18
173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction L’opposition entre la filière forêt-bois et le monde des hommes est aujourd’hui reçue comme une évidence ("Moins on intervient dans les forêts, mieux elles se portent" dit-on), bien que cela contredise l’expérience des générations de ruraux qui nous ont précédés. Cette divergence est pourtant remise en question par les progrès récents de la connaissance de l’humanité aux stades anciens de son développe- ment. Ils font apparaître nos lointains ancêtres, non plus comme les représentants d’une espèce furtive pesant peu sur le devenir des éco- systèmes, mais comme les maîtres de larges territoires, et ceci depuis bien des milliers d’années. Il est légitime d’en déduire que les sociétés humaines, loin de se can- tonner au rôle de perturbatrices d’espaces arborés immémoriaux, ont été des agents de premier plan qui ont modelé, dès l’origine, les formes que les forêts ont revêtues. Ce n’est d’ailleurs pas d’une humanité indif- férenciée dont il s’agit. La formule de l’historienne Andrée CORVOL « La forêt est le miroir de la société » exprime la dépendance intrinsèque des physionomies forestières par rapport aux caractères spécifiques des groupes humains qui en usaient. 0n a montré qu’à divers stades de développement des populations humaines, stades définis par leur capacité de production de biens et services (PIB par habitant) et le nombre d’hommes au kilomètre carré, les espaces arborés prennent des consistances faciles à reconnaître. Les étendues où dominent les arbres ont pu ainsi être réparties entre des forêts de subsistance, des forêts industrielles, des futaies réglées à bois d’œuvre et une dernière catégorie qui regroupe les forêts sanctuaires et les forêts friches. La durabilité d’un modèle forestier dépend du temps de séjour de la société maîtresse des lieux dans le stade de développe- ment qui lui a donné naissance. Notre ami Jean-Pierre Léonard, avait “commis”, il y a quelques temps, dans la Revue du GREF, un article très intéressant sur l’économie forestière et les transformations de la société française depuis la Renaissance. Je lui avais demandé l’autorisation de le publier dans notre Revue, mais il a préféré rédiger un nouvel article, plus “méditerranéen” et je lui en suis très reconnaissant, car je me suis régalé ! Après une première lecture, j’ai cru bon de demander à mon ancien complice et spécialiste en la matière, Jean de Montgolfier, que beaucoup d’entre vous connaissent bien, son avis sur le sujet. Croyez-moi, je n’ai pas été déçu, non plus !… Je pense, d’ailleurs, que ces textes viennent à point nommé pour nous aider tous, à préparer notre prochain Foresterranée 2005… Mais si certains veulent réagir tout de suite, le “Courrier des Lecteurs” leur est largement ouvert. À vos claviers ! G.B.C. forêt méditerranéenne t. XXV, n° 3, novembre 2004

Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

173

Sociétés et espaces arborésdans le Midi méditerranéen

par Jean-Pierre LEONARD

Introduction

L’opposition entre la filière forêt-bois et le monde des hommes estaujourd’hui reçue comme une évidence ("Moins on intervient dans lesforêts, mieux elles se portent" dit-on), bien que cela contredisel’expérience des générations de ruraux qui nous ont précédés. Cettedivergence est pourtant remise en question par les progrès récents dela connaissance de l’humanité aux stades anciens de son développe-ment. Ils font apparaître nos lointains ancêtres, non plus comme lesreprésentants d’une espèce furtive pesant peu sur le devenir des éco-systèmes, mais comme les maîtres de larges territoires, et ceci depuisbien des milliers d’années.Il est légitime d’en déduire que les sociétés humaines, loin de se can-

tonner au rôle de perturbatrices d’espaces arborés immémoriaux, ontété des agents de premier plan qui ont modelé, dès l’origine, les formesque les forêts ont revêtues. Ce n’est d’ailleurs pas d’une humanité indif-férenciée dont il s’agit. La formule de l’historienne Andrée CORVOL « Laforêt est le miroir de la société » exprime la dépendance intrinsèque desphysionomies forestières par rapport aux caractères spécifiques desgroupes humains qui en usaient.0n a montré qu’à divers stades de développement des populations

humaines, stades définis par leur capacité de production de biens etservices (PIB par habitant) et le nombre d’hommes au kilomètre carré,les espaces arborés prennent des consistances faciles à reconnaître. Lesétendues où dominent les arbres ont pu ainsi être réparties entre desforêts de subsistance, des forêts industrielles, des futaies réglées à boisd’œuvre et une dernière catégorie qui regroupe les forêts sanctuaires etles forêts friches. La durabilité d’un modèle forestier dépend du tempsde séjour de la société maîtresse des lieux dans le stade de développe-ment qui lui a donné naissance.

Notre ami Jean-Pierre Léonard,avait “commis”, il y a quelques temps,

dans la Revue du GREF, un article trèsintéressant sur l’économie forestière

et les transformations de la sociétéfrançaise depuis la Renaissance.

Je lui avais demandé l’autorisationde le publier dans notre Revue, mais il

a préféré rédiger un nouvel article, plus“méditerranéen” et je lui en suis trèsreconnaissant, car je me suis régalé !

Après une première lecture, j’ai cru bonde demander à mon ancien complice

et spécialiste en la matière,Jean de Montgolfier, que beaucoup

d’entre vous connaissent bien,son avis sur le sujet. Croyez-moi,je n’ai pas été déçu, non plus !…

Je pense, d’ailleurs, que ces textesviennent à point nommé pour nous

aider tous, à préparer notre prochainForesterranée 2005…

Mais si certains veulent réagirtout de suite, le “Courrier des Lecteurs”

leur est largement ouvert.À vos claviers !

G.B.C.

forêt méditerranéenne t. XXV, n° 3, novembre 2004

Page 2: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

Un tel déterminisme des formes forestièresa été appliqué à la forêt française dans sonensemble, avec la double visée de rendrecompte des évolutions historiques et de don-ner un cadre à une problématique pour lesdécennies à venir.Nous nous proposons de montrer ici que

les espaces arborés du Midi méditerranéenfrançais relèvent bien des mêmes processus.Ce projet ne va pas de soi. En effet,s’appuyer sur une classification anthropiquepour décrire les potentialités de zones arbo-rées dont les caractéristiques communes sontrelatives à un climat bien défini *, peutparaître paradoxal. Et ceci d’autant plus quela France du Sud a été un lieu d’excellencepour l’élaboration de la phytosociologie. Onpense avec reconnaissance aux effortsdéployés par certains enseignants du lycéeThiers à Marseille, dans leurs cours et sur leterrain, pour initier des jeunes aux rudi-ments de cette science, dont l’enseignementde l’École forestière de Nancy a ensuiteconforté les bases.C’est sans minimiser les apports de ces

naturalistes qu’il nous paraît possible de serallier à de nouvelles perspectives. Il estmaintenant banal de souligner combien ilsétaient influencés par une certaine stabilitédu monde rural, stabilité qui a perduréjusqu’au milieu du XXe siècle. Certes lesminutieuses descriptions des successionsrégressives ou progressives sont un apportincontournable à la compréhension du fonc-tionnement des écosystèmes arborés, mais cequi nous paraît sortir du domaine purementscientifique, et appartenir à l’appréciationindividuelle, concerne la tentative consistantà couronner cet édifice au moyen de modèlesidéaux, supposés originels, exempts de touteperturbation due à notre espèce. Une visionéquilibrée de l’écologie intègre de mieux enmieux la présence humaine comme élémentconstituant des écosystèmes arborés.Notre propre réflexion en vue de

l’élaboration d’une classification des formesforestières à partir des impulsions sociétaless’est trouvée confortée par le cas particulierdes espaces méditerranéens. En effet, lacomparaison des espaces arborés des rivesdu nord et du sud de cette mer montre que,malgré des milieux comportant des analogiesévidentes, ils ont cependant, actuellement,des problématiques complètement diver-gentes. Quand les forestiers des deuxgroupes de pays se rencontrent, les uns par-lent d’incendies, les autres de l’invasion dubétail. La forêt marocaine ne brûle pratique-

ment pas, alors que les incendies sont notreobsession. Mais il ne faut pas remonter siloin dans le temps pour entendre retentir lesmalédictions de nos prédécesseurs contre leschèvres dont nous nous prenons, aujour-d'hui, à regretter la disparition. Ici aussi laforme et le devenir des forêts sont ceuxqu’induisent les sociétés.Ainsi, il nous paraît légitime de tenter

l’analyse du domaine arboré de la zone médi-terranéenne française au moyen de la qua-dripartition des formes forestières. On doitajouter que dans l’Interrégion méditerra-néenne à 15 départements, les formationsrelevant de la flore la plus spécifiquementméditerranéenne n’occupent guère que lamoitié de l’espace arboré, à côté de forêtsdites des plaines et collines ou de forêts demontagnes, où elle se mêle à la flore tempé-rée. L’unité du monde forestier méditerra-néen n’en reste pas moins inscrit dans levécu des populations.

1. Le déterminisme sociétaldes espaces arborésméridionaux

Les spécificités des espaces arborés médi-terranéens français, telles qu’elles apparais-sent à certaines périodes de leur histoire parrapport aux autres provinces françaises, sontlargement la conséquence d’un différentield’évolution des sociétés locales. Ons’intéressera à deux périodes où cet écarts’est temporairement creusé et dans des senscontraires. La première s’étend de laRenaissance au milieu du XXe siècle, ladeuxième se prolonge sous nos yeux.

La forêt méditerranéennemodelée pour la subsistanceBien que certaines réussites, comme celle

du textile languedocien, aient pu créer deszones de prospérité, les pays méditerranéensde la rive nord occidentale ont perdu, à par-tir de la Renaissance, leur ancienne pri-mauté économique au profit de l’Europe tem-pérée. Cette médiocrité du développementéconomique explique qu’ils aient longtempsconstitué un conservatoire de formes fores-tières anciennes relevant d’une forêt de sub-sistance qui avait ailleurs beaucoup perdu deson importance.

174

* Les géographes consi-dèrent que le "climat

méditerranéen qui estcaractérisé par un fort

déficit hydrique estival",est "unique au monde".

Les forêts qui s'y déve-loppent doivent donc se

contenter d'une crois-sance réduite : le bois(d'été) ne pousse pas

sans eau ! (NDLR)

Page 3: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

175

Le mode de fonctionnement originel de cesespaces survit dans les zones boisées du sudet de l’est de la Méditerranée. En France,nous ne les connaissons plus que sous unaspect évolué qui rend leur fonctionnementancien difficile à deviner. Il est loin le tempsoù les malheurs de la dernière guerreavaient fait renaître sous les yeux destémoins de cette époque des pratiques déjàpresque oubliées (chauffage domestique,gazogène, etc…).Avant de passer en revue quelques-unes

de ces formes il faut rappeler que, sousl’Ancien Régime, la forêt et des bois étaientrelativement rares dans la zone littorale etque leur extension dans les collines et lesmontagnes était loin d’atteindre le niveauactuel. Les hêtres de la Sainte Baume,comme ensuite les plantations de l’Aigoual,prenaient leur relief de leur isolement ausein d’espaces dénudés.

Les formations ligneuses basses :garrigues et maquis

L’emploi du feu, qui avait assis le pouvoirdes hommes sur la nature, s’est maintenudans la France du Sud jusqu’au milieu duXXe siècle. Il était associé au pacage, dont ilconstituait la condition indispensable, enrendant « pacagère » une végétation rapide-ment desséchée et peu appétente.Les forestiers de l’Europe centrale voient

dans ces pratiques un gaspillage résultantde l’incompétence des agriculteurs locaux.En fait, nos prédécesseurs faisaient les choixqu’imposaient les moyens et les besoins dumoment. Chèvres et moutons permettaientla vie des hommes par le lait, la laine, unpeu de viande et la fumure de jardins.Il y a deux cents ans, les activités pasto-

rales étaient d’une grande importance danstoutes les parties du territoire méridional. Adistance des zones massivement employées àcet usage comme les steppes des causses, lesvillages des premiers reliefs languedocienscomportaient communément deux têtes depetit bétail par hectare de territoire villa-geois, deux ou trois fois plus que d’hommes.Dans le Var, les vastes étendues rocheuses

des bois du Cap Sicié étaient le domaine deschèvres. Des documents présentés par laCommune de Six-Fours rappelaient, il y aquelques années, que le Directoire avaitrequis la peine capitale pour les personnesqui introduiraient cet animal en forêt. Enraison de quoi les représentants de la

Commune rédigèrent une supplique faisantressortir que la population de ce bourg nevivait que de cet élevage pratiqué sur lescommunaux. Comment survivre sans les5.000 chèvres qui y cherchaient leur subsis-tance ?Les membres de l’Association Forêt

Méditerranéenne ont pu constater, il y a dixans, que l’élevage des bovins était pratiquéen Corse sur des feux d’essartage du maquis.Dans la région de Corte, la carte des incen-dies était, en 1990, étroitement ajustée à lacarte des subventions par tête de bovinaccordées par la Communauté européenne.Le maquis ou la garrigue, installés par les

pâtres, sont des formes arborées typiques dela forêt de subsistance.

L’arbre à pain

Le reste de l’espace arboré était lui aussiconsacré à la nourriture, encore que laconsommation directe des glands, que leschênes zeen, vert et liège (variété "Balotta)permettent en Afrique du Nord, ne semblepas avoir été abondamment pratiquée pourles variétés que nous connaissons chez nous.Cette relative carence est curieuse puisqueles amérindiens du Yosémite, en Californie,qui ne connaissaient ni roue ni métal,avaient cependant imaginé une méthodepour dissoudre les principes toxiques desfruits de leurs chênes. Mais ici, nous dispo-sions, avec le châtaignier, d’une source de viequi nous détournait de chercher plus loin.La multiplication de cet arbre, massive-

ment utilisé pour la nourriture des hommesdepuis la fin du Moyen-Age, a permis à ladensité des populations d’atteindre desniveaux exceptionnellement élevés, que ce

Photo 1 :Les activités pastoralesont toujours étéprésentes sur le territoireméridionalMont VentouxPhoto D.A.

Page 4: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

soit dans les Cévennes ou dans laCastagniccia. En effet la « châtaigneblanche » procurait au moins deux fois plusde calories par hectare que la culture duseigle. Les villages bien fournis en châtai-gniers étaient parmi ceux qui, sous l’AncienRégime, avaient réussi à dépasser lafameuse limite des 40 habitants par kilo-mètre carré qui réglait, par la mortalité desplus faibles, les poussées démographiques etceci jusqu’à la révolution industrielle.

Les forêts claires feuilluesparcourues par les troupeaux

Des formations analogues à la "dehesa"castillane ou aux "garouilles" des Causses duQuercy, associaient des peuplements lâchesde feuillus décidus, élagués en longs têtards,et une strate basse servant de fourrage. Laforêt alimentait doublement le bétail, parson sous-bois et par ses branches.L’importance du pacage en forêt est illustréepar les "bandites" du Comté de Nice, où sesuperposaient deux droits de propriété, l’unconcernant les arbres et l’autre le pacage desmoutons.Ces usages pastoraux laissaient subsister,

comme fonction secondaire, la récolte de boispour les besoins des foyers domestiques et deproto-industries telles que les verreries et lesforges. L’écorce des yeuses permettait le trai-tement des cuirs, activité dont l’importanceancienne a été rappelée à l’occasion des inon-dations de la ville basse de Sommières. Lessuberaies des Maures, que l’on visitait il y acinquante ans, se présentaient comme desparcours sur lesquels étaient disséminés despieds isolés de vieux chênes-lièges.

La particularité des provinces méditerra-néennes est la longue persistance del’association des espaces arborés aux besoinsde la ferme. Le saltus s’y était étendu audétriment de la silva pour conforter les pro-ductions de l’ager. Cette contribution de laforêt à la nourriture des hommes et de leurstroupeaux avait été d’un usage commundans la France du Moyen Age. La forêtmédiévale a été décrite comme « un immensepacage », mais dans beaucoup de provinces,dès la Renaissance, cette association s’estdissoute par la spécialisation des terroirs.Dans les provinces méditerranéennes, elle apersisté tardivement rendant les « vraiesforêts » rares. En témoigne la carted’occupation des sols établie en 1911 parVidal de la Blache qui ne fait figurer, dans leMidi français, que deux ensembles boisés, lesMaures et l’Estérel.Nous allons voir que cette longue survi-

vance de la forêt de subsistance, et desformes de dégradation issues de l’arrêt desactivités qui lui avaient donné sa consistanceest un héritage difficile à gérer. Même là oùle climat et les pratiques humaines le per-mettraient, on ne dispose pas par hasard depeuplements adaptés à la production de boisd’œuvre ou d’industrie.

La précoce mutation versla forêt friche dans le MidiLa zone géographique qui nous occupe

s’est distinguée une deuxième fois du restede l’espace national par l’adoption accéléréedu modèle de la forêt-friche, pouvant, grâce àune gestion appropriée, devenir une forêt-sanctuaire. Le jeu des facteurs sociétauxdans cette mutation explique en partie, lesévolutions du manteau forestier des der-nières décennies du XXe siècle.

Des espaces arborés peu sollicitéspour leur bois au XIXe siècleLes taillis réglés et les futaies ont en

France, marqué deux étapes successives dela primauté de la fonction de production dumatériau bois par rapport aux usages pasto-raux. Ces régimes de gestion ne se sontimposés que tardivement et très partielle-ment dans le Midi méditerranéen, où lesbesoins en bois, bien que multiples, ne cor-respondaient qu’à un volume restreintd’exploitation, compte tenu de la faible pro-duction.

176

Photo 2 :La châtaignier,

a été massivement utilisépour la nourriture

des hommes depuisla fin du Moyen-Age

Photo D.A.

Page 5: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

177

La demande de bois de chauffage domes-tique a toujours été limitée dans ces régionsoù nos aïeux supportaient avec patience lesbasses températures du cœur de l’hiver dansdes maisons mal closes. Les cheminéesouvertes permettaient tout au plus des flam-bées de ramures, d’écorces ou de sarments.Pour la cuisine, le petits rondins de chênesverts étaient très appréciés, alors que lecharbon de bois était plutôt utilisé en Corsecomme en Italie. Les « bateaux noirs » quicinglaient du Cap Corse vers les ports de lapéninsule proche, transportaient des sacs decharbon utilisés dans les petits fourneauxmobiles en terre installés sur les terrassesdu pays voisin. Pour la boulange, lesbranches de pin d’Alep ont à nouveau permisla cuisson du pain gluant de la dernièreguerre. Elles s’amoncelaient dès le petitmatin sur les trottoirs de Marseille, aucentre même de la ville.L’utilisation du bois pour les activités de

l’industrie naissante n’a jamais pu concerner(et pour cause !) des volumes comparables àceux mis en œuvre ailleurs. En témoigne laméthode de préparation du fer dite « à lacatalane » dont le principal avantage étaitd’économiser un combustible rare.Si l’on considère maintenant la demande

de bois d’œuvre, il est banal de rappeler quela tradition romaine fait aux maçons la partbelle dans la construction et qu’il faut mon-ter jusqu’aux villages perchés du Queyraspour trouver des chalets en bois. La Franceméditerranéenne, très ouverte sur la mer, adepuis longtemps reçu l’essentiel de son boisd’œuvre par ses ports. Cependant, dès ledébut du XIXe siècle, la futaie réglée, modèlesymbolique de la « vraie forêt », faisait rêver

certains novateurs. En témoignent des pro-jets aussi hardis que celui d’installer desfutaies sur les hautes falaises du montFaron.C’est pour les besoins de la lutte contre

l’érosion et contre les inondations que furentcréées des futaies dans les montagnes méri-dionales, avec l’appui du R.T.M qui a permisde réaliser des plantations où le pin noirtenait une large place. On constate leur réus-site en parcourant les Alpes du Sud. Maisdes objectifs économiques entrèrent aussi enjeu, par exemple quand on tenta en Provencecristalline d’étendre, comme dans lesLandes, une futaie gemmière de pin mari-time, sur le modèle de celle qui existait déjàsur pin d'Alep .Il n’en reste pas moins que les régions

méditerranéennes se classent parmi les plusmodestes producteurs de bois du pays. Cetteincapacité des régions du Sud-Est à concou-rir à l’approvisionnement des marchés desgrands produits ligneux paraît le fait dumilieu, mais aussi des circonstances socié-tales. Le succès mondial d’un arbre méditer-ranéen comme le Pinus radiata, arbre qui afait du Chili et de la Nouvelle-Zélande deuxexportateurs très actifs de sciages, a faitimaginer que la forêt cultivée pourrait avoirde bons atouts dans bien des cantons duMidi méditerranéen et qu'il pourrait en êtrede même avec d’autres essences issues depays du soleil, comme les eucalyptus. Lestentatives effectuées dans ce sens n’ont eujusqu’à présent que de rares résultats posi-tifs, faute de matériel végétal adapté à la foisaux sécheresses estivales et aux froids hiver-naux. La génétique n’a probablement pas ditson dernier mot en ce domaine.

Photos 3 et 4 :C’est pour les besoins dela lutte contre l’érosionet contre les inondations,que furent crééesdes futaies dans lesmontagnes méridionales,avec l’appui du R.T.M.

A gauche, Barrême(Alpes du Sud) en 1892.Archives ONF / RTM

A droite, le mêmeendroit en 1979Photo J.B.

Page 6: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

En fait, le contexte social actuel pèse dansun sens tout différent sur les espaces fores-tiers.

La productivité du travailet du sol redistribue les paysagesLes niveaux de productivité du travail

atteints dans une zone à un moment de sonhistoire décident du devenir des activitésproductrices de biens et services marchands.Sont en cause aussi bien les produits indus-triels que ceux issus de la terre. Les affecta-tions de surfaces à telle ou telle productiondépendent des prix de revient, eux-mêmesétroitement liés à la productivité des actifs àl’œuvre. Le niveau de mécanisation des pro-cessus de production fixe pour l’essentiel laproductivité des ateliers de production. Lataille des unités de production et leur amé-nagement permettent d’obtenir desmachines les meilleurs rendements. C’estainsi que le paysage agricole français a ététransformé par les remembrements, mais cesregroupements ont été moins fréquents dansle Midi, excepté là où la croissance de la pro-ductivité des sols, grâce à l'irrigation appor-tée par les grand aménagements hydrau-liques, a conduit à la contraction dessurfaces agricoles du fait du manqued’élasticité des principaux marchés.Les activités agricoles et forestières se sont

donc, très inégalement adaptées à lacontrainte de produire plus avec moinsd’intervenants. C’est ce que l’on constate enparcourant le patchwork des régions agri-coles de la France du Sud-Est. Comme laforêt est un type de paysage apparaissantpar défaut sur les zones les moins convoitéespar l’agriculture ou par l’urbanisation, il estutile de donner quelques exemplesd’évolution de l’utilisation de l’espace rural.Dans les plaines côtières et les vallées

intérieures, les terroirs agricoles sont vouésà la culture intensive pratiquée dans degrands domaines bien équipés. Depuis lacrise du phylloxera, la vigne s’est substituéeaux céréales. Elle est accompagnée par lemaraîchage et les cultures herbagères. Lesarbres entourent les maisons ou forment desalignements brise-vent.Les petites cuvettes du Languedoc côtier

disposaient, depuis l’Ancien Régime, d’unedense population de petits agriculteurs dontle statut s’est amélioré, à partir de 1870,quand la délocalisation de la viticulture leura permis de renoncer à l’autarcie alimentaireet de consacrer l’essentiel de leur temps à la

vigne et aux cultures fourragères nécessairesà leurs chevaux. Le parcellaire de ces petitsdomaines était particulièrement éclaté. Aumilieu du XXe siècle, une propriété viticoletypique, regroupant une trentaine de par-celles, comprenait 5 hectares de vigne, 1d’oliviers, 2 de cultures fourragères et 3 hec-tares de garrigue. Elle employait deux sala-riés permanents et des saisonniers. Uneaussi faible productivité du travail dans lapréparation de vins de grande consommationa fait disparaître la plus part de ces micro-exploitations et laissé la dynamique natu-relle de la végétation provoquer leur enva-hissement par les ligneux.Les garrigues ont été, jusqu’aux trente glo-

rieuses, le domaine des pâtres et des chas-seurs. Les feux qui y couraient ne provo-quaient aucune émotion particulière dans lesvillages, sauf si une saute de vent les rappro-chaient des plantations d’oliviers. La dispari-tion des troupeaux a complètement modifiéces paysages et installé partout des futaiesbasses. Les guides publiés il y a vingt anspromettent aux randonneurs des perspec-tives, et des repères qu’ils sont maintenantbien incapables de découvrir derrière lesfeuillages.Dans les zones montagneuses, les pra-

tiques traditionnelles donnaient au Queyrasles céréales les plus hautes de France, maismoyennant un travail épuisant et avec desrendements à l’hectare d’une extrême modi-cité. Les témoins ne peuvent cependant évi-ter quelque nostalgie en pensant à ces pay-sages ennoblis par le travail des hommes. Ausortir de la guerre, les hautes vallées pié-montaises, toutes proches, témoignaient d’unniveau de vie encore plus spartiate. Mais onne peut oublier le spectacle des taches lumi-neuses formées par les jeunes cultures quis’accrochaient encore plus haut dans lamasse plus sombre des mélézins.Ces situations extrêmes soulignent

l’influence des progrès techniques surl’étendue des terroirs agricoles. Au fur et àmesure de ce développement, les activitésqui ne peuvent pas améliorer leurs perfor-mances s’éteignent. C’est pourquoil’agriculture élimine de ses emprises les ter-roirs difficiles et laisse la forêt s’y installerdans la mesure où ils ne sont pas urbanisés.

La contrainte de productivitémenace l’exploitation des bois

C’est par défaut de productivité du travailque l’exploitation des forêts se heurte main-

178

Page 7: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

179

tenant à des problèmes aigus. Cette défi-cience est d’abord à mettre en relation avecl’orographie. La forêt des régions méditerra-néennes est caractérisée par un relief tour-menté. Les terrains boisés d’une déclivitésupérieure à 30% s’étendent sur plus de lamoitié des forêts des régions méditerra-néennes, alors qu’ils ne représentent que lequart des espaces boisés de la Franceentière.

La faible charge de bois à l’hectare, del’ordre du tiers de celle calculée pour laFrance entière, pèse également sur le rende-ment du travail, et le fractionnement de lapropriété forestière privée plus encore. Cedernier caractère n’est, dans l’ensemble, quepeu décalé par rapport à celui de biend’autres régions françaises, mais une faibleconcentration foncière pénalise particulière-ment les boisements à forte pente et à faiblematériel ligneux. Pour retrouver les condi-tions moyennes d’exploitation qui sont cellesde l’ensemble des forêts privées françaises, ilfaudrait que les lots individuels soient plu-sieurs fois plus étendus que ce que l’onobserve actuellement.

L’abandon de l’exploitation de la majoritédes espaces arborés de l’Interrégion méditer-ranéenne peut être également reliée àl’intense et ancien exode rural des pays del’intérieur vers les villes et villages du baspays. La filière bois manque d’hommes et laforêt paysanne est passée aux mains deretraités. Les jeunes entrepreneurs agricolesqui ont repris en mains les meilleures frac-tions de l’espace cultivé sont beaucoup tropoccupés par leurs labours ou leurs troupeauxpour s’intéresser à l’exploitation des bois.

Dés les dernières décennies du XXe siècle,les régions méditerranéennes françaises ontatteint des niveaux de développement com-parables à ceux du reste de la France, avecde fortes disparités entre les zones littoraleset l’intérieur. La présence longtemps perpé-tuée des espaces arborés voués à la subsis-tance constituait un héritage difficilementadaptable aux besoins de la forêt productivede bois.

Les régions méditerranéennes se sont cou-vertes d’un manteau sans cesse accru deforêts particulières souvent de grande valeurenvironnementale, mais de qualité ligneuseinégale. La dispersion cadastrale issue desréflexes de la paysannerie à la française ettrès favorable à la biodiversité constitue,cependant, un obstacle de taille à sa gestion.

2. Les chances et les dangersde la forêt friche du midiLa quatrième catégorie des espaces fores-

tiers, celle placée sous le double titre de laforêt sanctuaire ou de la forêt friche, estactuellement la plus répandue et la mieuxassociée à l’image que l’on se fait de la forêtde l’Interrégion méditerranéenne.Ces formations de taille moyenne ou élevée

présentent pour leurs propriétaires, et pourla collectivité, des avantages et des inconvé-nients qu’il nous faut maintenant passer enrevue. On évitera la pétition de principe quiferait croire qu’une évolution spontanée leurassure un caractère naturel obligatoirementfavorable, et pour le milieu, et pour leshommes. Ces nouveaux paysages constituentdans bien des cas un atout de grande valeur,mais il nous faudra bien accepter d’y déceleraussi de lourdes menaces.

Les fonctions des espacesarborés méditerranéensLes espaces qui ont perdu leur fonction

nourricière et qui voient s’amenuiser ou dis-paraître leur production ligneuse, après cellede la résine ou du liège, ont maintenantcomme utilités principales les paysages,l’accueil, la protection de la nature et la pré-vention des risques naturels, etc…

La forêt régulatrice des crues etconservatoire de la biodiversité

La lutte contre les inondations qui « mena-çaient la plaine » fut, dès la seconde partiedu XIXe siècle, l’objectif des grands forestiers

Photo 5 :Après une inondationà Angles, ravin du petitRiou, mai 1889Archives ONF / RTM

Page 8: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

qui ont réimplanté l’arbre sur les montagnespelées des arrières pays méditerranéens. Lesrésultats obtenus par ces patients travauxn’ont pas été tout à fait à la mesure desespoirs de ces fondateurs de la sylvicultureméditerranéenne. Leurs plantations, ontcertes efficacement contenu l’érosion des sols(ce qui était leur rôle principal), mais ellesn'ont pas pu ralentir plus de quelques heures(ce qui est déjà précieux) les crues les plusviolentes des petits fleuves côtiers car, quandle sol est saturé, tout ruisselle !La préservation de la biodiversité et la pro-

tection de la nature constituent des impéra-tifs nationaux du moment. Le rôle que pour-raient jouer les immenses étendues arboréesqui, depuis trente ans, ne sont l’objet qued’une gestion minimale, fait l’objetd’appréciations diverses.Certes, les efforts que multiplient les col-

lectivités publiques et les associations deprotection de la nature pour éviter le béton-nage des côtes, l’urbanisation anarchique, oupour préserver la riche palette des formesforestières de nos régions reçoivent un appuiunanime.S’agissant de ce dernier point, encore fau-

drait-il savoir quel est le type de nature quel’on veut protéger ou voir renaître. L’anthro-pisation de la zone méditerranéenne est trèsancienne et profonde. En témoignent la qua-lité des représentations rupestres remontantà plusieurs dizaines de millénaires. De telsartistes, maîtres du feu, étaient de puissantsacteurs façonnant leur écosystème dès avantla révolution néolithique. Il n’est pas possiblede se représenter la consistance et le fonc-tionnement d’écosystèmes ligneux de cette

partie du monde qui auraient été privés de latutelle humaine.

La richesse des écosystèmes méditerra-néens provient de l’interférence des facteursnaturels et humains. Il est certes très inté-ressant de voir évoluer des formationsligneuses protégées de toute pression sociale,mais on ne doit pas ignorer que les paysagesque l’on fait naître de la sorte seront complè-tement neufs. Sans compter que le niveau« tolérable » de grands herbivores ne peutêtre apprécié de façon objective, ce qui laissefinalement aux gestionnaires le choix dutype de « naturel » qu’ils ont envie de voirapparaître.

Par ailleurs, on ne peut prétendre mainte-nir sous une bulle protectrice des étenduesnotables. Les plus gros budgets ne les garan-tiront jamais complètement contre les agres-sions humaines et contre le feu. Il est essen-tiel de constater que les pollutionsanthropiques les plus dommageables sontparfois les plus discrètes. Les pires ennemisdes arbres sont les germes de parasites queles transports aériens diffusent à foison àtravers le monde. Pensons aux catastrophesécologiques qui ont bouleversé les paysagestraditionnels : l’encre et le chancre du châtai-gnier, la cochenille du pin maritime, lechancre du cyprès et celui du platane, lamaladie de l’orme, etc…. Mais n’est-il pasplus facile de mobiliser l’opinion contre lespluies acides que contre le tourisme au longcours ? L'anthropochorie pourra-t-elle êtreun jour éradiquée ? Les attaques parasi-taires qui détruisent la strate supérieure deparcs nationaux américains, comme celui dela Shenandoah, près de Washington, sont

180

Photos 6 et 7 :Les espaces voient

s’amenuiserou disparaître

des productions commecelle du liège

ou de la résine, au profitd’utilités principales

comme les paysages,l’accueil, la protection de

la nature, la préventiondes risques naturels...

A gauche :liège dans le Var

Photo D.A.

A droite : récoltede la résine en Grèce

Photo J.B.

Page 9: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

181

l’image de ce que pourrait advenir à nosréserves intégrales, comme à toutes nosforêts en l’absence de soins culturaux.La conservation des paysages humanisés

comme la châtaigneraie à fruit, la suberaieou le mélézin pâturé, qui formaient avecl’agriculture sur terrasses les plus beauxjoyaux des espaces méridionaux, est une pré-occupation qui prend heureusement de plusen plus d’importance. Mais pour mainteniren vie de pareils sites il faudra installer desnéo-ruraux chargés de reproduire les gestesdes paysans d’autrefois. Les faucheursd’alpages suisses ou les micro-agriculteursdes fjords de la Norvège septentrionale res-semblent déjà à des figurants d’un muséenaturel anthropisé.A l’échelle de la gestion de l’espace médi-

terranéen, les travaux de lutte contrel’érosion et pour la contention des crues, toutcomme les réserves de nature ou de conser-vation des paysages arborés traditionnels neconcernent, malgré leur importance, qu’unpourcentage modéré des surfaces. Le rôleprincipal des boisements est ailleurs.

La fonction d’accueil des espacesarborés méditerranéens

Sur l’essentiel des surfaces arborées, lafonction qui prime est celle de paysage etl’accueil du public, nouveaux résidents outouristes.Depuis deux décennies, les forestiers scan-

dinaves ont proposé une répartition des fonc-tions des forêts européennes dans laquelle ilsse réservaient la production ligneuse et nousconcédaient la fonction d’accueil. Cette visionglobale s’applique particulièrement auxrégions méridionales de notre pays. Elle estlargement inspirée par notre anciennedépendance vis-à-vis des bois du nord, maisaussi par le prestige des milieux méditerra-néens comme espaces de loisir. Bien deshabitants de nos grandes agglomérationspartagent les conceptions de nos confrèresscandinaves, en se fondant sur le fait que laFrance est, actuellement, le premier paystouristique du monde et la région méditerra-néenne la première de France. Cette pri-mauté subsistera tant que nous maintien-drons la beauté de nos paysagestraditionnelsOn a pu ainsi remarquer que le rapport

BIANCO faisait la part belle aux demandesdes promeneurs et randonneurs en étendantla problématique francilienne à tout le terri-

toire français. Mais dans la partie méditerra-néenne de notre pays, qui est souvent unesorte d’annexe saisonnière de la capitale, lerôle des espaces arborés n’est-il pas aussitrès largement inféodé à la fonctiond’accueil ? Il est temps d’en détailler lesmodalités.

La fréquentation directede la forêt : promeneurset randonneursIl paraît banal de rappeler que l’arbre, élé-

ment végétal par excellence, constitue, iciaussi, une des composantes essentielles despaysages. Pour autant, les espaces arborésde la zone qui nous intéresse sont-ils telle-ment recherchés en eux-mêmes ? Le thèmede la fréquentation intensive des forêts parles randonneurs et les promeneurs ne corres-pond peut-être pas à la réalité vécue enFrance et particulièrement dans les zonesméditerranéennes.Il est significatif que la Géographie univer-

sitaire, quand elle propose au concourscomme thème de l’épreuve du CAPES de2003 « Les espaces touristiques en France »,n’ait repris à aucun moment, dans le corrigémodèle, le thème du tourisme en forêt. Etpourtant ces commentaires d’épreuve insis-taient de façon éclairante sur la fusion àlaquelle on assiste aujourd’hui entre les loi-sirs et le tourisme en raison de la multiplica-tion des petits séjours. C’est, sans doute, quela forêt ne s’insère que marginalement dansles grands phénomènes migratoires quiconcernent, au premier chef, les littoraux, lamontagne et des espaces ruraux indifféren-ciés.Il nous semble que le public, et particuliè-

rement le public jeune, n’apprécie l’effort quedans des situations d’exception où la compé-tition et la performance entrent en jeu. Leraid, la « grimpe » dans les cimes, la courseavec brassards à pied ou en V.V.T. sur dessentiers balisés attirent de larges groupes.On pense aussi à certains itinéraires de pres-tige comme le sentier faisant le tour du MontBlanc. Les foules, elles, s’agglutinent encoremieux autour d’équipements comme lespataugeoires installées par l’Office nationaldes forêts (O.N.F.) dans certaines forêts sub-urbaines.En revanche, dans la grande majorité des

massifs, et même sur les fameux G.R., on nerencontre encore que bien peu de monde àplus de 500 mètres des maisons. En fait, laplupart des forêts ne reçoivent guère que la

Page 10: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

visite saisonnière des chasseurs. Les espacesarborés méditerranéens, dont la végétationépineuse rebute les non-initiés, ne sont pasmieux lotis que ceux d’autres régions. Il estvrai que les peuplements d’altitude, parexemple ceux formés par le mélèze, le pin àcrochet ou les sapins, provoquent uneaffluence de randonneurs et sont traverséspar les alpinistes qui se pressent sur lesgrands itinéraires classiques d’escalade.Mais ces prés-bois sont surtout des lieux depassage vers des milieux plus ouverts.La fréquentation des espaces arborés

situés à moindre altitude est relativementfaible. Elle est pourtant ancienne. La modedes grillades en plein air sur les pentes duGarlaban, du pic de Bertagne et autres « col-lines » encadrant la dépression marseillaise,attirait avant la dernière guerre, et jusquedans les années 1950, de nombreux groupesfamiliaux. Ils étaient peu conscients du dan-ger que ces repas quasi-rituels faisaientpeser sur la végétation. Les mouvements dejeunesse organisaient leurs camps dans lesbois du Bas-Languedoc sans beaucoup plusde précaution. Il a été heureusement mis finà de telles conduites très dangereuses et quicélébraient une certaine appropriation des« collines » par la population urbaine, augrand dam des propriétaires légaux de ceslieux.Une évolution récente de l’utilisation tou-

ristique des espaces naturels constitue unemenace pour la qualité de ces sites et pour lapaisible jouissance des droits des proprié-taires mais aussi des promeneurs. Il s’agit

des « sports » mécaniques qui attirent unnombre croissant de jeunes et moins jeunes.Nous avons constaté dernièrement, dans leSommièrois, la transformation d’anciens che-mins creux, profondément marqués par lesbandages métalliques des charrettesd’autrefois, qui étaient devenus depuis uneou deux décennies des tracés de petite ran-donnée appréciés des amateurs de prome-nades. On a dû, devant l’invasion des motosde trial, les garnir tous les trente mètresd’une succession de barrages de pierressèches. Cette menace n’était nullement ima-ginaire, comme en témoigne l’évolution de latranchée de la canalisation du gaz allant dela Crau à Toulouse, dont l’emprise a été, parplaces, multipliée par quatre en devenantune piste de véhicules tous terrains.Cette pollution mécanique, qui se généra-

lise, détruit le charme des terroirs. Elleconstitue une déclinaison du thème de "laforêt bien de nature", en reproduisant le rai-sonnement qui veut que ce qui est naturelest à tout le monde. L’homo mecanicus ydilate son ego au volant de son engin. Lethème si apprécié du wilderness s’exprime icisans fard, puisque nous savons maintenantque toute nature ne devient sauvagequ’après l’éradication de la populationancienne qui y avait ses racines.

L’arbre et la forêt, élémentsdu cadre de vie des nouveauxméditerranéensSi la promenade ou le parcours des espaces

boisés ne concernent qu’une partie de lapopulation locale ou des touristes etn’attirent même pas de façon spécifique lesamateurs de randonnées, par contre lesarbres et arbustes, forment un décor trèsapprécié des résidents.L’écosystème de prédilection de nos

contemporains est caractérisé tout d’abordpar la durée de l’ensoleillement. Or, cettepropriété du climat présente aussi des incon-vénients dont les habitants autochtones onttoujours cherché à s’affranchir. Les paysméditerranéens littoraux, qui accueillent despopulations nombreuses formées de touristessaisonniers et d’une masse croissante derésidents permanents, étendent leurs fortesdensités humaines au delà des franges litto-rales, vers les déserts de l’arrière pays. Cesnouveaux méridionaux ont eu tôt fait dedécouvrir la nécessité de se protéger d’unrayonnement trop continu en retrouvant lesvieilles recettes des populations locales.

182

Photo 8 :Aujourd’hui, la forêt

est le cadre d’activitéssportives et de loisirs

Photo D.A.

Page 11: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

183

L’habitat traditionnel concentrés’enfermait derrière de hauts murs auxouvertures étroites autour de cours inté-rieures, parfois ornées d’un figuier. Les ruessinueuses des villages permettaient des tra-jets à l’ombre et à l’abri du vent. Cet habitattrès minéral respirait seulement au pied desplatanes de la place centrale. Les mas agri-coles en plein champ, gros pâtés de bâti-ments entourés d’un bouquet d’arbres, for-maient, dans un paysage ouvert, la seuleparcelle du terroir peuplée d'arbres dehautes tiges. De tous temps, le parc consti-tuait le privilège des possédants.L’habitat pavillonnaire et les résidences de

vacances des néo-méridionaux s’entourentmaintenant de frondaisons plus ou moinshautes selon leur ancienneté. Elles consti-tuent le correctif indispensable aux spécifici-tés du climat. Les résidences secondairess’installent de préférence dans les bouquetsde pins que l’abandon de l’agriculture laissepousser partout, alors que les lotissementspavillonnaires génèrent en leur sein desespaces boisés, parfois arrosés à l’image deceux qui ont transformé les sévères paludsde la Grande Motte en parc urbain.Une urbanisation de ce type, insérée dans

l’écrin formé par l’ombrage d’arbres sponta-nés ou replantés et irrigués, se retrouve dansde nombreux pays de climat analogue, quivont de la Californie du Sud, et de la régionde Canberra ou du Cap, aux Maures et àl’Estérel, comme au collier des villages lan-guedociens le long de la Voie Domitienne.Déjà dans les années 1940, la vallée del’Huveaune formait une sorte d’oasis de ver-dure, divisé par les hauts murs des proprié-tés des riches marseillais. Tout autour, lesrocailles des collines brillaient au soleil.Ainsi, la fonction principale de bien des

espaces boisés méditerranéens estaujourd’hui de servir de cadre, rapproché oulointain, à l’habitat. Les zones boisées atti-rent les constructions comme, à terme, lesmaisons font naître autour d’elles un écrind’arbres dont la présence pose bien des pro-blèmes.

Des espaces arborésmenaçants et couteuxLes relations entre les hommes et les

espaces arborés ne sont jamais faciles, par-ticulièrement dans les régions dont le cli-mat chaud comporte de longues périodes desécheresse. Ceci est vrai dans la zone litto-

rale où, chaque été, le paradis amoureuse-ment édifié par un nouvel habitant pour safamille peut se transformer en cas d'incen-die, en champ de bataille. Mais quand l’ons’éloigne des zones urbanisées, la multipli-cation anarchique des arbres peut avoiraussi un effet négatif. Les forêts façonnéespar la main de l’homme, comme les châtai-gneraies à fruits, présentaient une valeurécologique et culturelle qui en faisaient l’undes hauts lieux des paysages méditerra-néens. Les recrus qui ont envahi laCastagniccia ou les Cévennes et, sur les solscalcaires, les terrasses cultivées et les mer-veilleux bocages de pierre, font regretter lespaysages plus ouverts et plus variés del’avant-guerre. Les villages des premièrescollines languedociennes s’ornent mainte-nant d’une futaie basse dense, spectacleréconfortant pour ceux qui ont connu lepoudroiement d’espaces torrides sous lesoleil, même si parfois on cherche en vainles larges panoramas s’étendant des lignesde crête à la mer.On retrouve ici associés, les deux visages

de la forêt sans activité économique mar-chande de notre classification : la forêt sanc-tuaire qui fournit à l’homme la beauté de sessites et la forêt friche, voisin incommodedans une France rurale façonnée par unepopulation de petits cultivateurs partageux,acharnés à utiliser tous les recoins du terri-toire.Les conséquences de la présence obsédante

d’une végétation arborée hautement combus-tible sont bien connues de tous les habitantsde l’interrégion méditerranéenne. Il n’y a paslieu d’argumenter sur l’importance sociale etéconomique des incendies tant cette questionest au cœur de la réflexion menée en com-mun par les autorités et les associations.Notons cependant qu’il est très difficile defaire un décompte, même approximatif, ducoût de la prévention et de la lutte.Au niveau de la lutte active, les interven-

tions concernant les feux de végétation nesont pas toujours décomptées à part. Demême en ce qui concerne le déploiement dela gendarmerie. L’exercice d’école qui consis-terait à évaluer les économies que l’éradica-tion des zones arborées inflammables per-mettraient aux collectivités, comporte desrubriques accessibles. Ce serait le cas ducoût global des moyens aériens en personnel,frais de maintenance et d’amortissement dumatériel volant. Déjà ce dernier point, quirelève plus de la gestion d’entreprise que dela comptabilité publique, ne peut être

Page 12: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

qu’estimé. Le coût des moyens de lutte ter-restre, qui dépendent de plusieursMinistères, ne pourrait être évalué que sides ventilations des interventions par naturede sinistre étaient enregistrées au fur et àmesure, ce qui ne semble pas être le cas. Etmême si une analyse attentive le permettait,il faudrait pouvoir valoriser cette massed’interventions, or le coût ponctuel completde la mise en œuvre d’une équipe composéed’agents permanents et de volontaires n’estpas aisé à réaliser. En matière de préven-tion, le Ministère de l’Agriculture a publiédes agrégats de dépenses qui ne prennentpas en compte de façon précise certains fraisexposés, par exemple les émoluments desfonctionnaires et les frais généraux de ges-tion.A défaut de disposer d’une synthèse

récente englobant la totalité des dépensessupportées par les structures publiquesengagées dans la prévention et dans la luttecontre les feux en zone arborée méditerra-néenne, on rappellera l’estimation proposéeen 1993, dans ces colonnes, d’un budgetannuel de 1,4 milliards de francs de l’époque.Il est clair que la lutte contre l’incendie a unpoids économique qui excède tous les effortsfaits par les collectivités publiques en faveurde la forêt française tout entière. La plusgrande administration forestière dans notrepays est celle qui se consacre à la lutte

contre les nuisances résultant de la combus-tibilité des forêts. La simple taille des instal-lations de commandement relègue celle desservices en charge de la forêt vivante à unrang subalterne.Il faut à ce sujet répéter que la lutte contre

les incendies de forêts, que l’on désigne, parconformisme avec l’esprit du temps, par leterme de défense des forêts, est avant toutdirigée contre la menace que constituent lesinterfaces urbanisme-forêts, du fait de l'in-flammabilité de celles-ci et de l'incurie deshommes. Le vaste dispositif mis en œuvren’aurait jamais vu le jour si seuls étaient encause la protection de la biodiversité, despaysage, des sols, et même, de l’économie dubois… Dans les zones où l’habitat et lesespaces arborés sont inextricablementmélangés, ceux-ci sont une menace perma-nente pour les installations humaines… etréciproquement. Aussi certains leur dénient-ils le statut de "forêts" !La fonction principale des espaces arborés

méditerranéens français est l’accueil. Dansce cadre, le rôle d’écrin pour les construc-tions, et d’arrière-plan paysager, sont ceuxauxquels on accorde le plus d’importance.Ces fonctions ne comportant, aujourd'hui,aucune rétribution pour les propriétairesforestiers, la forêt particulière (privée) est deplus en plus en déshérence.Le danger d’une présence forestière incon-

trôlée résulte de sa capacité à relayer le feujusqu’aux habitats humains. Il génère unconsidérable réseau de moyens de lutte sansque la sécurité des hommes soit pour autantcomplètement assurée.

3. La forêt méditerranéenne :laboratoire du futurde la forêt françaiseLa mutation précoce qui a transformé une

importante fraction de la forêt méditerra-néenne française en espaces non-gérés posede façon nouvelle le problème des relationsdes sociétés et des forêts. La quadri partitiondes espaces forestiers est ici à la limite deses capacités prédictives.C’est donc avec beaucoup de prudence que

l’on va tenter de proposer quelques vues surl’orientation de la forêt méditerranéennefrançaise, et ceci d’autant plus que la biblio-thèque de publications abordant cette ques-tion sous différents angles témoigne de laqualité des équipes au travail. Même ennous limitant à des perspectives fondées sur

184

Photos 9 et 10 :Les interfaces habitat-

forêt sont à l’originede la dangerosité

des espaces forestierset de coûts de prévention

et de lutte énormespour la société

Photos D.A.

Page 13: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

185

des évolutions tendancielles limitées auxtrente ans à venir, ces réflexions risquent deparaître soit utopiques soit de constituer desredites maladroites de projets dont leshommes d’expérience ont déjà fait le tour.En effet, cette chaîne de formes forestières

successives permet de faire un rapproche-ment entre le niveau de développementqu’une société pourrait atteindre à un termedonné et l’état des forêts des pays qui actuel-lement disposent déjà de ce niveau derichesse et de densité humaine. Or les socié-tés dont l’évolution a permis l’apparition desforêts friches sont encore peu nombreuses etles formes forestières correspondantes n’ontpas assez d’ancienneté pour qu’on puisseimaginer leur devenir. Rien n’est moinsdurable que des forêts ayant perdu leursfonctions de production marchande.Au sortir de cet exercice périlleux, c’est

avec plus d’assurance que l’on pourra utiliserla même problématique pour esquisser, àpartir du présent des espaces arborés du Sudfrançais, quelques itinéraires possibles pourl’ensemble des forêts nationales.

Pour un avenirplus harmonieuxde la forêt méridionaleLa forêt publique, qui s’étend sur un quart

des espaces boisés de l’interrégion méditerra-néenne, dispose d’une structure territorialeet de moyens qui permettent de penser queson avenir est entre de bonnes mains,moyennant la participation financière de l'É-tat, demandée aux contribuables. Mais,jusqu’à quand ?Ce sont les espaces arborés des particu-

liers qui retiendront notre attention. Leurextension se poursuivra sur les surfaces agri-coles non utilisées comme autour des fermesreconverties en résidences secondaires et parélévation des anciennes formations ligneusesbasses, ce qui accentuera encore l’importancedes forêts dans les paysages. La multiplicitédes situations locales nous conduit à nous entenir à quelques points forts de cette problé-matique.

Les objectifs d’une politiqueforestière en forêt privéeNous avons vu que le problème majeur que

pose à la société ces vastes étendues peucontrôlées est celui du feu. C’est pourquoil’objectif essentiel d’une politique forestièredans l’interrégion continuera à viser la

contention de cette menace et la maîtrise desdépenses qui en résultent. Il semble que lesévolutions tendancielles concernant ce risquesoient dans l’ensemble peu favorables. Lesétendues et les volumes combustibles ne ces-sent de s’accroître, et bien souvent, ce qui aété préservé aujourd’hui risque d’augmenterdemain la puissance du feu.On n’oublie pas cependant que la phytoso-

ciologie fait espérer, pour les forêts del’intérieur de la région, l’apparition de peu-plements fermés de chênes pubescents peusensibles aux incendies au terme d’unelongue évolution permise par l’arrêt des acti-vités économiques. Comme cette essence aconnu en Provence une extension spectacu-laire au cours du XXe siècle, il s’agirait d’uneperspective très positive. Cette vision del’avenir est sous-tendue par la convictionqu’il suffit de retirer les mains de l’hommedu jeu des interférences naturelles pour queles écosystèmes retrouvent leur durabilité.Notre opinion est qu’il est bien difficile de

prévoir la proportion des forêts de chêneblanc qui pourrait atteindre un jour cettefaible inflammabilité. Actuellement le pas-sage occasionnel de feux dans les sous-boisdes peuplements clairs maintient une strateherbacée combustible et freine la fermeturedu couvert. On peut même se demander siles forêts fermées de chênes caducifoliés dela Provence intérieure, qui servent demodèle, ne doivent pas leur durabilitéd’abord au caractère désertique de zones oùon les observe. Si les hommes devaient seretrouver de nouveau en plus grand nombreen ces lieux, et cette fois du fait de la multi-plication des résidences secondaires et dutourisme mécanique, les foyers d’incendies semultiplieraient et rongeraient ces massifs àpartir de leurs parties encore claires. On nesaurait oublier aussi les problèmes parasi-taires. Les germes transportés rapidement età longue distance peuvent à tout instant por-ter atteinte à la vitalité de cette essence,comme de bien d’autres.Il nous paraît donc fort risqué de trop

compter sur une diminution automatiquedes risques liés au feu qui proviendrait loca-lement des évolutions spontanées du man-teau végétal.C’est donc bien autour de la menace que

constituent les incendies forestiers que nousimaginons l’organisation d’une politique dela forêt privée méditerranéenne pour lesdécennies à venir. Nous allons voir que cetobjet principal se conjugue dans de multiplesdomaines.

Page 14: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

L’importance de la non-gestionen forêt privée méditerranéenneLa brutale modification des utilités recon-

nues à la forêt, la dévitalisation d’un tissuhumain local, où l’exode rural se conjuguedans les lieux de forte attractivité paysagèreavec l’arrivée massive de néo-méridionauxd’origine citadine, réunissent leurs effetspour mettre en péril les structures d’espacesarborés en pleine expansion spatiale.La propriété forestière privée, coulée dans

les structures cadastrales de l’agriculture desubsistance, n’a que très partiellementengagé les investissements lourds (parexemple : l'irrigation comme en agriculture !)qui auraient pu conduire à la créationd’outils économiques de production efficacede matière ligneuse. On a vu que mêmel’exploitation de la ressource existante n’estréalisée que ponctuellement. La forêt a unefaible production de bois utilisable et, donc,des marchés encore plus restreints. La pro-priété forestière manque de produits àvendre et de débouchés, si bien que les pro-priétaires sont pratiquement privés de reve-nus.Cette absence de recettes d’exploitation

entraîne tout naturellement le désintérêt denombreux propriétaires pour le sort au jourle jour de leurs biens. Pourquoi faudrait-ilconsacrer du temps à la reconnaissance deslimites de petits lots qui ne rapportent rien ?La connaissance de la réalité physique despatrimoines devient de plus en plus incer-taine. Le cas des indivisions corses montrejusqu’où peut aller cet imbroglio foncier.Les propriétaires qui se passionnent pour

leur forêt, et consacrent leur temps libre àaider les autres détenteurs de biens boisésdans le cadre d’organisations forestières, pei-nent à rappeler aux autres groupes sociaux,quel est le rôle des sylviculteurs dans la ges-tion de ces immenses étendues de territoiressupposés, à tort, sans maître. La notionmême d’une appropriation individuelle detels espaces finit par paraître archaïque auxyeux des non-résidents.L’héritier de ce genre de bien hésite à y

consacrer son temps tant en raison de sastructure foncière que de la nature de peu-plements façonnés par des usages périmés.Or, il existe une liaison forte entre la perma-nence d’un droit de propriété portant sur unbien rural et le fait d’en tirer des produits. Sila propriété forestière n’est l’objet d’aucunecoupe, si elle n’est pas louée pour la chasseou si, encore, elle n’est pas l’objet d’un

contrôle permanent de certains de ses com-posants écologiques, autant dire si elle n’estgérée d’aucune façon, alors elle court lerisque de disparaître. Et même les clôturesne seront pas une garantie éternelle. Unegrande part de la forêt méditerranéenne pri-vée se trouve dans cette situation. Ce dangern’est pas nouveau, puisque l’usucapion per-mettait, depuis les romains, de devenirmaître d’un sol par un usage continu et pai-sible, au détriment de son ancien proprié-taire légal, mais abstentionniste.

Lutter contre la non-gestionpour sécuriser la forêtQuand on voit l’activité déployée par les

Syndicats professionnels, les Centres régio-naux de la propriété forestière (C.R.P.F.) etles Associations, il peut paraître outrancierd’avancer que les propriétaires sont lesgrands oubliés de la forêt méditerranéenne.Et pourtant, c’est le sentiment qui ressortdes propos des autres acteurs.Le contrôle d’une plus grande étendue de

forêts par leurs propriétaires nous paraîtune étape essentielle de la revitalisation deces espaces et de la minoration du risqueincendie. Ce thème avait été exposé en 1994dans le rapport du Conseil économique etsocial national présenté par Elisée MUNET.La forêt cultivée des Landes de Gascogne yfigurait comme l’image inversée des forêtsdu grand Sud-Est. Au cours des annéesrécentes, la nécessité de prendre en compteles conséquences de la non-gestion est unthème souvent repris, en particulier dans cescolonnes.Il peut paraître superflu de rappeler que

les propriétaires privés, héritiers del’essentiel des surfaces, tiennent en mainsl’avenir du manteau forestier. Le droit depropriété a la vertu éminente d’induire chezses détenteurs un intérêt qui va au delà desrevenus immédiats attendus. Chez ces fores-tiers* saisis de passion pour leur fonction, ilne s’agit pas seulement d’un calcul financiersur la valeur à terme d’un patrimoine, maisdu sentiment d’avoir une responsabilité àassumer vis-à-vis d’un héritage qui fait pen-ser au dévouement gratuit des édiles despetites communes rurales. La focalisationoccasionnelle des pouvoirs publics sur degrands projets en faveur des espaces fores-tiers me semble beaucoup plus fragile.Encore faut-il que des héritiers, peu motivésau départ par les servitudes de cette fonc-tion, puissent se pénétrer du sentiment

186

* NDLR : Ces admirablesforestiers “de plaisance”,comme les appellent Jean

Bonnier, qui gèrent leurforêt par devoir

ou par passion, parceque cela leur plaît...

tout simplement !Voir Forêt

Méditerranéenne,Tome XXI, n°4 p. 549

Page 15: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

187

mobilisateur qui fait d’un individu le maîtred’une étendue, du détenteur d’un droit fon-cier un sylviculteur ou un protecteur de lanature sur son propre lot.

Redonner un attrait à la gestionforestièreC’est ce à quoi toutes les organisations et

tous les services s’emploient et nous ne sau-rions que dire combien ces efforts sont indis-pensables pour écarter les risques de déserti-fication ou d’embrasement qui menacentaujourd’hui cette partie de la France.Vivifier l’activité économique d’une fonc-

tion marchande : la filière forêt-bois en pertede vitesse, nous semble former la premièrepriorité d’un effort collectif pour la forêtvivante. Des niches économiques pourraientconstituer des pôles de résistance à unedéshérence trop commune. Le maintien enactivité de tous les circuits encore présentset leur développement s’impose de primeabord. Une nouvelle chance va naître en rap-port avec une nouvelle fonction des forêts : lalutte contre l’effet de serre. La récolte dubois-énergie par substitution aux combus-tibles fossiles peut accroître les surfacesexploitées et redonner vie à des cantons àl’abandon. Ces résultats ne pourront êtreatteints sans la mécanisation des exploita-tions qui assurera une productivité normaleà ces travaux. Cependant le travail à la mainpourrait être encore employé dans les cas oùl’éclaircie aurait un objectif principal, devenumarchand, de nature écologique. On pense àla nécessité d’ouvrir un peuplement pour ymaintenir l’avifaune propre aux forêtsclaires.L’installation d’une forêt cultivée de façon

intensive est possible en de nombreux pointset mériterait de sortir du champ de la simpleexpérimentation. Il y a une place pour cer-tains exotiques à forte production quiseraient le pendant des cultures agricolesmodernes, surtout si l’on pouvait assurer lebon départ des plantations par quelquesapports d’eau.L’arboriculture forestière de plaisance qui

reprend sur de petites surfaces les gestes dela châtaigneraie nourricière peut gagner enétendue à l’image des oliveraies qui se déve-loppent en Languedoc, autant pour leursqualités paysagères que du fait des récoltesque l’on en attend.Tous ces points d’ancrage d’une gestion

active exigent l’implication des propriétaireset leurs fréquentes visites sur le terrain.

Leurs relations avec le milieu social du lieuse développeraient alors de façon spontanée.Ils feraient comprendre à leurs voisins etaux visiteurs l’importance de leurs activitéset mineraient la foi aveugle dans les bien-faits supposés du laisser-faire. Il faut redon-ner leur fierté à ceux dont le travail ajoutebeauté et sécurité aux espaces boisés.

Comment contourner l’obstaclede la parcellisation ?Le principal obstacle à l’implication des

propriétaires dans la gestion de tels espacesest leur extrême parcellisation. La faible pro-portion des surfaces soumises aux P.S.G.(Plans simples de gestion) en fait foi. Il estfrappant que le bilan des accroissements detaille des lots forestiers individuels par achatde parcelles contiguës et, d’autre part, desdivisions de patrimoines à l’occasion des suc-cessions soit tellement en faveur de ce der-nier phénomène. Cet intérêt porté à des ter-rains improductifs résulte de leur valeurpotentielle élevée qui résulterait de la modi-fication du P.L.U. (Plan local d’urbanisme,ex P.O.S.) de la commune. Une telle modifi-cation est toujours imaginable au terme dequelques décennies. A l’heure actuelle, lemarché des biens forestiers est largementdominé par les ventes de lots entourant lesmaisons et de façon générale la majorité desacheteurs ont d’autres objectifs que la ges-tion forestière.On peut se demander si un plus large

recours à la formule des Associations syndi-cales autorisées de défense contre l’incendien’aurait pas comme effet secondaire de pous-ser au remembrement de la propriété fores-tière. En soumettant les friches forestières àune cotisation obligatoire, on amènerait cer-tains détenteurs de petits lots à s’en séparerentre les mains de voisins plus fortementintéressés par ce genre de patrimoine.Cependant la lourdeur des formalités de ces-sion entre vifs fait craindre que ce soit seule-ment au moment des héritages que l’effetattendu puisse se produire. La perspectivede charges à payer diminuerait l’attrait deplacements dormants. Les effets extrava-gants des dispositions d’un Code civil visantla protection des petits propriétaires rurauxconformistes s’en trouveraient partiellementlimités.Il faut ajouter que l’évolution de la régle-

mentation et de la jurisprudence en matièrede responsabilité civile pourrait conduire àredouter d’accepter dans son patrimoine des

Page 16: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

parcelles mal identifiées. En effet certainescomposantes de ces terrains pourraientconduire des tiers à prendre à partie un titu-laire, figurant sur les documents cadastraux,à la suite de dommages corporels ou maté-riels, subis lors de la traversée de ses bois,ou résultant de la chute d’arbres en limite.

Les Associations syndicalesredonnent leur placeaux propriétairesOn a bien souvent observé que les utilisa-

teurs occasionnels des forêts semblent igno-rer que ces étendues relèvent de patri-moines. Les autorités publiques elles-mêmesdonnent souvent l’impression d’accorder plusd’importance à l’avis d’association d’usagersqu’à ceux des détenteurs de droits de pro-priété. Le propriétaire forestier apparaîtalors comme le grand absent du dialogue ins-titué autour de ses terrains. La délimitationdes zones Natura 2000 par les services pré-fectoraux a donné bien des exemples de cetteattitude.L’histoire des Landes de Gascogne montre

comment la propriété forestière s’est structu-rée autour de ses Associations de D.F.C.I.Elles impliquaient la totalité des détenteursde parcelles forestières, cotisants d’office,sous la conduite des plus dévoués et des pluscompétents d’entre eux. Faire descendre auniveau communal l’organisation de la pré-vention est une préoccupation actuelle, maisle relais utilisé est celui des communes. Yadjoindre une structure regroupant tous lesdétenteurs de terrains boisés et disposant demoyens propres recrutés parmi ses membresconduirait à une gestion mieux assurée de lapoudrière formée par l’intrication desespaces arborés et des résidences nouvelles.Ces moyens devraient être abondés par lescollectivités (sous formes contractuelles),mais aussi par les propriétaires des maisonset quartiers sensibles. On n’oublie pas quec’est sur le bâti que se concentre 80% desinterventions des pompiers !Des espaces ruraux comme ceux du Midi,

où les zones habitées sont intriquées au seindes terrains arborés à l’abandon, sont untype d’organisation du territoire difficile àgérer. Pour autant, nous ne saurions accep-ter non plus la ségrégation à grande échelleque l’on observe souvent aux U.S.A. Elleinsère d’immenses réserves naturellesdésertes au sein du territoire des hommes.Certes, ce dispositif réduit les risques quirésultent de la présence de voisins inquié-

tants, mais la vieille Europe ne sauraitaccepter l’effacement de la carte de commu-nautés porteuses d’une longue histoire spéci-fique. Le jardin de France ne supporte pasl’existence de vides humains installés sur lestombes de nos prédécesseurs. Ce refus del’extension aveugle du désert vert constitued’ailleurs un axe de la politique des Parcsnaturels régionaux, et c’est très heureux.Pour garder en vie l’essentiel des espaces

ruraux méditerranéens, il est encore tempsde limiter l’étendue et les risques de la non-gestion en donnant aux détenteurs du fon-cier forestier une co-responsabilité contrac-tuelle dans l’organisation de l’autodéfensed’espaces à la fois sensibles et menaçants.On peut imaginer que des Associations syn-dicales de D.F.C.I. chargées d’organiser leterrain et de réaliser les opérations dedébroussaillement prescrites par les régle-mentations, pourraient évoluer par la créa-tion d’unités de voisinage munies d’un projetcommun pour chaque zone arborée d’un ter-ritoire intercommunal. C'est ce que tententde faire, depuis quelques années lesP.I.D.A.F. (Plans intercommunaux dedébroussaillement et d'aménagement fores-tier).

La forêt du Sud-Est :image des forêts françaisesde demainLa forêt méditerranéenne constitue

l’image d’un futur possible pour une largepart des espaces arborés nationaux.L’urgence d’une action collective pour la revi-talisation des boisements abandonnés estloin de se limiter aux pays du Sud-Est.

Les facteurs générateursde la forêt friche françaisesont en placeLa forêt méditerranéenne a été modelée

par l’évolution accélérée de la société localeau travers de la contraction précoce des sur-faces agricoles, d’un exode rural brutal et del’implantation d’anciens citadins. Des struc-tures foncières sclérosées par le miraged’éventuelles plus-values foncières empê-chent toute gestion sur des surfaces crois-santes.Le décalage entre cette forêt méridionale

peu exploitée et d’autres régions de Franceoù la production de bois continuait à êtrel’objectif principal de la gestion tend mainte-

188

Page 17: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

189

nant à se réduire. Depuis une décennie, lesforêts et les activités de transformation dubois peinent à conserver leur place sur lesmarchés. Simultanément, la contraction desétendues agricoles utiles se poursuit. Laforêt s’étend alors que les débouchés du boisdiminuent.La recherche indispensable de la producti-

vité du travail ne donne une chance écono-mique qu’aux ensembles boisés à largemaille, suffisamment homogènes, que l’on nerencontre que dans des régions privilégiées.Les ressources que les propriétaires peuventattendre des autres fonctions de la forêt sont,aujourd'hui encore, aléatoires, sauf en ce quiconcerne la chasse dans les grandsdomaines, et il est urgent qu'une reflexionsérieuse se penche sur cette question !C’est donc une très large part des espaces

arborés nationaux qui est entraîné dans leprocessus de désertification qui a frappé laforêt du Midi. Nombreux contemporains seréjouissent de voir de plus en plus d’espaceslibérés de l’action de l’homme et en espèrentun cadre de vie plus favorable pour nos des-cendants. Faut-il s’associer à ces espoirs ?

La forêt de demainest déjà en place sur plusd’un million d’hectare

Les tenants des déserts verts se gardentbien de décrire la consistance que cesespaces pourraient revêtir dans l’ambianceconcrète d’un pays peuplé comme le nôtre.L’exemple de l’interrégion méditerranéennenous montre combien l’affaiblissement desactivités économiques dans les espaces arbo-rés nationaux comporterait d’aspects néga-tifs pour les paysages comme pour la vie desrégions rurales. En fait, la forêt française dedemain est déjà parmi nous dans le Sud-Estet ses traits ne sont pas tous rassurants,d’autant plus que les dérives des équilibresnaturels provoquées par l’accroissement dela masse des hommes, et de leurs consomma-tions, renforcent ces menaces par l’effet d’unclimat de plus en plus tempétueux.En ce qui concerne la biodiversité, nous

constatons que les écosystèmes anthropisésdès l’origine qui font la richesse de bien desrégions peinent à conserver leur richesse flo-ristique et faunistique.La comparaison des boisements de

l’interrégion méditerranéenne et ceux de laforêt de Gascogne démontre qu’une dépriseforestière généralisée accroît la dangerosité

des espaces forestiers. Dans le cas de massifsabandonnés par leurs propriétaires, lesrisques supplémentaires auxquels sont expo-sés les installations humaines entraînentune multiplication des dépenses de préven-tion et de lutte. Ici le vecteur est le feu,ailleurs ce sera les tempêtes et ou une sur-abondance du gibier dont on ne voit que lespremiers effets.Les déprises forestières forment de tristes

et onéreux paysages, étrangers aux tradi-tions d’un pays comme le nôtre. Notre pays aconduit depuis trente ans une réhabilitationde l’habitat rural traditionnel qui fait main-tenant la fierté des habitants de nos villageset de nos bourgs. Il faudrait, à l’inverse,accepter l’ensauvagement des champs et desprairies en un tissu informe de fouillis fores-tiers et de forêts poubelles ?C’est bien ce dont la France rurale est

menacée par la transposition du type deforêt qui domine déjà dans l’interrégionméditerranéenne. Le laisser-faire ayantdémontré localement ses fâcheuses consé-quences, tout projet cohérent et contractuel,visant à conforter les propriétaires forestiersde la forêt méditerranéenne dans leur rôle degestionnaires, pourrait être l’amorce d’uneréorganisation de l’espace boisé national.Des structures locales de propriétaires fores-tiers seraient investies de l’autorité néces-saire pour prendre en mains les étenduesboisées menacées par la non-gestion et assu-rer la vie, l’agrément et la sécurité de la moi-tié de l’étendue de la France rurale. Unetelle « utopie » fonctionne en Finlande depuisprès d’un siècle avec le succès que l’on sait…Mais, là-bas, il pleut en été… c'est, tout demême, plus facile, malgré les hivers intermi-nables.

J.-P.L.

Sommaire bibliographiqueLes textes publiés par Forêt Méditerranéenne consti-

tuent la source documentaire principale utilisée danscet article. Les citer un à un aurait dépassé le format decette communication. De même en ce qui concerne lestableaux statistiques nationaux ou régionaux tirésd’AGRESTE. On ne trouvera ici que quelques pistespeut-être moins familières aux membres del’Association.

1. Christian BARTHOD et al, « La Protection desforêts dans la politique forestière française, lecas particulier des réserves intégrales », R.F.F.n° 1, 2002, Nancy.2. Guy BENOIT de COIGNAC, « Fonctions de laforêt méditerranéenne et inventaire forestier »,R.F.F., n°3-4, 2001, Nancy.3. Jean-Louis BIANCO et al., Tourisme et forêt -Vers un développement commun ? Contexte,

Jean-Pierre LEONARD236, rue CamilleGodard33000 BordeauxFax. 05 56 52 40 15

Réaction...Dans notre rubriqueCourrier des lecteursp. 239, vous pouvezlire la réaction deJean de Montgolfierà l’article de Jean-Pierre Léonard.

Page 18: Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen · 2011. 10. 19. · 173 Sociétés et espaces arborés dans le Midi méditerranéen par Jean-Pierre LEONARD Introduction

enjeux, limites. Source, Centre national du déve-loppement du tourisme en espace rural, Enita,63370, Lempdes, 2002.4. Ouvrage collectif, Biodiversité- L’Homme est-ill’ennemi des autres espèces ?, La Recherche, N°spécial, Paris, 20005. Andrée CORVOL ? L’Homme aux Bois- Histoiredes relations de l’homme et de la forêt XVIIe-XXe

siècle. Fayard, Paris, 1987.6. Bruno CINOTTI, « Une gestion non rentablepeut-elle être durable ? », R.F.F., n°1, 2003,Nancy.7. Jared DIAMOND, De l’inégalité parmi les socié-tés- Essai sur l’homme et l’environnement dansl’histoire. Gallimard, NRF, Essais, Paris, 2000.8. Anonyme, Enquête sur l’utilisation du territoire2001. Agreste, Ministère de l’Agriculture, Paris.9. Paul-Henri FLEUR , Incendies de forêt etargent public. Edisud, Aix-en Provence, 2004.10. Jean-Paul HETIER et al., Forêt méditerra-néenne : vivre avec le feu ?, Les Cahiers duConservatoire du Littoral, 1993.11. Anonyme, Indicateurs de gestion des forêts

françaises 2000. Ministère de l’Agriculture,Paris.12. Jean-Pierre LEONARD, Forêt vivante oudésert boisé ? - La forêt française à la croisée deschemins. L’Harmattan, Paris, 2003.13. Henri MARCHAND, Les Forêts méditerra-néennes- Enjeux et perspectives. Economica,Paris, 1990.14. Elisée MUNET, Forêt, espace naturel : de nou-velles missions pour l’agriculture. Avis et rap-ports du Conseil économique et social, J.O., Pais,1990.15. Anonyme, Le Prix des terres agricoles en 2002.Agreste, Chiffres et Données, Ministère del’Agriculture, Paris, 2003.16. Jean-Robert PITTE , Terre de Castanide,Fayard, Paris, 1986.17. Marcel SCOTTO, « La progression des surfacesboisées entraîne l’apparition de déserts verts »,Le Monde, 05-12-96.18. Anonyme, Structure de la propriété forestièreprivée en 1999. Agreste, Chiffres et Données,Ministère de l’Agriculture, Paris, 2002.

190

L’auteur, qui a retracé l’évolution de la forêt française sous la contrainte de la conjoncture sociale, s’intéresse ici à laforêt méditerranéenne marquée à la fois par le climat et par une présence humaine ancienne et prégnante. Lamicro-agriculture de subsistance, et le pastoralisme, ont fait naître une gamme de paysages arborés allant de lachâtaigneraie à fruits à la garrigue. L’abandon de ces antiques pratiques, et des petits lopins cultivés, laisse une partcroissante de l’espace se garnir de rejets et de futaies basses. Ces forêts sans revenus et donc sans gestion, ornentles paysages, mais font peser un danger d’incendies sur un habitat proliférant. Favoriser la reprise en mains des ter-ritoires boisés privés, les plus étendus, par la propriété forestière permettrait de limiter les risques et de conforter lesaspects paysagers. En impliquant ces acteurs permanents dans des politiques contractuelles de mise en valeur multi-fonctionnelle, on ouvrirait de nouvelles perspectives à la région et plus largement à toutes les régions françaisesgagnées par les déprises agricoles.

Résumé

Summary

RiassuntoSocietà e spazi inalberati nel mezzogiorno mediterraneo

L’autore che ha esposto l’evoluzione della foresta francese sotto il costrizione della congiuntura sociale, s’interessaqui alla foresta mediterranea segnata insieme dal clima e da una presenza umana antica e pregnante. La micro-agricoltura di sussistenza, il pastoralismo, hanno fatto nascere una gamma di paesaggi inalberati che va dal casta-gneto da frutto alla gariga. L’abbandono di queste antiche pratiche, e dei piccoli pezzi coltivati, lascia una partecrescente dello spazio guarnirsi di rimessiticci e di fustaie basse. Queste foreste senza reddito e dunche senza ges-tione, ornano i paesaggi, ma fanno pesare un pericolo d’incendio su un abitato proliferante. Favorire la ripresa inmano dei territori boscosi privati, più stesi, dalla proprietà forestale, permetterebbe di limitare i rischi e di confortaregli aspetti del paesaggio. Implicando questi attori permanenti in politiche contrattuale di messa in valore moltifun-zionale, si apprirebbero nuove prospettive alla regione e più largamente a tutte le regioni francesi guadagnate dalabbandono agricolo.

Society and woodland areas in the South of Mediterranean France

The author, who has studied the evolution of French forests as they have faced the pressures of social change, herefocuses on Mediterranean woodlands which have been stamped both by climate and an ancient and all-pervadinghuman presence. Small-scale subsistence farming, along with pastoralism, have given rise to a range of landscapesgoing from sweet chesnut forest to typical garrigue bushland. The abandonment of the age-old methods, includingthe patchwork of small cultivated plots, has led to the progressive encroachment of sucker growth and low leveltree cover. Such woodland offers no return and is thus left to itself. It may embellish the countryside but it repre-sents a threat of dangerous wildfire to the ever-spreading residential zones. Fostering renewed care for privatelyowned woodlands (which make up the major part of this type of land) by the owners themselves should lead to areduction in the threat these woodlands represent, as well as enhancing the landscape. By the involvement of thewoodland owners through policies based on contractual commitment to multipurpose renewal, new perspectiveswill be opened up for this region, not to mention other regions of France suffering from a decline in rural life andagriculture.

forêt méditerranéenne t. XXV, n° 3, novembre 2004