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Sexe Et Destin - Chico Xavier

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DESCRIPTION

Quel effet auront pour l’Esprit immortel, dans sa vie future, sur son destin, ses expériences sexuelles et sa conduite alors qu’il se trouvait incarné ? Les livres d’André Luiz décrivent, avec une richesse de détails, comment vivent les Esprits, le Monde Spirituel, ses habitants et leurs relations de causalité qui influent sur la trajectoire évolutive de tant d’incarnés et de désincarnés, préparant leur vie future, leur destin. Le lecteur trouvera dans ce livre des réponses à ses questions sur la relation humaine à travers le sexe, avec les implications dans la vie de l’Esprit immortel, lui offrant la possibilité d’ « apprendre avec la bibliothèque de l’expérience ». « Sexe et destin, amour et conscience, liberté et engagement, culpabilité et rachat, foyer et réincarnation constituent les thèmes de ce livre né dans la forge de la réalité quotidienne. »

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  • Copyright 2009 byFederao Esprita BrasileiraBraslia (DF) Brsil

    Tous les droits de reproduction, copie, communication au public et exploitationcommerciale de cet ouvrage sont rservs uniquement et exclusivement au ConseilSpirite International CSI. La reproduction travers nimporte quel format, parnimporte quel moyen ou procd lectronique, digital, photocopie, microfilm,Internet, CD-ROM, est interdite sans lautorisation expresse de lditeur daprsla loi brsilienne no 9.610/98, qui rglemente les droits dauteur et connexes.

    ISBN 978-85-98161-91-4ISBN 978-85-7945-136-2 (ePub)

    Titre original en portugais :SEXO E DESTINO(Brsil, 1963)

    Traduction du portugais : Pierre-Etienne Jay

    Couverture : Alessandro FigueredoVersion digitale et projet graphique : Rones Jos Silvano de Lima

    dition duCONSEIL SPIRITE INTERNATIONALSGAN Q. 909 Conjunto F70790-090 Braslia (DF) Brsil

    [email protected] 61 3322 3024

    dition autorise par la Fdration Spirite Brsilienne.

    Dados Internacionais para Catalogao na Publicao (CIP)

    L979 Luiz, Andr (Esprit).

    Sexe et destin / par lEsprit Andr Luiz ; [psycographis par] Francisco

  • Cndido Xavier et Waldo Vieira ; [traducction de Pierre Etyenne-Jay]. Braslia, DF (Brsil) : Conseil Spirite International, 2010.

    451 p. ; 21 cm. (La vie dans le monde spirituel)

    Titre original: Sexo e destino.

    ISBN 978-85-98161-91-4

    1. Fico esprita. 2. Obras psicografadas. I. Xavier, Francisco Cndido,1910-2002. II. Vieira, Waldo, 1932-. III. Titre. IV. Srie.

    CDD: 133.93

    CDU: 133.7

  • Avant-proposCe livre fait partie dune srie de treize ouvrages

    qui seront traduits en franais au fil du temps. Ils onttous t psychographis , cest--dire reu parcriture automatique voir Allan Kardec, Le Livre desMdiums sujet 157 , par le plus clbre des mdiumsbrsiliens, Francisco Cndido Xavier galement connusous le surnom de Chico Xavier.

    Chico est n au Brsil, dans la ville de PedroLeopoldo, tat du Minas Gerais, en 1910. Trs tt iltravailla au dveloppement de sa mdiumnit. Duranttoute sa vie, ce nest pas moins de 410 ouvrages quilcrira sous la dicte de divers Esprits, dont Emmanuel,son guide spirituel, et Andr Luiz, mdecin de sonvivant qui vcut au Brsil o il exerait sa profession.

    Andr vcut sa vie sans sinquiter des chosesspirituelles jusquau moment de sa dsincarnation. Cettetape est conte dans le premier livre de la srie, le plusvendu ce jour, Nosso Lar : La vie dans une coloniespirituelle . On y dcouvre larrive du mdecin dans

  • lau-del aprs quil ait quitt son corps. Mdecin sur laTerre, perdu dans lternit, on le voit voluer, sequestionner, remettre ses croyances en question etgrandir spirituellement. Il nous raconte son histoire tellequil la vcue et ressentie.

    Cette srie a pour but de montrer aux incarnsque nous sommes, que rien ne sarrte la mort ducorps physique, loin de l.

    Ces lectures pourront certainement surprendre depar laspect extraordinaire des rcits. Pourtant, celui quia lu ou lira Le Livre des Esprits, coordonn par AllanKardec, avec attention, pourra y voir la concrtisationdes prceptes et des fondements de la doctrine dlivrepar les Esprits.

    La vie existe des degrs que nous nesouponnons mme pas, et nos frres de linvisible sontl pour nous clairer, nous guider, pour nous redonnerun peu de confiance et de srnit face aux grandsquestionnements de la vie et de la mort.

    Chacun de ces treize livres aborde un thme li auSpiritisme, la vie des Esprits dans leurs relationsquotidiennes entre eux mais aussi avec les incarns

  • travers la mdiumnit.Ainsi, cest une porte que nous voudrions ouvrir,

    aux lecteurs de langue francophone, sur un universgrandiose, tel quil est, dans toute son immensit, toutesa splendeur ; lUnivers qui nous entoure.

    Le traducteur

  • Prire prliminairePre la bont infinie !Voici un ouvrage dans lequel Tu as permis notre

    Andr Luiz de relater, travers les vnementspalpitants de lexistence, plusieurs concepts de laSpiritualit Suprieure propos du sexe et du destin photographie verbale de nos ralits amres que Tu assu entremler despoirs ternels.

    En le remettant nos compagnons rincarns surTerre, nous souhaitons voquer cette image de Jsus lEnvoy de ta Misricorde sans Limite lors dunejourne baigne de soleil, Jrusalem La place taitencombre daccusateurs, de scribes et de pharisiensqui lui prsentaient une femme souffrante. Ils disaientlavoir surprise en train de transgresser les lois et ils luidemandaient en mme temps, dans le but dprouver saconduite :

    Matre, cette femme a t prise en flagrant dlitdadultre La loi dit que nous devons la lapider. Maistoi, que dis-tu ?

  • Le Matre contempla longuement les zlateurs deMose. Conscient quil ne servirait rien dexpliquer leurs esprits paralyss par les ides reues, il leurrpondit, en tendant ses paroles tous les moralistesdes sicles futurs :

    Que celui qui est sans pch lui jette la premirepierre !

    prsent, Jrusalem, cest le monde !Sur la grande place des conventions humaines, le

    matrialisme semploie la dissolution des valeursmorales tout en se moquant manifestement de la dignithumaine, tandis que de vnrables religions luttentcontre la Nature dans une tentative vaine dentraver lavie, comme sils eussent voulu sasservir eux-mmes.Face au terrible conflit de ces forces gigantesques quiluttent pour la domination morale de la Terre, Tu asenvoy la Doctrine Spirite, au nom de lvangile duChrist, afin dapaiser les curs et de leur faire savoirque lamour est lessence de lUnivers ; que lescratures sont nes de ton souffle divin pour saimer lesunes les autres ; que le sexe est un hritage sublime etque le foyer est un refuge sanctifiant, en expliquant

  • toutefois que lamour et le sexe gnrent desresponsabilits naturelles dans la conscience de chacunet que personne ne lsera quelquun dans les trsorsaffectifs sans encourir de douloureuses rparations.

    Ce livre veut galement souligner le fait que si Tune peux pas soustraire les coupables aux consquencesde lerreur dans laquelle ils se sont trouvs impliqus,Tu ne permets pas que les vaincus soient abandonns,du moment quils acceptent ta lumire rectificatrice pourle chemin. Elle rvle que dans ta bndiction, lesdlinquants dhier, aujourdhui rachets, se transfigurenten tes messagers de rdemption pour ceux-l mmequi, jadis, tombrent dans leurs sombres piges.

    Bnis donc la prsente narration bouillonnante devrit et despoir, et, en la remettant nos frres de laTerre, permets-nous de leur rappeler que lexistencephysique, que ce soit durant lenfance ou dansladolescence, dans la maturit ou dans la vieillesse,reprsente toujours un don sans pareil quil nous revientdhonorer et que mme en possession dun corps dechair rampant ou infirme, nous devons rpter en facede ta Sagesse Incommensurable :

  • Merci, mon Dieu !

    Emmanuel

    Uberaba, le 4 juillet 1963. (Texte reu par lemdium Francisco Cndido Xavier.)

  • Sexe et DestinSexe et destin, amour et conscience, libert et

    engagement, culpabilit et rachat, foyer et rincarnationconstituent les thmes de ce livre n dans la forge de laralit quotidienne.

    Cependant, lecteur ami, aprs la prire dubienfaiteur prononce en prambule, nous navonsdautre chose faire que de te laisser lhistoire que laDivine Providence nous a permis de relater, non pasdans le seul but de mettre la vrit au grand jour, maisdans lobjectif dapprendre avec la bibliothque delexprience.

    Nous pensons ncessaire dexpliquer que lesnoms des protagonistes de cette histoire relle aurontt substitus pour des raisons videntes et que cettebiographie de groupe nappartient quaux individus quinous ont permis de la rdiger, pour notre dification,aprs avoir t naturellement consults.

    Nous demandons galement la permission de direque pas une once des vrits qui la constituent na t

  • retire vrits de la vrit, que dbordant dmotion,chapitre aprs chapitre, elle porte en elle la lumire denos esprances et la saveur amre de nos larmes en denombreux passages.

    Andr Luiz

    Uberaba, le 4 juillet 1963. (Texte reu par lemdium Waldo Vieira.)

  • Premire Partie

    Mdium : Waldo Vieira

  • 1Comme cela se produit parmi les hommes, dans le

    Monde Spirituel qui les entoure, la souffrance etlattente polissent lme en disciplinant, enperfectionnant, en reconstruisant

    Tandis que nous sommes revtus de la vestephysique, nous imaginons habituellement le paradis desreligions cantonn de lautre ct de la mort. Nousrvons de lapaisement intgral des sens, de laccs lallgresse ineffable qui anesthsie tout souvenirtransform en plaie mentale. Mais une fois la frontirede cendre traverse, nous voici debout en face delinvitable responsabilit devant notre propreconscience.

    Une vie humaine, qui se poursuit naturellementdans lAu-del, assume, ainsi, une forme de dpart endeux temps distincts. Les lieux et les vtementsdiffrent ; cependant, la lutte de la personnalit, dunerenaissance lautre sur Terre, sapparente unlaborieux combat en deux phases. Lavers et le revers

  • de lexprience. Le berceau marque lecommencement ; la tombe dveloppe. de raresexceptions prs, il ny a que la rincarnation quiparvient nous transfigurer de manire fondamentale.

    Laissons dans lesquif le cocon dessch etemportons avec nous, dans la mme fichedidentification personnelle, vers dautres sphres, lescomposants spirituels que nous cultivons et attirons.

    Intelligences en processus dvolution danslternit de lespace et du temps, les Esprits domicilisdans lHabitation Terrestre, sapparentent, au momento ils abandonnent lenveloppe de la matire plusdense, des insectes. Il y a des larves qui sextirpent deluf et se rvlent tre des parasites, tandis quedautres se transforment immdiatement en phalne labeaut prodigieuse, gagnant les hauteurs.

    Nous trouvons des tres qui scartent de ltui dechair en entrant dans dimportants processus obsessifs.Ils y voluent au prix des forces dautrui. leurs cts,dautres individus slvent, purs et beaux, vers desplans suprieurs de lvolution. Et entre ceux quisattachent profondment aux sensations de la nature

  • physique et ceux qui conquirent la sublime ascensionvers les niveaux difiants, dans le Grand Au-del surgitla gamme infinie des positions dans lesquelles ils serpartissent.

    En mergeant dans le Monde Spirituel, aprs noustre dsincarns, nous souffrons, au dbut, dudsenchantement de tous ceux qui attendaient le cielthologique, facile obtenir.

    La vrit se rvle tre un moteur de rnovation.Souffrant dune lourde amnsie en ce qui concerne

    le pass lointain qui repose dans les souterrains de lammoire, nous faisons alors face danciennes idesreues qui sentrechoquent en nous, pour finir parseffondrer en mille morceaux. Nous soupirons aprslinertie qui nexiste pas. Nous exigeons une rponseaffirmative aux absurdits de la foi conventionnaliste etdogmatique qui rclame lintgration avec Dieuseulement de manire personnelle, excluantprtentieusement de la Paternit Divine ceux qui nepartagent pas cette vision troite.

    Un grand nombre dentre nous ressort, de telsconflits dans les recoins de lesprit, qui sont parfois

  • terribles et extnuants, abattus ou rvolts par lesgrandes incursions dans le vampirisme ou le dsespoir ;mais la plupart des dsincarns saccommode, peu peu, aux circonstances, acceptant la continuit du travaildans leur rducation, avec les rsultats de lexistencequi, en apparence, a pris fin dans le monde, lattentede la rincarnation qui permet la rnovation et lerecommencement

    * * *

    Ces rflexions membrasaient lesprit tandis quejobservais la tristesse et la fatigue de mon ami, PedroNeves, dvou serviteur du Ministre de lAide[1].

    Ayant partag daudacieuses et valeureusesexpditions au cours dune activit bienfaisante, nous nelavions pas encore vu faire preuve de la moindrehsitation. Vtran des entreprises de secours, il navaitjamais dmontr dcouragement ni faiblesse, bien quele poids de ses engagements et obligations ft crasant.

    Lavocat quil avait t lors de sa dernireincarnation se caractrisait par une extrme lucidit

  • dans lexamen des problmes que les mandres duchemin lui avaient prsents.

    Toujours humble et intrpide, il affichait maintenantde sensibles altrations de comportement.

    Je le savais charg de courtes tches accomplirdans la sphre physique, afin de rpondre dunemanire plus directe des ncessits dordre familial,dont il ne mavait pas t possible de percevoir niltendue ni la nature.

    Ds lors, il se montrait distant et dsenchant,reproduisant lhumeur de compagnons rcemmentarrivs de la Terre. Il sisolait dans une profonderflexion. Il esquivait la conversation fraternelle. Il seplaignait de choses et dautres, et parfois, on pouvaitpercevoir des larmes qui ne parvenaient pas schapper, lors du travail.

    Personne nosait sonder sa souffrance ou la fibremorale dans laquelle sexprimaient ses attitudes.

    Mais provoquant quelques heures derapprochement, sur un banc de jardin, je cherchaihabilement lamener lextroversion, prtextant desdifficults qui me proccupaient. Jvoquai mes

  • descendants que javais laisss sur Terre et lesinquitudes quils me causaient.

    Je pressentais dans la tristesse la prsence deluttes familiales qui torturaient son me, comme desulcrations rcidivistes, et je ne me trompais pas.

    Lami avala lhameon affectif et ouvrit sessentiments.

    Au dbut, il parla vaguement des apprhensionsqui assaillaient son esprit afflig. Il aspirait oublier, saliner. Mais les membres de sa famille rests surTerre lui infligeaient de douloureux souvenirs difficiles extirper de son esprit.

    Est-ce ton pouse qui tafflige autant ?maventurai-je demander, dans le but de localiser lebourbillon du chagrin qui ouvrait les cluses de seslarmes silencieuses.

    Pedro me fixa avec un air de chien battu et merpondit :

    Il y a des moments, Andr, dans lesquels il seraitncessaire de rdiger nos mmoires, mme si cela nestfait que de manire superficielle, afin de remuer le passet den extraire la vrit, seulement la vrit

  • Il mdita, semblant touffer par instant, avant depoursuivre :

    Je ne suis pas un homme qui se laisse diriger parle sentimentalisme, mme si japprcie les motions leur juste valeur. Par ailleurs, il y a bien longtemps quelexprience ma appris raisonner. Voici quarante ansque jhabite ici, et voici pratiquement quarante ans quemon pouse ma contraint un absolu dsintrt ducur. Je lai laisse alors que la jeunesse des nergiesphysiques bouillait dans ses veines, et nedina nest pasparvenue se tenir distance des exigences fminines,comme cela peut se comprendre.

    Il poursuivit en expliquant quelle staitrapproche dun autre homme quelle avait pous ensecondes noces, lui donnant ses trois enfants commebeaux-enfants. Mais ce nouveau mari lcartacompltement de sa prsence spirituelle. Hommeambitieux, il sempara des capitaux que Pedro avaitassembls dans le but de les faire immensmentfructifier par le recours la ruse lors dentreprisescommerciales risques. Et il agit avec une telle lgretque son pouse, autrefois simple, se prit de passion

  • pour les excs de fortune, gaspillant son temps terrestreen prodigalit et coquetterie, jusqu ce quelle se tranedans les dernires viciations, dans les garements dusexe. Observant son poux, dans la peau dun jeunehomme riche et sans occupation qui multipliait lesaventures galantes de manire continuelle, elle voulut sevenger en stablissant un culte dsordonn pour leplaisir, ignorant quelle ne faisait que sgarer dans delamentables dsquilibres.

    Et mes deux garons, Jorge et Ernesto, dupspar la fascination de lor avec lequel leur beau-pre lesavilissait, perdirent lesprit dans le mme dlire delargent facile et sanimalisrent au point quils negardrent pas le moindre souvenir de leur pre, bienquils soient actuellement des ngociants aiss, dgemature

    Mais alors, ton pouse se trouve encore dans lemonde physique ? demandai-je, mettant fin unelongue pause, pour que lexplication ne se termine pas.

    Ma pauvre nedina est revenue, il y a dix ans,abandonnant son corps suite une jaunisse qui fut pourelle un bourreau invisible, invoqu par les boissons

  • alcoolises. En lobservant, macie, vaincue, jaiessay, alarm, de recourir tous les processus desecours ma disposition La perspective de la voirrduite en esclavage par les forces avilissantesauxquelles elle stait unie sans sen apercevoir,maffolait. Je voulais tout prix la retenir dans le corpsde chair, comme quelquun qui sauve un enfantinconscient par une aide invisible. Cependant, pauvrede moi, recueillie par des entits auxquelles elle staitattache lgrement, jai cherch en vain lui prodiguerdu rconfort, car aprs stre dsincarne, elle sestcomplu dans la viciation en voulant essayer de se fuir,quand cela est impossible. Il ny a pas dautre solutionque dattendre, attendre

    Et tes enfants ? Hypnotiss par la richesse matrielle, Jorge et

    Ernesto se sont mis hors de mon atteinte. Mentalement,ils ne parviennent plus voquer mon souvenir. Dans lebut de sattirer leur coopration et leur sympathie, leurbeau-pre en est venu insinuer quils ne seraient pasmes enfants, mais les siens, fruits de lunion avec monpouse, du temps de mon exprience terrestre, ce

  • qunedina na pas dmentiLe compagnon fit un ple sourire et considra : Imagine ! Dans la chair, la peur est quelque

    chose de commun face aux dsincarns. Et dans moncas, cest moi qui me suis loign du milieu familial enproie des sensations dune horreur impossible rprimer Mais mme ainsi, la bont de Dieu ne mapas abandonn la solitude pour ce qui est de latendresse familiale. Jai une fille dont je ne me suisjamais spar par les liens de lesprit Beatriz, que jailaiss la fleur de lenfance, supporta patiemment lesaffronts et elle demeura fidle mon nom. Ainsi, noussommes deux mes dans le mme niveau decomprhension

    Pedro essuya ses yeux et ajouta : prsent, avec pratiquement un demi-sicle

    dexistence parmi les hommes, Beatriz se prpare auretour, bien quelle se trouve lie la tendresse quellevoue son poux et son fils unique Ma fille est entrain de traverser les derniers jours terrestres, avec soncorps tortur par le cancer

    Mais est-ce pour cela que tu te tourmentes ?

  • Lide de retrouvailles dans la paix ne serait pas avanttout un motif de rjouissance ?

    Et les problmes, mon ami ? Les problmes dugroupe consanguin ? Durant de nombreuses annes, jait en marge de toutes les intrigues du navire familialJai navigu sur le large ocan de la vie prsent,par amour pour ma fille inoubliable, je suis oblig de meheurter lirrflexion et au dsenchantement par espritde charit. Je suis inapte, pas ma place Ds que jeme suis post au chevet de la malade bien-aime, je metrouve dans la situation dun lve perturb parlexpectative derreurs constantes

    Neves se prparait poursuivre, mais un appel detravail urgent nous contraignit nous sparer et, bienquessayant de la calmer, je le quittai en lui promettantde me joindre lui dans les tches dassistance auprsde la malade, de manire plus intense, partir dulendemain.[1] Note de lAuteur spirituel : Organisation de Nosso Lar .

  • 2Beatriz reposait dans un lit bien fait. Elle rvlait

    une importante fatigue.Il ne faisait aucun doute que la maladie consumait

    son enveloppe physique depuis longtemps, car elleprsentait, quarante-sept ans, un visage singulirementrid et un corps lger.

    Absorbe en elle-mme, elle rflchissait,attriste Il tait facile de voir sa proccupation face la crise imminente. Les ides qui fluaient de son esprit,vives et nobles, indiquaient quelle stait habitue lacertitude dune dsincarnation toute proche. On pouvaitvoir, fixe dans sa pense, la conviction du voyageurqui atteint le terme dun pineux sentier, quil lui revientfinalement de quitter.

    Bien que tranquille, elle sinquitait pour les liensqui la retenaient au monde. Malgr cela, elle visualisaitles portes de lAu-del, crant de magnifiques scnesmentalement, comme le ferait une personne qui rve lalumire de la veille. Elle se remmorait Neves, le pre

  • quelle avait perdu durant son enfance, comme si elle setrouvait prte le retrouver, en dfinitive, tant lamourqui les unissait lun lautre tait grand.

    Mais nous observmes, sans difficult, que lmeaffectueuse de linfirme se divisait fortement, sur Terre,entre son poux et son enfant, vis--vis desquels elle setrouvait engage dans un processus graduel desparation invitable.

    Dans la chambre accueillante que quelquesornements embellissaient, tout respirait la propret, lerconfort, lassistance, la tendresse

    Nous rencontrmes, devant le lit, un graveinfirmier dsincarn que Neves serra dans ses bras,dmontrant lui vouer une immense estime.

    Et il me le prsenta : Amaro, voici Andr Luiz, ami et mdecin qui,

    dornavant, partagera nos services.Je le saluai cordialement.Attentionn, Neves demanda : Le frre Flix est-il venu aujourdhui ? Oui, comme toujours.Je minformai alors de qui tait ce frre, Flix. Il

  • occupait, depuis plusieurs annes, la place desuperintendant dans un important centre de secours liau Ministre de la Rgnration, Nosso Lar [1].Fameux pour sa bont et sa patience, il tait connucomme tant un aptre de labngation et du bon sens.

    Nous ne disposons toutefois pas de temps pournous livrer des considrations personnelles.

    Beatriz ressentait des douleurs aigus, et lecompagnon rvla lintention de la soulager parlintermdiaire des passes rconfortantes, pendant quela femme se trouvait visiblement seule. Alors dans unegrande prostration physique, elle rvlait une profondesensibilit mdiumnique.

    Oh ! Les sublimes penses du lit de souffrance !...Les yeux clos, bien quelle nanalyst pas la prsencepaternelle, la malade se souvenait de la tendresse deson pre qui lui semblait lointain et inaccessible dans letemps. Elle sidentifiait nouveau avec lingnuitenfantine Elle entendait, dans lacoustique de lammoire, les chansons de son foyer, elle sen retournait,enchante, vers les heures de lenfance Reconstituantdans son imagination les reliques du berceau, elle se

  • sentait dans les bras paternels, comme un oiseau quirevient dans le nid duveteux !

    Beatriz pleurait. Des larmes dun attendrissementinexprimable roulaient sur son visage. Et sans que labouche ft le moindre mouvement, elle clamaintrieurement de toute son me : papa, monpre !...

    Mditez, vous qui, sur Terre, croyez que lesdsincarns ne sont plus que cendre ! Au-del destombes, lamour et la nostalgie se transforment biensouvent en pleurs dvorants dans le vase du cur !

    Neves chancela, angoiss Je le pris dans mesbras en lui demandant, cependant, de faire preuve decourage. Mais les vagues dangoisse qui dferlaient surlesprit du compagnon afflig ne perdurrent quequelques instants. Stant remis, modifiant ses traits quela souffrance transfigurait, il posa sa main droite sur lefront de sa fille et pria, suppliant le soutien de la BontDivine.

    Des tincelles de lumire, comme de minusculesflammes bleutes, senvolrent de son thorax pour seprojeter sur le corps fatigu, le revtant dnergies

  • calmantes.mu, je vis Beatriz senfoncer dans une douce

    torpeur. Et avant que je puisse manifester la moindreimpression, une jeune femme, qui semblait avoir auxalentours de vingt ans sur lchelle terrestre, entradoucement dans la chambre. Elle passa prs de noussans mme percevoir notre prsence, et prit doucementle pouls de linfirme, contrlant son tat.

    La nouvelle venue fit le geste dune personne quiaurait constat que tout tait en ordre. Elle se dirigeaensuite vers la petite armoire qui se trouvait non loin et,se munissant du matriel ncessaire, elle revint auchevet de la propritaire des lieux pour lui appliquer uneinjection anesthsiante.

    Beatriz ne dmontra pas la moindre raction,restant l, se reposer, sans dormir.

    Lintervention magntique qui avait eu lieuquelques minutes auparavant avait insensibilis sescentres nerveux.

    Parfaitement tranquille, la jeune femme en laquellenous avions vu une infirmire improvise, se retira dansun des coins de la chambre, sinstallant dans un

  • accueillant fauteuil dosier. Ensuite, elle entrouvrit undes quatre battants de la fentre, laissant entrer uncourant dair frais qui nous effleura doucement.

    Respirant plein poumons, la jeune alluma unecigarette ma grande surprise, et se mit fumerdistraitement, faisant penser quelquun qui cherche se fuir.

    Neves la fixa dun regard significatif o perait unmlange piti et de rvolte et, lindiquant discrtement, ilme dit :

    Il sagit de Marina, la comptable de mon gendrequi se ddie au commerce immobilier prsent, elleoccupe les fonctions dassistante, sa demande

    Une note vidente de sarcasme transparaissait travers les paroles rserves.

    Imagine ! se remit-il dire. Fumer ici, dans unechambre de douleur, o la mort est attendue !...

    Je contemplai Marina dont les yeux dnotaient uneinquitude cache.

    Manifestant encore quelques marques destimerespectueuse envers la noble femme allonge sur le lit,elle soufflait lextrieur de la fentre les bouffes grises

  • qui schappaient de sa bouche.Partageant son attention entre elle et Amaro, notre

    ami de la sphre spirituelle, Neves, bien quil demeurtsilencieux et gn, semblait vouloir parler de tout ce quilui pesait et perdre son inhibition.

    Jessayai alors dacqurir une meilleureconnaissance de la situation.

    Mapprochant avec respect de la jeune femme,dans le but de la sonder en silence et de recueillir sesvibrations les plus intimes, je me vis oblig de reculer,effray.

    Dtranges formes-pense me firentimmdiatement sentir que Marina se trouvait ici demauvaise grce. Elles reprsentaient ses habitudes etses aspirations qui se trouvaient en opposition nosdesseins de secourir la malade. Son esprit planait bienloin

    Des scnes animes dune bruyante agitationschappaient de sa tte Le regard fixe, elle entendaitintrieurement la musique grivoise de la nuit festivequelle avait passe la veille, ressentant encore dans sagorge limpression du gin quelle avait bu en grande

  • quantit.Bien que superficiellement elle nous appart sous

    les traits dune petite fille qui a grandi, elle affichait desreprsentations mentales complexes qui tincelaientdans son aura imprcise, sous le tourbillon de brouillardfumeux.

    Amen par les circonstances collaborer danslaccomplissement dun processus dassistance, sans lemoindre but indigne, je me mis tudier soncomportement isol. Dans le futur, si la Mdecineterrestre veut rpondre avec efficacit aux ncessits dumalade, elle examinera avec attention lapparencespirituelle de toutes les pices humaines qui forment soncorps.

    Respectueux, je commenai analyser enprocdant une grande anamnse psychologique.

    Au commencement, Marina laissa apparatre levisage dun homme dge mr, cr par sa propreimagination, qui apparut plusieurs reprises au niveaude son front.

    Elle et lui, ensembles Leur intimit tait tout desuite visible et on devinait leur liaison Physiquement,

  • ils paraissaient tre un pre et sa fille. Mais leursattitudes les empchaient de dissimuler lardentepassion quils nourrissaient lun pour lautre. Les subtilspanneaux qui apparaissaient et disparaissaientalternativement montraient les deux personnagesextasis, ivres de plaisir, quils fussent installs dans uneautomobile de luxe ou enlacs sur le sable tide desplages, installs sous la protection dun tranquillebosquet ou souriants dans des endroits tumultueuxdenchantement nocturne De stupfiants paysages deCopacabana Leblon[2] dfilaient telle une admirablefresque picturale.

    La jeune femme fermait les paupires pour reteniravec plus de sret les souvenirs qui staient saisis deses sentiments, pour ensuite se reprsentermentalement, de manire surprenante, un autre homme,aussi jeune quelle. Elle mapparut alors dans les scnesdun film intrieur diffrent Elle formait un nouveaugenre de dcors pour afficher le souvenir de sespropres aventures. Elle y apparaissait galement auprsdu jeune homme, comme si elle tait attache auxmmes endroits, profitant de diverses compagnies Ils

  • se trouvaient tous deux dans la mme voiture quejavais dj vue, ou marchant, heureux, en train desavourer des rafrachissements ou de se reposer dansdes jeux anims dans les jardins publics, faisant penser la rencontre de deux enfants amoureux quientremlaient leurs rves et leurs espoirs

    Durant ces brves minutes de fixation spirituelle oelle stait rvle telle quelle tait rellement, Marinaaffichait la double personnalit dune femme partageentre la tendresse de deux hommes, oppresse par despenses de peur et dinquitude, danxit et de regret.

    Neves, qui partageait dune certaine manire moninspection, rompit le calme ambiant en disant, abattu :

    Tu vois ? Crois-tu quil est facile pour moi, prede la malade, de supporter en ce lieu pareillepersonne ?

    Je memployai alors le consoler et, sademande, nous nous rendmes dans un petit salon delecture contigu la chambre de linfirme, afin que nouspuissions rflchir et converser.[1] Note de lAuteur spirituel : organisations dans le Plan des Esprits.

  • [2]Note du traducteur: Quartiers aiss de Rio de Janeiro, du bord de la mer.

  • 3Dans la pice isole, mon ami planta son regard

    lucide dans le mien et dit :Aprs la dsincarnation, nous nous trouvons dans

    la seconde phase de lexistence, et personne sur Terrenimagine les nouvelles conditions qui nous prennentdassaut Au dbut, nous rnovons la vie : quipessalvatrices, soutien dans la prire, tude des vibrations,cole de la charit. Heureux, nous essayons depratiquer le culte des grands sentiments humainsEnsuite, quand nous sommes ramens dans le travailplus personnel, dans larne familiale que nousimaginons balaye pour toujours de notre mmoire,comme dans la situation particulire que reprsente moncas, lapprentissage est diffrent Il est ncessaire desimposer de grandes souffrances pour confirmer ceque nous avons appris avec la tte Sache que je metrouve en service dans cette maison depuis seulementvingt jours, et mon me a dj reu tant de coups depoignard que si ce navait t les ncessits de ma fille,

  • jaurais irrmdiablement pris la fuite Sans mesobservations personnelles, je naurais jamais accepttant de lgret de la part de mon gendre Sducteur,imposteur sans pudeur

    Oui, oui dis-je dans le but de mettre fin auxdouloureux propos.

    Je fis alors quelques courts commentaires portantsur le bienfait de loubli du mal pratiqu, jargumentaiquant au mrite de laide silencieuse, travers la prire.

    moiti consol, Neves sourit, et ajouta : Je comprends que tu te rfres la vertu de la

    pense positive dans la fixation du bien, et je croisquen ce qui me concerne, je ferai tout ce que je peuxpour ne pas loublier. Mais prsent, supporte, sil teplat, mes propos dplacs La Mdecine terrestre estune science lumineuse, pleine de raisonnements purs.Cependant, elle est souvent contrainte descendre dela haute culture pour dissquer les cadavres

    Il madressa le regard dune personne quichercherait se confier quelquun et continua :

    Est-ce que tu savais que la cinquime nuit de maprsence ici je me suis lanc la recherche de mon

  • gendre pour quil vienne assister en personne Beatrizqui se trouvait alors dans une crise de souffrance ? Etsais-tu o je lai dcouvert ? contrairement linformation quil avait laisse la maison, personne aubureau. Indign, je lai surpris dans un antre o rgnaitla pnombre, au cur de la nuit, en compagnie de lajeune femme dont vous venez de faire la connaissance.Ils se trouvaient unis, l, comme marie et femme. Lechampagne coulait flot et une musique lascive sefaisait entendre. Des entits perturbatrices et perturbeshantaient les lieux, saccrochant au corps des danseurstandis que dautres allaient et venaient, se penchant au-dessus des verres que les lvres tides navaient pascompltement vids. Dans un recoin multicolore, o dejeunes femmes exhibaient leurs corps moiti nus, enpositions tranges, des vampires faisaient des grimacesqui venaient complter de manire indigne les scnesque le mauvais got humain prtendait prsenter au nomde lart. Tout tait vulgaire, impropre, inconvenableJe saisis mon gendre et sa collaboratrice qui setrouvaient dans les bras lun de lautre. Je me souvinsde ma fille malade et cela me rvolta. Un dsespoir

  • soudain sempara de moi. Ma raison obscurcie oscillacar jen vins justifier subitement le comportementlattitude dplorable des compagnons dsincarns quise transforment en vengeurs intransigeants. Le vieilhomme que javais t luttait contre lhommetransform que jaspire tre dans mes fibres les plusprofondes

    Il sarrta dans une pause, restructurant sespenses, puis continua :

    Effar, javais vu, en dautres temps, ceux quisanimalisent aprs la mort, dans les foyers qui avaientt des refuges de la flicit, se jeter avec violence surles tres aims qui dsertaient leur affection Jai servi,avec enthousiasme, dans diverses missions de secourspendant lesquelles je cherchai les clairer et les fairechanger pour le bien, leur faire sentir que les luttesmorales, aprs la dsincarnation, se dresseraientgalement comme un douloureux hritage pour tousceux avec qui ils taient en dysharmonie. Je lesprvenais que la tombe attendait galement tous ceuxqui, sur Terre, leur avaient manqu de loyaut et detendresse Et bien souvent, je parvenais les calmer,

  • rendant ainsi possible leur retrait bnfique. Mais iciImprudemment en colre contre linsensibilit delhomme qui avait pous ma fille chrie, je me visappel mettre en pratique les bons conseils quejavais donns

    Mon ami fit un lger intervalle, essuya les larmesqui couraient sur son visage suite lvocation de sonmanque de rsignation, et complta sa phrase, ajoutant :

    Mais je nai pas pu. Saisi dune incoercible colre,je me suis avanc telle une bte dchane et jai rouson visage de coups de poing sans mme rflchir. Il selaissa tomber sur lpaule de sa compagne, accusantune indisposition angoissante, comme sil stait trouvsous limpact dune subite lipothymie Je me prparaisensuite tordre son corps dans mes bras robustes.Mais je ny parvins pas. Le visage noble et calme, unedame dsincarne sapprocha et me dsarmaintrieurement. Elle naffichait pas extrieurement designes dlvation. Dailleurs, il tait vident quelle taitaussi humaine que nous. Elle ne se diffrenciait qutravers une minuscule distinction lumineuse qui brillaitavec pleur au niveau de sa poitrine, limage dun

  • bijou rare qui mettrait une radiation discrte. Elleeffleura lgrement ma tte et mincita la srnit.Honteux, je la fixai avec gne. Cette femme inattenduene mimposa aucune interdiction, pas plus quelle ne ftla moindre allusion mon geste malheureux. Aucontraire. Elle me parla avec bont propos de ma fillemalade. Elle dmontra connatre Beatriz aussi bien quemoi et finit par minviter sortir de cet endroit pourlaccompagner jusqu la chambre de linfirme. Je merendis sans lutte. Et parce que tout au long de notretrajet, cette aimable intervenante ne se reportait quauxmrites de la comprhension et de la tolrance, sans lamoindre rfrence aux garements du lieu que nousvenions de laisser, je cherchai me contenir pour nerflchir qu laide apporter ma fille en difficult. Lamessagre anonyme me replaa dans le foyer, prenantcong avec dlicatesse. Et de ce que je me souviensencore delle, positivement intrigu, je ne la vis plusaprs cela

    Je fis une observation rconfortante, rappelantmes expriences, quand Neves interprtant mespenses, demanda aprs une longue pause :

  • Toi Andr, nas-tu jamais eu faire face desvnements aussi dsagrables ?

    Je me souvins avec motion des premiresmotions qui avaient boulevers ma sensibilit aprs ladsincarnation. Je reconstituai dans ma mmoire toutesles scnes dans lesquelles je mtais trouv dcourag,excit, dchir, vaincu

    Les transformations domestiques, les entravesdomestiques, les obligations de la lutte humaine et lessuggestions de la nature physique qui avaient modifimon pouse et mes enfants, sur Terre, quand ils setrouvrent sans ma prsence directe, se rappelrent mon cur. Je me sentis plus troitement li moninterlocuteur, comprenant son influx mental tortur, et jecommentai :

    Si, mon ami. Une fois la grande barrirefranchie, mes problmes ont t normes au dbut

    Il me fut cependant impossible de me confier. Unhomme sympathique dge mr pntra dans la pice,sans nous percevoir, bien entendu.

    Embarrass, Neves lindiqua en mexpliquant : Cest Nmsio, mon gendre

  • Le nouvel arrivant se regarda attentivement dansun miroir, passa une serviette blanche sur sa ttetrempe de sueur, et il poussa un profond soupir tandisquil ajustait son lgante cravate. Il se lana sansretenue vers la chambre contigu, et nous le suivmes.

    Marina vint laccueillir avec un aimable sourire, leconduisant jusquau chevet de sa femme qui se mit leregarder entre rconfort et abattement.

    Beatriz tendit une main dcharne que son mariembrassa. changeant avec elle un doux regard,Nmsio sinstalla contre les oreillers et lui posa desquestions o perait la tendresse pendant quil lui lissaitsa chevelure dsordonne.

    La malade pronona quelques brves paroles,essayant de le remercier, et elle ajouta :

    Nmsio, tu mexcuseras de revenir sur lasituation dOlympia La pauvre crature apratiquement perdu sa maison intgralement Il estncessaire que tu lui garantisses un abri sr Vois-lacomme les enfants sans protection. Enlve-moi cepoids

    Son mari montra une profonde motion et

  • rpondit, courtois : Naie aucun doute l-dessus, Beatriz. Jai dj

    dpch un ami, constructeur qualifi, sur place. Neten fais pas, je ferai tout ce quil faut sans que cela soitun sacrifice. Cest une question de temps

    Je crains de partir dun moment lautre Partir o ?Nmsio caressa son front dcolor, sarracha un

    sourire amer et poursuivit : Tant que tu seras en traitement, nos voyages

    sont suspendus. Le moment nest pas encore venu departir pour So Loureno[1]

    Mon traitement sera diffrent. Ne sois pas pessimiste Attends, ques-tu en

    train de dire ? O sont passs les beaux jours de notremaison ? Oublies-tu que tu nous as enseign voir de lajoie en toute chose ? Laisse les sombres territoires Jeme suis entretenu avec notre mdecin pas plus tardquhier. Tu seras bientt en convalescence Demain,je prendrai des mesures dfinitives afin que la cabanesoit redresse. Tu seras rtablie sous peu, et nous ironstous les deux prendre le premier caf servi chez notre

  • OlympiaLa tendresse de son mari parut redonner des

    forces Beatriz. Sa bouche sentrouvrit dans un largesourire qui me fit penser une fleur desprance sur uncactus de souffrance.

    Ces yeux intensment lucides versrent deuxlarmes de flicit que lpoux essuya dun gestegracieux. Des rayons de confiance tincelrent sur levisage aux jaunes reflets.

    Se sentant mentalement rtablie, linfirme crut aurelvement de son corps physique et elle dsiraardemment vivre, vivre pour longtemps encore dans lecocon familial protecteur. Manifestant son rconfort,elle demanda Marina de bien vouloir lui apporter unetasse de lait.

    Linfirmire sexcuta, mue. Et pendant que lamalade buvait le liquide, gorge aprs gorge, jerflchis la bont de cet homme que les paroles demon compagnon mavaient prsent dune tout autremanire.

    La pense de Nmsio mapparaissait jusqualorsclaire et pure. Il avait Beatriz dans son cerveau, dans

  • ses yeux, dans ses oreilles, dans son cur. Il luiaccordait la comprhension dun ami, la tendresse dunpre.

    Neves madressa un trange regard, comme sil setrouvait, tout comme moi, devant une incroyablesurprise.

    Quelques instants scoulrent rapidement.Quand linfirme rendit la tasse, une autre scne se

    droula sous nos yeux.Nmsio se redressa contre la tte de lit

    surleve, tendit sa grosse main hirsute dans ladirection de Marina qui y mit sa main droite, blanche etlgre.

    Le mari se mit alors murmurer de doucesparoles son pouse comble, caressant simultanmentles doigts ross de la jeune femme qui, peu peu,perdait de son inhibition travers de son regard fripon.

    Je contemplai Nmsio, stupfait. Ses pensestaient en train de se modifier. Elles me semblrent alorsincompatibles avec la sensation de respect quil nousavait inspire.

    Instinctivement, je me tournai vers Neves.

  • Mindiquant les deux mains qui se caressaient lunelautre, il sexclama mon intention :

    Cet homme est une nigme.[1] Note du Traducteur : So Loureno, station thermale de ltat de Minas Gerais,au Brsil.

  • 4 nouveau installs dans la chambre voisine, je

    cherchai relever le moral de Neves qui tait clairementdsappoint.

    Le compagnon stait livr au climat de la dignitoffense, laissant limpression que la famille incarne luiappartenait encore. Il blmait la conduite de songendre, il glorifiait le mrite de sa fille, il se reportait aupass quand il avait lui-mme vaincu des situationsdifficiles dans la lutte sentimentale, il cherchait desexcuses.

    Saisi de piti, jcoutai ses remarques enrflchissant, de mon ct, la difficult avec laquellenous devons tous faire face pour dissiper lillusion de lapossession des autres. Si ce ne fut lobligation derespecter ses sentiments, je me lancerais ici mme dansune longue tirade philosophique qui recommanderait ledtachement. Mais je cherchai seulement le consoler :

    Ne tafflige pas. Jai appris depuis longtempsque pour les personnes dsincarnes, les portes du

  • foyer se ferment presque toujours, sur Terre, quand lamort ferme leurs yeux

    Il ne me fut cependant pas possible de poursuivre.Pareils deux enfants anims et joyeux, Nmsio etMarina pntrrent dans la chambre, fuyant clairementla prsence de linfirme.

    Leur visage conservait lexpression des amoureuxheureux, des amoureux qui vivent le classique enfinseuls alors quils senferment, contents.

    Je me disposai instinctivement sortir, mais Nevesme retint dans mon lan, minvitant, abasourdi :

    Reste, reste Je ne fais pas lloge delindiscrtion, mais je ne suis aux cts de ma fille quedepuis quelques jours, de manire directe, et je me doisde savoir ce qui se passe afin dtre utile

    ce moment, Nmsio enlaa linfirmire, commesil revenait soudainement aux emportements de lajeunesse. Il caressait les mains menues et les cheveuxsoyeux tout en parlant du futur. Reproduisant lesproccupations dun adolescent, il se justifiait, dsireuxde vacciner son lue contre la jalousie. Ils devaient semontrer bons envers Beatriz qui se trouvait aux portes

  • de la mort, et remercier le Destin qui les dlivrait descontrarits et des contretemps dun divorce, mme fait lamiable La veille, il apprit du mdecin que lamalade ne vivrait pas plus que quelques semaines. Et ilsourit, comme un garonnet espigle, quand il affirma nepas croire en la survivance de lme. Par ailleurs, selonlui, sil existait une vie aprs la mort, il ne dsirait pasque son pouse sen aille en nourrissant le moindreressentiment leur gard. Passionn, il cherchait seconvaincre que ses sentiments taient partags, fixantson attention sur les yeux nigmatiques de sa compagneenvers qui il se sentait attir par une intense attraction.

    Marina rpondit ses attentes comme quelquunqui se laisse dsirer. Cela dit, elle laissa transparatre lesingulier phnomne de lmotion li Nmsio et de lapense dirige vers lautre homme, cherchant par tousles moyens trouver dans cet autre la motivationncessaire cette mme motion.

    Le mari de Beatriz commenta ses propresobstacles, mu.

    Il lui confessa une dvotion indfectible. Il nevoulait pas la voir inquite. Plus tard, il abandonnerait

  • les affaires. Ils vivraient heureux dans la petite maisonde So Conrado quil transformerait en confortablebungalow, entre le vert de la mer et le vert de la terre. Ilenverrait prparer la reconstruction dans un stylenouveau, afin que lhabitation puisse les accueillir lemoment opportun. Elle devait lui faire confiance. Ilattendrait seulement le changement de son tat civilpour lui confrer le titre dpouse, pouse pourtoujours

    Tout cela tait dit dans un jeu de tendresmanifestations o dun ct prvalait la sincrit quandde lautre prvalait le calcul.

    Mais je perus un fait trange. Ils changeaiententre eux les plus douces expressions denchantementrciproque, sans faire preuve de libertinage, et ilssemblaient adhrer automatiquement aux impressionsque nous ressentions en accompagnant leurs moindresgestes avec une attention aiguise, analysant leursdesseins sur la base de nos propres expriencesinfrieures dj dpasses.

    Ces observations que nous faisions en totaleimpartialit mritent dtre soulignes car attentif

  • ltude comme je ltais, je me vis dans lobligation dereconnatre que notre attente malicieuse allie lespritde censure tablissait des courants mentaux stimulantsle trouble psychique dans lequel ils se trouvaient tousdeux plongs, courants qui, partant de nous vers eux,aggravaient leur apptit sensuel.

    En pleines envoles de flicit juvnile, mais dunevoix chuchote, le mari de Beatriz renfora lardentdsir avec lequel il attendait sa tendresse permanentedans le refuge de la maison.

    Mais la jeune femme fondit soudain en larmesabondantes. Son compagnon lembrassa au visage,aspirant la soulager de la tension convulsive.

    Toutefois, de notre ct, nous vmes que Marinafixait de plus en plus son attention sur le jeune hommedont la figure stait incruste dans son imagination.

    Devant la sincrit de toutes les promesses qui luiavaient t adresses, sincrit qui ne laissait pas deplace au doute, le conflit dont elle se trouvait possdedevait, nen point douter, tre douloureux.

    Oublieux des engagements embrasss, devant safemme qui, en ces instants, demandait les plus grandes

  • dmonstrations de flicit et de tendresse, le chef defamille changea de parti et prit celui de Marina qui ilse livra sans rserve. Suffisamment intelligente pourcomprendre quel point le raisonnement de lhommecirconspect stait dgrad, la jeune femme percevait laphase dangereuse de la partie dans laquelle elle staitlance et elle se sentait abasourdie, ici, confondue entreles afflictions et les remords qui harponnaient son cur.

    Contraints par les circonstances pntrer lessujets en examen, nous dcouvrmes les reprsentationsmentales de la jeune femme qui se dversaient de sonmonde intrieur, clairant son histoire.

    Elle stait fait apprcier du gendre de Neves,sans faire preuve son gard de sentiments autres quela reconnaissance et ladmiration Pourtant,maintenant que les vnements poussaient son me endirection de liens plus profonds, elle tremblait devant lesconcessions indues quil lui avait fait. Elle ressassaitdans son esprit les rminiscences caches de sonaventure affective, rcapitulant tous les succs parlesquels elle avait attir le protecteur expriment, grce ses subtiles mthodes de sduction, pour en arriver

  • la conclusion quelle aimait la folie le frle jeunehomme qui se dtachait dans sa pense, travers lesappels captivants de la mmoire.

    Intrieurement, une terrible guerre dmotions etde sensations faisait rage en elle.

    Nmsio la consolait en formulant des phrases depaternelle sollicitude. Et, au moment de rpondre auxquestions rptes concernant la raison de ces pleurssoudains, la jeune femme recourut un grand processusde parfaite dissimulation, invoquant des problmesfamiliaux afin de se crer une chappatoire quimasquerait la ralit.

    Dans une tentative de se fuir elle-mme, elle serfra de supposs diffrents chez elle. Elle mit enavant les exigences maternelles, voqua des difficultsfinancires, allgua de fantastiques humiliations que luiaurait impos sa sur adoptive, mentionnalincomprhension de ses parents qui se manifestait travers de constantes disputes dans les cerclesfamiliaux

    Son interlocuteur la rconforta. Elle ne devait passe tracasser. Elle ntait pas seule. Il partagerait tous

  • ses embarras et dboires, quels quils soient. Quellefasse preuve de patience. La mort de Beatriz, prvuedici quelques jours, marquerait le moment fondamentaldu bonheur dfinitif.

    Nmsio sexprimait sur un ton de supplication. Etpeut-tre parce quil stait rendu compte que la forcedes paroles ne serait pas suffisante pour la soustraireaux sanglots, il arracha un carnet de chque qui setrouvait dans une pochette, remettant entre ses mainsque le mouchoir humide avait mouilles, une fortecontribution montaire.

    La jeune femme parut encore plus mue, laissantvoir sur son visage lapprhension qui se rcriminaitsans la moindre justification de conscience, au fur et mesure quil lenlaait affectueusement. Dans le silencequi survint, je me tournai vers Neves, mais je ne parvinspas prononcer le moindre mot.

    Bien qutant dsincarn, mon ami ressemblait un homme absolument commun de la Terre, que larvolte faisait saigrir. Un froncement crisp de sessourcils altrait son apparence dans le dsquilibrevibratoire qui prcde les grandes crises de violence.

  • Je craignis que sa calamit motionnelle ne setransforme en agressivit, mais linattendu se produisit.Un vnrable ami spirituel pntra soudainement dans lachambre. Une enchanteresse expression de sympathiemarquait sa prsence. Un halo radieux entourait sa tte.Ce ntait toutefois pas la lumire suave qui provenaitdoucement de laura de sagesse qui mimpressionna,mais la substance invisible damour qui manait de cettre sublime.

    Je fixai tout coup son regard aveclattendrissante impression que je retrouvais uncompagnon, longuement attendu parmi les souvenirsnostalgiques qui emplissent le cur.

    Des fluides calmants baignrent entirement moncorps, comme si dinexplicables radiations duneallgresse enveloppante avaient pntr au plus profondde mon tre.

    Sur quels sentiers du destin aurai-je connu cet amiqui simposait mes sentiments comme un frre duntemps lointain ? Vainement, je remuai ma mmoiredurant ces secondes inoubliables.

    En un clair, je me vis renvoy aux sensations

  • pures de lenfance. Lmissaire qui stait arrt en facede nous ne me fit non seulement retrouver la scurit laquelle je mtais habitu quand je trouvais refuge,alors petit, entre les bras paternels, mais galement latendresse de ma mre qui ne stait jamais loigne demes penses.

    Oh ! Dieu, dans quelle forge de la vie se formentde tels anneaux de lme ? Dans quelles racines de joieet de souffrance, travers les nombreusesrincarnations de travail et despoir, de dettes et derachats se cre la sve divine de lamour qui rapprocheles tres et transfuse leurs sentiments dans une seulevibration de confiance rciproque ?

    Je levai de nouveau mes yeux vers le visiteur quisapprochait, et je fus oblig de refrner mon motivitafin de ne pas le retenir instinctivement dans des lansde joie.

    Nous nous redressmes tout coup.Aprs lavoir salu, Neves, alors rassur, me le

    prsenta en souriant pratiquement : Andr, salue le frre FlixMais le nouvel arrivant savana, moffrant une

  • accolade et profrant une chaleureuse salutation, dansle but de couper court ds le dpart au moindre loge.

    Trs heureux de vous rencontrer, dis-je avecbienveillance. Que Dieu vous bnisse, mon ami

    Mais la commotion mimmobilisa. Je ne parvinspas faire monter les mots de mon cur vers labouche, ces mots par lesquels je voulais dmontrer monenchantement, mais je saisis sa main droite avec lasimplicit dun enfant tout en lui demandantmentalement daccepter les larmes qui spanchaient demon me en guise de remerciements muets.

    Il se produisit ensuite quelque chose dinhabituel.Nmsio et Marina entrrent tout coup dans un autretat desprit.

    Cela confirma mon impression selon laquelle notrecuriosit maladive et la rvolte qui dominait Nevesavaient jusqualors fonctionn ici comme des stimuli dumagntisme animal avec lequel les deux amoureux setrouvaient en phase. Ils ne se doutaient pas le moins dumonde de la minutieuse observation dont ils faisaientlobjet, et il suffit que notre frre Flix post son regardcompatissant sur eux pour quils changent du tout au

  • tout.La vision de Beatriz malade dchira leur espace

    mental la manire dun clair. Leurs ardeurspassionnes svanouirent. Ils ressemblaient une pairedenfants attirs lun vers lautre, dont la pense staittout coup profondment modifie devant la prsencematernelle.

    Et il ny avait pas que cela. Je ne pouvais pasausculter le monde intrieur de Neves, mais en ce quime concernait, une subite comprhension avait envahimon me.

    Et si je mtais trouv la place de Nmsio ?Agirais-je mieux ? De silencieuses questionssincrustaient dans ma conscience, obligeant mon esprit raisonner un niveau plus lev.

    Je fixai le triste pre de famille, pntr denouveaux sentiments, voyant en lui un vritable frrequil me fallait comprendre et respecter.

    Bien que me confessant moi-mme, avec unremords impossible masquer, lattitude inconvenanteque javais assum quelques instants auparavant, jecontinuai tudier la mtamorphose spirituelle qui

  • saccomplissait.Marina se mit dmontrer une raction bnfique,

    comme si elle ft admirablement conduite lors dunemanifestation mdiumnique prpare par avance. Elle sertablit du point de vue motionnel, laissant voir un totaldsintrt pour toute forme de relation physique, et ellevoqua, avec dlicatesse, la ncessit de sen retourneraux soins que la malade exigeait. Nmsio, rflchissantsa position intrieure rnove, noffrit pas le moindreobstacle, sinstallant dans un fauteuil tandis que la jeunefemme se retirait, tranquille.

    Je vis que Neves brlait de converser, de seconfier. Mais le bienfaiteur qui avait conquis notre curindiqua lpoux de Beatriz et nous invita :

    Mes amis, notre Nmsio se trouvesrieusement souffrant, sans quil ne le sache dj.Jignore si vous avez dj remarqu sa dficienceorganique Essayons de le secourir

  • 5Incompltement remis des effets de la stupfaction

    quune pareille attitude nous causait, nous nous mmes collaborer avec notre frre Flix, dans la mise en placede certaines mesures pour le bien de lami qui, bienquil ignort notre prsence, se tenait prsent dansune attitude de rflexion.

    Au contact des mains du bienfaiteur qui mettait enuvre efficacement lnergie magntique, lesdficiences dans le domaine circulatoire apparurent enNmsio.

    Le cur, considrablement enfl, dnotait desfailles menaantes avec le durcissement des artres.

    Lhomme que nous examinions, soign lextrieur, tait gravement malade lintrieur.Cependant, la caractristique la plus gnante taitlocalise dans lartriosclrose crbrale dont nousparvnmes clairement valuer le dveloppement enmanipulant de petits appareils dauscultation.

    Dmontrant une grande exprience mdicale, le

  • frre Flix nous indiqua une rgion particulire o jenotai que la circulation sanguine tait rduite, et il dit :

    Notre ami se trouve confront au danger decaillots bloqueurs et, en plus de cela, il est craindreune rupture dune veine lors dun accidentdhypertension plus important.

    Comme sil avait peru la mise en mouvement etcomme sil avait peru les informations, le gendre deNeves, dans le fauteuil rembourr o il stait install,rpondit instinctivement lenqute affectueuse laquelle nous soumettions sa mmoire, tirant tous nosdoutes travers des ractions mentales spcifiques. Ilsimaginait plong dans son imagination, ignorant quilnous apparaissait intgralement sous les traits dunmalade tourn vers les claircissements de lanamnse.Il se remmora les lgers tourdissements quilressentait souvent. Il fouillait sa mmoire, rpondant nos questions. Il alignait les vnements passs, sesouvenait de dtails. Il reconstitua autant que possibleles phases dinconfort dans lequel il stait trouvsubitement plong, avec la perte de ses sens quil avaitsoufferte quelques jours auparavant son bureau. Il

  • stait soudainement senti vid, absent. Sa pense avaitdisparu de son esprit, comme si des coups de marteaulen avaient expulse. Une effrayante dfaillancelenvahit. Elle lui semblait ne pas avoir de fin, quand ellene dura que quelques secondes. Il reprit consciencede lui-mme, troubl, abattu. Mditatif, il subissait desapprhensions qui persisteraient de nombreux jours.

    Dans une recherche de soulagement, il relata lesfaits un vieil ami lavant-veille, car il ne savait pascomment interprter le phnomne.

    La scne quil reconstituait dans son imaginationtait si nette que nous parvenions les contemplerensemble, Nmsio et le compagnon qui avait reu sesconfidences, comme sils avaient t films.

    Inconsciemment, le mari de Beatriz relatait desinformations ncessaires propos de lvanouissementquil avait vcu, des inquitudes consquentes, delentretien quil avait provoqu avec son partenairedaffaires et de la discussion cordiale entre eux deux.

    Nous consignmes les conseils que soninterlocuteur lui avait transmis : il ne pouvait pasremettre plus tard les mesures prendre. Il devait se

  • rendre chez un mdecin, analyser sa situation, dfinir lessymptmes. Il mit des mises en garde. Il constataitavec vidence sa fatigue. Rio, il obtiendrait uneamlioration de son tat dans une maison de repos. Desvacances ne lui feraient pas de mal. Selon lui, lamoindre syncope quivalait un signal dalarme danslappartement de la vie. Alerte srieuse, maladie laporte.

    Silencieux, sans quil ne pert quil sentretenaitavec nous, Nmsio rptait spirituellement lesallgations quil avait formules.

    Lanalyse tait difficile : de lourdes responsabilits,le temps restreint. Il accompagnait son pouse dans latraverse de ses dernires heures, au cours de la findouloureuse de son existence, et il ne trouvait pas lemoyen de soccuper de lui. Il ne remettait pas en causela justesse des mises en garde, mais il se voyait danslobligation de remettre le traitement plus tard.

    Cependant, au plus profond de ses penses,dautres motifs quil navait pas le courage dvoquernous apparurent, rvls par un journal vivant,secrtement archiv dans le coffre de lme.

  • Attendri par le toucher damour fraternel dubienfaiteur qui lauscultait, il libra, en silence, ses plusprofondes proccupations.

    Il ressemblait un enfant espigle qui se montreobissant et spontan quand il se retrouve en prsencede ses parents.

    Il montra clairement la raison qui le poussait fuirtout sujet li des prescriptions mdicales quipourraient probablement le concerner. Il redoutait deconnatre son tat organique. Il aimait nouveau,simaginant revenir au printemps du corps physique. Ilse voyait spirituellement jeune, heureux. Il considraitlaffection de Marina comme les retrouvailles avec lajeunesse quil avait laisse en arrire.

    Tout en multipliant les souvenirs et les rflexions, ilaffichait devant nous la trame des faits sur lesquelssappuyaient les notions prcaires de la vie, ce qui nouspermit de retracer sa ralit psychologique.

    peu de temps de sa dsincarnation, Beatriz sedressait prsent dans son esprit comme une reliquequil placerait respectueusement sous peu dans lemuse des souvenirs les plus chers. Imperturbablement

  • correcte et simple, elle avait transform la volupt enadmiration et la flamme juvnile en chaleur damitisereine. tranger au bienfait de la routine constructive, ilen tait venu considrer son pouse comme la mrede ses enfants que la mort emportait. Il cherchaitinstinctivement son sourire bienveillant et la bndictionde son approbation. Il voulait sa prsence commequelquun qui shabitue au service dun ustensileprcieux. Quand il arrivait la maison, moite de sueur, iltrouvait la paix en reposant son esprit fatigu dans sonregard.

    Cependant, de formation matrialiste et dunnaturel pratique tout en tant gnreux, Nmsioignorait que les mes nobles cueillent le fruit delallgresse sublime dans lamour marital de la Terre, cefruit dont la pulpe mrit et devient plus douce avec letemps, liminant les caprices transitoires de lenveloppe.

    Il persistait dans la conservation de toutes lesimpulsions motionnelles de la jeunesse corporelle. Iltait au fait de toutes les thories de la libido.

    Parfois, il se rendait dans des villes voisines lors denuits de bohme, affirmant ses amis, son retour,

  • quil agissait de la sorte pour drouiller son cur. Ilrevenait de ces escapades en rapportant des corbeillesde valeur que Beatriz recevait avec joie. Durantplusieurs semaines, il se montrait plus tendre etcomprhensif envers elle. Mais bien que recourant avecplus de rigueur aux freins de lhabitude, il ne savait passe consacrer aux constructions spirituelles que seule ladiscipline rend possible et garantit. Il dpassait nouveau les frontires que les engagements morauxtablissaient, limage dun animal qui enfonce laclture.

    En certaines occasions, il lui arrivait de fixer sonpouse, toujours pleine dabngation et fidle, et de sedemander ce quil adviendrait si elle adoptait uneconduite similaire la sienne, et il sen effrayait.

    a, jamais, pensait-il. Si Beatriz venait poserson attention fminine sur un autre homme, il taitcapable de la tuer. Il nhsiterait pas.

    Dans ces moments, des impressionscontradictoires agitaient son esprit limit. Il nesintressait absolument pas sa femme, mais il nauraiten aucun cas tolr la moindre concurrence en ce qui

  • concernait la possession de celle qui il avait confi sonnom.

    Il sinquitait, imaginait des choses, mais il serassurait, tranquille, en se souvenant de ltrangeconception quavait un vieil ami qui passait sonexistence sous lempire de lalcool chez ses vieux etriches parents, et qui avait souill ses rves de famillequand, alors enfant, il lui rptait frquemment : Nmsio, la femme nest quune savate pour le piedde lhomme. Quand elle ne sert plus, il devientncessaire den trouver une autre.

    Il est comprhensible quen arrosant les racines ducaractre avec les eaux troubles dune telle philosophie,le gendre de Neves ait atteint la ligne des soixante ansavec les sentiments dtriors pour ce qui tait de cequun homme se doit lui-mme.

    Cest pour toutes ces raisons quil avait rapprisles attentions de la prservation individuelle dans cettepriode difficile et obscure quil traversait.

    Il avait retrouv le got de se vtir avec distinction,en slectionnant modles et tailleurs. Sa sensibilitmasculine stait aiguise, il apprciait les programmes

  • radiophoniques de gymnastique par lesquels dailleurs iltait parvenu se dbarrasser de son adiposittremblotante. Il courait aprs les entres pour lesrunions festives afin dactualiser son langage et deperfectionner son apparence.

    Peu lui importaient les mches blanches quimaillaient dargent sa chevelure paisse. Il voyait dansles parfums rares et les cravates colores des motifsdinsouciance et dlgance toujours nouveaux.

    Il payait habilement les instructions et les avis deprofesseurs improviss en rnovation de la personnalitet il stait embelli, vaniteux, se rappelant de lanciendifice sous la nouvelle dcoration.

    Bien sr que non, se disait-il, bien sr quil ne sersignerait pas au moindre traitement qui ne ft pas enmesure daccentuer ses dispositions au plaisir. Ilrefuserait de manire premptoire toute mesure visant la moindre ide de rajustement organique, tant donnquil se croyait capable de commander ses propressensations. Leuphorie, voil le problme. Des mesuresmdicamenteuses ? Seulement pour lui arer lesprit ourajeunir ses forces.

  • Le frre Flix se remettant parler nous dit : Nmsio rvle un norme puisement en raison

    des habitudes destructrices auxquelles il se livre. Laproccupation motive dsquilibre son systmenerveux et les faux aphrodisiaques employs minent sesnergies sans quil ne sen rende compte.

    Face cette affirmation, lpoux de Beatriz eutune attitude mentale angoisse, dmontrant avoirassimil mcaniquement limpact du grave expos.

    Et si la situation saggravait ? se dit-il en lui-mme.

    Le visage de Marina rapparut dans son me.Nmsio divagua, rveur.

    Il serait daccord pour retrouver sa sant, maisseulement aprs aprs quil ait retenu la jeune fille,livre en fin de compte lui, par les liens du mariage.Tant quil ne laurait pas recueillie entre ses bras sousleffet dun engagement lgal, il naccepterait pas deprotection mdicale. Il lui fallait encore paratre capableet jeune homme ses yeux. Il fuirait dlibrment lesconseils ou la discipline qui tendraient le dtourner dela ronde des promenades, excursions, divertissements

  • et ivresses quil croyait, en tant quhomme amoureux,lui devoir.

    Le frre Flix nopposa pas la moindreargumentation. Au contraire, il lui administra desressources magntiques dans toute la rgion crbrale,lui portant assistance.

    Au terme dune longue opration de secours,Neves, taciturne, ne parvenait pas dissimuler sondsappointement. La dsapprobation jaillissait de sonesprit en formant des penses de censure qui bienquelles aient t respectueuses, nous atteignaient deplein fouet sous la forme dune pluie de vibrationsngatives.

    Cest peut-tre pour cette raison que le bienfaiteursuggra au propritaire de la maison de quitter la pice,sollicitation muette laquelle Nmsio rpondit sur lechamp, puisquil se trouvait dj entour du soutien quelami spirituel lui avait spontanment offert.

    Une fois tous les trois seuls, nous reprmes laconversation.

    Souriant, Flix effleura lgrement les paules demon compagnon et dit :

  • Toutefois, Neves, je te comprendsEncourag par linflexion de tendresse avec

    laquelle pareilles paroles avaient t dites, le beau-prede Nmsio se confia sans retenue :

    Il ny en a quun qui ne comprend pas bien, etcest moi. Je nadmets pas de tels soins envers un chiende cette vile engeance. Un homme comme celui-ci, quimprise ma confiance paternelle ! Qui donc ne peroitpas en son esprit la polygamie dclare ? Unsexagnaire dvergond qui souille la prsence de sonpouse lagonie ! Ah ! Beatriz, ma pauvre Beatriz,pourquoi a-t-il fallu que tu tunisses un tel pendard ?

    Neves tait en train de sombrer dans la folie sousnos yeux. Il tait mentalement reparti vers le cercleresserr de la famille humaine et il pleurait, boulevers,sans que nous puissions mettre un frein son motion.

    Je mefforce, mais je nen peux plus, gmit-il,accabl. quoi cela me sert-il de travailler ennourrissant la haine ? Nmsio nest quun hypocrite !Jai tudi la science du pardon et du service, jairecommand le service et le pardon dautres, mais prsent Spars par un simple mur, je vois la

  • souffrance et le vice sous le mme toit. Dun ct, mafille rsigne, qui attend la mort ; de lautre, mon gendreet cette femme qui insulte ma famille. Dieu du Ciel !Que ma-t-il t rserv ? Dois-je avancer en soutenantune fille malade ou dois-je avancer en tant appel latolrance ? Mais comment supporter un homme commelui ?

    Une incitation la retenue, durant la pause quisen suivit, ne servit rien.

    Autrefois, bafouilla-t-il, dsespr, je croyaisque lenfer, aprs la mort, revenait sauter sans effetdans une prison de feu. Aujourdhui, je dcouvre quelenfer cest revenir sur Terre et se trouver parmi lesparents que nous avons dj laisss L se trouve lapurgation de nos pchs !...

    Flix sapprocha et considra, serrantaffectueusement ses mains:

    Calme-toi, Neves. Le jour o nous devonsprouver ce que nous sommes ou ce que nousenseignons finit toujours par surgir. Par ailleurs,Nmsio doit tre compris

    Compris ? bgaya son interlocuteur. Mais est-ce

  • que vous navez pas encore vu ?Et il ajouta de manire presque ironique : Est-ce que vous savez quel est le jeune homme

    qui occupe lesprit de cette demoiselle ? Je sais, mais laisse-moi texpliquer, clarifia Flix

    avec douceur. Commenons par accepter Nmsiodans la situation o il se trouve. Comment exiger dunenfant lexprience de la maturit ou demander unraisonnement quilibr un alin mental ? Noussavons que la croissance du corps ne reprsente pas lahauteur de lesprit. Nmsio est un lve de la vie, toutcomme nous, sans le bnfice de la leon qui est entrain de nous instruire. Quen serait-il de nous si nousnous trouvions sa place, sans la vision dont nousbnficions actuellement ? Nous tomberionsprobablement dans des conditions pires

    Cela veut-il dire que je dois lapprouver ? Personne nacclame linfirmit. Cependant, il

    serait cruel de refuser sympathie et mdecine aumalade. Partons du principe que Nmsio nest pas uncompagnon mprisable. Il sest pris dans dedangereuses suggestions, mais il na pas fui son pouse

  • qui il prte assistance. Il se montre allch par desextravagances motionnelles caractre dgradant quidilapident ses forces. Mais il na malgr tout pas oublila solidarit lorsquil a dcid doffrir sa propre maison,et de manire gratuite, la dame qui travaille pour lui. Ilsimagine en possession de la jeunesse physiqueabsolument insignifiante quand, dans la ralit, il a uncorps prmaturment us. Il se ddie passionnment une jeune qui le rabaisse tandis quil lui consacre unerespectueuse considration Ces raisons nesuffiraient-elles pas pour quil mrite bienveillance ettendresse ? Qui parmi nous a la possibilit daider ?Lui, qui marche en aveugle, ou nous, qui discernons ?Je ne peux louer les manuvres lamentables, dans lasphre du sentiment. Mais je suis oblig de reconnatreque dans le rle danalphabte des vrits de lme, ilna pas encore atteint le fond.

    Sur un ton bien significatif, linstructeur souligna : Neves, Neves ! La sublimation progressive du

    sexe en chacun de nous est un foyer incandescent desacrifices continuels. Il ne nous appartient pas decondamner quelquun pour des fautes que nous

  • pouvons commettre ou dans lesquelles nous avons tpassibles de culpabilit en dautres occasions.Comprenons pour que nous soyons compris.

    Contrl par linfluence du vnrable ami, Nevesse tut, et il parvint le regarder, aprs quelques instantsdattente, je perus quil stait humblement mis prier.

  • 6De retour la chambre de linfirme, nous emes la

    confirmation que Nmsio et Marina taient sortis. Lafemme de chambre de la maison veillait.

    Maussade, Neves sabstint de tout commentaire.Il stait rtract dans le but vident de contenir desimpulsions des moins constructives.

    Stant rquilibr quelques instants auparavant, ilavait demand notre frre Flix de lui pardonner lapousse de colre par laquelle il avait laiss dbordersa rbellion et son dsespoir.

    Il tait tomb dans linconvenance et il saccusaitavec humilit davoir manqu de charit, de stremontr insens, et il sen repentait tristement. De parson autorit, le frre Flix aurait pu, sil lavait voulu, lerenvoyer du pieux travail auquel il avait t convoqudans lobjectif de protger sa fille. Cependant, il enappelait la tolrance. linstant critique, le curpaternel stait trouv sans la prparation adquate,prparation qui lui aurait permis datteindre le niveau de

  • dtachement ncessaire, mais il stait rvl pleindamertume et de dsappointement.

    Toutefois, Flix le prit dans ses bras avec chaleuret, souriant, il dit que ldification spirituelle, en denombreuses circonstances, incluse des explosions dessentiments, comme des coups de tonnerre de rvolte etdaverses de larmes, qui finissent par dcongestionnerles voies de lmotion.

    Que Neves oublie et recommence. Pour cela, ilcomptait sur les talents de lopportunit, du temps.Cest videmment par cela que le beau-pre deNmsio se trouvait maintenant ici, devant nous,transform et attentionn.

    Sur recommandation du patient ami qui nousorientait, il rcita une prire pendant que nousadministrions laide magntique la malade.

    Beatriz gmissait. Cependant, Flix fit tout sonpossible pour quelle soit soulage et quelle serendorme, de manire ce quelle ne se retire pasencore de son corps sous lhypnose habituelle dusommeil. Pour le moment, il ne lui fallait pas sloignerde son vhicule fatigu, nous expliqua-t-il. En raison de

  • ses organes grandement affaiblis, elle bnficierait dunepntrante lucidit spirituelle et il ne serait pas prudentde la lancer brutalement au milieu des impressionsexcessivement actives de la sphre diffrente verslaquelle elle se transfrerait sous peu. Il serait prfrableque le changement soit progressif, selon une gradationde lumire qui sintensifierait peu peu.

    Nous laissmes la fille de Neves dans un reposnourrissant et rparateur pour nous diriger vers la rue.

    Accompagnant Flix dont le visage se mit rvler une profonde proccupation, nous atteignmesun spacieux appartement dans le Flammengo[1], onous ferions plus ample connaissance avec les membresde la famille de Marina.

    La nuit avanait.Traversant un troit couloir, nous entrmes dans

    lenceinte familiale, surprenant sur le seuil deux hommesdsincarns qui dbattaient avec une insouciantebouffonnerie de terribles thmes relevant duvampirisme.

    Il est important de souligner que bien que nouspussions observer leurs mouvements et couter leur

  • loquacit fescennine, aucun des deux ne parvenait percevoir notre prsence. Ils promettaient des troubleset se lanaient dans une argumentation, saisis deviolence.

    Des vauriens calms, mais dangereux, bienquinvisibles aux yeux de ceux auprs de qui ils sedressaient comme une menace insouponne.

    Avec de pareilles compagnies, il tait faciledapprcier les risques quencouraient les habitants dece nid de bton arm, en se rfugiant dans lnormeconstruction sans la moindre dfense de lesprit.

    Nous entrmes. Dans la salle principale, unhomme aux traits fins nous laissa deviner tout de suite la manire comme il tait allong quil sagissait dupropritaire des lieux. Il lisait un journal du soir avecattention.

    Les ornements de la pice, bien que modestes,dnotaient une touche fminine raffine. Le mobilierancien aux lignes presque abruptes sadoucissait sousleffet de lgres dcorations.

    Se dversant de vases cristallins, des bouquetsdillets rouges sharmonisaient avec des roses de

  • mme couleur, habilement peintes sur les deux toilessuspendues contre les murs recouverts de jaune dor.Mais choquante et agressive, une bouteille troitecontenant du whisky dressait son goulot sur la dentelleblanche qui compltait llgance de la noble table,laissant chapper des manations alcoolises qui semariaient avec lhaleine de lami allong sur le divan.

    Flix lui fit face, manifestant lexpression dequelquun qui sinquite avec piti, quand il le vit. Etnous lindiquant :

    Nous voici en face du frre Claudio Nogueira, lepre de Marina et pilier de la famille.

    Je le cernai sur le champ. Notre hte involontairemapparut comme un de ces hommes dge mr qui setrouve dans les quarante-cinq ans, sescrimant avecforce contre les dgts du temps : visage admirablementbien trait, o les lignes fortes repoussaient les signesvagues des rides, cheveux coiffs avec distinctions,ongles polis, pyjama impeccable. Les grands yeuxsombres et mobiles paraissaient tre aimants auxlettres, cherchant des raisons pouvant faire natre unsourire ironique sur les lvres fines. Entre les doigts de

  • la main pose sur le rebord du canap, une cigarettelaissait chapper son filet de fume, tout prs du petittrpied sur lequel se trouvait un cendrier rempli quisemblait tre une mise en garde silencieuse contrelabus de nicotine.

    Anims par la curiosit, nous nous livrions uneinspection quand survint linattendu. Les deuxmalheureux dsincarns que nous avions surpris lentre venaient tout coup de surgir devant nous et ilsabordrent Claudio, agissant sans crmonie. Lundeux lui prit lpaule et cria, insolant :

    Boire, mon cher, je veux boire !La voix railleuse agressa notre sensibilit auditive.

    Mais Claudio nentendit pas le moindre son. Il se tenaitl, attentif sa lecture, imperturbable. Cela dit, sil nepossdait pas de tympans physiques pour percevoir lademande, il avait dans sa tte le systme acoustique delesprit syntonis avec le demandeur.

    Lhomme malvenu rpta sa demande plusieursfois, comme un hypnotiseur qui insuffle son propredsir, raffirmant un ordre.

    Le rsultat ne se fit pas attendre. Nous vmes la

  • victime se dtourner de larticle politique dans lequelelle tait plonge. Il naurait pu expliquer lui-mme lesubit dsintrt qui lavait envahi pour lditorial quiavait retenu son attention.

    Boire ! Boire !...Claudio reut la suggestion, convaincu quil avait

    uniquement envie dun trait de whisky pour lui.La pense se transmit avec rapidit, comme

    lusine dont le courant se dplace dune direction versune autre, sous laction dune nouvelle prise lectrique.

    Boire, boire !... et la soif dalcool fort prit corpsdans son esprit. La muqueuse pituitaire saiguisa,comme si elle se trouvait plus fortement imprgne delodeur acre qui flottait dans lair. Lassistant malicieuxlui gratta doucement la gorge. Le pre de Marina sesentit inquiet. Une indfinissable scheresse resserraitson larynx. Il avait hte de se rassurer.

    Lami sagace perut son adhsion tacite et se colla lui. Au dbut, il le caressait lgrement. Aprs lescaresses discrtes, il ltreignit dune manireenveloppante. Et aprs ltreinte profonde vintlassociation rciproque.

  • Ils sintgrrent lun lautre dans une exotiquesuite de greffes fluidiques.

    Javais tudi plusieurs reprises le passage delEsprit dbarrass de lenveloppe charnelle par lamatire paisse. Moi-mme, quand je mhabituais denouveau au climat de la Spiritualit, aprs ma derniredsincarnation, javais analys des impressions lors dupassage machinal travers les obstacles et barriresterrestres, recueillant dans les exercices pratiqus lasensation quaurait ressentie quelquun qui aurait rompudes nuages de gaz condenss.

    Mais il se produisait ici quelque chose de similaire un parfait embotement.

    Claudio-homme absorbait le dsincarn limagedune chaussure qui sajuste au pied. Ils se fondaientlun dans lautre, comme sils habitaient temporairementdans un mme corps : taille identique, corpulenceidentique, mouvements synchrones, identificationparfaite.

    Ils se levrent dun seul mouvement et se mirent enmouvement, intgralement incorpors lun lautre,dans lespace troit, saisissant la flasque dlicate.

  • Il me fut impossible de prciser qui attribuerlimpulsion initiale dun tel geste, si ctait Claudio quiavait accept linstigation ou lobsesseur qui lavaitpropose.

    La gorge dvala le long de la gorge qui secaractrisait par une dualit singulire. Les deuxalcooliques firent claquer leur langue de plaisir dans uneaction simultane. Le couple se spara et Claudio,dbarrass, se prparait se rasseoir quand lautrecollgue, qui se tenait distance, fondit sur lui enprotestant : moi aussi, mois aussi jen veux !

    La suggestion qui sestompait dans son esprit seraviva. Absolument passif devant lincitation qui leprenait dassaut, il reproduisit mcaniquementlimpression dinsatiabilit.

    Il nen fallut pas plus et le vampire, souriant, pritpossession du pre de Marina, rptant le phnomnedunion totale. Incarn et dsincarn se juxtaposrent,deux pices conscientes runies dans un systmeirrprochable de comprhension mutuelle.

    Je mapprochai de Claudio afin dvaluer avecimpartialit jusqu quel point il tait mentalement

  • victime de ce processus de fusion. Je fus rapidementconvaincu quil continuait dtre libre intrieurement. Ilne ressentait aucune forme de torture qui laurait pouss se rendre. Il hbergeait lautre, simplement, ilacceptait sa prise de pouvoir et se livrait de sa pleinevolont. Il ny avait trace de symbiose o il aurait pupasser pour une victime. Ctait une associationimplicite, un mlange naturel.

    Le fait se produisait sur la base de la percussion.Appel et rponse, cordes accordes sur le mme ton.Le dsincarn suggrait, lincarn applaudissait. Lundeux tait la demande, lautre la concession.

    En laissant ses propres sens se faire asservir,Claudio croyait se satisfaire et il rebroussa chemin afindaller ingurgiter une autre gorge.

    Je ne me drobai pas un compte curieux : deuxgorges trois.

    De nouveau libr, le propritaire des lieuxstendit de nouveau sur le divan et reprit son journal.

    Les amis dsincarns sen retournrent dans lecouloir daccs en se moquant, sarcastiques, et Nevesconsulta Flix avec respect sur la question de la

  • responsabilit.Comment situer le problme ? Si nous avions vu

    Claudio apparemment rduit un fantoche, commentprocder dans lapplication de la justice ? Et si nousnous tions trouvs face un cas de criminalit au lieudun cas divrognerie ? Si la carafe de whisky avait tune arme particulire, dont le but aurait t datteindre la vie de quelquun, comment dcider ? Qui aurait tcoupable ? Claudio qui stait soumis ou les obsesseursqui le commandaient ?

    Notre frre Flix expliqua avec tranquillit : Regarde, Neves, tu as besoin de comprendre

    que nous nous trouvons devant des personnessuffisamment libres pour dcider et suffisamment lucidespour raisonner. Dans le corps physique ou agissant endehors de celui-ci, lEsprit est matre de la constitutionde ses attributs. La responsabilit nest pas un titrechangeant. Elle a autant de valeur dans une sphrequen dautres sphres. Dans la scne que nous avonsobserve, Claudio et les compagnons reprsentent troisconsciences dans le mme niveau de choix et demanifestations consquentes. Nous sommes tous libres

  • de suggrer ou dassimiler ceci ou cela. Si tu tais invit prendre part un vol, il va sans dire que tu refuserais.Mais dans lhypothse o tu participerais la calamit,en juste juge, tu ne parviendrais pas ten excuser.

    Le mentor sinterrompit pour se remettre rflchir voix haute aprs quelques brefs instants :

    Lhypnose est un thme complet qui rclameexamens et rexamens de toutes les composantesmorales qui la concernent. Lalination de la volont ades limites. Il y a des appels qui attendent sur tous leschemins. Les expriences sont des leons et noussommes tous des apprentis. Profiter de la prsencedun matre ou suivre un malfaiteur est notre choix,choix dont nous cueillons les rsultats.

    Voyant que lorienteur voulait mettre fin auxclaircissements sans montrer la moindre intentiondloigner les entits vagabondes qui pesaient sur cefoyer, Neves revint la charge dans le but louable quepoursuit llve qui aspire complter la leon.

    Il demanda lautorisation de revenir sur le sujettout de suite, rappelant que sous le toit de son gendre,le frre Flix stait surpass dans la dfense contre ce

  • type de personnes. Amaro, linfirmier serviable, avaitt plac auprs de Beatriz pour se charger desdsincarns importuns. La chambre de sa fille taitgrce cela devenue un refuge. Mais ici

    Et il posa des questions sur la raison de cetteorientation diffrente.

    Flix manifesta dans son regard la surprise duprofesseur qui nattendait pas une remarque aussisubtile de la part du disciple, et il expliqua que lasituation tait diffrente.

    Lpouse de Nmsio entretenait lhabitude de laprire. Elle simmunisait spirituellement elle-mme. Ellerepoussait sans effort toute forme-pense dessenceavilissante qui lui aurait t envoye. De plus, elle taitmalade, la veille de sa dsincarnation. La laisser lamerci de cratures dmentes serait une cruaut. Lesgaranties qui lui taient concdes taient justes.

    Mais et Claudio ? insista Neves. Se pourrait-il quil ne mrite pas une dmonstration fraternelle decharit afin de se librer de si terribles obsesseurs ?

    Flix sourit franchement de bonne humeur etexpliqua :

  • Terribles obsesseurs . a cest la dfinition quetu en donnes.

    Et il poursuivit : Claudio bnficie dune excellente sant

    physique. Cerveau quilibr, raisonnement sr. Il estintelligent, mr, expriment. Il ne porte aucuneinhibition corporelle qui recommanderait une attentionparticulire. Il sait ce quil veut. Il possdematriellement ce quil dsire. Il se trouve dans le genrede vie quil recherche. Il est naturel quil reoivelinfluence des compagnies quil juge acceptables. Ilpossde une grande libert et de prcieuses ressourcesissues de linstruction, ainsi que le discernement pour sejoindre aux missionnaires du bien qui oprent parmi leshommes, se garantissant dification et flicit. Il a choisicomme pensionnaires de sa maison les compagnonsque nous venons de voir. a le regarde. Tandis quenous nous tranions, engourdis par la chair, lidedexpulser de la maison dautrui les personnes qui ne seseraient pas harmonises avec nous jamais ne nousserait venue lesprit.

    Curieux, jinterfrai :

  • Mais, frre Flix, il est important de convenirque si Claudio se trouvait libr, il pourrait tre plusdigne

    Cest tout fait logique, confirma-t-il. Personnene le nie.

    Alors pourquoi ne pas dissiper une fois pourtoutes les liens qui le retiennent aux gredins quilexploitent ?

    Le haut raisonnement de la Spiritualit suprieurejaillit tout de suite :

    Claudio ne les qualifierait certainement pas devagabonds. Pour lui, ce sont des associs respectables,des amis chers. Dun autre ct, nous navons pasencore recherch la raison du lien qui les unit pour seforger une opinion exacte. Les circonstances peuventtre saines ou malsaines, comme les personnes, et pourque nous puissions soigner un malade avec sret, il fautanalyser les racines du mal et confirmer les symptmes,appliquer la mdication et tudier les effets. Ici, nousvoyons un problme de lextrieur. Quand est ne lacommunion de ce trio ? Les liens viennent-ils du prsentou dexistences passes ? Rien ne justifierait un acte de

  • violence de notre part, dans le but de les sparer pouraider. Cela reviendrait la mme chose que de sparerdes enfants ingrats de leurs parents ou des conjointsnobles des poux ou pouses de condition infrieure,sous le prtexte dassurer le nettoyage et la bont dansles processus de lvolution. La responsabilit est enfonction de la connaissance. Nous ne disposons pas demoyens prcis pour empcher quun ami se couvre dedettes scabreuses ou se lance dans des foliesdplorables, bien quil soit juste que nous puissions luifournir toute laide possible, afin quil se prmunissecontre le danger pendant quil en est temps. Il fautgalement noter que les autorits suprieures de laSpiritualit parviennent mettre en place des mesuresspciales qui imposent des afflictions et des douleursbien perceptibles certaines personnes, dans le but deles librer de la chute dans des dsastres morauximminents, quand ils mritent cette protectionexceptionnelle. Sur Terre, la justice exacte sattaqueaux possibilits de quelquun quand ce quelquuncompromet lquilibre et la scurit des autres, dans lesecteur de la responsabilit que la vie lui attribue,

  • laissant chaque personne la libert dagir comme bonlui semble. Adopterons-nous des principes qui ontmoins de valeur face aux normes qui garantissentlharmonie parmi les hommes ?

    Comme il concluait les lucidations claires quilnous transmettait, Flix se revtit dun halo brillant.

    merveills, nous ne trouvions en nous autre choseque le silence pour lui manifester notre admirationdevant autant de sagesse et de simplicit.

    Linstructeur fixait Claudio avec sympathie,laissant comprendre quil se disposait lui donnerlaccolade paternellement, et, craignant peut-tre queloccasion ne lui chappt, Neves, humble etrespectueux, lui demanda dexcuser son insistance ;cependant, il souhaitait quon lclaire encore quant auxexplications concernes.

    Il posa des questions notre mentor patient quiportaient sur des personnes se trouvant lorigine desguerres parmi les hommes. Flix dclara que la justiceentravait secrtement les actions de ceux qui menacentla stabilit collective.

    Comment comprendre alors lexistence de

  • gouvernements temporaires qui se dressent sur Terre envritables bourreaux de nations ?

    Flix synthtisa en recourant aux paroles quilavait utilises prcdemment :

    Nous disons entraver dans le sens de corriger , restreindre . Signalons galement quetoute crature vit dans le domaine de responsabilit quela loi lui dlimite. En comprenant que la responsabilitdune personne se mesure la taille de la connaissancesuprieure que cette personne a dj acquise, il estfacile de reconnatre que les engagements de laconscience assument les dimensions de lautorit quileur a t attribue. Une personne avec de grandescharges dautorit peut amener dimportantescommunauts vers les hauteurs du progrs et duperfectionnement ou les plonger dans la stagnation et ladcadence. Cela dpend directement des attitudesquelle prend pour le bien ou pour le mal.Naturellement, les gouverneurs et les administrateurs,de toutes les poques, rpondent pour ce quils font.Tous doivent rendre des comptes propos desressources qui leur ont t confies et de la rgion

  • dinfluence quils ont reue. Ils cueilleront alorsautomatiquement les biens ou les bienfaits ou les mfaitsquils auront sems.

    Nous permes que Flix ne dsirait paspoursuivre de plus amples rflexions philosophiques.

    Imprimant sur son visage une expression qui nousfaisait clairement comprendre de garder pour plus tardtoute nouvelle question, il sapprocha de Claudio enlenveloppant dans les douces irradiations de sonregard tendre et perant.

    Une douce et lgre attente se fit.Le bienfaiteur se rvlait tre mu. Il paraissait

    prsent loign mentalement dans le temps. Il caressa lachevelure de cet homme, comme laurait fait unmdecin ple