régionales et mondiales (Banque mondiale, 2001; Ravallion, 2001). Plusieurs chercheurs ont mis en cause la pertinence et la fiabilité des estimations de la Banque mondiale (par exemple, Deaton, 2001; Reddy et Pogge, 2003). Par ailleurs, de plus en plus de pays calculent leur propre seuil de pauvreté, mais ceux-ci ne sont pas comparables. Nous présenterons ici une nouvelle méthode conçue pour calculer les seuils de pauvreté nationaux comparables, en exploitant les résultats de plusieurs disciplines et des bases de données accessibles en ligne, don- nées sur la pauvreté, mais aussi économiques, nutritionnelles, statistiques et démographiques. Cette nouvelle méthode relève de la même appro- che que celle de nombreux pays, mais en y ajoutant une cohérence qui permet les comparaisons internationales. * Political Economy Research Institute (PERI), University of Massachusetts, Amherst. Les articles signés, de même que les désignations territoriales utilisées, n’engagent que les auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

Seuils de pauvreté: une nouvelle méthode de calcul au service des comparaisons internationales

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Revue internationale du Travail,

vol. 145 (2006), n

o

4

Copyright © Organisation internationale du Travail 2006

Seuils de pauvreté: une nouvelle méthodede calcul au service des comparaisons

internationales

Richard ANKER

*

a lutte contre la pauvreté est une priorité des politiques nationales.

L

A l’échelle internationale, sans doute le plus important des objec-tifs du Millénaire pour le développement que se sont fixés les NationsUnies est-il de réduire le taux mondial de pauvreté de moitié d’ici à2015. Par conséquent, l’affectation des ressources budgétaires des pays,comme l’aide au développement dépendent des seuils de pauvreténationaux et des progrès réalisés par les pays à cet égard.

Malgré l’ampleur de la pauvreté, sa mesure à l’échelle internatio-nale reste problématique. La méthode la plus largement utilisée, cellede la Banque mondiale, avec des seuils de 1 ou 2 $EU par jour, présentede graves lacunes. La Banque mondiale elle-même reconnaît que cetteméthode n’est pas adaptée à la mesure de seuils de pauvreté nationauxet ne s’applique qu’aux estimations régionales et mondiales (Banquemondiale, 2001; Ravallion, 2001). Plusieurs chercheurs ont mis en causela pertinence et la fiabilité des estimations de la Banque mondiale (parexemple, Deaton, 2001; Reddy et Pogge, 2003). Par ailleurs, de plus enplus de pays calculent leur propre seuil de pauvreté, mais ceux-ci nesont pas comparables.

Nous présenterons ici une nouvelle méthode conçue pour calculerles seuils de pauvreté nationaux comparables, en exploitant les résultatsde plusieurs disciplines et des bases de données accessibles en ligne, don-nées sur la pauvreté, mais aussi économiques, nutritionnelles, statistiqueset démographiques. Cette nouvelle méthode relève de la même appro-che que celle de nombreux pays, mais en y ajoutant une cohérence quipermet les comparaisons internationales.

*

Political Economy Research Institute (PERI), University of Massachusetts, Amherst.Les articles signés, de même que les désignations territoriales utilisées, n’engagent que les

auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

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Revue internationale du Travail

Cette nouvelle méthode présente de nombreux avantages, surtoutpar comparaison avec celle de la Banque mondiale.

Elle est normative

. Le point de départ est la détermination d’un ré-gime alimentaire à faible coût. Cela est très différent de la méthodede la Banque mondiale qui est fondée sur les parités de pouvoird’achat (PPA) qui, d’un point de vue conceptuel, ne sont pas adap-tées à la mesure de la pauvreté.

La démarche est similaire à celle de nombreux pays

.

Elle est applicable à tous les pays

et non aux seuls pays à faible re-venu ou à revenu intermédiaire inférieur, comme c’est le cas pourla méthode de la Banque mondiale. Cela est important parce que lapauvreté existe partout.

Les estimations sont faciles à comprendre

. Les seuils de pauvretésont fondés sur des régimes alimentaires types, le coût de la nourri-ture et les dépenses non alimentaires. Le non-spécialiste pourradonc comprendre ce que signifie la pauvreté en termes de pouvoird’achat. Là encore, il y a une différence avec les seuils de 1 et 2 $EUPPA de la Banque mondiale car il est très difficile pour les gens desavoir ce que 1 $EU PPA par jour signifie, ou en quoi consiste l’ex-pression de cette PPA pour une année particulière. Par exemple,être pauvre en Inde, selon la nouvelle méthodologie, signifie simple-ment consommer un verre de lait tous les quatre jours, un œuf tousles neuf jours, une portion de viande tous les douze jours, et dé-penser environ 16 $EU, au taux de change officiel, chaque moispour toutes les dépenses non alimentaires d’un ménage de quatrepersonnes.

Les hypothèses sur lesquelles sont fondés les calculs sont explicites

.Au contraire, les PPA de la Banque mondiale sont fondées sur descalculs complexes et des hypothèses sous-jacentes.

Les hypothèses peuvent être facilement changées

, parce que les esti-mations sont faites avec des feuilles de calculs informatiques. Celapermet aussi d’observer la sensibilité des calculs aux changementsd’hypothèses.

Il est possible de calculer les seuils nationaux d’environ 100 pays enutilisant des données disponibles en ligne

.

La méthode est relativement peu coûteuse

. En effet, les données né-cessaires sont disponibles en ligne gratuitement. En outre, les esti-mations peuvent être mises à jour régulièrement pour un coût mi-nime, parce que les données sont régulièrement actualisées. C’estaussi une différence avec la méthode de la Banque mondiale, fondéesur les PPA qui ne sont pas disponibles pour de nombreux pays. Enoutre, les PPA sont coûteuses à estimer, ne sont réajustées qu’à plu-sieurs années d’intervalle et leur mise à jour annuelle se fait en uti-

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lisant les indices des prix à la consommation, ce qui pose un pro-blème pour les pays où l’inflation est élevée. En outre, les PPA sontsujettes à de forts changements lors des réajustements.Il est important de reconnaître que la mesure de la pauvreté impli-

que nécessairement une part de subjectivité et de faire des choix. Enoutre, l’établissement de seuils de pauvreté comparables se heurte à desdifficultés inévitables: d’un pays à l’autre, la disponibilité et la valeurdes biens et services publics gratuits, le niveau d’autoconsommation,l’imposition et l’écart des prix payés par les pauvres et les autres diffè-rent. Malgré nos efforts pour établir les hypothèses à partir d’observa-tions (voir Anker, 2005), des améliorations et des perfectionnementssont toujours possibles, surtout si de nouvelles données comparablesdeviennent disponibles.

La suite du présent article est organisée en cinq parties. La pre-mière partie est consacrée aux définitions des seuils de pauvreté, à l’iné-vitable subjectivité qu’implique leur calcul et à la sensibilité du taux depauvreté à la valeur de ce seuil. La deuxième partie explique les limitesconceptuelles et techniques de l’approche de la Banque mondiale. Latroisième présente la nouvelle méthode de calcul, ainsi que ses limites.Dans la quatrième partie, celle-ci est appliquée aux calculs des seuils depauvreté de douze pays, pour les comparer aux estimations nationaleset de la Banque mondiale. Nous présentons enfin nos conclusions. Parsouci de parcimonie, nous nous référons à plusieurs reprises à un docu-ment de travail du BIT dans lequel nous présentons plus en détail lanouvelle méthode et la façon de l’appliquer (Anker, 2005, disponibleauprès du BIT).

Définition du seuil de pauvreté, subjectivité,et effets sur le taux de pauvreté

La mesure de la pauvreté remonte au moins à la célèbre étude deS. Seebhom Rowntree sur York (Angleterre) en 1899. Les définitionsde la pauvreté font généralement référence à la nécessité d’un niveaude vie minimal et aux revenus qui permettent de l’atteindre. Ces défini-tions de la pauvreté sont fondées sur le revenu ou la consommation. Parexemple:

«Des revenus insuffisants pour couvrir ses besoins physiques fon-damentaux» (Rowntree, 1908)

«Ne pas pouvoir atteindre un niveau de vie minimum» (Banquemondiale, 1990, p. 30)

La définition utilisée pour la nouvelle méthodologie est du même ordre:

Revenu nécessaire pour assurer un régime alimentaire peu coûteuxet faire face aux dépenses non alimentaires considérées comme ac-ceptables dans un pays donné.

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Revue internationale du Travail

Il est important d’admettre que l’estimation d’un seuil national depauvreté suppose de poser des hypothèses et de faire des choix (voir ci-après pour une description de ces hypothèses et de ces choix selon lespays). La subjectivité

doit

être mise en évidence, parce que toutesociété a sa propre conception de ce qu’est un niveau de vie minimal.En même temps, les consensus nationaux changent sans cesse. Celasuppose que ce que l’on considère comme acceptable évolue avec letemps dans un même pays et diffère d’un pays à l’autre. Par exemple,la télévision, les divertissements et des soins de santé de haut niveaupeuvent être considérés comme nécessaires dans un pays à revenu élevéau XXI

e

siècle, mais non dans un pays à faible revenu à la même époqueou dans un pays à revenu élevé au milieu du XX

e

siècle. De même cer-taines dépenses deviennent nécessaires à mesure qu’un pays se déve-loppe et s’urbanise. Par exemple, il peut être possible et acceptable devivre dans une habitation de fortune ou dans une case dans les pays lesplus pauvres mais non dans les pays à revenu plus élevé. Même ce quiest considéré comme un régime alimentaire acceptable dans un payschange au cours du temps avec l’augmentation du revenu par tête, àmesure que les gens estiment nécessaire de consommer de plus grandesquantités d’aliments plus coûteux, comme le lait et la viande.

Les choix interviennent aussi dans l’établissement de seuils de pau-vreté comparables à l’échelle internationale. Par exemple, il est néces-saire de définir ce que sont des régimes alimentaires types acceptables,ainsi que des dépenses non alimentaires indispensables pour les pauvresde pays qui se situent à des niveaux de développement différents.

Une question importante est de savoir si les seuils de pauvreténationaux doivent avoir la même valeur réelle pour tous les pays. Nousconsidérons que cette valeur réelle augmente avec le niveau de déve-loppement économique et le revenu par tête, parce que les normessociales changent. Pour cette raison, avec la nouvelle méthode, lesseuils de pauvreté nationaux sont estimés en appliquant les mêmesprincipes pour tous les pays, mais avec des paramètres qui changentselon le niveau de développement afin de refléter l’évolution des nor-mes sociales

1

. Le seuil de pauvreté d’un pays évoluera avec le temps enfonction du coût de l’alimentation tant que ce pays restera au mêmeniveau de développement. Lorsqu’un pays change de niveau de déve-loppement, il faut ajuster le seuil de pauvreté afin de refléter le change-ment du régime alimentaire et des dépenses non alimentaires.

Tous les pays sont confrontés au même dilemme: faut-il ou non utili-ser le même seuil de pauvreté en termes réels au cours du temps? Si la me-sure du seuil de pauvreté actuel requiert une mise à jour qui reflète l’évo-lution des normes et des besoins essentiels, suivre l’évolution du taux de

1

Les quatre niveaux de développement utilisés ici sont ceux que la Banque mondiale a dé-finis en fonction du revenu par tête.

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Les seuils de pauvreté dans le monde

321

pauvreté au cours du temps exige que le seuil de pauvreté en termes réelsreste fixe, et n’évolue qu’en fonction de l’inflation, de sorte que les pro-grès réalisés ne dépendent pas d’un objectif variable (par exemple, voirDeaton, 2001). Les pays ont adopté diverses méthodes.

Les Etats-Unis et l’Inde ont choisi de fixer un seuil national depauvreté et de l’élever en fonction de l’inflation, sans changer sa valeuren termes réels. Le seuil officiel de pauvreté des Etats-Unis a étéaccepté pour la première fois en 1969

2

et celui de l’Inde en 1979

3

, à par-tir de données remontant respectivement à 1955 et 1961 et à 1972 et1973. Par contre, l’Indonésie change son seuil de pauvreté au cours dutemps en fonction de l’observation des nouveaux comportements.L’analyse de la situation aux Etats-Unis et en Inde montre que les chan-gements du seuil de pauvreté, destinés à exprimer l’évolution des nor-mes, ont un effet important sur le seuil de pauvreté observé ainsi quesur le taux de pauvreté. Selon l’Académie des sciences des Etats-Unis,le seuil de pauvreté réel de ce pays aurait été supérieur au seuil officieldans une proportion de 14 à 33 pour cent en 1992 (Fischer, 1999). SelonJoshi (1997), les données de l’enquête nationale par échantillon en Indemontrent qu’un changement du régime alimentaire et du rapport entreles dépenses alimentaires et non alimentaires, conforme à l’évolutiondes comportements, aurait augmenté le seuil de pauvreté d’environ49 pour cent dans les zones rurales et de 23 pour cent dans les zonesurbaines, par rapport au seuil officiel, entre 1973-74 et 1993-94. Celaaurait, par conséquent, accru le taux de pauvreté de 42 à 75 pour centdans les zones urbaines et de 42 à 58 pour cent dans les zones rurales.

Il est évident que le taux de pauvreté national est sensible au chan-gement du seuil de pauvreté (voir Anker, 2005). Par exemple, pour uneélévation importante du seuil de pauvreté, d’environ 50 pour cent, lesélasticités vont d’environ 1,4 en Inde à presque 2 en Arménie et enChine

4

. Pour une faible augmentation du seuil de pauvreté d’environ3 pour cent, les élasticités vont approximativement de 3 aux Etats-Unisà 4 en Egypte.

2

Le panier alimentaire associé au seuil de pauvreté a été établi à l’origine aux Etats-Unisen fonction d’un programme alimentaire mis au point en 1961 par le ministère de l’Agriculture encas d’urgence (Cofer, Grossman et Clark, 1962). Le rapport entre les dépenses alimentaires et nonalimentaires était fondé sur les résultats d’une enquête sur les dépenses des ménages de 1955.

3

A l’origine, le seuil de pauvreté officiel de l’Inde a été établi en fonction des comporte-ments des ménages observés en 1972-73, lors d’une enquête nationale par échantillon. Il a été fixéen fonction du revenu des ménages qui consommaient un nombre de calories par tête jugé néces-saire (2 400 calories par jour dans les zones rurales et 2 100 calories par jour dans les zones urbai-nes). Cette définition de la pauvreté n’équivaut pas au fait d’avoir un faible revenu. Par exemple,selon l’enquête de 1999-2000, 38 pour cent des ménages situés dans le quintile supérieur du Ben-gale occidental ne consommaient pas la quantité suffisante de calories. Une des raisons en est quele seuil de 2 400 calories établi pour les zones rurales était vraisemblablement trop élevé.

4

L’élasticité est le rapport entre la variation en pourcentage d’une variable (ici le taux depauvreté) et la variation en pourcentage d’une autre variable (ici le seuil de pauvreté).

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Revue internationale du Travail

Les seuils de pauvreté de la Banque mondiale: problèmes conceptuels et pratiques

Du fait du très large usage qui en est fait, il est utile d’examiner lesproblèmes conceptuels et pratiques que posent les seuils de pauvreté de1 et 2 $EU PPA par jour de la Banque mondiale, avant de décrire lanouvelle méthode. La première définition – 1 $EU PPA par jour – a étéfixée par approximation visuelle sur un graphique représentant seule-ment les seuils de pauvreté en PPA de 1985 de six pays «pauvres» (Ban-que mondiale, 1990, p. 32). Les valeurs allaient de 0,61 $EU PPA à1,14 $EU PPA. La définition actuelle de 1$EU PPA par jour est expri-mée en PPA de 1993 et a été estimée en prenant la médiane des dixseuils de pauvreté les plus bas parmi ceux disponibles en 1999 de33 pays (Chen et Ravallion, 2004). La définition de 2 $EU PPA par joura été obtenue de façon ad hoc en multipliant simplement 1 $EU parjour par 2 (Banque mondiale, 2001).

Le problème le plus important que pose cette méthode est qu’il estconceptuellement inapproprié d’utiliser les PPA pour estimer les seuilsde pauvreté nationaux. Selon Ravallion (2001), de la Banque mondiale,«au niveau national, la mesure de la pauvreté se fait avec des seuils consi-dérés comme appropriés pour chaque pays. Les PPA servent seulement àcalculer des agrégats mondiaux ou régionaux. […]

les taux de change àPPA n’ont pas été conçus pour calculer les seuils de pauvreté comparablesd’un pays à l’autre, mais plutôt pour comparer les consommations et les re-venus moyens des pays

»

5

. Deaton (2003) ajoute: «la méthode des PPAconsiste à calculer le prix d’un panier représentatif de biens dans chaquepays et à comparer le coût local de ce panier avec le coût en dollars desEtats-Unis du même panier. […] Si l’on peut avancer que les variationsdu prix des haricots ou du riz vont modifier le seuil relatif de pauvreté desBrésiliens ou des Indiens, il est plus difficile d’en dire autant des change-ments du prix mondial du pétrole. Même en théorie, les taux de change àPPA, tels qu’ils sont aujourd’hui définis, ne sont pas conçus pour conver-tir les paniers correspondants au seuil de pauvreté». Il s’ensuit qu’il seraiterroné de se fier aux seuils de pauvreté nationaux estimés avec la mé-thode des PPA de la Banque mondiale. Cela est conforme à l’observa-tion de cette dernière selon laquelle les seuils de pauvreté des pays à fai-ble revenu varient fortement autour d’une

moyenne

d’environ 1 $EUPPA (Banque mondiale, 1990).

Deuxièmement, on voit mal en quoi il serait approprié de fonderun seuil de pauvreté international sur une «moyenne» de seuils de pau-vreté nationaux officiels (en fait, la Banque mondiale utilise la médiane

5

Malgré cela, la Banque mondiale estime que la méthode des PPA est appropriée pourfaire des estimations régionales et internationales parce que les seuils de 1 et 2 $EU PPA par joursont supposés exacts en moyenne. Cela revient à s’en remettre à la compensation entre surestima-tion et sous-estimation des valeurs nationales pour calculer les estimations régionales et mondia-les, ce qui selon nous n’est pas souhaitable.

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Les seuils de pauvreté dans le monde

323

de dix seuils nationaux pour sa définition actuelle de 1 $EU PPA de1993 par jour) alors que ces seuils ne sont pas comparables parce qu’ilssont issus de méthodologies différentes, que certains sont à l’évidencefaux (par exemple celui de la Chine), et que les dix pays ont des niveauxde développement différents. En outre, pourquoi choisir les dix seuilsde pauvreté officiels les plus bas et non un autre nombre, et pourquoiles seuils de pauvreté de pays qui ne sont pas pauvres ont été inclus: parexemple, les seuils de pauvreté de la Thaïlande et de la Tunisie sont uti-lisés alors que ceux du Burundi et du Kenya ne le sont pas.

Troisièmement, lorsque les PPA nationales sont révisées à mesureque de nouvelles données deviennent disponibles, les changements de va-leur sont courants et quelquefois inexplicablement importants. En outre,quand une PPA nationale est mise à jour en utilisant l’indice des prix à laconsommation (comme cela est fait pour les années de réajustement desPPA), des erreurs sont possibles puisque le taux d’inflation des biens etservices consommés peut être différent pour les pauvres et les autres caté-gories. Cela est d’autant plus probable que l’inflation est forte. Les va-leurs nationales des PPA pour certaines années varient d’un document àl’autre de la Banque mondiale:

Rapport sur le développement dans lemonde

et

Indicateurs du développement dans le monde

. En outre, ces va-leurs ont changé au cours du temps dans la base de données en ligne desindicateurs du développement dans le monde. Si ces différences sont engénéral faibles, quelques-unes sont très importantes.

Quatrièmement, les seuils de 1 et 2 $EU par jour sont apparem-ment commodes pour communiquer avec le public. Mais, dans ce but,les statistiques sur la pauvreté doivent être claires et facilement com-préhensibles, ce qui n’est pas le cas. Par exemple, les estimations de laBanque mondiale utilisent les PPA de 1993, qui diffèrent de celles d’ori-gine (1985) et des plus récentes (2006). En outre, la Banque mondialeutilise des seuils de 1,08 $EU PPA et de 2,15 $EU PPA et non de 1 et2, comme le disent les médias. Concrètement, il n’est pas facile de com-prendre ce que l’on peut effectivement acheter avec 1 $EU PPA. Enoutre, il est peu connu qu’une PPA de 1993 n’a pas la même valeur quecelle utilisée actuellement, alors que la plupart des gens supposentnaturellement qu’il s’agit des mêmes valeurs puisque les PPA sont sup-posées fournir une mesure du pouvoir d’achat relatif qui n’est pas affec-tée par les taux de change.

Cinquièmement, lorsque l’on compare des taux de pauvreté calcu-lés par les pays et consignés par la Banque mondiale dans le

Rapport surle développement dans le monde

de 2004 et les taux calculés par la Ban-que mondiale qui figurent dans le même document, on est surpris deconstater que ceux de la Banque mondiale sont systématiquement plusbas. Les taux de pauvreté nationaux sont supérieurs dans plus de 80 pourcent des pays (44 sur 53) (figure 1), cette proportion passant à environ90 pour cent pour les pays à faible revenu (25 sur 28). En moyenne,

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Les seuils de pauvreté dans le monde

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taux de pauvreté de la Banque mondiale sont d’environ un tiers plus faiblesque ceux des pays eux-mêmes

. Cette sous-estimation importante et systé-matique des taux de pauvreté dans le monde est due à une sous-estima-tion elle aussi systématique des seuils de pauvreté.

Description de la nouvelle méthodologie

Nous présenterons ici la nouvelle méthodologie mise au point pourestimer des seuils de pauvreté se prêtant à des comparaisons internatio-nales. Une description générale sera suivie par l’examen de la façon dontles dépenses alimentaires et non alimentaires sont évaluées. Nous discu-tons aussi brièvement certaines limites de cette méthode. Pour plus de dé-tails, le lecteur pourra se référer à Anker (2005). Avant de commencer, ilest utile de souligner que, comme pour toute nouvelle méthodologie, desperfectionnements et des améliorations des paramètres sont toujourspossibles et souhaitables.

Description générale de la méthode et estimationdes dépenses alimentaires

Il existe une approche traditionnelle, généralement acceptée, dansles publications comme dans la pratique, de l’estimation des seuils depauvreté nationaux. C’est cette approche traditionnelle qui est utiliséeici et décrite ci-dessous

6

.La figure 2 présente schématiquement la nouvelle méthodologie. A

la première étape, les dépenses alimentaires sont estimées en établissantun régime alimentaire type et en évaluant son coût. Ce régime alimen-taire doit satisfaire certaines exigences nutritionnelles; être peu coûteux;comprendre les dix principales catégories d’aliments; inclure, au sein dechacune de ces catégories, des aliments qui correspondent aux préféren-ces alimentaires nationales et aux prix relatifs des aliments. Selon les motsde Rowntree (1908), on recherche «un régime alimentaire type qui cor-respond aux nécessités nutritionnelles, au moindre coût». Nous avonssuivi les recommandations de l’OMS/FAO (2003) sur les régimes alimen-taires (10 à 15 pour cent des calories totales provenant de protéines, 15 à30 pour cent de matières grasses, et 55 à 75 pour cent d’hydrates de car-bone (farineux, féculents)) pour garantir que le régime alimentaire typede chaque pays soit convenable du point de vue nutritionnel. Pour établir

6

Il existe d’autres approches. Certains pays en développement, surtout en Asie (commel’Inde, le Bangladesh et l’Indonésie), fixent leur seuil national de pauvreté au niveau du revenu desménages qui ont une consommation se situant juste au-dessus du nombre de calories nécessaires parpersonne (voir plus loin). Le problème est que l’on ne considère pas la satisfaction d’autres exigencesnutritionnelles ou des besoins non alimentaires (Ravallion, 1992). Certains pays d’Europe utilisentgénéralement un seuil de pauvreté relatif fixé à un certain pourcentage (souvent 50 pour cent) durevenu disponible médian (Everaers, 1998). Les problèmes sont ici qu’il n’y a pas d’accord sur cepourcentage et que ces seuils de pauvreté relatifs rendent difficile l’observation des progrès dans lalutte contre la pauvreté.

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Les seuils de pauvreté dans le monde

327

les exigences en calories, on a utilisé les estimations non publiées de laFAO pour un individu moyen dans chaque pays (calculées en fonction dela taille moyenne des individus et de la répartition par âge de la popula-tion). La base de données FAOSTAT sur les consommations alimen-taires nationales a servi à déterminer les quantités relatives des grandescatégories d’aliments, car il est bien connu qu’il existe de considérablesvariations de consommation d’un pays à l’autre (céréales, racines/tuber-cules et légumes à cosse/fruits à coque); ainsi les préférences alimentairesnationales ont été prises en compte. Pour que les régimes alimentairestypes soient peu coûteux, on a utilisé les prix nationaux officiels de 93 pro-duits alimentaires qui figurent dans une base de données du BIT. Danschaque grande catégorie, c’est le produit le moins cher qui a été retenu.Nos régimes alimentaires types changent selon le niveau de développe-ment pour rendre compte de l’évolution des habitudes alimentaires enfonction du revenu. Ainsi, avec le développement, le pourcentage totalde calories provenant de protéines (surtout animales), et la quantité delégumes, de fruits, d’huile et de sucre sont supposés augmenter, tandisque le pourcentage de calories tirées des hydrates de carbone (surtout lescéréales) est supposé diminuer.

Le coût de chaque régime alimentaire type a été calculé à partir desprix publiés dans la base de données du BIT sur les prix à la consomma-tion. Une estimation sommaire des dépenses alimentaires est alors calcu-lée, comme cela est fait au niveau national. Il est tenu compte a minimades gaspillages et détériorations, de la consommation d’aliments tradi-tionnels (café, thé, épices, condiments, sauces, sel) et de variations du ré-gime alimentaire à partir d’un ou deux produits figurant dans chacune desgrandes catégories. Le coût des assortiments alimentaires est supposéaugmenter avec le niveau de développement, selon ce que l’on observedes pratiques nationales (voir Anker, 2005, à ce propos)

7

.Les dépenses non alimentaires ont été estimées en appliquant un

multiplicateur aux dépenses alimentaires, multiplicateur qui augmenteavec le niveau de développement, afin de tenir compte de ce que l’onsait du rapport entre ces deux postes (voir ci-après).

Le seuil de pauvreté pour un ménage est alors estimé en multipliantla somme des dépenses alimentaires et non alimentaires d’un individumoyen en fonction d’un barème. Cela est nécessaire parce que la pau-vreté est un concept qui s’applique aux ménages et que jusqu’à présent les

7

Le gaspillage et les détériorations sont supposés augmenter de 1 pour cent les dépenses ali-mentaires dans les pays à faible revenu et de 10 pour cent dans les pays à revenu élevé. Le coût desdivers aliments traditionnels, comme le café, le thé, les épices, les condiments et le sel, est supposéaugmenter de 3 pour cent dans les pays à faible revenu jusqu’à 10 pour cent dans les pays à revenuélevé. Le fait de prendre en compte des variations supplémentaires au sein des grandes catégoriesalimentaires est supposé induire une augmentation allant de 4 pour cent dans les pays à faible revenujusqu’à 23 pour cent dans les pays à revenu élevé. Voir Anker (2005) pour la démonstration empiri-que de ces hypothèses, les pourcentages retenus l’étant de façon minimaliste.

Page 12: Seuils de pauvreté: une nouvelle méthode de calcul au service des comparaisons internationales

328

Revue internationale du Travail

dépenses alimentaires et non alimentaires n’ont été estimées que pour unindividu.

Estimations des dépenses non alimentaires

Le coût de la satisfaction des besoins non alimentaires est estimé enutilisant un rapport entre dépenses alimentaires et non alimentaires. Parexemple, si une personne pauvre consacre 75 pour cent de ses dépensestotales à l’alimentation, alors les dépenses non alimentaires représente-ront un tiers des dépenses alimentaires, par conséquent le seuil de pau-vreté sera égal à 1,33 fois le montant des dépenses alimentaires. C’estl’approche la plus utilisée au niveau national. En effet, on sait que la pro-portion des dépenses non alimentaires augmente en fonction du revenudu ménage, ainsi que du revenu national par tête. «Plus une famille estpauvre, plus grande sera la proportion de ses dépenses totales consacréesà l’alimentation. […] La proportion des dépenses consacrées à l’alimenta-tion, toutes choses égales par ailleurs, est la meilleure mesure du bien-être matériel associé au niveau de vie d’une population» (Ernst Engel citépar Zimmerman, 1932, p. 80).

Pour choisir des multiplicateurs appropriés aux différents niveauxde développement, on a observé les hypothèses que font les pays sur lepourcentage des dépenses alimentaires lorsqu’ils estiment leur seuil depauvreté (15 pays) ou leur indice des prix à la consommation (75 pays).Au tableau 1 figurent les valeurs médianes par niveau de développe-ment (pour les valeurs nationales, voir Anker, 2005). Comme prévu,elles sont fortement et négativement associées au niveau de développe-ment. On constate aussi que les valeurs utilisées pour calculer les indi-ces des prix à la consommation sont systématiquement inférieures àcelles qui servent à estimer les seuils de pauvreté (environ 10 à 15 pourcent de moins). Cela n’est pas surprenant puisque l’indice des prix portesur la consommation de l’ensemble de la population tandis que le seuilde pauvreté concerne les familles pauvres dont les dépenses alimen-taires sont plus importantes en proportion.

La dernière colonne du tableau 1 présente les valeurs utilisées pourles quatre niveaux de développement. Il s’agit de la médiane des valeursutilisées pour estimer les seuils nationaux de pauvreté après les deux ajus-tements. La part des dépenses alimentaires dans les pays à faible revenu aété portée de 65 (médiane des quatre pays) à 70 pour cent, ce qui corres-pond approximativement à la médiane (71 pour cent) d’un échantillon,plus large, de 19 pays (Kakwani, 2004). Cela permet aussi d’établir uneprogression régulière de la part des dépenses alimentaires suivant lesquatre niveaux de développement. Pour les pays à revenu élevé, cettepart a été réduite de 33 à 25 pour cent, valeur cohérente avec les donnéesplus complètes et plus récentes relatives à l’indice des prix à la consom-mation dans ces pays. On notera que la valeur de 33 pour cent pour les

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Les seuils de pauvreté dans le monde

329

pays à revenu élevé qui figure à la colonne 2 du tableau 1 est fondée surune enquête sur les dépenses des ménages aux Etats-Unis datant de 1955.

Il est évident que la méthode utilisée ici pour estimer les coûts desdépenses non alimentaires n’est pas cohérente d’un point de vue con-ceptuel avec la démarche normative appliquée aux dépenses alimen-taires (voir Streeten, 1994). Elle est toutefois pratique et donne uneapproximation raisonnable des dépenses non alimentaires; elle est aussisuffisamment robuste, étant la méthode la plus communément utiliséepar les pays pour estimer leur propre seuil de pauvreté. D’un autre côté,l’hypothèse que représente la fixation du rapport entre dépenses ali-mentaires et non alimentaires a des effets importants sur l’estimationdu seuil de pauvreté et, de ce fait, appelle de nouvelles recherches em-piriques approfondies.

D’autres façons de mesurer les dépenses non alimentaires sont quel-quefois utilisées au niveau national. L’une est fondée sur les besoins es-sentiels non alimentaires dont on dresse une liste (voir Boltvinik, 1994pour un examen général, et Martins et Maritz, 2002, pour une application

Tableau 1. Pourcentage des dépenses consacrées à l’alimentation appliquépar les pays pour le calcul de leur indice des prix à la consommation(IPC) ou de leur seuil de pauvreté; pourcentage utilisé dans la nouvelleméthodologie; par niveau de développement

Niveau de développement(revenu par tête)

Pourcentage des dépenses consacrées à l’alimentation

Appliqué par les pays Appliqué dans la nouvelleméthodologie

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Médianes des valeurs nationales des pondérations IPC figurant dans Anker (2005) calculées à partir des don-nées pour douze pays à faible revenu, douze pays à revenu intermédiaire inférieur, 18 pays à revenu intermé-diaire supérieur, et 28 pays à revenu élevé.

b

Médianes des pourcentages nationaux appliqués aux calculs desseuils de pauvreté, figurant dans Anker (2005), fondées sur les données de quatre pays à faible revenu, septpays à revenu intermédiaire inférieur, trois pays à revenu intermédiaire supérieur et un pays à revenu élevé. Bienque ces valeurs proviennent d’années différentes, elles sont cohérentes pour chaque niveau de développe-ment.

c

Le pourcentage pour les pays à faible revenu a été fixé à 70 pour cent pour les raisons données dansle texte de l’article.

d

Le seul pourcentage disponible pour les pays à revenu élevé est celui des Etats-Unis. Ilest fondé sur des données périmées, provenant d’une enquête sur les dépenses des ménages de 1955, maisreste l’hypothèse en vigueur pour les estimations officielles du seuil de pauvreté de ce pays. Les pays de l’Unioneuropéenne calculent en général les seuils de pauvreté nationaux relatifs comme la proportion du revenu nationalpar consommateur équivalent (souvent la moitié).

e

Le pourcentage pour les pays à revenu élevé a été fixé à25 pour cent, valeur plus cohérente avec les données complètes et plus à jour relatives aux calculs de l’indicedes prix à la consommation.

Sources: Pour les pondérations IPC: données non publiées du BIT tirées de sources nationales. Pour les seuilsde pauvreté: Tabatabai (1996) pour deux pays à faible revenu, trois pays à revenu intermédiaire inférieur, et unpays à revenu intermédiaire supérieur; Joshi (1997) pour l’Inde; Erdogan (1997) pour la Turquie; Cervera (1997)pour le Mexique; Rama et Fernandez (1997) pour l’Uruguay; Ravallion et Sen (1996) pour le Bangladesh; Sangui(2004) pour la Chine; Martins et Maritz (2002) pour l’Afrique du Sud; Orshansky (1965) pour les Etats-Unis.

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330

Revue internationale du Travail

en Afrique du Sud). Cette méthode a la vertu d’être normative et similaireà celle utilisée pour estimer les dépenses alimentaires. Malheureusement,elle est difficile à mettre en place dans la pratique, surtout à l’échelle in-ternationale, car il est malaisé de trouver un accord sur les produits, lesquantités, la qualité de ce que l’on considère comme essentiel. Une autredémarche adoptée par certains pays comme l’Inde et l’Indonésie, qui estcommode quand les données nécessaires sont disponibles, consiste à fixerles dépenses non alimentaires au niveau effectivement observé lors desenquêtes sur les revenus et les dépenses des ménages, parmi ceux qui con-somment la quantité requise de calories par personne, ou ont le revenunécessaire pour le faire. Toutefois, cette méthode pose des problèmesconceptuels (Ravallion et Sen, 1996). Il faut accepter de confiance que lesdépenses non alimentaires observées sont suffisantes (en renonçant iciaussi à l’approche normative), supposer que les gens sont très rigoureuxdans la façon dont ils achètent, entreposent et préparent leur nourrituredu point de vue nutritionnel, et se faire au fait que le seuil de pauvreté de-viendra un objectif changeant avec le temps et les comportements. Quelsque soient leurs mérites, aucune de ces méthodes ne se prête à une utilisa-tion internationale, ce que nous recherchons ici, car les données nécessai-res ne sont pas régulièrement disponibles pour un nombre suffisant depays.

Limites de la méthode

La méthode présentée ici suppose nécessairement de poser des hy-pothèses. Nous examinerons deux limites possibles: le fait que les pau-vres paient des prix différents par comparaison avec l’ensemble de la po-pulation et le fait que les pauvres paient des impôts et des taxes. Pour unexamen approfondi de ces problèmes ainsi que d’autres, comme l’auto-consommation, l’existence de biens et services publics gratuits, ou l’en-dettement et les intérêts qui y sont associés, le lecteur pourra se reporter àAnker (2005).

Les pauvres peuvent payer des prix alimentaires différents

Les prix des aliments utilisés dans la nouvelle méthodologie pour es-timer les seuils de pauvreté nationaux sont presque toujours fondés surdes enquêtes auprès des commerces de détail et sont les prix que les gou-vernements utilisent pour calculer l’indice des prix à la consommation.Cependant, les pauvres peuvent faire leurs achats dans des commerces(par exemple, informels ou de rue) qui pratiquent des prix différents. Ilest par exemple démontré que les pauvres paient des prix inférieursdans les zones urbaines à ceux pratiqués dans les zones rurales de l’Inde(Deaton et Tarozzi, 1999).

Bien que ces différences puissent affecter l’estimation des taux depauvreté, il n’est pas possible d’en tenir compte dans une méthodologie in-

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Les seuils de pauvreté dans le monde

331

ternationale car peu de pays rendent compte des prix spécifiquementpayés par les pauvres

8

. En outre, il est rare que les pays prennent cet as-pect en considération lorsqu’ils calculent leur propre seuil de pauvreté.Tout bien considéré, on peut donc penser que la base de données des prixalimentaires du BIT donne des chiffres raisonnables.

Un autre problème tient à ce que les pauvres peuvent avoir ten-dance à acheter des variétés de produits alimentaires qui ne figurentpas dans la base de données du BIT. Par exemple, celle-ci ne donne queles prix du riz à grain long alors que de très nombreux pauvres consom-ment des sortes de riz moins chères. Selon une petite enquête menée enmilieu urbain en Inde et au Bangladesh, la variété de riz la moins chèrecoûte environ la moitié du prix du riz à grains longs (voir Anker, 2005,pour plus de précisions). Partant de ce résultat, et souhaitant garder deshypothèses minimalistes, nous avons réduit le prix du riz figurant dansla base de données du BIT de moitié pour l’Inde et le Bangladesh etd’un tiers pour les autres pays étudiés. A l’avenir, il serait souhaitableque le BIT collecte des données sur les différentes variétés de riz.

Les pauvres peuvent payer des impôts ou des taxes

Les seuils de pauvreté estimés par les pays ignorent généralementle paiement d’impôts et de taxes. La raison en est que les personnespauvres ne paient pas d’impôt sur le revenu soit parce que le montantde l’impôt est progressif, soit parce que la perception de l’impôt est peuefficace. Toutefois, les pauvres dans certains pays paient souvent destaxes à la consommation et des taxes sur les salaires, ce qui réduit lacomparabilité d’un pays à l’autre parce que le taux desdites taxes variegrandement

9

. A l’avenir, il serait souhaitable de collecter des informa-tions sur ces taxes payées par les pauvres et de les incorporer dans laméthode de calcul.

Estimation des seuils de pauvreté de douze pays

Etant donné la complexité de mettre au point et d’appliquer uneméthode pour estimer des seuils de pauvreté nationaux comparables, ilest important de procéder à une vérification. Nous avons donc estiméles seuils de pauvreté de douze pays de diverses régions et de niveauxde développement différents pour nous assurer qu’une grande diversité

8

Il est possible que les pauvres paient des prix inférieurs ou supérieurs à ceux utilisés pourestimer les indices des prix à la consommation. D’une part, les commerces informels ont des prixplus bas en achetant en gros, d’autre part, ils ont des frais généraux et des marges inférieurs.

9

Aux Etats-Unis par exemple, les taxes à la consommation et sur les salaires représententensemble approximativement 13 pour cent des bas salaires.

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332

Revue internationale du Travail

de situations est prise en compte

10

. Ces seuils de pauvreté ont été esti-més pour un ménage de quatre personnes (deux adultes et deux en-fants). Toute autre taille aurait pu être fixée, mais le nombre de quatrecorrespond à la reproduction de la population et représente un compro-mis raisonnable entre la taille des ménages, plus grande, des pays en dé-veloppement et celle, plus petite, des pays à revenu plus élevé

11

.Cette partie de l’article est divisée en deux. Tout d’abord nous décri-

vons les régimes alimentaires types établis pour les douze pays étudiés, etévaluons leur coût suivant la nouvelle méthodologie. Ensuite nous pré-sentons et examinons les nouveaux seuils de pauvreté estimés. Ils sontcomparés au seuil de pauvreté calculé par le pays lui-même et à ceux de laBanque mondiale pour les pays à faible revenu et les pays à revenu inter-médiaire inférieur.

Régimes alimentaires types et estimationsdes dépenses alimentaires

Nous commençons par indiquer la composition des nouveaux régi-mes alimentaires types en termes de calories, protéines, matières grasseset hydrates de carbone, ainsi qu’en fonction des quantités relatives auxdix grandes catégories d’aliments; puis nous comparons cette composi-tion à celle établie par le pays lui-même.

Composition des régimes alimentaires typesselon la nouvelle méthodologie

La figure 3 montre, selon le niveau de développement, quels pour-centages de calories proviennent des protéines, des matières grasses etdes hydrates de carbone. Les régimes alimentaires types apparaissent,en général, raisonnables. Les lecteurs intéressés par la façon dont a étéétabli le régime alimentaire type pour chacun des pays ainsi que les pro-duits sélectionnés pourront se référer à Anker (2005)

12

.

10

Les pays compris dans la présente étude sont essentiellement ceux qui figuraient dansBescond, Châtaignier et Mehran (2003), qui donnaient les taux de salaires médians pour une sélec-tion de pays. La raison en est qu’un des principaux objectifs de Anker (2005) était d’évaluer lessalaires de subsistance nationaux avec une nouvelle méthodologie et de les comparer au taux desalaire médian du pays. Quatre autres grands pays ont été ajoutés pour améliorer la diversitérégionale: l’Inde, la Chine, les Etats-Unis, et l’Egypte.

11

Du fait que l’on peut à juste titre plaider pour que la taille des ménages change selon lespays en fonction du nombre observé d’enfants par famille, cet aspect de la question est traité dansl’article sur le salaire de subsistance publié par le même auteur dans ce même numéro de la

Revueinternationale du Travail

. Les seuils de pauvreté augmentent en moyenne d’environ 24 pour centdans les trois pays à faible revenu, diminuent d’environ 15 pour cent dans les deux pays à économieen transition, décroissent d’environ 10 pour cent en Suisse, de 6 pour cent en Chine et de 2 pourcent aux Etats-Unis. Dans les quatre autres pays étudiés ici, l’augmentation est de 14 pour cent.

12

Dans le présent article nous avons procédé à quelques ajustements dans la façon dont lesrégimes alimentaires ont été établis et les coûts estimés par rapport à ceux qui figurent dans Anker(2005), à partir d’une analyse critique de ce document. Le pourcentage de calories tirées des légumesà cosse a été augmenté pour le Bangladesh, la consommation de fruits et de légumes a été légèrementréduite pour les pays à revenu intermédiaire. Et la répartition de la consommation des aliments d’ori-gine animale a été modifiée pour augmenter celle de la viande et diminuer celle des œufs et du lait.

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Les seuils de pauvreté dans le monde

333

Les pourcentages de calories tirées des protéines, des matières gras-ses et des hydrates de carbone évoluent avec le niveau de développementdans le sens attendu. Le pourcentage des protéines augmente avec le ni-veau de développement pour passer de 10 pour cent en moyenne dans lespays à faible revenu à 16 pour cent dans les pays à revenu élevé. Cela estcohérent avec le fait que les gens peuvent acheter plus d’aliments d’ori-gine animale, riches en protéines, comme le lait, les œufs et la viande quiont leur préférence, mais sont plus onéreux. Le pourcentage de caloriestirées des matières grasses augmente avec le niveau de développement de17 pour cent en moyenne dans les pays à faible revenu jusqu’à environ24 pour cent en moyenne dans les autres pays. Cela correspond à ce quel’on observe partout dans le monde. Le pourcentage de calories tirées deshydrates de carbone diminue de 73 pour cent en moyenne dans les pays àfaible revenu, jusqu’à 60 pour cent en moyenne dans les pays à revenuélevé, ce qui est là aussi conforme aux observations (OMS/FAO, 2003).

Certains aspects des régimes alimentaires méritent d’être signalés.La quantité d’aliments d’origine animale augmente sensiblement avec leniveau de développement. C’est une hypothèse raisonnable parce que ce

Figure 3. Pourcentages de calories tirées des protéines, des matières grasseset des hydrates de carbone dans les régimes alimentaires types,selon le niveau de développement (12 pays)

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Source: Calculs de l’auteur.

Note: Les couleurs indiquent le niveau de développement: faible revenu , revenu intermédiaire inférieur ,revenu intermédiaire supérieur , revenu élevé .

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334

Revue internationale du Travail

sont des aliments dont le prix par calorie est élevé et, à l’évidence, les pau-vres des pays à faible revenu ne peuvent pas en acheter. Ainsi, tandis queles régimes alimentaires types des pays à faible revenu comportent envi-ron un quart de verre de lait par jour, un œuf toutes les deux semaines etune portion de viande toutes les deux semaines également, les régimesalimentaires types des pays à revenu élevé comprennent environ un verreet demi de lait par jour, un œuf cinq fois par semaine, et une portion deviande maigre dix fois par semaine.

Les quantités de racines et de tubercules (pommes de terre), ainsique celles de légumes à cosse et de fruits à coque varient considérable-ment d’un pays à l’autre. Cela reflète les grandes différences de préfé-rences qui ressortent des données de la FAO sur les consommationsalimentaires nationales. Par exemple, la consommation de pommes deterre est relativement élevée en Lituanie, en Arménie, en Chine, auxEtats-Unis et en Suisse. Celle de légumes à cosse et de fruits à coque estrelativement élevée en Inde, au Zimbabwe, au Costa Rica, en Chine etaux Etats-Unis, et les variétés mêmes de ces produits changent selon lespays: lentilles en Inde et au Bangladesh, pois chiches en Egypte, tofu(fromage de soja) en Chine, et haricots dans les autres pays étudiés.

Comparaison avec les régimes alimentaires typesétablis par les pays

Un bon moyen d’évaluer les régimes alimentaires types établis avecla nouvelle méthodologie est de les comparer avec ceux qu’utilisent éven-tuellement les pays pour calculer leur seuil de pauvreté, dont on peut s’at-tendre à ce qu’ils soient conformes aux habitudes et préférences des habi-tants. Même si des différences sont prévisibles, ils devraient être proches.Ces différences apparaissent au tableau 2 pour les dix grandes catégoriesd’aliments

13

.Premièrement, les dix mêmes grandes catégories d’aliments se

retrouvent dans les deux cas. Deuxièmement, dans l’ensemble nos régi-mes alimentaires types et ceux des pays sont similaires; les quantitésmoyennes quotidiennes diffèrent de moins de 17 grammes pour toutesles grandes catégories d’aliments sauf pour la viande et les légumes(avant-dernière ligne du tableau 2). En outre, si une différence impor-tante est constatée pour un pays donné et une catégorie d’aliments don-née, cela peut en général s’expliquer. Les grandes différences que l’onconstate pour la Chine, pour pratiquement toutes les grandes catégo-ries, s’expliquent par le fait que le régime alimentaire type utilisé par laChine est inacceptable d’un point de vue nutritionnel dans la mesure oùle riz fournit environ 90 pour cent des calories. Comparés aux nôtres,les régimes alimentaires types de l’Equateur et du Costa Rica compren-

13

On trouvera dans Anker (2005) des précisions sur les régimes alimentaires types inter-nationalement comparables et ceux qu’utilisent les pays.

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Les seuils de pauvreté dans le monde

335

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Page 20: Seuils de pauvreté: une nouvelle méthode de calcul au service des comparaisons internationales

336

Revue internationale du Travail

nent beaucoup plus d’huile et de sucre. Dans la mesure où les quantitésde sucre et d’huile qui figurent dans les régimes alimentaires types deces pays se situent bien au-dessus de tous les autres, on peut considérerles nôtres comme plus raisonnables. La grande quantité de fruits quifigure dans le régime alimentaire type recommandé aux Etats-Unis estessentiellement due au fait que les habitants de ce pays boivent unegrande quantité de jus d’orange. La grande différence pour les légumesà cosse et les fruits à coque aux Etats-Unis peut être due au programmeutilisé dans ce pays pour établir les régimes alimentaires types

14

.Les régimes alimentaires types établis dans le cadre de la nouvelle

méthodologie présentent quelques différences systématiques pour qua-tre grandes catégories alimentaires (lait, œufs, viande et légumes) ainsiqu’une certaine variabilité (céréales et racines/tubercules) par rapportau régime alimentaire type utilisé par les pays. Ces différences sem-blent pour la plupart raisonnables étant donné que le coût total de nosrégimes alimentaires types tend à être inférieur à ceux des pays et queles différences de quantités se compensent. Ainsi, quand la quantité decéréales est supérieure dans notre régime alimentaire type, cela estcompensé par une moindre quantité de pommes de terre. De même,plus de lait correspond à moins de viande, et plus de légumes à moinsde fruits. Notons aussi que la sous-estimation systématique de la quan-tité de viande dans nos régimes alimentaires types réduit le coût totalde l’alimentation, ce qui n’est pas une mauvaise chose lorsqu’il s’agit decalculer des seuils de pauvreté

15

et que la plus grande quantité de légu-mes reste néanmoins au-dessous de la consommation recommandéepar l’OMS et la FAO (2003).

En résumé, les régimes alimentaires types qui figurent dans la nou-velle méthodologie sont dans les grandes lignes semblables à ceux que lespays eux-mêmes ont établis. Dans les deux cas, on trouve les mêmes gran-des catégories alimentaires et les quantités sont, en moyenne, similairespour la plupart de ces catégories. Cela signifie que nos régimes alimen-taires types ont les caractéristiques souhaitables pour refléter d’une

14 Le Thrifty Food Plan des Etats-Unis est établi en utilisant une programmation linéairede routine où le coût total de l’alimentation doit rester constant en termes réels dans le temps.Puisque les légumes à cosse et les fruits à coque sont une source de protéines bon marché, il neserait pas surprenant de voir leur quantité augmenter avec le temps dans ce plan d’alimentation.Il faut noter que l’Economy Food Plan de 1961 utilisé à l’origine pour estimer le seuil de pauvretédes Etats-Unis contient substantiellement un grammage moindre de légumes à cosse et de fruits àcoque que le Thrifty Food Plan de 1999 utilisé dans le tableau 2.

15 Comme il est indiqué dans Anker (2005), le coût moyen inférieur de nos régimes alimen-taires par rapport à ceux des pays est essentiellement dû à la moindre quantité de viande. Selonl’analyse de sensibilité que nous y présentons, le coût total de l’alimentation est sensible au pour-centage de calories tirées des protéines qui proviennent d’aliments d’origine animale, relativementplus chers.

Page 21: Seuils de pauvreté: une nouvelle méthode de calcul au service des comparaisons internationales

Les seuils de pauvreté dans le monde 337

manière générale les préférences alimentaires nationales, satisfaire lesbesoins nutritionnels, être relativement peu onéreux et se prêter à descomparaisons entre pays.

Estimation des seuils de pauvreté de douze paysNous comparons ici notre estimation des seuils de pauvreté de douze

pays avec ceux qui ont été calculés par les pays eux-mêmes et par la Ban-que mondiale. L’intérêt est de voir si l’on constate une cohérence selonles niveaux de développement et des écarts éventuels avec les seuils na-tionaux et ceux de la Banque mondiale. Cela nous aidera à évaluer la per-tinence de la méthodologie et à donner quelques éclairages sur les ni-veaux de pauvreté dans le monde.

Au tableau 3, on trouvera nos estimations. Comme prévu, les va-leurs exprimées en parité de pouvoir d’achat augmentent avec le niveaude développement (colonne 5). Les valeurs moyennes en PPA de 1993passent d’environ 2,3 $EU par jour pour les trois pays à faible revenu à3 $EU pour les cinq pays à revenu intermédiaire inférieur, 4,6 $EU pourles deux pays à revenu intermédiaire supérieur et à 16 $EU pour les deuxpays à revenu élevé.

Toutefois, les seuils de pauvreté calculés en PPA se chevauchentd’une catégorie à l’autre, ce qui était inattendu. Ainsi, le seuil de pau-vreté estimé pour le Zimbabwe est supérieur à celui de plusieurs pays àrevenu intermédiaire inférieur, et celui de la Chine est identique à celuidu Bangladesh. Il est intéressant de constater que les seuils de pauvretédes deux pays d’Afrique et des deux pays à économie en transition sontparticulièrement élevés, compte tenu du niveau de développement. Cesanomalies peuvent exprimer des différences réelles ou peuvent êtredues soit à la méthode d’estimation soit à leur calcul en PPA. A cetégard, il est important de relever que les PPA sont souvent imprécisessurtout dans les pays à forte inflation (voir plus haut) et cela peut êtreun problème pour l’Arménie, l’Equateur, l’Afrique du Sud et le Zim-babwe (voir Anker, 2005, pour plus de précisions à ce propos).

La différence moyenne entre nos seuils de pauvreté pour les pays àfaible revenu et les pays à revenu intermédiaire inférieur (environ30 pour cent) est bien plus faible que l’écart ad hoc de 100 pour cent pos-tulé par la Banque mondiale 16. C’est un résultat important, qui est dû enpartie aux différences entre dépenses alimentaires et non alimentaires se-lon le niveau de développement. Comme les pauvres consacrent un pour-centage élevé de leurs dépenses en alimentation, on peut en déduire que

16 Il faut noter que les différences en question sont cohérentes avec les données et l’analysede Ravallion (1998) selon qui l’élasticité du seuil de pauvreté par rapport au revenu national partête en PPA est proche de zéro lorsque le revenu par tête est faible et que cette élasticité reste fai-ble juste au niveau des pays à revenu intermédiaire inférieur. C’est uniquement pour les pays àrevenu intermédiaire supérieur et à revenu élevé que l’élasticité se rapproche de 1.

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338 Revue internationale du TravailTa

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340 Revue internationale du Travail

les comparaisons entre pays ne devraient pas utiliser les PPA généralescomme cela est fait avec la Banque mondiale mais plutôt des PPA cal-culées en fonction des seuls prix de l’alimentation. Cela étant, nousavons procédé à une estimation des PPA pour l’alimentation fondée surun régime alimentaire type d’un pays à revenu intermédiaire inférieur(Anker, 2005). Celle-ci était systématiquement supérieure à la PPA géné-rale (globale). Cela s’explique parce que les prix alimentaires sont relati-vement faibles aux Etats-Unis (pays de référence) par comparaison àceux des autres biens et services. Le rapport moyen entre les PPA de l’ali-mentation et les PPA globales était approximativement de 2 pour lespays à revenu inférieur, de 1,2 pour les pays à revenu intermédiaire infé-rieur et de 1,1 pour les pays à revenu intermédiaire supérieur et les pays à

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La nouvelle estimation pour l’Inde est probablement trop élevée par rapport à celle du pays pour les zones urbainesparce qu’elle est fondée sur les prix alimentaires de Mumbai qui sont plus élevés que dans les autres zones urbainesdu pays. Le taux officiel de pauvreté des Etats-Unis est sous-estimé selon l’Académie nationale des sciences de cepays (Citro and Michael, 1995).

Source: Tableau 3, colonne 6.

Figure 4. Différences entre les estimations du nouveau seuil de pauvretéet les seuils de pauvreté calculés par les pays (pourcentages)

Note: Les couleurs indiquent le niveau de développement: faible revenu , revenu intermédiaire inférieur ,revenu intermédiaire supérieur , revenu élevé .

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Les seuils de pauvreté dans le monde 341

revenu élevé (Anker, 2005). Il faut aussi noter que les seuils de pauvretéque nous avons calculés en PPA de l’alimentation deviennent tous cohé-rents avec le niveau de développement, et que l’on ne constate plus dechevauchements. Les seuils de pauvreté exprimés en dollars des Etats-Unis PPA de l’alimentation vont de 1,3 à 1,4 pour les trois pays à faible re-venu, de 2,7 à 2,9 pour les cinq pays à revenu intermédiaire inférieur, de4,5 à 5,7 pour les deux pays à revenu intermédiaire supérieur, et de 16,4 à17,4 pour les deux pays à revenu élevé.

En règle générale, les seuils de pauvreté que nous avons estiméssont proches de ceux que les pays ont eux-mêmes calculés, mais quelquepeu inférieurs (figure 4 et colonne 6 du tableau 3). Ce qui importe, c’estque presque toutes les différences sont raisonnables étant donné la na-ture forcément imprécise de l’estimation d’un seuil de pauvreté. Les dif-férences sont de –9 et –2 pour cent dans quatre pays et se situent entre +17et +39 pour cent dans six pays. Seules l’Egypte et la Chine ne se situentpas dans cette fourchette. Il est aussi rassurant de constater que le sens dela différence dépend de façon cohérente de la méthode d’estimation (voirAnker, 2005, pour plus de précisions). Par exemple, le seuil de pauvretéque nous avons estimé pour l’Inde devrait être supérieur parce que nousavons utilisé les prix alimentaires de Mumbai, qui sont supérieurs à ceuxdes autres parties urbaines de l’Inde. Notre estimation pour l’Egypte de-vrait aussi être supérieure parce que les prix que nous avons utilisés (quisont ceux que le gouvernement emploie pour estimer l’indice des prix à laconsommation) sont supérieurs aux prix effectivement pratiqués selon laBanque mondiale (juin 2002). Notre estimation très supérieure du seuilde pauvreté de la Chine (qui est semblable à celui de la Banque mon-diale) s’explique par le seuil très bas et irréaliste calculé par le pays lui-même17.

La figure 5 et la colonne 7 du tableau 3 montrent que nos estimationsdes seuils de pauvreté sont bien supérieures à celles de la Banque mon-diale, surtout pour les pays à faible revenu. La différence se situe entre 77et 161 pour cent. Même si ces différences s’expliquent en partie parce quenous avons utilisé le prix des zones urbaines pour le Bangladesh et l’Inde,il est clair que nos seuils de pauvreté sont sensiblement plus élevés queceux de la Banque mondiale.

Les comparaisons avec les seuils de pauvreté de la Banque mon-diale pour les pays à revenu intermédiaire inférieur sont contrastées,

17 Le régime alimentaire type utilisé par la Chine pour calculer son seuil de pauvreté avant1998 était à l’évidence déséquilibré car le riz y fournissait environ 90 pour cent de l’ensemble descalories. Lorsque les autorités nationales ont amélioré ce régime alimentaire type en 1998, ellesont en même temps réduit la part des dépenses non alimentaires pour passer d’une proportion réa-liste de 40 pour cent en 1997 à une proportion tout à fait irréaliste de 11 pour cent en 1998. Ainsi,le seuil de pauvreté officiel de la Chine, de même que le taux de pauvreté, sont restés à peu prèsinchangés entre 1997 et 1998, le seuil de pauvreté passant seulement de 630 à 635 yuan et le tauxofficiel de pauvreté passant seulement de 30,1 à 29,3 pour cent (Sangui, 2004).

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342 Revue internationale du Travail

même si nos estimations sont systématiquement supérieures aux 2,15 $EUen PPA 1993 de la Banque mondiale. La différence est d’environ 10 pourcent pour la Chine, 20 pour cent pour l’Egypte et l’Equateur, 50 pour centpour l’Arménie et 100 pour cent pour l’Afrique du Sud.

La Banque mondiale ne calcule pas de seuil de pauvreté pour lespays à revenu intermédiaire supérieur ou élevé, car elle n’a pas étendu saméthode des PPA à ces pays. Il est toutefois rassurant de constater quenos seuils de pauvreté pour ces pays présentent une progression raisonna-ble par comparaison avec les pays à faible revenu et à revenu intermé-diaire inférieur, puisqu’ils se situent respectivement à 4,6 et 16 $EU enPPA 1993 en moyenne.

En résumé, les seuils de pauvreté que nous avons estimés pourdouze pays, avec la nouvelle méthodologie, apparaissent raisonnableset sont en général cohérents avec les seuils de pauvreté calculés par les

Note: Les couleurs indiquent le niveau de développement: faible revenu , revenu intermédiaire inférieur .La Banque mondiale ne calcule pas d’estimation des seuils de pauvreté des pays à revenu intermédiaire supérieur et à revenuélevé.

Figure 5. Différence, en pourcentage, entre les estimations du nouveau seuilde pauvreté et ceux de la Banque mondiale pour les pays à faible revenuet à revenu intermédiaire inférieur étudiés

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* Les comparaisons pour l’Arménie, l’Equateur et le Zimbabwe sont très imprécises du fait de la difficulté à estimer les PPA de 1993 dans les pays à forte inflation. Les nouveaux seuils de pauvreté du Bangladesh, de l’Inde, de l’Egypte et de l’Equateur sont probablement surestimés par rapport à ceux de la Banque mondiale parce qu’ils sont fondés sur les prix alimentaires en zone urbaine. Voir notes du tableau 3.Source: Tableau 3, colonne 7.

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Les seuils de pauvreté dans le monde 343

pays, ainsi qu’entre eux. Le fait que nos estimations soient supérieuresà celles de la Banque mondiale, surtout pour les pays à faible revenu,indique, selon nous, que les seuils de pauvreté de la Banque mondialesont trop bas si l’on considère les régimes alimentaires types très élé-mentaires qui figurent dans la nouvelle méthodologie pour les pays àfaible revenu et à revenu intermédiaire inférieur (qui comprennent seu-lement, par exemple, environ un verre de lait tous les quatre jours, unœuf tous les neuf jours et une portion de viande ou de poisson de85 grammes tous les douze jours pour les pays à faible revenu). Lesrésultats présentés ici montrent que la nouvelle méthodologie est prati-cable et utile, même si la méthode utilisée et les valeurs obtenues pourcertains pays sont susceptibles d’être améliorées. Cela implique aussique la pauvreté est beaucoup plus étendue dans le monde que ne le don-nent à penser les estimations de la Banque mondiale.

ConclusionsNous avons décrit ici une nouvelle méthodologie pour estimer des

seuils de pauvreté nationaux comparables entre eux, à partir d’un docu-ment de travail plus détaillé du BIT (Anker, 2005). La mise au point decette nouvelle méthodologie doit être considérée dans le contexteactuel, où la façon de mesurer la pauvreté à l’échelle internationale (lesseuils de la Banque mondiale de 1 et 2 $EU par jour) présente des pro-blèmes avérés et, dans tous les cas, est inappropriée pour calculer desseuils de pauvreté nationaux.

La nouvelle méthodologie présente les avantages suivants: elle re-pose sur une base normative, en ce sens que la notion de pauvreté, ainsique les besoins alimentaires et non alimentaires sont clairement pris enconsidération et mesurés; elle peut être utilisée pour tous les pays, à tousles niveaux de développement, ce qui est important parce que la pauvretéexiste partout; elle est transparente, car les hypothèses posées pour esti-mer les seuils de pauvreté nationaux sont explicitées; elle est peu coû-teuse, qu’il s’agisse des calculs ou de leur mise à jour, pour un très grandnombre de pays, car les données nécessaires sont disponibles gratuite-ment en ligne; elle est souple car les calculs sont faits avec des feuilles decalculs informatiques, de sorte que les hypothèses peuvent être facile-ment changées. Elle peut aussi être utilisée pour expliquer au public ceque signifie être pauvre dans un pays, en termes de consommation alimen-taire et de dépenses non alimentaires. La nouvelle méthodologie est fon-dée sur la même approche que celle de nombreux pays lorsqu’ils esti-ment leur seuil national de pauvreté, à savoir l’approche traditionnelleutilisée depuis l’étude classique de Rowntree en 1899 à York (Angle-terre). Elle suppose d’élaborer un régime alimentaire type, peu coûteuxet acceptable du point de vue nutritionnel, d’en calculer le coût et d’yajouter le montant des dépenses non alimentaires indispensables. Ce qui

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344 Revue internationale du Travail

fait l’originalité de cette nouvelle méthodologie, c’est de transposer àl’échelle internationale l’approche traditionnelle utilisée au niveau natio-nal, afin de rendre les comparaisons possibles.

La nouvelle méthodologie a été appliquée à douze pays venant detoutes les régions et de tous niveaux de développement afin d’évaluersa valeur pratique, ainsi que pour donner quelques éclairages sur l’étatde la pauvreté dans le monde. Cela supposait de comparer les régimesalimentaires types et les seuils de pauvreté estimés avec ceux de la Ban-que mondiale et ceux des pays eux-mêmes. Les régimes alimentairestypes se sont révélés acceptables en termes de calories, de protéines,d’hydrates de carbone et de matières grasses. Ils sont conformes auniveau de développement et en général très proches des régimes ali-mentaires types utilisés par les pays eux-mêmes. Les seuils de pauvreténationaux estimés sont proches de ceux que les pays ont calculés, maisquelque peu supérieurs. En revanche, ils sont bien plus élevés que ceuxde la Banque mondiale, surtout pour les trois pays à faible revenu figu-rant dans l’étude. Ces résultats montrent que la pauvreté est bien plusétendue dans le monde que ne l’indiquent les estimations de la Banquemondiale. La pauvreté est aussi très importante dans les pays à revenuintermédiaire supérieur et dans les pays à revenu élevé, ce que ne peu-vent pas montrer les seuils de pauvreté de 1 $EU et 2 $EU par jour dela Banque mondiale.

Sans doute la nouvelle méthodologie présente-t-elle des limites etdes possibilités d’amélioration, ne serait-ce que par la nature forcémentinexacte de l’estimation des seuils de pauvreté. Néanmoins, elle s’estrévélée utile pour mesurer les seuils de pauvreté nationaux compara-bles entre eux. Elle permet aussi de montrer que la pauvreté dans lemonde est bien plus répandue que ce que donnent à penser les estima-tions de la Banque mondiale, et qu’elle est commune à tous les pays dumonde.

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