Significado Del Término Addiccion en Psicopatología

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Etimología de la palabra adicción

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  • 1 Psycho-e-print, 28/03/2002Ecrit le 09/10/1996

    Fernandez L., Sztulman H. (1997), Approche du concept daddiction enpsychopathologie. Annales Mdico-Psychologiques, 155(4), 255-265 (Psycho-e-print, 2002, lydia_fernandez00/approche du concept daddic, 21).

    Approche du concept daddiction en psychopathologie*

    LYDIA FERNANDEZ**, HENRI SZTULMAN***

    Rsum Lapparition du concept daddiction dans la psychopathologieimplique que nous prenions en compte ltymologie de ce terme ancien trsusit de nos jours, que nous fassions tat de son volution travers sesmutations historiques, que nous retenions ses principales dfinitions etcaractristiques et que nous explorions le champ dapplication de ce concept.Nous illustrons nos propos par le tabagisme, addiction peu tudie en

    * Cet article a t prcdemment accept et publi dans une revue avec comitde lecture de pairs. Il est publi dans psycho-e-print principalement pour lebnfice des chercheurs qui consultent la base de donnes psycho-e-print. Cettepublication suppose que les auteurs de larticle se sont assurs de lautorisationde lditeur de la revue. Psycho-e-print nassume aucune responsabilit quantau droit de copie. Annales Mdico-Psychologiques, 1997. Publi danspsycho-e-print avec lautorisation de lditeur.** Matre de Confrences en Psychologie clinique et en Psychopathologie,Universit de Provence (Aix-Marseille I). E-mail : [email protected].*** Professeur des universits en psychopathologie, Universit Toulouse II LeMirail. E-mail : [email protected].

  • 2psychopathologie, en nous centrant plus particulirement sur sa place dans lanosologie et sur ses rapports avec les autres troubles.

    Mots-cls. Addiction, Histoire, Nosologie, Psychopathologie, Tabagisme.

    The concept of addiction in psychopathology

    Abstract The adoption by psychopathology of the concept of addiction hasseveral implications: 1) the consideration of the etymological origins of theword addiction and its current overuse; 2) the examination of its meaning inhistorical and evolutive features; and 3) the recognition of its principaldefinitions, together with their idiosyncratic differences, in the investigation ofits conceptual application. This study seeks to illustrate these issues through anin-depth examination of nicotine addiction a disorder that has been broadlyneglected in psychopathological research by focusing on its nosologicalposition in relation to and its links with other disorders.

    Keywords. Addiction, History, Nosology, Psychopathology, Nicotineaddiction, Smoking.

    Etymologie

    Le terme daddiction est un vieux vocable franais trouvant sontymologie dans le terme latin ad-dicere : dire au sens de donner,dattribuer quelquun quelquun dautre en esclavage, si bien quelesclave tait ad dictus, dit tel matre. En ce sens, lalcooliqueserait celui qui est dit lalcool comme le drogu est celui qui est dit la drogue, le boulimique la faim, le joueur au jeu, le fumeur au tabac.Addico, comme verbe, signifie adjuger la personne au dbiteurcrancier.Addiction, comme substantif, indique le penchant ou lattachementdune personne quelque chose. Addict comme adjectif se rfre unepersonne encline une pratique ou partisane de conduites bien dfinies.Dans lancienne Rpublique Romaine, un addictum (addict) taitun esclave pour dette. Laddict apparat comme celui qui volontaire-ment et fatalement est destitu et ramen une condition infrieure et,comme celui qui a perdu son identit et qui a pris une identit malapproprie, parce que ctait lunique moyen possible pour payer sa

  • 3dette. Par le renoncement sa vritable identit, laddict rassurelquilibre social menac par sa virtuelle incompltude.Ainsi, laddiction dsignait, en droit romain ancien, la contrainte parcorps de celui, qui ne pouvant sacquitter de sa dette, tait mis ladisposition du plaignant par le juge. Celui qui ntait pas parvenu grer convenablement ses propres obligations, se voyait condamn payer, avec son corps et par son comportement, le manque de pertinencede ses systmes de penses et dactions. La mythologie nous propose quelques illustrations analogiques : ainsiPromthe, qui a transgress la loi divine en offrant le feu aux hommesest-il condamn par Zeus tre enchan sur le Mont Caucase et offrirson foie, ternellement, la voracit des aigles ; ainsi Atlas, coupable destre affront Zeus lors de la guerre opposant les Gants et les Dieuxse voit inflig la tche infinie de porter la vote cleste sur ses paules ;ainsi, dans un autre genre, Shylock prtendra longtemps prlever la livrede chair si le prt de trois mille ducats Antonio nest pas rembours Si vous ne me remboursez pas tel jour, en tel endroit, la sommenonce dans lacte, quil soit stipul vous perdrez une livre pesant devotre belle chair, laquelle sera coupe et prise dans telle partie de votrecorps quil me plaira (Shakespeare, Le marchand de Venise). (Sztulman, paratre).Le terme daddiction prend son acception actuelle par une extensionsmantique dont il est difficile de dmler si : a) elle porte sur lagentqui exerce la contrainte sur le corps , et alors il sagit du sujetexerant une contrainte sur son propre corps comme objet de samatrise ; b) si cette extension fait du corps propre lagent de lacontrainte sur le sujet ; c) si cette extension indique un objetextrieur la personne dont la privation exerce sa contrainteperscutive, la fois sur le corps et sur le sujet .Laccent est donc mis sur la contrainte, cest--dire sur ce phnomnecompulsif et irrpressible dont lindividu se sent la proie et sur la pertedune libert (Rigaud, Jacquet, 1994). Ce concept offre donc unemtaphore riche de sens, mettant laccent sur lexistence duneculpabilit (la dette non paye), lofficialisation de la faute (ladjucationpar le tribunal) et du prix payer (la contrainte par corps).De nos jours, la justice se montre moins svre et ce sont les sujetsparticulirement carencs et perturbs mentalement qui se condamnenteux-mmes payer par leur corps et par leur comportement le tribut de

  • 4laddiction, en accusant les autres dtre lorigine de leurs carences etde leurs inconsquences.

    Histoire

    Lapparition du concept daddiction dans la psychopathologiefrancophone correspond une mutation historique qui concerne autantla psychopathologie que la taxinomie psychiatrique. Le termedaddiction a dsign des phnomnes pour lesquels ont t utiliss lesmots de dpendance , assutude , sadonner , se vouer , se consacrer , manie ; mais aussi accoutumance , contrainte , habitude . Les conduites runies sous le termedaddiction ne se limitent pas la consommation abusive dun produit, la pratique abusive dune activit, mais renvoient des notions comme lesclavage , lalination , lemprise , le penchant , lapassion , ... Elles suggrent une ide de don de soi , de jouissance,dardeur, mais aussi de crispation, de centration et denfermement dusujet autour dun tre ou dune chose (Pdinielli, 1985). Certains ontsouhait remplacer ce terme par assutude, qui a sans doute le tort demettre laccent sur lhabitude et sur laccoutumance au dtriment de lanotion de don de soi qui reste prsente dans addiction .Ce terme daddiction est employ pour rendre compte duncomportement de dpendance dsign en franais sous le terme detoxicomanie, de toxicophilie ou de recherche de la dpendance.Finalement, laddiction correspond lextension du terme servant dsigner les toxicomanies dautres comportements que Fnichel(1945) nommait les toxicomanies sans drogue . Le terme daddictiontait utilis par Fnichel pour regrouper diverses conduites impulsivespathologiques et signifier lurgence du besoin de les satisfaire, ainsi quelincapacit finale de toute tentative de parvenir la satisfaction.Le terme daddiction ou de conduite addictive cherche prendre encompte la diversit de lvolution de conduites toxicomaniaques (ausens large) qui ont vu leur prvalence augmenter de faon considrableau cours des dernires annes et dborde largement le cadre destoxicomanies classiques et de lalcoolisme, en recouvrant de son ombrede nouveaux pans : troubles des conduites alimentaires, jeuxpathologiques et, comme les dnonait dailleurs Descombey, les jeuxde hasard dont les intoxiqus sabreuvent chez les buralistes, ainsi que

  • 5les outrances de la sexualit baptises addictions sexuelles et encore les accrocs du travail , que certains ont pu assimiler auxnormopathes.Dans ce contexte, aprs une longue priode de sparation des diffrentesconduites de dpendance, la notion daddiction opre un regroupement la fois descriptif, thorique, thrapeutique et institutionnel (unitsspcialises de traitement des addictions). Lintroduction de ce terme ale mrite de promouvoir une approche globale de troubles et de patientstrop souvent cloisonns, au gr des clivages administratifs etthrapeutiques plus ou moins dpasss et centrs avant tout sur la naturedes produits, plutt que sur la problmatique de ceux qui sy adonnent.

    Dfinitions et caractristiques de laddiction

    Il existe une multitude de dfinitions du mot addiction. Elles sontutiliss pour dcrire une grande varit de comportements allant duneforte habitude une compulsion intense. Dans le domaine destoxicomanies, laddiction sert dsigner des conduites deconsommations excessives, transgressives, rgressives et compulsivesdont linduction, le maintien et la frquence sont hors de porte descapacits de contrle de lindividu. Ni structure, ni modlepsychopathologique, laddiction se prsente comme un champ dedysfonctionnements psychiques induisant des comportements erratiquesdans les registres les plus divers : dans la sphre orale, prise de droguesillicites ou licites (psychotropes), consommation excessive dalcool, decaf, de tabac voire de sucre (se rapporter la campagne rcente desaccarophobie aux Etats-Unis dAmrique), et plus largement,pathologies des conduites alimentaires ; dans la sphre comportemen-tale, pratique outrancire ou usage abusif du travail, de la sexualit, dujeu qui stigmatisent une perversion de lextrme (...) ; au plus prs denous il convient dvoquer une dpendance jamais releve, soitlapptence inassouvissable vis--vis de la psychanalyse, quil sagissedes patients ou des praticiens (Sztulman, paratre). Laddiction estsouvent accompagne dune tolrance certains effets de la drogueabuse et surtout dune dpendance dont lexistence se manifeste par unsyndrome de manque aprs sevrage non accompagn.Le Websters New International Dictionary dfinit laddiction comme lusage compulsif effrn dune habitude dveloppe par les drogues

  • 6et laddict est celui qui manifeste un dsir intense irrpressible pourune drogue addictive et qui lutilise par habitude (Warburton, 1985).Par contraste, le Concise Oxford Dictionary dfinit un addict comme une personne accroc par habitude et particulirement dpendantedune drogue spcifique (Warburton, 1985). La dfinition duWebsters New International Dictionary insiste sur la dimensioncompulsive de laddiction, mais ne mentionne pas la notion dedpendance. Mme si la dfinition du Concise Oxford Dictionary metlaccent sur la dpendance la drogue, elle ne mentionne pas le dsirintense et irrpressible pour la drogue. Nous verrons que Goodman(1990) donne une dfinition de laddiction qui se trouve tre unesynthse de la dpendance et de la compulsion.Le Grand Dictionnaire Larousse de la Psychologie (1992) insiste sur leversant psychogne des toxicomanies, de la toxicophilie ou de larecherche de dpendance. Il dfinit laddiction comme une relation dedpendance alinante . Le sujet ne sappartient plus au point quon apu le dire et/ou quon serait tent de le dire alin . Mais il noussemble quon ne peut pas assimiler laddiction lalination mentale.Lalin est devenu tranger aux yeux des autres alors que le dpendantest un semblable auquel il est possible de sidentifier. Laddictionmarque une relation de dpendance contraignante et non pas alinante.Laddiction est cette relation contraignante qui se noue entre unindividu et un objet , le caractre spcifique et singulier de cet objetpour cet individu, la qualit du lien qui sinstaure, ainsi que lesconduites individuelles qui en procdent, apparaissent comme autant dedfis la Raison, provoquant chacun en lucider les raisons, soit laquestion tiopathognique (Rigaud, Jacquet, 1994).D. M. Warburton (1989) explique que le terme addiction tait utilis lorigine pour dsigner tout penchant assez fort lgard de conduitesquelles fussent bonnes ou mauvaises. Et cest seulement au XXe sicleque certains modles dutilisation de drogues ont t rpertoris sous leterme addiction . Ce terme implique une utilisation de droguesindsirables et gnralement illgales. Dans le mme esprit, le terme addict a perdu son sens dnotatif dindividus engags danscertaines habitudes et on lui attribue la connotation de maladie. Leconcept de maladie appliqu la consommation de drogue impliquelinfluence dun mcanisme physiologique daddiction , cest--direque le sujet est la merci dun dsir intense physiologique. La rechute

  • 7est le symptme dune maladie qui fait sa rapparition. Cependant lamaladie nest pas juste physique, elle est aussi une maladie du contrlepulsionnel, soit une forme de psychopathologie. Cet auteur souligne ladiffrence maladie physique ( physiologique ) / maladie mentale ( ducontrle pulsionnel ), qui recouperait celle entre dpendance physiqueet dpendance psychique.La littrature scientifique est riche en dfinitions mdicales. Quatretypes de dfinitions sont notre disposition :1) Celles faisant de la dpendance physique la caractristiqueessentielle de laddiction. Ces dfinitions identifient les consquencesde lusage de la substance ayant servi de prototype laddiction,incluant les tats de tolrance, de manque et de dsir intense pourapaiser les symptmes aversifs. Dans ces dfinitions, laddictioncaractrise par une crasante subordination la drogue et un usagecompulsif de drogues survient pour soulager la dtresse du manque.2) Celles qui commencent sintresser la dimension psychique de laconduite addictive. Elles considrent les critres physiques commefaisant partie des caractristiques possibles de laddiction, mais insistentsur les critres psychologiques et/ou comportementaux de la conduiteaddictive. Dans ces dfinitions, laddiction est un processus patho-logique qui affecte la sant physique, mais surtout mentale,motionnelle, qui perturbe la vie familiale du consommateur, qui altreles relations interpersonnelles et compromet les relations de travail. Lescaractristiques essentielles de laddiction concernent la perte de lamatrise de soi (perte de contrle), ladaptation comportementale unesubstance, limportance du mal pour le consommateur et pour lasocit, et pas seulement la dpendance physique.Il semble, au vu de ces dfinitions, que la distinction dpendancephysique et dpendance psychique soit pose des fins de convenancepour dcrire des tats qui varient dune situation une autre et dans deslimites particulires.3) Celles se proccupant la fois de la dpendance physique et de ladpendance psychique. Llment commun toutes les drogues licitesou illicites parat tre la dpendance soit psychique, soit physique ou lesdeux la fois. Laddiction apparat comme un tat dintoxicationproduit par la consommation rpte dune drogue (naturelle ou desynthse). Ses caractristiques incluent : un irrsistible dsir ou besoin(compulsion) continuer prendre la drogue et se la procurer par

  • 8nimporte quel moyen ; une tendance augmenter la dose ; unedpendance psychique (psychologique) et gnralement une dpendancephysique aux effets de la drogue ; et un effet nuisible pour lindividu etpour la socit.4) Celles ne faisant aucune distinction entre la dpendance physique etla dpendance psychique. Sur cette base, les auteurs proposent unedfinition de laddiction se rfrant aux modles de la dpendance. Leterme est utilis pour distinguer les personnes addictes secaractrisant par des pertes de contrle, de celles dpendantes desdrogues, mais qui peuvent y recourir sans perte de contrle, du moins audbut. Ils insistent sur le terme de potentiel addictif dune drogue oudun objet-drogue, qui se rfre la propension de cet objet-drogue produire la dpendance chez ceux qui lutilisent. La nicotine, parexemple, a un fort pouvoir et/ou potentiel addictif. Parmi le grandnombre de fumeurs, seulement une petite minorit peuvent utiliser letabac avec modration.La dfinition opratoire de laddiction de Goodman (1990), retenue parbon nombre dauteurs parce quelle offre une facilit dintgration auxtroubles appartenant aux addictions, ne fait pas de distinction entre ladpendance physique et psychique. Addiction , terme employ dunemanire descriptive, dsigne la rptition dactes susceptibles deprovoquer un plaisir, mais marqus par la dpendance un objetmatriel ou une situation et consomms avec avidit . Goodmandcrit laddiction comme un processus dans lequel est ralis uncomportement qui peut avoir pour fonction de procurer du plaisir et desoulager un malaise intrieur, et qui se caractrise par lchec rpt deson contrle et sa persistance malgr des consquences ngativessignificatives . De cette dfinition, nous retenons que ce nest pas letype de comportement, sa frquence, son acceptabilit sociale quidterminent si un modle comportemental a les qualits requises pourlgitimer le terme daddiction. Cest la faon dont le modlecomportemental atteint la vie de la personne qui importe. Laddictionreprsente ici une srie de relations entre un modle comportemental etcertains processus ou aspects de la vie de la personne. Goodmanpropose une critriologie pour le diagnostic du trouble addictif, quipermet de mettre en vidence cette srie de relations :A- Impossibilit de rsister aux impulsions raliser ce type decomportement.

  • 9B- Sensation croissante de tension prcdant immdiatement le dbut ducomportement.C- Plaisir ou soulagement pendant sa dure.D- Sensation de perte de contrle pendant le comportement.E- Prsence dau moins cinq des neuf critres suivants :

    1- Proccupation frquente au sujet du comportement ou de saprparation.2- Intensit et dure du comportement plus importantes quesouhaites lorigine.3- Tentatives rptes pour rduire, contrler ou abandonner lecomportement.4- Temps considrable consacr prparer le comportement, lentreprendre, ou se remettre de ses effets.5- Survenue frquente du comportement qui empche le sujetdaccomplir les obligations professionnelles, scolaires, universitaires,familiales ou sociales.6- Activits sociales, professionnelles ou rcratives sacrifies du faitdu comportement.7- Perptuation du comportement bien que le sujet sache quil causeou aggrave un problme persistant ou rcurrent dordre social,financier, psychologique ou physique.8- Tolrance marque : besoin daugmenter lintensit ou lafrquence pour obtenir leffet dsir, ou diminution de leffet procurpar un comportement de mme intensit.9- Agitation ou irritabilit en cas dimpossibilit de sadonner aucomportement.

    F- Certains lments du syndrome ont dur plus dun mois ou se sontrpts pendant une longue priode.

    Ces critres sont, lvidence, trs marqus par les approchesdescriptives et comportementales de la psychiatrie anglo-saxonne. Ilsnen permettent pas moins un reprage prcis de lensemble despathologies addictives, dont lobjet alatoire sefface au profit dunedescription pragmatique de la relation daddiction et de sesconsquences. Pourtant, malgr cette description trs stricte, nouspouvons dire quil ny a pas de smiologie prcise de laddiction,puisquelle se dfinit, non comme un trouble spcifique, mais comme

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    une classe gnrique de phnomnes qui intgrent des comportementsantrieurement distincts.Cette description nest pas suffisante pour dlimiter clairement la placede cette catgorie dans la nosographie et dans lextension de son champ(quels comportements y inclure ?). De plus, elle pose un problmepistmologique et mthodologique : le groupe des addictions conucomme une classe syndromique regroupant une srie dautres troubles,soppose aux prcdentes classifications en runissant des troublesactuellement disperss. En tant que concept, lorganisation addictive vise expliquer certains comportements diffrents en leur supposant unprocessus commun. Elle soppose aussi aux typologies classiques(nvrose, psychose, perversions, tats-limites) qui concernent plus lesujet que le comportement.On remarque des diffrences entre la dfinition de laddiction par lesconceptions syndromiques et celle issue des thories psychopatholo-giques : le mme vocable ne dsigne pas exactement les mmes choses ;tous les usages de drogues ne sont pas des addictions puisque certainsusages ne rpondent pas aux critres de Goodman ; le terme daddiction,dun point de vue psychopathologique, renvoie des comportementstoxicomaniaques dans lequel apparat un mode singulier de restitutiondune identit dfaillante et un type de fonctionnement psychiqueparticulier (Pdinielli, et al. 1996).De cet examen gnral, nous retenons que le terme daddiction estdifficile dfinir, certainement parce que ce trs large conceptsapplique une grande varit de comportements. Le conceptdaddiction a t critiqu la fois au sein et en dehors des disciplines desant mentale sur un grand nombre de plans. Les critiques les plusvirulentes concernent lutilisation mme du terme : il a souvent tutilis dans le pass sans vritable essai de dfinition scientifique ; lesconnotations du terme : elles sont floues, moralistes, mal appropries la recherche scientifique ; les imprcisions du terme : les dfinitionsproposes sont vagues, redondantes ; le contenu informatif du terme : ilnajoute aucune information qui ne soit dj transmise par le concept dedpendance. En rfrence Goodman (1990) et Warburton (1985),nous admettons que le terme ou le concept que laddiction possde uneutilit scientifique sil rencontre les critres suivants : a) sa dfinitionpeut tre prcise par rfrence des termes ou des conceptsgnralement accepts comme valables au sein dune discipline

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    donne ; b) il dsigne linformation (ou le niveau dinformation) quinest pas dj reprsente dans cette discipline par dautres termes ouconcepts ; de plus, c) sa dfinition doit tre pleine de sens et clairementfonde sur le registre conceptuel de la psychopathologie scientifique ettre davantage que simplement synonyme dautres termes psychiatri-ques.Au terme de lexamen de ses diffrentes dfinitions, il nous semble quilny a pas de consensus concernant la dfinition du terme daddiction. Ceterme a souvent t dfini pour sajuster aux substances auxquelles leschercheurs se sont intresss tant dun point de vue physiopathologiqueque dun point de vue psychologique et/ou psychopathologique.

    Place de laddiction dans la nosologie

    Lintention de Goodman (1990) est de formuler en termes gnraux (etnon pas restreints un comportement particulier) une liste de critresdiagnostiques pour une catgorie hirarchiquement sur-organisatrice quisubsumerait les troubles addictifs individualiss. Mais, malgrllargissement quapporte la notion intgrative dorganisationaddictive , le concept daddiction nest pas prsent dans lesclassifications actuelles de la CIM-10 et du DSM-IV. Nous constatonsque la plupart des comportements addictifs sont isols et ne sont pasclasss dans les mmes rubriques.Dans le DSM-IV, lalcoolisme, le tabagisme et la toxicomanie fontpartie des troubles lis lutilisation de substances. Le tabagisme, parexemple, se trouve dans une sous-rubrique de la rubrique troubles lis lutilisation de substances, troubles lis la nicotine. Dans les troubleslis la nicotine, nous distinguons : les troubles lis lutilisation denicotine avec la dpendance la nicotine et les troubles induits par lanicotine (sevrage la nicotine, trouble li la nicotine, non spcifi).Lanorexie et la boulimie sont situes dans les troubles delalimentation, et le jeu pathologique appartient aux troubles du contrledes impulsions.Les autres comportements (kleptomanie, pyromanie, trichitillomanie),qui appartiennent aussi aux troubles du contrle des impulsions nonclasss ailleurs, sont trs rarement considrs comme des addictionsalors que les caractristiques de ces troubles sont trs proches de cellesdes addictions (impossibilit de rsister limpulsion daccomplir un

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    acte dommageable pour soi ou pour autrui, sensation de tension oudexcitation croissante avant la ralisation, sentiment de plaisir ou degratification au moment de lacte). Seule la kleptomanie est quelquesfois mentionne avec les achats pathologiques. En rfrence Pdinielliet al., (1996), nous admettons que labsence de dpendancephysiologique (atteste par un syndrome de sevrage) peut expliquercette position, mais plus que les critres smiologiques, ce sont sansdoute des positions psychopathologiques qui prsident loubli de cestroubles .Dans la CIM-10, nous retrouvons approximativement les mmesregroupements. Les troubles appartenant aux addictions sont rpartisdans des rubriques distinctes. La catgorie de la CIM-10 autres troublesdes habitudes et des impulsions peut recueillir certaines des addictionsnon rpertories. Le tabagisme, par exemple, est situ dans la rubriquetroubles mentaux et troubles du comportement lis lutilisation desubstances psycho-actives et particulirement dans la section troublesmentaux et troubles du comportement lis lutilisation de tabac, avecdes sous-sections de rfrence comme utilisation nocive pour la sant,syndrome de dpendance, syndrome de sevrage. Nous remarquons queles autres classifications syndromiques ou psychopathologiques ne fontaucune place ces deux groupes troubles du contrle des impulsionsnon classs ailleurs et autres troubles des habitudes et des impulsions,parce quil existe encore une opposition entre un usage descriptif et unusage nosologique tiologique, entre les avances de certainspsychopathologues et la ralit des classifications (Pdinielli et al.,1996), entre une perspective diagnostique et une perspectivepsychopathologique.Notons aussi que labsence dune unification du concept daddictiondans la nosographie limite la porte des tudes pidmiologiques. Ladfinition de certaines addictions (addictions sexuelles et suicidantes)rend trs difficile leur dnombrement prcis. Les tudes pidmiologi-ques confondent parfois lusage et laddiction. Il ny a pas derecouvrement strict entre certaines catgories trs inclusives (abus etdpendance certaines substances par exemple) et laddiction, ce quirend les chiffres approximatifs malgr une connaissance du nombre dessujets sadonnant tel ou tel type de comportement.

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    Les rapports de laddiction avec les autres troubles

    Un des problmes poss par laddiction rside dans ses rapports avec lesautres troubles prsents chez le sujet : laddiction est-elle primaire,symptomatique dune autre affection ou associe une autrepathologie ? La plupart des auteurs pensent que laddiction est untrouble primaire, non rductible un autre, mais qui est frquemmentassoci certains troubles (co-morbidit). Dans la nosologie,lautonomie dun trouble prvaut par rapport aux autres troublesmentaux, ce que la classification du DSM-IV spcifie par la formule Non d . Le trouble est une entit qui ne se rduit pas une autre(critre de non redondance) et qui nest pas la consquence directedune autre (critres dautonomie) do lintrt de sa dfinition.La plupart des addictions sont accompagnes de troubles de lhumeur(alcoolisme, toxicomanies, boulimie, jeu, tabagisme, ...). Dans letabagisme, les troubles de lhumeur associs un arrt brutal donnantlieu un syndrome de manque, sont essentiellement une humeurdysphorique ou dpressive, une irritabilit, un sentiment de frustration etde colre. On peut aussi voir des troubles anxieux chez les alcooliqueset les fumeurs. Les fumeurs disent que la cigarette les soulage desmanifestations danxit qui ne sont pas assez importantes pour amener consulter un spcialiste, et le DSM-IV dcrit des troubles qui nontgure de rapport avec elles. Il ne parle que dattaques de paniques,dagoraphobie et de phobies diverses, en particulier les phobies sociales.Trs curieusement, les angoisses thme somatique ou psychologique,hantise globale et diffuse de maladies phobognes, cancer, sida,infarctus, ou dune perte defficacit psychique, mnsique, les craintesdaccidents, dagressions, qui tourmentent beaucoup de sujets, ne sontpratiquement pas abordes par le DSM-IV, et entreraient plutt pour lesclassificateurs dans le cadre des proccupations hypocondriaques, bienquelles expriment souvent davantage les craintes du sujet pour sesproches que pour lui-mme.La cigarette joue un rle de nature anxiolytique. Fumer ou prisersoulage lanxit provoque par la recherche de la solution sous lapression dune rcompense promise. De nombreuses chelles chellede Hamilton, chelle de Covi, FARD (Ferreri Anxiety Rating Diagram),HAD (Hospital Anxiety Depression Score) ont t tablies pour tenterde mesurer lanxit et certaines chelles ont t spcialement conues

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    pour ltude du tabagisme. On trouve encore des troubles de lapersonnalit (personnalit limite chez les boulimiques, anti-sociale chezles joueurs, les toxicomanes, personnalits narcissiques chez lesfumeurs ?). Les fumeurs qui continuent fumer malgr laversion pourla nicotine auraient certains traits de personnalit qui lesprdisposeraient dvelopper une dpendance (hypothse duneractivit diffrentielle aux effets de la nicotine). Les premiresrecherches sur la personnalit des fumeurs se sont surtout penches surlimpulsivit, lextraversion, les tendances anti-sociales, lapsychopathie, ... Pour dterminer si le tabagisme peut faire partie destroubles addictifs de la personnalit, il est ncessaire de se penchersur les diffrences individuelles, sur les relations entre les diffrentstypes de comportements tabagiques et sur ce qui est recherchpsychologiquement et physiologiquement dans le tabac.Pour de nombreux auteurs, les personnes prsentant une addictionmanifestent souvent un trouble associ. Pour Sztulman ( paratre), ilexiste un lien entre personnalit limite et addiction, les toxicomanessinscrivent massivement dans laxe narcissique, par dfaillances desrgulations narcissiques (Brusset) et finalement appartiennent laclasse des organisations ou tats-limites .... Au sein de notre centre derecherches, nous travaillons sur lhypothse, en cours dvaluationempirique dans plusieurs oprations de recherches et thses dulaboratoire, que lorganisation addictive est une des sous catgories delorganisation tat-limite.Les concepts de compulsion , impulsion et de dpendance ,font rfrence des situations o le terme daddiction peut aussi treemploy. Les termes de compulsion et dimpulsion soulignent une force laquelle le sujet peut difficilement rsister et restituent la dimension debesoin, de perte de contrle et de rptition. Ils soulignent la dimensionactive de laddiction (sadonner ). Le niveau de lopposition entre lalutte pour produire le comportement (compulsion) et labsence decontrle et de prise de conscience aprs le geste (impulsion) traduit lesdiffrences cliniques existant entre diffrents comportements addictifs.Lexemple du tabagisme nous permet dillustrer ce qui prcde. Fumerpeut devenir compulsif : la rumination obsessionnelle est bien srabsente de la consommation compulsive de tabac, mais la submersiondune rsistance interne peut, elle, tre l ; le fait que lintentionexprime (souvent sincrement) par le fumeur darrter de fumer soit

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    rgulirement submerge par le besoin dune nouvelle cigaretteprsente, de toute vidence, des analogies avec dautres formes decomportements compulsifs. Le concept de dpendance, quant lui,souligne une dimension passive : tre sous la domination de,appartenir , faire partie de quelque chose, subordination, sujtion,soumission, assujettissement, asservissement, chane, esclavage,obdience, obissance, servitude ; mais aussi corrlation,enchanement, interdpendance, liaison, solidarit ; mais encore coupe, empire, joug .Le terme de dpendance est utilis en psychiatrie pour dsigner dessituations de dpendance une substance, des traits de personnalit(personnalits dpendantes, passives dpendantes, ...) dont la passivit,la non assomption de solitude, la peur ou la phobie de labandon sontdes caractristiques majeures. Le terme de dpendance est pratique pourles non-spcialistes, mais sert dsigner des situations originales dedpendance pour lesquelles les termes employs sont souvent errons.Le fumeur peut tre psychologiquement et/ou physiologiquementdpendant du tabac. Nous considrons qu partir du moment o lebesoin nest plus dict de lextrieur (cest--dire par le dsirdimitation, par la reconnaissance du groupe des pairs, par lareconnaissance sexuelle), mais de lintrieur (stade dintriorisation dubesoin aux alentours de quinze ans), la dpendance sinstalle avec lessatisfactions du plaisir oral renforc par le besoin pharmacologique de lanicotine ou dautres substances actives du tabac et par la pression deshabitudes. On fume seul, rgulirement, un peu tous les jours et laconsommation augmente. On ressent le manque si lon cherche lacontrler. Le pige sest referm.Les addictions offrent aussi une parent avec les conduites risque caractre pathologique et la recherche de sensations. Pour Ads (1994),les conduites risque impliquent lengagement dlibr et rptitifdans des situations dangereuses, pour soi-mme et ventuellement pourautrui, comportement non impos par des conditions de travail oudexistence, mais recherch activement pour lprouv de sensationsfortes, du jeu avec le danger et souvent, la mort . Parmi cescomportements, il classe les sports risque , la conduite automobile risque , les tentatives de suicides rptes, les addictions sansdrogues , la toxicomanie, les conduites sexuelles risque , laroulette russe. Cette catgorie de troubles est donc en intersection avec

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    les addictions. Cest le rapport fascin du sujet au risque qui fait quuncomportement devient risque et cest la dpendance qui fait de certainsde ces comportements une addiction.De nombreuses tudes ont t consacres lusage du tabac et au gotdu risque. Kohn et Annis (1977) ont mis en rapport les modles deconsommation des drogues (y compris le tabac) avec une srie deparamtres mesurant le dsir de nouveaut . Ils ont tabli avec cettetude quil y avait plus de fumeurs que de non-fumeurs parmi lesindividus obtenant des scores levs sur une chelle destine mesurer la recherche interne de sensations indiquant un got prononc pour lesides fantasques inhabituelles, les rves et les expriences perceptives .Pour Carton (1995), reprenant la dfinition de Zuckerman (1990), larecherche de sensations est un trait de personnalit caractris par lebesoin dexpriences et de sensations varies, nouvelles et complexes etla volont de sengager dans des activits physiques et sociales risques,expriences recherches pour elles-mmes . Ce trait de personnalit at reli dans de nombreuses tudes des addictions (consommation dedrogues illgales plus qu la consommation dalcool, avec uneprfrence pour les drogues stimulantes).Les corrlations entre tabagisme et recherche de sensations ont dabordt montres chez les hommes (Von Knorring, Oreland, 1985), ensuitedans les deux sexes (Zuckerman et al., 1990) ou chez les femmesuniquement (Labouvie et al., 1986). La mesure de la recherche desensations a t ralise laide dune chelle de recherche desensations dcrivant une multiplicit de comportements, de gots, derecherches de stimulations fortes, a priori censs procurer dessensations fortes chez le sujet. Elle est compose de 72 items choix-forc (forme IV), regroups en cinq facteurs (F) : Gnral, Recherche deDanger et dAventure, Recherche dExpriences, Dsinhibition,Susceptibilit lennui. Les corrlations entre recherche de sensationset dpendance pharmacologique (indice de Fagerstrm) ont t montrespar Carton et al. (1992b) chez les femmes avec le (F) Gnral, le (F)Expriences et le (F) Dsinhibition et chez les hommes avec le (F)Gnral, le (F) Danger-Aventures et le (F) Dsinhibition de lchelle derecherche de sensation de Zuckerman. Les corrlations entre recherchede sensations et styles du tabagisme ont t montres par Carton et al.(1992a). Chez les femmes, le facteur tabagisme dpendant estcorrl significativement avec les cinq facteurs de recherche de

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    sensations (le (F) Gnral, le (F) Danger-Aventures, le (F)Dsinhibition, le (F) Expriences, le (F) Ennui de lchelle de recherchede sensations de Zuckerman). Chez les hommes, les tabagismesstimulant et psychosocial sont corrls avec le (F) Dsinhibition.

    Le champ du concept daddiction

    Le concept descriptif daddiction dsigne un champ : il sagit deconduites humaines dites pathologiques appelant privilgierlapproche psychologique (Rigaud, Jacquet, 1994) et plusparticulirement celui des conduites caractrises par des actes rpts,dans lesquels prdomine la dpendance une situation ou un objetmatriel, qui est recherch et consomm avec avidit (Pdinielli etal., 1987). Cest bien la psychopathologie qui se trouve alors convoqueet peut, en effet, rpondre : la notion de dpendance implique commetoute notion, son contraire, savoir lindpendance ; la notiondaddiction, pour sa part, implique celle dun lien contraignant commelont soulign Rigaud et Jacquet (1994) ; ensemble, ces notions obligent penser la problmatique plus gnrale de la sparation et sont aptes,comme nous le verrons, fournir des modles psychopathologiquesrecouvrant des phnomnes cliniques fort diffrents (dont la liste estvariable selon les auteurs).Si le noyau est constitu par les toxicomanies, le terme daddiction peuttre tendu dautres comportements et son champ dapplication nepeut se limiter lalcoolisme ou la toxicomanie. La boulimie, le jeu(gambling), la toxicophilie, certaines formes de sexualit, les tentativesde suicide, le tabagisme, les pharmacodpendances, constituent lespremires conduites propos desquelles le terme de conduiteaddictive a pu tre justement employ (Pdinielli, 1985). Le domainedapplication du concept est donc particulirement large et ne rpondpas au souci de prcision que lon pourrait attendre dune dmarchetaxinomique. Le concept dsigne la fois la proximit de certainesconduites et leur possible coexistence ou succession chez un mmesujet.Il y a un champ de laddiction parce que le terme daddiction vise constituer une classe gnrique de phnomnes pathologiques englobantplusieurs types de comportements appartenant aux addictions,comportements dj reconnus par ailleurs (Pdinielli, 1991). La

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    constitution de ce champ ne sopre pas sans poser dimportantsproblmes thoriques et mthodologiques :1) le premier problme pos par laddiction concerne lintrt dinclurede nouveaux objets dans son champ dapplication : si lon suppose uneforme particulire de processus dans les comportements addictifs, le faitde considrer une conduite (le jeu, par exemple) comme une addiction,doit alors entraner un renversement de problmatique permettantdentendre autrement les sujets. Sur le plan conceptuel, la notiondaddiction na donc de pertinence quen raison de la possibilit derapprocher, voire dunifier des pathologies qui paraissent, premirevue, dissemblables. Lintgration de certaines automutilations ou destentatives de suicide itratives dans la mme classe que le jeu ou laboulimie, ne peut constituer quun retournement de perspectiveparticulirement fcond auquel le concept dordalie donne toute sapertinence. Toute tentative dtablir une problmatique commune peutalors constituer une dmarche cohrente et stimulante.2) le second problme a trait aux laborations thoriques qui donnent auconcept son intrt clinique (Pdinielli et coll., 1987). On peut estimerque, dans lanalyse des conduites, trois dmarches thoriques sontparticulirement enrichissantes :a. La premire dmarche vise constituer, partir de lobservationclinique, une conduite en paradigme ou en systme dinterprtation enprocdant par analogie, puis en donnant aux mcanismes de la premireentit une fonction dquation gnrique qui fait apparatre, parfois demanire contradictoire, des hypothses explicatives concernant lesautres conduites. Autrement dit, cette dmarche thorique consiste produire un modle du comportement en cause, en lui donnant uneradicale spcificit ; cest le cas dOlievenstein (1982), propos de latoxicomanie. Le savoir clinique intervient alors comme renversement deperspective et comme production de la singularit duncomportement : lanorexie nest pas lhystrie, la compulsionboulimique nest pas la nvrose obsessionnelle.b. La seconde dmarche consiste privilgier les diffrences entre deuxconduites et souligner les spcificits de chaque objet en insistant parexemple sur les singularits de la problmatique toxicomaniaque.Brusset (1984) montre, sans ramener pour autant lanorexie laboulimie, par exemple, comment le fantasme boulimique et le

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    fantasme toxicomaniaque sont au cur de la problmatique delanorexie. Les parents et les diffrences servent de guides au clinicien.c. La troisime dmarche, enfin, consiste regrouper diffrentscomportements autour dun phnomne commun, par la mise envidence dune problmatique et/ou dune conomie commune, donc privilgier un axe suppos pertinent, puis organiser autour duneorganisation pathologique constitue par certains processus prcis, voireune tio-pathognie unique, un ensemble de conduites cliniquementdiffrentes (Pdinielli, 1985 ; Pdinielli et al., 1987).Les concepts dordalie de Charles-Nicolas, daddiction de MacDougall,de pratiques de lincorporation de Gutton, tendent vers cette derniredmarche, dont la particularit est de dgager, dans la clinique desconduites, certaines formes dorganisations non figes, qui respectent laspcificit des comportements concrets et permettent danalyser, travers ces disparits, un phnomne particulier (la dpendance parexemple). Cette dernire dmarche a conduit certains auteurs tendrela notion daddiction dautres comportements cliniquement loigns.Cette perspective guide nos oprations de recherche, en rfrence lorganisation-limite.

    En conclusion, nous pouvons dire que le concept daddiction vientsoutenir la psychopathologie de la dpendance en accordant une placecentrale lindividu, son moi et sa conduite inadapte. Lapsychopathologie est la discipline qui tudie le corps psychique malade et de ce fait elle est inscrite dans le champ mdico-psychologique.

    Rfrences

    1. Ads, J. (1994), Conduites de dpendances et recherches desensations. In Dpendance et conduites de dpendance, Paris,Masson, 147-166.

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    4. Carton, S., Jouvent, R., Widlcher, D. (1992b), Tabagisme etrecherche de sensations : modulation du niveau dactivation ?Psychologie Franaise, 37-3-4, 291-298.

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    10. M.V. (1992), addiction . In Le Grand Dictionnaire de laPsychologie, Larousse, Paris.

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    14. Pdinielli, J. L. (1991), Statut clinique et pistmologique duconcept daddiction. In Les nouvelles addictions, Paris, Masson, 43-53,.

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    16. Rigaud, A., Jacquet, M. M. (1994), Propos critiques sur les notionsdaddiction et de conduites de dpendance Entre lieu commun etchimre. In Dpendance et conduites de dpendance, Paris, Masson,38-60.

    17. Shakespeare, W., Le marchand de Venise. Traduction de J.Grosjean.

    18. Sztulman, H. ( paratre), Entre addiction et ordalie, lestoxicomanes, Adolescence.

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    19. Von Knorring, L., Oreland, L. (1985), Personality traits andmonoamine oxydase in tobacco-smokers. Psychology Medicine, 15,327-334.

    20. Warburton, D. M. (1985), Addiction, dependence and habitualsubstance use. Bulletin of the British Psychological Society, 38,285-288.

    21. Warburton, D. M. (1989), Is Nicotine Use an Addiction. ThePsychologist: Bulletin of the British Psychological Society, 4, 166-170.

    22. Zuckerman, M., Ball, S., Black, J. (1990), Influences of sensationseeking, gender, risk appraisal, and situational motivation onsmoking. Addictive Behaviors, 15, 209-220.

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