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121 Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentave d’intégraon maladroite Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite Stéphanie Darbot-Trupiano Université d’Arras, s.sarbot@@yahoo.fr Résumé Le partenariat euro-méditerranéen a pour objecf de créer un ensemble régional intégré auquel parciperaient les pays membres de l’UE et les Pays Partenaires Méditerranéens (PPM). La proximité géographique de ces Etats oblige l’UE à élaborer des stratégies poliques, économiques et sociales à leur égard. La Conférence de Barcelone en 1995 réunissant les 15 pays membres de l’UE et 12 PPM confirmait l’importance du bassin méditerranéen en y instaurant une « zone euro-méditerranéenne de paix, de stabilité et de sécurité » fondée sur le partenariat. L’UE devenait dès lors le leader du processus de régionalisaon en Méditerranée. Néanmoins, plus de dix ans après son lancement, le processus de Barcelone tarde à aeindre ses objecfs. La région euro-méditerranéenne est marquée par l’aracvité de l’UE, « centre » polique, économique de cee région, face aux 12 PPM réduits au rang de première couronne périphérique. Les échanges économiques et financiers restent très asymétriques. Les gradients de niveau de vie, de comportements démographiques, les opposions de systèmes poliques entre les rives Nord et Sud de la Méditerranée sont flagrants, ce que soulignent les flux migratoires puisque les PPM forment une des principales zones d’origines des migrants résidant dans l’UE. Dans ce contexte, les enjeux du processus de Barcelone sont le développement et la croissance économique de part et d’autre de la Méditerranée et la pacificaon de cet espace interrégional. La stratégie européenne est toujours basée sur l’instauraon d’une zone de libre-échange afin de dynamiser les échanges commerciaux et impulser une croissance économique sur la rive Sud. L’aide au développement devant, quant à elle, soutenir les réformes poliques et économiques nécessaires aux PPM pour la réussite du projet. Le processus de Barcelone peine à se mere en place en raison de certaines incohérences telles que la parcularité du libre-échange euro-méditerranéen essenellement industriel et le manque d’échanges entre les PPM eux-mêmes. Une nouvelle iniave a donc été mise en place : le dialogue « 5+5 » réunissant 5 pays de l’UMA (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie) et 5 pays de l’UE (Espagne, France, Italie, Malte et Portugal). Le dialogue « 5+5 » forme en quelque sorte le noyau dur du projet euro- méditerranéen : enceinte de dialogue informelle ayant pour vocaon de consolider le partenariat dans son ensemble. Relations Nord-Sud, partenariat euro-méditerranéen, Union européenne, Pays partenaires méditerranéens, mondialisation, régionalisation, libre-échange

Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroiteStéphanie Darbot-TrupianoUniversité d’Arras, s.sarbot@@yahoo.fr

Résumé

Le partenariat euro-méditerranéen a pour objectif de créer un ensemble régional intégré auquel participeraient les pays membres de l’UE et les Pays Partenaires Méditerranéens (PPM). La proximité géographique de ces Etats oblige l’UE à élaborer des stratégies politiques, économiques et sociales à leur égard. La Conférence de Barcelone en 1995 réunissant les 15 pays membres de l’UE et 12 PPM confirmait l’importance du bassin méditerranéen en y instaurant une « zone euro-méditerranéenne de paix, de stabilité et de sécurité » fondée sur le partenariat. L’UE devenait dès lors le leader du processus de régionalisation en Méditerranée. Néanmoins, plus de dix ans après son lancement, le processus de Barcelone tarde à atteindre ses objectifs. La région euro-méditerranéenne est marquée par l’attractivité de l’UE, « centre » politique, économique de cette région, face aux 12 PPM réduits au rang de première couronne périphérique. Les échanges économiques et financiers restent très asymétriques. Les gradients de niveau de vie, de comportements démographiques, les oppositions de systèmes politiques entre les rives Nord et Sud de la Méditerranée sont flagrants, ce que soulignent les flux migratoires puisque les PPM forment une des principales zones d’origines des migrants résidant dans l’UE.Dans ce contexte, les enjeux du processus de Barcelone sont le développement et la croissance

économique de part et d’autre de la Méditerranée et la pacification de cet espace interrégional. La stratégie européenne est toujours basée sur l’instauration d’une zone de libre-échange afin de dynamiser les échanges commerciaux et impulser une croissance économique sur la rive Sud. L’aide au développement devant, quant à elle, soutenir les réformes politiques et économiques nécessaires aux PPM pour la réussite du projet. Le processus de Barcelone peine à se mettre en place en raison de certaines incohérences telles que la particularité du libre-échange euro-méditerranéen essentiellement industriel et le manque d’échanges entre les PPM eux-mêmes. Une nouvelle initiative a donc été mise en place : le dialogue « 5+5 » réunissant 5 pays de l’UMA (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie) et 5 pays de l’UE (Espagne, France, Italie, Malte et Portugal). Le dialogue « 5+5 » forme en quelque sorte le noyau dur du projet euro-méditerranéen : enceinte de dialogue informelle ayant pour vocation de consolider le partenariat dans son ensemble.

Relations Nord-Sud, partenariat euro-méditerranéen, Union européenne, Pays partenaires méditerranéens, mondialisation, régionalisation, libre-échange

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Abstract

The Euro-Mediterranean Partnership aims at creating an integrated regional unity in which the EU Members and the Mediterranean Partners Countries would participate in. These States geographical proximity requires the EU to elaborate political, economical and social strategies concerning them.The 1995 Barcelona Conference, bringing together the fifteen EU Members and the twelve Mediterranean Parters, confirmed the Mediterranean Basin significance by establishing a “Euro-Mediterranean zone of Peace, Stability and Prosperity” based on partnership. From then on, the EU became the leader in the Mediterranean regionalization process. Nevertheless, more than ten years after its launching, the Barcelona process has not achieved its goal yet. The Euro-Mediterranean Region is shaped by the EU attractivity, a political, economical “core” facing the twelve Mediterranean Partners Countries limited as an inner “periphery”. The economical and financial tradings remain very asymetrical. The gradients of standard of living, demographic behavior, political system oppositions between the North and the South of the Mediterranean Sea are glaring, which underline the migration flows since most of the migrants residing in the EU come from the Mediterranean Partners.In this contexte, the Barcelona process stakes are the development and the economic growth on both sides of the Mediterranean Sea and this inter-regional area pacification. The european strategy is still founded on the creation of a free-trade zone in order to instigate commercial trade and to impel economic growth on the Southern Bank. Helping developping countries needs to support political and economical reforms, necessary for the Mediterranean Partners Countries to achieve their goal.

Euro-Mediterranean Partnership, Barcelona Process, North-South Relations, European Union, Mediterranean Partners Countries, Globalization, Regionalization, Free-Trade

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

La Conférence de Barcelone en 1995 a marqué un tournant important de la politique méditerranéenne de l’UE. Elle est le point de départ du partenariat euro-méditerranéen

qui élargit le cadre des relations politique, économique et socioculturel entre les pays membres de l’UE et les pays partenaires méditerranéens (PPM) soit 37 associés.

Figure 1. Le partenariat euro-méditerranéen

Source : Commission européenne

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Ce partenariat a pour objectif principal la création d’une zone de paix, de stabilité et de prospérité. L’élément central du processus de Barcelone est l’instauration progressive d’une zone de libre-échange. Dans le contexte actuel de mondialisation, ce processus apparaît comme une alternative offerte aux pays méditerranéens. L’UE tente donc de devenir le leader de la régionalisation en Méditerranée, sauf que son projet n’apparaît pas clairement. Le processus de Barcelone essaie-t-il de créer un espace sous-régional donc sous domination européenne ou inter-régional en associant les deux rives de la Méditerranée ? Plus de dix ans après son lancement le processus tarde à atteindre ses objectifs. La région euro-méditerranéenne est marquée par l’attractivité de l’UE, « centre » politique et économique de cette région, face aux dix PPM réduits au rang de première couronne périphérique. De plus, la nouvelle politique européenne de voisinage (NPEV) change expressément la donne, car elle regroupe les partenaires méditerranéens, des pays de l’Est et d’Asie centrale. Que va devenir le projet de création d’une région euro-méditerranéenne ? En rapport avec l’article introductif de ce numéro, cet article repose en grande partie sur une démarche déductive. L’analyse des relations complexes entre l’UE et les PPM à travers les principaux indicateurs démontrent que malgré l’ambition de créer une région euro-méditerranéenne, la rive Sud et la rive Nord de la Méditerranée restent dans une relation de type centre-périphérie très marquée (I). Ainsi, on peut se demander si la création d’un espace inter-régional reste réaliste avec les ambitions sécuritaires actuelles de l’Europe. L’UE tente malgré tout de mettre en place des solutions essentiellement économiques basées sur l’instauration d’une zone de libre-échange tentant ainsi d’impulser le développement économique au Sud et réduire les flux migratoires se dirigeant vers son territoire. (II). Dix ans après sa création, le partenariat euro-méditerranéen ne remplit toujours pas ses objectifs en raison essentiellement des limites du projet régional

de libre-échange et du manque de relations entre les PPM (III). La NPEV ne serait elle pas ainsi un revirement stratégique afin de palier aux lacunes du processus de Barcelone ? Le partenariat euro-méditerranéen a souvent était étudié sous l’angle des sciences-politiques et de l’économie. Le géographe peut amener un éclairage différent en interprétant celui-ci comme un moyen de structuration spatiale du bassin méditerranéen. L’UE apparaît comme l’investigateur de la création d’un espace inter-régional ou sous-régional, tout dépend si l’on considère la région euro-méditerranéenne comme un ensemble régional indépendant ou non.

La région euro-méditerranéenne : des gradients Nord/Sud exacerbés

Asymétrie des échanges Nord-Sud

Plusieurs éléments expliquent l’asymétrie des échanges Nord-Sud en Méditerranée (Bensidoun, Chevallier, 1996). Le premier est la dépendance des pays des rives Sud et Est face aux marchés de la rive Nord. Pour les pays du Maghreb, l’intégration au marché européen est vitale. Les pays de la rive Est semblent plus autonomes, la destination de leurs échanges est plus diversifiée. La deuxième explication de cette asymétrie réside dans le déséquilibre des balances commerciales. L’excédent commercial européen ne cesse d’augmenter alors que le déficit des PSEM continue de s’accroître (Cf. Figure n°3). Le troisième élément d’explication est dans la forme des échanges des PPM n’exportant que des produits énergétiques et des produits manufacturiers.

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

Le rapport asymétrique de l’UE est flagrant surtout pour les pays du Maghreb. La Tunisie et le Maroc font trois quarts de leur commerce extérieur avec l’UE alors qu’ils ne représentent même pas 1% dans le commerce extérieur de l’UE. La Turquie (7è partenaire commercial de l’UE) et l’Algérie (18è) arrive en tête dans le commerce extérieur de l’UE parmi l’ensemble

des PPM grâce aux produits exportés. Les produits importés par l’UE d’Algérie sont à plus de 70 % des produits énergétiques (pétrole et gaz). Les importations européennes de Turquie sont davantage diversifiées mais avec une forte proportion de produits manufacturés textiles (beaucoup moins chers que les produits européens) et des équipements de transports.

Pays partenaires méditerranéens Part de l'UE (%) Turquie 3,4Tunisie 7600% Alégrie 1,4Maroc 68,2 Israël 1Alégrie 56,5 Maroc 0,9Turquie 50,1 Tunisie 0,7Liban 36,9 Egypte 0,6Egypte 36,3 Syrie 0,3Israël 33,7 Liban 0,15Jordanie 21,3 Jordanie 0,12Syrie 20,4

Part de l'UE dans le commerce extérieur des PPM (2005) Part des PPM dans le commerce extérieur de l'UE (2005)

Figures 2 et 3

Source : Eurostat

Figure 4

Source : Eurostat

2001 2005 2001 2005

PPM -11,8 -28,4 PPM 5,2 13,5

Algérie 6,4 7,3 Algérie -8,4 -10,3

Egypte -2,9 -4,4 Egypte 4 3,1

Israël -6,7 -5,2 Israël 4,7 3,8

Jordanie -1,5 -2,1 Jordanie 1,7 1,9

Liban -3,2 -3,1 Liban 2,8 2,7

Maroc -1,2 -4,5 Maroc 1,2 2,7

Syrie 1,4 -0,4 Syrie -2,1 -0,1

Tunisie -1,7 -2,5 Tunisie 1,7 1,1

Turquie -2,3 -13,4 Turquie -0,4 8,3

Balance commerciale des PPM vis-à-vis l'UE (milliards d'€)

Balance commerciale de l'UE vis-à-vis des PPM (milliards d'€)

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La seule balance commerciale excédentaire parmi l’ensemble des PPM est la balance algérienne en grande partie grâce aux exportations d’hydrocarbures. Sinon toutes les autres sont en déficit avec en tête de liste la Turquie. Les pays méditerranéens qui ont un faible déficit sont ceux qui ont diversifié leurs partenaires commerciaux, essentiellement les pays de la rive Est. En effet l’UE est certes le premier partenaire commercial de tous les PPM néanmoins elle n’a pas partout le même monopole (Cf. Figure n°1). L’Egypte, Israël, le Liban, la Syrie et la Jordanie ont des échanges commerciaux un peu mieux répartis avec leurs autres principaux partenaires tel que la Chine et les Etats-Unis ou encore l’Arabie Saoudite pour les PPM arabes. Le seul partenaire méditerranéen à faire parti des principaux partenaires commerciaux des PPM est la Turquie. Les échanges euro-maghrébins ressortent donc nettement par leur caractéristique asymétrique en faveur de l’UE. Ces relations commerciales sont également marquées par le manque d’échanges entre les partenaires méditerranéens. Cette caractéristique ne fait que renforcer l’asymétrie des échanges Nord-Sud dans le bassin méditerranéen.

Une région marquée par l’hétérogénéité démographique, économique et politique

Les différents indicateurs démographiques mettent en évidence un écart criant entre les deux rives de la Méditerranée. Alors qu’en 2050, le continent africain devrait atteindre deux milliards d’habitants, l’Europe sera en pleine phase de déclin. L’objectif du partenariat euro-méditerranéen est de créer un ensemble régional prospère, une des difficultés actuelles est l’hétérogénéité démographique entre les partenaires du Nord et ceux du Sud. Ce contraste démographique est énonciateur d’un

autre enjeu : l’immigration Sud-Nord.

Un des indicateurs les plus marquant de cet écart entre les partenaires du Nord et ceux du Sud est le taux de croissance démographique annuel. En effet pour la période 1975-2003, l’écart est net. Les pays membres de l’UE ont une croissance très faible voire négative pour trois pays nouvellement membres : Hongrie (-0,1%), Lettonie (-0,2%) et Estonie (-0,2%). Alors qu’au Sud la croissance est toujours supérieure à 2% voir 3% pour la Jordanie (3,7%), les Territoires palestiniens (3,6%) et la Syrie (3,1%).

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

La seule balance commerciale excédentaire parmi l’ensemble des PPM est la balance algérienne en grande partie grâce aux exportations d’hydrocarbures. Sinon toutes les autres sont en déficit avec en tête de liste la Turquie. Les pays méditerranéens qui ont un faible déficit sont ceux qui ont diversifié leurs partenaires commerciaux, essentiellement les pays de la rive Est. En effet l’UE est certes le premier partenaire commercial de tous les PPM néanmoins elle n’a pas partout le même monopole (Cf. Figure n°1). L’Egypte, Israël, le Liban, la Syrie et la Jordanie ont des échanges commerciaux un peu mieux répartis avec leurs autres principaux partenaires tel que la Chine et les Etats-Unis ou encore l’Arabie Saoudite pour les PPM arabes. Le seul partenaire méditerranéen à faire parti des principaux partenaires commerciaux des PPM est la Turquie. Les échanges euro-maghrébins ressortent donc nettement par leur caractéristique asymétrique en faveur de l’UE. Ces relations commerciales sont également marquées par le manque d’échanges entre les partenaires méditerranéens. Cette caractéristique ne fait que renforcer l’asymétrie des échanges Nord-Sud dans le bassin méditerranéen.

Une région marquée par l’hétérogénéité démographique, économique et politique

Les différents indicateurs démographiques mettent en évidence un écart criant entre les deux rives de la Méditerranée. Alors qu’en 2050, le continent africain devrait atteindre deux milliards d’habitants, l’Europe sera en pleine phase de déclin. L’objectif du partenariat euro-méditerranéen est de créer un ensemble régional prospère, une des difficultés actuelles est l’hétérogénéité démographique entre les partenaires du Nord et ceux du Sud. Ce contraste démographique est énonciateur d’un

autre enjeu : l’immigration Sud-Nord.

Un des indicateurs les plus marquant de cet écart entre les partenaires du Nord et ceux du Sud est le taux de croissance démographique annuel. En effet pour la période 1975-2003, l’écart est net. Les pays membres de l’UE ont une croissance très faible voire négative pour trois pays nouvellement membres : Hongrie (-0,1%), Lettonie (-0,2%) et Estonie (-0,2%). Alors qu’au Sud la croissance est toujours supérieure à 2% voir 3% pour la Jordanie (3,7%), les Territoires palestiniens (3,6%) et la Syrie (3,1%).

Néanmoins les prévisions pour la période 2003-2015 montrent quelques évolutions aussi bien au Nord qu’au Sud. Les pays membres de l’UE devraient entamer une véritable phase de déclin : sept pays ont une croissance négative et la plupart n’atteignent pas les 1%. L’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni devraient avoir un

taux de croissance nul. Les prévisions sont intéressantes pour le Sud puisque pour la période 2003-2015 peu de pays atteignent les 3% de croissance démographique à l’exception des Territoires palestiniens. La plupart oscillent entre 1,2 et 1,8%.

Figure 5. Taux de croissance démographique annuel (1975-2003)

source : Rapport mondial sur le développement humain 2005

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Ces prévisions ne sont pas énonciatrices d’une résorption de l’écart entre les deux rives mais d’un vieillissement et d’un déclin certain pour les membres de l’UE alors que le Sud continuera son ascension démographique. Une des principales caractéristiques du bassin méditerranéen est

la forte proportion de jeune sur la rive Sud. Les taux de populations de moins de 15 ans dans les PPM oscillent entre 30 et 45% alors que les pays membre de l’UE atteignent difficilement les 15-20%.

Figure 6. Taux de croissance démographique annuel (2003-2015)

source : Rapport mondial sur le développement humain 2005

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La tendance démographique au Nord est marquée par une population vieillissante alors que le Sud est caractérisé par une forte proportion de jeune. Les PPM sont maintenant avancés dans la transition démographique et l’indice de fécondité est pour nombre d’entre eux proche des taux européens ( Tunisie 2 enfants par femme, Liban 2,3 enfants par femme), seuls les Territoires palestiniens sont encore très au-dessus avec 5,6 enfants. Si pour les pays du Sud de la Méditerranée, cette modernisation des comportements démographiques est plutôt positive, pour les pays de l’UE elle est plutôt inquiétante. Dans les années 1970, une grande majorité des pays européens avaient un indice synthétique de fécondité supérieur à 2,1 alors qu’actuellement aucun membre de l’UE n’atteint ce seuil. Les conséquences à long terme pour l’UE sont écrasantes : non-renouvellement des générations, problème des retraites, manque de personne en âge de travailler. Dans ce contexte, les migrations Sud-Nord semblent inéluctables entre des pays vieillissants à l’image économique positives et de l’autre des pays jeunes, sous employés mais mieux éduqués (Wihtol de Wenden, 2005). La fracture Nord/Sud au niveau démographique est incontestable. Le défi pour le processus de Barcelone est d’aider les PPM à l’absorption de cette population jeune en terme d’emploi car pour la plupart, cette nouvelle génération migre entre autre vers l’Europe à la recherche d’un travail. Cette tendance est aussi confirmée par les indicateurs économiques.

La figure n°8 relève l’évidente distorsion entre tous les membres du partenariat. Même au sein de l’UE, la situation est loin d’être homogène essentiellement entre les membres fondateurs de l’UE et les nouveaux adhérents. Quant aux PPM un premier écart est nettement marqué entre Israël et les autres partenaires.

La situation du marché du travail confirme

également le fossé Nord/Sud même si les derniers adhérents de l’UE ont des taux de chômage équivalents à ceux des PPM. Malgré leur croissance économique, les pays méditerranéens ont des taux de chômage très importants.

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Si pour les pays de l’UE, les statistiques concernant l’emploi sont faciles à collecter, pour les PPM la transparence n’est pas toujours la règle. La différence entre les chiffres fournis par les instituts statistiques des PPM est parfois

très en dessous de la réalité par exemple la Syrie donne des chiffres officiels aux alentours de 10% alors que la plupart des autres organismes statistiques l’estiment à 20%.

Figure 9. Le taux de chômage (2005) des pays membres du partenariat

Source : EUROSTAT (pays membres UE et Turquie données 2004), Ministère des finances marocain estimations 2004, Ministère des Affaires étrangères français autres PPM.

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

A ces critères économiques, il faut ajouter le niveau de développement humain qui là encore montre dans un premier temps un clivage Nord/Sud flagrant mais aussi un écart marquant entre Israël et les autres PPM. L’indicateur de développement humain est intéressant car il ne prend pas seulement en compte les revenus par habitant mais il est calculé aussi par rapport à l’espérance de vie, au taux d’alphabétisation et au nombre moyen d’années d’étude. En effet alors que tous les pays membres de l’UE sont dans les cinquante premiers rangs mondiaux, les PPM à l’exception d’Israël sont très loin derrière. Au sein même des vingt-cinq pays membres de l’UE les situations sont diverses : en haut du classement les membres les plus anciens de l’UE en bas les derniers adhérents.

Pays RangLuxembourg 4Suède 6Irlande 8Belgique 9Pays-Bas 12Finlande 13Danemark 14Rouyaume-Uni 15France 16Autriche 17Italie 18Allemagne 20Espagne 21Israël 23Grèce 24Slovénie 26Portugal 27Chypre 29République Tchèque 31Malte 32Hongrie 35Pologne 36Estonie 38Lituanie 39Slovaquie 42Lettonie 48Bulgarie 55Roumanie 64Liban 81Tunisie 89Jordanie 90Turquie 94Territoires palestiniens 102Algérie 103Syrie 106Egypte 119Maroc 124

Place des pays membres du partenariat euro-méditerranéen dans

le classement mondial IDH 2005

Figure 10. Place des pays membres du partenariat euro-méditerranéen dan le classement mondial IDH

2005

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L’UE pour l’année 2004 compte 1705 projets d’IDE avec deux leaders : la France et le Royaume-Uni. L’écart entre les PECO nouvellement membres et les PPM n’est pas très important. L’UE garde donc largement son poids et son attractivité économique par rapport à son proche voisinage. La part des PSEM dans l’IDE a certes augmenté ces dernières années, néanmoins les partenaires méditerranéens en 2004 recevaient en moyenne 81 euros d’IDE par habitant, contre environ dix fois plus pour l’UE des 15. De plus la répartition des projets est très inégalitaire parmi les PPM. Le Maroc est le grand leader pour plusieurs

raisons. La première est que le pays a su à la fois consolider ses activités traditionnelles (tourisme, textile, agroalimentaire), développer de nouvelles filières actives (centres d’appel, microélectronique, logiciels) et allier dynamisme privé et initiative publique. Les principaux investisseurs sont français et espagnols. Cela dit le nombre de projets ne veut pas toujours signifier un flux financier important.

Si on croise le nombre de projets avec la valeur des flux, le Maroc garde encore une bonne position parmi les PPM. L’Algérie vient en tête

UE-15 Projets PECO Projets MEDA-12 Projets

France 367 Pologne 137 Maroc 120

Royaume-Uni 344 Hongrie 124 Turquie 53

Allemagne 235 Rep. Tchèque 106 Algérie 59

Espagne 184 Slovaquie 69 Egypte 39

Belgique 112 Estonie 30 Tunisie 32

Irlande 74 Lituanie 15 Liban 26

Suède 70 Lettonie 15 Israël 24

Portugal 66 Slovénie 9 Jordanie 21

Pays-Bas 65 Syrie 11

Italie 64 Chypre 8

Danemark 51 Malte 5

Autriche 33 A.P 2

Finlande 16

Grèce 14

Luxembourg 10

Total UE-15 1705 PECO-8 505 MEDA-12 400

Figure 11.Comparaison des nombres de projets d’IDE pour l’UE, région MEDA et les PECO en 2004

Sources : VIGIE (observatoire de l’AFII portant sur une trentaine de pays

européens) et MIPO

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

en terme de flux d’investissement. La bonne croissance 2004 est dû essentiellement au secteur de l’énergie selon le réseau Euromed d’Agences à la promotion des investissements, le pays a concédé de très nombreux permis d’exploration. L’Algérie a su également attirer de gros investisseurs dans d’autres secteurs : production de Sodas, centrales électriques, usine de dessalement d’eau de mer, investissement touristiques, laboratoires pharmaceutiques. La Turquie est également performante en terme de flux d’IDE. Parmi les PPM, elle garde le monopole des projets automobiles avec des grandes marques : Ford, Renault, Bosch. Même si l’attractivité relative de la Turquie reste faible, c’est la seule qui investisse vers d’autres PPM. Les autres PPM sont par contre très en dessous. L’Egypte et la Jordanie arrivent tant bien que mal à tirer leur épingle du jeu en 2004 malgré la situation géopolitique complexe. Les origines des IDE sont très diverses et souvent de pays

émergents donc avec des engagements financiers moindres. Quant aux origines européennes des IDE elles sont dominées essentiellement par la France qui n’a jamais cessé d’entretenir ses liens étroits surtout avec les pays du Maghreb suivi mais de loin par l’Espagne et le Royaume-Uni.Les PPM investissent très peu entre eux. La Turquie est pratiquement la seule à faire des investissements chez ses associés méditerranéens. L’attractivité économique des Etats donne de toute évidence une image positive des pays tant au niveau politique qu’économique. Pour les PPM la situation est complexe car leur situation politique et économique difficiles sont liées. De plus l’importance des flux d’IDE dirigée vers un pays ne signifie pas forcément un meilleur développement économique, le Maroc en est le parfait exemple puisque parmi les PPM c’est le pays attirant le plus d’investissements étrangers néanmoins il est le moins bien placé dans le classement IDH. Le problème à l’heure actuelle

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Flux millions € Nb de projets

Figure 12. Flux et nombre de projets d’IDE par pays en 2004

Source : MIPO

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est que les IDE vers les PPM ne fournissent pas assez d’emplois. En effet le dernier rapport sur les IDE dans la région MEDA en 2004 du Réseau Euro-méditerranéen d’Agences de promotion des investissements (ANIMA) indique qu’un projet d’un investisseur étranger dans les PPM créé environ 300 emplois. Le même rapport signifie également que le chiffre du nombre d’emplois n’est fourni que dans 13% des cas, cela reste donc subjectif. La moyenne réelle serait plutôt de l’ordre de 70 emplois par projets. Pour créer une véritable dynamique

régionale l’attractivité économique des PPM doit s’homogénéiser or pour cela il faut d’abord stabiliser la région politiquement. La diversité politique autour de la Méditerranée fait également parti d’une difficulté pour l’aboutissement du processus de Barcelone. L’UE est devenue un pôle économique car les membres ont stabilisé leurs relations et leurs régimes politique basés sur des valeurs fondamentales telle que l’Etat de droit et la démocratie. Au Sud de la Méditerranée les situations sont bien plus complexes. Les conflits

Figure 13. L’influence des situations politiques sur l’attractivité des PPMSource : ONU, ONG Héritage, Coface et divers

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

et les différentes formes de régimes politiques freinent le développement économique des PPM et leur marche vers une modernisation politique et sociale.Dans une région où les conflits se succèdent, où les régimes politiques en place n’ont pas toujours bonne réputation il n’est pas étonnant que ces pays aient du mal à améliorer leur attractivité économique. La Figure ci-dessus inspirée en partie par des cartes tirées de l’Atlas d’une nouvelle Europe de Pierre Beckouche et Yann Richard croise plusieurs données entre autre de la COFACE agence spécialisée sur les risques d’investissement, de l’ONG Héritage pour l’évaluation du niveau de corruption des pays et d’autres sources diverses dont l’ONU. Il est évident que la situation politique à une influence directe sur les IDE. Les pays les moins attractifs et en marge de ces flux sont souvent des Etats enlisés dans des tensions inter-étatiques et avec un régime politique controversé sur la scène internationale. L’analyse de l’asymétrie économique en Méditerranée est révélatrice du rôle central de l’UE par rapport aux PPM qui restent des périphéries malgré dix années de partenariat. Dans ces conditions, l’un des premiers objectifs de la stratégie européenne de réduire les flux migratoires en impulsant une dynamique régionale n’est pas atteint, bien au contraire.

Les migrations

La fracture économique, démographique et l’instabilité politique sur la rive Sud de la Méditerranée alimentent les flux migratoires vers le Nord. L’importance des flux migratoires des PPM vers l’UE confirme la position périphérique des pays méditerranéens et le rôle central des pays membres de l’UE. La définition du migrant varie selon les pays d’origine et les pays d’accueil d’où la difficulté d’avoir des statistiques homogènes tant au niveau des pays membres de l’UE que des PPM. En la matière, le dernier rapport sur Les migrations méditerranéennes 2005 dirigé par Philippe Fargues tente de

remédier à la mauvaise réputation concernant les données migratoires en Méditerranée. Plus que la définition théorique de migrant, ce qui nous intéresse ici est de comprendre comment l’immigration peut-elle devenir un élément de dépendance pour les PPM vis-à-vis de l’UE ?Les chiffres de la Figure n°6 se basent sur les statistiques migratoires les plus fréquemment employées, c’est-à-dire ceux du pays de résidence, dans ce cas les immigrés sont assimilés aux résidents étrangers. Un deuxième critère peut-être pris en considération, celui du pays de naissance, dans ce cas les immigrés sont définis comme des résidents nés à l’étranger. Selon, si les statistiques proviennent des pays des migrants ou des pays d’accueil, les effectifs peuvent varier. Néanmoins, les statistiques les plus complètes à l’heure actuelle proviennent des statistiques de pays de résidence, faites à partir de recensements nationaux. Il est important de noter la différence de date du recensement de ces flux. En effet certains chiffres sont anciens comme ceux de la France datant de 1999 alors que les plus récents sont ceux des statistiques belges de 2005 et ceux des Pays-Bas et de l’Italie de 2004. Ces chiffres ne comprennent pas non plus les flux de migrants clandestins puisqu’ils sont basés sur un recensement officiel des autorités nationales des pays d’accueil. Par définition, l’immigration clandestine échappe à tout recensement.

Les PPM tiennent une place considérable parmi les pays d’origine des migrants résidants dans les pays de l’UE. La moitié des émigrants des PPM se dirigent vers l’Europe soit 5,8 millions selon les statistiques des pays membres de l’UE. Les principaux pays émetteurs vers l’UE sont les pays du Maghreb (Algérie environ 767 000 personnes, Maroc : 1 635 000, Tunisie : 358 000) et la Turquie ( environ 2,7 millions de migrants). Les migrants des autres PPM se dirigent davantage vers les pays arabes pétroliers ou pour Israël vers les Etats-Unis. L’Allemagne et la France accueillent les trois quarts de ces migrants, suivi ensuite par les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie, ces

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Lorsqu’on étudie les migrations, la question des flux migratoires illégaux est souvent abordée en tant qu’instabilité. La véritable insécurité réside dans le système mis en place par ces flux. Identifier la source d’insécurité à propos des migrations méditerranéennes, c’est identifier la source d’instabilité et de danger pour l’ensemble du bassin méditerranéen. L’immigration clandestine est organisée comme une chaîne, le migrant étant le dernier maillon,

derrière l’intermédiaire (le passeur), lui-même sous domination d’un donneur d’ordre. Ce premier maillon de la chaîne de l’immigration clandestine est un réel danger pour la sécurité car il peut cacher différentes menaces : commerces illicites, trafic d’humains, économie souterraine et terrorisme. Sous ce système se cache en réalité d’autres filières illicites.

Figure 14. Les principales destinations des migrants des PPM

Source : Migrations méditerranéennes rapport 2005, statistiques sur les résidents étrangers dans les pays membres de l’UE

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

La problématique des flux migratoires sacralise le blocage actuel du partenariat euro-méditerraéen. En effet, la volonté de coopération entre les deux rives atteint ces limites sur ce sujet. Chacune des deux rives défend ses intérêts, s’ils se rejoignent concernant l’ouverture économique, ils sont différents concernant la mobilité des travailleurs.

Les principales raisons de départs des migrants des pays partenaires méditerranéens sont la pauvreté, le chômage et le sous-emploi. L’asymétrie du développement économique en Méditerranée est un facteur alimentant ces migrations. Dès lors cette asymétrie surgit sur la question des migrations au sein du partenariat euro-méditerranéen. L’UE et ses pays membres et les PPM n’ont pour l’instant pas trouvé de consensus à cette question.

Pour les PPM, l’émigration est un facteur important de leur développement économique. D’une part car ces migrations apportent des devises, d’autre part elles sont devenues un moyen d’alléger la pression sur le marché de l’emploi. L’émigration apparaît dès lors comme une ressource économique, elle génère des remises versées par les migrants à leur famille dans leur pays d’origine. Ces revenues permettent aux PPM de compenser le déficit de leur balance de paiement mais également la faiblesse de leur système de protection sociale. Les remises sont un apport important de ressources économiques. L’objectif des partenaires méditerranéens (Maroc, Tunisie, Egypte) est de stimuler la croissance de ces transferts. Pour cela, il s’est créé des succursales bancaires dans les pays d’accueil, le contrôle des changes a été levé, l’ouverture de comptes courants en devises convertibles a été autorisée. Il s’est alors opéré une transformation du statut du migrant, si dans les années soixante et soixante-dix, le migrant sur la rive sud de la Méditerranée était perçu comme un travailleur excédentaire depuis, il est aussi devenu un fournisseur de revenu (2005,

Fargues, Cassarino, Latrèche). Néanmoins, il faut relativiser l’utilisation de ces flux financiers, soit cet argent est envoyé directement aux familles et participe à leur survie, soit il est investit en grande majorité dans des projets immobiliers. Le problème à l’heure actuel est que peu d’immigrés investissent dans des projets créateurs d’emplois. Ces flux sont d’autant plus cruciaux qu’avec la création de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne la capacité de production des PPM risque, dans un premier temps, d’être fragilisée et donc d’engendrer une augmentation du chômage entraînant une pression migratoire. Face à cette conséquence à court terme de la mise en place de la zone de libre-échange, les pays partenaires méditerranéens voudraient mettre en place par l’intermédiaire du partenariat des solutions pour la mobilité et la circulation des travailleurs immigrants jusque là exclus du partenariat euro-méditerranéen. Ils voudraient faciliter la délivrance des visas et garantire un minimum de circulation temporaire des migrants issus de catégorie professionnelle spécifique. Une fois encore, cet aspect du partenariat euro-méditerranéen est en contradiction avec l’ensemble du projet. Pour les pays méditerranéens, la délivrance de visas et l’amélioration de la circulation de travailleurs apparaissent comme des mesures d’accompagnement du processus de libéralisation mise en place dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen mais aussi dans le contexte actuel de mondialisation. Jusqu’à présent, les PPM n’avaient guère engagé de mesures concernant la politique migratoire. Depuis 2002, une certaine évolution a été observée, d’une part grâce au Conseil européen de Séville mettant en place l’intégration des questions de la gestion des migrations dans le cadre des relations de l’UE avec des pays Tiers et d’autre part car un certain nombre de PPM sont des zones de transit de plus en plus importantes. A l’heure actuelle, l’image négative des flux migratoires de la rive Sud vers l’Europe vient de la perception des flux migratoires clandestins certes en augmentation mais

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restant encore restreints par rapport aux flux migratoires légaux. La médiatisation de ces flux migratoires ainsi que des zones de transit et des périples des clandestins pour atteindre l’Europe ont alimenté l’image d’insécurité véhiculée par les migrations Sud-Nord. L’UE est donc dans une autre optique que les PPM. Son premier objectif est de stopper les flux clandestins mais aussi de diminuer les flux légaux des PPM vers les pays membres européens, essentiellement les flux de travailleurs peu qualifiés. La gestion des migrations est un sujet particulièrement polémique entre les pays membres de l’Union européenne. L’exemple de l’agence européenne de contrôle des frontières est excellent pour démontrer l’absence de position commune sur cette question. L’objectif de l’UE est de renforcer la sécurité de ses frontières extérieures. Les accords de Schengen signés en 1985 entre

sept pays de la Communauté européenne ont permis de supprimer les contrôle aux frontières intérieures. L’espace Schengen s’est peu à peu élargi, les membres actuels sont la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal, l’Autriche, le Danemark, la Suède, la Finlande et même l’Islande et la Norvège y ont adhéré. En parallèle de cette ouverture des frontières intérieures de l’UE, il s’est posé le problème des nouveaux adhérents de 2004 et leur manque de moyens pour gérer les flux migratoires. Plusieurs études menée par la Commission ont montré entre autre que les gardes frontières de ces nouveaux adhérents (Malte et Chypre, en particulier) sont sous équipés, mal formés et parfois même corrompus. La France, l’Allemagne ainsi que la Commission européenne étaient pour la création d’une police européenne des frontières. Le Royaume-Uni et

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Figure 15. Transferts de revenus des migrants des PPM vers leurs pays d’origine en millions de dollars

Source : Migrations méditerranéennes rapport 2005, données disponibles pour seulement 6 PPM

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

les pays scandinaves se sont opposés à cette proposition. Le droit d’asile et son obtention est également sujet à controverse au sein de l’UE. L’Espagne, principal pays de destination de l’immigration clandestine, a procédé à plusieurs régularisations d’immigrés clandestins depuis les années 1980. Une des dernières grande opération a été la régularisation de sept cent milles personnes entre février et mai 2005, par le gouvernement Zapatero. Certain pays membres de l’espace Schengen, en particulier l’Allemagne et les Pays-Bas n’ont pas apprécié cette mesure car les immigrés munis de papiers attribués par l’Espagne, peuvent ensuite circuler librement dans les autres pays membres. Sous la question de l’immigration, c’est essentiellement la question de l’accueil d’étrangers et de leur intégration qui pose actuellement problème aux pays de l’Union européenne. L’UE reste la principale destination des migrants les moins qualifiés, or par rapport aux difficultés actuelles du marché de l’emploi et à l’opinion publique, les pays membres sont en train de rectifier leur capacité d’accueil même si selon les projections démographiques il est plus que probable que les Européens soient obligés de faire appellent à de la main d’œuvre étrangère.Les flux migratoires en Méditerranée sont importants. La Méditerranée garde son aspect d’échanges et de mouvements. Face à ces flux de plus en plus importants, une autre préoccupation s’est ajoutée, la question des zones de transit, plaques tournantes des principaux trafics y compris humains, mais également zones dangereuses en raison du nombre de morts découverts sur leur rivage. L’accentuation des flux Sud–Nord et la préoccupation des zones de transit sont à l’heure actuelle des problématiques au cœur de la coopération euro-méditerranéenne Il faut cependant faire la différence entre le contrôle des flux légaux et la lutte contre l’immigration clandestine. Or les médias européens et parfois même les acteurs politiques font l’amalgame. Les migrations clandestines sont un réel danger pour l’ensemble du bassin méditerranéen car

elles font appel à tout un système illégal et sont souvent liées à d’autres trafics. Or ce type de flux est en pleine expansion mais reste relativement restreint par rapport aux flux légaux. Depuis le 11 septembre 2001, les pays occidentaux ont du faire face à une nouvelle réalité, l’attaque à grande échelle de leur territoire par des terroristes. L’accentuation des attentats dans les pays occidentaux par des groupuscules terroristes, en particulier islamistes, ont influencé la politique de fermeture de la frontière sud de l’Europe, sans résoudre la question globale des flux migratoires méditerranéens.

L’UE leader de la création d’un ensemble régional euro-méditerranéen

Un contexte économique marqué par la mondialisation et la régionalisation

La mondialisation est un processus géographique, politique, économique et culturelle complexe et polémique. D’où la difficulté pour les scientifiques à définir la mondialisation. Au niveau géographique la mondialisation s’accompagne d’un autre phénomène la régionalisation. Ce processus est souvent ignoré ou mis en opposition avec la mondialisation. Il y a une distinction à faire entre « régionalisme » et « régionalisation ». Françoise Nicolasi insiste sur le fait que le premier processus est avant tout institutionnel, « la régionalisation » quant à elle correspond « à l’émergence de structures d’interdépendance plus poussées entre diverses économies d’une même région et résulte ce faisant de stratégies conçues à l’échelle régionale ». La distinction entre les deux processus montre que le premier est lié aux pouvoirs politiques et le second aux firmes. Or à l’heure actuelle, les deux phénomènes organisent géographiquement l’espace monde.La spatialisation du phénomène est essentielle afin de clarifier le processus. Pour Olivier Dollfus : « La mondialisation, c’est l’échange

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généralisé entre les différentes parties de la planète, l’espace mondial étant alors l’espace de transaction de l’humanité. » (Dollfus, La Mondialisation,1997)

Les échanges dans l’espace monde paraissent à l’évidence la base même de la mondialisation. Ce processus est le plus visible dans le domaine économique, même s’il ne faut pas le cantonner uniquement à ce niveau. L’économie est devenue à l’heure actuelle un des facteurs d’organisation des rapports de forces le plus important à l’échelle mondiale, certain condamne ce phénomène néanmoins on ne peut l’ignorer. La mondialisation de l’économie est une des conséquences du système capitaliste.

Le terme de régionalisation est également difficile à définir surtout en plein contexte de mondialisation. Il est souvent ignoré ou alors opposé au terme anglo-saxon : « globalisation ». La contradiction entre ces termes peut paraître logique si on oppose la tendance de la mondialisation à vouloir former un seul ensemble économique, une seule économie-monde à celui de la régionalisation qui tend à former des sous-ensembles économiques et donc à découper l’espace monde selon certaines solidarités commerciales ou politiques. Les différents processus de régionalisation en cours ne sont pas nés pour contrecarrer le processus de mondialisation, bien au contraire, ils ont été créés pour l’accompagner et l’intégrer. En effet, ces mouvements d’intégration régionale sont traduits par la mise en place d’organisations régionales juridiquement constituées. La plus visible tant par son organisation politique, économique et diplomatique reste l’UE qui a influé sans aucun doute ce comportement de regroupement d’Etats afin de former des ensembles régionaux. Le partenariat euro-méditerranéen s’inscrit dans le contexte actuel de ces deux processus. En créant un ensemble sous-régional l’UE tente une double stratégie : trouver de nouveaux marchés en créant une nouvelle zone de libre-échange au

Sud et accroître sa compétitivité économique et politique sur la scène internationale en s’appuyant sur une tentative de régionalisme Nord-Sud.

Le libre-échange : la dynamique de l’intégration euro-méditerranéen

La particularité du projet euro-méditerranéen est de vouloir regrouper dans un même ensemble des pays du Nord et des pays du Sud. Leur point d’ancrage est la Méditerranée avec toute la symbolique qu’elle véhicule. Il existe cependant une ambiguïté, en 1995, la Conférence de Barcelone veut mettre en place une « zone » euro-méditerranéenne « de paix et de prospérité ». Terme critiqué car trop vague pour un projet ambitieux comme le processus de Barcelone, le terme de région paraît plus approprié même s’il signifie une plus grande implication. En effet créer une région euro-méditerranéenne cela signifie créer une conscience régionale, un sentiment d’appartenance régionale. Existe-t-il en Méditerranée des facteurs permettant un tel processus ? L’UE a décidé de privilégier le domaine économique pour faire converger les intérêts des PPM et des pays membres en passant par la création d’une zone de libre-échange. Dans ce projet, il se dessine déjà un découpage régional où l’UE serait le pivot de cet espace économique.

La libéralisation commerciale n’est pas un phénomène nouveau. L’UE s’est créée sur cette philosophie économique en suivant le chemin des principales puissances commerciales qui depuis la fin de la seconde Guerre mondiale ont fait des efforts considérables en faveur de la libéralisation des échanges et de l’élimination des barrières protectionnistes. En effet le libre-échange est un système de commerce international fondé sur l’absence de barrières douanières et non douanières à la libre circulation des biens et des services. Les mouvements de travailleurs et de capitaux ne sont pas inclus dans le libre-échange. Ce système commercial

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

a bien entendu souvent été débattu. Pour ses défenseurs (David Ricardo, Robert Torrens, Paul A. Samuelson), le libre-échange favorise à long terme le développement économique général et permet d’obtenir une meilleure efficacité en permettant une utilisation optimale des facteurs de production par la spécialisation géographique de chaque pays et région. L’UE est d’ailleurs dans cette optique. Les détracteurs du libre-échange prônant l’interventionnisme ou le protectionnisme reprochent à ce système commercial les coûts d’ajustement aux chocs créés par l’ouverture au marché extérieur. Des coûts souvent problématiques pour les pays en développement. Concernant la zone euro-méditerranéenne, la question est de savoir si le libre-échange peut permettre l’intégration régionale des pays des deux rives ? Le processus de Barcelone est basé sur cette hypothèse. Or le libre-échange euro-méditerranéen est particulier puisqu’il ne concerne pour l’instant que les produits industriels. Cependant il est porté par le dynamisme constant des échanges commerciaux entre les pays de la rive Nord et de la rive Sud de la Méditerranée. Ce dynamisme commercial est à l’origine de la création d’une zone de libre échange (ZLE) en Méditerranée.L’Union européenne a basé sa politique économique extérieure sur le libre-échange. En effet, le libre échange entre les membres de l’Union étant la source de sa création et de sa réussite, celle-ci est devenue un des principaux acteurs de la promotion de la libéralisation du commerce mondial. Ce rôle est facilité par la première position de l’UE comme puissance commerciale. Le principe de l’UE est d’être disposée à ouvrir ses marchés aux importations dans la mesure où ses partenaires commerciaux font de même. Il est évident que l’UE a dû prendre en compte la situation particulière des PVD, en leur permettant d’ouvrir leurs marchés à un rythme plus lent, tout en les aidant à s’intégrer dans le commerce mondial. Dans ce contexte l’UE s’est fortement impliquée dans le cycle de Doha même si celui-ci peine à progresser. L’UE a construit sa ligne de conduite sur le principe

que la libéralisation commerciale doit amener au développement économique. Elle se sert donc de son image extrêmement positive sur le plan commercial et économique pour diffuser ses idées et pousser ses partenaires à suivre le même chemin. Ainsi l’UE se sert de ses relations commerciales pour resserrer les liens avec ses partenaires à d’autres niveaux comme politique et culturel.

Il ne fait aucun doute que le partenariat euro-méditerranéen dans son volet économique est basé en grande partie sur l’accentuation des échanges entre les PSEM et les pays membres de l’UE. Dans ce contexte d’échanges Nord-Sud et de manque de décloisonnement Sud-Sud comment le processus de Barcelone peut-il engendrer un ensemble régional euro-méditerranéen ?

Quelle intégration en Méditerranée ?

Les limites du projet régional de libre-échange

Le rapport du groupe de travail « Méditerranée : économies et migrations » présidé par Rémy Leveau (2000) met un accent sur la particularité du libre-échange euro-méditerranéen et les conséquences qui en découlent. Le libre-échange euro-méditerranéen maintient des restrictions commerciales dans le domaine agricole ce qui est paradoxale dans le sens ou le libre-échange euro-méditerranéen est basé sur l’intensification des échanges. Quant aux services, il est prévu leur libéralisation, mais de façon progressive et lente Concernant les produits agricoles et le secteur de la pêche, les PSEM restent soumis au contingentement, c’est-à-dire aux quotas par produits définis dans le cadre de l’accord d’association. Ils sont également soumis à certaines barrières douanières européennes conformes à la PAC. Les produits agricoles européens doivent également s’acquitter de

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tarifs douaniers pour entrer sur les marchés des PSEM. Il est tout de même prévu que les parties négocient sur ce sujet, trois à cinq ans après la signature de l’accord d’association. Israël, la Tunisie et le Maroc sont pour l’instant les seuls à avoir entamé les discussions. Les services sont en principe inclus dans les accords d’association, mais l’application du droit d’établissement et la fourniture des services sont largement différés. La libre circulation des personnes reste le principal blocage. Les pays du Sud et de l’Est de Méditerranée sont soumis à une restriction importante des entrées de travailleurs dans les pays membres de l’UE. La libre circulation des personnes n’est pas prévue par les accords, pour l’instant seul est assurée l’égalité de traitement des ressortissants de la zone euro-méditerranéenne dans les domaines des conditions de travail et de rémunération, de la sécurité sociale et de transfert des pensions. L’intégration régionale reste donc très limitée pour les pays partenaires méditerranéens.

Le libre-échange euro-méditerranéen est le moteur central de l’intégration euro-méditerranéenne. La réalisation définitive de la zone de libre-échange est prévue pour 2010 – 2012, mais que va t-il se passer après sa mise en place ? Le libre-échange représente le plus petit degré d’intégration régional. Il n’existe pas dans ce système, de tarifs extérieurs communs comme dans une union douanière, ni la libre circulation des personnes comme dans un marché commun et encore moins de monnaie commune comme dans une union économique.

Le partenariat euro-méditerranéen apparaît cependant comme une nouvelle forme de libre-échange puisqu’il prévoit la libre circulation du capital et des services et devrait intégrer les échanges agricoles. Certains transferts institutionnels sont également présents par l’harmonisation des normes. L’aide financière est aussi un atout important dans cette version moderne du libre-échange. Mais que devront espérer les PSEM après cette réalisation ?

Pourront-ils négocier une union douanière comme la Turquie ? L’union douanière représente, en effet, un degré plus poussé d’intégration régionale car elle met en place un tarif extérieur commun ainsi que des politiques commerciales communes. Après l’adhésion de Malte et de Chypre en 2004 et la position de candidat de la Turquie que peuvent espérer les autres PPM ? Après avoir clairement fait comprendre au Maroc qu’il n’était pas géographiquement européen, il est improbable que les autres pays des rives Sud et Est de Méditerranée bénéficient de la dynamique de perspective d’adhésion à l’UE, par contre, l’idée d’une union douanière n’est pas à exclure mais à très long terme. La création de la zone de libre-échange apparaît bien comme un moyen d’intégration régional, malgré la présence de certaines limites. Mais est-elle une fin en soi ? La nouvelle politique de voisinage va sans doute lever le doute. Une des propositions de la NPEV est l’intégration économique et la coopération sans perspective d’adhésion. Concernant le niveau économique, l’UE propose en effet d’aider ses voisins à adopter progressivement l’acquis communautaire grâce à une harmonisation législative et réglementaire afin que ces pays associés puissent participer à trois des quatre libertés du marché intérieur de l’UE sur les mouvements de capitaux, de biens et de services néanmoins il reste toujours la restriction de la libre circulation des personnes. Les PPM ayant signé ses nouveaux accords auront donc un ancrage plus poussé avec l’UE. A l’heure actuelle seul Israël, la Jordanie, le Maroc, L’Autorité palestinienne et la Tunisie ont adopté cette nouvelle stratégie. Les PPM ne perçoivent pas tous la NPEV de la même manière, nombre d’entre eux sont réticents face ces nouvelles directives de l’UE.

Le manque de décloisonnement Sud-Sud

L’intégration Sud-Sud est une condition nécessaire pour la réussite de l’intégration régionale euro-méditerranéenne malgré le fait

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

que la Conférence de Barcelone ait été axée essentiellement sur l’ouverture commerciale Nord-Sud. La conclusion d’accords de libre-échange entre les pays des rives Sud et Est de la Méditerranée pourrait rééquilibrer la polarisation des échanges mais également rendre la région plus attractive pour les investisseurs étrangers. La rive Sud est malheureusement connue pour l’échec de ce processus.

Néanmoins un changement de stratégie a permis

la création d’un maillage complet d’accords bilatéraux de libre-échange signés entre 1998 et 2002 entre le Maroc, l’Egypte, la Jordanie et la Tunisie d’une part et entre l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban d’autre part (cf. Figure ci-dessous).

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Depuis l’entrée en vigueur de son union douanière avec l’UE en 1996, la Turquie a accordé unilatéralement des préférences tarifaires à ses partenaires méditerranéens. En 2004, elle a signé quatre accords de libre-échange avec d’autres PPM. C’est la plus avancée dans l’intégration sud-sud. D’autres sont relativement exclus de ce processus : l’Algérie, Israël et l’Autorité palestinienne. L’Algérie n’a pas encore signé d’accords de libre-échange, sa priorité restant son accession à l’OMC et la ratification d’un accord d’association avec l’UE. Israël est à part dans ce processus pour des raisons politiques de même que l’Autorité palestinienne. Néanmoins la mise en place de ces accords n’ont pas fait en sorte d’accentuer les échanges commerciaux entre les PPM.

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Les PPM échangent très peu entre eux (même pas 5% en moyenne), en effet le Figure ci-dessus met en évidence des taux d’importations et d’exportations très faibles entre les partenaires méditerranéens. Ce sont essentiellement les pays de la rive Est qui échangent le plus avec d’autres PPM, néanmoins à part la Syrie et le Liban les taux restent faibles1.

Plus inquiétant, l’exclusion d’Israël qui n’a comme partenaires commerciaux parmi ses

associés méditerranéens que la Turquie, ce qui soulèvent la question de son intégration à l’ensemble euro-méditerranéen.

La dynamique du processus de Barcelone engage tout de même les pays arabes méditerranéens à s’investir dans la création d’une zone arabe de libre-échange même si celle celle-ci est longue à se mettre en place. L’Union économique arabe a en effet décidé de créer une Grande zone arabe de libre-échange en 1997, celle-ci devrait entrer

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Syrie 1,8 Jordanie 2 Egypte 4,6 Liban 6,5 Turquie 2,1 Israël 2,7

Algérie 1,2 Turquie 1,9 Liban 3 Egypte 3,6 Israël 1,4 Algérie 2

Liban 0,7 Jordanie 1,3 Jordanie 3,4 Liban 1,7

Maroc 0,7 Algérie 1,6 Egypte 1

Algérie 0,7 Libye 1,3 Libye 0,8

Libye 0,6 Maroc 0,3

Syrie 10,8 Syrie 24,9 Libye 3,9 Libye 4,5 Libye 1,7 Israël 2

Turquie 2,9 Turquie 7 Turquie 2,5 Algérie 1,4 Algérie 1,5 Algérie 1,4

Egypte 1,3 Jordanie 3 Algérie 0,7 Turquie 0,9 Israël 0,7 Egypte 0,8

Jordanie 0,7 Egypte 2 Maroc 0,5 Maroc 0,9 Libye 0,6

Algérie 2 Egypte 0,5 Maroc 0,6

Turquie 4,7 Turquie 3,5 Turquie 1,8 Turquie 0,7 Turquie 2,8 Turquie 2,2

Tunisie 0,6 Egypte 0,8 Algérie 0,9 Tunisie 0,5

Egypte 0,5 Tunisie 0,2 Egypte 0,5 Algérie 0,4

Liban 0,1 Tunisie 0,4

Exportations (%)

Exportations (%)Exportations (%)Exportations (%) Importations (%) Importations (%)

Importations (%)TurquieLiban

Importations (%)

JordanieSyrieEgypteImportations (%)

Exportations (%)Importations (%)

Algérie

Importations (%) Exportations (%)

IsraëlImportations (%) Exportations (%) Importations (%) Exportations (%)

Exportations (%)Tunisie

Maroc

Figure 17. La part des échanges commerciaux entre les PPM dans leur commerce extérieur en 2005

Données non fournies pour les Territoires palestiniens

Source : Eurostat

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Stéphanie Darbot, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite

en vigueur en 2008. Dix huit des vingt deux membres de la Ligue arabe ont signé un traité visant à éliminer les barrières commerciales existantes entre eux. Dès 1998, le projet est d’abaisser de 10% les droits de douane tous les ans afin d’arriver à les supprimer dans un premier temps sur les produits industriels et libéraliser progressivement les échanges agricoles. Il est ainsi prévu pour 2008 de mettre en place un marché commun arabe. Ce projet est un des plus réaliste de l’UEA et répond à la dynamique actuelle d’accroître les échanges commerciaux sud-sud. Entrée en vigueur le 1er janvier 2005, la zone de libre-échange ne semble pour l’instant pas renforcer les échanges commerciaux entre ses membres. Le contexte politique ralentit les différentes démarches d’ouverture économique. Afin de renforcer cette idée et d’accélérer l’ouverture sud-sud, l’Egypte, le Maroc, la Jordanie et la Tunisie émis le désir de s’associer dans une zone de libre-échange lors de la Déclaration d’Agadir le 8 mai 2001. L’accord signé le 25 février 2004 permettrait à ces pays associés à l’UE d’être traités comme un seul territoire formant un espace commercial unifié, ce qui serait une première pour la région. L’UE apporte un soutient important à cette initiative tant sur le plan financier que technique. En 2003, le programme d’aide pour le développement du libre-échange Nord-Sud et Sud-Sud pour les pays méditerranéens s’est doté d’une enveloppe de quatre millions d’euros par l’intermédiaire du programme MEDA. Néanmoins des incertitudes persistent sur l’articulation des trois processus d’intégration sud-sud : la Grande zone de libre-échange arabe, le processus d’Agadir et l’UMA.

L’initiative « 5+5 », une alternative

Le dialogue « 5+5 » regroupe cinq pays de l’UMA : l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, la Tunisie et cinq pays de l’UE : l’Espagne, la France, l’Italie, Malte et le Portugal. L’idée de cet instrument de dialogue politique informel est née dans les années 1980 mais il a été interrompu

dès 1990 suite à une conjoncture internationale difficile : Guerre du Golfe, sanctions contre la Libye, litiges algéro-marocains... Depuis sa reprise en 2001, des réunions régulières ont été instaurées entre les Ministres des Affaires étrangères d’une part, mais également entre les Ministres de l’intérieur et entre les Ministres des Affaires sociales de chaque pays participants. Ce dialogue informel aborde essentiellement des questions politiques, il a pour objectif de renforcer la coopération politique dans un premier temps à travers cet ensemble de dix pays afin de répercuter ensuite sur l’ensemble des partenaires du processus de Barcelone. Ce n’est donc en aucun cas une substitution du partenariat euro-méditerranéen mais bien au contraire un moyen de le consolider. En effet dans ce processus l’idée est de dépasser l’ancien clivage Nord/Sud sur des questions épineuses telle que la sécurité et l’immigration sans mettre de côté la coopération économique et culturelle, chaque participants s’expriment au même niveau. Parmi ces participants il faut noter la présence de la Libye qui a seulement un statut d’observateur dans le partenariat euro-méditerranéen. Relancé au sommet de Lisbonne en 2001, le dialogue « 5+5 » a tenu sa première réunion annuelle le 29 mai 2002 à Tripoli. Dès lors la Libye sortait de sa position marginale sur le plan international en participant activement au dialogue « 5+5 ». Le processus « 5+5 » apparaît comme une véritable alternative afin de dépasser les rapports asymétriques entre l’Union européenne et les pays partenaires méditerranéens. Il est devenu un moyen de dynamiser le partenariat euro-méditerranéen même si ce n’est qu’un instrument informel.

Les dix années de partenariat entre l’Union européenne et les pays partenaires méditerranéens n’ont pas changé la caractéristique fondamentale des relations euro-méditerranéennes de type centre-périphérie. La rive Sud reste dépendante commercialement du marché européen et

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n°2 (02-2007)

financièrement de l’aide extérieure de l’UE. La différence des gradients de niveau de vie reflète la position périphérique des PPM par rapport au centre représenté par l’UE. En devenant le leader de la construction régionale euro-méditerranéenne, l’Union européenne espérait impulser un développement économique au Sud par l’intermédiaire de la zone de libre-échange et ainsi réduire les flux migratoires Nord-Sud exacerbés par les difficultés économiques et géopolitiques actuelles. Depuis 1995, le partenariat n’a pas permis la création d’un réel espace euro-méditerranéen. La formation de blocs régionaux marque l’ensemble de la planète. Le partenariat était dans ce sens une véritable innovation puisqu’il réunissait dans un même projet pays du Nord et pays du Sud autours de trois thématiques : Politique, économique et culturelle. Sauf que l’initiative européenne n’est pas clairement définit sur le plan politique. Le volet économique axé sur l’instauration du libre-échange ne permet pas de régler les questions politiques et sécuritaires particulièrement intensifiées depuis le 11 septembre 2001. Le processus de Barcelone a-t-il pour ambition de créer un espace de coopération Nord-Sud sous l’image emblématique de la Méditerranée ou est-il un moyen pour l’Union européenne de se protéger des espaces chaotiques de la rive Sud ? Le manque de résultat et le revirement stratégique de la nouvelle politique de voisinage fait craindre l’abandon de l’objectif premier de la création d’une région euro-méditerranéenne. Comment va s’inscrire le partenariat euro-méditerranéen dans cette nouvelle stratégie de voisinage ? Va-t-elle réellement permettre une meilleure intégration des PPM à l’Europe ? Pour l’instant, la « zone euro-méditerranéenne » n’est pas véritablement un espace régional en tant que tel, même au niveau commercial puisque les flux Sud-Sud sont pratiquement inexistants. L’utopie de Barcelone est pourtant nécessaire car les enceintes euro-méditerranéennes sont les seules existantes à ce jour réunissant les membres de l’Union européenne et les partenaires méditerranéens

dans leur ensemble et dans une situation géopolitique particulièrement instable au Sud de la Méditerranée il paraît invraisemblable d’abandonner un tel projet.

Notes

1. Cahier français n°317, A l’heure de la mondialisation. Mondialisation et intégration régionale, des dynamiques complémentaires, p59-63

2. La présence dans le tableau de la Libye (membre observateur du partenariat) est à noter car elle annonce une futur intégration de celle-ci au processus de Barcelone. La Libye fait partie des principaux partenaires commerciaux de la Tunisie et commerce avec quatre autres partenaires méditerranéens.

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