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FRANCISCO CANDIDO XAVIER SEXE ET DESTIN 1

Francisco Candido Xavier Fr Série André Luiz 15 Sexe Et Destin Yjsp

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DESCRIPTION

Basée sur une histoire réelle, l’auteur spirituel offre dans ce livre des réponses à nos questions sur le complexe problème de la relation sexuelle humaine, avec l’implication dans la Vie de l’Esprit Immortel et dans les conditions de ses expériences futures. Liberté et compromis, faute et sauvetage, foyer et réincarnation, amour et conscience, constituent les thèmes de ce livre.André Luiz nous présente le sexe comme instrument sacré de la création et le foyer comme refuge sanctifiant, laissant claire l’idée que personne ne réussit à tromper dans ses dons affectifs sans que postérieurement elle soit obligée de passer par de douloureuses réparations. Les narrations présentent un double aspect ; d’un coté, des coupables compromis dans des conséquences tragiques et de l’autre coté , l’aide pour les vaincus qui acceptent la lumière de la rectification. Il y a aussi une narration édifiante, dans laquelle les délinquants d’hier, rachetés aujourd’hui reçoivent la bénédiction de devenir des collaborateurs dans la rédemption de celles et de ceux qui dans le passé ont été leurs victimes.

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francisco candido xavierSEXE

ET DESTIN

PAR LESPRIT ANDRE LUIZFrancisco Candido Xavier

SEXE ET DESTINSrie Andr Luiz

(Collection: La Vie dans le Monde Spirituel)

Tome 15Base sur une histoire relle, lauteur spirituel offre dans ce livre des rponses nos questions sur le complexe problme de la relation sexuelle humaine, avec limplication dans la Vie de lEsprit Immortel et dans les conditions de ses expriences futures. Libert et compromis, faute et sauvetage, foyer et rincarnation, amour et conscience, constituent les thmes de ce livre.Andr Luiz nous prsente le sexe comme instrument sacr de la cration et le foyer comme refuge sanctifiant, laissant claire lide que personne ne russit tromper dans ses dons affectifs sans que postrieurement elle soit oblige de passer par de douloureuses rparations. Les narrations prsentent un double aspect; dun cot, des coupables compromis dans des consquences tragiques et de lautre cot , laide pour les vaincus qui acceptent la lumire de la rectification. Il y a aussi une narration difiante, dans laquelle les dlinquants dhier, rachets aujourdhui reoivent la bndiction de devenir des collaborateurs dans la rdemption de celles et de ceux qui dans le pass ont t leurs victimes.

Lorsque llve est prt,

le matre apparat.

Edition brsilienne originalefrancisco candido xavierSrie Andr Luiz

(Collection: La Vie dans le Monde Spirituel)

Tome no 151. Nosso Lar, la Vie dans le Monde Spirituel,

2. Les Messagers

3. Missionnaires de la Lumire

4. Ouvriers de la Vie Eternelle

5. Dans le Monde Suprieur

6. Agenda Chrtien (en cours de traduction)

7. Libration, par l'esprit Andr Luiz

8. Entre le Ciel et la Terre

9. Dans les Domaines de la Mdiumnit

10. Action et Raction

11. Evolution entre deux Mondes

12. Mcanismes de la Mdiumnit

13. Et la Vie Continue

Srie Andr Luiz

(Collection: La Vie dans le Monde Spirituel)

Livres complmentaires

14. Conduite spirite (en cours de traduction)

15. Sexe et destin

16. Dsobsession

OUVRAGES DEJA TRADUITS EN FRANAIS

Srie: Andr Luiz (Collection La vie dans le monde Spirituel) 1-16

1. Nosso Lar, la Vie dans le Monde Spirituel,

2. Les Messagers

3. Missionnaires de la Lumire 4. Ouvriers de la Vie Eternelle

5. Dans le Monde Suprieur

6. Agenda Chrtien

7. Libration, par l'esprit Andr Luiz

8. Entre le Ciel et la Terre 9. Dans les Domaines de la Mdiumnit

10. Action et Raction

11. Evolution entre deux Mondes12. Mcanismes de la Mdiumnit

13. Et la Vie Continue

14. Conduite spirite

15. Sexe et destin

16. DsobsessionSrie: Emmanuel Les Romans de lhistoire

17. Il y a deux mille ans

18. 50 ans plus tard

19. Av Christ20. Paul et Etienne

21. RenoncementSrie: Source Vive22. Chemin, Vrit et Vie.

23. Notre Pain

24. La Vigne de Lumire

25. Source de Vie

Divers

26. Argent

27. Choses de ce Monde (Rincarnation Loi des Causes et Effets)

28. Chronique de lAu-del

29. Contes Spirituels

30. Directives

31. Idal Spirite

32. Jsus chez Vous

33. Justice Divine

34. Le Consolateur

35. Lettres de lautre monde

36. Lumire Cleste

37. Matriel de construction

38. Moment

39. Nous

40. Religions des Esprits

41. Signal vert

42. Vers la lumire

TABLES DES MATIERESAvant-propos

7

A propos des nologismes et du sens des mots

8

Lexique

9

Prire prliminaire

10Sexe et Destin

12

Premire Partie Mdium : Waldo Vieira

13Seconde Partie Mdium : Francisco Cndido Xavier

120

Srie Andr Luiz: Prsentation de chaque livre (1-16)

236-237Bibliographie de Francisco Candido Xavier

244Listes des ouvrages en brsilien

246AVANT-PROPOS Ce livre fait partie d'une srie de treize ouvrages qui seront traduits en franais au fil du temps. Ils ont tous t psychographis , c'est--dire reu par criture automatique voir ce sujet Allan Kardec, Le Livre des Mdiums sujet 157 , par le plus connu des mdiums brsiliens, Francisco Cndido Xavier galement connu sous le surnom de Chico Xavier.

Chico est n au Brsil, dans la ville de Pedro Leopoldo, tat du Minas Grais, en 1910. Trs tt il travailla au dveloppement de sa mdiumnit. Durant toute sa vie, ce n'est pas moins de 437 ouvrages qu'il crira sous la dicte de divers Esprits, dont Emmanuel, son guide spirituel, et Andr Luiz, mdecin de son vivant qui vcut au Brsil o il exerait sa profession.Andr vcut sa vie sans s'inquiter des choses spirituelles jusqu' ce que vienne sa dsincamation. Cette tape est conte dans le premier livre de la srie, le plus vendu ce jour, Nosso Lar : La vie dans une colonie spirituelle . On y dcouvre l'arrive du mdecin dans l'au-del aprs qu'il ait quitt son corps physique. Mdecin sur la Terre, perdu dans l'ternit, on le voit voluer, se questionner, remettre ses croyances en question et grandir spirituellement. Il nous raconte son histoire tel qu'il l'a vcue et ressentie.Cette srie a pour but de montrer aux incarns que nous sommes, que rien ne s'arrte la mort du corps physique, loin de l.Ces lectures pourront certainement surprendre de par l'aspect extraordinaire des rcits. Pourtant, celui qui a lu ou lira Le Livre des Esprits, coordonn par Allan Kardec, avec attention, pourra y voir la concrtisation des prceptes et des fondements de la doctrine dlivre par les Esprits.La vie existe des degrs que nous ne souponnons mme pas, et nos frres de l'invisible sont l pour nous clairer, nous guider, pour nous redonner un peu de confiance et de srnit face aux grands questionnements de la vie et de la mort.Chacun de ces treize ouvrages aborde un thme li au Spiritisme, la vie des Esprits dans leurs relations quotidiennes entre eux mais aussi avec les incarns travers la mdiumnit.Ainsi, c'est une porte que nous voudrions ouvrir, aux lecteurs de langue francophone, sur un univers grandiose, tel qu'il est, dans toute son immensit, toute sa splendeur ; l'Univers qui nous entoure.LE TRADUCTEURA PROPOS DES NEOLOGISMES

Allan Kardec, lui-mme, disait dans Introduction l'tude de la doctrine spirite du Livre des Esprits que pour les choses nouvelles il faut des mots nouveaux .Le Spiritisme est une doctrine nouvelle qui explore des domaines nouveaux. Ainsi, afin de pouvoir en parler clairement, nous avons besoin d'un vocabulaire limpide, parlant.De plus, dans le respect des livres originaux, ces traductions ont eu besoin de l'emploi de mots n'existant pas dans la langue franaise pourtant si riche. D'autres termes, d'autres expressions ont, quant eux, un sens un peu diffrent de celui gnralement attribu.Tout cela se trouve expliqu dans le court lexique qui suit.LEXIQUE Ce petit lexique a pour but d'expliquer les nologismes employs et le sens de certains mots dans leur acception spirite.

DSOBSESSION : Travail d'assistance mdiumnique durant lequel une discussion s'tablie entre l'Esprit obsesseur et une personne charge de l'orientation spirituelle. Nologisme.

OBSESSEUR: Esprit, incarn ou dsincarn, se livrant l'obsession d'une autre personne, elle-mme incarne ou dsincarne. Nologisme.

ORIENTATION SPIRITUELLE : discussion visant aider et clairer un Esprit souffrant sur sa condition et sur les opportunits d'amlioration de son tat. Se pratique lors des sances de dsobsession , par des orienteurs incarns ou dsincarns. OBSESSION : Acte par lequel un Esprit exerce un joug sur un autre Esprit (voir ce sujet Le Livre des Mdiums, ch. 23 - De l'obsession). PSYCHOGRAPHIE : Du grec psufch (me) et graphia (criture) ; fait d'crire sous la dicte d'un Esprit. Type de mdiumnit. Nologisme. psychographier PSYCHOPHONIE : Du grec psufch (me) et phnia (voix) ; fait de parler sous l'influence d'un Esprit. Mdiumnit d'incorporation. Nologisme. PRISPRIT : Enveloppe semi-matrielle de l'Esprit. Chez les incarns, il sert de lien ou d'intermdiaire entre l'Esprit et la matire ; chez les Esprits errants, il constitue le corps fluidique de l'Esprit. (Le Livre des Mdiums, chapitre 32 - Vocabulaire Spirite) prispritique : qui est relatif au prisprit. Nologisme. VAMPIRE : les vampires, dans le Spiritisme, sont des tres qui absorbent l'nergie et les sensations des personnes. Il ne s'agit plus de buveurs de sang mais de buveurs de fluides qui sont, en ralit, des Esprits ignorants, encore trs attachs aux sensations et la matire. VOLITION : Exercice de la volont dans une exprience parapsychologique. (Petit Robert) Acte par lequel les Esprits se dplacent au moyen de leur volont. Ils flottent pour ainsi dire dans l'air, et glissent sur la terre. voliterPrire prliminaire

Pre la bont infinie !

Voici un ouvrage dans lequel Tu as permis notre Andr Luiz de relater, travers les vnements palpitants de lexistence, plusieurs concepts de la Spiritualit Suprieure propos du sexe et du destin photographie verbale de nos ralits amres que Tu as su entremler despoirs ternels.

En le remettant nos compagnons rincarns sur Terre, nous souhaitons voquer cette image de Jsus lEnvoy de ta Misricorde sans Limite lors dune journe baigne de soleil, Jrusalem La place tait encombre daccusateurs, de scribes et de pharisiens qui lui prsentaient une femme souffrante. Ils disaient lavoir surprise en train de transgresser les lois et ils lui demandaient en mme temps, dans le but dprouver sa conduite :

Matre, cette femme a t prise en flagrant dlit dadultre La loi dit que nous devons la lapider. Mais toi, que dis-tu ?

Le Matre contempla longuement les zlateurs de Mose. Conscient quil ne servirait rien dexpliquer leurs esprits paralyss par les ides reues, il leur rpondit, en tendant ses paroles tous les moralistes des sicles futurs :

Que celui qui est sans pch lui jette la premire pierre !

prsent, Jrusalem, cest le monde !

Sur la grande place des conventions humaines, le matrialisme semploie la dissolution des valeurs morales tout en se moquant manifestement de la dignit humaine, tandis que de vnrables religions luttent contre la Nature dans une tentative vaine dentraver la vie, comme sils eussent voulu sasservir eux-mmes. Face au terrible conflit de ces forces gigantesques qui luttent pour la domination morale de la Terre, Tu as envoy la Doctrine Spirite, au nom de lvangile du Christ, afin dapaiser les curs et de leur faire savoir que lamour est lessence de lUnivers ; que les cratures sont nes de ton souffle divin pour saimer les unes les autres ; que le sexe est un hritage sublime et que le foyer est un refuge sanctifiant, en expliquant toutefois que lamour et le sexe gnrent des responsabilits naturelles dans la conscience de chacun et que personne ne lsera quelquun dans les trsors affectifs sans encourir de douloureuses rparations.

Ce livre veut galement souligner le fait que si Tu ne peux pas soustraire les coupables aux consquences de lerreur dans laquelle ils se sont trouvs impliqus, Tu ne permets pas que les vaincus soient abandonns, du moment quils acceptent ta lumire rectificatrice pour le chemin. Elle rvle que dans ta bndiction, les dlinquants dhier, aujourdhui rachets, se transfigurent en tes messagers de rdemption pour ceux-l mme qui, jadis, tombrent dans leurs sombres piges.

Bnis donc la prsente narration bouillonnante de vrit et despoir, et, en la remettant nos frres de la Terre, permets-nous de leur rappeler que lexistence physique, que ce soit durant lenfance ou dans ladolescence, dans la maturit ou dans la vieillesse, reprsente toujours un don sans pareil quil nous revient dhonorer et que mme en possession dun corps de chair rampant ou infirme, nous devons rpter en face de ta Sagesse Incommensurable :

Merci, mon Dieu !

Emmanuel

Uberaba, le 4 juillet 1963. (Texte reu par le mdium Francisco Cndido Xavier.)

Sexe et Destin

Sexe et destin, amour et conscience, libert et engagement, culpabilit et rachat, foyer et rincarnation constituent les thmes de ce livre n dans la forge de la ralit quotidienne.

Cependant, lecteur ami, aprs la prire du bienfaiteur prononce en prambule, nous navons dautre chose faire que de te laisser lhistoire que la Divine Providence nous a permis de relater, non pas dans le seul but de mettre la vrit au grand jour, mais dans lobjectif dapprendre avec la bibliothque de lexprience.

Nous pensons ncessaire dexpliquer que les noms des protagonistes de cette histoire relle auront t substitus pour des raisons videntes et que cette biographie de groupe nappartient quaux individus qui nous ont permis de la rdiger, pour notre dification, aprs avoir t naturellement consults.

Nous demandons galement la permission de dire que pas une once des vrits qui la constituent na t retire vrits de la vrit, que dbordant dmotion, chapitre aprs chapitre, elle porte en elle la lumire de nos esprances et la saveur amre de nos larmes en de nombreux passages.

Andr Luiz

Uberaba, le 4juillet 1963. (Texte reu par le mdium Waldo Vieira.)

Premire Partie

Mdium : Waldo Vieira

1

Comme cela se produit parmi les hommes, dans le Monde Spirituel qui les entoure, la souffrance et lattente polissent lme en disciplinant, en perfectionnant, en reconstruisant

Tandis que nous sommes revtus de la veste physique, nous imaginons habituellement le paradis des religions cantonn de lautre ct de la mort. Nous rvons de lapaisement intgral des sens, de laccs lallgresse ineffable qui anesthsie tout souvenir transform en plaie mentale. Mais une fois la frontire de cendre traverse, nous voici debout en face de linvitable responsabilit devant notre propre conscience.

Une vie humaine, qui se poursuit naturellement dans lAu-del, assume, ainsi, une forme de dpart en deux temps distincts. Les lieux et les vtements diffrent; cependant, la lutte de la personnalit, dune renaissance lautre sur Terre, sapparente un laborieux combat en deux phases. Lavers et le revers de lexprience. Le berceau marque le commencement; la tombe dveloppe. de rares exceptions prs, il ny a que la rincarnation qui parvient nous transfigurer de manire fondamentale.

Laissons dans lesquif le cocon dessch et emportons avec nous, dans la mme fiche didentification personnelle, vers dautres sphres, les composants spirituels que nous cultivons et attirons.

Intelligences en processus dvolution dans lternit de lespace et du temps, les Esprits domicilis dans lHabitation Terrestre, sapparentent, au moment o ils abandonnent lenveloppe de la matire plus dense, des insectes. Il y a des larves qui sextirpent de luf et se rvlent tre des parasites, tandis que dautres se transforment immdiatement en phalne la beaut prodigieuse, gagnant les hauteurs.

Nous trouvons des tres qui scartent de ltui de chair en entrant dans dimportants processus obsessifs. Ils y voluent au prix des forces dautrui. leurs cts, dautres individus slvent, purs et beaux, vers des plans suprieurs de lvolution. Et entre ceux qui sattachent profondment aux sensations de la nature physique et ceux qui conquirent la sublime ascension vers les niveaux difiants, dans le Grand Au-del surgit la gamme infinie des positions dans lesquelles ils se rpartissent.

En mergeant dans le Monde Spirituel, aprs nous tre dsincarns, nous souffrons, au dbut, du dsenchantement de tous ceux qui attendaient le ciel thologique, facile obtenir.

La vrit se rvle tre un moteur de rnovation.

Souffrant dune lourde amnsie en ce qui concerne le pass lointain qui repose dans les souterrains de la mmoire, nous faisons alors face danciennes ides reues qui sentrechoquent en nous, pour finir par seffondrer en mille morceaux. Nous soupirons aprs linertie qui nexiste pas. Nous exigeons une rponse affirmative aux absurdits de la foi conventionnaliste et dogmatique qui rclame lintgration avec Dieu seulement de manire personnelle, excluant prtentieusement de la Paternit Divine ceux qui ne partagent pas cette vision troite.

Un grand nombre dentre nous ressort, de tels conflits dans les recoins de lesprit, qui sont parfois terribles et extnuants, abattus ou rvolts par les grandes incursions dans le vampirisme ou le dsespoir; mais la plupart des dsincarns saccommode, peu peu, aux circonstances, acceptant la continuit du travail dans leur rducation, avec les rsultats de lexistence qui, en apparence, a pris fin dans le monde, lattente de la rincarnation qui permet la rnovation et le recommencement

* * *

Ces rflexions membrasaient lesprit tandis que jobservais la tristesse et la fatigue de mon ami, Pedro Neves, dvou serviteur du Ministre de lAide[1].

Ayant partag daudacieuses et valeureuses expditions au cours dune activit bienfaisante, nous ne lavions pas encore vu faire preuve de la moindre hsitation. Vtran des entreprises de secours, il navait jamais dmontr dcouragement ni faiblesse, bien que le poids de ses engagements et obligations ft crasant.

Lavocat quil avait t lors de sa dernire incarnation se caractrisait par une extrme lucidit dans lexamen des problmes que les mandres du chemin lui avaient prsents.

Toujours humble et intrpide, il affichait maintenant de sensibles altrations de comportement.

Je le savais charg de courtes tches accomplir dans la sphre physique, afin de rpondre dune manire plus directe des ncessits dordre familial, dont il ne mavait pas t possible de percevoir ni ltendue ni la nature.

Ds lors, il se montrait distant et dsenchant, reproduisant lhumeur de compagnons rcemment arrivs de la Terre. Il sisolait dans une profonde rflexion. Il esquivait la conversation fraternelle. Il se plaignait de choses et dautres, et parfois, on pouvait percevoir des larmes qui ne parvenaient pas schapper, lors du travail.

Personne nosait sonder sa souffrance ou la fibre morale dans laquelle sexprimaient ses attitudes.

Mais provoquant quelques heures de rapprochement, sur un banc de jardin, je cherchai habilement lamener lextroversion, prtextant des difficults qui me proccupaient. Jvoquai mes descendants que javais laisss sur Terre et les inquitudes quils me causaient.

Je pressentais dans la tristesse la prsence de luttes familiales qui torturaient son me, comme des ulcrations rcidivistes, et je ne me trompais pas.

Lami avala lhameon affectif et ouvrit ses sentiments.

Au dbut, il parla vaguement des apprhensions qui assaillaient son esprit afflig. Il aspirait oublier, saliner. Mais les membres de sa famille rests sur Terre lui infligeaient de douloureux souvenirs difficiles extirper de son esprit.

Est-ce ton pouse qui tafflige autant? maventurai-je demander, dans le but de localiser le bourbillon du chagrin qui ouvrait les cluses de ses larmes silencieuses.

Pedro me fixa avec un air de chien battu et me rpondit:

Il y a des moments, Andr, dans lesquels il serait ncessaire de rdiger nos mmoires, mme si cela nest fait que de manire superficielle, afin de remuer le pass et den extraire la vrit, seulement la vrit

Il mdita, semblant touffer par instant, avant de poursuivre:

Je ne suis pas un homme qui se laisse diriger par le sentimentalisme, mme si japprcie les motions leur juste valeur. Par ailleurs, il y a bien longtemps que lexprience ma appris raisonner. Voici quarante ans que jhabite ici, et voici pratiquement quarante ans que mon pouse ma contraint un absolu dsintrt du cur. Je lai laisse alors que la jeunesse des nergies physiques bouillait dans ses veines, et nedina nest pas parvenue se tenir distance des exigences fminines, comme cela peut se comprendre.

Il poursuivit en expliquant quelle stait rapproche dun autre homme quelle avait pous en secondes noces, lui donnant ses trois enfants comme beaux-enfants. Mais ce nouveau mari lcarta compltement de sa prsence spirituelle. Homme ambitieux, il sempara des capitaux que Pedro avait assembls dans le but de les faire immensment fructifier par le recours la ruse lors dentreprises commerciales risques. Et il agit avec une telle lgret que son pouse, autrefois simple, se prit de passion pour les excs de fortune, gaspillant son temps terrestre en prodigalit et coquetterie, jusqu ce quelle se trane dans les dernires viciations, dans les garements du sexe. Observant son poux, dans la peau dun jeune homme riche et sans occupation qui multipliait les aventures galantes de manire continuelle, elle voulut se venger en stablissant un culte dsordonn pour le plaisir, ignorant quelle ne faisait que sgarer dans de lamentables dsquilibres.

Et mes deux garons, Jorge et Ernesto, dups par la fascination de lor avec lequel leur beau-pre les avilissait, perdirent lesprit dans le mme dlire de largent facile et sanimalisrent au point quils ne gardrent pas le moindre souvenir de leur pre, bien quils soient actuellement des ngociants aiss, dge mature

Mais alors, ton pouse se trouve encore dans le monde physique? demandai-je, mettant fin une longue pause, pour que lexplication ne se termine pas.

Ma pauvre nedina est revenue, il y a dix ans, abandonnant son corps suite une jaunisse qui fut pour elle un bourreau invisible, invoqu par les boissons alcoolises. En lobservant, macie, vaincue, jai essay, alarm, de recourir tous les processus de secours ma disposition La perspective de la voir rduite en esclavage par les forces avilissantes auxquelles elle stait unie sans sen apercevoir, maffolait. Je voulais tout prix la retenir dans le corps de chair, comme quelquun qui sauve un enfant inconscient par une aide invisible. Cependant, pauvre de moi, recueillie par des entits auxquelles elle stait attache lgrement, jai cherch en vain lui prodiguer du rconfort, car aprs stre dsincarne, elle sest complu dans la viciation en voulant essayer de se fuir, quand cela est impossible. Il ny a pas dautre solution que dattendre, attendre

Et tes enfants?

Hypnotiss par la richesse matrielle, Jorge et Ernesto se sont mis hors de mon atteinte. Mentalement, ils ne parviennent plus voquer mon souvenir. Dans le but de sattirer leur coopration et leur sympathie, leur beau-pre en est venu insinuer quils ne seraient pas mes enfants, mais les siens, fruits de lunion avec mon pouse, du temps de mon exprience terrestre, ce qunedina na pas dmenti

Le compagnon fit un ple sourire et considra:

Imagine! Dans la chair, la peur est quelque chose de commun face aux dsincarns. Et dans mon cas, cest moi qui me suisloign du milieu familial en proie des sensations dune horreur impossible rprimer Mais mme ainsi, la bont de Dieu ne ma pas abandonn la solitude pour ce qui est de la tendresse familiale. Jai une fille dont je ne me suis jamais spar par les liens de lesprit Beatriz, que jai laiss la fleur de lenfance, supporta patiemment les affronts et elle demeura fidle mon nom. Ainsi, nous sommes deux mes dans le mme niveau de comprhension

Pedro essuya ses yeux et ajouta:

prsent, avec pratiquement un demi-sicle dexistence parmi les hommes, Beatriz se prpare au retour, bien quelle se trouve lie la tendresse quelle voue son poux et son fils unique Ma fille est en train de traverser les derniers jours terrestres, avec son corps tortur par le cancer

Mais est-ce pour cela que tu te tourmentes? Lide de retrouvailles dans la paix ne serait pas avant tout un motif de rjouissance?

Et les problmes, mon ami? Les problmes du groupe consanguin? Durant de nombreuses annes, jai t en marge de toutes les intrigues du navire familial Jai navigu sur le large ocan de la vie prsent, par amour pour ma fille inoubliable, je suis oblig de me heurter lirrflexion et au dsenchantement par esprit de charit. Je suis inapte, pas ma place Ds que je me suis post au chevet de la malade bien-aime, je me trouve dans la situation dun lve perturb par lexpectative derreurs constantes

Neves se prparait poursuivre, mais un appel de travail urgent nous contraignit nous sparer et, bien quessayant de la calmer, je le quittai en lui promettant de me joindre lui dans les tches dassistance auprs de la malade, de manire plus intense, partir du lendemain.

[1] Note de lAuteur spirituel: Organisation de Nosso Lar.

2

Beatriz reposait dans un lit bien fait. Elle rvlait une importante fatigue.

Il ne faisait aucun doute que la maladie consumait son enveloppe physique depuis longtemps, car elle prsentait, quarante-sept ans, un visage singulirement rid et un corps lger.

Absorbe en elle-mme, elle rflchissait, attriste Il tait facile de voir sa proccupation face la crise imminente. Les ides qui fluaient de son esprit, vives et nobles, indiquaient quelle stait habitue la certitude dune dsincarnation toute proche. On pouvait voir, fixe dans sa pense, la conviction du voyageur qui atteint le terme dun pineux sentier, quil lui revient finalement de quitter.

Bien que tranquille, elle sinquitait pour les liens qui la retenaient au monde. Malgr cela, elle visualisait les portes de lAu-del, crant de magnifiques scnes mentalement, comme le ferait une personne qui rve la lumire de la veille. Elle se remmorait Neves, le pre quelle avait perdu durant son enfance, comme si elle se trouvait prte le retrouver, en dfinitive, tant lamour qui les unissait lun lautre tait grand.

Mais nous observmes, sans difficult, que lme affectueuse de linfirme se divisait fortement, sur Terre, entre son poux et son enfant, vis--vis desquels elle se trouvait engage dans un processus graduel de sparation invitable.

Dans la chambre accueillante que quelques ornements embellissaient, tout respirait la propret, le rconfort, lassistance, la tendresse

Nous rencontrmes, devant le lit, un grave infirmier dsincarn que Neves serra dans ses bras, dmontrant lui vouer une immense estime.

Et il me le prsenta:

Amaro, voici Andr Luiz, ami et mdecin qui, dornavant, partagera nos services.

Je le saluai cordialement.

Attentionn, Neves demanda:

Le frre Flix est-il venu aujourdhui?

Oui, comme toujours.

Je minformai alors de qui tait ce frre, Flix. Il occupait, depuis plusieurs annes, la place de superintendant dans un important centre de secours li au Ministre de la Rgnration, Nosso Lar [1]. Fameux pour sa bont et sa patience, il tait connu comme tant un aptre de labngation et du bon sens.

Nous ne disposons toutefois pas de temps pour nous livrer des considrations personnelles.

Beatriz ressentait des douleurs aigus, et le compagnon rvla lintention de la soulager par lintermdiaire des passes rconfortantes, pendant que la femme se trouvait visiblement seule. Alors dans une grande prostration physique, elle rvlait une profonde sensibilit mdiumnique.

Oh! Les sublimes penses du lit de souffrance!... Les yeux clos, bien quelle nanalyst pas la prsence paternelle, la malade se souvenait de la tendresse de son pre qui lui semblait lointain et inaccessible dans le temps. Elle sidentifiait nouveau avec lingnuit enfantine Elle entendait, dans lacoustique de la mmoire, les chansons de son foyer, elle sen retournait, enchante, vers les heures de lenfance Reconstituant dans son imagination les reliques du berceau, elle se sentait dans les bras paternels, comme un oiseau qui revient dans le nid duveteux!

Beatriz pleurait. Des larmes dun attendrissement inexprimable roulaient sur son visage. Et sans que la bouche ft le moindre mouvement, elle clama intrieurement de toute son me: papa, mon pre!...

Mditez, vous qui, sur Terre, croyez que les dsincarns ne sont plus que cendre! Au-del des tombes, lamour et la nostalgie se transforment bien souvent en pleurs dvorants dans le vase du cur!

Neves chancela, angoiss Je le pris dans mes bras en lui demandant, cependant, de faire preuve de courage. Mais les vagues dangoisse qui dferlaient sur lesprit du compagnon afflig ne perdurrent que quelques instants. Stant remis, modifiant ses traits que la souffrance transfigurait, il posa sa main droite sur le front de sa fille et pria, suppliant le soutien de la Bont Divine.

Des tincelles de lumire, comme de minuscules flammes bleutes, senvolrent de son thorax pour se projeter sur le corps fatigu, le revtant dnergies calmantes.

mu, je vis Beatriz senfoncer dans une douce torpeur. Et avant que je puisse manifester la moindre impression, une jeune femme, qui semblait avoir aux alentours de vingt ans sur lchelle terrestre, entra doucement dans la chambre. Elle passa prs de nous sans mme percevoir notre prsence, et prit doucement le pouls de linfirme, contrlant son tat.

La nouvelle venue fit le geste dune personne qui aurait constat que tout tait en ordre. Elle se dirigea ensuite vers la petite armoire qui se trouvait non loin et, se munissant du matriel ncessaire, elle revint au chevet de la propritaire des lieux pour lui appliquer une injection anesthsiante.

Beatriz ne dmontra pas la moindre raction, restant l, se reposer, sans dormir.

Lintervention magntique qui avait eu lieu quelques minutes auparavant avait insensibilis ses centres nerveux.

Parfaitement tranquille, la jeune femme en laquelle nous avions vu une infirmire improvise, se retira dans un des coins de la chambre, sinstallant dans un accueillant fauteuil dosier. Ensuite, elle entrouvrit un des quatre battants de la fentre, laissant entrer un courant dair frais qui nous effleura doucement.

Respirant plein poumons, la jeune alluma une cigarette ma grande surprise, et se mit fumer distraitement, faisant penser quelquun qui cherche se fuir.

Neves la fixa dun regard significatif o perait un mlange piti et de rvolte et, lindiquant discrtement, il me dit:

Il sagit de Marina, la comptable de mon gendre qui se ddie au commerce immobilier prsent, elle occupe les fonctions dassistante, sa demande

Une note vidente de sarcasme transparaissait travers les paroles rserves.

Imagine! se remit-il dire. Fumer ici, dans une chambre de douleur, o la mort est attendue!...

Je contemplai Marina dont les yeux dnotaient une inquitude cache.

Manifestant encore quelques marques destime respectueuse envers la noble femme allonge sur le lit, elle soufflait lextrieur de la fentre les bouffes grises qui schappaient de sa bouche.

Partageant son attention entre elle et Amaro, notre ami de la sphre spirituelle, Neves, bien quil demeurt silencieux et gn, semblait vouloir parler de tout ce qui lui pesait et perdre son inhibition.

Jessayai alors dacqurir une meilleure connaissance de la situation.

Mapprochant avec respect de la jeune femme, dans le but de la sonder en silence et de recueillir ses vibrations les plus intimes, je me vis oblig de reculer, effray.

Dtranges formes-pense me firent immdiatement sentir que Marina se trouvait ici de mauvaise grce. Elles reprsentaient ses habitudes et ses aspirations qui se trouvaient en opposition nos desseins de secourir la malade. Son esprit planait bien loin

Des scnes animes dune bruyante agitation schappaient de sa tte Le regard fixe, elle entendait intrieurement la musique grivoise de la nuit festive quelle avait passe la veille, ressentant encore dans sa gorge limpression du gin quelle avait bu en grande quantit.

Bien que superficiellement elle nous appart sous les traits dune petite fille qui a grandi, elle affichait des reprsentations mentales complexes quitincelaient dans son aura imprcise, sous le tourbillon de brouillard fumeux.

Amen par les circonstances collaborer dans laccomplissement dun processus dassistance, sans le moindre but indigne, je me mis tudier son comportement isol. Dans le futur, si la Mdecine terrestre veut rpondre avec efficacit aux ncessits du malade, elle examinera avec attention lapparence spirituelle de toutes les pices humaines qui forment son corps.

Respectueux, je commenai analyser en procdant une grande anamnse psychologique.

Au commencement, Marina laissa apparatre le visage dun homme dge mr, cr par sa propre imagination, qui apparut plusieurs reprises au niveau de son front.

Elle et lui, ensembles Leur intimit tait tout de suite visible et on devinait leur liaison Physiquement, ils paraissaient tre un pre et sa fille. Mais leurs attitudes les empchaient de dissimuler lardente passion quils nourrissaient lun pour lautre. Les subtils panneaux qui apparaissaient et disparaissaient alternativement montraient les deux personnages extasis, ivres de plaisir, quils fussent installs dans une automobile de luxe ou enlacs sur le sable tide des plages, installs sous la protection dun tranquille bosquet ou souriants dans des endroits tumultueux denchantement nocturne De stupfiants paysages de Copacabana Leblon[2] dfilaient telle une admirable fresque picturale.

La jeune femme fermait les paupires pour retenir avec plus de sret les souvenirs qui staient saisis de ses sentiments, pour ensuite se reprsenter mentalement, de manire surprenante, un autre homme, aussi jeune quelle. Elle mapparut alors dans les scnes dun film intrieur diffrent Elle formait un nouveau genre de dcors pour afficher le souvenir de ses propres aventures. Elle y apparaissait galement auprs du jeune homme, comme si elle tait attache aux mmes endroits, profitant de diverses compagnies Ils se trouvaient tous deux dans la mme voiture que javais dj vue, ou marchant, heureux, en train de savourer des rafrachissements ou de se reposer dans des jeux anims dans les jardins publics, faisant penser la rencontre de deux enfants amoureux qui entremlaient leurs rves et leurs espoirs

Durant ces brves minutes de fixation spirituelle o elle stait rvle telle quelle tait rellement, Marina affichait la double personnalit dune femme partage entre la tendresse de deux hommes, oppresse par des penses de peur et dinquitude, danxit et de regret.

Neves, qui partageait dune certaine manire mon inspection, rompit le calme ambiant en disant, abattu:

Tu vois? Crois-tu quil est facile pour moi, pre de la malade, de supporter en ce lieu pareille personne?

Je memployai alors le consoler et, sa demande, nous nous rendmes dans un petit salon de lecture contigu la chambre de linfirme, afin que nous puissions rflchir et converser.

[1] Note de lAuteur spirituel: organisations dans le Plan des Esprits.

[2]Note du traducteur: Quartiers aiss de Rio de Janeiro, du bord de la mer.

3

Dans la pice isole, mon ami planta son regard lucide dans le mien et dit:

Aprs la dsincarnation, nous nous trouvons dans la seconde phase de lexistence, et personne sur Terre nimagine les nouvelles conditions qui nous prennent dassaut Au dbut, nous rnovons la vie: quipes salvatrices, soutien dans la prire, tude des vibrations, cole de la charit. Heureux, nous essayons de pratiquer le culte des grands sentiments humains Ensuite, quand nous sommes ramens dans le travail plus personnel, dans larne familiale que nous imaginons balaye pour toujours de notre mmoire, comme dans la situation particulire que reprsente mon cas, lapprentissage est diffrent Il est ncessaire de simposer de grandes souffrances pour confirmer ce que nous avons appris avec la tte Sache que je me trouve en service dans cette maison depuis seulement vingt jours, et mon me a dj reu tant de coups de poignard que si ce navait t les ncessits de ma fille, jaurais irrmdiablement pris la fuite Sans mes observations personnelles, je naurais jamais accept tant de lgret de la part de mon gendre Sducteur, imposteur sans pudeur

Oui, oui dis-je dans le but de mettre fin aux douloureux propos.

Je fis alors quelques courts commentaires portant sur le bienfait de loubli du mal pratiqu, jargumentai quant au mrite de laide silencieuse, travers la prire.

moiti consol, Neves sourit, et ajouta:

Je comprends que tu te rfres la vertu de la pense positive dans la fixation du bien, et je crois quen ce qui me concerne, je ferai tout ce que je peux pour ne pas loublier. Mais prsent, supporte, sil te plat, mes propos dplacs La Mdecine terrestre est une science lumineuse, pleine de raisonnements purs. Cependant, elle est souvent contrainte descendre de la haute culture pour dissquer les cadavres

Il madressa le regard dune personne qui chercherait se confier quelquun et continua:

Est-ce que tu savais que la cinquime nuit de ma prsence ici je me suis lanc la recherche de mon gendre pour quil vienne assister en personne Beatriz qui se trouvait alors dans une crise de souffrance? Et sais-tu o je lai dcouvert? contrairement linformation quil avait laisse la maison, personne au bureau. Indign, je lai surpris dans un antre o rgnait la pnombre, au cur de la nuit, en compagnie de la jeune femme dont vous venez de fairela connaissance. Ils se trouvaient unis, l, comme marie et femme. Le champagne coulait flot et une musique lascive se faisait entendre. Des entits perturbatrices et perturbes hantaient les lieux, saccrochant au corps des danseurs tandis que dautres allaient et venaient, se penchant au-dessus des verres que les lvres tides navaient pas compltement vids. Dans un recoin multicolore, o de jeunes femmes exhibaient leurs corps moiti nus, en positions tranges, des vampires faisaient des grimaces qui venaient complter de manire indigne les scnes que le mauvais got humain prtendait prsenter au nom de lart. Tout tait vulgaire, impropre, inconvenable Je saisis mon gendre et sa collaboratrice qui se trouvaient dans les bras lun de lautre. Je me souvins de ma fille malade et cela me rvolta. Un dsespoir soudain sempara de moi. Ma raison obscurcie oscilla car jen vins justifier subitement le comportement lattitude dplorable des compagnons dsincarns qui se transforment en vengeurs intransigeants. Le vieil homme que javais t luttait contre lhomme transform que jaspire tre dans mes fibres les plus profondes

Il sarrta dans une pause, restructurant ses penses, puis continua:

Effar, javais vu, en dautres temps, ceux qui sanimalisent aprs la mort, dans les foyers qui avaient t des refuges de la flicit, se jeter avec violence sur les tres aims qui dsertaient leur affection Jai servi, avec enthousiasme, dans diverses missions de secours pendant lesquelles je cherchai les clairer et les faire changer pour le bien, leur faire sentir que les luttes morales, aprs la dsincarnation, se dresseraient galement comme un douloureux hritage pour tous ceux avec qui ils taient en dysharmonie. Je les prvenais que la tombe attendait galement tous ceux qui, sur Terre, leur avaient manqu de loyaut et de tendresse Et bien souvent, je parvenais les calmer, rendant ainsi possible leur retrait bnfique. Mais ici Imprudemment en colre contre linsensibilit de lhomme qui avait pous ma fille chrie, je me vis appel mettre en pratique les bons conseils que javais donns

Mon ami fit un lger intervalle, essuya les larmes qui couraient sur son visage suite lvocation de son manque de rsignation, et complta sa phrase, ajoutant:

Mais je nai pas pu. Saisi dune incoercible colre, je me suis avanc telle une bte dchane et jai rou son visage de coups de poing sans mme rflchir. Il se laissa tomber sur lpaule de sa compagne, accusant une indisposition angoissante, comme sil stait trouv sous limpact dune subite lipothymie Je me prparais ensuite tordre son corps dans mes bras robustes. Mais je ny parvins pas. Le visage noble et calme, une dame dsincarne sapprocha et me dsarma intrieurement. Elle naffichait pas extrieurement de signes dlvation. Dailleurs, il tait vident quelle tait aussi humaine que nous. Elle ne se diffrenciait qu travers une minuscule distinction lumineuse qui brillait avec pleur au niveau de sa poitrine, limage dun bijou rare qui mettrait une radiation discrte. Elle effleura lgrement ma tte et mincita la srnit. Honteux, je la fixai avec gne. Cette femme inattendue ne mimposa aucune interdiction, pas plus quelle ne ft la moindre allusion mon geste malheureux. Au contraire. Elle me parla avec bont propos de ma fille malade. Elle dmontra connatre Beatriz aussi bien que moi et finit par minviter sortir de cet endroit pour laccompagner jusqu la chambre de linfirme. Je me rendis sans lutte. Et parce que tout au long de notre trajet, cette aimable intervenante ne se reportait quaux mrites de la comprhension et de la tolrance, sans la moindre rfrence aux garements du lieu que nous venions de laisser, je cherchai me contenir pour ne rflchir qu laide apporter ma fille en difficult. La messagre anonyme me replaa dans le foyer, prenant cong avec dlicatesse. Et de ce que je me souviens encore delle, positivement intrigu, je ne la vis plus aprs cela

Je fis une observation rconfortante, rappelant mes expriences, quand Neves interprtant mes penses, demanda aprs une longue pause:

Toi Andr, nas-tu jamais eu faire face des vnements aussi dsagrables?

Je me souvins avec motion des premires motions qui avaient boulevers ma sensibilit aprs la dsincarnation. Je reconstituai dans ma mmoire toutes les scnes dans lesquelles je mtais trouv dcourag, excit, dchir, vaincu

Les transformations domestiques, les entraves domestiques, les obligations de la lutte humaine et les suggestions de la nature physique qui avaient modifi mon pouse et mes enfants, sur Terre, quand ils se trouvrent sans ma prsence directe, se rappelrent mon cur. Je me sentis plus troitement li mon interlocuteur, comprenant son influx mental tortur, et je commentai:

Si, mon ami. Une fois la grande barrire franchie, mes problmes ont t normes au dbut

Il me fut cependant impossible de me confier. Un homme sympathique dge mr pntra dans la pice, sans nous percevoir, bien entendu.

Embarrass, Neves lindiqua en mexpliquant:

Cest Nmsio, mon gendre

Le nouvel arrivant se regarda attentivement dans un miroir, passa une serviette blanche sur sa tte trempe de sueur, et il poussa un profond soupir tandis quil ajustait son lgante cravate. Il se lana sans retenue vers la chambre contigu, et nous le suivmes.

Marina vint laccueillir avec un aimable sourire, le conduisant jusquau chevet de sa femme qui se mit le regarder entre rconfort et abattement.

Beatriz tendit une main dcharne que son mari embrassa. changeant avec elle un doux regard, Nmsio sinstalla contre les oreillers et lui posa des questions o perait la tendresse pendant quil lui lissait sa chevelure dsordonne.

La malade pronona quelques brves paroles, essayant de le remercier, et elle ajouta:

Nmsio, tu mexcuseras de revenir sur la situation dOlympia La pauvre crature a pratiquement perdu sa maison intgralement Il est ncessaire que tu lui garantisses un abri sr Vois-la comme les enfants sans protection. Enlve-moi ce poids

Son mari montra une profonde motion et rpondit, courtois:

Naie aucun doute l-dessus, Beatriz. Jai dj dpch un ami, constructeur qualifi, sur place. Ne ten fais pas, je ferai tout ce quil faut sans que cela soit un sacrifice. Cest une question de temps

Je crains de partir dun moment lautre

Partir o?

Nmsio caressa son front dcolor, sarracha un sourire amer et poursuivit:

Tant que tu seras en traitement, nos voyages sont suspendus. Le moment nest pas encore venu de partir pour So Loureno[1]

Mon traitement sera diffrent.

Ne sois pas pessimiste Attends, ques-tu en train de dire? O sont passs les beaux jours de notre maison? Oublies-tu que tu nous as enseign voir de la joie en toute chose? Laisse les sombres territoires Je me suis entretenu avec notre mdecin pas plus tard quhier. Tu seras bientt en convalescence Demain, je prendrai des mesures dfinitives afin que la cabane soit redresse. Tu seras rtablie sous peu, et nous irons tous les deux prendre le premier caf servi chez notre Olympia

La tendresse de son mari parut redonner des forces Beatriz. Sa bouche sentrouvrit dans un large sourire qui me fit penser une fleur desprance sur un cactus de souffrance.

Ces yeux intensment lucides versrent deux larmes de flicit que lpoux essuya dun geste gracieux. Des rayons de confiance tincelrent sur le visage aux jaunes reflets.

Se sentant mentalement rtablie, linfirme crut au relvement de son corps physique et elle dsira ardemment vivre, vivre pour longtemps encore dans le cocon familial protecteur. Manifestant son rconfort, elle demanda Marina de bien vouloir lui apporter une tasse de lait.

Linfirmire sexcuta, mue. Et pendant que la malade buvait le liquide, gorge aprs gorge, je rflchis la bont de cet homme que les paroles de mon compagnon mavaient prsent dune tout autre manire.

La pense de Nmsio mapparaissait jusqualors claire et pure. Il avait Beatriz dans son cerveau, dans ses yeux, dans ses oreilles, dans son cur. Il lui accordait la comprhension dun ami, la tendresse dun pre.

Neves madressa un trange regard, comme sil se trouvait, tout comme moi, devant une incroyable surprise.

Quelques instants scoulrent rapidement.

Quand linfirme rendit la tasse, une autre scne se droula sous nos yeux.

Nmsio se redressa contre la tte de lit surleve, tendit sa grosse main hirsute dans la direction de Marina qui y mit sa main droite, blanche et lgre.

Le mari se mit alors murmurer de douces paroles son pouse comble, caressant simultanment les doigts ross de la jeune femme qui, peu peu, perdait de son inhibition travers de son regard fripon.

Je contemplai Nmsio, stupfait. Ses penses taient en train de se modifier. Elles me semblrent alors incompatibles avec la sensation de respect quil nous avait inspire.

Instinctivement, je me tournai vers Neves. Mindiquant les deux mains qui se caressaient lune lautre, il sexclama mon intention:

Cet homme est une nigme.

[1] Note du Traducteur: So Loureno, station thermale de ltat de Minas Gerais, au Brsil.

4

nouveau installs dans la chambre voisine, je cherchai relever le moral de Neves qui tait clairement dsappoint.

Le compagnon stait livr au climat de la dignit offense, laissant limpression que la famille incarne lui appartenait encore. Il blmait la conduite de son gendre, il glorifiait le mrite de sa fille, il se reportait au pass quand il avait lui-mme vaincu des situations difficiles dans la lutte sentimentale, il cherchait des excuses.

Saisi de piti, jcoutai ses remarques en rflchissant, de mon ct, la difficult avec laquelle nous devons tous faire face pour dissiper lillusion de la possession des autres. Si ce ne fut lobligation de respecter ses sentiments, je me lancerais ici mme dans une longue tirade philosophique qui recommanderait le dtachement. Mais je cherchai seulement le consoler:

Ne tafflige pas. Jai appris depuis longtemps que pour les personnes dsincarnes, les portes du foyer se ferment presque toujours, sur Terre, quand la mort ferme leurs yeux

Il ne me fut cependant pas possible de poursuivre. Pareils deux enfants anims et joyeux, Nmsio et Marina pntrrent dans la chambre, fuyant clairement la prsence de linfirme.

Leur visage conservait lexpression des amoureux heureux, des amoureux qui vivent le classique enfin seuls alors quils senferment, contents.

Je me disposai instinctivement sortir, mais Neves me retint dans mon lan, minvitant, abasourdi:

Reste, reste Je ne fais pas lloge de lindiscrtion, mais je ne suis aux cts de ma fille que depuis quelques jours, de manire directe, et je me dois de savoir ce qui se passe afin dtre utile

ce moment, Nmsio enlaa linfirmire, comme sil revenait soudainement aux emportements de la jeunesse. Il caressait les mains menues et les cheveux soyeux tout en parlant du futur. Reproduisant les proccupations dun adolescent, il se justifiait, dsireux de vacciner son lue contre la jalousie. Ils devaient se montrer bons envers Beatriz qui se trouvait aux portes de la mort, et remercier le Destin qui les dlivrait des contrarits et des contretemps dun divorce, mme fait lamiable La veille, il apprit du mdecin que la malade ne vivrait pas plus que quelques semaines. Et il sourit, comme un garonnet espigle, quand il affirma ne pas croire en la survivance de lme. Par ailleurs, selon lui, sil existait une vie aprs la mort, il ne dsirait pas que son pouse sen aille en nourrissant le moindre ressentiment leur gard. Passionn, il cherchait se convaincre que ses sentiments taient partags, fixant son attention sur les yeux nigmatiques de sa compagne envers qui il se sentait attir par une intense attraction.

Marina rpondit ses attentes comme quelquun qui se laisse dsirer. Cela dit, elle laissa transparatre le singulier phnomne de lmotion li Nmsio et de la pense dirige vers lautre homme, cherchant par tous les moyens trouver dans cet autre la motivation ncessaire cette mme motion.

Le mari de Beatriz commenta ses propres obstacles, mu.

Il lui confessa une dvotion indfectible. Il ne voulait pas la voir inquite. Plus tard, il abandonnerait les affaires. Ils vivraient heureux dans la petite maison de So Conrado quil transformerait en confortable bungalow, entre le vert de la mer et le vert de la terre. Il enverrait prparer la reconstruction dans un style nouveau, afin que lhabitation puisse les accueillir le moment opportun. Elle devait lui faire confiance. Il attendrait seulement le changement de son tat civil pour lui confrer le titre dpouse, pouse pour toujours

Tout cela tait dit dans un jeu de tendres manifestations o dun ct prvalait la sincrit quand de lautre prvalait le calcul.

Mais je perus un fait trange. Ils changeaient entre eux les plus douces expressions denchantement rciproque, sans faire preuve de libertinage, et ils semblaient adhrer automatiquement aux impressions que nous ressentions en accompagnant leurs moindres gestes avec une attention aiguise, analysant leurs desseins sur la base de nos propres expriences infrieures dj dpasses.

Ces observations que nous faisions en totale impartialit mritent dtre soulignes car attentif ltude comme je ltais, je me vis dans lobligation de reconnatre que notre attente malicieuse allie lesprit de censure tablissait des courants mentaux stimulants le trouble psychique dans lequel ils se trouvaient tous deux plongs, courants qui, partant de nous vers eux, aggravaient leur apptit sensuel.

En pleines envoles de flicit juvnile, mais dune voix chuchote, le mari de Beatriz renfora lardent dsir avec lequel il attendait sa tendresse permanente dans le refuge de la maison.

Mais la jeune femme fondit soudain en larmes abondantes. Son compagnon lembrassa au visage, aspirant la soulager de la tension convulsive.

Toutefois, de notre ct, nous vmes que Marina fixait de plus en plus son attention sur le jeune homme dont la figure stait incruste dans son imagination.

Devant la sincrit de toutes les promesses qui lui avaient t adresses, sincrit qui ne laissait pas de place au doute, le conflit dont elle se trouvait possde devait, nen point douter, tre douloureux.

Oublieux des engagements embrasss, devant sa femme qui, en ces instants, demandait les plus grandes dmonstrations de flicit et de tendresse, le chef de famille changea de parti et prit celui de Marina qui il se livra sans rserve. Suffisamment intelligente pour comprendre quel point le raisonnement de lhomme circonspect stait dgrad, la jeune femme percevait la phase dangereuse de la partie dans laquelle elle stait lance et elle se sentait abasourdie, ici, confondue entre les afflictions et les remords qui harponnaient son cur.

Contraints par les circonstances pntrer les sujets en examen, nous dcouvrmes les reprsentations mentales de la jeune femme qui se dversaient de son monde intrieur, clairant son histoire.

Elle stait fait apprcier du gendre de Neves, sans faire preuve son gard de sentiments autres que la reconnaissance et ladmiration Pourtant, maintenant que les vnements poussaient son me en direction de liens plus profonds, elle tremblait devant les concessions indues quil lui avait fait. Elle ressassait dans son esprit les rminiscences caches de son aventure affective, rcapitulant tous les succs par lesquels elle avait attir le protecteur expriment, grce ses subtiles mthodes de sduction, pour en arriver la conclusion quelle aimait la folie le frle jeune homme qui se dtachait dans sa pense, travers les appels captivants de la mmoire.

Intrieurement, une terrible guerre dmotions et de sensations faisait rage en elle.

Nmsio la consolait en formulant des phrases de paternelle sollicitude. Et, au moment de rpondre aux questions rptes concernant la raison de ces pleurs soudains, la jeune femme recourut un grand processus de parfaite dissimulation, invoquant des problmes familiaux afin de se crer une chappatoire qui masquerait la ralit.

Dans une tentative de se fuir elle-mme, elle se rfra de supposs diffrents chez elle. Elle mit en avant les exigences maternelles, voqua des difficults financires, allgua de fantastiques humiliations que lui aurait impos sa sur adoptive, mentionna lincomprhension de ses parents qui se manifestait travers de constantes disputes dans les cercles familiaux

Son interlocuteur la rconforta. Elle ne devait pas se tracasser. Elle ntait pas seule. Il partagerait tous ses embarras et dboires, quels quils soient. Quelle fasse preuve de patience. La mort de Beatriz, prvue dici quelques jours, marquerait le moment fondamental du bonheur dfinitif.

Nmsio sexprimait sur un ton de supplication. Et peut-tre parce quil stait rendu compte que la force des paroles ne serait pas suffisante pour la soustraire aux sanglots, il arracha un carnet de chque qui se trouvait dans une pochette, remettant entre ses mains que le mouchoir humide avait mouilles, une forte contribution montaire.

La jeune femme parut encore plus mue, laissant voir sur son visage lapprhension qui se rcriminait sans la moindre justification de conscience, au fur et mesure quil lenlaait affectueusement. Dans le silence qui survint, je me tournai vers Neves, mais je ne parvins pas prononcer le moindre mot.

Bien qutant dsincarn, mon ami ressemblait un homme absolument commun de la Terre, que la rvolte faisait saigrir. Un froncement crisp de ses sourcils altrait son apparence dans le dsquilibre vibratoire qui prcde les grandes crises de violence.

Je craignis que sa calamit motionnelle ne se transforme en agressivit, mais linattendu se produisit. Un vnrable ami spirituel pntra soudainement dans la chambre. Une enchanteresse expression de sympathie marquait sa prsence. Un halo radieux entourait sa tte. Ce ntait toutefois pas la lumire suave qui provenait doucement de laura de sagesse qui mimpressionna, mais la substance invisible damour qui manait de cet tre sublime.

Je fixai tout coup son regard avec lattendrissante impression que je retrouvais un compagnon, longuement attendu parmi les souvenirs nostalgiques qui emplissent le cur.

Des fluides calmants baignrent entirement mon corps, comme si dinexplicables radiations dune allgresse enveloppante avaient pntr au plus profond de mon tre.

Sur quels sentiers du destin aurai-je connu cet ami qui simposait mes sentiments comme un frre dun temps lointain? Vainement, je remuai ma mmoire durant ces secondes inoubliables.

En un clair, je me vis renvoy aux sensations pures de lenfance. Lmissaire qui stait arrt en face de nous ne me fit non seulement retrouver la scurit laquelle je mtais habitu quand je trouvais refuge, alors petit, entre les bras paternels, mais galement la tendresse de ma mre qui ne stait jamais loigne de mes penses.

Oh! Dieu, dans quelle forge de la vie se forment de tels anneaux de lme? Dans quelles racines de joie et de souffrance, travers les nombreuses rincarnations de travail et despoir, de dettes et de rachats se cre la sve divine de lamour qui rapproche les tres et transfuse leurs sentiments dans une seule vibration de confiance rciproque?

Je levai de nouveau mes yeux vers le visiteur qui sapprochait, et je fus oblig de refrner mon motivit afin de ne pas le retenir instinctivement dans deslans de joie.

Nous nous redressmes tout coup.

Aprs lavoir salu, Neves, alors rassur, me le prsenta en souriant pratiquement:

Andr, salue le frre Flix

Mais le nouvel arrivant savana, moffrant une accolade et profrant une chaleureuse salutation, dans le but de couper court ds le dpart au moindre loge.

Trs heureux de vous rencontrer, dis-je avec bienveillance. Que Dieu vous bnisse, mon ami

Mais la commotion mimmobilisa. Je ne parvins pas faire monter les mots de mon cur vers la bouche, ces mots par lesquels je voulais dmontrer mon enchantement, mais je saisis sa main droite avec la simplicit dun enfant tout en lui demandant mentalement daccepter les larmes qui spanchaient de mon me en guise de remerciements muets.

Il se produisit ensuite quelque chose dinhabituel. Nmsio et Marina entrrent tout coup dans un autre tat desprit.

Cela confirma mon impression selon laquelle notre curiosit maladive et la rvolte qui dominait Neves avaient jusqualors fonctionn ici comme des stimuli du magntisme animal avec lequel les deux amoureux se trouvaient en phase. Ils ne se doutaient pas le moins du monde de la minutieuse observation dont ils faisaient lobjet, et il suffit que notre frre Flix post son regard compatissant sur eux pour quils changent du tout au tout.

La vision de Beatriz malade dchira leur espace mental la manire dun clair. Leurs ardeurs passionnes svanouirent. Ils ressemblaient une paire denfants attirs lun vers lautre, dont la pense stait tout coup profondment modifie devant la prsence maternelle.

Et il ny avait pas que cela. Je ne pouvais pas ausculter le monde intrieur de Neves, mais en ce qui me concernait, une subite comprhension avait envahi mon me.

Et si je mtais trouv la place de Nmsio? Agirais-je mieux? De silencieuses questions sincrustaient dans ma conscience, obligeant mon esprit raisonner un niveau plus lev.

Je fixai le triste pre de famille, pntr de nouveaux sentiments, voyant en lui un vritable frre quil me fallait comprendre et respecter.

Bien que me confessant moi-mme, avec un remords impossible masquer, lattitude inconvenante que javais assum quelques instants auparavant, je continuai tudier la mtamorphose spirituelle qui saccomplissait.

Marina se mit dmontrer une raction bnfique, comme si elle ft admirablement conduite lors dune manifestation mdiumnique prpare par avance. Elle se rtablit du point de vue motionnel, laissant voir un total dsintrt pour toute forme de relation physique, et elle voqua, avec dlicatesse, la ncessit de sen retourner aux soins que la malade exigeait. Nmsio, rflchissant sa position intrieure rnove, noffrit pas le moindre obstacle, sinstallant dans un fauteuil tandis que la jeune femme se retirait, tranquille.

Je vis que Neves brlait de converser, de se confier. Mais le bienfaiteur qui avait conquis notre cur indiqua lpoux de Beatriz et nous invita:

Mes amis, notre Nmsio se trouve srieusement souffrant, sans quil ne le sache dj. Jignore si vous avez dj remarqu sa dficience organique Essayons de le secourir

5

Incompltement remis des effets de la stupfaction quune pareille attitude nous causait, nous nous mmes collaborer avec notre frre Flix, dans la mise en place de certaines mesures pour le bien de lami qui, bien quil ignort notre prsence, se tenait prsent dans une attitude de rflexion.

Au contact des mains du bienfaiteur qui mettait en uvre efficacement lnergie magntique, les dficiences dans le domaine circulatoire apparurent en Nmsio.

Le cur, considrablement enfl, dnotait des failles menaantes avec le durcissement des artres.

Lhomme que nous examinions, soign lextrieur, tait gravement malade lintrieur. Cependant, la caractristique la plus gnante tait localise dans lartriosclrose crbrale dont nous parvnmes clairement valuer le dveloppement en manipulant de petits appareils dauscultation.

Dmontrant une grande exprience mdicale, le frre Flix nous indiqua une rgion particulire o je notai que la circulation sanguine tait rduite, et il dit:

Notre ami se trouve confront au danger de caillots bloqueurs et, en plus de cela, il est craindre une rupture dune veine lors dun accident dhypertension plus important.

Comme sil avait peru la mise en mouvement et comme sil avait peru les informations, le gendre de Neves, dans le fauteuil rembourr o il stait install, rpondit instinctivement lenqute affectueuse laquelle nous soumettions sa mmoire, tirant tous nos doutes travers des ractions mentales spcifiques. Il simaginait plong dans son imagination, ignorant quil nous apparaissait intgralement sous les traits dun malade tourn vers les claircissements de lanamnse. Il se remmora les lgers tourdissements quil ressentait souvent. Il fouillait sa mmoire, rpondant nos questions. Il alignait les vnements passs, se souvenait de dtails. Il reconstitua autant que possible les phases dinconfort dans lequel il stait trouv subitement plong, avec la perte de ses sens quil avait soufferte quelques jours auparavant son bureau. Il stait soudainement senti vid, absent. Sa pense avait disparu de son esprit, comme si des coups de marteau len avaient expulse. Une effrayante dfaillance lenvahit. Elle lui semblait ne pas avoir de fin, quand elle ne dura que quelques secondes. Il reprit conscience delui-mme, troubl, abattu. Mditatif, il subissait des apprhensions qui persisteraient de nombreux jours.

Dans une recherche de soulagement, il relata les faits un vieil ami lavant-veille, car il ne savait pas comment interprter le phnomne.

La scne quil reconstituait dans son imagination tait si nette que nous parvenions les contempler ensemble, Nmsio et le compagnon qui avait reu ses confidences, comme sils avaient t films.

Inconsciemment, le mari de Beatriz relatait des informations ncessaires propos de lvanouissement quil avait vcu, des inquitudes consquentes, de lentretien quil avait provoqu avec son partenaire daffaires et de la discussion cordiale entre eux deux.

Nous consignmes les conseils que son interlocuteur lui avait transmis: il ne pouvait pas remettre plus tard les mesures prendre. Il devait se rendre chez un mdecin, analyser sa situation, dfinir les symptmes. Il mit des mises en garde. Il constatait avec vidence sa fatigue. Rio, il obtiendrait une amlioration de son tat dans une maison de repos. Des vacances ne lui feraient pas de mal. Selon lui, la moindre syncope quivalait un signal dalarme dans lappartement de la vie. Alerte srieuse, maladie la porte.

Silencieux, sans quil ne pert quil sentretenait avec nous, Nmsio rptait spirituellement les allgations quil avait formules.

Lanalyse tait difficile: de lourdes responsabilits, le temps restreint. Il accompagnait son pouse dans la traverse de ses dernires heures, au cours de la fin douloureuse de son existence, et il ne trouvait pas le moyen de soccuper de lui. Il ne remettait pas en cause la justesse des mises en garde, mais il se voyait dans lobligation de remettre le traitement plus tard.

Cependant, au plus profond de ses penses, dautres motifs quil navait pas le courage dvoquer nous apparurent, rvls par un journal vivant, secrtement archiv dans le coffre de lme.

Attendri par le toucher damour fraternel du bienfaiteur qui lauscultait, il libra, en silence, ses plus profondes proccupations.

Il ressemblait un enfant espigle qui se montre obissant et spontan quand il se retrouve en prsence de ses parents.

Il montra clairement la raison qui le poussait fuir tout sujet li des prescriptions mdicales qui pourraient probablement le concerner. Il redoutait de connatre son tat organique. Il aimait nouveau, simaginant revenir au printemps du corps physique. Il se voyait spirituellement jeune, heureux. Il considrait laffection de Marina comme les retrouvailles avec la jeunesse quil avait laisse en arrire.

Tout en multipliant les souvenirs et les rflexions, il affichait devant nous la trame des faits sur lesquels sappuyaient les notions prcaires de la vie, ce qui nous permit de retracer sa ralit psychologique.

peu de temps de sa dsincarnation, Beatriz se dressait prsent dans son esprit comme une relique quil placerait respectueusement sous peu dans le muse des souvenirs les plus chers. Imperturbablement correcte et simple, elle avait transform la volupt en admiration et la flamme juvnile en chaleur damiti sereine. tranger au bienfait de la routine constructive, il entait venu considrer son pouse comme la mre de ses enfants que la mort emportait. Il cherchait instinctivement son sourire bienveillant et la bndiction de son approbation. Il voulait sa prsence comme quelquun qui shabitue au service dun ustensile prcieux. Quand il arrivait la maison, moite de sueur, il trouvait la paix en reposant son esprit fatigu dans son regard.

Cependant, de formation matrialiste et dun naturel pratique tout en tant gnreux, Nmsio ignorait que les mes nobles cueillent le fruit de lallgresse sublime dans lamour marital de la Terre, ce fruit dont la pulpe mrit et devient plus douce avec le temps, liminant les caprices transitoires de lenveloppe.

Il persistait dans la conservation de toutes les impulsions motionnelles de la jeunesse corporelle. Il tait au fait de toutes les thories de la libido.

Parfois, il se rendait dans des villes voisines lors de nuits de bohme, affirmant ses amis, son retour, quil agissait de la sorte pour drouiller son cur. Il revenait de ces escapades en rapportant des corbeilles de valeur que Beatriz recevait avec joie. Durant plusieurs semaines, il se montrait plus tendre et comprhensif envers elle. Mais bien que recourant avec plus de rigueur aux freins de lhabitude, il ne savait pas se consacrer aux constructions spirituelles que seule la discipline rend possible et garantit. Il dpassait nouveau les frontires que les engagements moraux tablissaient, limage dun animal qui enfonce la clture.

En certaines occasions, il lui arrivait de fixer son pouse, toujours pleine dabngation et fidle, et de se demander ce quil adviendrait si elle adoptait une conduite similaire la sienne, et il sen effrayait.

a, jamais, pensait-il. Si Beatriz venait poser son attention fminine sur un autre homme, il tait capable de la tuer. Il nhsiterait pas.

Dans ces moments, des impressions contradictoires agitaient son esprit limit. Il ne sintressait absolument pas sa femme, mais il naurait en aucun cas tolr la moindre concurrence en ce qui concernait la possession de celle qui il avait confi son nom.

Il sinquitait, imaginait des choses, mais il se rassurait, tranquille, en se souvenant de ltrange conception quavait un vieil ami qui passait son existence sous lempire de lalcool chez ses vieux et riches parents, et qui avait souill ses rves de famille quand, alors enfant, il lui rptait frquemment: Nmsio, la femme nest quune savate pour le pied de lhomme. Quand elle ne sert plus, il devient ncessaire den trouver une autre.

Il est comprhensible quen arrosant les racines du caractre avec les eaux troubles dune telle philosophie, le gendre de Neves ait atteint la ligne des soixante ans avec les sentiments dtriors pour ce qui tait de ce quun homme se doit lui-mme.

Cest pour toutes ces raisons quil avait rappris les attentions de la prservation individuelle dans cette priode difficile et obscure quil traversait.

Il avait retrouv le got de se vtir avec distinction, en slectionnant modles et tailleurs. Sa sensibilit masculine stait aiguise, il apprciait les programmes radiophoniques de gymnastique par lesquels dailleurs il tait parvenu se dbarrasser de son adiposit tremblotante. Il courait aprs les entres pour les runions festives afin dactualiser son langage et de perfectionner son apparence.

Peu lui importaient les mches blanches qui maillaient dargent sa chevelure paisse. Il voyait dans les parfums rares et les cravates colores des motifs dinsouciance et dlgance toujours nouveaux.

Il payait habilement les instructions et les avis de professeurs improviss en rnovation de la personnalit et il stait embelli, vaniteux, se rappelant de lancien difice sous la nouvelle dcoration.

Bien sr que non, se disait-il, bien sr quil ne se rsignerait pas au moindre traitement qui ne ft pas en mesure daccentuer ses dispositions au plaisir. Il refuserait de manire premptoire toute mesure visant la moindre ide de rajustement organique, tant donn quil se croyait capable de commander ses propres sensations. Leuphorie, voil le problme. Des mesures mdicamenteuses? Seulement pour lui arer lesprit ou rajeunir ses forces.

Le frre Flix se remettant parler nous dit:

Nmsio rvle un norme puisement en raison des habitudes destructrices auxquelles il se livre. La proccupation motive dsquilibre son systme nerveux et les faux aphrodisiaques employs minent ses nergies sans quil ne sen rende compte.

Face cette affirmation, lpoux de Beatriz eut une attitude mentale angoisse, dmontrant avoir assimil mcaniquement limpact du grave expos.

Et si la situation saggravait? se dit-il en lui-mme.

Le visage de Marina rapparut dans son me. Nmsio divagua, rveur.

Il serait daccord pour retrouver sa sant, mais seulement aprs aprs quil ait retenu la jeune fille, livre en fin de compte lui, par les liens du mariage. Tant quil ne laurait pas recueillie entre ses bras sous leffet dun engagement lgal, il naccepterait pas de protection mdicale. Il lui fallait encore paratre capable et jeune homme ses yeux. Il fuirait dlibrment les conseils ou la discipline qui tendraient le dtourner de la ronde des promenades, excursions, divertissements et ivresses quil croyait, en tant quhomme amoureux, lui devoir.

Le frre Flix nopposa pas la moindre argumentation. Au contraire, il lui administra des ressources magntiques dans toute la rgion crbrale, lui portant assistance.

Au terme dune longue opration de secours, Neves, taciturne, ne parvenait pas dissimuler son dsappointement. La dsapprobation jaillissait de son esprit en formant des penses de censure qui bien quelles aient t respectueuses, nous atteignaient de plein fouet sous la forme dune pluie de vibrations ngatives.

Cest peut-tre pour cette raison que le bienfaiteur suggra au propritaire de la maison de quitter la pice, sollicitation muette laquelle Nmsio rpondit sur le champ, puisquil se trouvait dj entour du soutien que lami spirituel lui avait spontanment offert.

Une fois tous les trois seuls, nous reprmes la conversation.

Souriant, Flix effleura lgrement les paules de mon compagnon et dit:

Toutefois, Neves, je te comprends

Encourag par linflexion de tendresse avec laquelle pareilles paroles avaient t dites, le beau-pre de Nmsio se confia sans retenue:

Il ny en a quun qui ne comprend pas bien, et cest moi. Je nadmets pas de tels soins envers un chien de cette vile engeance. Un homme comme celui-ci, qui mprise ma confiance paternelle! Qui donc ne peroit pas en son esprit la polygamie dclare? Un sexagnaire dvergond qui souille la prsence de son pouse lagonie! Ah! Beatriz, ma pauvre Beatriz, pourquoi a-t-il fallu que tu tunisses un tel pendard?

Neves tait en train de sombrer dans la folie sous nos yeux. Il tait mentalement reparti vers le cercle resserr de la famille humaine et il pleurait, boulevers, sans que nous puissions mettre un frein son motion.

Je mefforce, mais je nen peux plus, gmit-il, accabl. quoi cela me sert-il de travailler en nourrissant la haine? Nmsio nest quun hypocrite! Jai tudi la science du pardon et du service, jai recommand le service et le pardon dautres, mais prsent Spars par un simple mur, je vois la souffrance et le vice sous le mme toit. Dun ct, ma fille rsigne, qui attend la mort; de lautre, mon gendre et cette femme qui insulte ma famille. Dieu du Ciel! Que ma-t-il t rserv? Dois-je avancer en soutenant une fille malade ou dois-je avancer en tant appel la tolrance? Mais comment supporter un homme comme lui?

Une incitation la retenue, durant la pause qui sen suivit, ne servit rien.

Autrefois, bafouilla-t-il, dsespr, je croyais que lenfer, aprs la mort, revenait sauter sans effet dans une prison de feu. Aujourdhui, je dcouvre que lenfer cest revenir sur Terre et se trouver parmi les parents que nous avons dj laisss L se trouve la purgation de nos pchs!...

Flix sapprocha et considra, serrant affectueusement ses mains:

Calme-toi, Neves. Le jour o nous devons prouver ce que nous sommes ou ce que nous enseignons finit toujours par surgir. Par ailleurs, Nmsio doit tre compris

Compris? bgaya son interlocuteur. Mais est-ce que vous navez pas encore vu?

Et il ajouta de manire presque ironique:

Est-ce que vous savez quel est le jeune homme qui occupe lesprit de cette demoiselle?

Je sais, mais laisse-moi texpliquer, clarifia Flix avec douceur. Commenons par accepter Nmsio dans la situation o il se trouve. Comment exiger dun enfant lexprience de la maturit ou demander un raisonnement quilibr un alin mental? Nous savons que la croissance du corps ne reprsente pas la hauteur de lesprit. Nmsio est un lve de la vie, tout comme nous, sans le bnfice de la leon qui est en train de nous instruire. Quen serait-il de nous si nous nous trouvions sa place, sans la vision dont nous bnficions actuellement? Nous tomberions probablement dans des conditions pires

Cela veut-il dire que je dois lapprouver?

Personne nacclame linfirmit. Cependant, il serait cruel de refuser sympathie et mdecine au malade. Partons du principe que Nmsio nest pas un compagnon mprisable. Il sest pris dans de dangereuses suggestions, mais il na pas fui son pouse qui il prte assistance. Il se montre allch par des extravagances motionnelles caractre dgradant qui dilapident ses forces. Mais il na malgr tout pas oubli la solidarit lorsquil a dcid doffrir sa propre maison, et de manire gratuite, la dame qui travaille pour lui. Il simagine en possession de la jeunesse physique absolument insignifiante quand, dans la ralit, il a un corps prmaturment us. Il se ddie passionnment une jeune qui le rabaisse tandis quil lui consacre une respectueuse considration Ces raisons ne suffiraient-elles pas pour quil mrite bienveillance et tendresse? Qui parmi nous a la possibilit daider? Lui, qui marche en aveugle, ou nous, qui discernons? Je ne peux louer les manuvres lamentables, dans la sphre du sentiment. Mais je suis oblig de reconnatre que dans le rle danalphabte des vrits de lme, il na pas encore atteint le fond.

Sur un ton bien significatif, linstructeur souligna:

Neves, Neves! La sublimation progressive du sexe en chacun de nous est un foyer incandescent de sacrifices continuels. Il ne nous appartient pas de condamner quelquun pour des fautes que nous pouvons commettre ou dans lesquelles nous avons t passibles de culpabilit en dautres occasions. Comprenons pour que nous soyons compris.

Contrl par linfluence du vnrable ami, Neves se tut, et il parvint le regarder, aprs quelques instants dattente, je perus quil stait humblement mis prier.

6

De retour la chambre de linfirme, nous emes la confirmation que Nmsio et Marina taient sortis. La femme de chambre de la maison veillait.

Maussade, Neves sabstint de tout commentaire. Il stait rtract dans le but vident de contenir des impulsions des moins constructives.

Stant rquilibr quelques instants auparavant, il avait demand notre frre Flix de lui pardonner la pousse de colre par laquelle il avait laiss dborder sa rbellion et son dsespoir.

Il tait tomb dans linconvenance et il saccusait avec humilit davoir manqu de charit, de stre montr insens, et il sen repentait tristement. De par son autorit, le frre Flix aurait pu, sil lavait voulu, le renvoyer du pieux travail auquel il avait t convoqu dans lobjectif de protger sa fille. Cependant, il en appelait la tolrance. linstant critique, le cur paternel stait trouv sans la prparation adquate, prparation qui lui aurait permis datteindre le niveau de dtachement ncessaire, mais il stait rvl plein damertume et de dsappointement.

Toutefois, Flix le prit dans ses bras avec chaleur et, souriant, il dit que ldification spirituelle, en de nombreuses circonstances, incluse des explosions des sentiments, comme des coups de tonnerre de rvolte et daverses de larmes, qui finissent par dcongestionner les voies de lmotion.

Que Neves oublie et recommence. Pour cela, il comptait sur les talents de lopportunit, du temps. Cest videmment par cela que le beau-pre de Nmsio se trouvait maintenant ici, devant nous, transform et attentionn.

Sur recommandation du patient ami qui nous orientait, il rcita une prire pendant que nous administrions laide magntique la malade.

Beatriz gmissait. Cependant, Flix fit tout son possible pour quelle soit soulage et quelle se rendorme, de manire ce quelle ne se retire pas encore de son corps sous lhypnose habituelle du sommeil. Pour le moment, il ne lui fallait pas sloigner de son vhicule fatigu, nous expliqua-t-il. En raison de ses organes grandement affaiblis, elle bnficierait dune pntrante lucidit spirituelle et il ne serait pas prudent de la lancer brutalement au milieu des impressions excessivement actives de la sphre diffrente vers laquelle elle se transfrerait sous peu. Il serait prfrable que le changement soit progressif, selon une gradation de lumire qui sintensifierait peu peu.

Nous laissmes la fille de Neves dans un repos nourrissant et rparateur pour nous diriger vers la rue.

Accompagnant Flix dont le visage se mit rvler une profonde proccupation, nous atteignmes un spacieux appartement dans le Flammengo[1], o nous ferions plus ample connaissance avec les membres de la famille de Marina.

La nuit avanait.

Traversant un troit couloir, nous entrmes dans lenceinte familiale, surprenant sur le seuil deux hommes dsincarns qui dbattaient avec une insouciante bouffonnerie de terribles thmes relevant du vampirisme.

Il est important de souligner que bien que nous pussions observer leurs mouvements et couter leur loquacit fescennine, aucun des deux ne parvenait percevoir notre prsence. Ils promettaient des troubles et se lanaient dans une argumentation, saisis de violence.

Des vauriens calms, mais dangereux, bien quinvisibles aux yeux de ceux auprs de qui ils se dressaient comme une menace insouponne.

Avec de pareilles compagnies, il tait facile dapprcier les risques quencouraient les habitants de ce nid de bton arm, en se rfugiant dans lnorme construction sans la moindre dfense de lesprit.

Nous entrmes. Dans la salle principale, un homme aux traits fins nous laissa deviner tout de suite la manire comme il tait allong quil sagissait du propritaire des lieux. Il lisait un journal du soir avec attention.

Les ornements de la pice, bien que modestes, dnotaient une touche fminine raffine. Le mobilier ancien aux lignes presque abruptes sadoucissait sous leffet de lgres dcorations.

Se dversant de vases cristallins, des bouquets dillets rouges sharmonisaient avec des roses de mme couleur, habilement peintes sur les deux toiles suspendues contre les murs recouverts de jaune dor. Mais choquante et agressive, une bouteille troite contenant du whisky dressait son goulot sur la dentelle blanche qui compltait llgance de la noble table, laissant chapper des manations alcoolises qui se mariaient avec lhaleine de lami allong sur le divan.

Flix lui fit face, manifestant lexpression de quelquun qui sinquite avec piti, quand il le vit. Et nous lindiquant:

Nous voici en face du frre Claudio Nogueira, le pre de Marina et pilier de la famille.

Je le cernai sur le champ. Notre hte involontaire mapparut comme un de ces hommes dge mr qui se trouve dans les quarante-cinq ans, sescrimant avec force contre les dgts du temps: visage admirablement bien trait, o les lignes fortes repoussaient les signes vagues des rides, cheveux coiffs avec distinctions, ongles polis, pyjama impeccable. Les grands yeux sombres et mobiles paraissaient tre aimants aux lettres, cherchant des raisons pouvant faire natre un sourire ironique sur les lvres fines. Entre les doigts de la main pose sur le rebord du canap, une cigarette laissait chapper son filet de fume, tout prs du petit trpied sur lequel se trouvait un cendrier rempli qui semblait tre une mise en garde silencieuse contre labus de nicotine.

Anims par la curiosit, nous nous livrions une inspection quand survint linattendu. Les deux malheureux dsincarns que nous avions surpris lentre venaient tout coup de surgir devant nous et ils abordrent Claudio, agissant sans crmonie. Lun deux lui prit lpaule et cria, insolant:

Boire, mon cher, je veux boire!

La voix railleuse agressa notre sensibilit auditive. Mais Claudio nentendit pas le moindre son. Il se tenait l, attentif sa lecture, imperturbable. Cela dit, sil ne possdait pas de tympans physiques pour percevoir la demande, il avait dans sa tte le systme acoustique de lesprit syntonis avec le demandeur.

Lhomme malvenu rpta sa demande plusieurs fois, comme un hypnotiseur qui insuffle son propre dsir, raffirmant un ordre.

Le rsultat ne se fit pas attendre. Nous vmes la victime se dtourner de larticle politique dans lequel elle tait plonge. Il naurait pu expliquer lui-mme le subit dsintrt qui lavait envahi pour lditorial qui avait retenu son attention.

Boire! Boire!...

Claudio reut la suggestion, convaincu quil avait uniquement envie dun trait de whisky pour lui.

La pense se transmit avec rapidit, comme lusine dont le courant se dplace dune direction vers une autre, sous laction dune nouvelle prise lectrique.

Boire, boire!... et la soif dalcool fort prit corps dans son esprit. La muqueuse pituitaire saiguisa, comme si elle se trouvait plus fortement imprgne de lodeur acre qui flottait dans lair. Lassistant malicieux lui gratta doucement la gorge. Le pre de Marina se sentit inquiet. Une indfinissable scheresse resserrait son larynx. Il avait hte de se rassurer.

Lami sagace perut son adhsion tacite et se colla lui. Au dbut, il le caressait lgrement. Aprs les caresses discrtes, il ltreignit dune manire enveloppante. Et aprs ltreinte profonde vint lassociation rciproque.

Ils sintgrrent lun lautre dans une exotique suite de greffes fluidiques.

Javais tudi plusieurs reprises le passage de lEsprit dbarrass de lenveloppe charnelle par la matire paisse. Moi-mme, quand je mhabituais de nouveau au climat de la Spiritualit, aprs ma dernire dsincarnation, javais analys des impressions lors du passage machinal travers les obstacles et barrires terrestres, recueillant dans les exercices pratiqus la sensation quaurait ressentie quelquun qui aurait rompu des nuages de gaz condenss.

Mais il se produisait ici quelque chose de similaire un parfait embotement.

Claudio-homme absorbait le dsincarn limage dune chaussure qui sajuste au pied. Ils se fondaient lun dans lautre, comme sils habitaient temporairement dans un mme corps: taille identique, corpulence identique, mouvements synchrones, identification parfaite.

Ils se levrent dun seul mouvement et se mirent en mouvement, intgralement incorpors lun lautre, dans lespace troit, saisissant la flasque dlicate.

Il me fut impossible de prciser qui attribuer limpulsion initiale dun tel geste, si ctait Claudio qui avait accept linstigation ou lobsesseur qui lavait propose.

La gorge dvala le long de la gorge qui se caractrisait par une dualit singulire. Les deux alcooliques firent claquer leur langue de plaisir dans une action simultane. Le couple se spara et Claudio, dbarrass, se prparait se rasseoir quand lautre collgue, qui se tenait distance, fondit sur lui en protestant: moi aussi, mois aussi jen veux!

La suggestion qui sestompait dans son esprit se raviva. Absolument passif devant lincitation quile prenait dassaut, il reproduisit mcaniquement limpression dinsatiabilit.

Il nen fallut pas plus et le vampire, souriant, prit possession du pre de Marina, rptant le phnomne dunion totale. Incarn et dsincarn se juxtaposrent, deux pices conscientes runies dans un systme irrprochable de comprhension mutuelle.

Je mapprochai de Claudio afin dvaluer avec impartialit jusqu quel point il tait mentalement victime de ce processus de fusion. Je fus rapidement convaincu quil continuait dtre libre intrieurement. Il ne ressentait aucune forme de torture qui laurait pouss se rendre. Il hbergeait lautre, simplement, il acceptait sa prise de pouvoir et se livrait de sa pleine volont. Il ny avait trace de symbiose o il aurait pu passer pour une victime. Ctait une association implicite, un mlange naturel.

Le fait se produisait sur la base de la percussion. Appel et rponse, cordes accordes sur le mme ton. Le dsincarn suggrait, lincarn applaudissait. Lun deux tait la demande, lautre la concession.

En laissant ses propres sens se faire asservir, Claudio croyait se satisfaire et il rebroussa chemin afin daller ingurgiter une autre gorge.

Je ne me drobai pas un compte curieux: deux gorges trois.

De nouveau libr, le propritaire des lieux stendit de nouveau sur le divan et reprit son journal.

Les amis dsincarns sen retournrent dans le couloir daccs en se moquant, sarcastiques, et Neves consulta Flix avec respect sur la question de la responsabilit.

Comment situer le problme? Si nous avions vu Claudio apparemment rduit un fantoche, comment procder dans lapplication de la justice? Et si nous nous tions trouvs face un cas de criminalit au lieu dun cas divrognerie? Si la carafe de whisky avait t une arme particulire, dont le but aurait t datteindre la vie de quelquun, comment dcider? Qui aurait t coupable? Claudio qui stait soumis ou les obsesseurs qui le commandaient?

Notre frre Flix expliqua avec tranquillit:

Regarde, Neves, tu as besoin de comprendre que nous nous trouvons devant des personnes suffisamment libres pour dcider et suffisamment lucides pour raisonner. Dans le corps physique ou agissant en dehors de celui-ci, lEsprit est matre de la constitution de ses attributs. La responsabilit nest pas un titre changeant. Elle a autant de valeur dans une sphre quen dautres sphres. Dans la scne que nous avons observe, Claudio et les compagnons reprsentent trois consciences dans le mme niveau de choix et de manifestations consquentes. Nous sommes tous libres de suggrer ou dassimiler ceci ou cela. Si tu tais invit prendre part un vol, il va sans dire que tu refuserais. Mais dans lhypothse o tu participerais la calamit, en juste juge, tu ne parviendrais pas ten excuser.

Le mentor sinterrompit pour se remettre rflchir voix haute aprs quelques brefs instants:

Lhypnose est un thme complet qui rclame examens et rexamens de toutes les composantes morales qui la concernent. Lalination de la volont a des limites. Il y a des appels qui attendent sur tous les chemins. Les expriences sont des leons et nous sommes tous des apprentis. Profiter de la prsence dun matre ou suivre un malfaiteur est notre choix, choix dont nous cueillons les rsultats.

Voyant que lorienteur voulait mettre fin aux claircissements sans montrer la moindre intention dloigner les entits vagabondes qui pesaient sur ce foyer, Neves revint la charge dans le but louable que poursuit llve qui aspire complter la leon.

Il demanda lautorisation de revenir sur le sujet tout de suite, rappelant que sous le toit de son gendre, le frre Flix stait surpass dans la dfense contre ce type de personnes. Amaro, linfirmier serviable, avait t plac auprs de Beatriz pour se charger des dsincarns importuns. La chambre de sa fille tait grce cela devenue un refuge. Mais ici

Et il posa des questions sur la raison de cette orientation diffrente.

Flix manifesta dans son regard la surprise du professeur qui nattendait pas une remarque aussi subtile de la part du disciple, et il expliqua que la situation tait diffrente.

Lpouse de Nmsio entretenait lhabitude de la prire. Elle simmunisait spirituellement elle-mme. Elle repoussait sans effort toute forme-pense dessence avilissante qui lui aurait t envoye. De plus, elle tait malade, la veille de sa dsincarnation. La laisser la merci de cratures dmentes serait une cruaut. Les garanties qui lui taient concdes taient justes.

Mais et Claudio? insista Neves. Se pourrait-il quil ne mrite pas une dmonstration fraternelle de charit afin de se librer de si terribles obsesseurs?

Flix sourit franchement de bonne humeur et expliqua:

Terribles obsesseurs. a cest la dfinition que tu en donnes.

Et il poursuivit:

Claudio bnficie dune excellente sant physique. Cerveau quilibr, raisonnement sr. Il est intelligent, mr, expriment. Il ne porte aucune inhibition corporelle qui recommanderait une attention particulire. Il sait ce quil veut. Il possde matriellement ce quil dsire. Il se trouve dans le genre de vie quil recherche. Il est naturel quil reoive linfluence des compagnies quil juge acceptables. Il possde une grande libert et de prcieuses res