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SOCIALIS.ME OU . BARBARIE A PARAITRE AUX PROCHAINS NUMEROS · La Guerre et notre Epoque La Paysannerie dans la Révolu'tion Coloniale L'Ouvrier Américain (suite) Le Plan Marshall La Bureaucratie Yougoslave A propos des derniers écrits de Trotsky La u démocratie populaire n : une étape de l'idéologie bureaucratique L'évolution de l'impérialisme depuis Lénine 100 francs Le Gérant : G. ROUSSEAU ou BARBARIE Organe de Critique et d'Orientation Révolutionnaire PARAIT TOUS LES DEUX MOIS SOMMAIRE Les rapports de prodùction en Russie Pierre CHAULIEU. Babeuf et la naissance· du communisme ouvrie!l" - Jean LEGER. DOCUMENTS: L'Ouvrier Américain (suite) - Paul ROMANO. La vie de notre· groupe. Le parti révolutionnaire NOrrES.: La situation internationale - D·éfai· tisme révolutionnaire et défaitisme stalinien- Le procès Kravchenko - Les. livres: cc La fortune, américaine et son destin , - Correspondance 1re Année - Mai-Juin

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  • SOCIALIS.ME OU . BARBARIE

    A PARAITRE AUX PROCHAINS NUMEROS

    La Guerre et notre Epoque

    La Paysannerie dans la Rvolu'tion

    Coloniale

    L'Ouvrier Amricain (suite)

    Le Plan Marshall

    La Bureaucratie Yougoslave

    A propos des derniers crits de Trotsky

    La u dmocratie populaire n : une tape de l'idologie bureaucratique

    L'volution de l'imprialisme depuis Lnine

    100 francs Le Grant : G. ROUSSEAU

    (~ ou BARBARIE Organe de Critique et d'Orientation Rvolutionnaire

    PARAIT TOUS LES DEUX MOIS

    SOMMAIRE

    Les rapports de prodction en Russie Pierre CHAULIEU .

    Babeuf et la naissance du communisme ouvrie!l" - Jean LEGER.

    DOCUMENTS: L'Ouvrier Amricain (suite) - Paul

    ROMANO.

    La vie de notre groupe. Le parti rvolutionnaire

    NOrrES.: La situation internationale - Dfai tisme rvolutionnaire et dfaitisme stalinien- Le procs Kravchenko -Les. livres: cc La fortune, amricaine et son destin , - Correspondance

    1re Anne - Mai-Juin

  • SOCIALISME ou BARBARIE Pat tous les deux mois

    Comit de Rdaction :

    P. CHAULIEU- M. FOUCAULT Ph. GUILLAUME- C. MONTAL - J. SEUREL (Fabri)

    Grant : G. ROUSSEAU

    Ecrire : " SOCIAUSME OU BARBARIE 11 18, rue d'Enghien . PARIS (1~)

    Rglements par mandat: G. ROUSSEAU - C.C.P . .722.603

    ABONNEMENT UN AN (six numros). . . . . 500 francs LE NUMERO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 francs

    :SOCIALISME ou BARBARIE

    LES RAPPORTS DE PRODUCTION EN RUSSIE*

    La question de la nature de classe des rapports conomiaues et par tant sociaux en Russie a une importance politique qti'on ne sau.rait exagrer. La grande mystification qui rgne autour du caractre soi-disant socialiste de l'conomie russe est un des obstacles principaux l'mancipation idologique du pro~ ltariat, mancipation qui est la condition fondamentale de la Jutte pour son mancipa~ion socia"le. Les militants qui commen;.. cent prendre conscience du caractre contre-rvolutionnaire de la politique -des partis communistes dans les pays bourgeois sont freins dans leur volution politique par leurs illusions sur la Russie; la politique des partis communistes leur parat oriente. vers la dfense de la Russie - ce qui est incontestablement .vrai - Clone comme devant tre juge et en dfinitive accepte en fonction des ncessits de cette dfense. Pour les. plus cons-cients parmi eux, le procs du stalinisme se ramne constamment '" celui de la Russie; et dans leur apprciation de celle-ci, mme s'ils acceptent une fouJe de critiques particulires, ils res.tent, dans leur grande majorit_, obnubils par 'l'ide que l'conomie

    Extraits d'un ouvrage sur l'Economie du Capitalisme Bureaucratique.

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  • 1 russe est quelque chose d'essentiellement diffrent d'une cono-mie d'exploitation, que mme si elle ne reprsente pas le socia-lisme, elle est progressive par rapport au C?pitalisme.

    Il est en mme temps utile de constater que tout, dans la socit actuelle, semble conspirer :pour maintenir le proltariat dans cette gr~nde illusion. Il est instructif de voir _les reprsen-- _ tants du stahmsme et ceux du capitalisme occidental , en dsaccord sur toutes les questions, capables mme d'tre en ds-accord sur le deux et deux font quatre, se rencontrer avec une unanimit tonnante pour dire que la Russie a ralis le socia- . lisme . Evidemment, dans le mcanisme de mystification des uns et des autres, cet axiome joue un rle diffrent : por 'les staliniens, 'l'identification de la Russie et du socialisme sert prouver l'excellence du rgime russe, tandis que pour les capita-listes elle dmontre le caractre excrable du socialisme. Pour les staliniens, l'tiquette socialiste sert camoufler et justifier l'exploitation abominable du proltariat russe par la bureaucra-tie, exploitation que les idologues bourgeois, ms par une phi-lanthropie soudaine, mettent en avant pour discrditer l'ide du socialisme et de la rvolution. Mais sans cette identification, la . tche de~ uns et des autres serait beaucoup plus difficile. Qpen~dant dans cette tche de mystification, staliniens aussi bien que bourgeois ont t objectivement aids par 'les courants et les idologues marxistes ou soi-disant tels, qui ont dfendu et contri-bu diffuser la mythol,ogie des basses socialistes de l'co-nomie russe(I). Ceci s'est fait pendant vingt ans l'aide d'arguments d'apparence scientifique qui se ramnent essentiel-lement deux ides :

    a) Ce qui n'est pas socialiste dans l'conomie russe, serait - en tout ou en partie - la, rpartition des revenus. En revanche, la production, qui est le fondement de l'conomie et de la socit, est socialiste. Que 'la rpartition ne soit pas socia--liste, est aprs tout normal, pmsque dans la phase infrieure du communisme le droit bourgeois continu,e ~ prvaloir.

    b) Le caractre socialiste - ou de toute faon, transi-

    (1) Dans cet onlre d'ides, c'est L. Trotsky qui le plus contribu - sans-. conunune 1ncsure a\'("C pH'sonnp d'nutre, cause e 1'int1nense autorit dont H jouissait auprs d~s milieux r,olutionnaires anti-stalinlens - maintenir cette confusion aup~s de l'avantogarde ouvrire. Son analyse ctrone de la. socit russe continue exercer une influence qui est devenue nettement nfaste, danr la mesure o elle est toujours maintenue avec infiniment moins de j;ricux et d'apparence scientifique par ses pigones. Notons encore l'in-fluence que certains frunes-tireurs du stalinisme, comme M. Bettelheim -' ha~Jit_uell_ement considr comme " marxiste '', pour lu plus grat~de hilarit-des generatiOns futtnfs -- exercent par le fait qu'Hs hablllrnt ltut apologie-de la bureaucratie d'un jnrgon (de rpartillon, mau':'ais ctt, la por~e ! Appliqu aux cireonstances actuelles, cela veut d1re : 1

  • en profiter pou,r approfondir certaines notions importantes. comme celles de la rpartition, de la proprit et de la signifi-cation exacte des rapports de production.

    L PRODUCTION - REPARTITION ET PROPRIETE

    A. - PRODUCTION ET RPARTITION. Aussi bien sous leur forme vulgaire ( il y a en Russie des

    abus et des privilges, mais dans 'l'ensemble c'est le socialisme) que sous leur forme

  • fion. C'est prcisment parce que Ricardo s'attachait conce-voir la production moderne dans son organisation sociale dter-mine et parce qu'il est l'conomiste de ]a production par excel-lence, qu'il dclare la distribution et" non la production, le thme propre de l'conomie moderne. Ici, a1pparat nouveau l'absurdit des conomistes qui traitent l
  • ces rapports). Comme cet exemple 'le montre; il ne s'agit mme pas ici d'une erreur : il s'agit d'une notion absurde, aussi dnue de sens scientifique qu' avion hippomobile , par exemple, o thorme mammifre .

    Ni la rpartition des conditions de la production, ni le mode de production ne peut tre en contradiction avec la rpartition du produit social. Si cette dernire a un caractre oppos ;J.UX premires, qui en sont les conditions, elle clatera immdiate-ment - de mme qu'claterait immdiatement et infailiible-ment toute tentative 'd'instaurer une rpartition socialiste sur la base des rapports de production capitalistes.

    Si donc, les rapports de rpartition en Russie ne sont pas socialistes, les rapports de production ne peuvent pas l'tre non plus. Ceci prcisment parce que la rpartition n'est pas auto-nome, mais subordonne la production. Les pigones de Trotsky, dans leurs efforts dsesprs pour masquer l'absurdit de leur position, ont souvent dform cette ide de la manire suivante : vouloir tirer des conclusions sur Je rgime russe d'aprs les rapports de rpartition, signifie remp'lacer l'analyse du mode de production par J'analyse du mode de rpartition. Ce lamen-table sophisme vaut autant que cet autre : regarder sa montre pour voir s'il est midi, signifie croire que ce sont les aiguilles de la montre qui font monter Je soleil au znith. Il est facile de comprendre que, prcisment, parce que les rapports de rpar-tition sont dtermins sans ambigut par les rapports de pro- duction, 'l'on peut dfinir sans erreur les rapports de prod.uc- . tion d'une socit si l'on connat la rpartition qui y prdomme. De mme que l'on peut sans erreur suivre la marche d'un navire mme si l'on n'a,peroit que les mts, de mme l'on j)eut dduire la structure fondamentale (suppose inconnue) d'un rgirpe d'aprs le mode de rpartition du produit social.

    Mais ici l'on entend parler trs souvent du droit bot]r-geois qui doit subsister dans la phase infrieure du commu-nisme en ce qui concerne la. rpartition. Cette question sera traite plus loin dans l'extension ncessaire. Disons cependant tout de suite que personne avant Trotsky n'avait imagin que l'expression droit bourgeois, employe par Marx mtapho-riquement, pouvait signifier la rpartition du produit social selon les lois conomiques d1,1 capitalisme. Par la survivance du droit bourgeois, Marx et les marxistes ont toujours entendu la survivance transitoire d'une ingalit, non point le main-tien t l'approfondissement de l'exploitation du travail.

    A ces sophismes sur la rpartition se lie une autre ide de

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    Tr~tsky ( 1 1) selon laquelle la bureaucratie russe n'a pas sa rac1~e d~n.s les ra~ports de production, mais uniquement dans la repartitiOn. Q.umque cette ide sera: discute fond plus tard, !orsque nous traiterons de la nature de classe de la bureaucratie Il est ncessaire d'en dire quelques mots ds maintenant ca~tse de son _lien avec la discussion prcdente. Cette ide po,ur-

    ra~t ne 'pas e~re absurde dans la mesur o l'on attriburait !a ?lJ':eau,cratie russe Ja mme signification (ou plutt la mme msigmfiance) conomique qu' la bureaucratie des Etats bour-geois de l'poque librale, au milieu dit x1x sicle, On avait l

    a~?rs, un corps qui jouait un rIe restreint dans la vie con; mique, qu'on pouvait qu.alifier de parasitaire au mme titre que. l.es prostitues et le clerg; corps dont les revenus taient

    constit~es par des prlvements stir les revenus des classes avnt des r.acmes d~ns .la production - bourgeoisie, proJ)ritaires fon-ciers. ou pro~et~nat; ~~rps qui n'avait rien voir avec la pro-

    ducti~m: Ma1s Il est evident qu'une telle conception n'est mme ~lus JU;te en ce qui conce.rne la bureaucratie capitaliste actuelle, 1 Etat etant devenu depu1s des dcades un instrument vital de l' ~co~omie de classe et jouant un rle indispensable dans la coor-dmatwn de la production. La bureaUcratie actuelle du. ministre de l'~conor:nie Nationale en France, si elle est parasitaire, l'est au meme titre et dans le mme sens que celle de la Banque de France, de la S.N.C.F. ou de la direction d'un trust : c'est--dire qu'elle .est. indispensable dans, l~ cadre des rapports conomiques du capitahsm~ actuel. Il est evident que la tentative d'assimiler la bureaucratie russe, qui dirige la proquction russe de A z au:- trs honora~'Ies fonctionnaires de l're victorienne, de- tout pomt de~vue mais surtout du point de vue du rle conomique, n~ peut que provoquer; Je, ri~e. Trotsky rfute lui-mme ce qu'il dit par ailleurs, lorsqu Il ecnt que la bureaucratie est devenue une !oree incontrl~, ~omina~t les masses (I2), qu'elle est: maitr~~se de la S?

  • et partie consommable, rgler la division de celle-ci en salaire ouvrier et revenu bureaucratique, s'i'l ne domine pas dans toute son tendue la production elle-mme ? Rpartir le produit entre une fraction accumulable et une fraction consommable signifie avant tout orienter telle partie de la production vers la produc-tion de moyens de production et telle autre la production d'objets d'objets de consommation; diviser le revenu consommable en salaire ouvrier et revenu bureaucratique signifie orienter une
  • ',

    ii :r 1 il: d' '

    des ralits conomiques ? Seul un vulgaire libraL comme dirait Linine - et comme il l'a dit rellement dans un cas fort ana-logue ( 16) - ou un mcaniste sans espoir pourrait admettre cette" identit. Il nous. est impossible d'entrer ici dans l'amtlyse des rapports entre la base conomique et la superstructure juri-dique, p

  • c) On peut ramener toutes ces constatations 'l'ide nonce dj pl~s . h~ut, .selon laquelle le droit est. l'expression abstraite de_ la reahte soc1ale. Il en est l'expression - ce qui signifie que meme sous les formes les plus mystificatrices, il garde un lien avec Ja. ralit, au moins dans le sens qu'il doit rendre possible le fonctionnement social dans les intrts de la classe domin::lnte. Mais, en tant qu 'e~pression abstraite il est inluctablement une expression fausse, car sur le plan social toute abstraction qui n'est pas connue en tant qu'abstraction est une mystification (22).

    Le marxisme a t, juste titre, considr comme le. dfmo- lisseur des abstractions dans le domaine des science~ sociales .. D~ns ce sens sa critique des mystifications juridiques et cono-miques a toujours t particulirement violente. II n'en devient que plus tonnant que la tendance reprsente par Trotskv ait dfendu, de longues annes durant, une forme particulire~ent pousse de juridisme abstrait dans l'analys de l'conomie russe. Ce recul des modJes d'analyse conomique concrte offerte par Marx vers un formalisme fascin par la proprit tatique a objectivement aid le travail mystificateur de la bureaucratie s~a'linienne et ne fait qu'exprimer sur le plan thorique la crise reelle dont le mouvement rvolutionnaire n'est pas encore sorti.

    d) n nous faut maintenant concrtiser ces penses dans 1e. cas de l'tatisation totale de la production.

    Marx disait dj que de mme qu'on ne juge pas un homme d'aprs ce qu'il pense de lui-mme, de mme on ne ju.ge pas une socit d'aprs ce qu'elle dit d'elle-mme dans sa constitu--tion et ses lois. Mais on peut pousser cette comparaison encore plus loin. De mme que, une fois que 'l'on connat un homme l'id~e qu,':il a de lui-mme est un lment essentiel de sa psych; log1e qu 1l faut analyser et lier au reste pour avancer dans la: connaissance que l'on a de lui, de mme, une fois que l'on a analys l'tat rd d'une socit, l'image que cette socit se~ donne d'elle-mme dans son droit, etc ... , devient un lment im-- . portant pour une connaissance plus pousse. Dans un langage plus prcis, si nous avons dit que le droit est la fois une .forme adquate et une forme mystifie de la ralit conomique, il nous faudra l'examiner dans le cas russe dans ces deux fonctions et voir comment la proprit tatique universel'le sert la fois' de masque des rapports de production rels et de cadre commqde pour le fonctionnement de ces rapports. Cette analyse sera re-prise plusieurs fois plus loin, et vrai dire ce n'est que l'ensemble

    .

    (22} Cf. !{, :\lAm.:_. Critique du PI'Ogi'Ctmme de Gdtha, Paris, 1947, pp. 23-24 .

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    .de cet ouvrage qui donne une rponse cette, qu~tion. :\\ais quelques jalons essentiels doivent tre poss ds maintenant

    jusqu' 1930, personne, dans le mouvement marxiste, n'avait jamais considr que la proprit tatique formait en tant que telle une base pour des rapports de production sociaJistes ou mme tendant devenir tels. Personne n'avait jamais pens que 1a nationalisation des moyens de production tait quivalente l'abolition de !'.exploitation. Au contraire, J'accent avait t toujours mis sur le fait qu'en devenant proprit de l'Etat, les moyens de production ne perdent pas leur caractre de capi-tal... L'Etat est le capitaliste coHectf idal (23). On peut .compter par douzaines les texts o Lnine explique que le capi-talisme des monopoles s'est dj transform pendant la guerre ~de 1914-1918 en capitalisme d'Etat.(24). Si l'on peut reprocher

    ,que~que chose ces fonnulations de Lnine-, ce serait plutt leur surestimation de la rapidit du processus de concentration des moyens de production entre les mains de l'Etat. Pour Trotsky, en 1936, l capitalisme d'Etat tait une tendance idale qui ne pouvait jamais se raliser dans ]a socit capitaliste (zc;). Pour. Lnine, en 1916.. c'tait dj la ralit capitaliste de son poque (26). Lnine se trompait certainement en ce qui con-cerne son poque, mais ces citations suffisent mettre fin aux stupides racontars des pigones de Trotsky selon lesquels la pos-sibilit d'une tatisation de la production en dehol'S du socia-lisme est une hrsie du point de nie marxiste. De toute faon, cette hrsie fut canonise par le Premier Congrs de flnterna-tionale Communiste, qui proclamait dans son Manifeste : olllellerse la Science, t. Ill, pp; 42-M. i24) Lenilt, Coll. \Vorks, vol. XXI-2, p. ~02. i2J) l"tt Rvolution trahie, p. 28. (26) Lenin, ib, p. 88. V. aussi vol. XX-2, p. 207.

    C27) T/!.~es, Manife.~tes et Rsolutions adoptes. par les Jr, II, III< e( lV Congrs de l'Internationale Communi.~le, Pal'is, 1934, p. 31.

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  • te plus concret de capitlisme 'Cl'Etat. Tout le monde sait quel' est cet exemple. C'est l'AIIem.agne. Nous avons ici le .dernier mot de la technique moderne grande chelle et d'oraanisation pla~ifie capitaliste subordonnes l'imprialisme junker bnur-geo.zs. Enlevez les mots souligns et la place de 'l'Etat milita-riste, de l'Etat junker bourgeois imprialiste mettez un Etat d'u:1 type social diffrent : un Etat sovitique, c'est--dire prol-tanen, et vous aurez la somme totabe des conditions ncessaires pour le socialisme ...

    . En 1':~1e temps le socialisme est inconcevable si le prol-tanat ne dmge ras l'Etat. Ceci aussi est de l'A B C. Et l'his-toire a eu un tel dveloppement original qu'elle a produit en 1918 les deux moitis du sociali'sme existant cte cte comme deux poussins fu.turs dans l'unique coquille de J'imprialisme international. En 1918 l'Allemagne et la Russie taient l'incar-nation de la ralisation matrielle la plus frappante des condi-tio~s .conomiques, productives, sociales, conomiques; pour le socialisme, d'une part, et des conditions politiques d'autre part. (Lnine, Selected. Works, vol. VII, p.' 365.) Cette mme comparaison le lecteur franais peut la trouver dans La Cata-

    . strophe imminente et les moyens de la conjurer (dition de La Vrit, 1946, p. 2 et su,iv.).

    Il devient vident 'la lecture de ces textes, sur lesquels la tendance trotskyste garde n curieux silence, que pour Lnine : , , 1 o. N?n seulement la forme de la proprit tatique, mais

    l etatisatiOn au sens le plus profond de ce terme, c'est--dire l'unifi'cation complte de l'conomie et sa gestion par un cadre unique ( planification ) ne rsolvaient nullement la question du contenu de classe de cette conomie, ni par consquent de 'l'abolition de l'exploitation. Pour Lnine non seulement l'tati-sation en tant que telle n'est pas forcment socialiste mais l'tatisation non-socialiste reprsente la forme lg p?us lourde et la plus acbeve de l'exploitation dans l'intrt de la classe domi-nante.

    2 Ce qui confre un contenu socialiste ]a proprit tatique (ou. ~ationa!i.se!, d,'aprs Laine,. c'~st le caractre du pouvoir pohtiq.ue. L etatisatiOn plus le pouv01r des Soviets, pour Lnine, donnait la base du socialisme. L'tatisation sans ce pouvoir tait lsel de celle-ci.

    Cela dit. retenons simplement le fait que jusqu' 1930, les marxistes taient unanimes , considrer que la nationalisation

    . de la production ne signifiait rien par elle-mme, et qu'elle rece-vait son vritable contenu du caractre du pouvoir politique. A. cette poque, seuls les staliniens avaient une position .diffrente. C'tait Trotsky qui se chargeait de leur rpondre, en crivant : ... Le .caractre sotialiste ,de l'industrie est dtermin et .. as~ur dans une mesure dcisive par le rle du parti, la cohsion interne-volontaire de l'avant-garde proltarienne, et la 'discipline cons-ciente des administrateurs, fonctionnaires syndicaux, membres des cellules d'usine, etc. Si nous admettons que ce tissu est en train de s'affaiblir, de se dsintgrer et de se dchirer, alors il devient absolument vident que dans une brve priode il ne restera plus rien du caractre socialiste de l'industrie tatique, des transports, etc ... (29)

    Ceci fut crit en juillet fgz8. Quelques mois plus tard, Trotsky (28) V. l'article Socialisme ou Barbarie , dans le n 1 de cette Revue,

    pp. 34-37. . . . (29) L. TROTSKY, The; Third International after Lenin, p. 36(},

  • crivait. encore : Le noyau proltarien du parti, aid par la classe ouvrire,. est-il capab-le de triompher de l'autocratie d 'l'appareil du parti qui est en ~rin de fusionner avec l'appareil

    de l'Etat ? Celui qui rpond d'avance qu'il en est incapable, parle non seulement de ncessit d'un nouveau parti sur des nou-vaux fondements, mais aussi de la ncessit d'une deuxime et nouvelle rvolution prltarienne. >> (30) Comme on sait, cette ~poque Trotsky excluait non seulement l'ide d'une rvolution en Russie ~ croyant qu'une simple rforme du rgime suffirait pour carter la . bureaucratie du pouvoir - mais tait rsoiu-ment contre l'ide d'un nouveau parti, et se fixait comme objectif le redressement du P.C. russe (31).

    Enfin, encore en 193 1, Trots ky donnait les traits politiques du pouvoir comme dterminant le caractre ouvrier de l'Etat russe : La reconnaissance de l'Etat sovitique actuel comme un Etat ouvrier ne signifie pas seulement que la bourgeoisie ne peut pas prendre le pouvoir aufrement que par la voie d'une insurrection arme, mais aussi que le proltariat de l'U.R.S.S. n'a pas perdu la possibi'lit de se soumettre la bureaucratie, de rgnrer le parti et de modifier le rgime de la dictature -sans une nouvelle rvolution, par les mthodes et la voie de la rforme. (32)

    Nous avons multipli ces citations au risque d'ennuyer le lecteur, parce qu'elles rvlent une chose soigneusement cache par Jes pigones de Trots ky : pour celui-ci, jusqu' 1931, le caractre de l'con'Omie russe devait tre dfini d'aprs le carac-tre de l'Etat; la question russe se ramenait la question du caractre du pouvoir politique(33). Pour Trotsky, cette poque, c'tait le caractre 'proltarien du pouvoir politique qui donnait un caractre socialiste l'industrie tatise; ce caractre prolta--rien du povoir politique, malgr la dgnrescence burea.ucra-tique, .tait pour lui garanti par le fait que 'le proltariat pou-vait encore ressaisir le pouvoir et expulser la bureaucratie par cune simple rforme, sans rvolution violente. Ce critre, nous l'avons dit, est insuffisant - ou plutt driv et secondaire. Cependant, il faut retenir le tait que Trotsky ne lie nul'lement

    !30) .L. TROTSKY, Lettu Borodai, publie dans New International, 1943, p. 124.

    (31) V. la lettre cite dr Trots ky et tous ses textes de cette poque. (32) Tbe problems of tbe depe/oppment of the U.S.S.R., p. 36. m:p Ce fut Max Schachtman qui montra le premier que Trot!lky n'avana

    sa thotie sur Je carac.tre ' sodaHste de la proprit nationalise qu'aprs 1\1:12. (V. New International, 1 .. c.). Il faut r;'ma,rquer que Schachtman qua-llfle to1t la conception que jusqu'alors Trotsky avait dfendu de preinire thor"ie de Trotsky " : cette conception n'tdt que la oonce.ption universelle dans le mouvement marxiste, comme nous l'avons montr, et nullement une thorie de Trotsky. Mals ceci Schachtman ne peut pas le dire, car il lui faudrait dans ce cas s'expliquer sur les questions du capitalisme d'Etat; '

    cette poque la question dtr caractre du rgime la c proprit tatique (34).

    Ce ne fut que trois annes plus tard (35) que Trotsky opra une brusque-volte-face, proclamant la fois : 1 o que toute r-forme .en Russie est dsormais impossible, que seule une nou-velle. rvo1ution pourra chasser l bureaucratie et instaurer le pouvoir d.es masses et qu'il faut construire un nouveau parti rvolutionnaire, mais aussi 2 que le rgime russe continue garde~ ,son caractre proltarien, garanti par la proprit natio-nalise des JllOyens de .production. Ce fut . cette position, qui,. consigne travers d'innombrables contradictions dns la Rvo-lution Trahie, fut dsormais le dogme intangible de la tendance trotskiste.

    L'absurdit sans .espoir de cette position clate lorsqu'on' rflchit un moment sur le. terme mme de nationa'lisation ..

    ~ Nationalisation et proprit nationalise sont des expres-sions antimarxistes et antisdentifiques. Nationaliser signifie don- ner la nation. Mais qu'est-ce que la nation ? La nation est une abstraction; en ralit la nation est dchire par les. antagonismes de classes. Donner la nation, signifie, en ralit,. donner la classe dominante de cette nati0n. Expliq)Jer par consquent que la proprit en Russie a un caractre socia-liste ou prdltarien, parce qu'elle est nationalise, est tout sim-plement un cercle vicieux, une ptition de principe : la pro-prit nationalise ne peut avoir un contenu soci_aliste que si ta classe dominante est le proltariat. Les trotskistes rpondent cela qu'il est a priori certain que le proltariat est classe domi-nante en Russie, puisque la proprit est nationalise. C'est 'lamentable, mais c'est ainsi. Ils rpondent aussi que le prolta-riat est fatalement classe dominante en Russie, puisque les capi-talistes privs ne le sont pas, et puisque ils ne peut pas y avoir d'autre classe, sauf le proltariat et les capitalistes, dans l'poque-' actuelle. Marx, semble-t-il, a dit quelque chose dans ce got. Il est mort en 1883 et repose au cimetire de Highgate, Londres.

    Nous avons vu que la forme de proprit tatique ne dter-mine pas les rapports de production, mais est dtermine par ceux-ci, et qu'elle peut tr.s bien exprimer des rapports d'exploi-tation .. Il nous resterait maintenant voir pourquoi cette forme apparat dans tel moment . prcis de l'histoire et dans telles.

    (34) RappelQUS que la . plus grande part de l'industrie russe taU natio- naUse depuis 1918, de mme que le sQI, le sous-sol, ls transports, les banques. eto... . _

    (35) 'Le dbut de ce tournant est formul dans ThermidoJ, Etat ouvrier et Bonapartisme.

  • conditions concrtes. Autrement dit; aprs avoir vu en quoi la forme de Ja proprit tatique est une forme mystifie de la ralit conomique, il nous faut examiner pourquoi elle en est aussi une forme adquate. Nous traiterons ce prohlme la fi'n de cet ouvrage, lorsque nous tcherons de dfinir les rapports de l'conomie russe avec le 'dveloppement du capitalisme mon-dial. Il nous suf.fit pour le moment de dire que cette forme de proprit, aussi bien que la planification de classe qu'elle rend possible ne sont que les expressions suprmes et ultimes du processus fondamental du capitalisme moderne, qui est la concentration des forces productives, processus qu'elles ralisent sous deux aspects : concentration de la proprit formelle, con-centration de la gestion effective de la production.

    e) On a vu que l'tatisation n'est nullement incompatible avec une domination de classe sur le proltariat et avec une exploitation, qu'el'le en est mme la forme la plus acheve. On peut comprendre galement - on le verra dans le dtail par la suite - que la planification russe a galement la mme fonc-tion : e-lle ex,prime sous une forme coordonne les intrts de la bureaucratie. Ceci se manifeste aussi bien sur le plan de 'l'accu-mulation que sur celui de la consommation, qui sont d'ailleurs en dpendance rciproque absolue. Le d~veloppement concret de l'conomie russe sous la domination bureaucratiq~e ne diffre en rien, quant son orientation gnrale, de celui d'un pays capitaliste : au lieu que ce soit le mcanisme aveugle de 'la valeur, c'est le mcanisme du plan bureaucratique qui assigne telle partie des forces productives la production des moyens de production et telle autre la production des biens de consom~ mation. Ce qui conduit l'action de la. bureaucratie dans ce do-maine n'est videmment pas l'intrt gnral de 'l'conomie

    - notion qui n'a .aucun contenu concret et prcis - mais ses propres intrts; ceci se traduit par le fait que l'industrie lourde est oriente essentiellement en fonction des besoins militaires -et ceci dms les conditions actuelles et surtout pour un pays relativement arrir, signifie la ncessit de dvelopper l'ensemble

    de secteurs productifs; que les industries de moyens de consom-mation sont orients d'aprs 'les besoins de la consommation des bureaucrates; et que dans l'accomplissement de ces objectifs, les travailleurs doivent rendre le maximum et coter le mini-. mum. On voit donc qu'tatisation et planification en Russie ne font que servir les intrts de classe de Jabureaucratie et J'exploi~ tation du proltariat, et que les objectifs essentiels et le moyen fondamental (l'exploitation des travailleurs) sont identiques avec '26

    .ceux des conomies capitalistes. En quoi donc cette conomie .peut-elle tre qualifie de progressive ?

    Pour Trotsky, la rponse essentielle consiste invoquer 'l'accroissement de la production russe. La production russe a quadrupl et quintupl dans quelq11es annes, et cette augmen-tation, dit Trotsky, aurait t imposs{ble si le capitalisme priv tait maintenu dans le pays. Mais si le caractre progressif de la bureaucratie dcoUle du fait que celle-ci dveloppe les forces productives, alor.s se pose le dilemme suivant :

    .- ou bien, le dvelopp~ment des forces productives impuls par la bureaucratie est en ffn de compte un phnomne de courte dure et d'tendue limite, donc sans porte historique;

    . ~ ou bien, la bureaucratie est capable, en Russie (et dans .ce cas aussi partout) d'assurer une nouvelle phase historique de dveloppement des forces productives.

    Pour Trotsky le deuxime terme de cette alternative est .rejeter catgoriquement. Non seulement il considre comme cer-tain que 'la bureaucratie n'a aucun avenir historiqu~, mais il affirme que dans le cas o un chec prolong de la rvolution permettrait la bureaucratie de s'installer durablement au pou-voir l'chelle mondiale, ce serait l un rgime de dclin, signifiant une clipse de la civilisation (36).

    Quant nous, nous partageons comp'ltement le contenu . essentiel de cette conception. Il reste donc le premier terme de 1'-alternative : le dveloppement des forces productives en Russie sous l'impulsion de la bureaucratie est un phnomne de courte dure, d'tendue limite et en dfinitive sans porte historique. C'est d'ailleurs la position claire de Trotsky, qui ne se borne pas cela, mais indique d'une manire sommaire, il est vrai, quel-ques-uns ,des facteurs qUi font dj de la bureacratie le pire frein au dveloppement des forces productives (37).

    Mais dans ce cas il est vident que toute tentative de qua-lifier comme progressive l'conomie russe perd automatique-ment_ sa base. Que la bureaucratie ait augment entre 1928 et -1940 la production russe de quatre ou cinq fois, cependant que l'imprialisme japonais ne faisait que la doubler pendant la mme priode, ou que les U.S.A. la doublaient entre 1939 et 1944; qu'elle ait accompli en vingt ans ce que la bourgeoisie d'autres pays a accompli dans quarante ou soixante, devient partir de ce moment un phnomne extrmement important, certes, mritant une analyse et une explication particulires, mais en fin de compte ne diffrant pas qualitativement du. dvelop-

    (36) In dfense of Marxism, p. 9. (37) lb., p. 6. (V. La Rvolution trahie, passim.)

    21

  • placer les rserves sociales et les intruments uss ou de les multi-plier: Par 1~ _mme. on peut dire non seulement que toute pro- ductwn ulteneure est dtermine par la rpartition prcdente n:ais _que la rpartitio~ venir est le facteur dterminant l'orga:-msatwn de la prodt_ItJon courante.

    Enfin, production en tant qu'organisation aussi bien que production en tant que rpartition reposent l'une et J'autre sur l'appropriation des conditions de la production, c'est--dire sur l'appropriation de la nature, dt:: la. nature extrieure autant que du P_I:opre corps. de l'homme. Cette appropriation apparat d'une 111amere dynamique dans le pouvoir de disposer de ces condi-twns de. la production, que cette disposition ait comme sujet la communaut indistinctement dans son ensernble ou qu'elle soit l'objet d'un monopole exerc par un groupe, une catgorie, une l asse sociale.

    Par consquent, organisation (gestion) de, la production elie-mme, rpartition du produit, toutes les deux fondes sur la disposition des conditions de la production, voil le contenu gn-ral des rapports de production. Les rapports de production d'une poque donrie se manifestent dans l'organisation (gestion) cie la coopration des individus en vue du rsultat productif et dans. la rpartition de ce produit, partir d'un mode donn de dispo--sition des conditions de la production (38).

    Mais dans les rapports de production ce qui est important n'est pas la notion gnrale, qui dcoule de la simp'le analyse du con.cep~, de la. vie social,e, et qui, dans ce sens, est .une tautologie, ma1s 1 evolutiOn concrete des modes de pooduct1on dans l'his-toire de l'humanit.

    Ainsi dans les socits primitives, o la division en classes-fait le plus souvent dfaut, o les mthodes et 'l'obje'Ctif de la production aussi bien que les. rgles de rpartition ne sont sou-mis qu' une volution extrmement lente, o les hommes subis-sent beaucoup plL\S les lois des choses qu'ils ne les transforment. l'organisation de la production et la rpartition semblent rsu1ter aveuglment de la tradition et refltent passivement 'l'hritage du pass social, !'.influence dcisive du milieu naturel, les particu-larits des moyens de production dj acquis. L'organisation de la production est encore, dans la ralit, indistincte de l'act pro- ductif matriel lui-mme; la coopration se rgle beaucoup plus par la spontanit immdiate et les habitudes que par d~s lois conomiques objectives ou par J'action consciente des membres de la socit. La disposition des conditions de la pmduction~

    1(38) V. K. MARX, Le Capital, t. XI\~ pp. 117, 126, 213.

    u.

    Tappropriation par l'homme de son propre corps et de la nature immdiatement environnante semblent aller le soi; on n'en ,prend conscience qu' l'occasion des conflits extrieurs opposant Ja tribu d'autres tribus.

    Le premier moment du processus conomique. qui semble surgir comme une entit autonome et dont la socit primitive .prend une onscience distinct~ .. est le moment de 'la rpartition du produit, qui fait, en gnral, l'objet d'une rglementation

    .. coutumire spcifique. Avec la division de la socit en classes, un renversement

    fondamental se produit. Dans la socit esclavagiste, la disposi-tion des conditions de la production, de la terr~, des instruments et d~ hommes devient le monopole d'une classe sociale, de ia dasse dominante des propritaires d'esclaves. Cette disposition devient l'objet d'une rglementation sociale explicite et reoit rapidement la garantie de la contrainte sociale organise dans J'Etat des propritaires d'esclaves. Simultanment, l'organisation

    de la production, la gestion des forces productives, devient une fonction sociale exerce par la classe dominante d'une .manire naturelle sur la base de sa disposition de ces forces productives. Si la socit esclavagiste fait apparatre la disposition des condi-

    ~ions de la production et la gestion de la production comme des .moments part de la vie conomique, en faisant de la premire un phnomne directement sociaI, en montrarit que mme la ,-disposition qu'exerce l'homme sur son propre corps en tant que force productive ne va nullement de soi mais est un produit d'une forme donne de la vie historique, et en rigeant l'organi-sation et la gestion de la production en fonction sociale d'une dasse spcifique, en revanche elle abolit la rpartition comme moment spcifique, puisque dans l'conomie esclavagiste 'la rpar-tion en tant que rpartition du, produit entre la classe dominante -et la classe domine, est enfouie _dans la production elle-mme. La rpartition du produit est cache compltement dans le rap-port productif immdiat et possessif du matre et de l'esclave : rserver une partie de la rcolte pour les semences et une autre pour le.s esdaves n'est pas une rpartition de la production, mais relve immdiatement,_ de l'organisation de la production elle-mme. La conservation de l'esclave pour le matre n'a pas un sens conomiqt1e 'diffrent de la conservation du btail. Qua~t la rpartition du produit entre les membres de la classe domi-nante eux-mmes, elle rsu'lte, pour la plus grande part, de la rpartitioi1 initiale des co_nditions ~e la produc~ion, l_e~tement transforme par le mcamsme des echanges et 1 appantton em~ bryonnaire d'une loi de la valeur.

    25

    ., J

  • Dans la socit fodale. qui marque, en Europe occidentale tout au moins, une rgression historique par rapport la socit esclavagiste grco-romaine, le caractre autonome de la disposi-tion des conditions de la production est maintenu. Mais ici la. fonction de l'organisation de la production marque un recul. Le seigneur n'exerce une activit gestionnaire que dans llFI sens extr-mement vague et gnral : une fois la division du travail dans; Je domaine et entre les serfs fixe, il se borne imposer son respect. De mme la rpartition du produit entre les seigneurs et les serfs se fait; pourrait-on dire, une fois pour toutes : le serf devra telle partie du produit, OL tant de journes de travaii au seigneur. Ce caractre statique aussi bien de l'organisation de 'la production que de la rpartition n'est que la consquen de l'aspect stationnaire des forces productives elles-mmes dans. la priode fodale.

    Dans la socit capitaliste, les diffrents moments du pro-cessu.s conomique s'panouissent compltement et arrivent une existence matrielle inpendante. Ici disposition des condi-tions de la production, gestion et rpartition, accompagnes de l'change et de la consommation surgissent comme des entits qui peuvent tre autonomes, deviennent chacune objet spci-fique, matire propre rflexion, force sociale. Mais ce qui fait des capitalistes, la dasse dominante de la socit morderne, c'est que, diS~posant des conditions de la production, ils organisent et gr.ent la production et apparaissent comme les agents person--nels et conscients de la rpartition du produit social.

    On peut donc dire, en gnral. que : 1 o Les rapports de production, en gnral, sont dfinis : a) Par le mode de gestion de la produ,ction (organisation et

    coopration des conditions matrielles et personnelles de 'la pro-duction, dfinition des buts et des mthodes de la production);

    b) Par le mode de rpartition du produit social (intimement lie avec la gestion sous de multiples aspects; particulirement de la rpartition rsulte la monopolisation des capacit_s de direc-tion et l'orientation de 'l'accumulation, .qlJi est en dpendance rciproque avec la rpartition) et qu'ils reposent sur la rparti-tion initiale des co-nditions de la productio-n, celle-ci se manifes-tant par la disposition exclusiw des moyens de production et des objets de consommation. Cette disposition se manifeste sou-vent dans les formes juridiques de la proprit, rnais il serait absurde de dire qu'elle concide tout moment avec celles-ci ou qu'e'lle y est exprime d'une manire adquate et univoque (voir 26

    "Plus haut). Il ne faut jamais perdre de vue que cette rparti-tion initiale des conditions de la production est constamment reproduite, tendue et dveloppe par les rapports de produc-tion jusqu'au moment o une ryolution s'opre dans ces derniers.

    2 Que le contenu de classe des rapports de production fond sur la rpartition initiale des conditions de la production .(mono-polisation des moyens de production ~ar .une classe S?

  • nomie capitaliste tout d'abord pour faciliter la comprhension. En effet, clans cette analyse, partir du capitalisme signifie, d'une part. partir du connu, d'autre part, pouvoir profiter directement de J'analyse de l'conomie capitaliste offerte par !Vlarx analyse qui a approch le plus possible l'idal de l'analyse dialectique d'un phnomne historique. Mais ces raisons de mthode s'ajoute une raison de fond, qui est de beaucoup la plus impor-tante : comme on le verra, le capitalisme., ~ureaucratique ne signifie que le dveloppement extrme des lois les plus profondes du capitalisme aboutissant. la ngation interne de ces mmes lois. Il est donc impossible de saisir !;essence du capitalisme bureaucratique russe, sans lier l'examen de celui-ci celui des lois qui rgissent le capitalisme traditionnel.

    li nous faudra, gaJement, avant d'aborder notre sujet, esquisser brivement la structure des rapports de production dans une socit capitaliste. Ceci n'est ]!Jas seulement ncessaire pour dissipr les effets de la mystification stalinienne sur ce sujet, et pour rappeler que par socialisme l'on a toujours entendu dans le mouvement ouvrier. quelque chose qui n'a aucun rap-port ni avec la ralit russe, ni avec l'ide du socialisme tel"le qu'elle est propage par .les staliniens. Il est surtout indispen-sable par ce que l'identit apparente de certaines formes cono-miques - l'absence de proprit prive, le plan, etc ... -- cians le socialisme et "le capitalisme bureaucratique, rend la comparai-son des deux rgimes extrmement instructive.

    .A. - LA PRODUCTION CAPITALISTE. Nous avons vu que les rapports de production s'expriment

    dans la gestion de la prqduction et la rpartition du. produit et que leur contenu de classe dcoule du fait que la disposition des conditions matrielles de la production est monopolise par une catgorie sociale. li nous faut maintenant concrtiser cette ide dans le cas de la production capitaliste.

    i. Le rapport de production fondamental, dans la socit capitaliste, est le rapport entre patron et ouvrier. En quoi ce rapport est-il un rapport de classe ? En ceci, que la position conomiqu.e. et sociale des deux catgories de personnes qui y participent est absolument diffrente. Cette diffrence est fonc-tion de leur relation diffrente avec les moyens de production. Le capitaliste possde (directement ou indirectement) les moyens. de production, l'ouvrier ne possde que sa force de travail. Sans le concours des moyens de production et de 'la force de travail (cad. du travail mort et du travail vivant) il n'y a pas de pro-

    28

    duction possible, et ni le capitaliste ne peut se passer de l'ou-vrier, ni l'ouvrier du capitaliste aussi longtemps que ce dernier dispose des moyens de production. Le concours, la coopration du travail mort et du travail vivant (39) prend la forme cono-inique, du point de vue de l'change entre .units conomiques. indpendantes (40) de la vente de Ja force de .travail par l'ou-vrier au capitaliste. Pour l'ouvrier il est indiffrent que l'ache-teur de sa force de travail soit un patron individuel, une socit anonyme ou l'Etat. Ce qui l'inttesse c'est la position dominante que cet acheteur a face lui, par le fait qu'il dispose du capital social ou d'une parcelle de celui-ci, c'est--dire non seulement des moyens de production d.ans Je sens troit, mais mme du fonds de consommation de la socit et aussi, en dfinitive, du pouvoir coercitif, c'est--dire de l'Etat. C'est la possession du capital social et du pouvoir tatique qui fait des ca,pitalistes la class.e dominante de la socit bourgeoise.

    Voyons par quoi se traduit cette domination du capital sur. le travail dans 'l'organisation de la production et dans la rpar-tition du produit.

    2. Nous savons que tout rapport de production est, en pre-mier lieu et immdiatement, organisation des forces productives en vue elu rsu,ltat productif. Dans la socit moderne, le rap- port de production se prsente donc comme organisation de la coopration des forces productives, du capital et du travail (du travail mort

  • /

    de l'ordre impos au travail vivant et au travail mort dans leurs rapports constants que sous l'aspect de la coordination de !'ffort d'une multitude de proltaires engags dans la production (rap-ports entre 'les producteun eux-mmes et rapports entre les pro-ducteurs e1: les instruments de production), cette organisation, pour autant qu'elle ne relve pas aveuglment des conditions physiques ou techniques de la production, est assure non pas par l~s prod~cteurs eux-mn:es, mais par les individus qui personni-fient socialement le capital, par les capitalistes (42). Dans cette

    ?rg~n~sation il est, du point de vue que nous adoptons ici, md1fferent q],l'une srie de tches soient accomplies, aux che-lons infrieurs, par un personnel spcffique, n'appartenant pas (formellement ou rellement) la dasse capitaliste; il nous est de mme pour le moment indiffrent que ces tches soient de plus en plus dlgues ce personnel spcifique, et que ce soit l une tendance profonde de la production capitaliste. Il nous suffit de constater qu' l'chelon final, ce sont 'les capitalistes 01:1 leurs dlgus directs qui prennent les dcisions fondamentales, orien-tent cette organisation des forces productives, et lui fixent aussi bien son but concret (natUre et quantit du produit) que les moyens gnraux pour l'atteindre (rapport du capital constant et .variable, rythme de l'accumulation). II est vident que ces dcisions finales ne sont pas prises librement (et ceci dans plu;sieurs sens : les lois objectives de la technique, de l'conomie et de la vie sociale s'imposent la volont du capitaliste, dont le choix se meut entre des limites troites et mme dans celles-ci est en dfinitive determin par le mobile du profit). Mais pou; autant que J'action humaine en gnral joue un rle dans l'his-toire, ces dcisions finales sont 'le plan sur lequel se manifeste l'action conomique de la classe capitaliste, dont on peut dfinir le rle comme tant d'exprimer d'une manire relativemen( consciente la tendance elu capital s'aggrandir sans limites.

    Le fait que ces rapports de prodpction sont des rapports de clas'Se s'exprime flone concrtement et immdiatement par le fait qu'un groupe - ou une classe sociale - monopolise l'organisa-tion et Ja gestion. de l'activit productive, les autres tant des simples excutants, des chelons divers, de ses dcisions. Ceci signifie que la gestion. de la production sera faite par les capi-talistes ou leurs reprsentants d'aprs leurs intrts. Du point de vue du rapport productif proprement dit, c'est--dire du rap-port entre travail vivant et travail mort en vue du rsultat productif, ce: rapport est rgl par les lois immanentes de la pro-

    (42,) ~ )JAnx, Le Capital, t. XIV, p. 126.

    30

    ~'!':""'" r;,j< f

    duction capitaliste, que le capitaliste individuel et ses direc-teurs ne font qu'exprimer sur le plan conscient. Ces lois imma-nentes expriment la domination absolue du travail mort sur le-travail vivant, du capital sur l'ouvrier. Elles se manifestent en tant que tendance de traiter le travail vivant lui-mme comme du travai'I mort, de faire de l'ouvrier un appendice uniquement matriel de l'outillage, d'riger le point de vue du travail mort en unique point de vue dominant la production. A l'chellidndi-viduelle, ceci se manifeste par la subordination complte de l'ouvrier la machine aussi bien du 1point de vue des' mouve-ments que du point de vue du rythme de travail. De mme 'la coopration de plusieurs ouvriers se fait partir des besoins du complexe mcanique qu'ils servent. Enfin,. l'chelle sociale, la principale manifestation de cette subordination est la rgle-mentation du recrutement, de l'embauche (et du chmage) des. ouvriers d'aprs les besoins de l'univers mcanique.

    3 Mais les rapports de production prsentent un deuxime aspect, tout aussi important : ils sont d'une manire mdiatise des rapports d'change et partant de distribution.

    En effet, de 'la sparation des producteurs et des instruments de production -fait fondamental de l're capitaliste - il rsulte que pour les producteurs la participation la production - et partant la distribution du rsultat de cette production - n'est possible que sur la base de la vente de la seule force productive qu'ils possent, de la force de travail (celle-ci tant, ri~n .que par les consquences du dveloppement technique, compltement subordonne au travail mort), donc de l'change entre leur force de travail et une partie du _rsultat de la production. Le mono-pole exerc par les acheteurs d.e la force de travail aussi hien sur les moyens de,la production que s.tr 'le fonds de consomma-tion de la socit fait que les conditions de cet change tendent tre dktes par les .capitalistes, aussi bien en ce qui concerne le prix de la marchandise force de travail (salaires) qut> les-dterminations de cette marchandise (dure et intensit de la journe de travail, etc ... ) (43).

    La domination apitaliste s'exerce donc galement dans le domaine de la rpartition. l'l nous faut cependant voir que signifie exactement cette domination, et comment les lois cono-miques de la socit capitaliste s'expriment travers 1es rap- ports des deux classss fondamentales de cette socit.

    Les lois conomiques du capitalisme imposent la vente de la force de travail sa valel..!r . La force de travail tant, en

    l!!l

    \13 K. )f-'Rx, Le Capital, t. XIV, P' 117.

    -\

  • ,effet, dans la socit capitaliste une marchandise, eUe doit tre vendue son cot. Mais quel est le cot de la force de tra-vail ? C'est visiblement la valeur des produits que l'ouvrier consomme pour vivre et se reproduire. Mais la valeur de ces produits est tout aussi videmment la tsultante de deux. fac-teurs : de la valeur de chaque produit pris part, et de la quan-tit totaJe de produits qu,e consomme l'ouvrier. La valeur de ia force de travail dpense pendant une journe peut tre de K ob francs, si J'ouvrier se nourrit uniquement avec 1 kilo de pain, et le kilo de pain cote 1 oo francs; elle peut tre gale-ment de 100 francs, si l'ouvrier se nourrit avec deux kilos de pain, niais chaque kilo cote 50 francs; elle. peut tre de 200 francs, si l'ouvrier consamme deux kilos. de pain, le kHo cotant 100 francs. L'analyse conomique du capitalisme nous permet, sous la forme de la loi de la valeur, de connatre la valeur de chaque unit de produit entrant dans la sonsommation ouvrire et l'volution de cette valeur. Mais la 'loi de la valeur en elle- mme, sous sa forme immdiate, ne nous dit rien, et ne peut rien nous dire, sur les facteurs qu.i dterminent la quantit plus ou moins grande de produits qu.e consomme la classe ouvrire, ce qu'on appelle d'habitude le standard de vie de la classe ouvrire. Il est pourtant clair que sans une dfinition exacte de s facteurs, l'app'lication de la loi de la valeur la vente de la force de travail devient compltement problmatique.

    La question ne pouvait pas chapper Marx; il lui a donn trois rponses, qui, pour tre diffrentes, ne sont nullement con-tradictoires. Le niveau de vie de la classe ouvrire, dit-il, dans le premier volume du Capital, est dtermine par des facteurs historiques, moraux et sociaux (44). Il est dtermin, dit-il dans Salaires, prix et profits, par Je rapport des fon::es entre le prol-tariat et la bourgeoisie (45); il est, dit-il enfin dans le troisime volume du Capital, dtermin par les besoins internes de !"accu-mulation capitaliste et par la tendance inexorable de l'conomie capitaliste vers la rduction de la partie paye de 'la journe du travail au strict minimum, sous la pression de la baisse du taux de profit et de "la crise croissante du. systme capitaliste.

    Entre ces trois facteurs il existe, d'urie part, Une liaison logique, d'autre part, un ordre historique. Tous les trois sorit des facteurs qui agissent constamment et la fois pendant toute ia priode capitaliste et qui ne sont nullement extrieurs les uns aux autres-. Ainsi l'on peut ramener les facteurs historiques, moraux, ect... aux rsultats combins de la lutte des classes

    (44) I.e Capital, t. I, p. 196. (45) V, aussi Misre de la Pl!ilosopllie, p. 208 ct suiv.

    :.32

    dans le pass et de l'action de la tendance intrinsque du capi-talisme vers une exploitation toujours plus grande du prol'-tariat. L'acuit de la 1Uitte des classes elle-mme est dtermine, stre autre, par le degre de dveloppement capitaliste de la socit et ainsi de suite.

    1

    Mais il est vrai aussi que l'importance relative de ces fac-teurs varie avec le dveloppement historique; l'on peut dire en gros que le premier facteur reprsente en qeulque sorte l'hri-tage du pass, qui tend, dans un schma idal du dveloppement capitaliste, tre gaIis partout SOU,S les mfets combins de l'elOJ>ansion de la lutte de dasses et de la concentration univer-selle du capital. La lutte de classes elle-mme n'agit pas de la mme manire au dbut et la fin ae la priode capitaliste; dans 'la priode ascendante:. du capitalisme, c'est--dire aussi longtemps que les effets de la baisse du tat:fx de profit ne se font pas el)core sentir d'une manire pressantet que le capitalisme n'est pas encore entr dans la phase de sa crise organique, .le rapport de forces entre le proltariat et la bourgeoisie peut influ;encer d'une manire considrable la rpartition du produit social; c'est la priode pendant laquelle 'le succs des luttes minimum ~ peut avoir une importance relativement consid-rable et durable. Par contre, dans la priode de l'agonie du cap~talisme non seulement toute c concession ~ nouvelle au prolta-riat devient impossible pour la classe dominante, mais celle-ci est oblige par la crise organique de son conomie reprendre la classe ouvrire tout ce qu'elle s'est laiss arracher pendant 1a priode prcdente. Les rformes :. de toutes sortes devien .. nent objectivement impossibles, la socit se trouve directement devant le dilemme rvolution ou contre-rvolution, dont la tra--duction conomique, du point de. vue qui nous intresse ici, est : domination de 'la production par les producteurs ou dtermina-tion absolue de leur niveau de vie selon le besoin d'un maximum de profit pour le capital. C'est le fascisme et. le stalinisme qui se chargent (dans des cadres diffrents, comme on le verra par la suite) de raliser cette besogne dans la priode d'agonie de la socit d'exploitation. La lutte de classes, dans cette priode, agit beaucoup moins sur 'la rpartition du produit social entre ouvriers et patrons; sa signification fondamentale se trouve dor-navant dans la p.:>Ssibilit de renversement du systme d'exploi-tation de fond en comble. Son issue minimum se trouve par la force des choses concider avec son issue maximum, la lutte pour 1es conaitions lmentaires d'e vie devient directement lutte pour ta rvolution et le pouvoir. Mais aussi longtemps que cette Jivolution- n'intervient pas, c'est la soif croissat).te du capital

    33

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    pour la plus-value, qui dtermine.de plus en plus le niveau de-vie de la classe ouvrire et 'partant la valeur de la force de travail.

    Cependant, J'ensemble de s facteurs et les variations dans: 'la valeur de l force de travail, qui en rsultent, sont impor-tants essentiellement pour dterminer les tendances historiques, les lignes de force du dveloppement dans une perspect\'e rela-tivement longue. Dans une priode et pour un pays donn, on peut, comme dit Marx, considrer le niveau de vie de la classe ouvrire et partant la valeur de la force de travail, comme fixes.

    Cette valeur, considre en gros comme stable, ne se r.a'lise dans l'conomie capitaliste, comme toute autre valeur, que par la mdiation ncssaire du mar

  • de la rtribution du travail. Il va sans dire que ceci n'est pos-sible que par la ralisation complte de la gestion ouvrire de la produ.ction, c'est--dire par l'abolition de la distinction fixe et stable entre dirigeants et excutan'ts dans 'le processus de pro-duction.

    2. La rpartition du produit social consommable continue avoir la forme de l'change entre la force de travail et une partie du produit du travail. Mais cette forme a maintenant un contenu compltement renvers, et par l mme la loi de la valeur change compltement quant sa forme et son fond ), comme dit Marx (48). Nous dirions plutt que cette loi est maintenant compltement abolie.

    O>mme Marx l'a depuis longtemps rendu clair, la rmunra-. tion du travail dans une socit socialiste ne peut qu'tre gale la quantit de travail offert par le tFavailleur la socit. moins un fraction destine couvrir les frais gnraux de la socit et une autre fraction destine l'accumulation. Mais ceci fait dj que nous ne pou,vons p'lus parler dans ce cas de loi de la valeur>> applique la force de travail : car cette loi voudrait que soit donn en change de la fon::e de travail le cot de cette force de travail, et non point la valeur ajoute au produit par le travail vivant.tLe fait que 'le rapport entre le travai'l offert la socit et le travail rcupr par le travail-leur, sous forme de produits consommables, n'est ni arbitraire, ni dtermin spontanment par l'tendue des besoins individuels (comme dans la phase su,prieure du communisme), mais un rapport rglement ne signifie nullement qu'il' s'agit l d'une autre loi de la valeur . D'abord, quant la forme, il ne

    s'agit plus d'une loi socia'le, ncessairement et aveuglment effi-cace, et qui ne peut pas tre transgres~e par la force mme des choses; il s'agit d'une loi consciente, c'est--dire d'une norme rglant la rpartition des produits que les producteurs s'impo-sent eu,x-mmes et imposent aux rcalcitrants, norme dont il faut surveiller l'application et punir la transgression toujours possible. La loi de 'la valeur, dans la socit capitaliste, exprime un ordre conomique objectif; dans la socit socialiste, il s'agit d'une norme juridique, d'un rgle de droit. Quant au fond, en-suite : si le travailleur n'est pas pay de la valeur de sa force de travail mais proportionnellement la valeur qu'il a ajoute au produit,' c'est--dire si 'le mme quantum de travail qu'il a fourni la socit sous une forme, il le reoit d'elle sous une autre forme (49), nous avons l le renversement complet, la .

    (48) K. 1\0.:ax, Critique du programme de Gotha, pp. 23-23. (49) Ib., p. a. .

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    ngation absolue de la loi de ia valeur-travail. Car dans ce cas, ce qui est pris comm critre de l'change, ce n'est .plus 1e . cot objectif dri produit chang mesur en temps de travail, ce n'est plus du tout la valeur de la force de travil :. qui est paye au travailleur, mais la valeur produite par sa force de travail. Au lieu d'tre dtermine par sa cause,"Jii l'on peut dire (le cot de production de la force de travai'l), la rtribution de la force de travail est dtermine par l'effet de ceBe-ci. Au lieu. d'tre sans rapport immdiat avec la valeur qu'elle produit, la 'force de travail est rtribue sur ta base e cette valeur. Aprs coup, la rtribution de la force de travail peut apparatre comme l'quivalent exact de la valeur de la force de travail, puisque ~i celle-ci est dtermine par le niveau de vie du travailleur dans la Wcit socialiste, 'le niveau de' vie est dtermin par le salaire. Le travailleur ne pouvant pas consommer plus qu'il ne reoit de la socit, on pourra tablir aprs coup une quivalence entre ce qu'il- reoit de. la socit et le cot de production de sa force de travail. Mais il est vident que nous nous trouvons dans c'e cas dans un cercle vicieux; 'l'applica-tion de la loi de la valeur., dans ce cas, se rduit une simple tautologie, consistant expliquer le niveau de vie par le salaire) et le salaire par le niveau de vie. Si l'on se dbarrasse de cette absurdit, il devient clair que c'est 'la valeur produite par le travail qui dtermine le salaire et partant le niveau de vie lui-mme. Autrement dit. la force de travail ne prend plus la forme d'une valeur d'change indpendante, mais uniquement la forme de valeur d'usage. Son change ne se rgle plus sur 'la base de son cot, mais de son utilit, exprime par sa productivit.

    3 Une dernire . explication est ncessaire, concernant . la clbre ql.ljestion du droit bourgeois dans la socit socialiste .

    Le principe celon lequel chaque individu, dans la socit socialiste, reoit de celle-ci sous une autre forme... le mme quantum de travail qu'H a fourni . la socit sous une forme , ce droit ga:J a t qualifi par Marx de droit ingal... donc de droit bourgeois . Au tour de cette phrase, un systme de mystifications a t chafaud par les trotskistes, aussi bien que par les avocats de la bureaucratie stalinienne, pour prouver que la socit socialiste est fond sur l'ingalit, donc que l'ingalit existant en ij.u_ssie ne dmolit pas le caractre socialiste des rapports de production dans ce pays. Nous avons dj dit plus haut qu' ingalit ne signifie nullement e:cploitatiun, et qu'en Russie ce n'est pas de l'ingalit dans

    37

  • l rtribution du travail, mais de l'appropriation du travail des proltaires par la bureaucratie, donc de l'exploitation qu'il s'agit. Cette simple remarque clt la discussion sur le fond de la ques-tion. Nanmoins, un examen plus pousse du problme ne sau-rait tre inutile.

    En quoi "le mode de rtribution du travail dans la socit socialiste est-il, selon Marx, bourgeois ? Il est vident qu'il ne l'est que d'une manire mtaphorique; le serait-il littrale-ment, la socit socialiste ne serait alors, ni pl'US ni moin$, qu'une socit d'exploitation : si la socit ne payait les travaiHeurs que de la valeur de leur force de travail , et si une catgorie sociale spcifique s'appropriait la diffrence entre cette valeur et la valeur du produit du travail - c'est en cela, comme on l'a vu, que consiste la rpartition bourgeoise - nous nous trou-verions devant u.ne reproduction du systme capitaliste. Combien Marx tait "loin d'une pareille absurdit, le prouve la phrase par laquelle il clot son dveloppement sur le droit bourgeois : (Dans la socit capitaliste) les lments de la production sont distribus de telle sorte que la rpartition actuelle des objets de consommation s'ensuit d'e'lle-mme. Que les conditions mat-rielles de la production soient la proprit collective des travail-leurs eux-mmes .. une rpartition des objets de consommation diffrente de celle d'aujourd'hui s'ensuivra pareillement. Le socialisme vulgaire (et par lui, son tour, une fraction de la dmocratie) a hrit des conomistes bourgeois l'habitude de considrer et de traiter 'la rpartition comme chose indpendante du mode de production, et en consquence de reprsenter le socialisme comme tournant essentiellement autour d la rpar-tition. (50)

    Mais cette expression mtaphorique a une signifi'cation pro-fonde. Ce droit est un droit bourgeois parce que c'est u~ droit ingal . Il est ingal, parce que la rtribution des tra-vailleurs est ingale; en effet, celle-ci est proportionnelle la contribution de chacun 'la production. Cette contribution est ingale, parce que ls individus sont ingaux,. c'est--dire ~iff~rents; s'ils n'taient pas ingaux, ils ne sera1ent pas des mdt-vidus distincts. Ils sont ingaux aussi bien du point de vue des capacits que du point de vue des besoins. En rendant par tons-squent chacun le mme quantum de travail qu'elle a reu de lui, la socit n'exploite personne; mais elle n'en laisse pas moins subsister l'ingalit nature-lle des individus, rsultant de l'ingalit des capacits et des besoins de chacun. Si aux nom-

    (51}) lb., p. 25.

    38

    bres ingaux 4, 6, 8, j'ajoute des sommes gales je maintiens l'ingalit. Je la maintiens encore davantage si j'ajoute ces mmes nombres des sommes ingales proportionnelles leur grandeur. Je ne peux arriver l'galit qu'en leur ajoutant des sommes ingales tel'les, que le rsultat de l'addition soit partout le mme. Mais pour cela, sur le plan social, je ne peux plus prendre comme base la valeur produite par le travail. Sur cett hase je ne pourrait jamais galiser les individus. Il n'y a qu'une seule base sur laquelle l'galisation des individus soit pos-sible : c'est la satisfaction complte des besoins de chacUn. Le seul point sur lequel deux individus hu,m.ains peuvent devenir gaux, c'est qJ.l'ils soient tous les dux saturs. C'est alors que l'on peut dire que le rsultat de l'addition est partout1 le mme, puisque nou.s sommes arrivs partout au mme rsultat : 1a satisfaction complte des besoins. Cette satisfaction des besoins,

    set~Ie la phase suprieure de la socit communiste pourra la procurer ses membres. Jusque-l, l'ingalit des individus se maintiendra, tout en s'estompant progressivement.

    Marx exprime cette ide aussi d'une autre manire, gale-ment caractristique : ce droit est bourgeois, parce q'ue dans sa teneur, il est fond sur 1'ingalit comme tout droit. L droit, parsa nature, ne peut consister que dans l'emploi d'une mme unit, qui ne peut tre applique aux indiv.idus ingaux que par u,ne abstraction, qui fait violence ce qui est l'essence particu1ire de chaque individu, c'est--dire ces caractristi-,ques spcifiques et uniques.

    L'()n voit d.onc faci'Iement que l'ingalit, dont parlait . Ma~x, n'avait rien voir avec l'a grossire apologie de la bureau-cratie que l'on essaya de faire en partant de ces ides. Entre cette ingalit~ et l'ex:ploitation bureaucratique il y a le mme rapport qu'entre le socialisme et les camps de concentration.

    J11. - PROLETARIAT ET BUREAUCRATIE

    1. CA'RACTRES GNRAUX.

    Examinons maintenant le rapport fondamental de produc-tion dans l'conomie russe. Ce rapport se prsente, du point de vue jl:lridique et lormel, comme un rapport entre l'ouvrier et l' Etat :.. Mais l' Etat juridique est pour la sociologie une abstraction. Dans sa ralit sociale, l' Etat est tout d'abord

    39

  • l'ensemble des 'Personnes qui constituent l'appareil tatique, dans toutes ses ramifications politiques, administratives, militaires, techniques, conomiques, etc ... L' Etat est donc, avant tout, une bureaucratie, et les rapports de l'ouvrier avec l' Etat sont en ralit des rapports avec cette bureaucratie. Nous nous bornons ici constater un fait : le caractre stable et inamovible de cette bureaucratie dans son ensemb'le - non pas du p~int de vue intrieur, c'est~-dire des possibi'lits- et de la ralit des purations , etc., mais du; point de vue de son opposition l'ensemble de la socit, c'est--dire du fait qu'il y a une divi-sion de la socit russe tout d'abord en deux catgories : ceux qui sont bureaucrates et ceux qui ne le sont pas et ne 1~ d.evien-dront jamais - allant de pair avec ~tructure totalttai~e. ~~ l'Etat, enlvent la masse des travatl'leurs toute possibilite d'exercer la moindre influ~nce sur la direction -de l'conomie et de la socit en gnral. Le rsultat en est que la bureaucratie dans son ensemble dispose compltement des moyens de produc-tion. Sur la signification sociologique de ce pouvoir et sur la caractrisation de la bureaucratie en tant que dasse nous aurons revenir par la suite.

    Par le simple fait cependant qu'une partie de la popu~ation, la bureaucratie, -dispose des moyens de production, une struc-ture de classe est immdiatement confre aux rapports de pro-duction. Dans cet ordre d'ides, le fait de l'absence de la _pro-prit prive capitaliste ne joue aucun rle; la bureaucratie disposant collectivement des moyens de production, ayant su( ceu.x-ci le droit d'user, de jouir et d'abuser (pouvant crer des usines, les dmolir, les concder des capitalistes trartgers, disposant de leur produit et dfinissant leur production) joue vis-:..vis du capital social de la Russie le mme rle que les gros actionnaires d'une socit anonyme vis--vis du capital de celle-ci.

    Deux catgories sociales se trouvent donc en prsence : le proltariat et la bureaucratie. Ces deux catgories entrent, en vue de la produ;ction, en des rapports (:onomiques dtermi~s. Ces ra-pports sont des rapports de classe, en tant que 'la relation . de ces deux catgories. avec les moyens de production, est tota-lement diffrente : la bureaucratie dispose des moyens de pro-duction, les ouvriers ne disposent de rien. La bureaucratie dis-pose non seulement des machines et des matires premires, mais aussi du fonds de consommation de la socit. L'ouvrier est par consquent oblig de vendre sa for de travail l' Etat :., c'est--dire la bureaucratie; mais cette vente revt ici des

    40

    caractristiques spciales, sur lesquelles nous reviendrons sous peu. En tout cas, par cette vente se ralise le concours iniS

  • tr-iris, mais des profondes transformations structurelles de l'co-

    tlMRe dans son ensemble. De toute faon, on peut constater que l'conomie russe se

    trouve infiniment 'Plus prs de ce dernier modle que de celui

    de l'conomie capita'Jiste concurrencielle, en ce qui concerne les conditions de la vente de la force de travail. Ces conditions

    sont. exclusivement dictes par la bureaucratie, autrement dit

    eUes sont dtermines uniquement par le besoin interne crois-

    sant en plus-value de l'appareil productif. L'expression vente

    de la force de travail n'a ici aucun contenu rel : sans parler

    du trava:i'l forc proprement dit en Ru,ssie, nous pouvons dire

    que dans le cas du travailleur normal , libre russe, celui-

    ci ne dispose pas de sa propre force de travail, dans le sens o

    il en d,ispose dars l'conomie capitaliste classique. L'ouvrier ne peut, dans l'immense majorit des cas, quitter ni l'entreprise 6' il travaille, ni 'la ville, ni le pays. Quant la grve, on sait Cjtie sa consquence la moins grave est la dportation dans un

    cinp de travail forc. Les passeports intrieurs, les livrets de

    ttavaH et le M.D. V. rendent tout dplacement et tout change-

    ment 4e travail impossibles sans l'assentiment de la bureau-

    cratie. L'ouvrier devient .partie intgrante, fragment de l'outil-

    lage de l'usine dans laquell il travaille. Il est li l'entreprise

    pire que ne l'est le serf la terre; il l'est comme l'est J'crou

    la m:achine. Le niveau de vie de la classe ouvrire peut dsor-mais tre dtermin - et la valeur de la force de travail en mme' temps - uniquement en fonction de l'accumulation et

    de la cnsommation .improductive de 'la classe dominante.

    Par consquent, dans la vente de. la force de travail, .la burealljcratie impose unilatralement et sans discussion possible ses conditions. L'ouvrier ne peut mme formellement refuser de

    travailler; il doit travailler sous les conditions que l'on 'lui im-pose. part a, il est parfois libre de. crever de faim et toujours libre de choisir un mode de suicide plus intressant.

    Il y a donc raf>port de classe dans la production, il y < e~ploitation aussi, et exploitation qui ne connat pas de iimite~

    Objectives; c'est peut-tre ce qu'entend Trostky, lorsqu'il dit qw le p.arasitisme bureaucratique n'est pas de l'exploitation a1

    sens scientifique du terme. Nous pensions savoir, quant now

    que l'exploitation au sens scientifique du terme consiste en c

    qu'un groupe social, en raison de sa relation avec l'appare

    productif, est en mesure de grer l'activit productive socia

    et d'accaparer une partie du produit social sans participer dire

    tement au travail productif ou au del de la mesure de cet

    \

    part,icipation. Telle fut J'exploitatio . , est I exploitation capitaliste Telle n escla:'~giste ~t f~oda!e, telle ratique Non seulement 'Ji t est aussi 1 exploitation bureau~ tifique d.u. terme elle est ~ e es une exp~oit~tion au sens scien~ court, l'exploitation la ;lucote _une.~xpiOitatiOn scientifique tout dans l'histoire. s scient! Ique et la mieux rganise

    Constater l'existence de plus-val . , , . certes pas ni pour prouver l'ex !oit ~e , e~ general, ne suffit le fonctionnem. ent d'un sys+m ~- . ati?n, DI pour comprendre te f . . . ' e e~-onomtque On a d . 1

    mps, ait remarquer que dans la . , . , epUJs , ong-lation dans la socit social' t . '1 mesure ou Il .Y aura accumu-en tout cas dcalage entre leisp~~~ i daura au~si . plus-value, t~availleur. Ce qui est car ~, . ~I . u, travail ~t le revenu du tion, c'est l'emp'Joi de cett ac ~nstiq~e dun syst~me d'exploita-sent. La rpartition de cett: pl us-value et les lots qui le rgis-

    et fonds de consommation in; ~~dva t~e en fonds d'accumulation comme aussi le caractre et lfori u~ ~~e de la classe dominante, e. t ses lois internes voil 1 ebnl~ IOn de cette accumulation l' ' e pro erne de ba~ d l' d economw russe comme de tout . , , . . . . e etu e de d'aborder ce problme no ~economie d~ classe. Mais avant l'exploitation, le taux 'rel u~ levons exammer 1es limites de cette exploitation en Russi e a plus-valu:e et l'volution de

    commencer l'examen des loei:s en. ~!l'erne temps que nous devmns t , . regissant le taux

    d 1 1 e son evo'IutiOn tant entendu . , . e a p us-value lois ne peut tre' faite qu' f 9ue 1 anal.yse dfinitive de ces

    en onction des lois de l'accumulation.

    2. LES LIMITES .DE L'EXPLOITATION.

    Formellement, on peut dire u 1 . . plus-value , en Russie repose q e / fi~atron du. taux de la le POilvotr discrtionnair~ de l sbur arbttr~ire, ou mieux, sur ca ,.t r 1 . a ureaucratte Dan 1 . , . pl a Jste c asstque, la vente de 'la for d . . . s e regtme ~;nt un contrat, soit individuel . ce e t~avail est formelle-nere cet aspect formel se trou' so~t c~~ventiOn ~ollective; der-ou,vrier ne sont libres de. d'- ~e e att que m capitaliste ni conditions du contrat de t bc~ler et ~e fixer l.eur guise les . .d. ravai ' en fait tra . J~n Ique, ouvrier et capitaliste f , . ver~ cette forme stts conomiques' et exprime ne , ont que tradmre les nces-D~ns l'conom.ie bureaucra~i c~~cre~ement la loi de 'la valeur.

  • dpend d'un acte unilatral. de ~a burea~cratie f~it ?'.~.me part que cet acte ,peut traduire mfimment mt~ux l~s t.nteret~ .de la classe dominante, d'autre part, que les l01s objectiVes regtssant la fixation du taux de la plu,s-val.ue s'en trouvent fondamen-talement altres.

    Cette tendue du pouvoir discrtionnaire de 1a bur~a~cratie, en ce qui concerne la dfinition du sala.ire et des co~dltt~ns du travail en gnral, soulve tout de sutte une quest10n tmpor-tante : dans quelle mesure la bureaucratie, si l'on suppose qu'elle tend poursuivre le maximum d'exploitation, rencontre des en-traves son activit visant extorquer 'la plus-value, dans quelle mesure il existe des limites son activit exploite~se ..

    Il devient clair que des limites rsultant d'une apph~atton quelconque d la loi le la valeur , telle que cel!e-ct extste et fonctionne dans l'conomie capitaliste concurrencte'!le, ne peu-vent pas exister, comme nous.I'avons expos plus haut, dans le cas de l'conomie bureaucrattque. La valeur de la force de travail , c'est--dire. en dfinitive, le niveau de vie de l'ouvrier russe, devient, dans ce cadre conomique (en l'absence d'un mar-ch du travail et de toute possibilit de rsistance de la part du proltariat) une notion infinim~nt la~tique ~t fao~na?le pres-qu' souhait par la bureaucratie. Cect fut demontre d u?e ma-nire clatante ds le dbut de la priode des plans qumquen-naux c'est--dire de la bureaucratisation intgrale de l'cono-mie. n dpit de l'norme augmentation du revenu . national, survenue ' la suite de l'industrialisation, une chute monstrueuse du; niveau de v:ie des masses se fit jour, allant vide~ment, de pair avec un accroissement, d'une part, de 'l'accumulation, d au-tre part, des revenus bureaucratiques (51).

    On pourrait penser qu'une limitation. naturelle' .inlu~table s'impose l'exploitation bureaucratique, celle qu.t seratt dicte par le minimum physiologique du niveau de vie d'~n travailleur, c'est--dire par la limite impo~e par les besoms lmentaires de 'l'organisme humain. Effectivement, malgr sa bonne volont illimite en matire d'exploitation, la bureau-cratie est contrainte de laisser l'ouvrier russe deux mtres carrs d'espace habitable, quelques kilos de pain noir par mois et les haillons imposs par le climat ru,sse. Mais cette restric-tion ne signifie pas grand'chose : d'abord cette limite p~ysiologique elle-mme est dpasse, assez souvent, com~e le demon tre la prostitution des ouvrires, le vol systmattque dans les

    (51) L'tude de l'volution de l'exrtloit&tlon travers les J)lans quln-quenl'!aux sera faite dans un chapitre spcial.

    44

    usines et un peu partout, etc ... D'autre part, disposant d'une vingtaine de millions de travailleurs dans les camps de concen-tration, pour lesquels elle ne dpense pratiquement rien, 1a bureaucratie manie gratuitement une masse considrable de main .... tf.uvre. Enfin, ce qui est le plus. important, comme l'a

    dmontr la rcente guerre, mme ceux qui pourraient en .douter, rien de plus lastique que la limite phJb~ologique :. cie l'organisme humain; l'exprhmce, aussi bien des camps de concen-tration que de.s pays plus particulirement prouvs par l'occu-pation, ont montr combien l'homme a la peau dure. Par ail-leurs, la haute productivit du travail humain ne rend pas tou-jours ncessaire le recours un abaissement physiologiquement critique du niveau de vie.

    . Une autre limitation apparente l'activit exploiteuse de la bureaucratie semble rsulter de la raret relative de cer-taines catgories de travai'l spcialis, dont elle serait oblige de tenir compte. Elle devrait, par. consquent, rgler les salaires de ces branches d'aprs la pnurie relative de ces catgories de travail qualifi. Mais ce problme, n'intressant en dfinitive que certaines catgories, sera examin plus loin, car il concerne directement la cration de couches semi-privilgies ou privi-lgies et.en tant que tel touche beaucoup p:lus la question des revenus bureaucratiques qu' celle des revenus ouvriers.

    3 LA LUTIE POUR LA PLUS-VALUE. Nous avons dit plus haut que la lutte de classe ne peut pas

    intervenir. directement dans la fixation du salaire en Russie, tant donn le ligotement du proltariat en tant que classe, l'impossibilit totale de 'la grve, etc... Ceci, cependant, ne signifie nullement, ni que fa lutte de classe n'existe pas dans la socit bureaucratique, ni surtout qu'eUe reste sans effet sur la production. Mais ses effets sont ici compltement diffrents des effets qu'elle peut avoir dans la socit capitaliste classique.

    Nous nous bornerons ici deux de ses manifestations qui se tient, plus ou moins indirectement, la rpartition du produit social. La premire c'est le: vol - vol d'objets attenant direCte-ment l'activit productrice, d'objets finis ou. semi-finis, de matires premirs ou de pices de machine ~ dans la mesure o ce vol prend des proportions de masse et o une partie rela-tivement importante de la c1asse ouvrire suppJe ,J'insuffi-: sance: terrible de son salaire ,par le produit de I.a .. Veltle . .des objets vols. Malheureusement, l'insuffisance des renseignements

    45

  • ne permet pas de s exprimer actuellement sur l'tendue de ce: phnomne et par consquent sur son caractre social. Mais il est vident que, dans la mesu,re o le phnomne prend une extension tant soit peu importante, il traduit une raction de classe - subjectivement justifie, mais objectivement sans issue - tendant modi.frer dans une certaine mesure la rpartition du produit social. Ce fut semble-t-il, le cas surtout pendant la priode entre 193c et 1937 (52).

    La deuxime manifestation que Iious pouvons mentionner ici, c'est l'indiffrence active, quant au rsultat, ae la produc-tion, indiffrence qui se manifeste aussi bien sur le plan de la quantit que sur :elui de la qualit. Le ralentissement de la production, mme lorsqu'il ne prend pas u,ne forme collective, consciente et organise ( grve perle), mais garde un carac-tre individuel, semi-conscient, sporadique et chroniqe est dj dans la production capitaliste une manifestation de la raction ouvrire contre la sure:Nploitation capitaliste, manifestation qui devient d'autant plus importante, que le capitalisme ne peut ragir sa crise rsultant de la baisse du tau.x de profit qu'en augmentant la plus-\alue relative. c'est--dire en intensifiant de

    p'lu~ en plus le rythme de la production. Pour des causes en partie analogues et en partie diffrentes, que nous examinerons plus tard, la bureaucratie est oblige de pousser au, maximum cette tendance du capital dans la production. On conoit ds lors que la raction spontane du proltaire surexploit soit,. dans la mesure o la coercition policire et conomique (paiE;>-ment aux pices) le lui permet. de ralentir le rythme de 'la pro-duction. De mme en ce qui concerne la qualit de la production. L'tendue ahurissante des malfaons, dans la production russe et surtout son caractre chronique, ne peuvent s'expliqu.er uniquement ni par le caractre arrir du pays (qui a pu jou,er un rl sous ce rapport au dbut, mais qui dj avant la guerre ne pouvait plus tre srieusement pris en considration) ni par la gabegie bureaucratique, malgr l'tendue et 'le caractre croissant de cette dernire. La malfaon consciente ou incons-ciente - le dol incident, si l'on peut dire, quant au rsultat de la production ~ ne fait que matrialiser l'attitud de l'ou-vrier face une production et un rgime conomique qu'if considre comme -::~mpltement trangers. davantage mme, fon-' cirement hostile' ~' ses intrts les plus concrets.

    Il est cependJ.:-c: impossible de terminer ce paragraphe sans

    (52) Sur le voi ;.'Tb nt cr ttc P'rin!l~, voir les ouvr-ages d( Cillga, Y~ Serge, etc:.

    4:6

    .(lire queTques mots concernant la signification plus gnrale d Cs manifestations du point de vue historique et rvolutionnaire. Si l'on a l des ractions de classe subjectivement saines et cer-tainement impossibles . critiquer, oh doit nanmoins en voir l'aspect objectivement rtrograde, au mme titre, par exe.nple, que dans le bris des machines opar les ouvriers dsesprs dans la premire priode du capitalisme. A.la longue, si une autr issu,e n'est pas offerte 'la lutte de classe du proltariat sovi-tique, ces ractions ne peuvent qu'entraner sa dchance et s.:. dcomposition politique et sociale. Maj~ cette autre issue ne peut videmment pas, dans les conditions du rgime totalitaire Tusse, tre constitue par des combats partiels quant leur :sujet et leur objet, comme les grves revendicatives, que ces .conditions rendent par dnition impossibles, mais niquemeht par Ta lu,tte rvolutionnaire. Cette concidence objective des buts-minima et des buts maxima, devenue galement une caract-ristique fondamentale de la lutte proltarienne dans ies pays .capitalistes, nous retiendra longuement par la suite. .

    Ge sont ces ractions qui nous mnent soulever un autre problme, fondamental pour l'conomie bureaucratique : celuj de la contradiction ex;istant dans les termes mmes de l'exploi-tation intgrale. La tendance vers 1a .. tduction du proltariat un simple rouag de l'appareil productif, dicte par la baisse du taux du profit, ne peut qu'entraner paralllement une crise terrible de la productivit du travail humain, dont le rsultat ne opeut tre que la rduction du volume et l'abaissement de la .qualit de la production elle-mme, c'est--dire l'accentuation jusqu'au paroxysme des facteurs de crise de l'conomie d'exploi-tation . Nous nous contentons ici d'indiquer ce problme, qui sera longuement examin plus Iain.

    4- LA RPARTITION DU REVENU NATIONAL CONSOMMABLE.

    Il est manifestement impossible de procder une analyse rigoureuse du taux d'exploitation . et du taux de la plus-value

  • au moins aussi lourde que dans 'les pays capitalistes. Mais m peut arriver , un calcul plus exact de ces valeurs, bas sur des-donnes gnrales qui nous sont connues et que la bureaucratie ne peu:t pas cacher.

    On peut, en effet, arriver des rsultats certains en se basant sur les donnes suivantes : d'une part le pourcentage de la population que constitue la bureaucratie, d'autre part le rap-port de la moyenne des revenus bureaucratiques la moynne des revenus de la population travailleuse. Il est vident qu'1,m tel calcul ne peut tre qu'approximatif, mais en tant que tel il est incontestable. Par ailleurs, les contestations ou protesta-tions de la part des staliniens ou des cryptostaliniens sont irre-cevables : qu'ils demandent d'abord la publication de statis-tiques vrifies sur ce sujet Ja bureaucratie russe. On pourra enst.i.ite discuter avec eux.

    En ce qui concerne d'abord le pourcentage de la population, form par la bureaucratie, nous nous rfrons au calcul de Trotsky dans La Rvolution Trahie (53). Trotsky donne des chiffres allant de 12 15 % jusqu' 20% de l'ensemble de la population pour la bureaucratie (appareil tatique et adminis-tratif suprieur, couches dirigeantes des entreprises, techniciens et spcialistes, personnel .dirigeant des k

  • mme qui gagnent plus de 2.000 roubles pr mois (58), c'est---dire de 1 o. plus de 20 fois le salaire minimum. L'ensemble de ces lments est plu.s que confirm par les donnes qu'on peut trou-ver chez Kravchenko; des informations de celui-ci, il rsulte que les chiffres donns p'lus haut sont extrmement modestes, et qu'il faudrait les doubler ou les tripler pour arriver la vrit en ce qui concerne le salaire en argent. Soulignons, d'autre part, que nous ne tenons pas compte des avantages en nature ou indirects, concds aux bureaucrates en tant que tels (habita-:tion, voiture, services, maisons de sant, coopratives d'achat bien fournies et meilleur march) qui forment une part du revenu bureaucratique au moins aussi importante que le revenu en argent.

    On peut donc prendre comme base de calcul une diffrence de revenqs moyens ouvriers et bureaucratiques de 1 10: Ce faisant, nous agirons en ralit en avocats de 'la bureaucratie, car nou,s prendrons le salaire moyen . donn par les sta-tistiques russes de zoo roubles, dans lequel entre, pour une proportion importante. le revenu bureaucratique, comme indice -du salaire owurier, en 1936, et le chiffre de 2.000 roubles par mois (le chiffre le moins lev cit par Bettelheim) comme moyenne des revenu,s bureaucratiques. En fait, nous aurions le droit de prendre comme salaire moyen ouvrier celui de 150 roubles par mois (c'est--dire la moyenne arithmtique entre le salaire minimum de 100 roubles et le salaire moyen conte-nant aussi les salaires bureaucratiques) et comme salaire moyen bureaucratique celui au moins de 4.500 roubles par mois, auqu,el

  • l'conomie russe, M. Bettelheim nous dit queUe fut son hyp
  • 2o 9u'en ce qui _con.cerne la p~nurie ?u travail qualifi'!>,.. , n~us n accept
  • En fait, dans la situation concrte de la socit capitaliste, I_es choses se passent d'une manire assez diffrente; de muJtioles fateurs y interviennent, tous lis d'ailleurs la structure de classe .de cette socit, qui ici, comme partout ailleurs, surdter-mine l'conomie pure , Parmi ces facteurs les plus importants sont:

    1 Le niveau de vie .diffrent des diverses catgories, his-toriquement donn ;

    2 L'orientat~on consciente des couches dirigeantes vers une st~ucture pyram1dale des revenus venant du travail, pour des. ra1sons que nous analyserons plus bas;

    . 3'0 Par de~s~s tout, le mon~ole exerc sur l'ducation par les classes aisees, monopole s exprimant par une grande mul-tiplicit de manires, mais dj sous son aspect le plus grossier et le plus vrai par la difficult insurmontable de la mise de fonds initiale pour 'l'ducation oU l'apprentissage de l'enfant dans u,ne famille ouvrire.

    Nanmoins, mme dans ce cadre de classe les tendances du d~vt;Ioppement c

  • miquement ncessaires entre les salaires serait au plus de 1. z (en ralit, comme nous l'avons vu, de moins). Aucun des facteurs~ altrant le fonctionnement de cette loi dans Ja socit capita--liste n'enfrerait alors en jeu : le monopole sur l'ducation serait aboli, la socit n'aurait aucune raison pou,r pousser la diff-renciation des revenus, mais toutes les raisons pour amoindrir cette diffrenciation, enfin le niveau de vie spcifique hrit du pass des diffrentes branches ne serait pas pris en consi- dration (comme on le verra par la suite, il n'a en fait jou aucun rle dans Je cas russe, o on a procd la cration de nouveau d'un niveau de vie surlev pour les couches privi-lgies).

    b) Quid maintenant en ce qui concerne la pnurie ven-tuelle de certaines branches de la production en force de tra-vail ? Comme nous l'avons dj indiqU, ce n'est pas la diffren-ciation des rmunrations qui garantit dans une socit capi-taliste le recrutement stable des diffrentes branches en force de travail dans la proportion qui leur est ncessaire. Nous allons passer en revue les trois cas principaux d'une telle pm~rie qui peuvent se prsenter.

    Le premier cas est celui des travaux particulirement pni-bles, dsagrables ou malsains. Il ne nous semble pas que ce cas-posera un problme particulirement difficile rsoudre pour, J'conomie socialiste. D'une part, son tendue est 'limite, d'autre .part, l'conomie socialiste hritera de la situation de la produc-tion capitaliste, dans laquelle le problme est dj en rgle gnrale rsolu. De toute faon, la socit devra offrir aux tra-vail"leurs de ces branches une compensation, essentiellement sous. la forme d'une dure moindre de la journe de travail, et subsi-diairement sous la forme d'une. rmunration suprieure la moyenne. Dj actuellement, en tout cas en France et aux~ U.S.A., le salaire des mineurs s'lve au-dessus de la moyenne du salaire des . branches rqurant une qualification analogue, mais cet excdant ne dpasspas 50 % du salaire moyen.

    Le deuxime cas est celui d'une pnurie temporaire dont peu--vent ventuellement sou.ffrir certaines branches, pnurie en force de travail non-qualifie ou. en gnral, pnurie qui peut tre comble par un simple: dplacement de travailleurs. sans exiger-une nouvelle spcification de la force de travail existante. Ici, un stimulant pcuniaire serait indispensable pour' une